Upload
others
View
0
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
PANORAMA DE PRESSE
06/06/2016 08h11
CGT
Panorama réalisé avec Pressedd
SOMMAIRE
SYNDICALISME(3 articles)
lundi 6 juin 2016
Quand un congrès rencontre un mouvement social (510 mots)
« Un selfie, Philippe ? » Philippe Martinez restera l'invité vedette du 37e congrèsdu Parti communiste français. Mouvement …
Page 5
samedi 4 juin 2016
l'essence de la cgt (1595 mots)
Le mouvement social contre la loi El Khomri vient rappeler que la Confédérationgénérale du travail (CGT) s'est construite …
Page 6
samedi 4 juin 2016
David Gistau : « La CGT, plus que jamais debout »(635 mots)
Le secrétaire de l'Union départementale CGT a rejoint la direction confédérale auxcôtés de Philippe Martinez. Vous avez…
Page 8
ACTUALITE SOCIALE(4 articles)
lundi 6 juin 2016
Les Germanaud tiennent tête à la multimillionnaire (661 mots)
Quand des salariés de l'entreprise de charcuterie Germanaud de Blois (Loir-et-Cher) se sont rendus à Paris pour négocier le…
Page 10
lundi 6 juin 2016
Le risque de travailler trop (489 mots)
La droite s'est à nouveau saisie de l'occasion offerte par le débat sur la loi travailpour répéter cette bêtise que les Fr…
Page 11
lundi 6 juin 2016
Le salarié ne peut consentir à la violation de ses droits (454 mots)
Lorsqu'il réclame le paiement d'heures supplémentaires, le salarié doit apporterdes éléments de preuve tels que plannings,…
Page 12
lundi 6 juin 2016
Jordan Michaux, il taille un costard (1338 mots)
« Je l'ai mis pour que vous le voyiez. » Jordan Michaux pointe, sur son torse, l'objetqui fait polémique. Un col rond, deux …
Page 13
MOUVEMENTS SOCIAUX(3 articles)
lundi 6 juin 2016
Le Havre, cœur battant de la contestation (838 mots)
C'est une petite troupe née autour du film Merci patron ! Des militants« concernés », non encartés, aux origines hybrides,…
Page 16
lundi 6 juin 2016
Nouvelle semaine tendue entre mouvements sociaux etouverture de l’Euro (883 mots)
Une grève des cheminots qui dure, un nouvel appel à la grève dans l’énergie, et unpréavis des pilotes d’Air France : alors que l’E…
Page 18
dimanche 5 juin 2016
Manuel Valls demande d’arrêter la grève à la SNCF « le plusvite possible »(670 mots)
Le premier ministre, Manuel Valls, a appelé, samedi 6 juin, à l’arrêt « le plus vitepossible » du mouvement de grève à la SNCF, qu…
Page 21
EUROPE ET INTERNATIONAL(3 articles)
dimanche 5 juin 2016
Les Suisses appelés à voter sur le « revenu universel », entreutopie et pragmatisme (1126 mots)
La révolution viendra-t-elle de Suisse ? Dimanche 5 juin, le pays est appelé àvoter sur l’instauration d’un « revenu de base incon…
Page 24
dimanche 5 juin 2016
Le « revenu universel », entre utopie et pragmatisme (1068 mots)
« Le revenu universel - est - une idée qu'il faut mettre dans le débat public », alancé le premier ministre Manuels Vall…
Page 27
samedi 4 juin 2016
En Espagne, l'embellie sur l'emploi se confirme (942 mots)
Pour la première fois depuis août 2010 en Espagne, le nombre de chômeurs estredescendu, en mai, sous la barre symbolique …
Page 29
SYNDICALISME
4
Quand un congrès rencontre un mouvement socialvisite Le secrétaire général de la CGT a été accueilli chaleureusement par les délégués du PCF.Convergences de luttes mais aussi d'expériences et de propositions.
lundi 6 juin 2016Page 5
510 mots
POLITIQUE
« Un selfie, Philippe ? » Philippe
Martinez restera l'invité vedette du
37e congrès du Parti communiste
français. Mouvement social oblige,
les 800 congressistes se bousculent
pour se faire photographier avec le
numéro un de la CGT. « Malgré la
pluie, les insultes, l'Euro de foot, la
mobilisation est soutenue par plus de
70 % de la population qui demandent
le retrait de cette loi », lance le secré-
taire général de la CGT, avant de lis-
ter « les actions qui se poursuivront
cette semaine, ainsi que les votations
citoyennes qui marchent très bien ».
« Nous, nous n'avons pas peur de de-
mander l'avis aux salariés et aux ci-
toyens », revendique le syndicaliste.
Si le « hasard du calendrier » a voulu
que le congrès du PCF se déroule à
ce moment charnière du bras de fer
engagé contre le gouvernement et le
patronat sur la loi travail, le secré-
taire général a estimé « normale » sa
venue : « Nous nous plaignons sou-
vent d'un manque de relais politique
sur ce que porte la CGT. Il est donc
normal de venir écouter les débats et
voir comment les partis, et le Parti
communiste aujourd'hui, se posi-
tionnent et sont attentifs au mouve-
ment social. »
Les communistes présents à Auber-
villiers ont nourri leurs interventions
de leurs expériences, leurs ren-
contres avec cette France debout,
cette France en lutte. Conscients que
cette nouvelle page de l'histoire so-
ciale ouverte depuis trois mois peut
dégager « à nouveau le chemin des
grandes utopies sociales, des grandes
avancées », a assuré Pierre Laurent,
lors de son discours de clôture du
congrès. Ce sont aussi des militants
au cœur des luttes qui se sont retrou-
vés. En témoignent les mots d'accueil
de la maire communiste
d'Aubervilliers, Meriem Derkaoui, sa-
luant ces « chers grévistes, chers
jusqu'au-boutistes, chers radicalisés,
chers manifestants et chères mani-
festantes, chers insoumis ». Des com-
munistes qui portent l'ambition de
trouver la réponse à « cette généra-
tion qui aujourd'hui sait ce qu'elle ne
veut pas », affirme l'un d'entre eux.
« J'ai un bac + 5, je suis au chômage
depuis sept mois et, depuis, je n'ai
eu qu'un entretien d'embauche pour
une mission de trois mois, c'est ce
qu'on appelle le sas de précarité. Et
si je me bats c'est pour que ma vie
change », témoigne une jeune com-
muniste, avant d'ajouter que même si
« nous n'avons pas le pouvoir, que les
médias nous boycottent, nous avons
un projet politique qui répond à nos
attentes ». C'est tout le sens de
l'appel du congrès voté à l'unanimité
(lire page 6). Avec, rappelle Pierre
Laurent, une première échéance :
« Nous allons, le 14 juin, submerger
les pavés de la capitale dans une im-
mense manifestation nationale. Je
vous invite à déployer tous nos ef-
forts. ( ) Pour faire le grand cortège
de la colère et des aspirations popu-
laires ! »■
par Clotilde Mathieu
Tous droits réservés L'Humanité 2016
7B9D53DB88C0D10085581C00DD0D719735B96E957473374690BF482
Parution : Quotidienne
Diffusion : 37 204 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2014/2015
Audience : 369 000 lect. (LDP) - © AudiPresse One 2014/2015
↑ 5
l'essence de la cgt
SocialVent debout contre le projet de loi El Khomri, le syndicat reste fidèle à lastratégie qui est la sienne depuis sa création, en 1895 : être une forced'opposition plus que de proposition
samedi 4 juin 2016Page 2
1595 mots
LE MONDE IDÉES
Le mouvement social contre la loi El
Khomri vient rappeler que la Confé-
dération générale du travail (CGT)
s'est construite dans les luttes so-
ciales. Son quatorzième secrétaire
général, Philippe Martinez défend le
« syndicalisme de classe et de masse ».
En mettant en avant le rapport de
forces et en privilégiant la contesta-
tion plus que la proposition, il se veut
fidèle au message des pères fonda-
teurs du syndicat.
Même si son histoire est loin d'avoir
été -linéaire, les luttes ont jalonné
l'histoire de la centrale, créée en sep-
tembre 1895 par 75 délégués, dont
trois femmes, réunis en congrès à Li-
moges. La CGT -regroupe la -Fédé-
ration nationale des syndicats, socia-
liste, qui se présente comme une
« armée »décidée à « écraser l'ennemi
commun »(le capitalisme), et la -Fé-
dération des bourses du travail, sous
influence anarchiste. La fusion est
fragile. La CGT est un squelette sans
chair. Encouragés par Fernand Pel-
loutier, les anarcho-syndicalistes
créent un « comité d'organisation de la
grève générale ». En 1906, au congrès
d'Amiens, la CGT, qui fédère à peine
4 % des salariés, doit se positionner
par rapport à la Section française de
l'Internationale ouvrière (SFIO), qui
a rassemblé, en 1905, la famille so-
cialiste.
A Amiens, du 8 au 14 octobre 1906,
les débats sont vifs. La CGT ne veut
pas entrer dans le cadre du législa-
teur qui, en légalisant les syndicats
en 1884, attendait qu'ils déve-
loppent un syndicalisme de services.
Elle choisit la voie révolutionnaire et
adopte une charte, à laquelle elle se
réfère encore aujourd'hui, qui -pro-
clame l'indépendance du syndicat
par rapport aux partis, demandant au
militant politique de « ne pas intro-
duire dans le syndicat les idées qu'il
professe au-dehors ». Mais elle as-
signe au syndicat une « double be-
sogne »: « l'accroissement du mieux-
être des travailleurs, par la réalisation
d'améliorations -immédiates »;
« l'émancipation intégrale qui ne peut
se réaliser que par l'expropriation ca-
pitaliste ». La CGT mène des grèves
dures, avec, au premier rang de ses
revendications, la journée de 8
heures, qui sera instaurée par une loi
en 1919.
