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Parcours et situations des personnes usagères de drogues fréquentant le Quai 9 Laurent Wicht, Laure Scalambrin, Jérôme Mabillard, Ann Tharin Rapport final Mai 2018

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Parcours et situations des personnes usagères de drogues

fréquentant le Quai 9

Laurent Wicht, Laure Scalambrin, Jérôme Mabillard, Ann Tharin

Rapport final

Mai 2018

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Cette étude a été réalisée en étroite collaboration avec

- la direction de l’association Première ligne - le comité de pilotage de Quai 9 - l’équipe de Quai 9 - les collaboratrices et collaborateurs remplaçant.es de Quai 9 dont la contribution au

recueil des données a été essentielle: - Alex Pesenti - Anaïs Casada - Larry Giovo - Tamara Chkheidze

L’équipe de la HETS remercie vivement les usagères et les usagers du Quai 9 pour leur disponibilité et leur précieuse collaboration:

Les désignations masculines contenues dans ce rapport ont la valeur neutre. Elles sont utilisées dans le seul but d’alléger le texte et n’ont aucune intention discriminatoire.

Contact: HETS-Genève

Case Postale 80 1211 Genève 4

[email protected] 022 388 94 60

La photographie en couverture de l’espace d’accueil du Quai 9 est de Serge Boulaz (2006)

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Résumé .................................................................................................................................... 4  Structure de ce rapport ............................................................................................................ 4  1   Contexte de l’étude, objet et méthodologie ................................................................... 5  1.1   Objet proposé par le mandant ......................................................................................... 6  1.2   Méthodologie ................................................................................................................... 6  2   Situations socioéconomiques des personnes usagères de drogue fréquentant Quai 9 .................................................................................................................................... 11  2.1   Un modèle pour appréhender la diversité des situations socioéconomiques ............... 11  2.2   La situation des usagers de Quai 9 en référence au modèle proposé .......................... 13  2.3   Au croisement de l’inscription dans les liens organiques et les liens sociaux, quatre

catégories d’usagers bien différenciées. ....................................................................... 15  3   Trajectoires et expériences de quatre usagers aux situations socioéconomiques différenciées ......................................................................................................................... 19  3.1   Nicolas: l’intégration dans un équilibre fragile ............................................................... 20  3.2   Joaquim: la famille d’origine pour compenser la précarité ............................................ 21  3.3   Raphaël: Du milieu festif gay à la vulnérabilité de l’isolement social ............................ 23  3.4   Aurélien: Se débrouiller seul, survivre en situation de désaffiliation ............................. 25  4   Droits et accès aux prestations .................................................................................... 27  4.1   Statuts de séjour ........................................................................................................... 27  4.2   Accès aux prestations médicales et sociales ................................................................ 27  4.3   Accès au logement ........................................................................................................ 28  4.4   Un lien de citoyenneté qui fait défaut pour les personnes en situation de désaffiliation29  5   Couverture des besoins de base et représentations de sa situation ........................ 33  5.1   Couverture des besoins de base ................................................................................... 33  5.2   Représentations de sa situation .................................................................................... 33  5.3   Des difficultés qui affectent les personnes en situation de désaffiliation, mais aussi

celles en situation de vulnérabilité. ............................................................................... 35  6   Pratiques de consommation et liens avec le «milieu» ............................................... 38  6.1   Pratiques de consommation .......................................................................................... 38  6.2   Liens avec «le milieu» de la consommation et représentations de la «scène». ........... 39  6.3   Des pratiques de consommation singulières et des différences nuancées dans le

rapport au milieu de la consommation .......................................................................... 41  7   Usages du Quai 9 ........................................................................................................... 44  7.1   La prise en considération de la globalité de la personne .............................................. 44  7.2   Le lien de confiance pour soutenir les besoins sanitaires et sociaux ............................ 44  7.3   Raisons de la venue au Quai 9 ..................................................................................... 45  7.4   L’équipe du pôle, un relais pour l’action sociale initiée à Quai 9 ................................... 49  7.5   Entre soutien social complémentaire et soutien essentiel ............................................ 50  8   Situations des usagers de Quai 9 résidant en France et des personnes sans papiers .................................................................................................................................. 54  8.1   Répartition des résidents français et des personnes sans permis en fonction de leur

situation ......................................................................................................................... 54  8.2   Effets spécifiques au lieu de résidence et au statut ...................................................... 55  8.3   Usages de Genève et du Grand Genève ...................................................................... 57  9   Conclusions et principaux enseignements de cette étude ........................................ 61  10   Bibliographie ................................................................................................................ 64  

