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42 - Le Commerce du Levant - Février 2010 Panorama des investissements libanais en Syrie Les banques libanaises accompagnent l’ouverture du secteur financier Longtemps fermée aux investissements étrangers, la Syrie est aujourd’hui un marché porteur dans plu- sieurs secteurs d’activité. Les entreprises libanaises ne s’y sont pas trompées et s’implantent largement à travers le pays. Les groupes familiaux d’origine syrienne comme Obegi, Chaoui ou Fattal profitent de leur connaissance du pays pour investir dans de nombreux domaines. Mais le retour aux origines n’est pas le gage unique de réussite : des groupes comme Sleep Comfort, ACC ou Malia soli- difient leur position dans le pays. L’alimentaire et la res- tauration à la sauce libanai- se sont également très pri- sés des Syriens. E n pôle position pour investir le marché syrien, les banques libanaises se sont faufilées dans la place dès que les pouvoirs publics ont mis fin au monopole de la Banque commerciale de Syrie. La fin du joug étatique sur le secteur financier se pro- file dès 2001 avec la loi n° 28, qui réorga- nise le secteur bancaire et permet l’ouver- ture d’établissements bancaires privés. Mais la réforme ne s’applique concrète- ment qu’en 2004, avec l’ouverture des premières enseignes. Les Banque BEMO Saudi Fransi et Banque de Syrie et d’Outre- Mer (BSO) ouvrent la voie aussitôt leurs licences accordées, suivies de près par Audi et Byblos puis en 2009 par Fransabank et la Banque al-Sharq, affiliée à la Banque libano- française. ACTIONNARIAT L’actionnariat des banques suit en général un même schéma, avec 49 % du capital possédé par une banque libanaise, entre un quart et un tiers tenu par un groupement d’investisseurs syriens et le reste ouvert au public. BSO et Byblos Syrie bénéficient éga- lement de la participation d’institutions inter- nationales, la Banque mondiale à travers la Société financière internationale pour la pre- mière et l’Organisation des pays exporta- teurs de pétrole pour la seconde. Pour Amr Azhari, vice-président de la BSO, « les par- tenaires étrangers fournissent une caution morale, ils apportent leur expertise et leurs services ». La BEMO Saudi Fransi divise, quant à elle, la part dévolue à l’actionnariat étranger entre la Banque BEMO (22 %) et la Banque Saudi Fransi (27 %), bras saoudien du Crédit agricole. Côté réglementation, le secteur bancaire privé est soumis à un régime spécial. Début 2010, le gouvernement a augmenté la part maximale des actionnaires étrangers de 49 % à plus de la moitié du capital des établissements. Cette décision va fortement dynamiser le secteur dans les mois à venir, en faisant entrer de nouveaux acteurs sur le marché. Autre amendement de la loi bancai- re en 2010, le capital minimum qui était fixé jusqu’ici à 30 millions de dollars vient d’être augmenté pour les nouveaux établissements à un peu plus de 200 millions de dollars. Les banques déjà implantées auront trois ans pour s’aligner. C. F. économiesyrie-liban

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42 - Le Commerce du Levant - Février 2010

Panorama des investissementslibanais en Syrie

Les banques libanaises accompagnentl’ouverture du secteur financier

Longtemps fermée auxinvestissements étrangers,la Syrie est aujourd’hui unmarché porteur dans plu-sieurs secteurs d’activité.Les entreprises libanaisesne s’y sont pas trompées ets’implantent largement à

travers le pays. Les groupesfamiliaux d’origine syriennecomme Obegi, Chaoui ouFattal profitent de leurconnaissance du pays pourinvestir dans de nombreuxdomaines. Mais le retouraux origines n’est pas le

gage unique de réussite :des groupes comme SleepComfort, ACC ou Malia soli-difient leur position dans lepays. L’alimentaire et la res-tauration à la sauce libanai-se sont également très pri-sés des Syriens.

E n pôle position pour investir le marchésyrien, les banques libanaises se sontfaufilées dans la place dès que les

pouvoirs publics ont mis fin au monopole dela Banque commerciale de Syrie. La fin dujoug étatique sur le secteur financier se pro-file dès 2001 avec la loi n° 28, qui réorga-nise le secteur bancaire et permet l’ouver-ture d’établissements bancaires privés.Mais la réforme ne s’applique concrète-ment qu’en 2004, avec l’ouverture despremières enseignes. Les Banque BEMOSaudi Fransi et Banque de Syrie et d’Outre-Mer (BSO) ouvrent la voie aussitôt leurslicences accordées, suivies de près par Audiet Byblos puis en 2009 par Fransabank et laBanque al-Sharq, affiliée à la Banque libano-française.

ACTIONNARIAT

L’actionnariat des banques suit en généralun même schéma, avec 49 % du capitalpossédé par une banque libanaise, entre unquart et un tiers tenu par un groupementd’investisseurs syriens et le reste ouvert aupublic. BSO et Byblos Syrie bénéficient éga-lement de la participation d’institutions inter-nationales, la Banque mondiale à travers laSociété financière internationale pour la pre-mière et l’Organisation des pays exporta-teurs de pétrole pour la seconde. Pour AmrAzhari, vice-président de la BSO, « les par-tenaires étrangers fournissent une cautionmorale, ils apportent leur expertise et leursservices ». La BEMO Saudi Fransi divise,quant à elle, la part dévolue à l’actionnariat

étranger entre la Banque BEMO (22 %) et laBanque Saudi Fransi (27 %), bras saoudiendu Crédit agricole. Côté réglementation, le secteur bancaireprivé est soumis à un régime spécial.Début 2010, le gouvernement a augmentéla part maximale des actionnaires étrangersde 49 % à plus de la moitié du capital desétablissements. Cette décision va fortementdynamiser le secteur dans les mois à venir,en faisant entrer de nouveaux acteurs sur lemarché. Autre amendement de la loi bancai-re en 2010, le capital minimum qui était fixéjusqu’ici à 30 millions de dollars vient d’êtreaugmenté pour les nouveaux établissementsà un peu plus de 200 millions de dollars. Lesbanques déjà implantées auront trois anspour s’aligner.

C. F.

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ACTIVITÉ

Au départ, les banques privées se sont prin-cipalement adressées aux entreprises etcommerçants syriens. « Nous n’avons paseu besoin de leur détailler nos offres, car laplupart avaient déjà leur argent dans desbanques privées à l’étranger », expliqueBassil Hamwi, directeur général de la BankAudi Syria. En particulier à Beyrouth, où lesbanques leur proposaient déjà des servicesspécifiques. « Les relations des hommesd’affaires syriens avec les banques liba-naises durant la période des 40 à 50 ansécoulés facilitent sans aucun doute notreimplantation aujourd’hui », confirme JamalMansour, directeur général d’al-Sharq. Les particuliers ont eux accès aux offresclassiques de dépôts. Entre 2005 et 2006,le nombre de dépôts est passé de 9 à 17 %dans les banques privées, selon le SyriaReport. Le nombre d’agences bancaires semultiplie également. La Banque BEMO, laplus implantée à travers le pays, possède 24pas-de-porte, suivie par la BSO et Audi quigèrent 21 agences. Par ailleurs, les distribu-teurs de billet sont de plus en plus visiblesdans les rues et l’utilisation des cartes decrédit se répand rapidement dans le pays. LaBank Audi Syria a lancé en septembre 2009sa carte de retrait en collaboration avec leréseau MasterCard. C’est la premièrebanque syrienne à entrer dans le système depaiement international. De nouveaux ser-vices comme le virement automatique dessalaires ont également fait leur apparition. LaBanque al-Sharq construit d’ailleurs sonoffre autour de ce type de produits. « Notreclientèle-cible sont les professionnels »,précise Jamal Mansour. La BSO a, elle,lancé depuis octobre 2009 la société decourtage BSO Invest. À terme, le projet estde faire de la gestion de portefeuille.

