Upload
others
View
0
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
SOMMAIRE
SYNDICALISME(3 articles)
jeudi 25 janvier 2018
Page 6
jeudi 25 janvier 2018Page 8
jeudi 25 janvier 2018 Page 9
ACTUALITE SOCIALE(7 articles)
jeudi 25 janvier 2018 Page 11
jeudi 25 au mercredi 31janvier 2018
Page 12
jeudi 25 au mercredi 31janvier 2018
Page 13
jeudi 25 janvier 2018Page 15
Philippe Martinez : ?« Une reprise pour qui ? » (906 mots)
Quel message venez-vous délivrer ce jeudi aux militants d’Evreux ? …
Maisons de retraite : le patron de la CGT mobilise ses troupes(256 mots)
Fontenay-sous-Bois Par Marion Kremp « Sauvons la santé, protégeons nos aînés,embauchez dan…
Bernard Thibault n’a rien perdu de sa verve (457 mots)
SYNDICALISME. L’ex-leader de la CGT en visite hier. L’ancien secrétaire généralde la CGT (pendant 14 ans) et désormais…
Pimkie joue avec les nerfs des syndicats (472 mots)
Chez Pimkie, la négociation reprend. Après le refus des syndicats de signer unaccord de rupture conventionnelle collective…
les Lycées professionnels, grands perdants Ils font coulerbeaucoup moins d'encre, mais les (578 mots)
les Lycées professionnels, grands perdants Ils font couler beaucoup moins d'e…
Ce que le gouvernement nous vend Sur le papier, laproposition se veut séduisante. Baptisée (863 mots)
Ce que le gouvernement nous vend Sur le papier, la proposition se veut séduis…
Le chômage a stagné en décembre (396 mots)
Fin d’une époque. Ils étaient scrutés, commentés tous les mois. A l’aune de cesstatistiques, on jugeait l’action des pouvoirs publ…
jeudi 25 janvier 2018Page 17
jeudi 25 janvier 2018Page 18
mercredi 24 janvier2018
Page 19
RÉFORME DU CODE DU TRAVAIL(2 articles)
jeudi 25 au mercredi 31janvier 2018
Page 21
mercredi 24 janvier2018
Page 23
MOUVEMENTS SOCIAUX(4 articles)
jeudi 25 janvier 2018 Page 25
jeudi 25 au mercredi 31janvier 2018
Page 26
jeudi 25 au mercredi 31janvier 2018
Page 27
Les syndicats inquiets face au plan Bompard (405 mots)
Si la Bourse a salué, mardi 23 janvier, par une hausse de 3,22 % du cours del'action Carrefour, le plan de transformatio…
Le désir de savoir, " l'imagination au pouvoir " (811 mots)
C'est à croire que les nuits sont plus belles que nos jours. Qu'elles sont propicesaux pensées -chuchotées, aux manifestes…
Depuis sa réforme, le congé parental fait encore moins recette(718 mots)
L'enfer est pavé de bonnes intentions. La refonte du congé parental engagée sousl…
(1) Période d'interruption de la production consacrée auxtravaux de maintenance. Intérim. (847 mots)
(1) Période d'interruption de la production consacrée aux travaux demaintenance. …
Le télétravail grandement facilité par la réforme du Code dutravail (496 mots)
Après l'inversion de la hiérarchie des normes, les ruptures conventionnellescolle…
A Fresnes, la désillusion d'un gardien de prison (831 mots)
Ahmed El Hoummass se rend chaque jour au travail avec la boule au ventre. Il a39 ans, et il est gardien de prison depuis q…
surveillants. mesurettes pour grande colère C'est d'ores et déjàhistorique. (386 mots)
surveillants. mesurettes pour grande colère …
(1) Tous les syndicats appellent au mouvement : CGT, CGC,CFTC, Unsa, Sud, Cfdt, FO. Maison des lumières, (1491 mots)
(1) Tous les syndicats appellent au mouvement : CGT, CGC, CFTC, Unsa, Sud,Cfdt, FO. …
jeudi 25 janvier 2018
Page 29
EUROPE ET INTERNATIONAL(2 articles)
jeudi 25 janvier 2018 Page 32
mercredi 24 janvier2018
Page 34
Prisons bloquées, détenus à bloc (627 mots)
Il suffit de s’attacher au champ lexical médiatique pour comprendre le glissementqui s’est opéré en dix jours : la «grogne…
Un vent de contestation sociale et culturelle souffle sur leMaghreb (1313 mots)
Du Rif, dont aucun déchaînement répressif, depuis un an, ne semble pouvoiréteindre la révolte, jusqu'à Sidi Bouzid où, sep…
L'accord de libre-échange du Pacifique renaît sans les Etats-Unis (600 mots)
Justin Trudeau a tranché. Un temps évasif sur l'opportunité de rester membre dupartenariat transpacifique (TPP) après la décision …
Philippe Martinez : ?« Une reprise pour qui ? »
Interview.Le secrétaire général de la CGT est ce jeudi à Evreux, où il vient à la rencontredu personnel de l’hôpital Navarre. Il inaugurera les nouveaux locaux de l’uniondépartementale de l’Eure. Selon lui, bien que « moins visible », le mouvement social est «toujours présent ».
jeudi 25 janvier 2018Édition(s) : France-Normandie, Vernon - Les Andelys - Gisors, Dieppe
- Pays de Bray, Grand Rouen, Le Havre - Lillebonne - Bolbec…Pages 4-18906 mots
NORMANDIE—A LA UNE—POLITIQUE
Quel message venez-vous délivrer
ce jeudi aux militants d’Evreux ?
Philippe Martinez: « La première
chose est que je viens rencontrer les
salariés, notamment ceux de l’hôpi-
tal Navarre pour les conforter dans
l’idée que leurs conditions de vie au
travail ne sont pas acceptables, et les
encourager à se mobiliser. Plus glo-
balement, je viens expliquer que les
choix que fait le gouvernement ne re-
présentent pas la seule solution pour
sortir du chômage, mais qu’au
contraire d’autres options sont pos-
sibles. Je développerai donc les pro-
positions de la CGT. »
Quelle est la place du mouvement
syndical aujourd’hui ? Pensez-
vous avoir conservé toute votre
audience ?
« Une journée d’action est prévue la
semaine prochaine dans les Ehpad
partout en France, dont les person-
nels sont fortement mobilisés. Une
action des cheminots est prévue dans
deux semaines… Les revendications
sont toujours là, dans les entreprises.
C’est peut-être moins visible en
termes de manifestations de rue,
mais le mécontentement persiste et
le mouvement social est toujours
bien présent. »
Avez-vous le sentiment d’être en-
tendu par le gouvernement et par
le président de la République ?
« Absolument pas, et on a eu l’occa-
sion de le dire depuis l’arrivée d’Em-
manuel Macron à l’Élysée. Il y a de
la communication en matière de
concertation, mais je crois qu’il a ré-
sumé sa philosophie dans ses vœux :
j’écoute tout le monde mais je fais ce
que je veux. »
Quelles urgences pour ce début
2018 ?
« Il y en a deux. Évidemment la lutte
contre le chômage et on voit bien que
partout des créations d’emplois se-
raient possibles à condition qu’on ne
considère pas l’emploi comme un
coût. Et la lutte pour le pouvoir
d’achat, que l’on soit actif ou retraité,
et on voit bien qu’on pénalise de plus
en plus ceux qui n’ont pas grand-
chose et qu’on donne toujours plus
de cadeaux aux plus riches. L’étude
d’une ONG publiée récemment
montre bien que les inégalités se
creusent. On pourrait en rajouter une
troisième : traiter dans la dignité les
réfugiés. »
Vous avez déclaré dernièrement,
évoquant l’affaire Lactalis, qu’il
faut « libérer la parole de ceux qui
travaillent ». C’est valable dans
tous les secteurs d’activité ?
Le numéro 1 de la CGT vient « encou-rager la mobilisation » ce jeudi à
Evreux Photo : Image 000_TJ4X4 (1).jpg(23214421)
« Oui, c’est valable dans tous les sec-
teurs. Une très grande majorité, si-
non tous les salariés d’un secteur,
sont confrontés à un problème, qui
est qu’on les empêche de bien faire
leur travail. On leur dit ce qu’il faut
faire, mais on ne les écoute pas suffi-
samment sur la façon de bien le faire,
au nom de la rentabilité, la profita-
bilité, que ce soit dans le privé ou
dans le public. Je fais référence aux
hôpitaux : la direction, le ministère
ont plus une démarche d’entreprise
du CAC 40 que du service public vis-
à-vis du public qu’ils doivent soigner.
Et ce n’est pas un cas unique : il y a
partout des salariés qui aiment leur
boulot mais se sentent mal dans leur
travail. L’exemple de Lactalis est si-
gnificatif des conséquences que ça
peut avoir. »
↑ 6
Un mot sur le plan de 2 400 sup-
pressions d’emplois chez Carre-
four. Qu’est-ce que ça vous inspire
?
« On démarre bien l’année ! On nous
disait que la loi Travail allait se tra-
duire rapidement par des créations
d’emplois. Or, tout ce qu’on peut
constater, c’est que les patrons des
grands groupes ont bien compris le
sens de cette réforme et qu’ils uti-
lisent tous les arguments qui leur
sont offerts pour licencier. Ça a com-
mencé chez PSA, ça continue chez
Carrefour… »
À propos du mouvement du per-
sonnel pénitentiaire ?
« J’ai eu l’occasion de passer une
journée auprès du personnel d’une
prison et j’ai constaté un manque
d’effectifs évident par rapport à une
population carcérale qui ne fait
qu’augmenter. Il y a besoin de revoir
la politique judiciaire dans ce pays. Il
y a des personnes en prison qui ne
devraient pas s’y trouver. Je pense à
celles qui connaissent des problèmes
psychiatriques. Et il y a aussi, en fi-
ligrane, la question de la rémunéra-
tion de la qualification du personnel.
Il devrait pouvoir vivre correctement
de son travail. Face à cela, se
trouvent une ministre et un gouver-
nement qui ne parlent que de restric-
tions budgétaires. C’est toujours la
même rengaine. »
Les milieux économiques parlent
d’une reprise. Ça vous rend opti-
miste ? Vous y croyez ?
« Une reprise pour qui ? C’est là la
question ! Oui, le CAC 40 se porte
bien, les actionnaires aussi… Les
riches paient moins d’impôts. Si c’est
ça la reprise économique, la grande
majorité de la population ne fait que
la regarder passer. On peut masquer
la réalité du vécu des citoyens de ce
pays, mais les chiffres sont là et la re-
prise ne profite qu’à quelques-uns ! »
Propos recueillis par Franck Boitelle
« La grande majorité de la population
ne fait que regarder passer la reprise
»■
Propos recueillis par Franck Boitelle
et F.boitelle@presse-Nor-
mande.com
Tous droits réservés Paris-Normandie 2018
0E92332387602A0185D51CF0800761728494477BD4A0212BD378DD8
Parution : Quotidienne
Diffusion : 50 285 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2016/2017
Audience : 231 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2015/2016
↑ 7
Maisons de retraite : le patron de la CGT mobilise ses troupes
Philippe Martinez a tenu une conférence de presse à la maison de retraite intercommunalede Fontenay pour organiser la mobilisation du 30 janvier.
jeudi 25 janvier 2018Édition(s) : Val de Marne
Page 36256 mots
DEP LOCALE—VAL-DE-MARNE
F ontenay-sous-Bois
Par Marion Kremp
« Sauvons la santé, protégeons nos
aînés, embauchez dans nos Ehpad ! »
La revendication portée de longue
date par les syndicats et les salariés
des maisons de retraite du départe-
ment a pris un nouvel écho hier. Le
patron de la CGT, Philippe Martinez,
a lancé depuis la maison de retraite
intercommunale de Fontenay la cam-
pagne de mobilisation pour deman-
der plus de moyens dans les Ehpad.