Au lendemain de la première guerre
mondiale, le triomphe de la révolu-
tion bolchevique en Russie change la
donne. En 1920, la conflictualité ex-
plose, avec plus de 23 millions de
journées individuelles de grève, dix
fois plus qu'en 1913. Des « comités
syndicalistes révolutionnaires »
mènent des actions violentes. Après
la scission de la SFIO à Tours, en
1920, et la naissance du Parti com-
muniste (PCF), ces comités sont ex-
clus de la CGT en 1921. Ils fondent,
en juin 1922 à Saint-Etienne, la CGT
unitaire (CGT U) qui accepte un lien
de subordination du syndicat au par-
ti. Dirigée depuis 1909 par Léon Jou-
haux, un ancien ouvrier -allumettier
proche de Jean Jaurès, la CGT campe
sur une ligne clairement réformiste.
Il faudra la montée des menaces ex-
térieures (Allemagne, Italie), des pé-
rils intérieurs (ligues fascistes) et le
virage de Staline, qui enjoint aux par-
tis communistes d'abandonner la
ligne « classe contre classe », pour
rapprocherla SFIO et le PCF, dans la
perspective des élections législatives
de 1936. Le 9 octobre 1934, des dis-
cussions s'engagent entre la CGT et
la CGT U, et un congrès de réunifi-
cation se tient à Toulouse du 2 au
5 mars 1936. L'incompatibilité des
mandats politiques et syndicaux est
votée à une large majorité de 68,4 %.
Benoît Frachon, dirigeant jusqu'alors
de la CGT U, ne pourra plus siéger (du
moins officiellement) au bureau poli-
tique du PCF.
Après la victoire du Front populaire,
des grèves avec occupations éclatent
à partir du 11 mai et se répandent
comme une traînée de poudre dans
des secteurs peu syndiqués. La CGT
est prise de court. « Le mouvement
s'est déclenché sans qu'on sût exacte-
ment comment et où », reconnaît Jou-
haux. Ces grèves prennent une allure
de kermesse, et la philosophe Simone
Weil y voit des " grèves de la joie ".
Il y aura jusqu'à 2 millions de gré-
vistes. Pour y mettre fin, Léon Blum
-convoque la CGT et le patronat, qui
signent, le 7 juin, les accords de Ma-
tignon, prévoyant notamment de
↑ 6
fortes hausses de salaire. Mais les
grèves continuent. Et Maurice Tho-
rez, le dirigeant communiste, siffle,
le 11 juin, la fin des hostilités : « Il
faut savoir terminer une grève dès que
satisfaction a été obtenue. »
A l'aube de la seconde guerre mon-
diale, la CGT se déchire à nouveau.
Les syndicalistes communistes favo-
rables au pacte germano-soviétique
sont exclus. -Vichy dissout les syndi-
cats, et les deux branches -séparées
de la CGT se réunifient dans la clan-
destinité. Ce sont les accords du Per-
reux (17 avril 1943). A la Libération,
la centrale se dote d'une direction à
deux têtes, avec un communiste (Fra-
chon) et un -réformiste - (Jouhaux).
La guerre froide, l'éviction des com-
munistes du gouvernement et une
flambée de grèves violentes, avec des
déboulonnages de rails – en 1947,
on compte un peu moins de 23 mil-
lions de journées perdues pour faits
de grève – annoncent le schisme. Les
communistes créent un « comité na-
tional de grève ». C'en est trop pour
les réformistes, qui s'insurgent
contre la « confiscation » de la CGT
par le PCF et la quittent, le 19 dé-
cembre 1947. En avril 1948 naît
Force ouvrière.
De son côté, le CGT prône un syn-
dicalisme révolutionnaire en rupture
avec le capitalisme et entretient une
relation privilégiée avec le PCF. De
1947 à 1996, tous ses secrétaires gé-
néraux (Benoît Frachon, Georges Sé-
guy, Henri Krasucki, Louis Viannet)
siégeront au bureau politique du par-
ti. Elle noue cependant, en 1966, un
pacte d'unité d'action avec la CFDT
qui durera jusqu'en 1979.Quand
éclate la contestation étudiante de
mai 1968, la CGT est surprise. Pas
plus qu'en 1936, elle n'appelle à la
grève générale. Elle se contente
d'accompagner les grèves qui se pro-
pagent à partir du 14 mai, chez Sud-
Aviation et chez Renault, au point
qu'on comptera, fin mai, 10 millions
de grévistes. Lorsqu'un protocole
d'accord est négocié au ministère du
travail entre les syndicats, le gouver-
nement et le patronat – les fameux
« accords de Grenelle », -jamais si-
gnés –, ses dirigeants vont le présen-
ter à la « forteresse ouvrière » de Re-
nault Billancourt et sont accueillis
par des sifflets.
Les grèves de 1995, une demi-vic-
toire
Tout en faisant la grève de la signa-
ture des accords -nationaux interpro-
fessionnels, la CGT soutient le pro-
gramme commun de la gauche en
1972. En 1978, Georges Séguy tente
de dégager la centrale de l'emprise
du PCF mais l'ouverture tourne court.
En 1986, lors d'une longue grève de
trois semaines à la SNCF, la CGT est
concurrencée par des coordinations.
En 1994, elle s'allie avec les mou-
vements de jeunesse pour obliger
Edouard Balladur à abandonner son
projet de contrat d'insertion profes-
sionnelle (le « smic jeunes »). A
l'automne 1995, elle mène des -
grèves d'ampleur contre le plan
d'Alain Juppé sur la Sécurité -sociale
et l'alignement des retraites des
fonctionnaires sur celles des salariés
du privé. On -recensera 5 millions de
journées individuelles -perdues, un -
record -depuis Mai 68. La CGT, si elle
n'appelle toujours pas à la grève gé-
nérale, obtient une demi-victoire : le
« volet retraites » est abandonné. Le
conflit a fait émerger Bernard Thi-
bault, le patron des cheminots, qui -
devient, en 1999, secrétaire général
de la CGT.
Bernard Thibault engage une muta-
tion d'essence -réformiste. Il coupe
les derniers liens avec le PCF pour
ne pas être entraîné dans son déclin
électoral. Mais la CGT reste au cœur
des luttes. En 2003, elle part en
guerre, en vain, contre la réforme des
retraites de Francois Fillon et
s'oppose à la CFDT, qui la cautionne.
En 2006, elle mène le combat dans
une unité parfaite de tous les syndi-
cats et des mouvements étudiants, à
coups de manifestations puissantes,
contre le contrat première embauche
de Dominique de Villepin. C'est un
succès. -Jacques Chirac promulgue la
loi en prévenant qu'elle ne sera pas
appliquée. En 2010, la CGT unit ses
forces à celles de la CFDT et des
autres syndicats contre la -réforme
des retraites de Nicolas Sarkozy. Dix
journées de mobilisation sont orga-
nisées, avec jusqu'à 3,5 millions de
manifestants selon la CGT (1,2 mil-
lion pour la police). In fine, des raffi-
neries sont bloquées, mais M. Sarko-
zy sort l'arme de la réquisition. C'est
un échec pour la centrale. La réforme
passe. L'ombre de cette défaite plane
aujourd'hui sur la mobilisation, net-
tement plus faible, contre la « loi tra-
vail ».
Michel Noblecourt ■
Tous droits réservés Le Monde 2016
C79543AA86003F09A5131740E70C419034D94295E46031AB6327870
Parution : Quotidienne
Diffusion : 271 955 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2014/2015
Audience : 2 231 000 lect. (LDP) - © AudiPresse One 2014/2015
↑ 7
David Gistau : « La CGT, plus que jamais debout »
samedi 4 juin 2016Édition(s) : Millau
Page 4635 mots
L e secrétaire de l'Union
départementale CGT a rejoint la
direction confédérale aux côtés de
Philippe Martinez.Vous avez été élu
au bureau confédéral de la CGT. Que
représente pour vous cette nomina-
tion ? C'est une fierté et un honneur
de faire partie de la direction confé-
dérale, mais c'est surtout une recon-
naissance du travail collectif réalisé
par les militants de la CGT aveyron-
naise. Quelles sont vos responsabili-
tés ? Les 50 membres de la direction
confédérale ont pour rôle de diriger
toute la CGT et de mettre en œuvre
les orientations adoptées lors du 51e
congrès confédéral. Je vais être ame-
né à être sur Paris une dizaine de
jours par mois, mais la CGT ayant pas
mal de ressources militantes, nous
nous sommes organisés collective-
ment afin que l'UD fonctionne aussi
bien qu'actuellement, je reste de
toute façon très présent sur notre
beau département.
Comment jugez-vous la situation so-
ciale actuelle ? Comme chacun peut
le constater, la situation sociale est
extrêmement tendue, dans tous les
secteurs d'activité, y compris chez les
jeunes et les retraités. Depuis des an-
nées les salariés servent de variable
d'ajustement aussi bien dans le pu-
blic que dans le privé avec des consé-
quences terribles sur les conditions
de travail. La loi El-Khomri qui a pour
but de déréguler encore un peu plus
le marché du travail, et de faire sau-
ter tous les filets de sécurité des sa-
lariés, fédère toutes les colères.
D'ailleurs, 70 % des Français y sont
opposés. En décidant de satisfaire
tous ceux qui n'ont pas voté pour
eux, Medef en tête, François Hol-
lande et son gouvernement ont défi-
nitivement tourné le dos à une poli-
tique de progrès social. Le sentiment
de trahison est donc immense. La
'guerre de chapelle' entre syndicats
n'est-elle pas contre-productive ?
Certainement. Je pense, en effet, que
la division syndicale que le patronat
et le gouvernement entretiennent et
utilisent, ne rend pas service au
monde syndical, et surtout pas aux
salariés. Je dis souvent que si tous les
drapeaux, quelles que soient leurs
couleurs, flottent dans la même di-
rection, celle qui indique l'intérêt des
salariés, c'est profitable pour tout le
monde. Aujourd'hui, force est de
constater que nous sommes avec la
CFDT sur des positions diamétrale-
ment opposées. C'est notamment
vrai sur la loi El-Khomri, comme ça
l'est sur le dossier des intermittents.