LE CRÉDIT

Mais l’enjeu réel est le crédit bancaire, ser-vice totalement nouveau pour les consom-mateurs syriens. S’il était théoriquementpossible de souscrire des emprunts auprèsdes banques publiques, ils étaient quasiinaccessibles aux particuliers. Les bonsrésultats des banques privées, et donc l’aug-mentation de leurs fonds propres, renforcentles capacités de prêts. Crédit automobile, àla consommation… tous les produits déve-loppés au Liban sont désormais proposésaux ménages. « La mentalité est conserva-trice, mais les Syriens sont demandeurs de

services de crédit », remarque Amr Azhari,de la BSO. Le crédit immobilier se développeplus doucement. La Byblos Bank Syria a étéla première à en proposer dès mars 2007.En 2009, ces types de prêts représentent45 % de l’activité commerciale de labanque, selon le journal Syria Today. En 2008, les banques privées ont aug-menté leur activité de crédit de 84 % parrapport à l’année 2007, atteignant 2,76milliards de dollars, selon les chiffresfournis par le Syria Report. L’activité decrédit aux particuliers a été légèrement enretrait par rapport à la croissance desbanques. Elle souffre de capacités de prêtlimitées en raison de l’asymétrie deséchéances entre les dépôts et les prêts, laquasi-totalité des dépôts dans lesbanques privées étant à court terme.L’absence d’une centrale des risques decrédit présente aussi de nombreux désa-vantages, elle empêche les banques d’ap-précier correctement les encours desprêts ainsi que l’engagement de leursemprunteurs. Les professionnels atten-dent également la mise en place d’unmarché de la dette et d’instruments derefinancement. Le poids de la bureaucra-tie, les coûts des garanties foncières, lenombre limité de projets faits aux stan-dards comptables et industriels, et l’ab-sence de marché interbancaire sont éga-lement pointés du doigt. Ces obstaclesfreinent le développement d’une activitédont le potentiel est pourtant très promet-teur pour les banquiers privés. « Pourtous les produits d’emprunts, la compéti-tion vient pour l’instant surtout de l’étran-ger », précise Bassil Hamwi, d’Audi Syria.Mais, comme ses collègues, il estconfiant. De nouvelles lois réglementantles emprunts et le leasing sont annoncéesprochainement. L’activité a reçu un solidecoup de pouce le mois dernier avec lahausse de l’actionnariat étranger à plusde la moitié du capital des banques, quiannoncent de meilleures capacités deprêt. Principal souhait des professionnelspour 2010 : l’autorisation de finance-ments en devises étrangères, ce quiouvrirait de larges perspectives, car prèsde la moitié de leurs dépôts ne sont pasen livres syriennes. Les banques n’ont en revanche pas atten-du ces avancées pour financer le secteurprivé, en particulier les investissementsindustriels et le commerce extérieur. Cedernier étant quasi interdit d’accès à laBanque commerciale de Syrie, sous le

Avantage au LibanLes activités des banqueslibanaises en Syrie ont para-doxalement bénéficié de ladisgrâce de Damas sur lascène internationale cesdernières années. Les sanc-tions américaines de 2004,qui empêchent tout établis-sement bancaire à capitauxaméricains d’avoir quelquelien que ce soit avec laBanque commerciale deSyrie, ont jusqu’à présentrefroidi les enseignes inter-nationales, qui se canton-nent à des études du mar-ché local à travers desbureaux de représentation –autorisés depuis mai 2009 –ou attendent tout simple-ment la levée des sanctions.La crise financière interna-tionale freine également lesprojets. La voie est donclibre pour les établissementsdu pays du Cèdre, qui mul-tiplient les ouverturesd’agences avant la rentréeen grâce attendue de laSyrie.

Jamal Mansour, directeur général d’al-Sharq : « Les relationsdes hommes d’affaires syriens avec les banques libanaisesdurant la période des 40 à 50 ans écoulés facilitent notreimplantation aujourd’hui. »

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économiesyrie-libancoup de sanctions américaines, lesbanques privées s’y sont engouffrées.Pour l’instant, le plus gros coup date de2008, avec la syndication de 16 banquesrégionales pour financer à hauteur de 340millions de dollars une cimenterie privée.Pour Bassil Hamwi, « le gouvernementpréfère que des banques locales prennenten charge les investissements ».Jusqu’ici, les établissements publicsétaient le porte-monnaie des pouvoirspublics et donc des grands projets. Des grands projets qui ont le vent en poupeces temps-ci. Les autorités ont annoncé

leur intention de mettre en place des PPPpour moderniser l’économie, le premierétant le développement du port deLattaquié. Une promesse bien entenduepar les banques privées, qui se réjouissentà l’idée de jouer dans la cour des établis-sements publics. « Le budget 2010 prévi-sionnel du gouvernement syrien devraitouvrir de nombreuses opportunités de finan-cements de grands projets, confirme WalidAbdel Nour, directeur général de la BanqueByblos en Syrie. Nous sommes entrés sur lemarché au bon moment. »La hausse fraîchement décidée par l’État du

capital minimum requis pour les banques pri-vées à 200 millions de dollars va égalementpermettre aux banques privées de devenir descandidats crédibles aux financements degrands projets. « Cette décision annonce unevolonté de développement économique à courtterme », analyse Amr Azhari, de la BSO. LaByblos Bank Syria vient ainsi d’annoncer lahausse de son capital d’ici à 2011, qui va triplerde 43 à 132 millions de dollars. Pour lesbanques plus modestes, l’importance de lasomme étrangle leurs perspectives de dévelop-pement, car elles n’ont pas eu le tempsd’amasser suffisamment de fonds propres.

L es filiales des banques libanaises enSyrie devraient connaître une crois-

sance sans nuages en 2010. Une déci-sion récente des pouvoirs publics syriensde limiter à 3 % la part des salariésétrangers du secteur bancaire est toute-fois source de mécontentement. D’abordconsidérée comme un signe peu enga-geant vis-à-vis des investisseurs étran-gers et un retour en arrière, la mesure estdésormais perçue comme révélatrice del’inquiétude de l’État. En effet, la Syriecompte une forte part de jeunes diplômésau chômage : le secteur financier émer-gent tombe à point pour les intégrer.Longtemps autocentrée, l’économiesyrienne n’est également pas prête àaccueillir des structures totalementconstituées d’étrangers. Pour les banqueslibanaises, cette décision complique l’ex-pansion. Les responsables d’agences doi-vent avoir une expérience bancaire d’aumoins dix ans, ce qui est impossible pourun Syrien. « Notre développement vadépendre de la décision des pouvoirsconcernés », note Jamal Mansour, de laBanque al-Sharq. La filiale de la BLF,ouverte en 2009, a besoin de faire appelà des cadres libanais pour former les nou-velles recrues au management. LaBanque Byblos, qui gérait toutes ses acti-vités depuis Beyrouth, doit elle aussi seréorganiser.Pour les établissements plus importants,l’effort pour atteindre 3 % – si ce n’estdéjà fait – ne sera pas trop conséquent.Mais un autre phénomène peut appa-raître. « Les banques vont se faireconcurrence pour les bons candidatssyriens qui seront surpayés. Elles vont

devoir développer un programme de fidé-lisation de leurs salariés », note AmrAzhari, de la BSO.En dépit de ces difficultés, les banquiersont tous fixé des plans stratégiques dedéveloppement ambitieux pour 2010.« Nos différences sont finalement uneopportunité », note Nadim Moujaès,directeur général de la Fransabank enSyrie. Pour lui, l’expansion des banqueslibanaises chez leur voisin est un symbo-le, « qui va bien au-delà des simplestransactions bancaires ».

Le recrutement

Nadim Moujaès, directeur général de la Fransabank en Syrie :« L’expansion des banques libanaises en Syrie est un symbolequi va bien au-delà des simples transactions bancaires. »

Banque BEMO Saudi FransiCréation Janvier 2004Nombre d’agences 34Nombre d’employés 640Capital en 2009 71 millions de dollars

BSOCréation Janvier 2004Nombre d’agences 21Nombre d’employés 350Capital en 2009 60 millions de dollarsDépôts 1,4 milliard de dollars

Bank al-SharqCréation Mai 2009Nombre d’agences 4Nombre d’employés 68Capital en 2009 50 millions de dollars

Banque AudiCréation Septembre 2005Nombre d’agences 21Nombre d’employés 512Total des actifs en 2009 1,559 milliard de dollars

Byblos Bank

Création 2005Nombre d’agences 9Capital en 2009 43 millions de dollarsDépôts 625 millions de dollars

Fransabank

Création Janvier 2009Nombre d’agences 5Nombre d’employés 100 Capital en 2009 36 millions de dollars

