29
No 5 décembre 2008 Les forces et les potentiels de la formation Spécial Neuchâtel

PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Après Genève (2006), le Jura (2007), c’est cette année au tour de Neuchâtel d’assurer l’élaboration d’un numéro spécial. Ce dossier traite des formations, sur fond de 40e anniversaire de la Fondation les Perce-Neige.

Citation preview

Page 1: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

No 5 décembre 2008

Les forces et les potentiels de la formation

Spécial Neuchâtel

Page 2: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

Impressum Pages romandes Revue d’information sur le handicap mental et la pédago-gie spécialisée, éditée par la Fondation Pages romandes, Institution de l’Espérance, 1163 Etoy

Conseil de FondationPrésident : Charles-Edouard Bagnoud

Rédactrice et directrice de revueSecrétariat, réception des annonces et abonnementsMarie-Paule ZuffereyAvenue Général-Guisan 19CH - 3960 SierreTél. +41 (0)79 342 32 38Fax +41 (0)27 456 37 75E-mail: [email protected]

Comité de rédactionMembres: Marie-Christine Ukelo-Mbolo Merga, Olivier Sala-min, Valérie Melloul, Eliane Jubin Marquis, Laurie Josserand, Sébastien Delage, Marie-Paule ZuffereyResponsable de publication: Charles-Edouard Bagnoud

Parution: 5 numéros par anMi-février, mi-avril, mi-juin, mi-septembre, début décembre

Tirage minimal: 800 exemplaires

Abonnement annuelSuisse Fr. 45.--AVS, étudiants Fr. 38.--Abonnement de soutien Fr. 70.--Etranger Euros 35.--

Publicité et annonces - Tarifs1 page Fr. 800.--1/2 page Fr. 500.--1/4 page Fr. 250.--1/8 page Fr. 125.--1/16 page Fr. 50.--Tarifs spéciaux pour plusieurs parutionsLes demandes d’emploi provenant des étudiants des écoles sociales romandes sont gratuites

Délai d’insertion2 semaines avant parution

Compte bancaireBanque cantonale du Valais, 1951 SionEn faveur de K0845.81.47 Pages romandesCompte 19-81-6Abonnement pour la France: faire parvenir vos coordon-nées et votre règlement par chèque bancaire à Jean-Fran-çois Deschamps108, rue Ire ArméeF - 68800 Thann

GraphismeClaude Darbellay, www.saprim.ch

Mise en pageMarie-Paule Zufferey

ImpressionEspace Grafic, Fondation Eben-Hézer, 1000 Lausanne 12

Crédits photographiques et illustrationsTourisme neuchâtelois, Marie-Annick Blanchard, Francis Garnier, J.-B. Vuille, R. Jeanmaire, Benoît à la Guillaume, Ennio Bettinelli, Eric Maire, Eddy Blandenier, Fondation les Perce-Neige, archives Pages romandes

Photos de couverture: Tourisme neuchâtelois

N.d.l.r.: Les articles signés n’engagent que leurs auteurs. La présentation, les titres et les intertitres sont de la rédaction.La reproduction des textes parus dans Pages romandes est souhaitée, sous réserve de la mention de leur source.

©Pages romandes

Sommaire

Dossier: Spécial Neuchâtel

2 Tribune libre Jacques Laurent

3 Editorial Sébastien Delage

4 GPS et TGV; aller très vite sans savoir où Gilbert Fallet

7 L’apprentissage du social Jacques-André Maire, interview

9 Former les professionnels... Vincent Martinez, interview

10 Des formations en mutation... Jean-Jacques Combes

11 De la constante en politique... Rencontre avec Jean-Pierre Tritten

12 Quelle formation pour nos jeunes avec un handicap mental? Regards de parents, insieme Neuchâtel

13 Les droits à une formation pour tous Interview Pierre-Yves Blanc

15 L’intégration scolaire des enfants présentant des TED Rencontre avec Madeleine Ackermann

16 Les atouts d’une formation élémentaire Rencontre avec Jean Vuille

17 Un club pour la formation continue Simone Juillerat et Patrice Chaduc

18 Connaître l’autre, c’est se former à la vie Valérie Reuge et Olivier Maurer

19 L’art, un vecteur de l’affirmation de soi Julien Boisandan

20 Quand une vente d’allumettes allume l’intérêt... Rencontre avec E. Maire et M. Rondez

22 Clown Ensemble Rencontre avec Eddy Blandenier

23 La formation, un projet de société Alex Fischli

24 La formation des éducateurs, un élé-ment-clé du credo Alfaset

Genève: un Service de relève pour parents de personnes handicapées Anne-Michèle Stupf

Page 3: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

Tribune libre

En 1979, alors que je dé-butais dans le domaine de l’éducation spécialisée, je me souviens de mon admi-ration pour quelques collè-gues d’envergure. Certains d’entre eux, émergeant du lot des «sociaux», avaient un tel charisme que les adolescents délinquants dont j’avais à m’occuper les auraient suivis sans bron-cher jusqu’au bout de la Terre… Parmi ces éducateurs excep-tionnels, il y avait Jean-Pier-re, carrossier valaisan, dont l’engagement et le bon sens auront sans conteste per-mis à quelques gars, dont le casier judiciaire n’était pas franchement rose, de se re-construire une vie passion-nante.Jean-Pierre n’avait pas l’om-bre d’un diplôme, à part ce-lui de carrossier; il travaillait à une époque où la forma-tion d’éducateur exigeait un plus vaste bagage scolaire qu’un CFC. Et pourtant!La profonde transforma-tion du panorama de la formation dans le domaine social, avec sa nouvelle offre de trajectoires certificati-ves, est un cadeau pour les bénéficiaires de prestations de nos institutions sociales: elle permet à des «Jean-Pier-re» de donner goût à la vie à des délinquants, dignité à des personnes en situation de handicap, ou courage à

des adultes en difficultés so-ciales. L’avènement du CFC a réhabilité la richesse de l’être, autrefois obligée de se doubler d’une capacité sco-laire; c’est donc aussi un ca-deau fait à celles et ceux que la vie des autres intéresse, sans souhaiter pour autant en faire une théorie.Ce message n’a pas pour but de condamner la formation et le perfectionnement pro-fessionnel auxquels je voue la plus grande attention. Mais il veut interpeller les sceptiques de l’élargisse-ment des voies profession-nelles du domaine social aux titres non-HES.Chacun, qu’il soit porteur d’un CFC, d’un diplôme ES ou du label HES, a, pour autant qu’une sélection soi-gneuse interroge sa capacité à prendre de la distance face à sa mission, des qualités humaines. Le domaine de l’éducation, à l’instar de l’enseignement d’ailleurs - et chacun l’a vécu - s’enri-chit de ces métiers de l’inné, sans rien retrancher à l’im-portance de l’acquis. Le porteur d’un diplôme HES a appris beaucoup de choses? Grand bien lui fasse et confions à son futur di-recteur la responsabilité de lui proposer une tâche en conséquence. Le porteur d’un CFC n’en sait pas moins, il exercera simple-ment une autre fonction,

complémentaire, au même titre que l’entreprise à la-quelle vous donnez à refaire la peinture de votre mai-son est dirigée par un pa-tron, puis dispose de chefs d’équipes et heureusement aussi, d’artisans formés et si possible passionnés par le fait de peindre.«Je n’engagerai jamais de CFC!» m’assurait l’autre jour un directeur d’institu-tion pour personnes en dif-ficultés psychiques. Il avait peut-être raison, mais il avait tort d’en faire un prin-cipe. Un cahier des charges rédigé sans a priori peut en effet faire aboutir un res-ponsable d’établissement à la conclusion que les tâches attendues ne correspon-dent pas au référentiel de compétences d’un porteur de CFC, au même titre qu’un physicien ou qu’un forgeron ne seraient pas appropriés à cette mission. Mais de grâce, ouvrons nos institutions, quand faire se peut, aux porteurs de CFC, diversifions notre approche des compétences à mettre en œuvre en faveur de nos pensionnaires.Et puis je me dois de pour-fendre une autre fausse vé-rité. En qualité de chef de service, fonction soit dit en passant, simplement complémentaire à celles de directeur d’établissement, d’éducateur ou de veilleur,

j’entends parfois dire que ces nouveaux professionnels répondent à une logique d’économie. Qu’il soit dit ici et une fois pour toutes que cette assertion est fan-taisiste. On se rappellera que le domaine social, com-me celui de la santé ou celui des métiers de la forêt aupa-ravant, a rejoint l’OFFT et s’est aligné sur un modèle général et pertinent, c’est tout.A propos de l’OFFT, juste deux petits coups de gueule quand même: il ne faut tout de même pas exagérer avec la multiplication des types de formation dans le domaine social; je viens de vanter le mérite d’un cer-tain élargissement, mais il y a des limites! Et puis, maintenant que c’est fait, j’appelle de mes vœux un arrêt sur image: peaufinons ce qui existe, consolidons les contenus de formation, mais les incessants chan-gements de plan d’étude, du nombre de semaines de stages ou des appellations finiront par lasser les plus engagés.Condamner une formation au prétexte qu’elle n’est pas à la hauteur de l’exigence d’un domaine professionnel tient d’une mauvaise appré-ciation de la situation; et se tromper dans l’appréciation d’une situation tient d’une mauvaise formation!

Le mot du chef de serviceJacques Laurent, licencié en sciences de l’éducation, chef de service des établissements spécialisés du canton de Neuchâtel

Jacques Laurent recommande à tous une journée, voire une nuit mais c’est un peu cher, à l’Hôtel Palafitte, aussi beau que bon, pour faire bref.

Tour

ism

e ne

uchâ

telo

is

Page 4: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

Edito

Regards neuchâtelois sur les formations socialesSébastien Delage, éducateur spécialisé, coordinateur de ce «Spécial Neuchâtel»

Voici donc un numéro «Spécial Neuchâtel», axé sur les forces et potentiels de la formation, tels que cuisinés à la sauce neuchâ-teloise. En ce quarantième anniversaire de la Fondation «Les Perce-Nei-ge», il eût été trop simple de n’axer les reportages que sur un seul prestataire. Dans une volonté d’ouverture, pas nouvelle dans notre canton, j’ai souhaité que ce «Spécial Neuchâtel» soit re-présentatif de l’ensemble de nos forces cantonales qui, au quoti-dien et dans un effort remarquable, œuvrent pour une meilleure qualité de vie des personnes avec un handicap mental.Pardon à tous ceux qui n’auront pu y figurer: les contraintes matérielles font qu’une sélection a dû être opérée pour permet-tre à une diversité maximale d’interlocuteurs d’exprimer leurs valeurs ou de présenter leurs dispositifs.Ma gratitude va à toutes celles et ceux qui ont pris du temps pour me recevoir. Ces rencontres resteront gravées dans ma mé-moire. Elles permettent de constater que le social neuchâtelois recèle des terreaux impressionnants de fertilité, et un foisonne-ment à la mesure des valeurs qui animent les acteurs sociaux de notre beau canton.Je vous souhaite une agréable lecture.

Afin d’agrémenter l’itinéraire, chaque interlocuteur de cet opuscule vous suggère un voyage touristique particulier; une occasion pour vous de découvrir des coins et des recoins de notre canton. Cer-tains sont mémorables, d’autres charmants ou grandioses... Faites honneur aux suggestions de balades qui vous sont faites, vous ne le regretterez pas!Pour ma part, je vous conseille de faire halte dans le village d’Auver-nier et de flâner quelques instants dans ses petites ruelles...

La formation déclinée en sigles:

CFC: certificat fédéral de capacitéHES: Haute Ecole SpécialiséeASE: Assistant socio-éducatifES: Educateur social de niveau Ecole supérieureOFFT: Office fédéral de la formation professionnelle et de technologieHARMOS: Accord intercantonal sur l’harmonisation de la scolarité obligatoire

La route du tour de Romandie

Durant les premières années de l’existence de Pages romandes, la responsabilité de la rédaction du jour-nal incombait tour à tour à chacun des cantons romands. A l’approche de la cinquantaine, la revue a souhaité remettre le concept de tournus en activité. Depuis trois ans, le dernier numéro de l’année est ainsi laissé à la disposition d’un canton, qui en fait un usage personnalisé. Après Genève (2006) et le Jura (2007), c’est aujourd’hui le tour de Neuchâtel. Sébastien Delage, éducateur spécialisé et membre neuchâtelois du comité de rédaction a accepté la responsa-bilité d’élaborer en-tièrement ce numéro. Nous l’en remercions.Il nous invite à un voya-ge au cœur de son can-ton, à travers la lorgnet-te de «la formation». Entre Doubs et Creux-du-Van, entre les douceurs du bord du lac et les froidures de La Brévine, vous aurez tout le temps de ruminer les bonnes questions soulevées avec perti-nence par les uns et les autres, à propos, no-tamment, des nouvelles formations des profes-sionnels du social... L’itinéraire comprend également l’inventaire des offres de formation mises à la disposition des personnes avec un handicap, dans le canton de Neuchâtel...Bon voyage!

La rédaction

Page 5: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

En mettant sur le marché les as-sistants socio-éducatifs, avons-nous suffisamment mesuré les conséquences qu’allait engendrer ce changement?