Alors même que les syndicats sont
mobilisés, comment expliquer la
stigmatisation dont la CGT fait les
frais ? Depuis plusieurs mois sous ce
gouvernement, les libertés syndi-
cales, comme la liberté d'expression,
sont mises à mal, avec une réelle vo-
lonté de criminaliser l'action syndi-
cale. Nous faisons face à un déferle-
ment de haine de la part de certains
grands médias, du gouvernement,
d'élus, du patronat, avec des propos
odieux de Gattaz : tout cela afin de
nous discréditer ou nous intimider.
Ils savent très bien que nous avons
les capacités collectives de créer les
conditions d'un mouvement social de
grande ampleur pour, à la fois
s'opposer à leurs politiques libérales
et d'austérité, mais aussi pour faire
des propositions sur la sécurité so-
ciale professionnelle, la répartition
des richesses, le salaire des grands
patrons ou encore l'évasion fiscale.
Vous savez, même si la CGT vient de
fêter ses 120 ans, elle est plus que
jamais debout et prête à relever de
nouveaux défis. Propos recueillis par
J. B. et P. B. ■
Propos recueillis par J. B. et P. B.
Tous droits réservés Midi Libre 2016
899E839B8E504A01B5131770C506812C31298E9434D4331BDC457E2
Parution : Quotidienne
Diffusion : 114 030 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2014/2015
Audience : 575 000 lect. (LDP) - © AudiPresse One 2014/2015
↑ 8
ACTUALITE SOCIALE
↑ 9
AGROALIMENTAIRE
Les Germanaud tiennent tête à la multimillionnaireContre la fermeture de leur usine, les ouvriers de Blois tiennent un piquet de grève depuis plu-sieurs jours, motivés par leur refus de négocier sous pression policière.
lundi 6 juin 2016Page 10
661 mots
SOCIAL-ECO
Q uand des salariés de
l'entreprise de charcuterie Ger-
manaud de Blois (Loir-et-Cher) se
sont rendus à Paris pour négocier
leur bien mal nommé plan de sauve-
garde de l'emploi, ils se sont trouvés
nez à nez avec une dizaine de poli-
ciers en tenue d'assaut, casques sous
le bras, en plus des trois vigiles man-
datés par la direction. « Comme si
nous étions des terroristes », avance
Joëlle Lhuilier, ouvrière de l'usine et
membre du bureau du comité
d'entreprise. Accompagnés de leur
avocat, maître Brun, ainsi que de
deux experts, les six salariés ont re-
fusé de négocier sous pression poli-
cière. « On ne négocie pas avec des
flics derrière la porte », lance un sala-
rié membre de la délégation. C'était
le 24 mai. Depuis, les travailleurs, ex-
cédés par cette humiliation de trop,
ont entamé la grève, empêchant tout
camion de rentrer et de sortir de
l'usine. Le piquet de grève est tenu
jour et nuit par des ouvriers, qui,
pour beaucoup, travaillent dans
l'usine depuis plus de vingt-cinq ans.
En plus des drapeaux des syndicats
CGT et FO, c'est la dignité retrouvée
qui se dresse face aux décisions
broyeuses d'hommes prises par la di-
rection du groupe qui gère l'usine
Germanaud : la holding Financière
Turenne Lafayette (anciennement
Comptoir commercial alimentaire).
Cette société, dont le chiffre
d'affaires excède le milliard d'euros,
est la propriété d'une seule action-
naire : Monique Piffaut, héritière
d'une riche famille autrichienne, et
145e fortune française (410 millions
d'euros) selon Challenges.
Pour augmenter encore ses profits, la
propriétaire de ce groupe, qui pos-
sède les marques William Saurin,
Madrange, Paul Prédault ou Panzani,
a décidé unilatéralement de fermer
son usine de Blois, qui embauche 103
salariés dont le savoir-faire permet
aux produits « de terminer premiers
lors des tests annuels de dégusta-
tion », souligne Philippe Lhuilier, dé-
légué syndical CGT. « Les machines
qui devaient arriver à Blois sont par-
ties pour l'usine de Goussainville,
chez Paul Prédault, ajoute-t-il. On
nous a dépouillés de notre outil de
travail. Nous devenons des sous-trai-
tants, avec paiement des factures
d'électricité à chaque fois que la ma-
chine qui a été payée sur des fonds
d'ici fonctionne là-bas. » Une mé-
thode bien pratique pour plomber
encore les comptes d'une usine afin
de mieux justifier sa fermeture.
Devant la porte de l'usine, Domi-
nique Senocq, délégué syndical FO,
explique que la grève a ressoudé les
liens entre les salariés et leur permet
de retrouver un moral que les tur-
pitudes de la direction s'étaient em-
ployées à élimer. Et ce n'est pas la
convocation au tribunal des deux ou-
vriers élus qui entamera leur déter-
mination. La patronne, peu habituée
à un rapport de forces touchant au-
tant à ses profits (273 000 euros par
jour, selon la CGT), a en effet tenté
de forcer la réouverture de l'usine au
motif que 27 tonnes de viande sont
en attente dans l'usine et qu'il y a un
risque sanitaire.
« Elle veut forcer l'ouverture d'un site
qu'elle veut fermer définitivement en
août ! » lance un salarié. Au tribunal
de Blois, le 31 mai, l'avocat des sala-
riés a pu faire renvoyer l'affaire au 7
juin, n'ayant eu que deux jours pour
étudier les pièces du dossier. Sur le
piquet de grève, on rit des méthodes
archaïques de la direction, qui « ne
connaît pas encore l'informatique, et
à qui il faut imprimer les e-mails et
transmettre toutes les infos par fax ».
Sans doute une façon de dire que
l'avenir est du côté des salariés. ■
par Olivier Morin
Tous droits réservés L'Humanité 2016
599D93A28FB00C03251A1A60EE0C91E43C59719C2431374903225AA
Parution : Quotidienne
Diffusion : 37 204 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2014/2015
Audience : 369 000 lect. (LDP) - © AudiPresse One 2014/2015
↑ 10
LA CHRONIQUEDE BARBARAROMAGNAN
Le risque de travailler trop
lundi 6 juin 2016Page 13
489 mots
TRIBUNE IDÉES
L a droite s'est à nouveau saisie de
l'occasion offerte par le débat
sur la loi travail pour répéter cette
bêtise que les Français travailleraient
moins que les autres. Effectivement,
les données d'Eurostat établissent
que les Français à temps plein tra-
vaillent 40,7 heures par semaine, soit
moins que la moyenne européenne
de 41,5 heures.
Le problème d'un tel classement,
c'est qu'il ne prend en compte que les
temps pleins, alors que les heures ef-
fectuées à temps partiel produisent
également de la richesse.
Ce biais statistique a un impact par-
ticulièrement fort pour un pays
comme la France dont les temps par-
tiels comptent davantage d'heures
qu'ailleurs en Europe. En effet, pour
l'année 2010, la durée effective du
travail pour les salariés à temps par-
tiel en France était de 978 heures
contre 883 heures pour l'Allemagne.
Les temps partiels étant par ailleurs
occupés à 80 % par des femmes, leur
exclusion des statistiques constitue
une discrimination en plus d'une er-
reur d'appréciation économique. La
prise en compte des temps partiels
par Eurostat montre une autre réali-
té : la moyenne hebdomadaire fran-
çaise est de 37,5 heures, soit
0,3 heure de plus que la moyenne eu-
ropéenne établie à 37,2, celle de
l'Allemagne est de 35,3, et celle du
Royaume-Uni de 36,5. Pour savoir
comment un pays « travaille », il faut
regarder d'une part le nombre global
d'heures travaillées, d'autre part la
productivité horaire des travailleurs
qui les effectuent. De plus, se
contenter du total des heures tra-
vaillées contribue à masquer la façon
dont le travail est partagé. Un même
total d'heures travaillées n'aura pas
le même bénéfice pour la société se-
lon qu'il est partagé entre une majo-
rité de personnes détenant des temps
pleins et une minorité de chômeurs,
ou bien au contraire des temps pleins
diminués de telle manière que les
chômeurs soient à nouveau inclus sur
le marché du travail. Car le chômage
a également un coût pour la collecti-
vité, à la fois économique, mais éga-
lement sanitaire et social.
Enfin, on peut aussi rappeler que tra-
vailler beaucoup ne prouve pas la va-
leur ou l'utilité d'un individu, ni
celles d'une société. Travailler beau-
coup fait courir le risque de travailler
trop. Et quand bien même les Fran-
çais travailleraient effectivement
moins, cela ne voudrait pas dire qu'ils
travailleraient trop peu. Nous ne
sommes pas uniquement des
travailleur-euse-s, il est essentiel que
nous ayons du temps pour nos
proches, l'action collective, nous-
mêmes. Partager le travail permet de
rendre leur dignité à ceux qui sont
privés d'emploi, et de rendre du
temps libre aux autres. ■
Tous droits réservés L'Humanité 2016
109523A98E507D0ED5F21BE06B0A31B83EE9B5915466367915944F2
Parution : Quotidienne
Diffusion : 37 204 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2014/2015
Audience : 369 000 lect. (LDP) - © AudiPresse One 2014/2015
↑ 11
LA CHRONIQUEJURIDIQUEDE PAULINE LE BOURGEOISAVOCATE
Le salarié ne peut consentir à la violation de ses droits
lundi 6 juin 2016Page 10
454 mots
SOCIAL-ECO
L orsqu'il réclame le paiement
d'heures supplémentaires, le sa-
larié doit apporter des éléments de
preuve tels que plannings, agendas,
chiffrages. De son côté, l'employeur
doit fournir des éléments permettant
de justifier les heures effectivement
réalisées par le salarié. La charge de
la preuve est partagée.