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C’est un gros coup pour la Bank Audi :l’établissement, à la tête d’une syndi-

cation de 16 banques régionales, a accor-dé le plus gros prêt jamais négocié ausecteur privé en Syrie. La somme, de 340millions de dollars, finance partiellementla construction d’une cimenterie au nord-est de la ville d’Alep. Le site appartient augéant français Lafarge, à travers sa filialelocale Lafarge Cement Syria, qui a fournil’autre moitié des 680 millions de dollarsnécessaires à la réalisation des travaux. Ce dispositif de financement, étalé sur septans, a été précédé entre avril 2008 etoctobre 2009 d’un premier prêt relais de380 millions de dollars. Ce dernier a étéfinancé par un consortium de 16 banqueslibanaises, syriennes, égyptiennes et jorda-niennes conduit par Audi (voir Le Commercedu Levant 5584, septembre 2008). Ce prêtde courte durée a été remboursé en 2009par le nouveau plan de financement. « Il atoujours été question de mettre en place unfinancement de plus longue durée »,explique Khalil Debs, le responsable du cor-porate banking chez Audi, qui a copiloté leprojet. La banque a été rapidement encontact avec Lafarge grâce à l’un de sesclients, le groupe de construction Orascom,qui a cédé début 2008 ses activités decimenterie à l’industriel français.L’établissement libanais est ainsi à la foisinstigateur et coordinateur du crédit consor-tial et tient le rôle de conseiller de Lafargepour l’ensemble du projet. Pour rassembler la somme, Audi a envoyé20 lettres d’invitation à des établisse-ments bancaires libanais, syriens et jor-daniens. Quinze ont rapidement réponduprésents. « Les banques ont été immédia-tement partantes », note Bassima Harb, quidirige le département de crédits consortiauxet financement de projets de la banque. À telpoint qu’Audi a dû revoir à la baisse lescontributions de chacun : la part du prêt

alloué aux banques régionales représente55 millions de dollars, pour des pro-messes reçues de 200 millions de dollars.Sur les 680 millions de dollars de l’inves-tissement, 100 millions ont été prêtés enlivres syriennes et pris en charge par septétablissements syriens, dont Audi Syria, àhauteur de 25 %. Le reste de la sommeprêtée est en dollars. Dix banques régio-nales (six libanaises, trois syriennes etune jordanienne) ont contribué à hauteurde 55 millions de dollars précités, 155 mil-lions ont été pris en charge par la Banqueeuropéenne d’investissement (BEI). Les 30millions restants viennent de la Société depromotion et de participation pour la coopé-ration économique (Proparco), bras del’Agence française de développement. Une première partie de la cimenteriedevrait être achevée mi-2010, ce qui per-mettra de démarrer la production. Le sitedevrait être totalement opérationnel début2011. Une date qui marquera le début duremboursement de l’emprunt, conditionnépar la génération du premier cash-flow.Tout ce que l’on sait sur le taux d’intérêt,maintenu secret par la Bank Audi, estqu’il est fixe pour les prêteurs institution-nels et variable pour les banques. Seuleoriginalité du contrat : la traditionnellegarantie par hypothèque en cas de non-paiement n’étant pas accessible auxétrangers en Syrie, le groupe Lafarge apris sur son dos la responsabilité juridiquedu remboursement de l’emprunt. Mais lesfinanciers d’Audi ne semblent pasinquiets. « Il y a une forte demande deciment en Syrie, les cimenteries publiquesne produisent pas assez », explique KhalilDebs. En 2009, le marché représentaitprès de 8 millions de tonnes. Selon lesestimations de la banque, Lafarge devraitcouvrir 30 % du secteur avec la cimente-rie, d’une capacité de production de 2,75millions de tonnes par an.

Audi pilote un prêt historique

Répartition du prêt consortial

Total du prêt : 340 millions dedollarsSept banques syriennes : 100 mil-lions de dollars (prêtés en livressyriennes). Arab Bank Syria ; BankAudi Syria ; Bank of Syria andOverseas (BSO) ; Bank BEMOSaudi-Fransi ; Byblos Bank Syria ;Fransabank Syria ; TheInternational Bank for Trade andFinanceDix banques régionales : 55 mil-lions de dollars. Bank Audi-AudiSaradar ; Banque libano-française(BLF) ; BBAC ; BLOM Bank ;Byblos Bank ; IBL Bank ; TheHousing Bank for Trade andFinance ; Bank al-Sharq ; Bank ofJordan-Syria ; BSOBanque européenne d’investisse-ment (BEI) : 155 millions dedollarsSociété de promotion et de parti-cipation pour la coopération éco-nomique (Proparco) : 30 millionsde dollars

Arab Finance Corporation autorisée à opérer en Syrie

L a société libanaise de courtage finan-cier Arab Finance Corporation a été

autorisée par the Syrian Commission onFinancial Markets and Securities à ouvrir

une filiale en Syrie. Avec un capital de450 000 dollars, l’Arab FinanceCorporation Syria, dans laquelle ArabFinance Corporation SAL détient une part

de 49 %, son PDG, Sami Akhras 1 % etdes investisseurs syriens 49 %, propose-ra des services d’intermédiation financiè-re et de gestion de patrimoine.

R. H.

C. F.

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économiesyrie-liban

Les assureurs libanais sensibilisentles Syriens aux risquesLes compagnies d’assurances dont l’actionnariat est partiellement libanais représententdébut 2010 six des douze établissements privés sur le marché.

E n s’implantant en Syrie à partir de2004, les banques libanaises ont pavéla route à leurs consœurs, les compa-

gnies d’assurances. Jusqu’alors monopoli-sée par la Compagnie syrienne d’assu-rances, le secteur a été ouvert à l’investisse-ment privé grâce à la loi n° 43 de juin 2005.Les compagnies généralistes doivent possé-der un capital minimum de 14 millions dedollars et celles qui sont spécialisées dansl’assurance-vie doivent disposer de 17 mil-lions de dollars. La participation étrangèren’est pas fixée comme dans la loi bancaire,mais une institution financière ne peut déte-nir plus de 40 % du capital et un individuplus de 5 %. La hausse récemment décidéedu montant du capital requis pour lesbanques privées pourrait concerner lesassurances courant 2010, mais rien n’apour le moment été décidé. Toutes les compagnies d’assurances qui ontobtenu une licence à partir de 2006 ont lemême montage financier, avec un actionnai-re régional associé à des entrepreneurslocaux. Le premier apporte son expertise etles seconds la connaissance du marchélocal. Mais l’atout maître de ces assureursest pour la plupart de faire partie d’un grou-

pe bancaire déjà implanté dans le pays.Audi, BLOM et Byblos ont toutes leur brasarmé dans l’assurance. Ce lien étroit avec lesecteur bancaire permet aux assureurs deproposer à leur clientèle des produits debancassurance, totalement inédits en Syrie. Le développement de l’activité a été pro-gressif pendant ces trois ans, au gré desnouvelles régulations décidées par les pou-voirs publics. Car l’assurance est un secteurpratiquement vierge, dont le cadre régle-mentaire se construit avec l’arrivée de nou-veaux acteurs. Le gouvernement a donné ungrand coup de pouce aux professionnels enjuin 2009 en rendant obligatoires les assu-rances pour certains secteurs d’activité. Leshôpitaux, laboratoires médicaux, écoles, uni-versités, usines et boulangeries doiventdésormais tous être couverts multirisques.La liste devrait s’allonger prochainement.Cette décision permet aux compagnies d’as-surances d’élargir considérablement leurclientèle et de créer de nouveaux produits.Autre bonne nouvelle : en novembre 2009,les pouvoirs publics ont autorisé les assu-reurs à vendre leurs produits au sein desagences bancaires. Ils devaient auparavantse limiter à des bureaux de représentation.

Si les commerçants et les industriels syrienssont les clients cibles évidents des assu-reurs, les compagnies ont également entre-pris de démarcher les particuliers. Très malinformés sur les produits et disposant sou-vent de revenus modestes, les Syriens sontpourtant de plus en plus nombreux à sauter lepas. Incendie, vol, intempéries, accidents :tous les produits traditionnels de l’assurancetrouvent preneurs. Les assurances-vie,encore très méconnues, commencent égale-ment à entrer dans les mœurs. Au troisième trimestre 2009, le Comitésyrien de supervision de l’assurance (SyrianInsurance Supervision Committee) a présen-té les résultats du secteur. Si la compagniepublique tient toujours le haut du pavé avec55,5 % de l’activité, la United InsuranceCompany tire significativement son épingledu jeu avec 10,5 % du total des primes per-çues. La part modeste des assurances auto-mobiles dans son portefeuille explique sonsuccès soudain. En effet, les compagniesdans lesquelles les assurances automobilesreprésentent plus de 45 % de l’activité onteu l’interdiction d’en vendre pendant troismois courant 2009.

AROPE SYRIE

Le groupe BLOM est décidément réactif.Après avoir été l’un des premiers à s’implan-ter en Syrie avec la Bank of Syria andOverseas (BSO), il a lancé sa compagnied’assurances dès l’ouverture du marché en2006, par le biais de sa filiale libanaiseArope qui possède 34 % de la nouvelle enti-té baptisée Arope Syrie. La Banque BLOM etBSO y participent également à hauteur de 10et 5 %. Les actionnaires locaux tels queRateb al-Shallah et Ihsan Baalbaki (égalementactionnaires de la BSO) possèdent 51 % ducapital, ce qui n’est pas une obligation régle-mentaire, mais permet de réduire le tauxd’imposition de 25 à 15 %. En plus desoffres de couverture traditionnelles, AropeSyrie projette d’offrir des produits de ban-

Amr Azhari, qui dirige la compagnie d’assurances Arope, explique que « la banque fait bénéficier la société de son portefeuille declients et se positionne comme caution morale vis-à-vis des clients ».