Une première salve avant la journée
de grève prévue le 30 janvier.
Depuis septembre, la CGT s’organise
dans les établissements du départe-
ment pour dénoncer le manque de
moyens et les amplitudes de travail
des salariés. Une pétition a déjà ras-
semblé plus de 2 000 signatures et
des débrayages ont eu lieu, notam-
ment à Villiers-sur-Marne, et dans le
groupement des Ehpad publics du
Val-de-Marne.
« La situation est devenue intenable
pour le personnel et les résidents des
Ehpad et des maisons d’accueil spé-
cialisé dont le taux d’encadrement
n’est pas à la hauteur des besoins ! »
dénonce Philippe Martinez. Nombre
de vacataires parfois supérieurs aux
salariés permanents, organisation du
temps de travail « inhumaine », non-
remplacements… La CGT « s’in-
digne » de cette situation « justifiée
par la ministre de la Santé par des
« lacunes managériales » au lieu d’as-
sumer pour masquer les manques de
personnels et de moyens ».
Ainsi, le 30 janvier, avant un rassem-
blement prévu devant le ministère de
la Santé à 14 h 30, les salariés sont in-
vités à manifester devant l’antenne
départementale de l’ARS à Créteil. ■
Fontenay-sous-Bois, hier. Philippe Marti-nez a lancé, depuis la maison de retraiteintercommunale, la mobilisationpour dé-noncer les conditions d’accueil et de tra-
vail « inhumaines » dans les Ehpad.
Tous droits réservés Le Parisien 2018
9b9ae3748770cb0ef5dc10b0150e61d08d14be76f41b2e85945fa2a
Parution : Quotidienne
Diffusion : 206 916 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2016/2017
Audience : 1 540 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 8
Bernard Thibault n’a rien perdu de sa verve
jeudi 25 janvier 2018Édition(s) : Carcassonne
Page 7457 mots
S YNDICALISME. L’ex-leader de la
CGT en visite hier. L’ancien se-
crétaire général de la CGT (pendant
14 ans) et désormais membre du
conseil d’administration de l’Organi-
sation internationale du travail,
émanation de l’ONU à Genève était
de passage à Carcassonne et Pennau-
tier hier. Invité par les Amis du
monde diplomatique et l’Union dé-
partementale de la CGT, Bernard
Thibault devait, lors d’une confé-
rence publique hier soir à Pennautier
rebondir sur l’argument de son ou-
vrage « La troisième guerre mondiale
est sociale », en regrettant que
les«moyens de contrainte de l’organi-
sation où siègent trois collèges de re-
présentants des États membres, des
employeurs et des travailleurs, ne sont
pas suffisants, là ou les instances ban-
caires internationales et les multina-
tionales - nous en avons recensé 80000
dans le monde- dictent désormais leurs
lois aux dirigeants poli-
tiques.»1919-2019, même combat Car
si le mandat de l’organisme interna-
tional créé au lendemain de la Pre-
mière guerre mondiale pour bâtir un
monde plus juste et équitable, est de
promouvoir la justice sociale... la
route paraît encore longue.
«Le travail des enfants et le travail de
l’esclavage génèrent aujourd’hui des
profits estimés à 150milliards de dol-
lars par an. Un travailleur sur 2 exerce
sans contrat de travail dans le
monde...»regrettait Bernard Thibault
en amont de la conférence dans les
locaux de l’union départementale. «
L’économie mondiale s’accommode de
ces infractions aux droits humains fon-
damentaux, mais voulons-nous d’une
économie mondiale sans normes so-
ciales?»Une plainte contre la France
Revenant sur les grands chamboule-
ments entrepris par Emmanuel Ma-
cron et avant lui par la loi El Khomri
en matière de droit social, l’ancien
leader de la CGT a rappelé qu’une
plainte a été déposée par la CGT et
le syndicat FO sur les dispositions de
la loi El Khomri, complémentée de-
puis par les ordonnances Macron, au-
près de l’Organisation internationale
du travail.
«Ma préoccupation c’est aussi l’écho
négatif que nous renvoyons sur le plan
international, là où la France a tou-
jours donné le «la» en matière sociale.
Songez qu’il y a eu des manifestations
contre la loi El Khomri... au Bangla-
desh. Prenez la Sécu, c’est unique dans
le monde, ou les conventions collec-
tives: 97% des salariés sont régis par
ces conventions, et elles sont entrain
d’être démontées. Pensez aussi, aux
points perdus dans le rapport de force
mondial»a souligné Bernard Thibault,
qui n’a pas perdu le sens de la for-
mule.
«Macron croit en la théorie du ruissel-
lement: plus les riches sont riches, plus
des gouttes tomberont sur le bas de
l’échelle. Mais depuis qu’on les ar-
rose...nous, on a toujours les pieds au
sec.»X.C. L’ex-leader de la CGT siège
aujourd’hui à l’OIT. Nathalie Amen-
Vals.■
Tous droits réservés L'Indépendant 2018
ad94834d83409a06f5c416904a0a012b8cc4c979d47a2c97e187caf
Parution : Quotidienne
Diffusion : 45 482 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2016/2017
Audience : 219 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 9
EMPLOI
Pimkie joue avec les nerfs des syndicatsLa chaîne exclut 83 salariés du plan de départs volontaires, alertent les élus du personnel.
jeudi 25 janvier 2018Page 9
472 mots
SOCIAL-ECO
C hez Pimkie, la négociation
reprend. Après le refus des syn-
dicats de signer un accord de rupture
conventionnelle collective (RCC), les
discussions autour du plan de
291 suppressions de postes ont été
relancées ce mardi. Une première
réunion a eu lieu pour discuter d'un
plan de départs volontaires qui per-
met des « modalités de reclassement
dans le groupe », a expliqué Valérie
Pringuez, déléguée syndicale CGT. «
Après avoir étudié les propositions,
nous nous sommes vite aperçus que
la direction avait menti aux salariés
», dénonce la syndicaliste.
Sur les 166 salariés concernés par la
fermeture des 37 magasins, seuls 83
vont pouvoir s'inscrire dans le cadre
du plan de départs volontaires. Les 83
autres vont devoir respecter la clause
de mobilité de leur contrat de travail,
ce qui implique d'accepter un reclas-
sement dans un rayon de 5 km pour
une vendeuse, 20 km pour les ad-
joints, 30 km pour les responsables.
En cas de refus, ils seront tout sim-
plement licenciés pour non-respect
du contrat de travail. « Après la
marche arrière de la direction, les
mensonges sur la stratégie du
groupe, on s'attendait bien à ce qu'il
y ait un loup, poursuit Valérie Prin-
guez. Des magasins vont se retrouver
en sureffectif, avec deux respon-
sables, deux adjoints et dix ven-
deuses, ce qui est impossible. Et je
ne vois pas comment, en cas de fer-
meture d'un magasin, une entreprise
peut invoquer la clause de mobilité. »
Au final, « ce sont 83 personnes qui
vont se retrouver sur le carreau »,
conclut la syndicaliste.
Quatre réunions de négociation sont
encore à l'agenda, la prochaine aura
lieu le 6 février. En attendant, les or-
ganisations syndicales (CGT, FO,
CFDT) vont convoquer des assem-
blées générales pour informer en-
semble les salariés des mauvais
coups de la direction. Car celle-ci
veut aller vite et finaliser son projet
de destruction d'emplois avant les
vacances d'hiver.
Dans un des magasins menacés, les
salariés travaillent en portant un T-
shirt sur lequel est inscrit « salarié en
colère ». Les syndicats espèrent en-
core gagner du temps et deux ou trois
séances de plus afin d'« obtenir des
propositions décentes pour que les
salariés puissent vivre après avoir
perdu leur emploi, à savoir un cabi-
net de reclassement, le maintien de
la mutuelle, des formations et des in-
demnités correctes », a expliqué de
son côté Valérie Abraham, déléguée
syndicale CFDT. Et surtout, de dé-
montrer que « Pimkie se porte bien
en France. Ce sont ses erreurs de ges-
tion à l'international que la direction
veut nous faire payer », répète Valé-
rie Pringuez. ■
par Clotilde Mathieu
Tous droits réservés L'Humanité 2018
1A99933C8FE0440C45681650E406D1CF89A48D7E9488226A6D13D75
Parution : Quotidienne
Diffusion : 34 877 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2016/2017
Audience : 372 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 11
les Lycées professionnels, grands perdants Ils font couler beaucoup moinsd'encre, mais les
jeudi 25 au mercredi 31 janvier 2018Page 24
578 mots
FRANCE—SOCIETE
L es Lycées professionnels, grands
perdants
Ils font couler beaucoup moins
d'encre, mais les lycées profession-
nels sont aussi au cœur d'une ré-
forme qui concerne pas moins de 700
000 élèves 40 % des élèves du secon-
daire (un quart en CAP, trois quarts
en bac pro). Le ministre de l'éduca-
tion le revendique haut et fort : l'en-
seignement professionnel est sa
deuxième priorité après l'école pri-
maire. Certainement pour cette rai-
son, les bacs pros ont été écartés de
la réforme des lycées. Sûrement pour
aller dans ce sens, notre ministre
écrivait, en 2016, dans son livre «
l'école de demain » : « Il faut claire-
ment considérer la voie profession-
nelle comme étant une voie d'inser-
tion professionnelle directe. » Cela
tombe bien : de par leur sélection,
Parcoursup et la réforme des univer-
sités ferment les portes des études
supérieures aux bacs pros.
En novembre dernier, Jean-Michel
Blanquer lançait une « mission de
transformation de la voie profession-
nelle scolaire » confiée à Céline Cal-
vez, députée LREM des Hauts-de-
Seine, et au grand chef cuisinier Ré-
gis Marcon. En parallèle, s'ouvrait
une grande réforme de la formation
et de l'apprentissage, pilotée par le
ministère du Travail. En ligne de mire
: la voie professionnelle sous statut
scolaire, pourtant soi-disant priori-
taire. Car il s'agirait de développer
l'apprentissage et de laisser de côté
la place des enseignements généraux
français, mathématiques, philoso-
phie, histoire « Ça veut dire beaucoup
moins de socles communs, qui per-
mettent pourtant de se forger un es-
prit critique », condamne Aurélien
Boudon, cosecrétaire de SUD éduca-
tion. Et surtout, un patronat qui re-
vendique un rôle accru dans le choix
des filières, des formations afin
qu'elles collent mieux à ses exi-
gences. « Pourtant, poursuit Aurélien
Boudon, le bilan de l'apprentissage
reste très contrasté et cela coûte
cher. Nous sommes bien en face de
choix idéologiques ! » Ainsi, un ap-
prenti sur cinq ne termine pas sa for-
mation. Mais pour l'apprentissage, il
n'y a pas de petites économies. Les
pouvoirs publics dépensent sans
compter : dispositifs d'exonération
de cotisations sociales, création de
postes de « développeurs » pour trou-
ver de nouveaux contrats, primes à
l'embauche des apprentis en Île-de-
France de 1 000 euros « Les patrons
veulent pouvoir embaucher des ap-
prentis qui ne se forment pas forcé-
ment pour aboutir à un diplôme, ana-
lyse Catherine Perret, en charge de la
formation professionnelle à la CGT.