Dans une affaire soumise à la cour
d'appel de Toulouse (1), salarié et
employeur fournissaient, tous deux,
des décomptes d'heures pour les
mêmes périodes de travail. Ces dé-
comptes, tous signés par le salarié,
différaient radicalement quant à la
durée du travail mentionnée par se-
maine. Les décomptes produits par le
salarié faisaient état de nombreuses
heures supplémentaires tandis que
ceux de l'employeur ne mention-
naient que très peu d'heures effec-
tuées au-delà des 35 heures prévues
au planning. Sur les décomptes du
salarié on pouvait lire des mentions
manuscrites portées par la hiérarchie
telles qu'« à refaire à 35 heures », « à
refaire en congé payé », modifica-
tions répercutées ensuite sur les dé-
comptes de l'employeur.
Au jeu des différences, la cour
d'appel a jugé que les décomptes ap-
portés par l'employeur étaient falsi-
fiés et que la signature du salarié sur
ces mêmes décomptes ne pouvait pas
masquer la réalité des heures supplé-
mentaires effectuées.
La sanction prononcée est lourde :
non seulement l'employeur est
condamné à régler les heures supplé-
mentaires qu'il a tenté de dissimuler
mais il doit également payer une in-
demnité forfaitaire de 6 mois de sa-
laire dite de « travail dissimulé ». En-
suite, le non-paiement des heures
supplémentaires est retenu comme
une violation grave par l'employeur
de ses obligations, ce qui justifie la
résiliation du contrat par le juge et
l'octroi de dommages et intérêts pour
licenciement sans cause réelle et sé-
rieuse.
Cette décision vient rappeler que le
consentement du salarié donné dans
le cadre du lien de subordination
n'est pas libre et qu'il doit être
contrôlé par le juge. Le droit du tra-
vail est avant tout, il faut le rappeler
en ces temps de réformes mouve-
mentés, un droit protecteur, et
l'employeur ne peut pas s'appuyer
sur le consentement du salarié pour
justifier la violation de règles impé-
ratives, que ce soit en matière de sa-
laire, de durée du travail, de santé et
de sécurité.
(1) Cour d'appel de Toulouse, Société
3 ID, 19 février 2016, Pauline Vais-
siere, avocate. ■
Tous droits réservés L'Humanité 2016
4794936783800204357C1AC0870A31423339989F94B53CF0018BB7C
Parution : Quotidienne
Diffusion : 37 204 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2014/2015
Audience : 369 000 lect. (LDP) - © AudiPresse One 2014/2015
↑ 12
Jordan Michaux, il taille un costard
L'homme au tee-shirt contre qui Macron s'est énervé est un grand cœur detoutes les luttes, toujours entre deux boulots précaires.
N° 10898lundi 6 juin 2016
Page 241338 mots
PORTRAIT
« Je l'ai mis pour que vous le voyiez. »
Jordan Michaux pointe, sur son torse,
l'objet qui fait polémique. Un col
rond, deux manches courtes. Un tee-
shirt noir frappé des mots « Freedom
for Palestine » et de virevoltantes co-
lombes de la paix. Devant lequel, tout
colère, le ministre de l'Economie en
campagne a lâché dans une petite
passe d'armes, le 27 mai à Lunel :
« Vous n'allez pas me faire peur avec
votre tee-shirt, la meilleure façon de se
payer un costard, c'est de travailler. »
Dix jours après son dialogue surréa-
liste avec Emmanuel Macron, Jordan
Michaux, barbe blonde et coupe en
brosse, cherche toujours les causes
de l'ire ministérielle : « C'est quoi qui
l'a choqué, au juste, dans mon tee-
shirt ? » Assis à la terrasse d'un café
du centre de Nîmes, la somnolente
préfecture du Gard, où il vit, le jeune
homme prévient : il n'aime pas parler
de lui, et préfère être dans l'action.
Celle qui le mène, chaque soir juste
en face, autour des bancs du square
de la Bouquerie. Entre la fontaine et
la belle statue d'un faune dansant, il
rejoint les derniers nuit-deboutistes
nîmois par « investissement citoyen »,
pour « montrer [s]on désaccord avec ce
gouvernement » et, aussi, « pour parler
avec des gens qu' [il] ne connaît pas ».
A 21 ans, ce gaillard râblé, né dans
le Loiret qui a, en partie, grandi à
Nîmes, n'a jamais porté de costume.
Des chemises, oui, parfois, pour aller
bosser. « Quand j'ai du boulot »,
précise-t-il. Ce qui n'est pas le cas
tout le temps. Depuis son CAP cuis-
tot, jamais bouclé, Michaux enquille
missions d'intérim passagères et
contrats éphémères. Il a été cou-
vreur, apiculteur, paysagiste, ouvrier
en usine, manœuvre dans le bâti-
ment. Le trois-pièces cravate comme
quintessence de la réussite sociale ?
Très peu pour lui.« Même si j'avais au-
tant d'argent que Macron pour
m'acheter un costard comme le sien, je
ne le ferais pas. On n'a pas tous envie
de devenir banquier », sourit sa bouille
juvénile, dans laquelle est planté un
regard bleu inquiet. Ce qui tarabuste
Michaux, c'est que la jeunesse est
« désespérée ». Plusieurs fois, le nez
au-dessus de son café allongé, il em-
ploie ce mot-là. «La loi El Khomri,
c'est la goutte d'eau, balance-t-il de
son débit de mitraillette, le mal est
plus profond, les jeunes ne croient plus
en rien.» Et lui ? Bof, en pas grand-
chose.
L'avenir lui semble loin, incertain, à
cet enfant de la classe populaire, qui
vit dans le giron familial, avec sa
mère - assistante commerciale au
chômage - et ses trois frères et
sœurs. «Je n'airien, ni crédit, ni mai-
son, ni gamin… Donc, je n'ai rien à
perdre. Mais ça me plairait bien, un
jour.Qui n'en aurait pas envie ? »
interroge-t-il à haute voix.
Pour le moment, il s'indigne qu'on
veuille étendre le revenu de solida-
rité active (RSA) aux jeunes dès
18 ans : « Ils peuvent se le garder,
hein ! C'est un truc pour nous endormir.
Ce qu'on veut, c'est du boulot. » Autour
de la table, proches et amis sont ve-
nus en renfort. Anaïs, Michaël, sa co-
pine Karine, sa mère Isabelle : tous
précaires ou pas loin de la galère.
Sauf Roland, le conseiller principal
d'éducation (CPE) qui, sur la vidéo,
engage le premier la conversation
avec le ministre. Le 27 mai, la petite
bande a pris le train (mais pas de ti-
cket) pour Lunel dans l'espoir de
l'interpeller. «Je voulais lui dire qu'on
en a marre, reprend Michaux, que la
précarité, ça ne fait que nous diviser.»
Le Nîmois n'est pas du genre à avoir
l'ego boursouflé, mais, en réponse, il
s'est pris la punchline ministérielle
comme une calotte. « J'ai été choqué,
je me suis senti agressé. Par lui et ses
vigiles qui te font les gros yeux. Ma-
cron, je ne l'ai jamais tutoyé, je ne lui ai
jamais manqué de respect. S'il me parle
comme ça, c'est parce que je suis jeune
et en tee-shirt. » Le parfait profil du
branleur, quoi. Rétrospectivement, le
gamin se marre que la sécurité du mi-
nistre soit venue, avant son passage,
s'assurer que les manifestants ne
trimballaient ni œufs ni farine.
« Si j'avais su… », s'amuse-t-il, sou-
rire en coin. Est-il de gauche ? Non.
De droite ? Non plus. Du rouge au
brun, il vomit toutes les couleurs du
prisme. « Tout ça, c'est le même ciné-
ma politique », assure-t-il, un badge
« Mon identité n'est pas nationale »
piqué sur sa veste en jeans. Membre
d'aucun parti, d'aucun syndicat, il n'a
jamais voté. Et compte ne jamais le
faire. « Ça sert à rien ! »Ce désœuvre-
ment qui guette, il le comble à coups
d'engagements. Le garçon est « un
émotif », décrit Roland, autre pilier de
↑ 13
Nuit debout à Nîmes. A fleur de peau,
Michaux a le genou qui tressaute
avec une régularité d'horloge suisse
sous la table.
Sa première grande manif ? Il s'en
souvient, c'était à Sivens, la nuit où
Rémi Fraisse est mort, fin oc-
tobre 2014. Jordan ne se réclame pas
écolo. « Mais, quand je vois qu'on rase
une forêt pour un projet à la con, ça me
révolte, c'est tout ! » Et, avec le même
empressement, il embrasse la cause
palestinienne via l'antenne gardoise
de Boycott Désinvestissement Sanc-
tions (BDS 30), qui appelle à mener
des pressions, notamment écono-
miques, sur Israël. « L'exploitation des
gamins palestiniens dans les colonies,
c'est dégueulasse », attaque le grand
ado. En retour, il récolte des menaces
sur Facebook, attisées par sa récente
médiatisation. Mais il recadre : « On
prône le boycott de certains produits
israéliens, mais on n'est pas antisé-
mites. Rien à voir avec Dieudonné, les
quenelles, et tout ça. Je suis aussi ré-
volté par le sort des Tibétains, le géno-
cide congolais… Mais je peux pas être
partout. » Une convergence des luttes
à lui tout seul.
Certitudes bétonnées et sincérité
désarmante en bandoulière, il ne se
veut symbole de rien, porte-parole de
personne. Il pourrait se laisser aller à
l'amertume ; se couler devant la télé
qui « crache du négatif ». Il se
concentre sur « le positif ». A savoir :
les copains, la famille, la pêche à la
daurade au Grau-du-Roi, un peu de
course à pied, quelques pompes. Et
un petit poker de temps en temps.
« La vie, quoi », dit-il en rigolant sous
sa casquette en velours noir siglée
Partouche, les casinos.