C. F.

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cassurance en partenariat avec BSO. Pourl’instant, « la banque fait bénéficier Aropede son portefeuille de clients et se position-ne comme caution morale vis-à-vis desclients », explique Amr Azhari, qui dirige lacompagnie. En 2009, ses capitaux attei-gnent 20 millions de dollars. Pour le premiersemestre 2009, elle évalue ses profits à unmillion de dollars. L’activité a toutefois étépénalisée par l’importance des assurancesauto dans le portefeuille, dont la vente a étérestreinte par les autorités en 2009. Le trèsgrand nombre de licences accordées depuisl’ouverture du secteur pénalise également lacroissance. « La progression à court termeest ralentie par la concurrence agressive »,regrette Amr Azhari.

ARABIA INSURANCE SYRIA

À la différence de ses concurrents, le capitalde l’Arabia Insurance Syria (AIS) n’a pas étéouvert au public. Filiale du libanais ArabiaInsurance, lui-même membre du groupeArab Bank, la compagnie lancée en octobre2006 compte également des hommes d’af-faires syriens dans son actionnariat. En2008, elle a affiché un total de primes de478 millions de livres (10,5 millions de dol-lars). À la fin du troisième trimestre 2009,elles atteignaient déjà 370 millions de livressyriennes (plus de 8 millions de dollars).Modestement placée en 8e position desassureurs privés, elle se démarque enrevanche par la diversité de ses produits. Sacroissance est équitablement répartie entreles activités d’assurance d’entreprises,santé, d’industries et automobiles tousrisques. Des produits de bancassurance enpartenariat avec l’Arab Bank Syria sont àl’ordre du jour.

UNITED INSURANCE COMPANY

La United Insurance Company est une joint-venture entre le libanais de la UnitedCommercial Insurance, le groupe d’investis-sement koweïtien al-Mal et les deux grossespointures du business syrien Abdel-Rahmanal-Attar et Nizar Assaad, parmi d’autres. LaBanque BEMO est également impliquée àhauteur de 5 %. À l’ouverture, le directeursyrien a été formé par Beyrouth, pour béné-ficier de l’expertise de l’assureur libanais. Ilest aujourd’hui remplacé par un Jordanien,mais l’expert technique reste Libanais.Comme ses concurrents, l’UIC propose desassurances tous risques, anti-incendie,maritime ou encore santé. Elle présente des

résultats prometteurs depuis son ouvertureen 2006. Au troisième trimestre de 2009,elle affiche la meilleure progression desassureurs privés grâce à la diversification deses produits. Le rapport de force entre lesassureurs a été chamboulé en 2009 avec lesrestrictions sur les assurances automobiles,en plein boom dans le pays. En 2008, l’UICatteignait 983 millions de livres syriennes(près de 22 millions de dollars) de primes etdoublait ses concurrentes en affichant unprofit de 206 millions de livres (plus de 4,5millions de dollars), un précédent pour cesecteur naissant.

SYRIAN ARAB INSURANCE COMPANY

À travers la Libano-Arabe Assurance (LAA), laSyrian Arab Insurance Company est affiliée augroupe Audi-Saradar. Les actionnaires d’ori-gine sont la LAA, Audi Liban et Audi Syria.Selon le Syria Report, la compagnie a totalisé896 millions de livres (près de 19,8 millionsde dollars) de primes en 2008, ce qui la pla-çait en troisième position du classement desassureurs privés. En 2009, la SAIC devraitafficher de bons résultats, car elle est moinsexposée que ses concurrents aux restrictionsimposées aux assurances automobiles. Cesdernières ne représentaient que 3,44 % deson activité en début d’année. En revanche,les assurances automobiles tous risques sontles plus demandées. En 2008, la compagniea affiché des profits de 40 millions de livres(880 000 dollars).

SOLIDARITY ALLIANCE INSURANCE

Solidarity Alliance Insurance a été créée

en 2007 par l’assureur libanais FidelityAssurance & Reinsurance, l’entreprisesaoudienne Dar al-Talahom TradingServices et un groupement d’investis-seurs syriens dont le groupe multisectorielAlfadel. En 2008, ses primes ont atteint134 millions de livres syriennes, pour unprofit de 66 millions de livres.

ADIR SYRIA

L’un des derniers arrivés à Damas estAdir Assurance. La Banque Byblos Libanest actionnaire à 49 % de la compagnie,ouverte en 2008. Byblos Syria détient 5 %des parts et Adir Liban 16 %. Les assu-rances automobiles tous risques et mari-times représentent la majorité de l’activi-té, mais l’assureur tente d’entrer sur lesmarchés de niches comme la couverturedes pharmacies, hôtels et écoles. Ilemploie 38 personnes dans trois agencesà Damas, Alep et Homs. Profitant de sonlien étroit avec la Banque Byblos, Adirprévoit de lancer en juin 2010 des pro-duits de bancassurance. L’entreprisebénéficiera également de l’expertise deNatixis France, partenaire d’Adir au Liban.« Nous dépassons les 7 millions de dol-lars de primes nettes », se félicite ledirecteur général Sleiman Abi Nader.L’objectif pour 2010 est d’atteindre 8,5millions de dollars. Également concernépar le projet de loi du plafond de 3 % desalariés étrangers, Adir prévoit de sedévelopper et donc d’embaucher pouratteindre le seuil requis. « Nous embauche-rons au moins huit personnes en 2010 »,précise Sleiman Abi Nader.

49 - Le Commerce du Levant - Février 2010

En 2008, l’UIC atteignait 983 millions de livres syriennes (près de 22 millions de dollars) de primes et doublait ses concurrentesen affichant un profit de 206 millions de livres

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Z afer, Naji et Myriam Chaoui symboli-sent à eux trois les liens familiaux etéconomiques étroits entre la Syrie et le

Liban. La fratrie perpétue et diversifie l’acti-vité commencée dans les années 1930,avec la représentation des sociétés dePapeterie finlandaise, qui exportent papier,carton et pâte vers le Moyen-Orient. Depuis

les années 1950, la famille s’est diversifiéedans les pharmaceutiques au Liban, en Syrieet en Jordanie, à travers les sociétésOmnipap et Omnipharma au Liban, Chaoui &Co. en Syrie et Omnitrade en Jordanie.Le groupe est également dans l’industrie,avec la société de recyclage de papierSicomo, située au Liban, dans la plaine de la

Békaa, dont le premier client à l’export est laSyrie (20 % de sa production).Idem pour Château Ksara dont Zafer Chaouiest président du conseil d’administration. Levignoble dont la production doit atteindreplus de deux millions de bouteilles exporte15 % de sa production vers la Syrie, où lemarché du vin est quasi vierge, sans comp-

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économiesyrie-liban

U n million de conteneurs d’ici à 2012pour le terminal du port de Lattaquié,soit le double du volume actuel :

c’est le pari ambitieux du groupe CMA CGMdirigé par le Franco-Libanais JacquesSaadé, originaire de cette ville syrienne.Fraîchement inauguré – le 1er octobre 2009–, ce terminal à conteneurs de 61 hectaresest le premier partenariat public-privé (PPP)signé par le gouvernement syrien. L’autoritéportuaire Lattakia Port General Company(LPGC) en a confié la concession de 10 ansextensibles à 15 en février 2009 au LattakiaInternational Container Terminal (LICP), uneSARL formée de la CMA CGM, troisièmetransporteur maritime mondial, et sa sociétésœur Terminal Link, en consortium à 51 %avec le groupe syrien Souria Holding. Cedernier a été constitué par 24 figures desaffaires syriennes, désireuses d’investir dansdes projets d’infrastructure et de développe-ment. Les Syro-Libanais Naji Chaoui etRodolphe J. Saadé, fils du fondateur de laCMA CGM, sont membres du conseil d’ad-ministration. Pour développer le terminal, LICPprévoit d’engager une enveloppe de 45 millionsde dollars répartis sur 10 ans pour des travauxde rénovation d’infrastructures et des investis-sements d’équipements. Quelque 635 per-sonnes sont employées sur le site. Les autorités syriennes misent beaucoup surce projet, premier d’une série de PPP annon-cés. « Elles font de gros efforts pour impliquerle secteur privé dans leurs grands projets »,

note Georges Kurban, directeur de la CMA CGMau Liban. Cette concession porte à 29 lenombre d’investissements de CMA CGM dansles terminaux portuaires internationaux et n’estpas une première pour le groupe en Syrie, quipossède déjà cinq bureaux et agences d’im-port-export à Damas, Alep, Homs, Tartous etLattaquié. La CMA CGM, avec sa casquette detransporteur, dessert les deux ports syriensdepuis la fin des années 1970. Deux servicesréguliers de navires reliant Lattaquié et Tartousà Malte, l’Italie, la Turquie, le Liban, Chypre etl’Égypte existent également. Leader de son acti-vité dans le pays, CMA CGM a transporté en2008 23 % des importations nationales et 35 %des exportations.