En effet, depuis maintenant 3 mois, les institutions qui ont choisi de col-laborer avec ces nouveaux profession-nels découvrent les réalités quotidien-nes de la superposition des fonctions. Certes, nous avons toujours connu la multiplication des métiers dans nos domaines. Personne n’a décrié cet état. Il était même salutaire.En période de difficulté de recrute-ment, le canton avait même créé une classification «CFC utile à la fonc-tion» pour favoriser des embauches à des conditions salariales décentes. Di-tes-moi, en passant, s’il existe beau-coup de CFC inutiles à la fonction éducative dans le domaine qui nous concerne? En périodes d’ouvertures, nous avons accueilli avec intérêt di-vers professionnels de l’action sociale ayant des métiers que nous pourrions dire en marge du cadre éducatif: psy-chologues, enseignants, infirmiers… Les résultats de ces expériences ont été très souvent favorables et tout le petit monde du milieu a bénéficié de ces apports qualitatifs et quantitatifs. Aujourd’hui, les données sont diffé-rentes. Ce ne sont plus des notions de diversité et de provenance qui enri-chissent la pratique, mais nous som-mes confrontés à une superposition de métiers dans un champ d’action défini et de plus en plus restreint. Ceci est focalisé par une évolution de nos institutions à répondre à des missions et à des attributions qui ne cessent d’évoluer pour répondre à des besoins de compétences spéciali-sées aujourd’hui cantonales, demain régionales. Dès lors, dans cet envi-ronnement en mutation, les chan-gements exogènes aux entreprises ont encore plus de résonance car ils

fragilisent d’autant l’édifice déjà dés-tabilisé. L’arrivée, depuis cet été, d’as-sistants socio-éducatifs certifiés est et sera un facteur supplémentaire à ces mutations. Certains diront que le dé-séquilibre est une source énergisante et qu’il est le moteur de l’évolution. Simplement, trop de déséquilibre a l’effet contraire et nos établissements cumulent ces évolutions au point de ne plus leur permettre d’intégrer ces mutations et d’apporter des réponses adaptatives, de qualité et pérennes. RPT1, LIPPI2, formations, regrou-pements… sont autant de défis qui, additionnés, produisent leur somme d’effets péjorants. Je m’attarderai ci-après sur l’aspect de trois métiers de l’éducation qui concerne la majorité des collaborateurs qui contribuent au bon fonctionnement de nos ins-titutions: les «ase», les «éduc.» et les «éduc. spé.»...

CFC / ES / HES

Chaque filière y va de son credo, de sa spécificité. Chacun s’accorde à définir son périmètre d’action, ses sphères de responsabilités et ses rela-tions fonctionnelles, quand elles ne sont pas hiérarchiques. Actuellement trois métiers sont définis et réperto-riés, reconnus et classés, déclarés et promus. Derrière cette offre, la pos-sibilité pour un maximum de person-nes d’embrasser une carrière dans le domaine éducatif sans frein à l’en-trée en formation pour autant que la besace contienne le sésame qui en ouvre la porte. Les campagnes d’in-formation sur ces filières sont vives et les résultats probants. Les centres de formation affichent complets, voire dédoublent les volées pour satisfaire la demande. Mais la demande de qui? Des futurs apprenants, c’est sûr; des employeurs potentiels, ça l’est peut-être un peu moins, pour preuve les difficultés rencontrées par les centres

de formations pour recenser des ter-rains de stages. En effet, et sans parler des éléments financiers en lien avec les rémunérations servies aux concer-nés, comment, concrètement, trouver les meilleures places, aux meilleurs moments dans les meilleurs endroits? Alors, osons la question: est-il possi-ble de faire cohabiter dans le même environnement, 3 métiers aussi pro-ches les uns des autres? Le domaine éducatif n’est pas le seul à adopter cette voie. Des infirmiè-res aux mécaniciens automobiles en passant par les électriciens et bien d’autres, chaque corporation réac-tualise son plan de formation et ses métiers. Il y a une ou deux décennies, nous pouvions recenser le personnel qualifié: les diplômés, les certifiés et le personnel non qualifié: les aides. Depuis, est venue se greffer une nou-velle caste: l’auxiliaire (l’ancien CFC utile...), et ceci dans bon nombre de métiers. Cependant, le terme d’auxi-liaire n’est pas très valorisant, diffi-cile de s’en faire une représentation et compliqué à positionner dans des systèmes de classification des fonc-tions. Par contre, l’auxiliaire répon-dait à l’ensemble du cahier des char-ges du domaine: corvéable quand il le fallait, spécialiste lorsque le besoin se présentait et toujours au poste. On disait que, en son absence, la maison ne marchait que sur une jambe. Le temps a passé et les titres profession-nels ont évolué. L’aide éducateur s’est vu ouvrir des possibilités de forma-tion par l’émergence du métier d’as-sistant socio-éducatif, l’auxiliaire s’est inscrit dans des écoles supérieures et se dénomme depuis «éducateur so-cial», quant à l’éducateur spécialisé, nous avons ajouté un HES dans son titre. Dès lors, comment s’y retrouver dans cette vaste jungle des métiers?

1 RPT: réforme de la péréquation financière et de la répar-tition des tâches entre la Confédération et les cantons2 LIPPI: Loi fédérale sur les institutions

GPS* et TGV* : aller très vite sans savoir où...Réflexions sur le paysage de la formation dans le secteur socio-éducatif en hôpital psychiatriqueGilbert Fallet, directeur de l’Unité de réadaptation de l’Hôpital psychiatrique cantonal de Perreux, Neuchâtel

Page 6: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

5

Agir autonome et agir encadré

La réponse ne s’est pas fait attendre. Si tous sont censés agir, certains le fe-ront de manière autonome et d’autres en étant encadrés. Voilà qui devrait mettre tout le monde d’accord et per-mettre de justifier les écarts de salaires importants entre ces deux groupes. Ceci, d’autant plus que cette manière de répartir les ressources est carté-sienne, non ambiguë et claire pour un grand nombre des acteurs concer-nés. Elle permet de construire des descriptions de fonction et d’inclure des relations fonctionnelles et hié-rarchiques, même si les chantres du moins de hiérarchie ont de la peine à s’en convaincre. Sans trop l’écrire, les HES seront les autonomes et les encadreurs et les ASE les encadrés… autonomes quand les circonstances l’imposeront, mais nous le verrons plus loin.Et les éducateurs sociaux, les ES, en-cadrés ou autonomes? Si nous pou-vons nous accorder à reconnaître la différence entre les premiers nommés, les CFC et les HES, il est moins aisé de tenir cette théorie pour les ES. La pratique et la cohabitation m’incitent à proposer un nouveau vocable: l’agir indépendant. L’observation quoti-dienne au travers du «rôle» de pro-priétaire du processus d’accompagne-ment du bénéficiaire, avec toutes les réserves qui doivent être mises à cette affirmation, interroge bien cette dif-ficulté à se positionner dans l’échelle des fonctions. Nous avons, aujourd’hui, trop de métiers dans un même champ de compétence et de là, de responsabi-lités. Le professionnel a besoin, pour se réaliser dans son travail, d’un es-pace d’autonomie en relation avec les acquis de sa formation reconnus par son titre professionnel. Les spéci-ficités développées au travers de son expérience, de sa personnalité, de son

vécu, viendront enrichir, compléter, valoriser, mais pas remplacer le titre acquis. Alors vient se greffer la repré-sentation du rôle, de la fonction. Cet-te représentation est modelée dans la formation, au sein des programmes et des savoirs enseignés. Au travers des écrits de l’OFFT et des représentations des profession-nels, le rôle de l’assistant socio-édu-catif ne semble pas poser trop de problèmes. Le temps donnera cer-tainement raison au modèle. A l’op-posé, la fonction HES entre dans la tourmente. Les questions de la pertinence de la formation, en lien avec les exigences du terrain, sont soulevées. Les réponses sont peu sa-tisfaisantes. Par contre, un point sur lequel chacun semble s’accorder et qui renforce cette définition d’auto-nomie est la nécessité d’avoir, au sein des équipes socio-éducatives, un nombre limité de ces professionnels. Dès lors, ils peuvent être mobilisés dans leurs sphères de connaissances et de compétences, en complément aux assistants socio-éducatifs. Si cela s’arrêtait là, je pourrais conclure cet essai et dire que tout va bien dans le meilleur des mondes... Eh bien non, nous avons encore les éducateurs so-ciaux ES, les collègues que nous dé-nommions: «les agir indépendants». Où les positionner ou, autrement dit, où positionner les autres profes-sionnels? Le GPS pourrait nous être d’une aide éventuelle!

La semaine, le week-end et la nuit

En résumé, les unités socio-édu-cative sde l’hôpital psychiatrique cantonal de Perreux offrent un lieu d’accueil et de vie à des personnes adultes ayant des troubles sévères du comportement associés à un handi-cap mental et/ou une maladie psy-chiatrique, dans des programmes de

réadaptation, de maintien des acquis et d’accompagnement à long terme. En termes d’organisation du travail, les unités sont pour la plupart subdi-visées en groupes de 6 à 8 résidants. La charge de travail est évaluée au moyen de l’outil PLAISIR et les res-sources en personnel d’accompagne-ment sont en moyenne de 0.95 EPT (équivalent plein temps) par résidant, cadres compris.En observant l’organisation du travail et la répartition des ressources, nous distinguons trois périodes distinctes: le week-end, la semaine et la nuit.Dans la première, tous les profession-nels de l’action éducative se mobili-sent, du CFC aux HES en passant par les ES. Chacun est, tour à tour, auto-nome, encadre et «s’encadre» et est indépendant. La rareté des ressources et les défis à relever conditionnent l’organisation et les responsabilités. Pas compliqué à comprendre, puis-qu’il n’y a pas plus de deux personnes par groupe, en même temps…En semaine, les choses se compli-quent car les activités, donc les res-sources, sont plus nombreuses. Dès lors, il arrive constamment que les trois groupes professionnels soient re-présentés dans l’action et collaborent à l’activation des programmes. L’ana-lyse rétrospective des interactions professionnelles difficiles, en lien avec le processus d’accompagnement des bénéficiaires, met en évidence quel-ques généralités:- la survenance des difficultés rela-tionnelles entre personnes issues de groupes professionnels:

CFC et HES est rare; CFC et ES est relevée; ES et HES est courante;

- l’arbitrage d’un cadre est nécessaire dans la majeure partie des situations;- en règle générale, des répliques de la situation sont relevées durant plu-sieurs jours dans les interactions diffi-ciles ES-HES, malgré l’arbitrage.

•••

Tour

ism

e ne

uchâ

telo

is -

La V

ue d

es A

lpes

...

Page 7: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

Deux avertissements sont nécessai-res:

Cette analyse n’a pas de caractère «scientifique», elle est l’émanation d’ambiance et de perception, soit transmise par des rapports d’incident, par des comptes rendus de séances, soit par des impressions, sentiments relevés «au passage» par les cadres présents ou appelés en soutien.

Le recul de l’observation est très faible (3 mois) et l’échantillon (12 situations) pas suffisamment étoffé pour tirer une règle.Pour conclure cette observation, le service de nuit ne semble pas touché par ces difficultés: trois personnes qui veillent seules dans leurs groupes. Un collaborateur est obligatoirement de formation éducative ou équivalente HES, un autre infirmier et le troisiè-me expérimenté; en général, un aide éducateur.

Qu’en dire et que conclure?

Une règle de la dynamique de grou-pe est d’emblée mise en évidence: le rassemblement de plus de deux per-sonnes génère des interactions croi-sées qui vont avoir des incidences dans cette dynamique. Une autre règle, cette fois de ma-nagement: les tâches doivent être réparties de façon à ce que chaque groupe professionnel n’empiète pas sur le champ d’un autre groupe. Nous pourrions également citer une règle de gestion: toute différence de rémunération doit pouvoir se justi-fier par des différences significatives dans les tâches, responsabilités et pré-requis.En posant ces 3 paradigmes, nous avons une réponse à notre question-nement: il y a manifestement pro-blème, et même plusieurs...

Des différences significatives de rémunération existent entre les trois fonctions énumérées sans mettre suf-fisamment en avant des différences significatives dans les tâches, respon-sabilités et pré-requis. Cela est parti-culièrement visible entre la fonction ES et les deux autres fonctions.

Les descriptions de poste des fonc-tions concernées ne mettent pas suffi-samment de différence entre chacune d’entre elles ou, tout au moins, entre la fonction ES et la fonction HES.

Le terrain d’action à Perreux n’est pas suffisamment grand pour per-mettre à chacune de ces fonctions d’y développer un rôle propre, une spé-cificité.

Les trois fonctions n’arrivent pas à développer, dans une dynamique de complémentarité, une plus-value spécifique à elle-même.

La porte est grande ouverte pour maximiser les interactions croisées et la triangulation, néfaste à l’harmo-nie qui devrait prévaloir à ce type de fonctionnement.Dès lors, constat à l’appui, quelles mesures serait-il judicieux de mettre en œuvre pour solutionner cette si-tuation? Les plus anciens pourraient affirmer que ces évolutions dans les métiers et les titres qui leurs sont dé-cernés sont à l’origine du problème et que supprimer tout cela serait la so-lution. Les optimistes demanderaient du temps au temps, que tout ren-trerait dans l’ordre, l’humain ayant horreur du vide et de l’imprécision. Et entre les deux toutes les solutions, originales et inédites.Plus prosaïquement, problème sou-levé, réponse à apporter:

ne faisons pas un TGV: Traite-ment à Grande Vitesse.

mettons-nous en mode GPS: Gestion Participative Simplifiée...

Et si nous lancions un pavé dans la mare?Il n’y a pas de place pour trois métiers éducatifs dans l’accompagnement des personnes atteintes durablement dans leur santé mentale. Privilégions deux axes déjà développés: l’agir encadré et l’agir autonome. Sup-primons l’agir indépendant, suppri-mons la fonction d’éducateur social ES. Valorisons l’option de la fonction certifiée (CFC) au côté de la fonction diplômée (HES). Et allons plus loin: exigeons de nos éducateurs sociaux qu’ils assument un rôle autonome au même titre que nos éducateurs HES et qu’ils acquièrent cette équivalence au travers de leur cursus de forma-tion, de formation en cours d’emploi ou de modules spécifiques.

Les bons professionnels, au bon endroit, au bon moment...

Aller très vite sans savoir où! Ce n’est pas la première fois que nous avons besoin d’expérimenter les choses pour être en mesure de s’en distancier et de prendre les bonnes décisions. Cela s’appelle le besoin d’appropriation. La science sociale n’est pas mathématique, elle est aussi empirique. Tout n’est pas gravé dans le marbre. Les acteurs du social y mettent aussi du cœur, car sans ça, comment pourraient-ils se ressourcer et apporter, jour après jour, l’énergie de vie dans les unités? Alors admettons que le modèle de cohabita-tion des trois métiers n’est pas optimal et que la réponse de la formation aux besoins de professionnels compétents doit encore être affinée. Utilisons la chaîne commencée pour y tisser une suite. Et, en finalité, donnons aux bé-néficiaires tous les atouts pour qu’ils puissent se réaliser dans des projets de vie, accompagnés par les bons profes-sionnels, au bon moment et au bon endroit.