Il aime la musique, aussi. En ce mo-
ment, il écoute pas mal de rap en-
gagé, le dernier album de Keny Ar-
kana en tête, Etat d'urgence - et du
Renaud (« bonne époque », précise-t-
il). A la terrasse du bistrot, il entonne
soudain Société, tu m'auras pas ! avec
une spéciale dédicace à Macron, juste
après le refrain. A ses côtés, Karine,
sa douce et rousse copine, rit. Puis,
souffle : « Jordan a de vraies valeurs
morales. Pour quelqu'un dans le be-
soin, il donnerait sa chemise. » Mais
son tee-shirt noir, pour l'instant, il le
garde.
22 décembre 1994 Naissance
à Amilly (Loiret).
2011 Arrivée à Nîmes (Gard).
25-26 octobre 2014 Manifestation
à Sivens (Tarn).
9 avril 2016 Première Nuit debout
à Nîmes.
27 mai 2016 Rencontre avec Emma-
nuel Macron à Lunel (Hérault). ■
par Coralie Bonnefoy
Tous droits réservés Libération 2016
5C9093158C30F20FC52D12C0270DC1833CD90B9954B13768F5305F0
Parution : Quotidienne
Diffusion : 94 957 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2014/2015
Audience : 950 000 lect. (LDP) - © AudiPresse One 2014/2015
↑ 14
MOUVEMENTS SOCIAUX
↑ 15
LOI TRAVAIL
Le Havre, cœur battant de la contestationA l'appel de l'intersyndicale havraise, 30 000 salariés ont encore manifesté jeudi dernier dans laville, avec pour point d'orgue un meeting galvanisant. Les rues devraient de nouveau déborder demonde le 9 juin.
lundi 6 juin 2016Page 9
838 mots
SOCIAL-ECO
C 'est une petite troupe née
autour du film Merci patron !
Des militants « concernés », non en-
cartés, aux origines hybrides, prêts à
se mobiliser en une semaine pour ac-
compagner joyeusement un rassem-
blement ou une projection initiés par
le réalisateur François Ruffin, qui est
aussi patron du journal satiriste Fa-
kir. Ce jeudi, une quarantaine de « fa-
kiriens » a pris la route direction Le
Havre à la rencontre des salariés et
syndicalistes mobilisés depuis le ma-
tin contre la loi travail. A l'arrière du
bus, la fanfare invisible (mais pas
muette) révise l'Internationale et des
chants de travailleurs. A l'avant les
« intellos » sont plus discrets. Serge
Halimi, le directeur du Monde diplo-
matique, et Gérard Filoche, l'ex-ins-
pecteur du travail, vont intervenir
dès l'arrivée au meeting, aux côtés
des syndicats des ports et docks, des
raffineries, des électriciens, des che-
minots, en grève depuis plusieurs
jours dans la ville portuaire.
Trois heures plus tard, le car se
parque. Reynald Kubecki, de l'union
locale CGT du Havre, accueille crâ-
nement les visiteurs : « Nous étions
30 000 ce matin dans les rues et une
nouvelle journée de grève se prépare
le 9 juin avec le département et la ré-
gion. » Le Havre, 170 000 habitants,
fer de lance de la contestation anti-
loi travail ? C'est ce qu'affirme le
journal local de France 3. Et ce que
confirment les 600 personnes réunies
dans la maison des syndicats pour le
meeting annoncé par l'intersyndicale
CGT-FO-Solidaires-FSU-Unef de la
ville. « C'est le poumon de la lutte,
il faut être là, encourage éric Beynel.
Il y existe une belle unité syndicale
depuis le début. » L'enthousiasme du
porte-parole national de Solidaires
n'a même pas été entaché par le re-
tard de son TGV, ralenti pour cause
de manifestation sur les voies. 500
cheminots et syndiqués ont fait re-
culer au petit matin les CRS havrais,
empêchant la circulation des trains.
Ce soir, la salle Franklin est comble.
Militants de toujours, cheminots le-
vés depuis l'aube, raffineurs qui se
relaient au piquet jour et nuit, pro-
fesseurs, infirmiers, salariés, retrai-
tés « On en a gros », comme le ré-
sume la banderole noire qui pend au
balcon, encadrée par les bannières
syndicales. A la Compagnie indus-
trielle maritime, 17 cadres non for-
més, placés là par la direction, rem-
placent des équipes de trente profes-
sionnels dans un site classé « Seveso
seuil haut ». Un danger pour la ville,
une attaque au droit de grève qui
n'ont pas empêché « les salariés de
reconduire la grève jusqu'à lundi mi-
di », explique Mathias Jeanne, secré-
taire CGT de la CIM. Sous les applau-
dissements. Les électriciens d'EDF se
sont fait plaisir : la fédération mines-
énergie CGT a coupé l'électricité à
Tulle, ville d'origine du président de
la République, et « les jeunes CGT se
sont emparés du compteur de la rési-
dence secondaire de M. Gattaz », re-
late Bruno Le Guillou, de la centrale
de Paluel, près de Dieppe. « 1,2 mil-
lion d'abonnés d'Île-de-France sont
passés en heures creuses au-
jourd'hui. » « Et nous ? » lui répond
la salle, joueuse. Filtrage d'accès aux
sites, coupures, baisse de charge La
Normandie n'est pas en reste.
« Les résistances ne cessent pas »,
apprécie Serge Halimi à la tribune.
« Nous sommes venus pour ap-
prendre de votre combativité, assure
le journaliste. Surtout nous sommes
venus vous dire notre solidarité
contre les coups bas de la presse, les
coups de menton du gouvernement,
les coups de matraque de la police,
contre ceux qui qualifient les résis-
tants que vous êtes de minorité ra-
dicalisée , voire de terroristes . Nous
sommes venus dire notre conviction
que ce mouvement représente la ma-
jorité des Français. » « La France ne
peut pas tomber, tonne, convaincu à
ses côtés, Miguel Urban Crespo, dé-
puté européen espagnol qui a roulé
du Parlement européen jusqu'au
Havre. Vous êtes les derniers à qui la
troïka n'a pas réussi à imposer ses ré-
formes néolibérales contre les droits
sociaux. » Face aux paroles du pré-
sident de la Commission européenne
affirmant que la réforme du droit du
travail de M. Valls est le minimum de
ce qu'il faut faire, ce membre fonda-
teur de Podemos rappelle le soutien
mutuel nécessaire entre les peuples
« contre l'Union européenne, contre
la troïka » mais « pour construire une
↑ 16
Europe différente, des peuples, des
travailleurs ». La foule se lève, les
poings aussi. Des messages de sou-
tien du leader travailliste britannique
Jeremy Corbyn, du réalisateur Ken
Loach, du président du syndicat des
dockers portugais attestent que
« grâce à votre combat, une autre Eu-
rope se dessine ». C'est le moment :
la fanfare peut entamer
l'Internationale. ■
par Kareen Janselme
Tous droits réservés L'Humanité 2016
FC9743518BC0EC0BA5F016105A06D1E136F93F9724A439C2B94DCF5
Parution : Quotidienne
Diffusion : 37 204 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2014/2015
Audience : 369 000 lect. (LDP) - © AudiPresse One 2014/2015
↑ 17
Nouvelle semaine tendue entre mouvements sociaux et ouverture del’Euro
lundi 6 juin 2016883 mots
ÉCONOMIE FRANÇAISE—ÉCONOMIE
Une grève des cheminots qui dure, un nouvel appel à la grève dans l’énergie, et
un préavis des pilotes d’Air France : alors que l’Euro de football démarre ven-
dredi, la semaine s’annonce encore périlleuse sur le front social pour le gou-
vernement.
Coincé entre l’opposition au projet de loi travail et des revendications plus ca-
tégorielles, l’exécutif a multiplié les gages, au cas par cas, mais refuse de plier
sur le texte de la ministre du travail, Myriam El Khomri. Le premier ministre,
Manuel Valls, a appelé à la « solidarité » avec les Français, du fait des intem-
péries, tandis que le président François Hollande, évoquant l’Euro 2016, a es-
timé dimanche que « personne ne comprendrait que les trains ou les avions (…)
puissent empêcher le bon déroulement, non pas de la compétition – elle n’a rien à
craindre –, mais le bon déroulement du déplacement des spectateurs ».
En face, l’intersyndicale CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF, UNL et FIDL appelle
à « renforcer la mobilisation » avec, en ligne de mire, la manifestation natio-
nale du 14 juin à Paris.
Trafic toujours perturbé à la SNCF
La grève lancée mercredi à la SNCF a encore fortement perturbé le trafic fer-
roviaire ce week-end, et a été reconduite jusqu’à lundi, jour de l’ultime table
ronde consacrée au nouvel accord sur l’organisation du temps de travail à la
SNCF.
Pour la CGT et SUD-Rail, l’accord d’entreprise qui doit être proposé lundi n’est
« pas au niveau »pour préserver les dispositions actuelles pour les cheminots.
Les deux organisations réclament aussi la réouverture des négociations au ni-
veau de la branche pour obtenir une première convention collective commune
à toutes les entreprises du rail (fret/voyageurs, privé/public) plus ambitieuse
que celle soumise à signature jusqu’au 8 juin.
A ces revendications s’ajoute leur opposition à la loi travail. Décidée à obtenir
le retrait d’un texte porteur de « régressions sociales », l’intersyndicale appelle
à poursuivre la mobilisation cette semaine « dans les secteurs professionnels et
sur tout le territoire ».
Le trafic ferroviaire sera donc encore perturbé lundi, mais s’améliorera légè-
rement, avec en moyenne six TGV sur dix, et la même proportion de TER, se-
lon les prévisions de la SNCF. Les Intercités rouleront au rythme d’un train
sur trois (aucune circulation la nuit) et les Transiliens, touchés à la fois par le
mouvement social et les crues, d’un sur deux.