« Lattaquié est un port stratégique pour lesactivités d’import-export, situé au carrefour del’Est et de l’Ouest. C’est un lieu de transitimportant, à la fois ferroviaire et routier, versles régions intérieures du pays ainsi que leLevant », explique Georges Kurban. Principalport syrien sur la Méditerranée, le terminal atraité 570 000 EVP (équivalent vingt pieds, taillestandard du conteneur) en 2008.Autre marché dans la ligne de mire du grou-pe, l’Irak, actuellement en plein essor. Danscette perspective, la CMA CGM participe enpartenariat avec les autorités syriennes àl’étude d’un projet ferroviaire qui relieraitLattaquié à Bagdad, puis à terme au portd’Oum Qasr dans le golfe arabe.

Le terminal à conteneurs de Lattaquiéconfié à la CMA CGMC. F.

La famille Chaoui, à chevalentre le Liban et la SyrieC. F.

Jacques Saadé à l’inauguration du terminal à conteneurs de Lattaquié.

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ter les achats réalisés par les touristessyriens au Liban. Les tensions politiques de la décennie écou-lée n’ont pas eu d’impact majeur sur lesexportations du groupe vers la Syrie qui sonten augmentation constante, affirme ZaferChaoui, responsable des activités du groupeau Liban, à l’exception d’une courte périodede fermeture des frontières, un “mauvaissouvenir”. Les activités industrielles de la famille en Syrie,chapeautées par Naji Chaoui, consistent enune usine de fromage qui exporte versl’Europe la majorité de sa production dePecorino, fromage issu de lait de brebis, trèsapprécié sur le marché international, et d’uneusine de découpage de papier. Les Chaouidétiennent aussi une participation dans uneusine de production de pharmaceutiques ainsique des actions dans la Banque al-Sharq,banque sœur de la Banque libano-française,au capital de laquelle la famille est présentedepuis de nombreuses années. Les Chaoui ontdes participations dans les sociétés Souria

Holding et Chaoui Holding qui viennent d’êtreconstituées pour contribuer à l’ouverture éco-nomique de la Syrie. Même si la diversité desactivités rend difficile une agrégation desrésultats au niveau du groupe, au total, lechiffre d’affaires réalisé au Liban reste supé-

rieur à celui de la Syrie. L’ouverture écono-mique en cours à Damas encourage cepen-dant les Chaoui à l’optimisme. La famille ainvesti quelque quatre millions de dollars enSyrie (hors immobilier) au cours des cinq der-nières années.

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L es tensions politiques de 2005 ontretardé de trois ans l’implantation dugroupe Malia sur le marché syrien.

Puis la modification de la loi sur les sociétésanonymes par Damas en avril 2008 a forcéle producteur de Cosmaline à se constituer ensociété à responsabilité limitée. Syria MaliaDistribution (Syrmadi) a finalement vu le jour il ya plus d’un an, sous forme de joint-venture avecdes partenaires locaux anciennement distribu-teurs des produits Malia. « Nous nous parta-geons les tâches », explique Jacques Sarraf,président de Malia Holding, basée à Beyrouth.La société libanaise s’occupe de gérer l’activitéde marketing et de vente des produits. Lesassociés Sonia Cachecho, Massoun Sbei etZafer Khandji se chargent eux des affairesfinancières. Producteur des gammes Cosmalineet Pharmaline, Malia est également distributeurd’un grand nombre de produits internationaux,de l’informatique aux jouets en passant par leprêt-à-porter. Avec un capital initial d’un millionde dollars, Syrmadi est en phase d’implantationde sa logistique de distribution avec la construc-tion de bureaux, d’un entrepôt et l’acquisition devéhicules de transport des marchandises. Pourl’instant, le groupe compte encore largementsur ses sous-agents régionaux. Premier projetimportant : l’ouverture en mai 2010 dans lenouveau centre commercial d’Alep de maga-

sins Miss Sixty et Paul and Shark, enseignesphares du groupe, qui les distribue dans toute larégion. « Cette implantation en Syrie est à lafois une stratégie de développement pour notregroupe et un souhait de nos partenaires occi-dentaux d’être présents dans la région », noteJacques Sarraf. Les autres produits distribuéspar Syrmadi, comme Bojeux, Wild Planet,Lansay ou Akira, sont proposés sous forme depoints de vente à travers le pays. La démarcheest la même pour les cosmétiques et produitspharmaceutiques, fabriqués dans l’usine deNahr Ibrahim aux environs de Byblos. Si la stra-tégie de distribution du groupe est la même par-tout, Malia ne propose pas certains produits auxSyriens, comme les cigarettes que le groupedistribue en Irak et au Liban à travers soncontrat avec la British American Tobacco ou lechocolat. « Il existe une concurrence localepour certains marchés en Syrie, expliqueJacques Sarraf. Nous nous positionnonsprincipalement sur les créneaux encorecompétitifs, comme les solutions informa-tiques notamment. » Malia souhaite à termeinstaller des enseignes dans les grandes villesde Lattaquié, Homs et Damas. « Mais il n’exis-te pas encore de centre commercial pouvantaccueillir nos marques », regrette le présidentde Malia Holding. Aujourd’hui constitué de 62employés, Syrmadi devrait s’agrandir rapide-

ment. D’ici à 2015, le groupe veut en faireson principal marché. « Le potentiel du paysest énorme, avec ses 20 millions deconsommateurs », remarque JacquesSarraf, qui a également des vues sur laJordanie et l’Égypte. Aujourd’hui, l’activité seconcentre au Liban et en Irak, où le groupe estprésent depuis 1998.

Malia a de grandes ambitions en SyrieC. F.

Zafer Chaoui symbolise avec son frère et sa sœur les liens familiaux et économiques étroits entre la Syrie et le Liban.

Jacques Sarraf : « Nous nous positionnons principalement surles créneaux compétitifs, comme les solutions informatiques. »

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économiesyrie-liban

L’ entreprise de textile libanaiseWardé est implantée en Syriedepuis une vingtaine d’années, à

travers un contrat de franchise avec unagent syrien. Wardé fournit le nom etl’agent fournit l’investissement sur place.La Syrie représente aujourd’hui 2,5 % duchiffre d’affaires total de la compagnie,mais il « faudrait y ajouter les nombreuxclients qui viennent faire leurs achatsdans nos boutiques à Beyrouth », précise

André Wardé, PDG de l’entreprise.Wardé n’a qu’un seul point de vente enSyrie, situé dans le quartier chic Malki-Bou Remmaneh de Damas ; la compa-gnie envisage une ouverture prochaine àAlep. L’un des plus grands problèmesqu’elle rencontre réside dans les droits dedouane syriens à l’importation sur les tex-tiles, imposés afin de protéger la produc-tion locale. Ceux-ci varient souvent et res-tent élevés. Wardé investit chaque année

dans les 15 000 dollars en échantillon-nages gratuits, le reste des outils marke-ting et média étant pris en charge par sonagent en Syrie. Afin d’augmenter son chiffre d’affairesdans le futur, André Wardé mise sur lamontée en maturité du marché syrien entermes de décoration et de mode ; etespère que la législation sur les droits dedouane sera plus avantageuse pour lesimportations.

Wardé : une franchise syriennedepuis 20 ansM.-J. D.