*TGV: Traitement à Grande Vitesse*GPS: Gestion Participative Simplifiée

Un lieu fétiche, pour inviter à la balade? Je conseille le môle nord de l’embouchure de la Thielle dans le lac de Neuchâtel par très fort vent d’ouest, météo grisâtre et pluie fine. Avec un peu d’imagination, c’est notre Pointe de Saint-Matthieu (ex-trême ouest de la Bretagne, au pied de l’Atlantique et en face des Amériques...).

Mar

ie-A

nnic

k Bl

anch

ard

Page 8: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

Chef du Service de la Formation Professionnelle et des Lycées neuchâtelois (SFPL), Jacques-André Mai-re organise l’ensemble de la formation post-obli-gatoire du canton de Neuchâtel. Il nous paraissait important de connaître son avis sur l’actualité et le devenir de la formation des collaborateurs dans le monde du social.

Monsieur le Chef de service, vous venez d’accomplir une mutation importante ayant trait aux professions de la san-té et du social. Comment s’est accompli ce changement?Suite à une modification de la Constitution fédérale, nous avions le devoir, dès 1999, d’intégrer les formations du social et de la santé, qui avaient une culture riche, au sein de la formation professionnelle «traditionnelle» de niveau CFC. Nous avons beaucoup dialogué avec les écoles et les institutions. Les formations du social et de la santé étaient «riches» pédagogiquement; nous avons donc souhaité amener un peu de cette richesse au reste de la formation professionnelle. En échange, la formation professionnelle «traditionnelle» amenait, elle, une systématique et des niveaux clairs, qui doivent amener à une répartition des responsabilités dans les institutions.

Ainsi, vous vous occupez de la répartition des responsabi-lités dans les institutions?En aucun cas: c’est le travail de l’ORTRA1 cantonale de définir les rôles liés aux niveaux différenciés des forma-tions. Comme SFPL, nous n’avons ni le pouvoir ni la compétence de nous suppléer aux employeurs. Nous ne souhaitons pas nous intéresser au cahier des charges des différentes fonctions professionnelles.

Donc, transition heureuse?On sentait une résistance très forte des écoles de niveau ESTS (futures HES-bachelor), qui voulaient garder la compétence sur l’ensemble du système de formation, et disaient du CFC que ce serait une sous-formation. L’en-jeu était de dire qu’il y aurait une sous-enchère au sein de la répartition des postes. Une fois qu’ont été dépassées les craintes de départ, le dialogue s’est bien instauré, tant avec les employeurs qu’avec les écoles.Nous avons désormais, par l’intermédiaire de l’ORTRA, un interlocuteur unique comme association profession-nelle. Ses répondants et nous-mêmes sommes très heureu-sement complémentaires.

On le dit souvent: les CFC dans le social, c’est de la sous-enchère, une sorte de déqualification…Pour nous, la découverte a été que dans les institutions

sociales il y avait un nombre considérable de personnes qui travaillaient mais qui n’avaient pas de formation de base dans le social, et qui n’avaient pas, pour toutes sortes de raisons, la possibilité de faire une école HES-bachelor. Donc, il y avait un manque de formations spécifiques: le niveau CFC en particulier doit permettre de répondre à ce manque. Cela a été une porte ouverte dans les ins-titutions. Même les directeurs d’institutions ont fini par entrer en matière, en indiquant un intérêt à offrir des for-mations spécifiques à toutes les personnes sans diplôme du social.

Vous admettrez que devoir refaire tout un CFC à 40 ans, c’est un peu raide...Nous le savons bien: nous souhaitons donc offrir la pos-sibilité à des personnes qui sont déjà en emploi et qui ont déjà des compétences de base d’accéder à la forma-tion de niveau CFC, soit en se présentant directement aux examens (selon l’art. 32 de l’Ordonnance fédérale sur la formation professionnelle), soit par une validation des acquis. Pour toutes les personnes qui sont déjà en place dans les institutions depuis 5 ans au moins, cela va être très intéressant.

Alors, pas de bachelor?Une fois que les HES ont vu que leur formation pouvait être complémentaire à celle des CFC, les résistances sont tombées: il y a de la place pour plusieurs niveaux de for-mation.

Quels sont les liens avec les institutions?Les liens sont solides et très positifs, via l’ORTRA. Je m’en réjouis. Le SFPL n’a pas vocation à imposer aux entrepri-ses quoi que ce soit: nous agissons toujours en concerta-tion avec l’ORTRA.

La suite du défi, c’est la validation des acquis. Que se pas-sera-t-il ensuite?Nous avons fait un choix, dicté par le Conseil d’Etat, qui aimerait voir se développer encore les formations «dual» (l’apprenti a un employeur fixe, et suit parallèlement des cours professionnels). Les nouvelles formations CFC sont offertes exclusi-vement en dual: les institutions sociales étaient peu coutumières de la culture du CFC, et il a donc fallu tout implanter en très peu de temps. Le grand intérêt du dual, outre une excellente employabilité, c’est que l’employeur décide qui il engage. Si l’employeur reste maître de la situation d’engagement, c’est rassurant pour lui.

L’apprentissage du socialEntretien avec Jacques-André Maire Interview réalisée par Sébastien Delage

Page 9: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

8

Les grandes institutions neuchâteloises ont les capacités d’accueil pour des CFC, et s’y sont préparées. Le problè-me, c’est de permettre l’accueil des apprentis aussi dans les petits établissements qui ont des structures légères, le nombre de places étant limité par la taille même de ces institutions.

Et donc?Eh bien, on voit apparaître un effet pervers: certaines crè-ches nous disent qu’elles n’ont plus de place pour un ap-prenti, mais qu’elles prendraient bien un stagiaire en stage d’attente. C’est une dérive: on risque de voir arriver des stagiaires pas formés, peu payés, et qui pourraient rester en rade ensuite. Nous restons donc très attentifs aux ter-rains professionnels, car c’est aussi notre mandat.

Quelles sont les valeurs que vous souhaitez défendre?Certaines valeurs sont imposées par la loi cantonale sur la formation professionnelle: nous devons offrir à chaque personne la possibilité d’accéder à une formation recon-nue garante d’une bonne intégration professionnelle et sociale. Nous sommes aussi un Service, chargé de répon-dre aux besoins des employeurs, en mettant sur le marché du travail des personnes qui répondent à leurs besoins. Dans le cas des CFC dual, c’est un partenariat authenti-que, puisque l’entreprise formatrice n’est pas qu’un client qui va engager des gens à la sortie des formations, mais est aussi acteur de la formation. Nous déplorons par contre, dans les métiers en général, que moins de 20% des en-treprises neuchâteloises soient formatrices. Des raisons historiques spécifiques et cantonales expliquent cela, ainsi que les incertitudes liées à la conjoncture économique.Nous avons à cœur de valoriser la formation profession-nelle des jeunes en difficulté, puisque si une formation est achevée, elle permet une meilleure (ré)insertion et une meilleure exploitation du potentiel de chacun.

On voit que de nombreuses institutions neuchâteloises of-frent la formation CFC-ASE, alors que les finances sont serrées et que l’encadrement coûte forcément quelque cho-se. Comment expliquer ce paradoxe?On peut l’expliquer par la grande habitude qu’avaient les institutions sociales d’accueillir des stagiaires: il y avait déjà des personnes susceptibles de fournir de l’encadre-ment, et une haute tradition d’accueil de jeunes. Le ter-rain était bien préparé. L’encadrement des jeunes qui font une formation duale CFC est reconnu comme étant de haute qualité, puisque le souci d’encadrer les stagiaires est historiquement constant dans la santé et le social. Les ins-titutions sociales sont également plus à même d’encadrer des jeunes entre 18 et 20 ans, puisque cela correspond à la formation de base d’éducateur des personnes qui vont les encadrer.

Quelle serait pour vous, la formation «idéale», dans le social?Mon idéal, c’est une formation CFC dual incluant une maturité professionnelle durant la formation, en 4 ans. Ceci ouvrirait ensuite les portes des formations Bache-lor en emploi et ferait des jeunes qui s’engageraient dans cette voie, des professionnels imbattables! Nous n’avons

pas suffisamment de places en dual, et la formation à la maturité professionnelle reste pour l’instant en école à plein temps. Dans le modèle de formation CFC en dual, les jeunes ont la possibilité de suivre les cours préparatoi-res à la maturité professionnelle. Nous devrons reprendre ce problème avec l’ORTRA: il y a un fort intérêt pour ce type de cursus, mais sans faire d’école à plein temps. Il faudra trouver un modèle réaliste, en collaboration avec les employeurs, un modèle où l’on pourrait dispenser des cours préparatoires à la matu, sans obérer le temps de tra-vail: pour cela, il serait envisageable d’allonger la durée de formation à quatre ans.

Et les écoles sociales de niveau ES?Dans le système de formation, ce niveau existe clairement, mais il y a eu un choix politique romand visant à pro-mouvoir le niveau Bachelor, et en complément le niveau CFC. Les milieux professionnels devront dire s’ils souhai-tent un niveau ES. L’école ARPIH a pu entrer dans ce créneau, puisqu’elle est privée. Dans certains secteurs, le niveau ES joue un rôle fondamental dans la préparation des cadres intermédiaires, et permet à des personnes avec un CFC d’accéder à un niveau supérieur, sans maturité. Il y a un public pour cela. Il n’y a aucun a priori négatif chez nous à l’encontre du niveau ES. Ce sera aux employeurs de nous faire la démonstration de l’adéquation de ce ni-veau. Si la démonstration est pertinente, et si une décision politique est prise dans ce sens nous pourrions ouvrir la formation ES social dans le canton de Neuchâtel. Nous demandons à répondre aux besoins: nous sommes un Service, au service des employeurs et des personnes dési-reuses de se former.

1 ORTRA: organisation du monde du travail. Pour des informations plus détaillées sur cet organisme, lire l’article qui suit.

Jacques-André Maire vous recommande «chaudement» la visite du lac des Taillères...

J.-B.

Vui

lle

Page 10: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

Former les professionnels des institutionsEntretien avec Vincent Martinez, président de l’ORTRA, NeuchâtelInterview de Sébastien Delage

Vincent Martinez, expliquez-nous ce qu’est l’ORTRA?L’ORTRA regroupe toutes les asso-ciations patronales et d’employés du social et de la santé, en lien avec tou-tes les formations de niveau secondai-re II, jusqu’au niveau ES. L’ORTRA doit promouvoir la qualité et la mise en en place de formations utiles au système, en collaboration avec le Ser-vice de la formation professionnelle et des lycées et avec les écoles concer-nées.

Quelle est la situation actuelle de la formation, de votre point de vue?C’est catastrophique, non pas sur la qualité, mais sur les liens entre les différentes formations: depuis que le niveau HES (bachelor) est arrivé, les gens s’y forment sans se poser de questions sur le lien avec la pratique. Le CFC d’Assistant socio-éducatif (ASE) pose une colle, puisque per-sonne n’a encore réfléchi à ce que l’on pourra demander aux profes-sionnels ayant un CFC-ASE. Doit encore arriver l’éducateur social niveau ES. Il faudra donc rapidement décider et de manière empirique qui fait quoi dans une institution. La réflexion n’a pas eu lieu, à ma connaissance...

Le piège de la hiérarchisation est la principale peur des éducateurs…Il faut, pour éviter ce piège, cibler qui est plus performant selon les besoins des «clients», en partant des plans d’étude cadre et des ordonnances fédérales. Chacun doit pouvoir tra-vailler dans son domaine de compé-tence propre.

Le niveau CFC-ASE n’est-il pas un exemple de dumping de compétences vers le bas?Non: il faut un certain nombre de compétences pour encadrer les per-sonnes handicapées. Actuellement,

HES ne répond plus aux besoins du quotidien: si on regarde les cours donnés, on constate que les matières «pratiques» ne sont plus traitées en HES.

Selon vous, pourquoi la HES s’est-elle écartée de la «pratique»?Historiquement, on a posé d’abord le «toit» de la formation, avant les murs. Les éducateurs ont milité pour être HES. Il y a eu une fuite en avant quant au niveau de compétences théorique, et donc un «trou» quant aux besoins du terrain quotidien pur et dur.

Donc, quand on est trop «intelligent», on ne peut pas faire de terrain pur et dur?Non, on peut voir des CFC-ASE plus «intelligents» que des person-nes de niveau HES: l’intelligence, c’est l’application des théories, pas leur apprentissage par cœur. L’in-telligence, c’est d’être bon dans le métier social et dans le relationnel. On ne sera pas meilleur éducateur en étant HES qu’en étant CFC. Le fond, c’est la relation à la personne. L’Etre doit primer sur le savoir aca-démique.

Derrière la mise en place du CFC, n’y a-t’il pas une volonté de faire des économies?Effectivement, à force de monter le niveau des compétences théoriques en HES, cela a créé une augmenta-tion des masses salariales; je caricatu-re: beaucoup d’experts, mais peu de praticiens. On en arrive à cette absur-dité parce que des personnes avec du potentiel se sont vu refuser la forma-tion d’éducateur, simplement parce qu’elles n’avaient pas de maturité aca-démique. Le métier d’éducateur s’est ainsi coupé d’une bonne partie des gens qui avaient du bon sens et une expérience de vie.

Donc, aucune solution possible: les théoriciens d’un côté, les praticiens de l’autre ?Non, le «top», ce sera quelqu’un qui aura fait son CFC d’ASE, puis sa ma-turité, et qui pourra entrer en HES.

Et les éducateurs ES?Le niveau ES m’interroge: il n’y a pas actuellement d’éducateur social de niveau ES sur le marché neuchâte-lois. La complémentarité avec HES me paraît peu claire. L’ES prend un peu des compétences du HES, et un peu des compétences du CFC-ASE.

Là, ce serait une solution miracle?Non, parce que ES ne couvre pas tout le spectre des compétences requises.

Vous ne parlez jamais des MSP…La situation des MSP est stable: ils sont formés normalement au niveau ES, et doivent posséder un CFC avant de débuter leur formation. Il n’y a donc pas de «trou» dans les compé-tences. Le niveau HES a-t-il un sens pour eux aussi? Je ne sais pas…

Et qu’en est-il dans le reste de la Ro-mandie?Nous sommes aux prémisses des Or-Tra cantonales dans le domaine du social. Chacun cherche sa voie et à comprendre le système fédéral pour les formations niveau secondaire II et ES… Un grand chantier, et un boule-versement du monde du social.

Mon lieu fétiche dans le canton de Neu-châtel?J’aime le grand arbre au milieu du Val-de-Ruz: c’est un grand peuplier blanc, près de la paisible bourgade d’Engollon..