Si un trafic normal est annoncé sur le RER A, toutes les autres lignes sont tou-
chées par la grève et/ou les crues : un train sur trois annoncé sur le RER B
↑ 18
(pour sa portion au nord de Gare du Nord), un sur quatre sur le RER C, dont la
circulation est interrompue dans Paris intra-muros par la crue de la Seine.
A l’international, le trafic sera quasi normal. Les Eurostar, comme les Alleo
(Allemagne), circuleront normalement. Mais les trains Thalys, Lyria (Suisse),
Ellipsos (Espagne) et SVI seront touchés dans des proportions allant d’un train
sur quatre (SVI) à trois sur quatre (Thalys, Lyria).
Pétrole, énergie, déchets, aviation, RATP : les
mouvements « s’étendent »
Pour l’intersyndicale, c’est le gouvernement qui est « responsable de la situa-
tion de blocage », « par son silence et son mépris ». Et, avec la perspective de
la manifestation nationale le 14 juin à Paris, à laquelle plusieurs organisations
de taxis appellent aussi à participer, les mouvements « s’étendent », affirme-
t-elle.
Ils ont gagné le secteur des déchets, avec le blocage depuis lundi du plus gros
centre de traitement et incinérateur d’Ile-de-France, celui d’Ivry-Paris 13, et
d’autres actions en régions.
Côté pétrole, si l’approvisionnement des stations-service en carburant s’est
amélioré, plusieurs raffineries restent à l’arrêt. Total a annoncé vendredi vou-
loir lancer le redémarrage à Grandpuits (Seine-et-Marne) et Donges (Loire-
Atlantique) après des votes de salariés, mais le processus prendra quelques
jours.
Quant au secteur de l’énergie, ses salariés sont appelés à une nouvelle jour-
née de grève et d’« intervention sur l’outil de travail » jeudi. La semaine der-
nière, leur action s’était traduite notamment par une coupure d’électricité
géante dans la région de Saint-Nazaire.
Enfin, dans les transports parisiens, SUD devrait rejoindre vendredi la grève
illimitée à la RATP lancée par la CGT jeudi dernier. Un mouvement qui pour
l’instant ne perturbe que légèrement le tronçon sud du RER B.
Malgré le déminage par le gouvernement d’un conflit des contrôleurs aériens,
tous les syndicats de pilotes d’Air France appellent à la grève du 11 au
14 juin inclus pour défendre l’emploi et protester contre une modification de
règles de rémunération. Des négociations avec la direction débutent lundi.
Lassitude de l’opinion
L’opinion publique semble toutefois être gagnée par une certaine lassitude :
selon un sondage BVA pour i-Télé et Orange publié dimanche, 54 % de Fran-
çais désapprouvent désormais la poursuite des grèves et manifestations contre
la loi travail.
Interrogés sur leur perception du mouvement social, 45 % des Français
l’approuvent, alors que le projet de loi est examiné par le Sénat, après son
adoption à l’Assemblée via le recours à l’article 49-3. Il y a trois semaines,
la même enquête avait donné un résultat exactement inverse, avec 54 % des
Français approuvant les grèves et manifestations, contre 45 %.
Les sympathisants des partis à la gauche du PS approuvent à une écrasante
majorité (94 %) le mouvement social, ceux d’Europe Ecologie-Les Verts aussi
(55 %). En revanche, ceux du PS ne sont que 36 % à l’approuver. A droite, les
↑ 19
Des passagers, Gare de Lyon, le 2 juin à Paris.
sympathisants du FN approuvent aussi majoritairement la fronde (52 %), alors
que globalement, sept sympathisants de droite sur dix sont contre.
Des passagers, Gare de Lyon, le 2 juin à Paris.
CHARLES PLATIAU / REUTERS
par Par
Tous droits réservés http : //www.lemonde.fr 2016
2e9cc3e88040df0a853d11407d06013e37a9729844fa30c03408c98
Parution : Quotidienne
↑ 20
Manuel Valls demande d’arrêter la grève à la SNCF « le plus vite possible »
dimanche 5 juin 2016670 mots
ÉCONOMIE FRANÇAISE—ÉCONOMIE
Le premier ministre, Manuel Valls, a appelé, samedi 6 juin, à l’arrêt « le plus
vite possible » du mouvement de grève à la SNCF, qui dure depuis mercredi, et
qu’il a qualifié de « totalement incompréhensible ».
« La grève de la SNCF n’a rien à voir avec les textes de loi sur le travail, a déclaré
le premier ministre. Je demande à chacun de prendre ses responsabilités, de sus-
pendre et d’arrêter ce mouvement le plus vite possible. »
M. Valls avait estimé plus tôt qu’« à la SNCF et dans le transport ferroviaire, les
partenaires sociaux ont sur la table un projet qui garantit un haut niveau de pro-
tection des salariés ». Vendredi, c’est le président de la SNCF, Guillaume Pepy,
qui avait aussi demandé à suspendre la grève au nom de la « solidarité » avec
les Français, qui subissent déjà les « conséquences catastrophiques » des inon-
dations sur le réseau ferroviaire.
Un appel qui est resté lettre morte, puisque la CGT-Cheminots et SUD-Rail
– premier et troisième syndicats de l’entreprise – ont voté la poursuite de la
grève, SUD appelant même à un « durcissement de la mobilisation ».
« Aujourd’hui encore, de nombreux adhérents de la CGT sont sur le terrain et le
fait d’être en grève n’entrave en rien leur engagement citoyen », a aussi répliqué
la CGT, demandant « en quoi une grève des cheminots ou d’autres secteurs
d’activité peut-elle interférer sur la montée des eaux dans les départements et lo-
calités sinistrés ? »
Négociations tendues entre syndicats et
gouvernement
Avec cette grève, les deux syndicats entendent maintenir la pression avant
l’ultime réunion de négociation, lundi, avec la direction de la SNCF sur la nou-
velle organisation du temps de travail. La CGT et SUD demandent aussi la
réouverture des discussions au niveau de la branche ferroviaire pour obtenir
une convention collective commune à toutes les entreprises du rail (fret/voya-
geurs, privé/public), plus ambitieuse que le texte actuellement soumis à si-
gnature. A ces revendications internes s’ajoute aussi, pour les deux syndicats,
l’opposition à la loi travail.
Les deux syndicats ont eu vendredi des échanges avec le secrétariat d’Etat aux
transports, Alain Vidalies. « On a senti un secrétaire d’Etat très tendu » qui
a « refusé d’user de son poids pour rouvrir les négociations » au niveau de la
branche, « en stipulant que pour lui, elles étaient closes », a rapporté Thierry
Nier, porte-parole de la CGT-Cheminots. « La position du gouvernement, c’est
qu’ils ne veulent plus rien toucher sur la convention collective », a abondé Eric
Santinelli, pour SUD-Rail.
↑ 21
Des passagers attendent leur train, le 2 juin.
Au-delà des conditions de travail des cheminots, M. Nier a fait valoir un « ni-
veau de sécurité » affaibli, et un risque de « dumping social »
Pour les deux syndicats, le projet de convention collective commune à toutes
les entreprises du rail (fret/voyageurs, privé/public)« n’est pas au niveau », pas
plus que l’accord d’entreprise discuté parallèlement à la SNCF. Au-delà des
conditions de travail des cheminots, M. Nier a fait valoir un « niveau de sé-
curité » affaibli, et un risque de « dumping social ». Quant au projet d’accord
d’entreprise, il ne préserve pas les dispositions en vigueur à la SNCF, selon M.
Nier. La CGT voit aussi, dans son article 49, « ni plus ni moins qu’une trans-
position de l’article 2 de la loi El Khomri », avec la possibilité de négocier des
accords dérogatoires sur le territoire en fonction de considérations écono-
miques.
Trafic fortement perturbé
Indépendamment des conséquences des inondations, le trafic restait significa-
tivement perturbé samedi et dimanche sur le réseau SNCF, avec en moyenne
un tiers des Transiliens et des Intercités assurés, et la moitié des TGV et des
TER, selon les prévisions de l’entreprise ferroviaire. Les liaisons internatio-
nales restent dans l’ensemble épargnées, à l’exception des SVI (Italie) et Ellip-
sos (Espagne), pour lesquels seuls 30 % à 40 % des trains sont prévus.
Vendredi, 40 % des Transiliens et des RER circulaient en Ile-de-France, un
tiers des Intercités, un TER sur deux et six TGV sur dix. Dans les transports
parisiens, la CGT-RATP a appelé à une grève illimitée pour des questions sa-
lariales, et contre la loi travail. Mais le trafic était normal jeudi dans le métro,
les bus, les tramways et sur le RER A.
Des passagers attendent leur train, le 2 juin.
CHARLES PLATIAU / REUTERS
par Par
Tous droits réservés http : //www.lemonde.fr 2016
3498335c8240c80b95fd1c300909413a3869c894040d35a52d5a330
Parution : Quotidienne
↑ 22
EUROPE ET INTERNATIONAL
↑ 23
Les Suisses appelés à voter sur le « revenu universel », entre utopie etpragmatisme
dimanche 5 juin 20161126 mots
ÉCONOMIE
La révolution viendra-t-elle de Suisse ? Dimanche 5 juin, le pays est appelé à
voter sur l’instauration d’un « revenu de base inconditionnel ». Ce référen-
dum fédéral, autorisé à la suite d’une pétition qui a récolté plus de 100 000 si-
gnatures, vise à modifier la Constitution helvétique, afin que chacun dispose
dès sa naissance d’une rente à vie. Si le groupe à l’origine de cette proposition
– élus socialistes, Verts, syndicalistes ou encore citoyens du milieu de l’art
et de la santé – n’articule formellement aucun chiffre, ses argumentaires se
basent sur un montant de 2 500 francs suisses (environ 2 300 euros) par per-
sonne et par mois.