L a holding familiale de Johnny Saadéest présente en Syrie, pays d’origine dufondateur, via l’agence de voyages

Wild Discovery et les vignobles du domainede Bargylus. Wild Discovery, l’agence de voyages liba-naise fondée en 1997, a commencé sonimplantation syrienne en 2004. Elle y aouvert jusqu’à présent trois agences, dontdeux à Damas et une à Lattaquié. « La Syrie représente environ 10 % duchiffre d’affaires du Liban », affirme SandroSaadé, PDG de la compagnie. Car même sila population syrienne est près de cinq foisplus importante que celle du Liban, la ciblevisée par Wild Discovery y est plus restrein-te, d’autant plus que « les Syriens voyagentmoins que les Libanais », estime Saadé. Ladifférence se situe surtout au niveau desvoyages organisés, qui sont encore à la traîneen Syrie alors qu’ils ont pris leur essor auLiban. Car si on regarde le seul marché de labilletterie, la Syrie représente déjà le tiers duLiban, évalué à 500 millions de dollars par an. « D’ici à cinq ans, la Syrie devrait repré-senter 25 à 30 % du chiffre d’affaires duLiban », poursuit Saadé. L’agence, quiest rentable en Syrie depuis 2008, aconnu une croissance de 90 à 100 % en2008. Ses profits tournent autour de 7 à8 %, en accord avec la norme du secteur. En termes de coût, la Syrie est pratique-

ment aussi chère que le Liban, voire unpeu plus. « L’inflation de ces deux der-nières années a beaucoup affecté le coûtde l’immobilier et des ressourceshumaines, qui représentent environ 70 %de nos coûts actuels », précise Saadé. D’autant que les gens qualifiés sont rares.« Nous avons donc créé au Liban et enSyrie une plate-forme d’éducation pour for-mer des personnes diplômées en tourismeaux métiers d’agences de voyages et deventes de services ; nous en recrutons unequinzaine à la fin de chaque session. » Au total, Wild Discovery emploie 90 per-sonnes entre ses huit agences du Liban,les trois de Syrie et celle de Dubaï. Du côté des vins, la famille Saadé a ren-contré en Syrie les mêmes difficultés depersonnel que pour les voyages ; aux-quelles s’est rajoutée la difficulté d’obte-nir une surface cultivable suffisante suiteà l’éclatement des propriétés terriennesdepuis les nationalisations des années60. « En Syrie, nous sommes littérale-ment partis de zéro, car la culture de lavigne y avait disparu depuis de nombreuxsiècles », affirme Karim Saadé, coproprié-taire des vignobles. Les premières vignesy ont été plantées en 2003 sur une surfa-ce qui atteint aujourd’hui 15 hectares, lepremier millésime de Bargylus a vu le jourtrois ans plus tard. Au Liban, où la tradi-

tion vinicole est plus forte, les vignes ontété plantées en 2005, atteignent aujour-d’hui une surface de 60 hectares et lepremier millésime de Château Marsyasest sorti en 2007. La production actuelleest de 30 000 bouteilles de vin par anpour Bargylus et de 50 000 pour ChâteauMarsyas.

Johnny R. Saadé Holding : « La Syrie est un marché prometteur »M.-J. D.

Johnny Saadé et ses fils Sandro et Karim.

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M embre du groupe de transport et deservices logistiques libanais NetHolding, Net Logistics Syria a ouvert

ses portes à Damas en 2003 avec un investis-sement initial de 250 000 dollars et un parte-naire syrien, Samer Kabawat, à hauteur de 5 %.Comme la compagnie libanaise du mêmenom, Net Logistics Syria propose des services

de transport express et de fret, aérien, mariti-me et terrestre. Elle représente également legéant international, CEVA, né en 2007 de lafusion de TNT Logistics et de EGL. « Pour le moment, notre activité porteessentiellement sur l’import et l’exportaérien et maritime. Nous commençonsaussi à développer différents services delogistiques, comme l’entreposage »,explique Mourad Aoun, fondateur et PDGdu groupe. Au départ, « le plus difficile a été des’adapter à une culture économique trèsdifférente de celle du Liban, poursuit-il.Mais en six ans, nous avons remarqué uneévolution rapide de l’environnement de tra-vail et de la mentalité des commerçantssyriens. Ces derniers commencent parexemple à s’intéresser à la qualité des ser-vices alors qu’avant le prix était le seul fac-teur de décision ». Malgré une forte concurrence, surtout auniveau des prix, « Net Logistics a réussi à

s’imposer, car elle offre des services auxstandards internationaux, alors que les com-pagnies étrangères restent rares dans lepays, tout en étant culturellement prochesdes Syriens, poursuit-il ». Le PDG n’a passouhaité divulguer son chiffre d’affaires enSyrie, mais il a fait état d’une croissanceannuelle à deux chiffres depuis 2003. Legroupe réalise aujourd’hui 20 % de sesventes en Syrie. Et à l’en croire, le meilleurreste à venir. Pour Mourad Aoun, la Syriepourrait à terme devenir un hub régionalpour le transport terrestre. « Avec une paixrégionale ou même une stabilité politique, leLevant deviendra le prochain marché émer-gent. Or, la Syrie compte quatre pays à safrontière sans considérer Israël. Le Libanrestera la principale porte d’accès maritimedu Levant, mais la Syrie deviendra certaine-ment un acteur majeur dans la région auniveau du transport terrestre, si l’État syriencrée les éléments de réussite nécessaires »,estime-t-il. Net logistics Syria compte aujourd’hui 19salariés dont un Libanais, contre 110employés au Liban.

54 - Le Commerce du Levant - Février 2010

Net Logistics mise sur le potentieldu transport terrestreS. A.

D epuis plus d’un siècle, le nomd’Obegi est inséparable du mondedes affaires libanais. Cette dynastie

fondée par le grand-père Yordan est pour-tant originaire d’Alep. À partir de 1905, ilimporte des produits chimiques de teintu-re pour les secteurs du cuir et du textile.Ses activités s’étendent dans l’Empireottoman de l’époque, équivalent actuel dela Syrie, du Liban, d’une partie de l’Irak etde la Turquie.Les deux fils Béchara et Henry reprennentensuite le flambeau laissé par le père. Àla fin des années 1950, le groupe selance dans une toute nouvelle activité,l’alimentaire, avec la création d’ObegiFood SAL au Liban et d’Obegi Consumer

Products Holding (OCPH) en Syrie. La hol-ding est un groupement d’entreprisesimpliquées dans l’import, la vente et ladistribution de nombreux produits deconsommation libanais et internationaux.Puis en 1968, la société se diversifie dansles fertilisants chimiques avec la constitu-tion d’une joint-venture, Unifert, entre lafamille Obegi, Pierre Khoury et AraHrechdakian. Ils s’implantent dans huitpays de la région.En 1974, le groupe Obegi signe une col-laboration avec le géant des produitsménagers Henkel pour produire et distri-buer des détergents dans la région, uncontrat qui le propulse numéro un du sec-teur. La joint-venture Henkel Syria contrô-

le également la Syrian DetergentCompany (SDC), largement implantéedans le pays depuis 1999. La SDC est lepremier producteur de détergent enpoudre du pays. En 2008, l’entreprise ainvesti 8 millions de dollars pour semoderniser. La création de la Banque BEMO dans lesannées 1990 relance l’activité bancairedu groupe, qui possédait le Crédit libanaisjusqu’en 1985. En 2004, la versionsyrienne de l’établissement – BEMOSaudi Fransi – voit le jour avec la libérali-sation du secteur. Elle possède aujour-d’hui 34 agences à travers la Syrie etemploie 640 personnes pour un capital,fin 2009, de 71 millions de dollars.

Obegi : le groupe investit dans les biensde consommation et la banqueC. F.

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Mourad Aoun : « Pour le moment, notre activité porte essentiellement sur l’import et l’export aérien et maritime. »

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économiesyrie-liban

P ilier de la formation professionnelle auLiban depuis de nombreuses années,Pigier pâtit de la concurrence des éta-

blissements d’enseignement de la gestion etdes universités privées qui se multiplient à tra-vers le pays. L’entreprise s’est donc tournéevers les pays voisins, dans lesquels ce secteurest encore peu développé alors que la deman-de y est forte. Pigier a d’abord créé une entre-prise de formation en Arabie saoudite puis l’uni-versité libano-française au Kurdistan irakien,avant de s’attaquer à la Syrie. La porte d’entréela plus simple administrativement et financière-ment est la formation en entreprise, qui nenécessite ni autorisations officielles ni mise defonds. Le groupe dispense d’ores et déjà desséminaires de gestion à la Syria Gulf Bank. « Leplafond réglementaire de 3 % de salariésétrangers prévu dans les établissements ban-caires est une opportunité pour nous, expliqueToufic Tasso, qui dirige le groupe. Il faut formerles Syriens à la gestion. » Au-delà de la forma-tion en entreprise, la prochaine étape naturelleest donc l’ouverture d’un centre de formation àDamas courant 2010, qui s’adressera aux sala-riés et aux gens désireux d’acquérir de nou-velles compétences. Mais le gros projet dePigier en Syrie est l’ouverture d’une université.L’administration syrienne autorise l’implantationd’établissements étrangers depuis 2004. « Enseptembre 2009, il y avait 160 000 bachelierspour seulement 100 000 places dans le systè-me universitaire public », observe Toufic Tasso.La Syrie est un des plus grands viviers de jeunesde la région, avec le moins de structures d’en-