Ils rêvent du retour au contrat pre-
mière embauche. Car embaucher un
apprenti qui ne prépare pas forcé-
ment un diplôme, c'est le payer à un
tarif très bas. » Dans les tiroirs du
gouvernement se profile l'idée d'une
fusion entre le contrat d'apprentis-
sage et celui de professionnalisation,
qu s'adresse davantage aux adultes.
Avec le souhait de confier l'appren-
tissage aux branches profession-
nelles et non plus aux régions. Ainsi,
libre au patronat de choisir, selon les
besoins, entre un contrat d'appren-
tissage ou de professionnalisation,
mais sans obligation de formation ou
de rémunération plancher. Le lycée
professionnel se retrouverait alors
seul garant d'une formation profes-
sionnelle initiale débouchant sur un
diplôme, et s'en trouverait de facto
fortement fragilisé. N. D.■
Tous droits réservés L'Humanité Dimanche 2018
A49A338D8DA01E00D57314E0CE0101608454A67F643123A45ECEDB4
Parution : Hebdomadaire
↑ 12
Ce que le gouvernement nous vend Sur le papier, la proposition se veutséduisante. Baptisée
jeudi 25 au mercredi 31 janvier 2018Page 14
863 mots
ECO-SOCIAL
C e que le gouvernement nous
vend
Sur le papier, la proposition se veut
séduisante. Baptisée « Entreprises et
bien commun », la mission, confiée
à Jean-Dominique Senard (patron de
Michelin) et Nicole Notat (ex-diri-
geante de la CFDT), est censée redé-
finir le rôle et les missions des entre-
prises. Avec, à la clé, la possible ré-
écriture du Code civil afin d'élargir l'«
objet social » des sociétés à d'autres
impératifs, plus seulement finan-
ciers, mais également « éthiques »
(sociaux, environnementaux, etc.).
Au sein du gouvernement, c'est le
ministre de l'écologie, Nicolas Hulot,
qui se montre le plus virulent : «
L'objet social de l'entreprise ne peut
plus être le simple profit, sans consi-
dération pour les femmes et les
hommes qui y travaillent. » Sur le
principe, difficile de ne pas être d'ac-
cord Reste à voir les traductions lé-
gislatives d'une telle volonté. Offi-
ciellement, le projet de loi Pacte doit
s'articuler autour de six thèmes, par-
mi lesquels « Création et croissance
» des entreprises (qui demeure bien
l'objectif principal du gouvernement)
; « Partage de la valeur et engage-
ment sociétal des entreprises » ; ou
encore « Conquête de l'international
».
Sur la forme, le dispositif se veut in-
novant, avec un fonctionnement en
trois phases (voir encadré).
Ce qui semble se dessiner
En réalité, et malgré les intentions
affichées par certains, le projet de loi
ressemble surtout à un pot-pourri de
mesures libérales, destinées à facili-
ter la vie aux employeurs. Pour l'ins-
tant, 31 propositions sont mises en
avant par le gouvernement. Il est, par
exemple, question de simplifier l'ac-
cès des PME aux marchés boursiers ;
d'« assouplir les obligations pour les
créateurs d'entreprises ; ou d'alléger
les seuils sociaux et fiscaux : au-
jourd'hui, les entreprises sont sou-
mises, à chaque franchissement de
seuil (au-delà de 11 salariés, de
20 salariés, etc.) à des obligations en
matière réglementaire ou fiscale. Un
système que le patronat veut débou-
lonner depuis des années. Mais ce
n'est pas tout. Une mesure, qui
semble elle aussi tout droit sortie
d'un tiroir du Medef, propose de
convertir les collégiens aux joies de
l'entreprise, par des « jeux de simu-
lation » appropriés A quand un cours
de création d'entreprise entre la géo
et l'éducation civique ?
Voilà pour les réformes les plus libé-
rales. Pour garnir malgré tout la de-
vanture du projet de loi, quelques
mesures « sociales » ont été rajou-
tées, telles que l'extension des dispo-
sitifs de participation/intéressement,
ou épargne salariale. La participa-
tion, mise en place sous de Gaulle,
consiste à verser aux salariés une
(faible) partie des bénéfices réalisés
par l'entreprise. Elle est obligatoire
dans les entreprises de plus de 50 sa-
lariés. Dispositif voisin, mais facul-
tatif, l'intéressement attribue une
prime liée à la performance de l'en-
treprise. En moyenne, les salariés ont
touché, en 2015, 1 407 euros de par-
ticipation et 1 772 euros d'intéresse-
ment, mais ces moyennes cachent de
fortes disparités selon la taille des
entreprises. L'épargne salariale
n'offre que des avantages pour les di-
rections : elle permet d'évacuer le dé-
bat sur les augmentations de salaires,
tout en déboursant le moins possible,
puisque l'intéressement et la partici-
pation ne sont pas soumis aux cotisa-
tions sociales patronales.
Quant à l'ambitieux projet de redé-
finir les missions de l'entreprise, il a
du plomb dans l'aile : pour l'heure,
il est seulement question d'ouvrir la
possibilité, pour les entreprises qui «
le souhaitent », d'« adapter un objet
social élargi ». Il faut dire que l'aile
la plus conservatrice du Medef, incar-
née par Pierre Gattaz, fait campagne
contre la réécriture du Code civil.
Les syndicats réservés
Pour l'instant, le projet de loi Pacte
ne remporte pas un franc succès par-
mi les syndicats. David Dugué,
membre du bureau confédéral de la
CGT, redoute le plan de com : « On
a du mal à comprendre comment on
peut entamer une discussion de fond
sur les entreprises sans commencer
par les salariés. » Pour sa part, FO
rappelle qu'elle préfère une augmen-
tation de salaires à une extension de
l'épargne salariale. Les deux syndi-
cats soulignent enfin qu'ils n'ont rien
contre un renforcement du poids des
salariés au sein des conseils d'admi-
nistration (pour l'instant absent des
31 propositions du gouvernement),
mais que ce discours entre en contra-
diction avec les ordonnances, qui
avaient précisément pour but d'affai-
↑ 13
blir les instances représentatives du
personnel.
Loi Pacte. Comment ce go uverne-
ment
veut vous faire aimer l'entreprise
Au printemps, un projet de loi bapti-
sé Pacte (plan d'action pour la crois-
sance et la transformation des entre-
prises) doit être présenté en Conseil
des ministres. Les grandes ma-
nœuvres ont déjà commencé. Offi-
ciellement, il s'agit de réconcilier ci-
toyens et entreprises. En fait, c'est un
fourre-tout libéral façon « loi Macron
».■
par Cyprien Boganda
Tous droits réservés L'Humanité Dimanche 2018
B091B33E84306201C5441E00700D810383E4BE74F4672798BBBD9F8
Parution : Hebdomadaire
↑ 14
Le chômage a stagné en décembre
jeudi 25 janvier 2018396 mots
EMPLOI—ÉCONOMIE
Fin d’une époque. Ils étaient scrutés, commentés tous les mois. A l’aune de
ces statistiques, on jugeait l’action des pouvoirs publics pendant le quinquen-
nat de François Hollande et les résultats des présidents de la République. Mais
cette obsession collective pour les chiffres du chômage pourrait s’arrêter mer-
credi 24 janvier, jour de l’ultime publication de cet indicateur tel qu’on le
connaît. Les statistiques de Pôle emploi et du ministère du travail ne seront en
effet plus publiées dans leur version actuelle dès le mois prochain.
Le dernier cru aura été à l’image de cette statistique fluctuante : difficile à in-
terpréter. Selon les chiffres de Pôle emploi et de la Dares – le service statis-
tique du ministère du travail –, le nombre de demandeurs d’emploi de caté-
gorie A (qui n’ont exercé aucune activité) a très peu bougé en décembre 2017,
baissant de seulement 0,1 % sur un mois en France métropolitaine. Soit 2 700
inscrits en moins. En tout, il y a donc encore 3,45 millions de personnes en
quête d’un emploi en France métropolitaine (un peu plus de 3,7 millions en in-
cluant les outre-mer).
Baisse de 0,5 % sur un an
Le tableau est légèrement plus reluisant sur un an : en douze mois, le nombre
de demandeurs d’emploi a baissé de 0,5 %. La croissance, au rendez-vous
en 2017 avec une hausse de 1,9 % du produit intérieur brut (PIB) selon les pré-
visions de l’Insee, n’aura pas suffi à égaler la performance du marché de l’em-
ploi en 2016. Cette année-là, le nombre de demandeurs d’emploi avait fondu
de 3 % en métropole.
Cette moindre performance est valable aussi pour les jeunes de moins de 25
ans. Ce public particulièrement fragile, et dont le gouvernement a indiqué
vouloir faire une priorité, a certes vu son taux de chômage baisser en 2017,
mais bien moins qu’en 2016 : le recul a été de 3,5 % cette année contre – 8,8 %
un an plus tôt.
Les séniors, en revanche, semblent avoir moins pâti de l’année 2017 : le
nombre de demandeurs d’emplois de cette catégorie n’a augmenté « que » de
1,6 % cette année contre 2,5 % en 2016.
Ces statistiques ont beau être un peu décevantes, elles ne reflètent pas toute la
réalité de la situation du marché du travail, lequel donne de véritables signes
d’amélioration. Selon l’Accoss, l’institution qui coiffe les organismes collec-
teurs des cotisations sociales, 2,07 millions de nouvelles embauches ont été
enregistrées au quatrième trimestre de 2017. Soit une hausse record de 7,3 %.
↑ 15
A l’agence Pôle emploi d’Aubervilliers, le 20 décembre 2017.
A l’agence Pôle emploi d’Aubervilliers, le 20 décembre 2017.
BENOIT TESSIER / REUTERS
Par Sarah Belouezzane, Bertrand Bissuel
Tous droits réservés http://www.lemonde.fr 2018
239a03a38810830845521790820321ff8ee4327444862f20f021f02
Parution : Quotidienne
↑ 16
Les syndicats inquiets face au plan Bompard
jeudi 25 janvier 2018Page 29
405 mots
LE MONDE ECO ET ENTREPRISE
Si la Bourse a salué, mardi 23 janvier,
par une hausse de 3,22 % du cours de
l'action Carrefour, le plan de trans-
formation du groupe de distribution,
les salariés de l'entreprise et les orga-
nisations syndicales s'inquiètent des
conséquences sur l'emploi et sur les
conditions de rémunération. D'au-
tant qu'un volet de ce plan prévoit la
suppression de 2 400 postes au siège
et l'abandon de 273 ex-magasins Dia.