Page 11: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

�0

Des formations sociales en mutationPotentiels et actualitéTiré d’un entretien avec Jean-Pierre Tritten, adjoint de direction à l’Ecole Pierre-Coullery (EPC)

L’Ecole Pierre-Coullery (EPC), sise à La Chaux-de-Fonds, est repré-sentative de l’évolution des forma-tions sociales. Parler de l’actualité des formations sociales, c’est donc donner parole à un de ses représen-tants.

La structureL’EPC est sise à La Chaux-de-Fonds. Elle forme des Educateurs de l’enfan-ce de niveau ES, des assistants socio-éducatifs (CFC-ASE), des assistants en soins et santé communautaires (CFC-ASSC), et délivre une attesta-tion d’aide soignant-e. Pour les ASE et ASSC, la formation s’effectue en voie duale (l’apprenti est employé d’une institution). Une formation de maturité intégrée avec des bases d’ASE et d’ASSC est proposée en partenariat avec l’Ecole du Secteur Tertiaire (ESTER), sise elle aussi à La Chaux-de-Fonds.

Pierre-Coullery, une histoire et des valeursLes valeurs que défend l’école Pierre-Coullery découlent de son histoire et de la fusion de trois écoles décidée par les autorités neuchâteloises, soit l’école de soins infirmiers (CESANE), l’école romande d’aides familiales et l’école neuchâteloise de puéricultri-ces-éducatrices. Cette dernière a vécu diverses évolutions: depuis 1984, l’école était une école de nurse. Cette

formation a évolué vers une for-mation de puéricultrice-éducatrice. L’école est devenue progressivement une école dédiée au social; depuis 2003, l’EPC, forme des éducateurs-trices de l’enfance, et depuis 2005, elle propose la formation d’assistant socio-éducatif. L’EPC travaille avec des enseignants qui viennent du ter-rain et qui ont vécu la réalité pratique de leur enseignement. L’école engage ponctuellement de nombreux inter-venants extérieurs pour dispenser les matières théoriques, en veillant à ce que les intervenants extérieurs soient des professionnels actuellement en activité.

Liens avec le socialA Pierre-Coullery, historiquement, toutes les formations ont eu un an-crage centré sur la prise en charge des enfants à besoins spécifiques, couplé avec un temps de formation plus «terrain»: dans les crèches/gar-deries, les étudiants doivent pren-dre en charge parfois des enfants à besoins spécifiques. Les personnes formées à Pierre-Coullery ont pour compétence principale de prendre en charge un enfant dans sa globali-té. Pour la prise en charge d’adultes, les étudiants font des stages en insti-tution, où ils peuvent se confronter au monde du handicap.Des stages sont mis sur pied en partenariat avec les institutions. Le principe est de ne pas laisser l’étu-diant en stage livré à lui-même: il bénéficie d’un accompagnement et d’une évaluation par l’enseignant de l’Ecole. Le poids de l’encadrement des stagiaires n’est donc pas laissé aux seules institutions. Le stagiaire a des obligations de formation du-rant son stage, et doit développer des projets dans l’institution. C’est l’ins-titution qui décide des occupations

«pratiques» conférées au stagiaire durant son stage.

PerspectivesLa révision du programme de for-mation des assistants socio-éducatifs dépend de l’ORTRA fédérale. Il y a actuellement, pour les assistants so-cio-éducatifs, un déficit important de formation dans le domaine du handi-cap, déficit qui est une préoccupation pour les autorités de révision des pro-grammes. Chaque année, le niveau de formation des ASE évolue: en mettant sur pied des cours «pointus» dans le domaine du handicap men-tal, le risque existe que le CFC d’ASE «glisse» vers un niveau plus «ES», avec une spirale vers plus de compétence théorique, le risque peut être de dé-crocher des besoins du terrain, ou de ne plus correspondre au niveau initial des apprentis.Pour les éducateurs de l’Enfance, l’arrivée d’HARMOS (système d’har-monisation des standards scolaires en Suisse) et de la RPT pourrait donner des débouchés dans le travail para-scolaire: l’introduction de l’horaire-bloc pour l’enseignement primaire va nécessiter l’ouverture de nombreux foyers d’accueil parascolaires, qui auront besoin de nombreuses person-nes qualifiées pour l’encadrement des enfants.A terme, des enfants à besoins parti-culiers seront intégrés dans les struc-tures scolaires «classiques», selon une des conséquences de la RPT. Des moyens particuliers devront être im-plantés dans les structures scolaires pour favoriser cette intégration: au carrefour de la pédagogie et de l’inté-gration, il serait logique que des édu-cateurs de l’enfance puissent appuyer les enseignants.

Le petit coin fétiche du canton de Neuchâtel de Jean-Pierre Tritten? Le Doubs.

Enni

o Be

ttin

elli

Page 12: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

��

Le monde institutionnel suisse n’a pas fini de découvrir les effets de la RPT1. Au fur et à mesure de l’avan-cement des travaux de mise en œu-vre, de plus en plus de questions se posent, nouvelles ou récurrentes. Dans cet article, Jean-Jacques Com-bes fait le point sur la question.

Courant 2006, la CDIP (Conférence des directeurs cantonaux de l’instruc-tion publique, regroupant les chefs de département de ce dicastère de tous les cantons suisses) mettait en consul-tation un document de référence im-portant: «L’accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée». Au terme de cette consultation, courant 2007, le document était remanié par la CDIP, pour être ensuite envoyé aux cantons pour ratification. Ce document d’une importance capitale, se propose de définir la conception de la pédagogie spéciali-sée et son insertion dans le système éducatif suisse. Naturellement, il analyse les relations avec la RPT, mais définit également des liens avec le concordat sur l’harmonisation de la scolarité obligatoire (Harmos), d’ailleurs massivement refusé par la population lucernoise très récem-ment.

Du statut d’assuré à celui d’élève de l’école publiqueEn substance, la révolution propo-sée par ce concordat, consiste à faire évoluer les mineurs en situation de handicap, du statut d’assuré à celui d’élève de l’école publique. Le changement est de taille, puisqu’il oblige les autorités publiques à assu-rer les moyens permettant de respec-ter les constitutions cantonales, par la scolarisation de tous les élèves en situation de handicap, en offrant à

ces mineurs les moyens leur permet-tant de compenser leur handicap. Autre repositionnement, lors de sa première intégration scolaire, l’élève est prioritairement intégré dans une classe «ordinaire». En fonction de l’évaluation individuelle de la situa-tion de chaque élève en situation de handicap, des moyens seront alloués pour faciliter cette intégration, par le soutien non seulement de l’élève en situation de handicap, mais éga-lement de l’enseignant en charge de ladite classe et de ses autres élèves «ordinaires».

Entre objectifs et moyensLa pédagogie spécialisée devient donc partie intégrante de la scola-rité obligatoire. L’intérêt consiste à apporter les prestations spécialisées au sein même des structures scolai-res ordinaires. Magnifique moyen de passer la vitesse supérieure dans le domaine de l’intégration des person-nes mineures en situation de handi-cap. L’enjeu financier est relativisé par la fermeture partielle des classes gérées par les écoles spécialisées et le trans-fert des compétences humaines vers les écoles ordinaires. A ce niveau, le coût de l’opération peut facile-ment être relativisé. Mais le travail d’évolution culturelle, de formation spécifique des enseignants de l’école ordinaire pour réaliser avec succès ces intégrations, est d’une envergure et d’une importance capitale. Les directions des écoles, en admettant qu’elles soient elles-mêmes acquises à la cause de l’intégration que défend l’accord intercantonal, auront fort à faire pour amener leurs équipes d’enseignants (enfantine, primaire et secondaire) à percevoir l’intérêt des propositions du concordat et à réaliser les effort subséquents.

Une question peut en cacher quel-ques autres...La question qui se pose maintenant est la suivante. Harmos étant consi-déré comme un projet prioritaire si l’on en croit les discours de nos élus, de quelle façon sera soutenu le projet d’accord intercantonal en matière de pédagogie spécialisée dans un contex-te aussi évolutif? Les directeurs d’éco-les ordinaires et leurs enseignants avaleront-ils facilement la pilule Harmos? Seront-ils prêts à travailler simultanément sur la mise en œuvre des recommandations de l’accord in-tercantonal en matière de pédagogie spécialisée? A moins que les représen-tants de l’école publique aient acquis de nouvelles souplesses de fonction-nement et une capacité à accompa-gner rapidement des changements d’une telle envergure, gageons que les responsables politiques émettront des priorités pour faciliter l’adhésion des acteurs de l’école publique.Devinez lesquelles!

1 RPT: Réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédéra-tion et les cantons

De l’importance de la constance dans le charisme politiqueJean-Jacques Combes, directeur général de la Fondation Les Perce-Neige

R. Je

anm

aire

J.-J.Combes apprécie la Pointe-du-Grain, près de Bevaix, en plein littoral sauvage...

Page 13: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

��

Quelle formation pour des jeunes avec un handicap mental?Regards de parentsDelphine Vaucher, insieme Neuchâtel

Insieme Neuchâtel, l’association neuchâteloise de parents de person-nes mentalement handicapées, œu-vre depuis 50 ans pour la défense et la reconnaissance des droits des personnes en situation de handi-cap. Le domaine de la formation scolaire et professionnelle n’échap-pe pas à notre vigilance et à nos questionnements.

Lorsque notre enfant atteint la fin de la scolarité, de nombreuses questions se posent:

Quelles possibilités de formation et d’activité professionnelle existe-t-il pour nos jeunes avec handicap mental?

Qui sont les partenaires que nous pouvons interpeller pour définir un projet de formation et d’activité pro-fessionnelle ou occupationnelle?

Que pouvons-nous attendre de l’AI? La seule voie proposée est une for-mation interne pour entrer dans un des ateliers des institutions existant dans le canton. Le recours à des em-ployeurs privés n’est que rarement évoqué. Pourtant, il existe des per-sonnes disposées à former et engager une personne en situation de handi-cap. Ces employeurs privés potentiels doivent pouvoir bénéficier du même soutien des organismes comme l’AI ou l’État, que les institutions. De même, la personne en situation de handicap doit pouvoir compter sur un accompagnement personnalisé et individualisé, pour que son projet de vie avec des privés puisse se réaliser.

Changer les critères d’évaluationÀ la fin de la scolarité, nous avons constaté que les outils d’évaluation utilisés sont trop souvent d’ordre: «il ne sait pas faire ceci, il ne sait pas faire cela, il ne peut donc que faire ceci...». Plutôt qu’une évaluation se-lon des critères soustractifs, nous at-

tendons pour nos jeunes une évalua-tion permettant de mettre en avant leurs compétences humaines et leurs centres d’intérêts, dans une approche globale comme la CIF (classification internationale du fonctionnement du handicap et de la santé) qui voit le handicap du point de vue systémi-que et met en évidence que le handi-cap ne peut pas se voir uniquement à partir de l’individu, mais qu’il est intimement lié aux facteurs environ-nementaux et sociaux. Nous attendons que l’orientation soit faite par rapport à la personne, à ses compétences, à ses propres in-térêts, à l’appui que peuvent lui ap-porter sa famille et son réseau social. La formation proposée serait plus en phase avec les possibilités réelles de la personne et moins «formatée» pour entrer dans les critères des ateliers existants. Il nous semble donc né-cessaire de reconsidérer la formation des personnes susceptibles d’évaluer et d’accompagner nos jeunes adultes handicapés au moment de leur entrée dans la vie active, afin de les sensi-biliser aux aspects que nous venons d’évoquer.L’Office de l’orientation scolaire et professionnelle (OROSP) pourrait jouer ce rôle «d’orientation» pour les personnes en situation de handicap comme elle le fait pour les personnes valides, mais cela nécessiterait là aussi un travail important de formation des professionnels. L’OROSP pour-rait aussi intervenir dans les institu-tions en fin de scolarité comme elle le fait à l’école publique.

Consolider les acquis par une formation scolaire en parallèleUn autre aspect de la formation nous interpelle: de nombreux parents re-grettent qu’une formation scolaire en parallèle avec l’activité professionnelle ne soit pas systématiquement prodi-guée à chaque personne en situation

de handicap. La personne handicapée perd rapidement ses connaissances lorsque celles-ci ne sont pas exercées. C’est pourquoi, il nous paraît extrê-mement important que la consoli-dation des acquis entre dans chaque projet de vie.Déjà durant le temps de la scolarité obligatoire, les élèves fréquentant les classes spécialisées du canton ne re-çoivent que peu d’heures de forma-tion dite scolaire. Dès 15 ans, l’accent est mis sur l’apprentissage d’une auto-nomie fonctionnelle (utilisation des bus, faire les courses...). Des éléments importants, mais qui ne doivent pas exclure l’autonomie en termes de consolidation de l’apprentissage de la lecture et du calcul, ou des notions de culture générale…

Un potentiel humain à prendre en compte...Les centres d’intérêt et le potentiel humain de la personne handicapée mentale ne sont encore que trop peu mis en avant à chaque étape de la vie: scolarité, formation, activité profes-sionnelle, activités occupationnelles, activités de loisirs, hébergement. Il existe des outils pour améliorer ces approches, par exemple, le processus de production de handicap (PPH) conçu par M. Fougeyrollas et ses collaborateurs. Ce concept définit le handicap comme une situation qui correspond à la réduction des habitu-des de vie. Une situation de handicap résulte de l’interaction entre les fac-teurs personnels (les caractéristiques personnelles) et les facteurs environ-nementaux. Nous encourageons les professionnels entourant nos jeunes à les utiliser. As-sociant les familles autour de la per-sonne en situation de handicap, ils permettront l’émergeance de projets de vie innovants et créatifs.

Page 14: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

��

Les droits à une formation pour tousLa scolarisation des enfants polyhandicapésPierre-Yves Blanc, responsable du Centre pédagogique «Les Perce-Neige»

Vous avez bien dit «intégration»?