seignement supérieur privées. Le calcul estsimple. Ce qui l’est moins est l’obtention desautorisations, délivrées au compte-gouttes parle ministère de l’Enseignement supérieur syrien.Il existe aujourd’hui une quinzaine d’universitésprivées dans le pays. Les nouveaux venus sontdonc accueillis tièdement par les autorités, quine veulent pas noyer le secteur public. « Lasolution serait de mettre en place un partenariatpublic-privé, où nous gérerions une universitépublique », remarque Toufic Tasso, qui met enavant la valeur ajoutée de Pigier : ses parte-naires étrangers. Le groupe travaille en étroitecollaboration avec l’Université française Lyon IIIet l’université du Québec, et possède descentres d’enseignement en France, auMaghreb et en Afrique. L’affaire est pourtantloin d’être réglée, les conditions d’installationen Syrie étant particulièrement restrictives.Pour 1 000 étudiants inscrits, l’établissementdoit fournir 22 200 m2 de terrain. Un investis-sement important lorsqu’on sait que le mètrecarré vaut actuellement entre 60 et 100 dollars.Autre règle, les étudiants doivent disposer de4 m2 chacun d’espace de bibliothèque, qui doitpouvoir accueillir 250 personnes à la fois. Endépit de ces contraintes, Toufic Tasso espèrepouvoir ouvrir l’établissement pour la rentrée2010. Son atout est le groupe syrien Alfadel,impliqué dans le projet. Un partenariat avec cetimportant acteur local, dont les activités vontdes télécoms à l’assurance en passant par l’im-mobilier, est la condition sine qua non de la réa-lisation du projet, 60 % du capital devant êtrepossédé par un investisseur local. Pour l’accueil

de 3 000 étudiants et selon le lieu et les ser-vices offerts l’investissement devrait représenterentre 12 et 18 millions de dollars.Pigier a un autre projet universitaire dans sestiroirs à plus long terme, cette fois à Lattaquié.La licence est déjà obtenue par le partenairelocal Ugarit, spécialisé dans le conseil.

Les bacheliers syriens : un vivier pour PigierC. F.

A vec 12 ans de présence en Syrie, lechocolatier Patchi est l’un des pre-miers à avoir bénéficié de l’ouverture

du secteur industriel par Hafez el-Assaddans les années 1980. L’enseigne libanaisea ouvert neuf magasins à travers le pays,ainsi qu’un site de production à 25 kilo-mètres de Damas, dans la localité d’al-Saboura. « Nous avons ouvert une usine en Syrie pour

nous prémunir des problèmes de transportéventuels entre les deux pays », expliqueNizar Choucair, PDG et fondateur de la cho-colaterie. Cette précaution, qui s’est avéréeutile lorsque les frontières ont fermé lors destensions entre le Liban et la Syrie, permetégalement à l’entreprise de produire du cho-colat à moindre coût, avec plus de 10 % dedifférence avec le Liban. « La main-d’œuvrerevient moins cher », note Nizar Choucair. Et

le gouvernement donne un coup de pouce àl’activité en détaxant l’importation desmatières premières et en subventionnant lesproduits pétroliers et l’électricité. Ce qui allè-ge la facture du groupe. Car la plupart desmatières premières ne sont ni syriennes nilibanaises : l’entreprise utilise du cacaod’Abidjan acheté en Hollande et du lait enpoudre français. Le sucre est en revancheacheté sur place. La compétitivité de l’usine

Les chocolats Patchi profitentdu goût des Syriens pour les friandisesC. F.

Toufic Tasso espère pouvoir ouvrir l’établissementpour la rentrée 2010.

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syrienne lui a permis de fabriquer d’impor-tantes commandes pour l’étranger. Près de120 tonnes de chocolat commandées à LasVegas sont sorties de l’usine, au détrimentde sa voisine libanaise. Les contrats d’unmontant supérieur à 100 000 dollars sontattribués automatiquement à l’usine syrien-ne, qui produit 80 tonnes de chocolat par anet représente 2,5 % du chiffre d’affaires dugroupe. La structure libanaise prend, elle, encharge les commandes plus modestes et la

fabrication des décorations pour les occa-sions comme les mariages ou les fêtes reli-gieuses. L’activité au Liban reste néanmoinsbien plus importante : elle représente 22 %du chiffre d’affaires annuel de Patchi. Prèsde 400 tonnes de chocolat sont égalementproduites chaque année au pays du Cèdre.À al-Saboura, si les 200 employés sont toussyriens, la hiérarchie est en contact très étroitavec le siège à Beyrouth. Et la direction projettede s’étendre encore dans le pays, avec l’ouver-

ture d’un magasin dans un centre commerciald’Alep et de trois autres à Damas. Pour le PDG, le succès de l’entreprise enSyrie s’explique par les goûts communs desdeux populations et la proximité géogra-phique, qui facilite les relations commer-ciales. Les Syriens sont en effet de grosconsommateurs de sucreries et chocolats, etPatchi est devenu une référence dans lepays pour quiconque aime les chocolatsdécorés.

C. F.

Hodema exporte le savoir-faire libanaisen restauration, hôtellerie et tourisme

S ociété de conseil en restauration,hôtellerie, tourisme et immobilier,Hodema a lancé ses activités en

2004. Les deux cofondateurs NagiMorkos et Karim Asmar décident rapide-ment de ne pas se limiter au marché liba-nais, alors soumis à des turbulences poli-tiques et sécuritaires, et jouent notam-ment la carte syrienne, un marché encorevierge en ce qui concerne les cabinets deconseil implantés sur place. Dès 2007,Hodema est approché par le cabinet deconseil international BDO pour son expé-rience, et sa connaissance du terrain etdes contraintes locales. BDO mandateHodema ainsi qu’un consultant syrienprésent sur place pour développer unhôtel de 300 chambres à Lattaquié com-mandé et pris en BOT (Build-Operate-Transfer) par un grand groupe d’investis-seurs russes, Intourist-Sinara. « Pour desprojets de cette envergure (40 millions dedollars), il est préférable de s’associer àun partenaire local. C’est une question delégitimité à la fois vis-à-vis des clientsétrangers et des Syriens eux-mêmes »,explique Nagi Morkos. Un autre investisseur, Abdel Rahman el-Attar, président de la Chambre de com-merce de Damas, confie parallèlement àHodema l’étude de faisabilité et la créa-tion de concept d’un large complexe com-prenant des villas résidentielles, uneécole, un spa et un hôtel, dans les envi-rons de Damas. « Cette fois, notre clientcherchait la valeur ajoutée du savoir-fairelibanais », se félicite Nagi Morkos. En 2009, Hodema est mandatée par desinvestisseurs pour transformer une mai-

son traditionnelle en hôtel de charmedans le quartier damascène de BabTouma. Le projet, évalué à une dizaine demillions de dollars, est encore en cours. Le cabinet assied ainsi sa présencesyrienne. Ce qui a décidé de l’ouvertured’un bureau de représentation sur place.« Il est important dans le conseil d’êtreprésent sur le terrain de façon constante,note Morkos. Cela rassure les clients etrenforce notre légitimité et notre valeurajoutée. » La société emploie depuisnovembre 2009 un salarié syrien à tempsplein et envoie régulièrement des consul-tants libanais sur place. Le montant del’investissement pour ouvrir le bureau deDamas s’élève à 50 000 dollars. La news-letter de Hodema aura également sa ver-sion syrienne arabophone, qui seraenvoyée à quelque 500 décideurs et pro-fessionnels dans l’industrie de l’hôtellerieet de la restauration dans le pays. Lastructure légale est composée de lamanière suivante : l’antenne d’Hodema àDamas est un bureau de représentationde la société libanaise Hodema SAL,laquelle à son tour est détenue par uneholding libanaise. Déjà présents en Arabiesaoudite depuis 2007 avec des bureaux àDjeddah et Riyad sous le même modèlede filiale, les consultants d’Hodema bénéfi-cient largement de leur connaissance du mar-ché régional et de la réputation favorable desentreprises libanaises déjà implantées en Syrie.« Nous espérons rentabiliser les frais du bureaude Damas dès la première année », affirmeMorkos. Les services d’Hodema sont divers :études de marché et de faisabilité, créationde concepts, conseil en matière de franchise,

recrutement exécutif, ou encore formations pro-fessionnelles ; le cabinet peut également êtrereprésentant de l’investisseur auprès du gérantou tenir le rôle d’intermédiaire entre ces deuxparties. « Aujourd’hui, le résultat de notreantenne à Damas reste inférieur à celui de nosautres bureaux, car son ouverture est encorerécente. Mais nous pensons vite atteindre leschiffres de nos opérations au Liban, car le mar-ché de l’hôtellerie et de la restauration en Syrieest en plein essor et la clientèle syrienne est toutautant friande de concepts importés que demarques créées localement », poursuitMorkos.