Lorsqu'ils avaient rencontré indivi-
duellement, durant l'été 2017, le
nouveau patron du groupe,
Alexandre Bompard, les représen-
tants des salariés avaient reconnu la
nécessité d'agir pour rattraper le re-
tard, notamment dans le numérique.
A présent, ils s'inquiètent des diffi-
cultés qu'ils ont à échanger des infor-
mations avec le groupe, ayant " ap-
pris les détails de la restructuration par
voie de presse ", indique Sylvain Macé,
délégué syndical CFDT.
Une grève a mobilisé mardi, selon ce
syndicaliste, 90 % des salariés de
l'hypermarché de Château-Thierry
(Aisne), l'une des cinq grandes sur-
faces à basculer en location-gérance
dans le plan de transformation. " Les
salariés ont l'impression d'être prison-
niers de leur contrat de travail, ex-
plique-t-il. Un salarié moyen en ma-
gasin va perdre sur l'année 2 600 euros
net, soit deux mois de salaire pour une
caissière, en passant de la convention
collective de Carrefour à la celle de la
branche. Prime d'intéressement, de
participation, ticket-restaurant, re-
mises sur achat, perspectives de reclas-
sement dans le groupe… tout cela va
disparaître pour les 600 salariés
concernés. "
La difficulté que les syndicats disent
avoir eue pour obtenir la liste de ces
cinq hypermarchés, fin décembre, les
laisse craindre que " la cible porte plu-
tôt sur 40 magasins ". La CGT redoute
de son côté que les 273 anciens ma-
gasins Dia – dont la liste précise n'a
pas été dévoilée – ne trouvent pas de
repreneur, auquel cas, " près de 2 000
postes supplémentaires sont menacés
".
De nouvelles actions de mobilisation
sont envisagées, comme celle du 8
février à l'appel de la FGTA-FO. Les
syndicats devaient rencontrer la DRH
mercredi, avant la tenue vendredi
d'un comité de groupe.
Cécile Prudhomme■
par Cécile Prudhomme
Tous droits réservés Le Monde 2018
459893568510E006953510409D0121748504197904F92CC2F0DB85A
Parution : Quotidienne
Diffusion : 278 790 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2016/2017
Audience : 2 416 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 17
Le désir de savoir, " l'imagination au pouvoir "
Le slogan de Mai 68 est le thème de la 3e Nuit des idées, qui a lieu jeudi 25 janvier : plus de150 événements en France et partout dans le monde pour proposer au public de réfléchir àla société dans laquelle ils veulent vivre
jeudi 25 janvier 2018Page 20
811 mots
EDITORIAL - ANALYSES
C'est à croire que les nuits sont plus
belles que nos jours. Qu'elles sont
propices aux pensées -chuchotées,
aux manifestes proclamés, aux -sa-
vants apartés. Que les nocturnes fa-
vorisent les dialogues impromptus,
les sages exposés ou les idées déjan-
tées. Et que le public averti aime dé-
ambuler dans les -palais dorés ou les
friches aménagées, les librairies ou
les musées, afin d'écouter, débattre
et échanger. Tel est le pari de cette
troisième Nuit des idées, ce 25 jan-
vier. Organisée par l'Institut français,
la manifestation se déroulera dans
toute la France – avec plus de 50 évé-
nements dans une centaine de villes
– et dans le monde, avec plus de 150
rencontres dans 70 pays.
Fort du succès des deux premières
éditions, la Nuit des idées a choisi
cette année un thème qui est égale-
ment un slogan de Mai 68 : " L'imagi-
nation au pouvoir ". D'où l'envie d'in-
terroger quelques-uns des partici-
pants sur l'actualité d'une formule,
l'intempestivité d'un énoncé. Le
risque consisterait à transformer un
mot d'ordre libertaire en un slogan
publicitaire, explique la philosophe
Judith Revel. Car notre modernité re-
tourne les images de Mai et ses slo-
gans comme un gant. Une contre-ré-
volution, un Mai 68 à l'envers en re-
prend même la grammaire, mais dans
son versant réactionnaire, à l'image
de ces politiques autoritaires qui se
propagent à l'échelle planétaire.
Peut-être faut-il être plus modeste
qu'il y a cinquante ans, ou alors beau-
coup plus " fou ", déclare le philo-
sophe Frédéric Worms. Et de deman-
der non pas " l'impossible ", comme
sur les murs de la Sorbonne il y a cin-
quante ans, mais de rendre le monde
possible et enfin vivable à ceux qui en
sont exclus. Car, à l'heure de Calais et
des failles climatiques, nous devons
" inventer des façons de vivre dans un
monde abîmé ", écrit l'essayiste Ma-
rielle Macé qui, en croisant les méta-
morphoses d'Ovide et les métaphores
de Mai, cherche à élargir la politique
aux sans-voix et aux sans-droits,
c'est-à-dire à l'humanité précaire,
mais aussi aux bêtes, aux fleuves, aux
forêts.
L'actualité du féminisme
Mais il ne faut pas s'y tromper. Cette
nuit des idées n'est pas une commé-
moration déguisée. Mis à part l'uni-
versité de Nanterre, qui mobilise sa
communauté sur le sujet, la plupart
des institutions se saisissent de la
formule pour, par exemple, question-
ner la puissance de l'image, comme
ce sera le cas dans la prestigieuse
salle Labrouste de la Bibliothèque de
l'Institut national d'histoire de l'art,
à Paris, ou donner la parole aux lan-
ceurs d'alerte, et notamment à Ed-
ward Snowden (par Skype), au Mu-
cem. Intervenante d'honneur au Quai
d'Orsay, à l'invitation du ministère de
l'Europe et des affaires étrangères,
l'écrivaine nigériane Chimamanda
Ngozi Adichie, auteure d'Americanah
(Gallimard, 2015) mais aussi de Chère
Ijeawele,ou un manifeste pour une
éducation féministe (Gallimard, 2017),
sera l'ambassadrice de la 3e Nuit des
idées. Une façon de saluer les pou-
voirs de l'imagination – ici littéraire
– tout comme l'actualité du fémi-
nisme.
" Ce qu'il y a d'intéressant dans votre
action, c'est qu'elle met l'imagination
au pouvoir ", disait Jean-Paul Sartre
à Daniel Cohn-Bendit, en plein cœur
des événements de 68. Mais donner
du pouvoir à l'imagination consiste
également à diffuser massivement le
savoir. C'est pour cette raison que
nous republions un court extrait d'un
entretien que Michel Foucault avait
donné au Monde en 1980 et qui, loin
de la " ritournelle de la décadence ",
loue le -" désir de savoir " du public.
Dans une interview d'une extraordi-
naire actualité, l'icône de la " pensée
68 " n'entonne pas la critique des mé-
dias – figure imposée du penseur en-
gagé – mais rêve au contraire d'un "
nouvel âge de la curiosité " qui mul-
tiplierait les canaux de diffusion et
de partage des savoirs. Place donc au
pouvoir de l'imagination qui est aussi
un pouvoir de dire non. Place à la
force – d'ouverture et de résistance
– des idées. Car pour beaucoup, ces
nuits sont autant de façons de rester
debout alors que l'on voudrait tout le
monde couché.
Nicolas Truong■
par Nicolas Truong
Tous droits réservés Le Monde 2018
A59EA3B88480E700F57C1380430CB12883B4CE70145D227D8DD9BDC
Parution : Quotidienne
Diffusion : 278 790 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2016/2017
Audience : 2 416 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 18
Depuis sa réforme, le congé parental fait encore moins recetteDepuis qu'une partie de cette prestation a été réservée aux pères, en 2015, les familles y ont beau-coup moins recours.
N° 22620mercredi 24 janvier 2018
Page 2718 mots
FRANCE—SOCIAL
L'enfer est pavé de bonnes
intentions. La refonte du congé pa-
rental engagée sous le précédent
quinquennat, au nom de l'égalité des
sexes et des carrières féminines, se
traduit par une dégringolade du re-
cours à la prestation dédiée, la Pre-
ParE.
Entrée en vigueur en janvier 2015, la
réforme est montée en puissance
pendant deux ans et produit son
plein effet depuis janvier 2017. «
Entre décembre 2016 et mai 2017, on
constate une baisse de l'ordre de
40.000 versements », pour les enfants
âgés de deux ans et relevant du ré-
gime général de la Sécurité sociale,
constate sa branche famille dans son
Observatoire national de la petite en-
fance, publié mardi. Une chute équi-
valente à la baisse du recours sur
toute l'année 2016 (44.700 verse-
ments en moins).
Alors qu'il y avait encore 410.800 bé-
néficiaires des prestations dédiées
(PreParE, Colca, CLCA) en décembre
2016, on est passé sous la barre des
400.000 depuis 2017. Le congé paren-
tal était en perte de vitesse depuis dix
ans, puisqu'en 2006 il profitait en-
core à plus de 600.000 parents. La ré-
forme a accentué son déclin.
En 2014, la gauche a décidé de par-
tager le congé parental. Auparavant,
il n'était pas attribué spécifiquement
à l'un ou l'autre des parents, si bien
qu'il revenait à la mère dans 96 %
des cas. Or ces longues absences
éloignent les femmes de l'emploi et
des promotions. D'où l'idée d'en faire
profiter un peu plus les hommes, afin
de rééquilibrer la situation. Pour le
premier enfant, la durée du congé pa-
rental a doublé : le père et la mère
ont eu droit à six mois chacun. A par-
tir du deuxième bébé, le congé pa-
rental a été coupé en deux sans que
sa durée rallonge.
Chaque parent ne peut plus deman-
der que deux ans pour chaque nais-
sance, dans la limite de trois ans pour
le couple. De fait, les mères ayant ac-
couché en 2015 ont pris deux ans de
congé parental, et depuis 2017, pri-
vées d'un an de prestations, elles
sont retournées au travail, au chô-
mage, ou ailleurs. Quant aux pères,
ils n'ont pas pris la relève. Fin 2016,
ils ne représentaient que 4,4 % des
bénéficiaires, seulement 0,2 point de
plus en un an. Comme leur salaire est
souvent le plus élevé du couple, il ne
peut pas être sacrifié pour une Pre-
ParE à 392 euros par mois (à plein
temps).
L'échec du retour à
l'emploi des femmes
« Les comportements au sein du
couple n'ont pas connu d'évolution
notable, à défaut d'un dispositif fi-
nancièrement plus attractif vis-à-vis
des pères, mais dont les effets redis-
tributifs s'inscriraient alors à rebours
de ceux des réformes récentes », no-
tait la Cour des comptes dans son
rapport sur la Sécurité sociale de sep-
tembre. « Quant au taux d'emploi des
femmes ayant un ou plusieurs en-
fants en bas âge, il n'a pas connu
d'inflexion notable entre 2014 et
2015 », et « il s'inscrit plutôt à la
baisse », soulignent les magistrats fi-
nanciers.