Nous abordons ici l’un des problèmes récur-rents de l’intégration. Comment, par exem-ple, justifier à un jeune employé dans un Atelier protégé que son salaire mensuel (dont il a la fiche sous les yeux) ne se monte qu’à 300 ou 350 francs alors qu’il a travaillé à 80%? Il fau-drait au moins que l’ap-port de la rente AI y soit inscrit afin de pondérer le salaire mensuel an-noté. Un engagement au sein d’une entreprise privée pourrait alors, à défaut d’augmenter son salaire, au moins valo-riser le travail de la per-sonne handicapée et, du même coup, lui donner le sentiment d’être in-tégrée aux travailleurs, c’est-à-dire à la vie normale. Dans le même ordre d’idées, et bien qu’il existe déjà une offre remarquable et attrayante de forma-tion continue pour les personnes handicapées mentales mise sur pied par Antenne Handicap, il serait pourtant sou-haitable que celles qui le désirent puissent être intégrées dans des cours du style «Ecole Club Mi-gros», afin de côtoyer, là aussi, des personnes di-tes normales et ne pas se sentir exclues du circuit ordinaire...insieme-ne

Les rédactrices de cet arti-cle conseillent au lecteur de Pages Romandes trois lieux d’exception: le vieux Bourg du Landeron, la source de la Serrières (à l’est de Neuchâ-tel), ou l’ancien manège de La Chaux-de-Fonds.

L’enjeu de la formation, c’est aussi ac-cueillir et scolariser les enfants polyhan-dicapés. Sébastien Delage a interviewé à ce sujet Pierre-Yves Blanc, responsable du Centre pédagogique «Les Perce-Neige», à La Chaux-de-Fonds.

Pierre-Yves Blanc, vous gérez la scolarisa-tion des enfants polyhandicapés à l’interne du centre pédagogique: leur place n’est-elle pas plutôt dans une école publique?Nous aurions à cœur de jouer le jeu de l’intégration et d’intégrer une classe d’en-fants polyhandicapés au sein d’une école publique. Une demande a été faite à la Direction des écoles primaires, mais nous nous heurtons à des problèmes de locaux: une classe d’enfants polyhandicapés re-quiert des locaux «hors classe» pour des soins réguliers (orthophonie, physio…) et une cantine scolaire. Si ces locaux n’existent pas dans le lieu de scolarisation même, c’est l’option taxi, et nous n’arrête-rions pas de faire voyager les enfants.

Donc, la scolarisation se fait au Centre pédagogique même, dans une jolie maison de maître de 1903 qui fait office de bâti-ment scolaire. Que pouvez-vous nous dire de ces espaces?Au fil du temps, ces locaux nous posent problème: nous sommes sur 4 étages, avec des seuils à chaque porte, à nous occuper d’enfants polyhandicapés ayant très peu de mobilité. Il n’y a que peu d’endroits où une physiothérapeute peut faire des exercices de marche avec les enfants. En hiver et par temps de pluie, la récréation des classes se prend dans le couloir; c’est exigu, puisque nous n’avons pas de cou-vert pour aérer les enfants par mauvais temps. Il y a seulement un WC par étage, complètement inadapté aux besoins des enfants polyhandicapés. Vous imaginez la file d’attente? Par ailleurs, nos salles de classe ne permettent pas d’isoler un enfant qui serait en crise. Cela dit, s’ils étaient un lieu d’habitation, et pas une école, ces locaux auraient un sacré cachet!

Quelle structure pourrait permettre la préparation à l’intégration d’enfants po-lyhandicapés dans un collège?Il faudrait présenter la situation, expliquer les tenants et aboutissants d’un tel projet aux parents, aux enseignants, aux élèves, créer un groupe de travail conjoint de pa-rents d’élèves valides et de parents d’élèves avec un polyhandicap. Quand on expli-que, on permet aussi d’éviter l’effet de stigmatisation. Et je pense que les élèves valides sont prêts à faire preuve d’ouver-ture d’esprit.Pour éviter les soucis «techniques», on pourrait aussi viser à intégrer des classes d’enfants valides au sein d’autres institu-tions sociales partenaires: le problème des lieux de thérapie ne se poserait ainsi pas, et l’intégration pourrait être fort belle.

Quels sont les horaires de la prise en charge?Nous prenons en charge les élèves de 08H15 à 15H45 ici, incluant le repas de midi. C’est du non-stop. Les jeunes élè-ves polyhandicapés commencent à temps partiel chez nous, mais ils devraient pou-voir, au fur et à mesure qu’ils grandissent, voir leur temps de scolarité grandir aussi. Or cela demanderait d’ouvrir deux classes supplémentaires. Cela fait deux ans que nous ne pouvons pas offrir de temps de classe supplémentaire à ces élèves qui en auraient bien besoin. Cela est gênant pour les familles des enfants, et pour les éduca-trices-enseignantes qui doivent répondre à des demandes absolument légitimes, mais qu’elles ne peuvent pas satisfaire.

La Constitution suisse, en son art. 62, ins-titue un droit à un enseignement de base suffisant pour tous les enfants. Rassurez-moi: tous les enfants polyhandicapés du canton de Neuchâtel ont bien accès à une scolarité?Non. Pas encore. Nous avons des situa-tions d’enfants qui sont sans scolarité, ou qu’on envoie à l’autre bout du canton avec presque 1 heure 30 de transports par jour...

Page 15: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

��

A deux pas du Centre Perce-Neige de la Chaux-de-Fonds, si vous levez les yeux, vous apercevrez les contre-forts de la Villa turque du Corbusier. C’est le lieu fétiche de Pierre-Yves Blanc.

Je peux citer le cas très précis d’une fillette qui n’est scolarisée qu’une demi-journée par semaine. L’aug-mentation de la prise en charge est la demande la plus récurrente des fa-milles. Il y a une fatigue importante chez les parents.

Et si c’est l’enseignant qui se déplace à la maison?Faisable, mais il faudrait avoir un personnel plus important. Et puis, par scolarisation, on entend aussi in-tégration et stimulation des enfants entre eux. Un enfant seul chez lui n’est de loin pas autant stimulé que s’il est entouré de camarades. Et c’est essentiel à son développement. Dans notre structure scolaire, les enfants polyhandicapés rencontrent d’autres enfants avec d’autres situations de handicap, quotidiennement, hors des moments «scolaires». Ce sont des mo-ments de bonheur, pour des enfants lourdement handicapés. Les enfants grandissent aussi quand ils changent de lieu, fût-ce pour quelques heures.

On sent une relation émotionnelle forte entre les familles et les éducatri-ces-enseignantes…Oui, la charge requiert des profes-sionnels formés. Une formation pu-rement HEP serait inutile, puisque nous ne sommes pas dans des appren-tissages purement intellectuels. Nos

éducatrices-enseignantes sont dans des enseignements d’ordre sensoriel, ou dans des gestes proches de la phy-siothérapie: si on n’entretient pas les articulations de ces jeunes enfants po-lyhandicapés, on sait qu’elles vont se rigidifier et se bloquer complètement. Il faudra alors trois personnes pour les habiller…

Pourquoi parler «d’éducateurs-ensei-gnants»?Nous faisons le grand écart, avec la population d’enfants accueillis. Nous recevons des élèves sans polyhandicap qui peuvent ensuite faire une forma-tion professionnelle dans des centres AI comme Le Repuis ou Seedorf. Certains d’entre eux ont pu suivre l’Unité de formation du CERAS. A l’autre extrême de notre population,

nous avons des jeunes adultes qui iront plus tard à l’Espace Perce-Neige de Fleurier1, ou qui retourneront à la maison, sans pouvoir avoir d’activité professionnelle. Ce qui lie l’ensemble de notre prise en charge, c’est la péda-gogie systémique CAM, c’est un pont qui existe avec l’ensemble des colla-borateurs, que l’on s’occupe d’enfants polyhandicapés ou d’enfants avec un handicap léger ou moyen…

1L’Espace Fleurier est géré par le secteur des Foyers Occupationnels de la Fondation «Les Per-ce-Neige». Ci-dessus, photo de l’Espace Fleurier, construit spécialement pour accueillir des person-nes polyhandicapées. Un article a été publié sur cette structure dans un dossier de Pages romandes intitulé «Architecture, angles et perspectives» et paru en avril 2007. Photo Pages romandes.

Tour

ism

e ne

uchâ

telo

is

Page 16: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

�5

L’intégration scolaire des enfants présentant des TED1

Article tiré d’un entretien avec Madeleine Ackermann, responsable du Centre pédago-thérapeutique (CPT)

Le dispositif neuchâtelois de prise en charge de la scolarité spécialisée est basé sur la complémentarité de plusieurs sites. Le CPT de Cressier (NE) est spécialisé dans la prise en charge d’enfants présentant des TED1, autisme, syndrome d’Asper-ger, troubles psychiques ou troubles apparentés, associés ou non à un retard intellectuel. Il est placé sous la houlette du secteur «Enfance et Adolescence» de la Fondation «Les Perce-Neige».

Les fondements théoriques du CPTLe CPT a choisi de rester dans des fondements théoriques «larges», sans céder à une chapelle ou à une autre. Si le débat académique est nourri entre les partisans des thèses com-portementalistes, interactionistes, systémiques ou cognitivo-comporte-mentalistes, la philosophie du CPT est de répondre le mieux possible aux besoins spécifiques individuels, et aux particularités de chaque enfant. Le potentiel de l’enfant doit être pris en considération, tout en veillant à ne pas créer des effets contre-productifs, notamment en fixant la barre trop haut. L’aptitude à faire des apprentis-sages (scolaires et éducatifs…) n’est pas nécessairement liée au niveau in-tellectuel de l’enfant. En outre, la part du retard chez ceux qui sont atteints de TED n’est pas toujours évidente à déterminer. Au CPT, les équipes thérapeutiques et d’enseignement spécialisé travaillent en partenariat: historiquement, ces deux secteurs d’expertise ont toujours travaillé en étroite collaboration.

Formations et collaborationsCertains enseignants du CPT ont une formation d’école normale, puis un cursus de formation en enseigne-ment spécialisé. D’autres enseignants ont été formés en pédagogie curative, division clinique avec une formation

complémentaire ou division ensei-gnement spécialisé. Dans la culture du CPT, chacun est tenu de faire des formations continues. Certaines for-mations sont données à l’interne mais organisées par le Service médico-psy-chologique (SMP) et quelques inter-venants externes. D’autres sont suivie sà l’extérieur.Les thérapeutes, les enseignants et le médecin-psychiatre collaborent constamment. Une infrastructure (colloques sous forme d’intervision, de debriefing, colloques généraux à thèmes…) facilite une prise en charge concertée et cohérente. La collabora-tion entre les équipes d’obédience médicale et les équipes d’obédience éducative est favorable.

Intégration d’élèves à besoins spéci-fiques dans des classes régulièresVingt élèves sont partiellement inté-grés dans des classes régulières de la région; 12 sont scolarisés exclusive-ment à l’interne du CPT. Des ensei-gnantes apportent un soutien péda-gogique spécialisé (SPS) à 11 des 20 élèves intégrés dans les classes réguliè-res. Des intégrations peuvent être in-terrompues lorsque celles-ci, en dépit du soutien, n’apportent rien à l’élève, voire constituent davantage une souf-france qu’une aide. Ce dernier doit, le cas échéant, revenir à plein temps au CPT.L’expérience de l’intégration est en général positive. Pour une majorité d’élèves, l’intégration dans le do-maine scolaire ne pose en soi pas de grandes difficultés. Ce sont plutôt des situations de troubles du comporte-ment importants qui vont provoquer la mise à l’écart et péjorer la relation avec les élèves sans handicap: pour ces enfants-là, l’intégration n’est pas complètement opérationnelle. L’inté-gration en classe régulière, ou l’éven-tuelle réintégration en CPT, fait l’ob-jet de concertations et d’évaluations

régulières de la part des enseignants, en collaboration avec les parents. Pour ce qui concerne les familles des autres enfants, de nombreux enseignants du cycle régulier veillent à les infor-mer des problématiques des élèves à besoins spécifiques accueillis. Ceci, avec ou sans la participation d’ensei-gnants spécialisés. Les enseignants du SPS jouent fréquemment un rôle de «coach» à l’égard des titulaires de la classe et d’intermédiaire entre l’élè-ve concerné et les élèves des classes régulières.

Classes spécialisées intégrées dans des collègesDeux classes complètes du CPT sont intégrées dans des collèges primaires. Il s’agit d’un dispositif qui montre de belles réussites; les enseignants et les élèves des collèges d’accueil ont par-faitement joué le jeu de l’intégration. Si quelques problèmes périodiques subsistent dans la cour de récréation, ils sont mineurs et n’enlèvent rien au succès de l’intégration de classes d’en-fants handicapés au milieu de classes d’enfants valides. Les classes intégrées sont en belle harmonie avec les classes régulières: tous font la gymnastique et la piscine ensemble, participent à des camps, mènent des activités associati-ves et sociales communes… La mixité dans les écoles a un fort effet norma-lisant pour tous. Dans cet exemple réussi, formation et intégration font plus que rimer: ce sont les deux pi-liers de valeurs humanistes qu’ont à cœur de défendre tous les partenaires de cette belle aventure.

1Troubles envahissants du comportement (TED)

Madeleine Ackermann conseille au lec-teur d’aller s’égayer du Côté de Tête-de-Ran. L’atmosphère est montagnarde et of-fre, ma foi, le spectacle d’un Jura sauvage à couper le souffle.

Page 17: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

��

Les atouts d’une formation élémentaireL’unité de formation AI du Centre de Malvilliers (CPM)Sébastien Delage, sur la base d’un entretien avec Jean Vuille, directeur adjoint du CPM de Malvilliers

Aborder la formation sous son an-gle neuchâtelois requiert de penser aux jeunes qui ne sont pas en situa-tion d’avoir une scolarité «usuelle». La mission de l’Unité de forma-tion AI du Centre pédagogique de Malvilliers (CPM) est de mettre en place une formation adaptée à ces jeunes.

Cette structure est axée sur la forma-tion professionnelle dans des entre-prises existantes, et non pas sur un système d’ateliers protégés.Elle est située dans le cadre d’Evo-logia à Cernier. Des partenariats pour une formation professionnelle en entreprise existent avec plusieurs employeurs du canton. L’appellation «Unité de formation AI» est spécifi-que au canton de Neuchâtel. Dans les autres cantons romands, on parle plutôt de «CFPS» (Centre de Forma-tion Professionnelle Spécialisée). Seul le nom change: la mission d’un CFPS est identique à celle de l’Unité de for-mation AI du Centre pédagogique de Malvilliers. Un petit foyer d’apprentis, appelé «La Colline», complète le dispositif de l’UFAI; les jeunes hébergés à La Col-line font une formation dans la région et vivent dans le foyer d’accueil. Une éducatrice prodigue un encadrement pour les gestes du quotidien. Mal-villiers étant situé à bonne distance des transports publics, un système de transport existe donc pour ame-ner et rechercher les jeunes du foyer d’accueil.