L’issue négative de cette « votation » ne fait guère de doutes : en dé-
cembre 2015, le Parlement helvétique s’est prononcé presque à l’unanimité
contre le revenu de base, et le gouvernement recommande de rejeter la pro-
position. Mais le sujet du « revenu universel », ou « revenu de base », agite
désormais plusieurs pays européens. Le principe ? Octroyer à chacun, jeune ou
vieux, chômeur ou actif, une somme versée par l’Etat. Iconoclaste a priori, la
mesure trouve de plus en plus de soutiens à l’heure du chômage de masse, de
la montée des inégalités et de la robotisation croissante de l’économie, alors
que la relation entre travail et répartition de la richesse fait l’objet de débats
renouvelés.
« C’est l’une des rares mesures économiques qui peut être à la fois très sociale et
très libérale », résume Yannick L’Horty, professeur à l’université Paris-Est-
Marne-la-Vallée
« Le revenu universel[est] une idée qu’il faut mettre dans le débat public », a lancé
le premier ministre Manuels Valls, mi-mai, lors d’un échange de deux heures
avec des habitants d’Evry (Essonne), dans l’optique de l’élection présidentielle
de 2017. Selon un sondage BVA paru le 30 mai, un peu plus de la moitié des
Français (51 %) est favorable à l’instauration d’un « revenu minimum univer-
sel » garantissant à tout citoyen, sans condition ni contrepartie, un revenu
de base, en remplacement des différentes aides sociales existantes. L’idée es-
saime un peu partout dans le monde. Au Canada, la province de l’Ontario
s’apprête à la tester à l’automne, après avoir augmenté le salaire minimum. La
Finlande a, un temps, été tentée par l’expérience.
La popularité du concept s’explique sans doute par sa double filiation. « C’est
l’une des rares mesures économiques qui peut être à la fois très sociale et très li-
bérale », résume Yannick L’Horty, professeur à l’université Paris-Est-Marne-
la-Vallée. Pour les tenants d’une société plus égalitaire, le revenu universel
donne la possibilité à chacun de mener une vie décente, où la richesse serait
distribuée entre tous, et non accaparée par certains. Une approche légitimée
par le fait que certaines activités, comme le travail domestique des femmes
ou l’engagement associatif, ne trouvent pas de rémunération sur le marché du
travail tel qu’il fonctionne aujourd’hui.
↑ 24
Le Basic Income Earth Network (BIEN), principal réseau mondial de recherche
sur le sujet, soutenu par des ONG engagées dans la lutte contre la pauvreté
(Emmaüs, ATD Quart Monde…) et relayé par des personnalités politiques ou
de hauts fonctionnaires (Martin Hirsch…), a ainsi inspiré en France la création
du revenu minimum d’insertion (RMI) en 1988, puis du revenu de solidarité
active (RSA) en 2008.
26 % du PIB français
L’autre approche, d’inspiration libérale, revient à octroyer une somme de dé-
part à chaque individu, afin de lui permettre ensuite d’évoluer dans la vie se-
lon son seul mérite personnel. Intégrée au système fiscal, elle prend directe-
ment la forme d’un « crédit d’impôt » pour les plus pauvres. L’allocation ver-
sée vient remplacer les minima sociaux, voire, pour les plus radicaux, se sub-
stituer aux prélèvements sur le travail (retraite, assurance-santé…). Charge
ensuite à chacun de contracter ces garanties auprès d’organismes privés s’il le
souhaite.
Dans cette optique, plus besoin de revenu minimum du travail, ni de services
tentaculaires de l’Etat pour gérer l’attribution des allocations. Fini le règne du
salariat, où la protection sociale est essentiellement garantie par les cotisa-
tions patronales. Et plus de phénomène de désincitation au travail, puisque le
revenu initial reste acquis, que la personne accepte ou pas un emploi. Un ar-
gument pris à rebours par les contempteurs du revenu universel, qui pointent
le risque d’oisiveté lié à un revenu assuré.
Au-delà des polémiques, « parler de revenu universel demande de décider à quel
objectif on souhaite répondre. Un tel outil peut permettre de simplifier le ma-
quis des aides sociales et d’éviter les non-recours [les deux tiers des ayants droit
du RSA activité ne le perçoivent pas, faute d’accomplir les démarches né-
cessaires]. Mais cela pose le problème de la gestion des mécanismes d’aide, au-
jourd’hui assurée par les partenaires sociaux (assurance-maladie, vieillesse…) »,
souligne Marc Ferracci, professeur à l’université Panthéon-Assas.
« De nombreux systèmes sociaux et fiscaux contiennent déjà des éléments du re-
venu universel. En France, le RSA en est très proche, en tout cas à partir de 25
ans. Il tourne autour de 700 euros par mois, en comptant l’aide au logement, avec
des prélèvements qui s’ajustent à la baisse lorsque la personne reprend un tra-
vail »,estime pour sa part Pierre Cahuc, professeur d’économie au Crest-Ensae
et à l’Ecole polytechnique.
« En France, la quasi-totalité des réformes sociales faites depuis la fin des années
1990 (taxe d’habitation, allocation logement, salaire minimum…) vise à faire en
sorte que “le travail paie”. Si on doit réfléchir au mécanisme de revenu universel,
c’est surtout dans une optique de simplification et de réduction des non-recours et
des effets de seuil », abonde M. L’Horty.
C’est le sens du rapport sur la réforme des minima sociaux, remis au premier
ministre mi-avril par le député socialiste Christophe Sirugue (Saône-et-Loire).
Dans l’une de ses propositions, il suggère de fusionner la dizaine de minima
sociaux existants (RSA, allocation aux adultes handicapés, prime de solidari-
té…) en une allocation unique de 400 euros. Versée sous conditions de res-
↑ 25
sources à partir de 18 ans, elle serait majorée pour les seniors, les handicapés
ou les chômeurs.
Reste la question du financement d’une telle mesure. Dans un rapport publié
le 22 mai, la Fondation Jean-Jaurès, proche du Parti socialiste, estime qu’un
montant de 750 euros par mois – avec une part variable suivant l’âge – coûte-
rait 565 milliards d’euros, soit 26 % du PIB français ! Mais elle « pourrait être
financée en réorientant l’ensemble des dépenses actuelles de protection sociale (re-
traite, assurance-maladie, chômage, allocations familiales), à l’exception de celles
consacrées à la prise en charge des affections de longue durée », selon le groupe
de réflexion. A cela s’ajouterait « une hausse de 2 points de la TVA, dans une lo-
gique consistant à faire peser davantage la protection sociale sur la consommation
plutôt que sur le travail ».
Mais ce big bang social et fiscal ressemble davantage à un vœu pieux, à l’heure
où la mise en place du prélèvement de l’impôt à la source, véritable serpent de
mer législatif, engendre déjà d’importantes difficultés. La Fondation Jean-Jau-
rès elle-même parle d’ailleurs de son estimation comme de « l’utopie la plus
réaliste ».
COLCANOPA
Par Marie Maurisse Genève, correspondance, Audrey Tonnelier
Tous droits réservés http : //www.lemonde.fr 2016
3f90c3c680b03d02456715406f0821cb3849199434fa3113f3e939e
Parution : Quotidienne
↑ 26
Le « revenu universel », entre utopie et pragmatisme
L'idée de verser à tous un revenu de base progresse. Un référendum sur le sujet estorganisé dimanche en Suisse
dimanche 5 juin 2016Page 33
1068 mots
LE MONDE ECO ET ENTREPRISE
" Le revenu universel - est - une idée
qu'il faut mettre dans le débat public ",
a lancé le premier ministre Manuels
Valls, mi-mai, lors d'un échange de
deux heures avec des habitants
d'Evry (Essonne), dans l'optique de
l'élection présidentielle de 2017. Se-
lon un sondage BVA paru le 30 mai,
51 % des Français sont favorables à
l'instauration d'un « revenu minimum
universel » garantissant à tout ci-
toyen, sans condition ni contrepar-
tie, un revenu de base, en rempla-
cement des différentes aides sociales
existantes. L'idée essaime un peu
partout dans le monde. Au Canada,
la province de l'Ontario s'apprête à la
tester à l'automne, après avoir aug-
menté le salaire minimum. La Fin-
lande a été tentée par l'expérience.
La popularité du concept s'explique
sans doute par sa double filiation.
« C'est l'une des rares mesures écono-
miques qui peut être à la fois très so-
ciale et très libérale », résume Yannick
L'Horty, professeur à l'université
Paris-Est-Marne-la-Vallée. Pour les
tenants d'une société plus égalitaire,
le revenu universel donne la possibi-
lité à chacun de mener une vie dé-
cente, où la richesse serait distribuée
entre tous, et non accaparée par cer-
tains. Une approche légitimée par le
fait que certaines activités, comme le
travail domestique des femmes ou
l'engagement associatif, ne trouvent
pas de rémunération sur le marché
du travail tel qu'il fonctionne au-
jourd'hui.
Le Basic Income Earth Network
(BIEN), principal réseau mondial de
recherche sur le sujet, soutenu par
des ONG engagées dans la lutte
contre la pauvreté (Emmaüs, ATD
Quart Monde…) et relayé par des per-
sonnalités politiques ou de hauts
fonctionnaires (Martin Hirsch), a ins-
piré en France la création du revenu
minimum d'insertion (RMI) en 1988,
puis du revenu de solidarité active
(RSA) en 2008.
L'autre approche, d'inspiration libé-
rale, revient à octroyer une somme
de départ à chaque individu, pour lui
permettre d'évoluer dans la vie selon
son seul mérite personnel. Intégrée
au système -fiscal, elle prend directe-
ment la forme d'un « crédit d'impôt »
pour les plus pauvres. L'allocation
versée remplace les minima sociaux,
voire, pour les plus radicaux, se sub-
stitue aux prélèvements sur le travail
(retraite, assurance-santé…). Charge
à chacun de contracter ces garanties
auprès d'organismes privés s'il le
souhaite.