Nagi Morkos : « Nous espérons rentabiliser les frais du bureaude Damas dès la première année. »

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économiesyrie-liban

F ort de son succès au Liban, le restau-rant Lina’s s’exporte désormais enSyrie. La franchise libanaise détenue

par la société Catertainment SAL a confié àdes investisseurs locaux sous la forme demaster franchise la tâche d’implanter l’en-seigne dans le pays. « Nos partenairessyriens sont des hommes d’affaires et deshôteliers qui souhaitaient diversifier leursinvestissements », explique Sami Hochar, lefondateur de la société libanaise, sans préci-ser leur identité. L’activité se limite pour l’ins-tant à un seul restaurant ouvert depuis avril2009, qui emploie une trentaine de personnes.Les premiers résultats sont encourageants : lechiffre d’affaires a atteint 750 000 dollars. Bienqu’inférieur au million et demi de dollars derevenus annuels par restaurant au Liban,ils rentabilisent largement l’investissement

du restaurant, qui a coûté un peu plus de200 000 dollars. 2010 marquera l’ouver-ture d’un second Lina’s dans le quartier chicd’Abou Roummaneh au cœur de la capitale etde deux restaurants à Alep. En tant que franchiseur, la sociétéCatertainment est en charge de la bonnemarche du restaurant, tant sur le plan tech-nique que sur le plan pratique. « Nous élabo-rons les menus, nous nous occupons du recru-tement et des performances des employés,ainsi que du développement du lieu », expliqueSami Hochar. Le choix des locaux revient,quant à lui, aux partenaires locaux.Pour ce qui est dans l’assiette, l’acclimatationn’a pas été trop dure. « Nous n’avons pas eutrop de difficultés à trouver les produits, quisont tous en vente sur le marché local »,explique Sami Hochar. Les plats et les prix

varient peu entre les deux pays, avec un tic-ket moyen environnant 9 dollars. Seule diffé-rence notable, la viande de porc n’est pas aumenu. Et le narguilé est un must sur la ter-rasse. Une terrasse qui voit passer lesfemmes au foyer aisées le matin, les hommesd’affaires à midi et la jeunesse dorée damas-cène le soir.

Le restaurant Lina’sse met au narguilé à DamasC. F.

N iché derrière le Four Seasons deDamas au cœur du quartier desboutiques de luxe, le petit comptoir

de Moka&More a trouvé sa clientèle :hommes d’affaires pressés et femmesélégantes s’y retrouvent autour d’un desnombreux cafés proposés par l’enseigne.Implantée depuis 2007 en Syrie, lamarque libanaise y possède déjà quatreemplacements. Un cinquième est en pro-

jet. L’investissement est d’environ 1 800dollars le m2, sans compter la location dupas-de-porte. Trois hommes d’affairessyriens, dont un restaurateur, ont obtenula franchise pour développer le concept àtravers le pays. « Le mélange d’influences européenneset libanaises est apprécié par la clientèlesyrienne », explique Walid Hachem,directeur général de la société Moka &Co., détentrice de Moka&More au Liban etde Coffee Experts, son exploitant. Il surfesur la vague de développement de la res-tauration occidentalisée en Syrie, un mar-ché inexistant il y a encore quelquesannées. Pour que les nouveaux caféssoient à la hauteur des standards requispar la maison mère au Liban, un cadrelibanais de l’entreprise a passé six mois àDamas pour poser les règles. « Nousavons formé certains membres du per-sonnel au Liban à l’époque de la création,mais aujourd’hui nous n’avons aucun malà embaucher », note Walid Hachem. La

cinquantaine d’employés se plie bon grémal gré aux nouveaux codes, d’hygièneen particulier. Des nouveaux codes lin-guistiques également, car les menusn’existent qu’en anglais. Et tant pis pourceux qui ne comprennent pas, standingoblige. Même logique pour les prix, quivarient très faiblement par rapport auLiban. Les Moka&More syriens se démarquentnéanmoins légèrement de leur maisonmère, en particulier dans l’assiette. Laciabatta, pain italien, étant introuvable enSyrie, elle a été remplacée par un équiva-lent local. Même chose pour les pâtisse-ries. Et l’alcool est bien entendu supprimédes menus. Les goûts sont aussi légère-ment différents : un smoothie au café,très apprécié au Liban, a été retiré de lacarte, faute d’amateurs. « Nous faisonsune étude du marché et de la concurren-ce tous les mois », précise WalidHachem, qui réfléchit déjà à un nouveauconcept.

Moka&More importele café à l’italienne en SyrieC. F.

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L e lieu n’est pas facile à trouver, maisdès le pas de la porte on se félicite decette confidentialité. Hammam du XIVe

siècle entièrement rénové en périphérie de lacapitale, le Dôme est le nouveau haut lieudes riches noctambules damascènes. Ouvertil y a à peine un an par la société Addmind,créatrice du White à Beyrouth, il fait uneconcurrence sévère à l’indétrônable Z Bar.Le restaurant-bar, qui peut accueillir 100personnes, fait place l’été venu au Ô, laterrasse attenante avec 280 placesassises. « Les Syriens sont très demandeursde lieux comme celui-ci, c’est le seul club enterrasse du pays », explique CharbelBasbous, le responsable libanais. La bour-geoisie syrienne et la communauté expatriéel’ont bien compris qui viennent le vendredisoir manger de la cuisine asiatique et occi-dentale au rythme des musiques dernier cri,pour un ticket moyen de 35 dollars. Maisouvrir un établissement de cette sorte enSyrie n’a pas été simple. Les fondateurs libanais du White possèdent12 % du capital du Dôme et du Ô dans lequartier de Dummar à la sortie de Damas, lereste appartenant à des Syriens.L’actionnariat n’est pas réglementé commedans d’autres secteurs d’activités, mais il estpréférable de s’associer avec des hommesd’affaires locaux, qui facilitent l’obtention desautorisations de restauration et de vente d’al-cool. Les partenaires libanais ont donc laisséle soin à leurs associés syriens de prendre encharge l’aspect administratif du projet. En

revanche, côté gestion, 50 % du manage-ment vient de Beyrouth. Un signe de qualitépour le lieu, la vie nocturne damascène n’éga-lant en rien les soirées hautes en couleurs desnuits beyrouthines. Les responsables embau-chent néanmoins de plus en plus d’employéslocaux. « Nous avons été obligés de formertout le monde », explique Charbel Basbous,qui se plaint du manque de qualification dansle secteur de la restauration en Syrie. Autre frein, la difficulté de s’approvisionner

en produits étrangers. Les plats aux saveursasiatiques et occidentales proposés à lacarte nécessitent des ingrédients parfoisintrouvables sur le marché local. Les gérantsde l’établissement doivent par conséquentfaire venir certaines choses du Liban. Si lacirculation de biens entre les deux pays estdésormais libre, dans les faits le passage dela frontière peut prendre des heures. Unretard qui peut mettre les restaurateurs dansl’embarras.

Damas by night à la libanaiseC. F.

L e savoir-faire de certaines profes-sions libanaises est recherché enSyrie. Parmi elles, l’architecture

d’intérieur. Une demande que SergeBrunst, dont la réputation n’est plus àfaire au Liban, n’a pas hésité à satisfaire.Au point que sa clientèle syrienne repré-sente désormais une part importante duchiffre d’affaires de son cabinet.Depuis plus de dix ans, Serge Brunst tra-

vaille essentiellement à Alep et Damas.« La main-d’œuvre y est peu coûteuse etbien formée. Les matières premièrescomme la pierre sont intéressantes. Et,surtout, la proximité du pays constitue unatout majeur. Il est bien plus simple pourmoi de travailler en Syrie que dans lespays du Golfe qui posent toujours le pro-blème du transport. » Toujours bien accueilli malgré les aléas

de la politique, l’architecte a une clientèleparticulière, “haut de gamme”, et travailleessentiellement avec des gens de sagénération. Les budgets de ses projetsvarient de 500 000 à un million de dol-lars. Mais pour Serge Brunst, il ne s’agitpas seulement de business. Il dit avoirune grande affection pour « ce paysmagnifique, qui a su préserver son identi-té et ses monuments ».

Serge Brunst : un architecte d’intérieurlibanais en SyrieMaya Sourati

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