Parcours des jeunesLes jeunes sont adressés par l’Office AI du canton. L’AI finance une année de formation professionnelle, durant laquelle la mise en situation dans des stages va permettre d’aiguiller le jeune vers un CFC ou vers une attestation de formation élémentaire. Un pre-mier stage à l’UFAI permet d’évaluer

si la personne est apte à entrer dans la formation ou si elle doit être orientée par exemple vers une structure d’ate-liers protégés.Un jeune sans motivation, ou dans l’impossibilité d’entrer dans un sché-ma de formation ne pourra pas satis-faire les critères d’entrée à l’UFAI. La non-inclusion est du côté du jeune. Un handicap physique peut ne pas être compatible avec certaines des mesures professionnelles proposées par l’UFAI.

Premier aiguillage, premiers intérêtsL’UFAI tient compte de l’intérêt personnel des jeunes et de leur po-tentiel. Un premier stage est proposé au jardin de l’UFAI, ou au Service des parcs et promenades de la ville de Neuchâtel, avec des MSP titulai-res d’une formation d’horticulteur. Puis, en fonction des motivations, l’UFAI va tenter de trouver un par-tenariat pour autoriser le jeune à entrer dans un cycle de formation professionnelle adapté.

PartenariatsDes partenariats existent avec des cuisines de collectivité, avec d’autres institutions neuchâteloises (Som-baille Jeunesse, CPTD Dombresson notamment). Les partenariats avec le secteur privé sont plutôt développés par l’UFAI du CERAS (La Chaux-de-Fonds). Ce sont les possibilités et les demandes des jeunes confiés à l’unité de formation qui vont déterminer les partenariats, en tenant compte éga-lement de la situation géographique spécifique à chaque jeune.

ScolaritéLes jeunes qui s’engagent dans une formation élémentaire vont suivre une formation scolaire au Centre professionnel des métiers et du bâti-ment à Colombier, et une formation technique au sein de l’UFAI. La prise en charge offre un cursus amenant à trois possibilités d’attestation: une attestation «maison» autorisant une fonction auxiliaire dans un domaine professionnel, une attestation prati-que en deux ans et la possibilité de faire un CFC. La formation professionnelle est en pleine mutation. Les noms des attes-tations et de l’appellation des métiers se modifient régulièrement depuis quelques années.

«La finalité éthique de l’éducation est l’autonomie et l’intégration (dans cet ordre!) des personnes en situation d’apprendre; une telle finalité ne peut pas être sacrifiée à des impératifs économiques ou administratifs qui s’imposeraient comme seule vérité.» Denis Müller

Quand on lui demande quel lieu de Neu-châtel serait extrêmement beau à faire connaître, Jean Vuille recommande avec chaleur le Pré-Louiset.

Fran

cis

Gar

nier

Page 18: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

��

Un club pour formation continue des personnes handicapéesSimone Juillerat et Patrice Chaduc, responsables du Club

Parler de formation, c’est aussi sou-lever un coin du voile sur les for-mations continues proposées aux personnes en situation de handicap. Dans le canton de Neuchâtel, le «Club de formation continue» offre ses bons offices.

Ce club de formation continue pour adultes handicapés existe depuis bien-tôt vingt ans à Neuchâtel. Les cours qu’il propose sont présentés dans une brochure qui est envoyée aux étu-diants à la fin du mois d’août. Pour cette année 2008-2009, pas moins de 38 cours sont au programme, princi-palement à Neuchâtel et à La Chaux-de-Fonds. L’un des objectifs du CFC réside dans l’intégration des cours dans des structures de formation ouvertes à tous par exemple au CIFOM1 ou au CPLN2. En effet, il est important pour notre association de favoriser la place des personnes handicapées et nous pensons que suivre un cours au milieu d’autres étudiants donne, aux étudiants du CFC, la possibilité de se percevoir et d’être perçus de manière positive et de vivre des expériences normalisées et valorisées dans la so-ciété. Si nous demeurons fidèles à ce principe de base, il a cependant évolué grâce aux remarques des participants. Actuellement, nous recherchons en plus des lieux spécifiques à la ma-tière enseignée. C’est ainsi que nous occupons des salles comme: l’atelier Toutencarton, l’atelier des musiques du monde pour les percussions, l’Université de Neuchâtel et le Late-nium pour le cours d’archéologie, des fitness comme le Mouve ou encore le club d’informatique de Neuchâtel. Lorsqu’il est possible d’adapter la matière enseignée à un groupe très hétérogène, nos cours peuvent être ouverts à des personnes valides. C’est le cas pour la cuisine et la couture, par exemple, qu’il nous arrive d’orga-

niser avec l’Université populaire. Cela permet la rencontre de deux popula-tions poursuivant un but commun où chacun peut trouver sa place et profiter pleinement de l’enseigne-ment dispensé. Chaque fois que cela a été réalisé, chacun en a tiré un bilan satisfaisant.Le nombre de participants varie de cinq à douze personnes ceci afin de permettre un enseignement adapté à chaque personne. Nous sommes très attentifs à ce que les étudiants puis-sent exprimer leurs idées et leurs en-vies par rapport à leur cours, et nous demandons aux enseignants de pra-tiquer systématiquement une évalua-tion pour permettre une organisation optimisée des séances suivantes.En ce qui concerne l’enseignement, il est dispensé par des personnes qua-lifiées et nous privilégions l’engage-ment de professionnels de la matière enseignée. C’est ainsi que le cours de danse est donné par une danseuse, dans une salle de danse, que la pâ-tisserie est donnée par un pâtissier dans les salles d’apprentissage de pâ-tisserie-confiserie du CPLN. Nous ne faisons pas appel à des professionnels de l’éducation spécialisée. Cette po-sition semble étrange, elle apporte cependant une nuance de taille. Elle permet aux personnes handicapées de se présenter et d’être vues priori-tairement en fonction de leurs com-pétences et de leurs capacités pour la matière qui est enseignée. Pour son vingtième anniversaire, le club de formation continue a jugé opportun de proposer des cours gra-tuits en relation avec la citoyenneté

des personnes handicapées tant il nous semble que le chemin à parcou-rir jusqu’à la reconnaissance réelle des droits de ces personnes reste lointain. Ces cours sont ou seront dispensés avec la participation d’hommes et de femmes politiques du canton de Neuchâtel, d’associations de défense de personnes et de représentants de services publics. Voilà pourquoi nous aimerions termi-ner cet article en posant cette question légitime: il est acquis, et ce numéro de Pages Romandes y fait référence, que les personnes valides travaillant dans les institutions bénéficient - et cela fait partie de leur contrat - de temps ainsi que d’une prise en charge financière de leur formation conti-nue. Qu’en est-il des personnes han-dicapées pour ces mêmes institutions? Se voient-elles proposer cette même reconnaissance, cette même prise en charge?

1 CIFOM: Centre interrégional de formation des Montagnes neuchâteloises2 CPLN: Centre professionnel du littoral neu-châtelois

«... Il est acquis que les personnes valides travaillant dans les institu-tions bénéficient - cela fait partie de leur contrat - de temps ainsi que d’une prise en charge financière de leur formation continue. Qu’en est-il des personnes handicapées pour ces mêmes institutions? Se voient-elles proposer cette même reconnaissance, cette même prise en charge?»

Les renseignements concernant le Club de formation continue peuvent être ob-tenus en appelant le 032 914 10 10

Page 19: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

�8

Connaître l’autre, c’est se former à la viePartage d’une expérienceRencontre avec Valérie Reuge et Olivier Maurer

Cet article a été écrit par Sébastien Delage, à partir de l’expérience conjointe de Valérie Reuge, éduca-trice au secteur de l’hébergement de la Fondation «Les Perce-Neige», et d’Olivier Maurer, responsable au secteur des ateliers de cette même institution.

«Quand existent de belles énergies, la formation permet de connaître l’autre, et permet d’apprendre à ap-prendre.» C’est de ce constat qu’est née l’envie de créer un projet com-mun, qui relierait des enfants vali-des d’une classe d’école primaire de Fontaines (NE) et des adultes atteints d’un handicap mental. Le projet a été mené à bien en mars 2008.

Le temps de la rencontreDans un premier temps, sous la hou-lette de Valérie Reuge, quatre jeu-nes adultes ouvriers en situation de handicap mental ont pu se rendre dans une classe d’école primaire de la région neuchâteloise. Ils ont pu y rencontrer un peintre professionnel, Monsieur Albeiro Sarria, et partager une activité musicale avec une classe d’enfants valides. Intense et inédit

premier moment de mixité: n’ayant jamais rencontré de personnes en si-tuation de handicap mental, les en-fants ont avoué quelque appréhen-sion. Peur de la violence, peur des cris, peur des gestes brusques… La musique a permis de briser la gla-ce et d’apprendre à connaître l’Autre dans sa différence… et dans ce qui rassemble. Après un premier contact réjouissant, on s’est promis de se re-voir...Les enfants ont «lu» le handicap avec leurs yeux: pour l’un d’entre eux, se fouler une cheville, c’était autant un handicap que vivre avec une triso-mie.

Le temps de créer ensembleAprès ce premier «mélange des gen-res», trois séances furent organisées autour du peintre Albeiro Sarria. Il s’agissait de créer, tous ensemble, en-fants valides et ouvriers handicapés, une œuvre picturale. Trois après-midi auront été nécessaires à cet effet. Une œuvre, totalement inédite, a ainsi été produite. Elle a été présentée à un des groupes de travail de Forum Handi-cap, groupe de travail qui a pour but de mettre en avant des activités visant

à faire connaître au grand public le monde du handicap mental. L’œuvre, ainsi née du mélange des genres et de l’ouverture à l’Autre, a été sélectionnée avec d’autres projets. Elle a servi pour présenter le pro-gramme d’une manifestation canto-nale neuchâteloise, et a donc fait le tour de la Romandie.

Le temps d’apprendre à apprendreMais ce n’est pas tout: la rencontre entre les usagers des Perce-Neige et la classe d’école primaire fut telle-ment motivante que tous ont voulu la prolonger. A l’invitation du secteur des ateliers de la Fondation «Les Per-ce-Neige», les enfants de l’école ont donc pu rejoindre les lieux de travail en atelier protégé des ouvriers durant une matinée bien instructive, où cha-cun a pu apprendre à apprendre. La boulangerie, les fagots, les K-lumets, la laine et la feutrine n’auront désor-mais plus de secrets pour nos écoliers, et les ouvriers handicapés ont été fiers de présenter leur métier et leurs res-ponsabilités professionnelles. Cette rencontre s’est achevée autour d’un dîner partagé à la cafétéria, ou encore une belle fois, enfants valides et adul-tes avec un handicap mental ont pu connaître l’Autre et partager un peu de sa vie.L’œuvre, constitutrice d’un trait d’union, est désormais exposée dans un cabinet médical neuchâtelois. Elle y trône comme la très vibrante preuve que la formation, c’est aussi appren-dre à connaître l’autre.

Les lieux fétiches? Valérie Reuge avoue adorer le Creux-du-Van. Olivier Maurer a un penchant pour le site (global) de La Chaux-de-Fonds, pour la chaleur de ses habitants.

Beno

ît à

la G

uilla

ume

Page 20: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

��

La formation artistique est pleine-ment compatible avec le handicap mental; en témoigne le projet col-lectif développé cette année au sein du secteur de l’Hébergement de la Fondation «Les Perce-Neige».

L’idée germait depuis quelques an-nées déjà, au sein du secteur de l’Hé-bergement de la Fondation «Les Per-ce-Neige», de préparer puis présenter des spectacles, à l’interne ou dans des événements extérieurs, tels que le fes-tival ARTHEMO. Avec le soutien des responsables, nous développons cette année un projet de formation artistique mêlant musique, théâtre et peinture, par le biais de deux ate-liers se déroulant sur toute l’année. Le premier atelier de créativité permet la construction d’un spectacle théâtro-musical sur la base de contes joués en ombre chinoise, appuyés par une voix off et un entourage musical en direct. Le deuxième atelier destine sa pro-duction picturale à des expositions diverses ou en appoint au spectacle décrit plus haut. Les deux ateliers sont destinés à des personnes vivant une situation de handicap mental.Notre démarche doit permettre aux participants d’acquérir de nouvelles compétences tout en conservant et développant ce qu’ils savent déjà, et de s’exposer à l’Autre dans une volon-té d’ouverture et d’intégration. De la construction individuelle de l’édifice, naît ainsi un nouvel objet d’art, et une communication indispensable à l’ensemble. Dans les deux ateliers, le travail d’équipe prime.Nous souhaitons valoriser les dif-férents acteurs, musiciens ou pein-tres, en mettant en avant des acquis et compétences, au sein d’un projet commun, donnant aux résidants une

véritable place dans le spectacle ou l’exposition. L’important, c’est de donner les moyens aux personnes avec un handicap mental de s’appro-prier un projet et d’en faire l’instru-ment de leur fierté. Nous ne voulons pas mettre en place un spectacle «spécialisé» mais une présentation ayant des prétentions artistiques légitimes. Nous souhai-tons constituer un groupe hétérogène permettant aux différents individus d’apporter leurs talents au reste de la troupe en vue de constituer une pré-sentation la plus complète possible des potentiels. Déceler, développer et utiliser les compétences individuelles permet de garder intact le plaisir de tous. La mise en scène du spectacle impli-quera un certain nombre de contrain-tes et de difficultés, tant au niveau de la mémorisation que de la communi-cation pour des personnes mentale-ment handicapées. Multiplier ces obs-tacles en voulant intégrer en plus de nouvelles pratiques artistiques encore difficiles à exécuter pour certains, ne ferait que rendre l’investissement trop important, et diminuerait le plaisir de créer ensemble. Or, c’est le plaisir qui doit motiver chacun.Le scénario et la mise en scène seront des points centraux du projet de spec-tacle, notre optique étant de mettre en valeur les différentes compétences des participants. Il faut pouvoir écrire un scénario qui tienne compte de toutes les contraintes, puis parvenir, tout en restant dans ce cadre, à une histoire cohérente. L’activité picturale répond également à l’exigence de valorisation, d’intégra-tion et d’accomplissement de soi: sur une fresque d’abord créée par la per-sonne handicapée, l’animateur entre

en dialogue avec elle pour parvenir, finalement, à une image en lien avec le thème proposé. Nous souhaitons parvenir à un résultat compréhensi-ble par tous en intervenant le moins possible sur la toile, afin que chaque œuvre soit unique et constituée de l’expressivité propre à celui qui l’a peinte.Comme quoi, l’art peut être un gros vecteur d’affirmation de soi, et peut autoriser, si l’on s’y forme, bien des accomplissements!