26 % du PIB français
Dans cette optique, plus besoin de
revenu minimum du travail, ni de
services tentaculaires de l'Etat pour
gérer l'attribution des allocations. Fi-
ni le règne du salariat où la protec-
tion sociale est surtout garantie par
les cotisations patronales. Et plus de
phénomène de désincitation au tra-
vail, puisque le revenu initial reste
acquis, que la personne accepte ou
pas un emploi. Un argument pris à
rebours par les contempteurs du re-
venu universel, qui pointent le risque
d'oisiveté lié à un revenu assuré.
Au-delà des polémiques, " parler de
revenu universel demande de décider à
quel objectif on souhaite répondre. Un
tel outil peut permettre de simplifier le
maquis des aides sociales et d'éviter
les non-recours - les deux tiers des
ayants droit du RSA activité ne le
perçoivent pas, faute d'accomplir les
démarches nécessaires - . Mais cela
pose le problème de la gestion des mé-
canismes d'aide, aujourd'hui assurée
par les partenaires sociaux (assurance-
maladie, vieillesse…) ", souligne Marc
Ferracci, professeur à l'université
Panthéon-Assas.
« De nombreux systèmes sociaux et fis-
caux contiennent déjà des éléments du
revenu universel. En France, le RSA en
est très proche, en tout cas à partir de
25 ans. Il tourne autour de 700 euros
par mois, en comptant l'aide au loge-
ment, avec des prélèvements qui
s'ajustent à la baisse lorsque la per-
sonne reprend un travail »,estime
Pierre Cahuc, professeur d'économie
au Crest-Ensae et à l'Ecole polytech-
nique.
" En France, la quasi-totalité des ré-
formes sociales faites depuis la fin des
années 1990 (taxe d'habitation, alloca-
tion logement, salaire minimum…) vise
à faire en sorte que “le travail paie”. Si
on doit réfléchir au mécanisme de reve-
nu universel, c'est surtout dans une op-
tique de simplification et de réduction
des non-recours et des effets de seuil ",
abonde M. L'Horty.
C'est le sens du rapport sur la ré-
↑ 27
forme des minima sociaux, remis au
premier ministre mi-avril par le dé-
puté socialiste Christophe Sirugue
(Saône-et-Loire). Dans l'une de ses
propositions, il suggère de fusionner
la dizaine de minima sociaux (RSA,
allocation aux adultes handicapés,
prime de solidarité…) en une alloca-
tion unique de 400 euros. Versée
sous conditions de ressources à partir
de 18 ans, elle serait majorée pour les
seniors, les handicapés ou les chô-
meurs.
Reste la question du financement
d'une telle mesure. Dans un rapport
publié le 22 mai, la Fondation Jean-
Jaurès, proche du Parti socialiste, es-
time qu'un montant de 750 euros par
mois – avec une part variable suivant
l'âge – coûterait 565 milliards
d'euros, soit 26 % du PIB français !
Mais elle « pourrait être financée en
réorientant l'ensemble des dépenses
actuelles de protection sociale (re-
traite, assurance-maladie, chômage,
allocations familiales), à l'exception de
celles consacrées à la prise en charge
des affections de longue durée », selon
le groupe de réflexion. A cela
s'ajouterait « une hausse de 2 points
de la TVA, dans une logique consistant
à faire peser davantage la protection
sociale sur la consommation plutôt que
sur le travail ».
Mais ce big bang social et fiscal res-
semble davantage à un vœu pieux, à
l'heure où la mise en place du pré-
lèvement de l'impôt à la source, vé-
ritable serpent de mer législatif, en-
gendre déjà d'importantes difficultés.
La Fondation Jean-Jaurès elle-même
parle d'ailleurs de son estimation
comme de « l'utopie la plus réaliste ».
Audrey Tonnelier, Avec Marie
Maurisse, (Genève, correspon-
dance)■
Tous droits réservés Le Monde 2016
4E9B53348F10580C356F1BD0650241A538193F94C4553169D536578
Parution : Quotidienne
Diffusion : 271 955 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2014/2015
Audience : 2 231 000 lect. (LDP) - © AudiPresse One 2014/2015
↑ 28
En Espagne, l'embellie sur l'emploi se confirme
Pour la première fois depuis 2010, le nombre de chômeurs est tombé sous le seuil des 4millions
samedi 4 juin 2016Page 30
942 mots
LE MONDE ECO ET ENTREPRISE
Pour la première fois depuis août
2010 en Espagne, le nombre de chô-
meurs est redescendu, en mai, sous la
barre symbolique des 4 millions, se-
lon les chiffres publiés jeudi 2 juin
par le gouvernement du Parti popu-
laire (PP, droite) de Mariano Rajoy.
En un mois, Madrid a recensé près de
120 000 chômeurs inscrits en moins,
soit 3,89 millions (– 7,7 % en un an).
Parallèlement, la Sécurité sociale a
recensé 198 000 nouvelles affiliations
(+ 2,56 %). « Bon chiffre. La direction
prise est la bonne. Continuons », a ra-
pidement publié M. Rajoy sur son
compte Twitter. A moins d'un mois
des élections législatives du 26 juin,
auxquelles ils se présentent à sa ré-
élection, le chef de l'exécutif mise sur
la reprise économique pour faire
campagne. Il part favori dans les son-
dages.
Mai, mois qui marque les débuts de
la haute saison touristique est tou-
jours synonyme de boom de l'emploi
en Espagne. Selon le World Travel &
Tourism Council, 16 % du produit
intérieur brut (PIB) espagnol dépend
actuellement du tourisme, dopé par
l'instabilité dans de nombreux pays
nord-africains.
Sans surprise, le secteur de
l'hôtellerie concentre, à lui seul, plus
d'un tiers de la création d'emplois. Il
est suivi du commerce et de
l'agriculture et, dans une moindre
mesure, de la construction, de
l'industrie et de l'administration pu-
blique.
Même si l'on exclut les variations sai-
sonnières, la baisse du chômage af-
fiche des résultats positifs, avec 44
000 demandeurs d'emploi en moins,
et les créations d'emplois nets
s'établissent à 36 000.
L'Espagne reste sur sa lancée d'une
réduction du chômage, mouvement
entamé depuis octobre 2013. Néan-
moins, la dynamique semble ralen-
tir : les créations d'emplois ont pro-
gressé de 2,56 % sur un an au lieu de
3,57 % en mai 2015.
Un « concept du XIXe siècle »
De plus, avec encore 21 % de -chô-
meurs parmi les actifs au premier tri-
mestre 2016, selon l'Institut national
de la statistique (INE), l'Espagne, qui
est parvenue à réduire de cinq points
le taux de chômage en deux ans, -de-
meure le pays européen le plus frap-
pé par le chômage, derrière la Grèce.
Enfin, la reprise économique, même
intense, avec une croissance de 3,2
% du PIB en 2015 et de 0,8 % au
premier trimestre 2016, se traduit es-
sentiellement par la création
d'emplois à durée déterminée (CDD)
ou saisonniers, souvent à temps par-
tiel et faiblement rémunérés. Seuls
8,3 % des contrats signés en mai
étaient à durée indéterminée.
Le ministre de l'économie, Luis de
Guindos, a salué des chiffres « posi-
tifs », tout en affirmant qu'il« reste
beaucoup à faire »pour réduire la part
des CDD. Il a évoqué la possibilité de
« pénaliser » ce type de contrats. Une
position qui tranche avec les décla-
rations du patron des patrons, Juan
Rosell, qui, mi-mai, a déclaré que« le
travail fixe et sûr » est un « concept du
XIXe siècle ». Cela asuscité une vive
polémique dans un pays qui souffre
encore des conséquences de six ans
de crise.
La précarité de l'emploi créé n'est pas
le seul point noir de cette reprise es-
pagnole. Les économistes
s'inquiètent des perspectives de re-
tour à l'emploi pour les chômeurs de
longue durée, qui représentent ac-
tuellement " plus de 43 % des chô-
meurs, rappelle Angels Valls, ensei-
gnante à l'Esade Business School de
Barcelone. Si on ne les dote pas
d'outils pour se réinsérer au marché de
l'emploi exigeant, ils passeront à
l'inactivité ".
« Le rythme soutenu de croissance du
pays peut difficilement se maintenir si
des mesures ne sont pas prises pour
la réinsertion des chômeurs de longue
durée », conclut un rapport publié en
mai par la Fondation des études
d'économie appliquée (FEDEA) sur
« le legs de la crise ». Selon les éco-
nomistes, il faudra au pays au moins
encore cinq ans pour retrouver le ni-
veau d'emploi perdu durant la crise.
A condition de pouvoir réintégrer sur
le marché de l'emploi les chômeurs
de longue durée, qui ne cessent
d'augmenter et sont souvent
d'anciens employés de la construc-
tion, un secteur qui ne revivra jamais
l'essor qu'il a connu dans la première
moitié des années 2000, soutenu par
↑ 29
la « bulle » immobilière.
" Parmi les chômeurs de plus de deux
ans, 60 % d'entre eux n'ont pas ter-
miné le cycle d'éducation obligatoire et
proviennent du secteur de la construc-
tion, rappelle-t-on à la -FEDEA.
L'apogée prolongé de ce secteur a atti-
ré de nombreux jeunes sur le marché du
travail, provoquant d'importants taux
d'abandon scolaire. Aujourd'hui, ces
personnes n'ont pas les qualifications
nécessaires pour développer une car-
rière professionnelle stable. "
Signe de l'augmentation des chô-
meurs de très longue durée, les de-
mandeurs d'emploi, qui ne bénéfi-
cient d'aucune prestation chômage,
ont augmenté de deux points en un
an : ils sont plus de 47 % au-
jourd'hui.« Plus le temps passe, plus il
sera difficile pour eux de revenir sur
le marché de l'emploi », prévient Mme
Valls.
Sandrine Morel■
Tous droits réservés Le Monde 2016
0791630482005108B58218306907E1FD3FC9CB96945A3C1492FF679
Parution : Quotidienne
Diffusion : 271 955 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2014/2015
Audience : 2 231 000 lect. (LDP) - © AudiPresse One 2014/2015
↑ 30