Il faut dire que la politique du retour
à l'emploi des mères reposait en
grande partie sur l'augmentation du
nombre de places en crèche ou à
l'école pour les tout-petits, une pro-
messe de François Hollande qui n'a
pas été remplie, loin de là. Cette ré-
forme manquée a au moins une vertu
: elle réduit les dépenses de la
branche famille de la Sécurité so-
ciale, ce qui était d'ailleurs un des ob-
jectifs du précédent gouvernement.
La Commission des comptes de la Sé-
curité sociale a estimé en septembre
que le montant versé au titre des al-
locations de congé parental allait
chuter de 20 % en 2017, à 1,27 mil-
liard d'euros, après des baisses de 9
% et de 11 % les deux années précé-
dentes. En 2018, la dépense devrait
encore reculer de 16 %, à un peu plus
de 1 milliard d'euros. ■
par Solveig Godeluck
Tous droits réservés Les Echos 2018
7494038E8C102E08151E1D80120F31B183F4197944B6271663E8D67
Parution : Quotidienne
Diffusion : 128 215 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2016/2017
Audience : 633 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 19
(1) Période d'interruption de la production consacrée aux travaux demaintenance. Intérim.
jeudi 25 au mercredi 31 janvier 2018Page 42
847 mots
EMPLOI
(1) Période d'interruption de la
production consacrée aux travaux de
maintenance.
Intérim. Les boîtes bafouent systé-
matiquement la loi
Les ordonnances Macron ont renvoyé
à la négociation de branche la durée
maximale de recours à l'intérim, la
fixation du délai de carence et le
nombre maximal de renouvellements
de contrats. Cela fait longtemps que
les entreprises d'intérim et utilisa-
trices avaient « assoupli » la loi à leur
manière.
Le 1er décembre 2016, la société de
construction Spie Batignolles rejoi-
gnait Sanofi et Cordon Electronics
dans le club fermé des entreprises
condamnées pour leur recours abusif
à l'intérim. Si le tribunal de grande
instance lyonnais avait sanctionné le
« non-respect du délai de carence »
dans le recours à ses intérimaires,
elle avait de son côté estimé que le «
recours à des intérimaires pour pour-
voir des postes permanents » n'était
pas assez caractérisé. Si les procès de
ce type sont rares, les infractions au
Code du travail dans le recours à l'in-
térim sont, elles, malheureusement
banales.
dans la même société depuis sept ans
!
Bien que l'intérim n'ait cessé de se
développer, il est, en théorie au
moins, limité à des situations parti-
culières : un surcroît temporaire
d'activité et le remplacement d'un sa-
larié absent. Bien entendu, il ne sau-
rait être question de remplacer des
salariés grévistes ! Jusqu'à présent,
un salarié ne pouvait être employé
en intérim plus de dix-huit mois. Au
sein de cette période, son contrat ne
pouvait être renouvelé plus de deux
fois, et l'entreprise était tenue de res-
pecter un délai de carence entre deux
recours à des salariés intérimaires sur
le même poste. Depuis l'adoption des
ordonnances Macron, la durée maxi-
male, le nombre de renouvellements
et le délai de carence sont renvoyés à
la négociation de branche.
Si, jusqu'à récemment, le Code du
travail était clair, le moins qu'on
puisse dire est qu'il n'était pas res-
pecté. « De nombreux salariés que j'ai
accompagnés étaient en intérim de-
puis plusieurs années. L'un d'entre
eux était dans la même société de-
puis sept ans ! » dénonce une défen-
seuse syndicale CGT. Si la durée
maximale d'emploi est dépassée, le
salarié peut demander la requalifica-
tion de son contrat d'intérim en CDI
devant le conseil de prud'hommes. «
Celle-ci est facilement obtenue. En
revanche, ce qui est plus compliqué,
c'est d'obtenir le paiement des pé-
riodes non travaillées. Nous sommes
souvent obligés d'aller en départage,
voire en appel, mais nous obtenons
toujours gain de cause. »
Encore faut-il aller devant les
prud'hommes. « Un salarié était de-
puis plus de deux ans en intérim, il
devait continuer jusqu'en juin mais,
en décembre, on lui a annoncé que
son contrat s'arrêtait. Son atelier
s'est mis en grève pour empêcher son
départ et a obtenu qu'il reste au
moins jusqu'à fin janvier. Une procé-
dure pour requalification en CDI était
possible en référé, mais il n'a pas
voulu Il espère », raconte-t-elle.
La durée maximale n'est pas le seul
point où la loi n'est pas respectée.
Depuis plusieurs années, les mis-
sions à la semaine voire à la journée
sans cesse renouvelées explosent.
Pour contourner la loi, les agences
d'intérim rédigent des avenants pour
prolonger la durée de la mission. «
Très souvent, le salarié ne reçoit pas
le contrat de travail, mais à la fin de
la mission, l'agence lui fait signer en
même temps plusieurs avenants »,
raconte André Fadda, membre du bu-
reau national de la CGT intérim. «
Cette pratique a beau être interdite,
elle s'est totalement banalisée ! » Le
BTP, la logistique, la sous-traitance
aéroportuaire sont très touchés, mais
ils ne sont pas les seuls. Les missions
courtes sont la règle, même quand le
travail ne le justifie en rien.
prise de risques
« Un arrêt de tranche (1) dans une
centrale thermique ou nucléaire dure
plusieurs mois, mais les intérimaires
n'ont que des contrats à la semaine
! » s'insurge le syndicaliste. Une ma-
nière de garder des travailleurs do-
ciles ! « Une salariée qui avait deman-
dé des gants pour son travail n'a pas
vu prolongée sa mission. » La santé
des intérimaires soumis à cette ex-
trême précarité est menacée : non
seulement ils vivent dans le stress
permanent de l'incertitude, mais la
pression les conduit à devoir prendre
des risques pour leur sécurité. Dans
↑ 21
la métallurgie, par exemple, le taux
de fréquence des accidents du travail
est deux fois plus important chez les
intérimaires que chez les salariés en
CDI.■par Mélanie Mermoz
Tous droits réservés L'Humanité Dimanche 2018
7B9293E48270D30185DB18309D0C71B587E4277184DC20247F206CC
Parution : Hebdomadaire
↑ 22
Le télétravail grandement facilité par la réforme du Code du travail82 % des entreprises qui pratiquent le télétravail estiment qu'il entraîne un engagement accrudes salariés.
N° 22620mercredi 24 janvier 2018
Page 4496 mots
FRANCE—SOCIAL
Après l'inversion de la hiérarchie des
normes, les ruptures convention-
nelles collectives concentrent au-
jourd'hui l'attention. Mais cela ne ré-
sume pas, loin s'en faut, la réforme
du Code du travail édictée par les or-
donnances, dont le Sénat a commen-
cé mardi l'examen. Le développe-
ment du télétravail figure aussi au
programme.
Depuis la promulgation des ordon-
nances, fin septembre, c'est un droit
pour le salarié, et l'employeur doit
motiver tout refus. A l'issue de la
procédure parlementaire de ratifica-
tion, la souplesse d'accès au télétra-
vail va être encore renforcée. Dans le
texte initial, il était prévu que « en
l'absence de charte ou d'accord col-
lectif, lorsque le salarié et l'em-
ployeur conviennent de recourir de
manière occasionnelle au télétravail,
ils formalisent leur accord par tout
moyen ». Sur proposition du rappor-
teur du texte, le député LREM
Laurent Pietraszewski, la référence
au seul télétravail occasionnel a été
supprimée et le Sénat n'a pas prévu
d'y revenir. Du côté syndical, on s'in-
quiète d'une disposition qui pourrait
inciter les employeurs à se passer de
négocier les conditions d'exercice du
télétravail. La réforme va en tout cas
probablement doper cette forme par-
ticulière de travail, très largement in-
formelle aujourd'hui. Si un quart des
salariés la pratiquent, seuls 6 % l'ont
contractualisée, selon une enquête
de l'Ifop conduite en novembre pour
le groupe de protection sociale Ma-
lakoff Médéric, publiée mardi. 19 %
télétravaillent de façon informelle,
dont un sur cinq de façon régulière.
Quelque 6 salariés sur 10 travaillant
occasionnellement ou pas chez eux
se déclarent « très satisfaits » et 33
% globalement satisfaits. La suppres-
sion des trajets est la première moti-
vation, devant la possibilité de plani-
fier ses horaires, le gain en efficaci-
té et la conciliation de la vie familiale
avec la vie professionnelle. Les em-
ployeurs qui le pratiquent soulignent
aussi les apports positifs du télétra-
vail. De façon massive, ils y voient
la source d'un engagement accru de
leurs salariés (82 %) ainsi que d'une
« meilleure » responsabilisation et
d'une plus grande autonomie (80 %).
Outre un gain d'image pour l'entre-
prise, près des deux tiers pointent
une diminution de la fatigue des sa-
lariés (avec un effet favorable sur
l'absentéisme pour 4 sur 10). Un
quart font état d'une « optimisation »
des espaces de travail. Les dirigeants
pointent a contrario deux dangers :
47 % évoquent la perte du lien social
au travail, de l'esprit d'équipe et le
risque d'isolement, et 38 % la diffi-
culté à manager des collaborateurs à
distance, plus fortement ressentie
dans les entreprises de plus de 250
salariés. ■
par Leïla De Comarmond
Tous droits réservés Les Echos 2018
C893830A8600C10AF5991550CF0BD1BB8E046B7C342E2BB3D9FCE62
Parution : Quotidienne
Diffusion : 128 215 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2016/2017
Audience : 633 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 23
MOBILISATION
A Fresnes, la désillusion d'un gardien de prisonLe mouvement se poursuit dans les centres pénitentiaires, malgré les propositions du gouverne-ment. Un surveillant de Fresnes témoigne des conditions de travail déplorables.
jeudi 25 janvier 2018Page 8
831 mots
SOCIAL-ECO
A hmed El Hoummass se rend
chaque jour au travail avec la
boule au ventre. Il a 39 ans, et il est
gardien de prison depuis quinze ans à
Fresnes (Val-de-Marne). Syndicaliste
CGT, il participe depuis dix jours aux
blocages successifs de l'établisse-
ment, affichant un soutien sans faille
à une mobilisation qui s'étend dans
tout le pays, avec comme point de
départ une série d'agressions de sur-
veillants pénitentiaires par des déte-
nus.
Dans la deuxième plus grosse prison
de France, la violence est quoti-
dienne. « Dès que je franchis la porte,
je ne sais pas ce qui peut m'arriver,
reconnaît Ahmed. Comme tout le
monde, je me lève le matin pour rem-
plir l'assiette et faire vivre ma fa-
mille. Mais le danger, justement,
c'est de tomber dans la routine ; ou-
blier qu'on est en milieu carcéral et
qu'on a des gens en face qui sont po-
tentiellement dangereux. » Et ce ne
sont pas les exemples qui manquent.
« Tout motif peut mener à l'agres-
sion, affirme-t-il. Pas d'eau chaude,
pas de télé, pas de parloir » Comme
tous les autres surveillants, Ahmed
est en contact permanent avec les
détenus incarcérés, qui s'entassent à
quatre dans des cellules de 9 m2, toi-
lettes comprises. « Je vous laisse ima-
giner le manque d'intimité, et l'effet
que ça a sur eux. Nous, on arrive le
matin pour ouvrir leur cellule et vé-
rifier qu'ils sont présents et vivants.