L’art comme vecteur d’affirmation de soiUn projet collectif ambitieuxJulien Boisadan, éducateur, Fondation «Les Perce-Neige»

Un petit coin enchanteur de notre canton? Julien Boisadan, sans hésiter, conseille de visiter l’embouchure de l’Areuse.

Tour

ism

e ne

uchâ

telo

is

Page 21: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

�0

C’est l’histoire d’une rencontre et d’une étincelle de curiosité. Depuis quelques an-nées, l’école primaire des Ponts-de-Martel (NE) vend des allumettes au bénéfice des Perce-Neige. De fil en aiguille, les élèves ont donc manifesté un intérêt légitime à au moins savoir ce qui se cache derrière la situation des personnes vivant avec un handicap mental.

Décloisonner deux mondes

Il fallait motiver les élèves: difficile de ven-dre quoi que ce soit, quand on ne sait pas bien à qui va l’argent ou quand il est qua-siment impossible de se faire une image du système complexe d’une institution sociale, et de ses usagers. Et puis, comment sensi-biliser, ouvrir les espaces de connaissance? L’école primaire et le monde du handicap mental se connaissent si peu…Il fallait donc décloisonner deux mondes, et s’ouvrir à l’Autre. Et c’est dans ce mou-vement d’ouverture que des liens extra-

ordinaires ont été tissés entre les élèves et les ouvriers en situation de handicap. Ces liens ont été étroits et restent encore d’ac-tualité aujourd’hui, et il faudrait peu pour rallumer la flamme de la rencontre. Parler du handicap en vérité et en simplicitéDans un premier temps, l’enseignant Eric Maire a demandé à une maman d’élève, Marielle Rondez, elle-même monitrice au secteur des Ateliers des Perce-Neige, de venir en classe parler du handicap. Pour structurer cette rencontre, les enfants avaient préparé des questions, et il leur avait été demandé de dessiner leur vision du handicap: de tous les dessins, il ressor-tait que les enfants voyaient les personnes handicapées comme des personnes tristes, seules, et enfermées. Et les questions des enfants? Une foultitude de choses simples, poignantes, et extrêmement directes: «est-ce qu’aux Perce-Neige, on fête Noël?», «les handicapés se droguent-ils?», «ont-ils le même sang que nous?», «peuvent-ils tra-vailler?», «est-ce que vous les laissez sor-tir?». Et il ne s’agit ici que d’un terrible petit florilège…Visionnant ensuite un film de présentation du Secteur des Ateliers des Perce-Neige, les enfants ont été estomaqués de voir que, oui, les personnes en situation de handi-cap peuvent être heureuses, qu’elles peu-vent travailler, qu’elles savent être autono-mes… qu’elles ont une vie!

Magie de la rencontre...

Ce moment de découverte a complète-ment bouleversé la classe, et a levé un vent d’enthousiasme réel. Il ne fallait donc pas en rester là... Ainsi, un compte rendu de ce moment de présentation a été fait à la Direction du secteur des ateliers, et à la Direction générale de la Fondation. Une visite des ateliers a ainsi pu s’organiser à la rentrée scolaire suivante: les élèves ont été dispatchés sur 13 (!) ateliers protégés de la Fondation, dans l’optique de pouvoir

Quand une vente d’allumettes allume l’intérêtRencontre avec Eric Maire et Marielle Rondez

Eric Maire est enseignant à l’école primaire des Ponts-de-Martel (NE), et Marielle Rondez est monitrice au secteur des Ateliers de la Fonda-tion «Les Perce-Neige». Cet article est le fruit de leur entretien avec Sébastien Delage.

Moment de découverte et d’échange dans les ateliers des Perce-Neige pour les en-fants des Ponts-de-Martel...

Eric

Mai

re

Page 22: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

��

travailler avec les personnes handica-pées. Les enfants se sont mis pour un matin à la place des ouvriers. Ils ont été profondément étonnés des res-ponsabilités conférées aux personnes avec un handicap. Des personnes en situation de handicap «calmes»? Les enfants s’attendaient plutôt à une marée de cris, à des gestes violents et bizarres... Or rien de tout ça ne s’est produit; juste la sérénité et la joie, pour les usagers, heureux de pou-voir montrer et valoriser leur travail et leurs responsabilités. Si parfois, les gestes ont dû se substituer aux mots, ce n’était pas grave: durant la matinée qu’a duré l’échange, c’était seulement le langage du cœur qui parlait.L’enseignant avoue avoir été touché par un accueil magnifique: les enfants ont réagi très positivement, même si un peu de crainte, au début, a vite fait place à la toute-beauté de cette expérience. Et les moniteurs ont été enchantés de pouvoir, eux aussi, par-tager un peu de leur compétence.

Regarder autrement la per-sonne avec un handicap

Dans les lettres de remerciement que les enfants ont ensuite fait parvenir aux ateliers, on peut lire des choses très touchantes, signes que «quelque chose» était né. Le regard des enfants a complètement changé après l’ex-périence. Les enfants sont désormais persuadés que les personnes avec un handicap sont des humains à part entière, des hommes et des femmes de chair et de sang qui ont besoin d’affection et peuvent en donner, des anciens enfants qui sont devenu si adultes, qui ont un travail valorisé, et qui sont fiers d’en parler.Il suffit parfois de peu de choses, comme la magie d’une rencontre pour faire évoluer les mentalités. Par cet exemple simple, concret, né de la volonté d’ouverture et de l’envie de comprendre l’autre, on perçoit mieux que beaucoup d’énergie pourra enco-re être investie avec succès pour faire

connaître le monde du handicap, qui mérite d’être présenté et de s’ouvrir au monde civil.Particulièrement émouvantes, les ques-tions des enfants sont immensément représentatives de ce que sait la société civile du handicap mental. Il est à pa-rier que les questions des adultes ne doivent, parfois, pas être bien loin de celles des enfants. Les travailleurs so-ciaux vivent dans un monde un peu parallèle, que chaque décloisonne-ment, chaque occasion d’ouverture, chaque possibilité de porter et présen-ter nos valeurs va contribuer à rendre plus en insertion.

Le p’tit coin fétiche de Marielle Rondez et Eric Maire? Sans hésitation, coup double, unanimité parfaite: les marais des Ponts-de-Martel, surtout en automne.

Eric

Mai

re

Page 23: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

��

«Clown Ensemble»Un autre forme d’apprentissageTiré d’un entretien avec Eddy Blandenier, responsable à l’Association neuchâteloise des services bénévoles

E. Blandenier évoque la beauté de la Ferme du Grand-Cachot-de-Vent, située dans la vallée de la Brévine; il vous en recommande la visite…

Le canton de Neuchâtel compte quelques perles en matière de forma-tion des personnes avec un handicap mental. L’opération «Clown En-semble» est un bel exemple de cette vivacité.

L’histoire

En matière d’animation, le secteur de l’Hébergement de la Fondation «Les Perce-Neige» souhaite ouvrir et dé-senclaver les animations proposées à ses usagers. Il s’agissait, à l’origine, de permettre d’augmenter le réseau des personnes avec un handicap mental hébergées par l’institution, puisqu’on sait bien que le réseau des personnes vivant en institution dépend de leurs conditions de vie, et va s’étiolant quand augmente l’âge des bénéficiai-res.

Les sources

L’opération «Clown en Route» existe dans le Midi de la France; il s’agit d’une animation clownesque mê-lant des personnes avec un handicap mental et des personnes valides. Eddy Blandenier a un solide bagage de clown relationnel et de formateur en travail social. Cette formation et cette habitude lui ont permis de mettre en

place une collaboration avec Véroni-que Mooser, animatrice au secteur de l’Hébergement de la Fondation «Les Perce-Neige», collaboration qui devra déboucher sur une activité menée par des clowns valides auprès de person-nes avec un handicap mental, via les institutions sociales ou via les associa-tions de parents.

Les étapes

La première étape a permis de ren-contrer, via un appel d’offres, 45 personnes valides qui ont envie d’en-tamer un travail de formation lié au Clown. Ce travail de formation, et cette motivation à s’ouvrir à l’Autre permettront de créer une troupe de personnes valides, qui seront ensuite appelées à entrer en contact avec les personnes ayant un handicap mental et vivant en institution.La deuxième étape est celle qui permet à Véronique Mooser de «préparer le terrain» de l’intérieur de l’institution, par une planification, une présenta-tion et des exigences en adéquation avec le milieu du handicap mental.La troisième étape sera celle qui verra une activité se déployer, en collabora-tion avec l’association insieme et l’as-sociation Arc-en-Jeu, dès l’automne 2009. Cette activité, dont les contours

seront dessinés au fur et à mesure de l’avancement du projet, permettra à des personnes valides, grâce au projet «Clown Ensemble», de rencontrer des personnes avec un handicap mental. On peut bien croire que le vecteur retenu – les clowns – saura plaire. Ce «chemin vers la relation» est porteur de bien des espoirs: grâce aux 45 vo-lontaires de «Clown Ensemble», de belles rencontres auront certainement lieu et, qui sait, des liens nouveaux pourront se tisser, qui permettront une optimisation de l’intégration des personnes avec un handicap mental.

Jean

-Ber

nard

Vui

lle

Eddy

Bla

nden

ier

Page 24: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

��

La formation, un projet de sociétéAlex Fischli, directeur du secteur «Foyers occupationnels de la Fondation «Les Perce-Neige»

Les peurs, les difficultés quotidiennes, l’inconnu, la différence et l’égoïsme en-gendrent l’indifférence, le refus des autres, ou même, le rejet. Notre société civile est riche de ses différences, mais malheureu-sement, elle n’arrive pas toujours à les conjuguer pour les rendre complémen-taires.

Dans ce contexte, la personne handicapée qui a besoin d’un accompagnement im-portant pour tous les actes de sa vie quoti-dienne doit pouvoir compter sur des per-sonnes qualifiées, motivées, disponibles et surtout, particulièrement bien formées.En effet, nous pensons que la qualité de nos prestations institutionnelles dépend presque exclusivement des compétences personnelles et professionnelles de tous les intervenants. Les formations actuelles dans les écoles spécialisées, HES ou ES, sont certainement excellentes et nous les soute-nons. Toutefois, nous estimons qu’elles ne suffisent largement pas aux qualifications que nous demandons à notre personnel éducatif. Pourquoi? Depuis l’arrivée en 2005, de la tornade HES, nous observons avec inquiétude les conséquences des tensions qui existent en-tre les politiques et les administratifs qui sont obsédés par l’application du proces-sus de Bologne et les lieux de formation

qui s’efforcent d’offrir des formations pro-fessionnelles de qualité. Si le principe du rapprochement école-terrain fait partie de tous les discours depuis trois ans, il nous semble remarquer, au contraire, que l’écart s’amplifie.En lisant les intentions de la HES, nous découvrons le paradoxe d’un texte qui parle à la fois, du «concept de formation pratique» qui se veut proche de la réalité institutionnelle et d’une formation qui met l’accent sur des acquisitions, certes indispensables, mais qui ne visent pas à former la fine fleur des professionnels de terrain dont nous avons besoin. De son côté, l’ARPIH offre depuis 1984, des formations qui semblent plus se rap-procher des besoins du terrain. Cette for-mation a connu un développement im-pressionnant, mais manque encore à notre avis, d’une ambition de recherche et de développement personnel (supervision). Si nous reconnaissons la qualité des for-mations des Hautes Ecoles spécialisées et de l’ARPIH en tant que formation géné-raliste, nous avons l’impression qu’elles ne remplissent pas certaines exigences. En effet, si le monde académique vit un bou-leversement, nous devons aussi prendre conscience que le monde institutionnel vivra ces prochaines années une profonde mutation. Un réel progrès sera réalisé lors-que les lieux de formation s’inscriront du-rablement dans les projets des institutions et que les institutions accepteront de s’ins-crire dans un projet global de société.De même, le travailleur social ne devien-dra le spécialiste de son domaine de pra-tique, que si, au cours de son expérience professionnelle relativement importante, il accepte de poursuivre sa démarche de for-mation et devient un acteur qui s’inscrit totalement dans ce projet de société.

Ce dossier «Spécial Neuchâtel a débuté par de multiples question-nements sur les options actuelles des formations socio-éducatives. Après avoir traversé les offres de formation destinées aux personnes handi-capées, il se poursuit sur une dernière mise en perspective .

Musée international de l’horlogerie de La Chaux-de-Fonds

Tour

ism

e ne

uchâ

telo

is

Page 25: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

��

Alfaset est une fondation neuchâte-loise offrant à des personnes handi-capées des places de travail en atelier protégé et des prestations d’héberge-ment en foyer. Un concept vivifiant de formation caractérise la formation pratique des professionnels du social, telle qu’elle est proposée à Alfaset, ici présentée dans le champ de compé-tences spécifiques de ses foyers.

Les possibilités de formationAlfaset forme tous les niveaux de tra-vailleurs sociaux: HES en stage ou en cours d’emploi, ES en emploi, CFC-ASE en formation duale. A l’enga-gement d’un éducateur auxiliaire, la direction d’Alfaset pose l’exigence qu’une formation sociale soit menée à bien. La direction envoie également ses employés en formation de Prati-cien-Formateur.

Les moyensL’institution désigne un PF certifié et dégage du temps pour le travail EF-

PF. A l’éducateur en formation, sont offerts tous les moyens prévus pour les autres membres de l’équipe. Une ana-lyse est prévue dans les colloques des équipes, des journées de travail sont mises sur pied pour l’équipe entière, ainsi qu’un accès à la bibliothèque institutionnelle, des entretiens an-nuels d’évaluation de fonction, ainsi que l’exercice au quotidien des tâches telles que prévues dans le descriptif de fonction des éducateur d’Alfaset.

Ressources et partenariatsL’institution propose une réunion ré-gulière entre le PF et l’éducateur en formation, une diminution des tâches de l’EF, la possibilité d’interroger des personnes ressources (conseiller péda-gogique, répondant, médecin psychia-tre vacataire, etc…), l’accessibilité aux dossiers des employés handicapés, et la participation active aux divers col-loques, la constitution d’un rapport pédagogique initial et de suivi, et une analyse de fonctionnement.

Spécificités d’AlfasetL’analyse institutionnelle est un des piliers d’Alfaset. L’institution se veut également spécifique dans la forma-tion des Praticiens-Formateurs, des Mentors ES, et des Formateurs en Entreprise liée au CFC-ASE. Tous les trois mois, le groupe PF se réunit pour faire un point sur les formations, pour rendre cohérente la formation avec l’expérience des éducateurs en formation. Le conseiller pédagogique relie les décisions prises au niveau de la direction de l’institution avec le groupe des Praticiens-Formateurs.

Nos remerciements à MM. J-P. Cattin, directeur du secteur pédagogique et des foyers d’accueil, et Philippe Boisadan, chef de Service du départe-ment des Foyers neuchâtelois d’Alfaset, pour leurs aimables informations.

La formation des éducateurs: un élément-clé du credo d’AlfasetSébastien Delage, éducateur spécialisé, Neuchâtel

Séminaires, colloques et formations

Autodétermination - Du concept à la pratique. Cours d’approfondisssement

Manon Masse et Jean-Louis KorpèsJeudi 29 et vendredi 30 janvier 2009Formation continue HEF-TS, GivisiezDélai d’inscription: 22 décembre 2008Renseignements et inscriptions: www.hef-ts.chContact: Chantal Caille JaquetTél. +41 26 429 62 70 - [email protected]

Double diagnostic: déficience intellectuelle et maladie psychique

Description et prise en chargeGabi Pierre ChamiMercredis 11 et 18 février 2009Formation continue HEF-TS, GivisiezDélai d’inscription: 9 janvier 2009Renseignements et inscriptions: www.hef-ts.chContact: Chantal Caille JaquetTél. +41 26 429 62 70 - [email protected]

Dilemmes rencontrés lors de la mise en œu-vre de projets dans le travail socio-éducatif Manon Masse

Analyses de pratique (HEF-TS, Givisiez)Jeudis 12 février, 5 et 26 mars 2009Délai d’inscription: 10 janvier 2009Renseignements et inscriptions: www.hef-ts.chContact: Chantal Caille JaquetTél. +41 26 429 62 70 - [email protected]

Formation pratique en autismeHilde de Clercq, Théo Peeters et Marc Serruys Cours organisé par Autisme Suisse romande Lieu: EPI, route d’Hermance 63, 1245 Collonge-BelleriveDates: 26, 27, 28 29 et 30 janvier 2009Renseignements et inscriptions: Autisme Suisse romande, av. de Rumine 2, LausanneTél. +41 21 341 93 21 - [email protected]

Page 26: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

Pension "La Forêt"Vercorin - Valais

ASA-ValaisAssociation valaisanne d'aideaux personnes handicapéesmentales

Chalet de 20 lits au centre de la station de VercorinTél. +41 27 455 08 44 - Fax +41 27 455 10 13 - www.pensionlaforet.ch - [email protected]

Au coeur des Alpes valaisannesune pension pour personnes vivant avec un handicap

Envoyer à

Revue Pages romandesMarie-Paule Zufferey, rédactriceAv. Général-Guisan19CH - 3960 Sierre

Abonnement annuelSuisse : SFr. 45.–Etranger : Euros 35.–Prix spéciauxAVS - Etudiants : SFr. 38.–Abonnement de soutien SFr. 70.– Paraît 5x l’an

Je m’abonne à la revue Pages romandesAu prix de SFr.

Nom

Prénom

Adresse

NP Ville

Facultatif

Profession

Fax Tél .

Adresse e-mail

Bulletin d’abonnement à la revue Pages romandes

Page 27: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

D’un lac à l’autre: échos de Genève

Le Service de relève pour parents de personnes handicapéesAnne-Michèle Stupf, secrétaire générale, insieme, Genève

Depuis de nombreuses années, alors que d’autres cantons romands étaient déjà dotés d’un tel service pour les mineurs, des parents et des associations réclamaient l’ouvertu-re d’un service de relève à Genève mais jusqu’ici sans succès. Il aura fallu l’obstination d’une maman qui sans relâche a sollicité les asso-ciations Cerebral-Genève, insieme-Genève et Pro Infirmis pour qu’en-fin un projet puisse voir le jour le 1er septembre 2008.

Un service de relève de parents prend tout son sens, lorsque tout un chacun arrive à comprendre la double parti-cularité qui caractérise les parents qui ont un enfant handicapé, à savoir:

- Ils sont en quelque sorte des parents «à vie», car leur enfant continuera à avoir besoin d’un accompagnement rapproché bien au-delà de «l’âge de raison»;

- Ils doivent souvent faire face à un certain isolement important, car il est difficile d’organiser sa vie sociale, pratiquer une activité de loisirs ré-gulière, etc. sans pouvoir bénéficier d’une garde spécialisée pour son en-fant handicapé.

D’emblée, il est apparu essentiel pour les acteurs de ce projet de répondre aux besoins des familles également passé la majorité de leur enfant. En effet, un certain nombre de parents maintenant âgés ont également be-soin d’un soutien ponctuel pour pou-voir continuer à accueillir leur fils/fille le temps d’une journée ou d’un week-end. Une enquête a été menée en 2007 auprès des 700 membres de nos associations respectives et a mon-tré le besoin réel de relève pour au moins 65 familles établies à Genève.Aujourd’hui, la mise en commun de nos ressources et de nos compétences

a permis la création de ce Service de relève, qui a pour but de soulager les familles s’occupant à domicile d’une personne vivant avec un handicap mental ou physique. Ce Service doit favoriser l’intégration des personnes handicapées, enfants et adultes, et leur maintien à domicile à un prix ac-cessible à toutes les bourses.

Le Service a engagé une coordinatrice chargée de rencontrer les familles, les personnes handicapées et les futurs intervenants, afin d’évaluer les be-soins et les compétences de chacun avant de les mettre en contact. Le Service engage des intervenants qui ont une expérience avec la popula-tion concernée (moniteurs de séjours de vacances ou de week-end de loisirs organisés par les associations Cerebral ou insieme à Genève par exemple) et qui sont disponibles pour assurer des heures de relève durant une année au minimum. Une formation et des réu-nions de bilan en groupe sont mises en place par le Service et obligatoires pour tous les nouveaux intervenants. En fonction des besoins particuliers et personnels de ceux-ci, des entre-tiens individuels de régulation sont aussi proposés.

Le Service de relève genevois des pa-rents de personnes handicapées est un projet-pilote qui, durant la pé-riode de lancement (2008-2010), fonctionnera uniquement grâce à des fonds privés, notamment avec le soutien de la Fondation les Cor-billettes. Grâce aux aides financières reçues, le service peut donc propo-ser à 65 familles environ 200 heures de relève par année au tarif de CHF 15.-/heure ou de CHF 75.-/nuit. De cette manière, seul le 60% de la rémunération brute de l’intervenant est à la charge des bénéficiaires,le 40% restant étant financé par le Ser-vice de relève.

Après 2 mois de fonctionnement, les besoins exprimés par certaines fa-milles dépassent déjà les limites fixées par le Service (notamment au niveau du nombre d’heures de relève auto-risé). De plus, des besoins pressants ont été clairement mis à jour dans le domaine du handicap psychique soit de la part de parents vivant avec une personne touchée par une maladie psychiatrique soit par des associations actives dans ce domaine. Le Service de relève ne peut malheureusement pas répondre à ces demandes en rai-son d’une part des types d’accompa-gnement souhaité mais également des compétences des intervenants dont dispose le Service. La phase pilote du Service pourra donc également être mise à profit pour encourager les autres associations qui souhaiteraient bénéficier d’un service de relève à ef-fectuer une enquête auprès de leurs membres pour dégager les besoins réels et le type de prestations atten-dues. Par ailleurs, les 3 organismes, Cerebral, insieme et Pro Infirmis impliqués dans ce projet à Genève comptent sur les autorités cantonales et fédérales pour assurer la pérennité de cette prestation qui vient complé-ter le dispositif genevois de prise en charge des personnes handicapées.

Virginie Gorgerat, coordinatricep.a. insieme, rue de la Gabelle, 7CH - 1227 CarougeTél. 022 343 17 20 (lundi, mardi, jeudi)www.servicerelevegeneve.ch

Page 28: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

Pension "La Forêt"Vercorin - Valais

ASA-ValaisAssociation valaisanne d'aideaux personnes handicapéesmentales

Chalet de 20 lits au centre de la station de VercorinTél. +41 27 455 08 44 - Fax +41 27 455 10 13 - www.pensionlaforet.ch - [email protected]

Au coeur des Alpes valaisannesune pension pour personnes vivant avec un handicap

Envoyer à

Revue Pages romandesMarie-Paule Zufferey, rédactriceAv. Général-Guisan19CH - 3960 Sierre

Abonnement annuelSuisse : SFr. 45.–Etranger : Euros 35.–Prix spéciauxAVS - Etudiants : SFr. 38.–Abonnement de soutien SFr. 70.– Paraît 5x l’an

Je m’abonne à la revue Pages romandesAu prix de SFr.

Nom

Prénom

Adresse

NP Ville

Facultatif

Profession

Fax Tél .

Adresse e-mail

Bulletin d’abonnement à la revue Pages romandes

Page 29: PAGES ROMANDES - Spécial Neuchatel

D’un lac à l’autre: échos de Genève

Le Service de relève pour parents de personnes handicapéesAnne-Michèle Stupf, secrétaire générale, insieme, Genève

Depuis de nombreuses années, alors que d’autres cantons romands étaient déjà dotés d’un tel service pour les mineurs, des parents et des associations réclamaient l’ouvertu-re d’un service de relève à Genève mais jusqu’ici sans succès. Il aura fallu l’obstination d’une maman qui sans relâche a sollicité les asso-ciations Cerebral-Genève, insieme-Genève et Pro Infirmis pour qu’en-fin un projet puisse voir le jour le 1er septembre 2008.

Un service de relève de parents prend tout son sens, lorsque tout un chacun arrive à comprendre la double parti-cularité qui caractérise les parents qui ont un enfant handicapé, à savoir:

- Ils sont en quelque sorte des parents «à vie», car leur enfant continuera à avoir besoin d’un accompagnement rapproché bien au-delà de «l’âge de raison»;

- Ils doivent souvent faire face à un certain isolement important, car il est difficile d’organiser sa vie sociale, pratiquer une activité de loisirs ré-gulière, etc. sans pouvoir bénéficier d’une garde spécialisée pour son en-fant handicapé.

D’emblée, il est apparu essentiel pour les acteurs de ce projet de répondre aux besoins des familles également passé la majorité de leur enfant. En effet, un certain nombre de parents maintenant âgés ont également be-soin d’un soutien ponctuel pour pou-voir continuer à accueillir leur fils/fille le temps d’une journée ou d’un week-end. Une enquête a été menée en 2007 auprès des 700 membres de nos associations respectives et a mon-tré le besoin réel de relève pour au moins 65 familles établies à Genève.Aujourd’hui, la mise en commun de nos ressources et de nos compétences

a permis la création de ce Service de relève, qui a pour but de soulager les familles s’occupant à domicile d’une personne vivant avec un handicap mental ou physique. Ce Service doit favoriser l’intégration des personnes handicapées, enfants et adultes, et leur maintien à domicile à un prix ac-cessible à toutes les bourses.

Le Service a engagé une coordinatrice chargée de rencontrer les familles, les personnes handicapées et les futurs intervenants, afin d’évaluer les be-soins et les compétences de chacun avant de les mettre en contact. Le Service engage des intervenants qui ont une expérience avec la popula-tion concernée (moniteurs de séjours de vacances ou de week-end de loisirs organisés par les associations Cerebral ou insieme à Genève par exemple) et qui sont disponibles pour assurer des heures de relève durant une année au minimum. Une formation et des réu-nions de bilan en groupe sont mises en place par le Service et obligatoires pour tous les nouveaux intervenants. En fonction des besoins particuliers et personnels de ceux-ci, des entre-tiens individuels de régulation sont aussi proposés.

Le Service de relève genevois des pa-rents de personnes handicapées est un projet-pilote qui, durant la pé-riode de lancement (2008-2010), fonctionnera uniquement grâce à des fonds privés, notamment avec le soutien de la Fondation les Cor-billettes. Grâce aux aides financières reçues, le service peut donc propo-ser à 65 familles environ 200 heures de relève par année au tarif de CHF 15.-/heure ou de CHF 75.-/nuit. De cette manière, seul le 60% de la rémunération brute de l’intervenant est à la charge des bénéficiaires,le 40% restant étant financé par le Ser-vice de relève.

Après 2 mois de fonctionnement, les besoins exprimés par certaines fa-milles dépassent déjà les limites fixées par le Service (notamment au niveau du nombre d’heures de relève auto-risé). De plus, des besoins pressants ont été clairement mis à jour dans le domaine du handicap psychique soit de la part de parents vivant avec une personne touchée par une maladie psychiatrique soit par des associations actives dans ce domaine. Le Service de relève ne peut malheureusement pas répondre à ces demandes en rai-son d’une part des types d’accompa-gnement souhaité mais également des compétences des intervenants dont dispose le Service. La phase pilote du Service pourra donc également être mise à profit pour encourager les autres associations qui souhaiteraient bénéficier d’un service de relève à ef-fectuer une enquête auprès de leurs membres pour dégager les besoins réels et le type de prestations atten-dues. Par ailleurs, les 3 organismes, Cerebral, insieme et Pro Infirmis impliqués dans ce projet à Genève comptent sur les autorités cantonales et fédérales pour assurer la pérennité de cette prestation qui vient complé-ter le dispositif genevois de prise en charge des personnes handicapées.

Virginie Gorgerat, coordinatricep.a. insieme, rue de la Gabelle, 7CH - 1227 CarougeTél. 022 343 17 20 (lundi, mardi, jeudi)www.servicerelevegeneve.ch