C'est un moment très redouté, parce
que c'est le plus à risque. On est les
seules personnes de l'extérieur qu'ils
voient, alors c'est nous qui faisons les
frais de leur amertume, de leur colère
ou de leur joie de vivre. » Ahmed se
souvient très bien de ce jour où un
détenu souffrant de schizophrénie a
décroché l'évier de la cellule sous ses
yeux pour lui jeter à la figure. « Après
ça, j'ai pu voir un psychologue, ra-
conte-t-il, mais c'est tout. »
La prison de Fresnes a aujourd'hui un
taux d'occupation de 195 %. Pour les
contrôles d'effectifs, Ahmed est af-
frété à une coursive, et doit gérer jus-
qu'à 120 détenus à lui seul. « Il n'y a
que huit surveillants par bâtiment »,
détaille-t-il. La garde, un axe majeur
du travail pénitentiaire, va de pair
avec la réinsertion. « L'après-midi, on
emmène les détenus à leurs activités.
Ça doit permettre de les réinsérer
dans la société. » Mais, en sous-effec-
tifs, difficile d'établir ce contact hu-
main indispensable à une relation de
confiance. « Avec mes collègues, on
a calculé qu'avec 120 détenus on ne
peut accorder que 45 secondes par
personne et par jour, déplore Ahmed.
On a juste le temps de dire bonjour et
bonne journée . Dès lors qu'un déte-
nu nous sollicite, on n'a pas de temps
pour lui, donc la frustration est
double. Nous, le soir, quand on rentre
à la maison, on se dit merde, je n'ai
pas fait mon boulot . » Un sentiment
d'impuissance qui a des consé-
quences directes sur « l'après »-incar-
cération. « Tout le monde est perdant
dans l'histoire, regrette Ahmed. Les
détenus, nous, et la société civile. Il y
a un vrai enjeu de société à s'assurer
qu'ils ne récidivent pas à leur sortie.
»
Avec le recul, Ahmed admet que la
réalité du métier est bien loin de ce
qu'il imaginait à son arrivée, en 2003.
« Je ne m'attendais pas du tout à ça.
A l'Enap (école nationale d'adminis-
tration pénitentiaire NDLR), on fai-
sait surtout de la théorie, et on nous
vendait une véritable mission de ré-
insertion. Mais à aucun moment je ne
m'étais imaginé devoir gérer 120 per-
sonnes à moi tout seul. Je n'ai jamais
pensé qu'on serait en manque d'ef-
fectifs au point d'être rappelés sur
nos jours de repos, et de nous enlever
toute possibilité de vie de famille. »
Résultat : des arrêts maladie qui se
multiplient, des surveillants qui
sombrent dans l'alcool, et d'autres
qui rêvent de partir. « Un collègue
m'a déjà dit que pour 1 400 euros il
préférerait aller ranger des conserves
à Monoprix, assure Ahmed. Certains
espèrent se reconvertir dans la po-
lice, les douanes, les impôts, ou tout
autre chose. » Pour ces gardiens
désenchantés, la solution ne se
trouve pas seulement dans des aug-
mentations de salaire, mais dans
l'application d'une loi : celle de 2009,
sur l'encellulement individuel, qui
n'a de cesse de subir des moratoires :
« Ça apaiserait déjà beaucoup de ten-
sions, soutient Ahmed, et on pourrait
faire notre travail. » ■
par Audrey Paillasse
Tous droits réservés L'Humanité 2018
749CC3D78090690B85CF1270860691958FB4BC7514F02BB0DE0A4DC
Parution : Quotidienne
Diffusion : 34 877 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2016/2017
Audience : 372 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 25
surveillants. mesurettes pour grande colère C'est d'ores et déjà historique.
jeudi 25 au mercredi 31 janvier 2018Page 8
386 mots
ECO-SOCIAL
S urveillants. mesurettes
pour grande colère
C'est d'ores et déjà historique. Le
conflit initié par les trois principaux
syndicats de la pénitentiaire (Ufap,
FO, CGT) est le plus long depuis 25
ans. Les 28 000 gardiens excédés ont
enchaîné les blocages d'établisse-
ments, et de nombreux salariés ont
refusé de prendre leur service, mal-
gré une absence de droit de grève.
C'est la violente agression de sur-
veillants par un détenu dans la prison
de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais)
qui a mis le feu aux poudres, mais les
problèmes structurels ne datent pas
d'hier. Le métier de maton est « ex-
trêmement difficile », a reconnu la
ministre de la Justice, Nicole Bellou-
bet. Certes ! La surpopulation atteint
des records, la faute au choix du «
tout-carcéral » privilégié par la po-
litique pénale française depuis long-
temps. On compte près de 70 000 dé-
tenus, soit un taux d'occupation de
plus de 117 %. Et encore, il ne s'agit
que d'un chiffre global : dans les pri-
sons d'Île-de-France, le taux d'occu-
pation atteint 200 %. Ce qui signifie,
en clair, 3 ou 4 personnes dans une
cellule de 9 m2 avec un matelas par
terre Les effectifs de matons n'ont
pas évolué à la même vitesse. Résul-
tats : 2,5 détenus par gardien, contre
1,8 en Allemagne ou 1,6 aux Pays-
Bas selon la radio télévision belge
francophone (RTBF, 13 mai 2016).
Désireux de désamorcer la colère, le
gouvernement a fini par entamer des
négociations avec les syndicats. Ces
derniers réclament des effectifs sup-
plémentaires, mais aussi une revalo-
risation salariale, avec le passage des
gardiens de la catégorie C à B de la
fonction publique. « On ne veut plus
être considérés comme de simples
porte-clés », résume Christopher Do-
rangeville, secrétaire général de la
CGT pénitentiaire. Les violences
physiques subies par les gardiens
sont également au centre du conflit.
Certains syndicats réclament ainsi le
droit d'équiper les surveillants en Ta-
ser (pistolets à impulsion électrique).
Avec tous les risques d'escalade que
cela représente. ■
Tous droits réservés L'Humanité Dimanche 2018
E89CC3DE89B04805D56718B0DC08D19483D4F678046B2B8221B7E56
Parution : Hebdomadaire
↑ 26
(1) Tous les syndicats appellent au mouvement : CGT, CGC, CFTC, Unsa, Sud,Cfdt, FO. Maison des lumières,
jeudi 25 au mercredi 31 janvier 2018Page 16
1491 mots
ECO-SOCIAL
(1) Tous les syndicats appellent au
mouvement : CGT, CGC, CFTC, Unsa,
Sud, Cfdt, FO.
Maison des lumières, à Saint-Denis
(93), 8 h 30. Dans les six étages de cet
établissement d'hébergement pour
personnes âgées dépendantes (Eh-
pad) accueillant uniquement des per-
sonnes atteintes de la maladie d'Alz-
heimer et appartenant à l'Association
Isatis, aides-soignantes et agents
d'accompagnement s'activent. Les
toilettes ont commencé depuis près
d'une heure et demie et dureront la
majeure partie de la matinée, inter-
rompues par le petit déjeuner pris
dans les chambres ou les salles à
manger d'étage et par la distribution
des médicaments. « Nous sommes
deux par étage, pour 14 ou 15 rési-
dents. Cela permet d'intervenir par-
fois ensemble, de se relayer si un ré-
sident entre en opposition complète
», souligne Farida, agent d'accompa-
gnement (l'appellation « maison »
des auxiliaires de vie) depuis près de
dix ans dans la structure. « Quand il
y a des absences de dernière minute,
on se retrouve seul à un étage, mais
les collègues se relaient pour aider. »
Dans la journée, deux équipes se suc-
cèdent et le ménage est assuré par
des salariés d'une société de bionet-
toyage. « C'est mieux que les Ehpad
où je travaillais auparavant où nous
n'avions pas le temps de travailler
correctement », assure Christelle,
une de ses collègue embauchée de-
puis un an et demi.
Théoriquement, dans les unités pro-
tégées accueillant des malades d'Alz-
heimer, ce ratio de deux soignants
par étage est obligatoire.
En revanche, dans les unités clas-
siques, les soignantes sont souvent
seules. Résultat, dans la grande ma-
jorité des Ehpad, les toilettes sont
chronométrées. « Elles ne disposent
souvent que de 15 minutes par ré-
sident et, durant ce quart d'heure,
elles doivent non seulement assurer
la toilette, mais refaire le lit, nettoyer
l'environnement proche », s'indigne
Albert Papadacci, délégué syndical
central (DSC) CGT, chez Korian, un
des leaders du secteur privé lucratif.
Les toilettes sont parfois réduites au
strict minimum. « Dans le jargon des
professionnels, elles sont ironique-
ment caractérisées par l'acronyme
VMC comme visage, mains, cul. » Les
douches sont au mieux hebdoma-
daires.
« Dans un Ehpad, les salariés se sont
mis en grève parce qu'ils ne pou-
vaient assurer qu'une douche tous les
quinze jours. » Là aussi, le temps est
compté. « Si, pour certains résidents,
c'est possible en 20 minutes, il faut
35 minutes pour d'autres. Quand une
personne ne peut pas lever son bras,
on ne va pas la brusquer quand même
», s'exclame Feinda Bathily, aide-soi-
gnante et déléguée syndicale cen-
trale CGT d'Arpavie, groupe associa-
tif du secteur privé non lucratif.
A la différence de nombre de ses plus
jeunes collègues directeurs, Cathe-
rine Furcy, directrice de la Maison
des lumières, est une ancienne édu-
catrice qui a notamment travaillé au-
près de jeunes atteints de myopathie.
Elle sait le temps que peut prendre
une toilette. « C'est la raison pour la-
quelle nous avons fait le choix de
consacrer la matinée aux soins. Les
activités ont plutôt lieu l'après-midi
». Activités forcément limitées car de
nombreux résidents voient leurs ca-
pacités très diminuées, du fait de leur
pathologie.
Dans les salles à manger d'étages, le
temps semble en effet un peu arrêté.
Ici, deux kinésithérapeutes font tra-
vailler deux dames en fauteuil, tandis
que déambule une résidente ;
d'autres sont assis en fauteuil roulant
auprès de tables ou somnolent, deux
discutent Dans une petite salle, deux
personnes peignent sous le regard de
l'animatrice. 11 heures : les toilettes
se terminent, dans une petite demi-
heure va commencer la descente des
résidents vers la salle à manger pour
le déjeuner.
Que ce soit dans le secteur public,
privé à but non lucratif ou lucratif,
les postes de soignants sont financés
par les agences régionales de santé
(ARS) en fonction de la dépendance
des résidents. Dire que c'est au plus
juste est un euphémisme. « Quand
des gens sont en vacances ou en ac-
cident du travail les pathologies de
l'épaule et du dos sont de plus en plus
fréquentes à cause de la dégradation
des conditions de travail , la direction
objecte qu'elle n'a pas de budget pour
remplacer les absents », dénonce
Feinda Bathily. Le manque de per-
sonnel provoque une course perma-
nente contre le temps.
C'est ce qui a poussé Mathilde Basset
à rendre sa blouse. Infirmière depuis
↑ 27
un an et demi, après trois semaines
passées en Ehpad, elle raccroche et
poste fin décembre, sur Facebook,
une lettre ouverte à la ministre de
la Santé partagée 20 000 fois en trois
semaines. « J'avais une journée chro-
nométrée : faire les pansements, dis-
tribuer les médicaments, faire les
transmissions. Je passais beaucoup
de temps devant l'ordinateur. Alors
que le relationnel devrait être au
cœur du travail d'infirmière, je n'ai
jamais pu prendre 10 minutes pour
m'asseoir auprès de quelqu'un qui ar-
rivait et échanger sur son parcours.
En tant qu'infirmière, je n'ai pas eu
l'impression de pouvoir accompagner
les personnes qui entraient en insti-
tution et pour qui l'entrée est sou-
vent difficile. » Même constat pour
Feinda Bathily, aide-soignante. « Si
un cadre nous voit assis en train de
discuter avec un résident, il nous de-
mande si on est en pause », renché-
rit-elle.
Personnel insuffisant
et budgets à la baisse
Le sentiment d'être contraint à mal
faire son travail du fait du manque de
personnel est au cœur des très nom-
breuses grèves dans les Ehpad qui ont
ponctué l'année 2017. Ce manque de
moyens risque d'être encore accen-
tué par l'entrée en application du dé-
cret adopté en 2016 sur la conver-
gence des tarifs de dépendance (voir
l'« HD » n° 591).
« Si certains établissements de-
vraient obtenir davantage de
moyens, d'autres devraient en
contrepartie en perdre, or pas un Eh-
pad n'a trop de moyens. C'est comme
si on enlevait de l'argent à des
pauvres pour le donner à des très
pauvres », s'insurge Pascal Champ-
vert, président de l'Association des
directeurs au service des personnes
âgées (AD-PA), qui rassemble des di-
recteurs d'établissement et de service
d'aide à domicile. « En France, le ra-
tio de personnel est de 0,6 salarié
pour 1 résident, quand il est en
Suisse de 1,2. Si on pouvait déjà être
à 1 salarié pour 1 résident, ce serait
bien et il faudrait tenir compte des
spécificités des différents établisse-
ments », insiste Jean Vignes, secré-
taire général de la fédération SUD
santé sociaux. « Un certain nombre
d'établissements ont déjà reçu des
courriers leur attribuant des budgets
en baisse. La seule réponse de la mi-
nistre de la Santé est de nous dire que
cette baisse n'est pas très gênante car
elle sera étalée sur sept ans. »
le décret qui fâche
et le mépris de macron
En 2017, une douzaine de départe-
ments avaient refusé d'appliquer ce
décret. En 2018, les Côtes-d'Armor et
le Val-de-Marne ont déjà annoncé
qu'ils ne s'y plieraient pas non plus
cette année. Reste à savoir s'ils se-
ront suivis par d'autres. Les syndicats
et l'AD-PA avaient à l'automne de-
mandé à être reçus par Emmanuel
Macron, ils se sont vu opposer une
fin de non-recevoir. Le mépris a fini
de mettre le feu aux poudres dans un
secteur marqué par de nombreux
conflits locaux. Le 30 janvier, les per-
sonnels des Ehpad mais aussi des ser-
vices d'aide à domicile de toute la
France sont appelés à faire grève et
à manifester. Fait exceptionnel, l'en-
semble des organisations syndicales
participent au mouvement et l'AD-
PA le soutient. Les moyens humains
et financiers pour accompagner au
mieux les personnes âgées en institu-
tion et à domicile ne sont pas seuls
en cause. « Derrière le problème
technique du financement, c'est bien
la question de ce que la société veut
mettre en place pour prendre en
charge le vieillissement de sa popula-
tion », affirme Jean Vignes.
Le mardi 30 janvier, l'ensemble des
organisations syndicales (1) du sec-
teur de l'accompagnement des per-
sonnes âgées, soutenues par l'asso-
ciation des directeurs, appellent à
une journée de grève. Au cœur de
cette lutte, l'insuffisance des moyens
qui permettraient une prise en
charge humaine de la vieillesse.
Faire grève, pour mieux les accompa-
gner ■
par Mélanie Mermoz
Tous droits réservés L'Humanité Dimanche 2018
8694F3EA83207C0F95261C106A00514284042879C42E2A59043F050
Parution : Hebdomadaire
↑ 28
Prisons bloquées, détenus à bloc
Le mouvement de colère des surveillants, qui se poursuit après l’échec desnégociations avec la garde des Sceaux, complique les conditions de vie desprisonniers.
N° 11404jeudi 25 janvier 2018Édition(s) : Principale
Page 13627 mots
FRANCE
I l suffit de s’attacher au champ
lexical médiatique pour com-
prendre le glissement qui s’est opéré
en dix jours : la«grogne» est devenue
«colère», le «mouvement» a pris un
tour «historique» et le «bras de fer»
s’est terminé en «enlisement». Le ré-
sultat d’une crise des prisons à l’am-
pleur inégalée depuis vingt-cinq ans.
Ce mercredi, les surveillants péniten-
tiaires ont poursuivi le blocage
de nombreux établissements (au to-
tal, 119 des 188 prisons françaises
étaient perturbées à des degrés divers
le matin) après avoir claqué la porte,
la veille, de la chancellerie. Certaine-
ment galvanisées par une fronde très
suivie sur le terrain depuis le 11 jan-
vier, et dans un contexte d’élections
professionnelles où chacune tente de
se démarquer par son intransigeance,
les trois organisations syndicales ont
rapidement refusé les propositions
de la garde des Sceaux. Lors d’un se-
cond round de négociations, Nicole
Belloubet avait mis sur la table une
enveloppe de 30 millions d’euros,
comprenant le recrutement de 1
100 surveillants sur quatre ans, ou
encore une prime annuelle de 1
400 euros pour les personnels tra-
vaillant dans des établissements sen-
sibles. L’initiative a été qualifiée de
«prime à l’agression» par les syndi-
cats. L’Ufap-Unsa Justice (majori-
taire), FO Pénitentiaire et CGT Péni-
tentiaire exigent désormais que la
ministre «revoie sa copie». Ils dé-
noncent des propositions «scanda-
leuses» et des «mesurettes».
Sanctions
Après dix jours de conflit social, les
tractations sont au point mort, bien
que les organisations se disent prêtes
à les reprendre «sous certaines condi-
tions». Nicole Belloubet, décriée en
tant qu’interlocutrice et subissant
son premier test politique d’enver-
gure, insiste sur les plateaux télé :
«Ma porte est toujours ouverte.» Fait-
elle preuve de la même abnégation
en coulisse ? Elle a durci le ton mer-
credi, demandant des sanctions
contre les grévistes. La CGT dénonce
dans un communiqué : «Le gouver-
nement vient d’entrer dans une nou-
velle phase du conflit. Partout, il me-
nace de sanctions les collègues en lutte
pour leurs légitimes revendications.»
De leur côté, les syndicats avancent
en ordre dispersé, ce qui complexifie
encore la reprise du dialogue. D’après
sa plateforme revendicative, la CGT
réclame, entre autres, 1 800 emplois
supplémentaires, dont 1 500 pour les
surveillants, une augmentation de 2
% de l’indemnité de sujétion spéciale
(ISS, compensation des contraintes
subies et des risques encourus dans
l’exercice des fonctions) pour tout
corps et tout grade, le doublement
des taux de prime de nuit, de di-
manches et jours fériés, une gestion
spécifique des détenus radicalisés ou
violents. D’autres desiderata
semblent plus conceptuels, comme
«redonner une place centrale au sur-
veillant». L’Ufap-Unsa Justice insiste
pour sa part davantage sur les pro-
blématiques de sécurité, souhaitant
des «brouilleurs dernière génération
dans tous les établissements», la créa-
tion de prisons spécifiques selon les
profils, l’armement de tous les per-
sonnels en mission extérieure… Au
passage, les deux syndicats en profi-
teraient bien pour obtenir l’abroga-
tion de l’article 57 de la loi péniten-
tiaire de 2009 qui prévoit, au nom de
la dignité humaine, que les fouilles à
nu ne peuvent être systématiques.
Confinés
Quant à FO, qui fait cavalier seul de-
puis le début du mouvement, il de-
mande «la mise en sécurité immédiate
des personnels, ainsi qu’une revalori-
sation indemnitaire et statutaire».
Dans ce contexte de paralysie, la si-
tuation devient chaque jour plus ten-
due entre les murs. Les détenus sont
privés de promenade, de douche ou
de parloir et confinés dans leur cel-
lule. Si Jawad Bendaoud, jugé mer-
credi par le tribunal correctionnel de
Paris pour avoir logé deux jihadistes
du 13 Novembre, a pu être extrait de
la prison de Fresnes bloquée,
d’autres prévenus, moins média-
tiques, n’ont pu honorer leur rendez-
vous avec la justice. Selon l’Obser-
vatoire international des prisons, à
Nantes, une audience de comparu-
tion immédiate a été reportée d’un
mois, prolongeant de facto la déten-
tion provisoire de l’intéressé. «Dans
un contexte où les tensions s’ac-
croissent dans des établissements sur-
peuplés, ces actions - inédites dans la
plupart des prisons bloquées - ne
↑ 29
peuvent qu’augmenter la souffrance in-
tra-muros, explique l’association. Et
avec, les risques de violences que les
personnels entendent pourtant dénon-
cer.»■
par Julie Brafman
Tous droits réservés Libération 2018
0c9ae3ef8ac0de0495ed13d08e0401f78f24847f64ee21def80ed29
Parution : Quotidienne
Diffusion : 75 824 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2016/2017
Audience : 961 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 30
AFRIQUE
Un vent de contestation sociale et culturelle souffle sur le MaghrebAu Maroc, en Algérie, en Tunisie, les mouvements de protestation sociale se multiplient ces der-nières semaines et s'articulent à des revendications démocratiques et culturelles.
jeudi 25 janvier 2018Page 15
1313 mots
MONDE
D u Rif, dont aucun
déchaînement répressif, depuis
un an, ne semble pouvoir éteindre la
révolte, jusqu'à Sidi Bouzid où, sept
ans après la révolution tunisienne, la
soif de justice sociale reste brûlante,
tout le Maghreb, ces dernières se-
maines, est en ébullition. La fronde
s'exprime sur le terrain social bien
sûr, mais elle se manifeste aussi dans
les champs culturel et politique, té-
moignant de l'abîme qui n'en finit
plus de se creuser entre des sociétés
jeunes, dynamiques, en pleine muta-
tion et des dirigeants usés, sans pro-
jet, au règne entaché par la corrup-
tion, de plus en plus soumis aux
forces de l'argent.
Après le cycle ouvert en 2011 par les
soulèvements populaires en Afrique
du Nord et au Moyen-Orient, avec la
déconfiture des nationalismes arabes
et l'échec des expériences islamistes,
les sociétés du Maghreb semblent
chercher à tâtons un nouveau che-
min. « En 2011, la question politique
était centrale, avec des revendica-
tions démocratiques et l'exigence de
changements de régime. Ces espoirs
ont été déçus, même en Tunisie, où
des éléments de l'ancien régime ont
été réintégrés dans les sphères du
pouvoir. Aujourd'hui c'est plutôt la
question sociale qui nourrit les pro-
testations, avec des revendications
liées au développement, à la répar-
tition des richesses, aux services pu-
blics, à l'emploi », constate Khadija
Ryadi, de la Coordination maghré-
bine pour la défense des droits hu-
mains.
Depuis 2008, la crise économique a
eu pour effet de creuser les inégalités
sociales et régionales et de dégrader
sérieusement la situation sur le front
de l'emploi. Tendance aggravée par
les politiques d'austérité budgétaire,
de réduction de l'emploi public et de
privatisation conduites sur injonc-
tion directe ou indirecte des institu-
tions financières internationales,
Fonds monétaire international (FMI)
en tête. A court et moyen terme, pas
d'embellie en vue de ce côté. En Algé-
rie, où l'économie de rente est plom-
bée depuis 2014 par la chute des
cours des hydrocarbures (95 % des re-
cettes d'exportation), le Fonds de ré-
gulation des recettes, qui gérait de-
puis 2000 les excédents budgétaires,
est à sec et les réserves de change
fondent comme neige au soleil. La
croissance devrait connaître cette
année un léger rebond, à 3,6 %,
contre 2,2 % en 2017, ce qui reste
toutefois très insuffisant pour ré-
pondre à des demandes sociales pres-
santes. Même scénario de croissance
apathique en 2018 pour le Maroc, qui
espère atteindre des 4 %, et la Tuni-
sie, qui table sur 2,7 %. On est loin
de l'euphorie économique des années
2000 où les dirigeants marocains et
algériens rêvaient à haute voix «
d'émergence », où le directeur du
FMI, Dominique Strauss-Kahn, louait
aux côtés du dictateur Ben Ali le «
miracle tunisien »
Le mirage dissipé laisse place au ta-
bleau d'une génération sacrifiée, sans
perspective d'avenir, privée de
l'échappatoire offert autrefois par
l'émigration. De quoi nourrir la co-
lère des plus jeunes, qui s'organisent,
d'Al Hoceïma à Ouargla ou Kasserine,
en coordinations de diplômés chô-
meurs exigeant des investissements
ou des créations d'emplois publics
pour répondre à des besoins sociaux
insatisfaits. « Le dénominateur com-
mun de ces mouvements sociaux,
c'est qu'ils restent à distance des par-
tis politiques, des syndicats. Ils ex-
priment des demandes réformistes,
immédiates, concrètes et très locali-
sées, sans horizon politique. Ils font
émerger leurs propres porte-parole,
étrangers à la scène sociale tradition-
nelle, avec une tentation de la vio-
lence verbale et même physique. Ils
naissent souvent dans les régions pé-
riphériques, délaissées et portent des
revendications liées au développe-
ment, aux infrastructures, à l'emploi,
mais aussi à l'écologie », analyse
Messaoud Rom-dhani, président du
Forum tunisien pour les droits éco-
nomiques et sociaux (FTDES).
Disséminés, sans coordination, sans
véritable interconnexion autre que
celle offerte par les réseaux sociaux
sur Internet, ces mouvements n'en
irriguent pas moins les sociétés du
Maghreb par leur réalité massive. En
Tunisie, en 2017, le FTDES a recensé
11 000 manifestations sociales, deux
fois plus que l'année précédente. Ces
éruptions peuvent-elles trouver une
cohérence politique ? « J'ai peur de
↑ 32
ces insurrections spontanées, sans
feuille de route, qui peuvent débou-
cher sur le pire. La colère n'est pas
toujours féconde, elle peut être des-
tructrice, met en garde l'écrivain Yas-
mina Khadra. Mais ce sont des socié-
tés merveilleuses, inventives, qui ont
donné de grands poètes, de grands
philosophes. Il faut cesser de voir ces
sociétés comme immatures. On leur
impose un carcan, une camisole.
Elles sont empêchées de s'émanciper.
Au Maghreb, les dirigeants n'ont ja-
mais regardé du côté du peuple. Ils ne
se soucient que de leur nombril et de
leur enrichissement. »
Ces mouvements sont en effet le
symptôme d'une fracture sociale,
mais aussi d'une fracture politique
profonde, aggravée par le ver-
rouillage de régimes sourds aux as-
pirations de la jeunesse et prompt à
choisir l'option répressive. « La jeu-
nesse, au Maghreb, est privée d'es-
pace d'expression, elle est majori-
taire mais marginalisée et censurée.
C'est la raison pour laquelle nous
sommes de plus en plus nombreux à
choisir le terrain culturel pour nous
exprimer », témoigne le chanteur al-
gérien Sadek Democratoz. Le régime
y voit-il un danger ? Au mois de dé-
cembre, les manifestations pour la
généralisation de tamazight, la
langue berbère, ont donné lieu à de
violents heurts entre étudiants et
forces de police. Mais le gouverne-
ment est parvenu, au moins tempo-
rairement, à conjurer le spectre d'un
nouveau printemps culturel, en
consacrant Yennayer, le Nouvel An
berbère, journée chômée et payée dès
le 12 janvier 2018. Il faut dire que
l'effroyable bilan du printemps noir
en Kabylie, en 2001 (126 morts),
reste encore dans toutes les têtes Au
Maroc aussi, la monarchie balance,
face aux mouvements sociaux, entre
mise en scène d'un « dialogue », stra-
tégie de clientélisation et répression.
Les activistes du Hirak, le mouve-
ment de protestation du Rif, payent
cher le prix du durcissement du ré-
gime : ils sont plus de 400 derrière les
barreaux. Quant à la Tunisie, la der-
nière vague de protestations sociales
a donné lieu à plus de 800 arresta-
tions, comme aux sales temps de la
dictature. Ces saillies répressives
échouent pourtant à (ré)installer un
climat de peur. Le chantage au chaos
brandi par les dirigeants marocains,
algériens et tunisiens prompts à
mettre en garde contre les scénarios
syrien et libyen n'est plus opérant. «
Nous quittons la parenthèse ouverte
par les printemps arabes et leur ré-
cupération par les islamistes. Avec la
défaite de Daech, les sociétés se
sentent libérées de cette menace, en
droit de reprendre des luttes aux-
quelles elles n'avaient pas renoncé
mais dont elles craignaient l'usurpa-
tion », résume l'Algérien Yacine Te-
guia, secrétaire général du Mouve-
ment démocratique et social (MDS),
un parti progressiste aux orienta-
tions laïques. En fait, les sociétés du
Maghreb, dans ce nouveau cycle de
contestations sociales et politiques,
cherchent leur propre voie de déve-
loppement, ancrée sur le continent,
respectueuse de la diversité cultu-
relle et linguistique de cette région,
fidèle à ses traditions égalitaires pro-
fondément enracinées. ■
par Rosa Moussaoui
Tous droits réservés L'Humanité 2018
1D99831487D0480CA53F1DB0C90761DE8D143F7EC4D92AA955BF9B3
Parution : Quotidienne
Diffusion : 34 877 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2016/2017
Audience : 372 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 33
L'accord de libre-échange du Pacifique renaît sans les Etats-UnisLes onze pays restant partie prenante du partenariat transpacifique sont décidés à le mettre enoeuvre sans les Etats-Unis.La signature est prévue en mars prochain.
N° 22620mercredi 24 janvier 2018
Page 10600 mots
MONDE—ASIE-PACIFIQUE
J ustin Trudeau a tranché. Un
temps évasif sur l'opportunité de
rester membre du partenariat trans-
pacifique (TPP) après la décision du
président américain, Donald Trump,
de s'en retirer, Justin Trudeau a déci-
dé d'y maintenir son pays. C'est ce
qu'a indiqué mardi à Ottawa un res-
ponsable du gouvernement canadien.
« Nous avons fait des progrès signifi-
catifs sur les points en litige que nous
avions identifiés en marge du som-
met de l'Apec » au Vietnam en no-
vembre, a-t-il confié. « Nous pré-
voyons de signer l'accord. »
Après le retrait sine die des Etats-
Unis, signifié l'an passé, peu après
l'élection de Donald Trump, les onze
pays rassemblant le Canada, l'Aus-
tralie, le Brunei, le Chili, le Japon, la
Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zé-
lande, le Pérou, Singapour et le Viet-
nam ont décidé d'aller de l'avant.
A Tokyo, le même jour, les négocia-
teurs en chef des onze pays restants
sont parvenus à s'entendre pour re-
lancer l'accord. « Une déclaration a
finalement été conclue et les onze
pays se sont entendus pour préparer
la signature » d'un nouvel accord, a
déclaré le ministre japonais de l'Eco-
nomie, Toshimitsu Motegi, à l'issue
de la réunion de ces négociateurs en
chef. C'est une décision « qui fait date
pour notre pays et l'avenir de la ré-
gion Asie-Pacifique », s'est-il félicité.
L'accord devrait être paraphé « d'ici
au début du mois de mars », selon un
communiqué du gouvernement sin-
gapourien.
Le nouvel ensemble représente 13 %
de l'économie mondiale, selon
l'agence de presse Kyodo. Plus qu'un
accord commercial, le TPP va bien
au-delà de la simple suppression des
droits de douane. Il est également
prévu d'ouvrir un peu plus les mar-
chés publics nationaux aux entre-
prises étrangères sans avantages in-
dus pour les entreprises publiques
nationales. Le TPP détermine des
normes communes pour le commerce
électronique et les services finan-
ciers. Il comprend des dispositions
sur le respect du droit du travail tel
que défini par l'Organisation interna-
tionale du travail (OIT).
Plainte australienne
Les relations ne sont pas pour autant
au beau fixe entre les différents par-
tenaires. Le 16 janvier, le gouverne-
ment australien a déposé une plainte
à l'Organisation mondiale du com-
merce (OMC) en ce qui concerne la
politique canadienne réglementant
les importations de vins. Canberra
reproche aux différentes provinces
canadiennes, la Colombie-Britan-
nique, l'Ontario, le Québec et la Nou-
velle-Ecosse, le maintien de restric-
tions à l'importation de vin. L'Aus-
tralie juge qu'une série de mesures
relatives à la distribution, les licences
et les ventes ne sont pas conformes
aux règles du GATT. Sont visées les
marges appliquées aux produits, les
politiques d'accès au marché cana-
dien, ainsi que les droits et taxes ap-
pliqués sur le vin aux niveaux fédéral
et provincial.
Si le TPP semble sur les rails, l'Accord
de libre-échange nord-américain
(Aléna) entre le Canada, le Mexique
et les Etats-Unis est menacé, lui aus-
si, d'un retrait des Etats-Unis. Depuis
mardi, une sixième réunion visant à
renégocier, sous la pression de Wa-
shington, les termes de cet accord se
tient à Montréal. A Ottawa, le coeur
n'y est plus et l'hypothèse d'un retrait
imminent des Etats-Unis a gagné en
force.■
par Richard Hiault
Tous droits réservés Les Echos 2018
0391031385C0B60CA5B51790150731FA89E4137E945B232A8CFB785
Parution : Quotidienne
Diffusion : 128 215 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2016/2017
Audience : 633 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 34