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Résumé Cette étude porte sur la situation sociale et économique des personnes usagères de la structure Quai 9, espace d’accueil et de consommation pour les personnes consommatrices de drogues. A l’aide d’une approche par questionnaire réalisée en immersion dans le lieu, elle montre que si les usagers du Quai 9 ont en commun le fait de consommer différents types de produits, leurs situations d’un point de vue économique et social sont différentes. Ces différences de situations socio-économiques sont liées à la capacité des usagers d’ avoir accès à des prestations sociales et médicales pour couvrir leurs besoins de base et plus largement pour mener à bien leur existence. Mais, indépendamment de leur situation ou de leur statut, les usagers valorisent fortement les missions sanitaires et sociales de cette structure qui les accueille très régulièrement.

Structure de ce rapport Le chapitre 1 présente l’objet de cette étude tel qu’il nous a été proposé par le mandant ainsi que la démarche méthodologique construite par l’équipe de la HETS, en particulier la démarche par immersion au sein de la structure, le profil sociodémographique des répondants au questionnaire, ainsi que les éléments utiles pour situer la représentativité de l’échantillon

Le chapitre 2 décrit le mode de construction de quatre types de situations économiques et sociales vécues par les usagers et le modèle théorique qui le sous-tend. Le chapitre 3 propose quatre portraits sociologiques de personnes usagères de Quai 9 dont la trajectoire et la situation sociale sont représentatives de chacun de nos quatre types de positions économique et sociale. Cette première approche qualitative se veut plus sensible, dans le sens où elle vise à mettre en lumière la singularité des expériences vécues par les personnes, en relation avec leur situation. Les quatre chapitres suivants peuvent être abordés de manière cursive, mais le lecteur peut aussi bien les découvrir de manière discontinue en fonction de la priorité de son intérêt pour les thèmes qu’ils abordent. Ces chapitres proposent une analyse quantitative des caractéristiques globales de notre échantillon et des différences significatives qui apparaissent en fonction de l’inscription des usagers dans nos quatre types de situations économique et sociale. Ceci, à propos des dimensions suivantes:

- Droits et accès aux prestations (chapitre 4) - Couverture des besoins de base et représentations de sa situation (chapitre 5) - Pratiques de consommation et lien avec le milieu (chapitre 6) - Usages du Quai 9 (chapitre 7)

Le chapitre 8 se penche sur la situation des usagers qui résident en France et sur celle des personnes sans permis. Le chapitre 9 présente les conclusions et les principaux enseignements de cette étude. Il permet à un lecteur pressé de prendre connaissance de l’essentiel de ce rapport.

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1 Contexte de l’étude, objet et méthodologie Depuis 2004, l’association genevoise Première ligne poursuit la mission de réduire les risques liés à la consommation de substances psychoactives. Son action se déploie à partir de trois dispositifs: Nuit Blanche qui permet la réduction des risques en milieu festif, Quai 9 qui offre un accueil au quotidien aux consommateurs en leur mettant à disposition un espace de consommation sécurisant et le Pôle qui propose un accompagnement psychosocial et de réinsertion. Au plus proche des consommateurs, l’action de Première ligne se veut «bas seuil» dans le sens où toute personne nécessitant un soutien est en mesure d’accéder aux supports offerts par les différents dispositifs, indépendamment de sa situation, de son statut ou de sa condition. Les objectifs principaux de la mission de Première Ligne visent à réduire les risques sanitaires liés à la consommation de substance, mais aussi à soutenir les consommateurs afin d’éviter que leur situation sociale ne se dégrade. Le dispositif Quai 9 a pour objectifs particuliers d’offrir1:

§ En matière de réduction des risques sanitaires,

un espace de consommation dans lequel les consommateurs peuvent trouver du matériel stérile et des conseils dispensés par des professionnels

la possibilité d’échanger du matériel de consommation l’accès à des soins de base et à des supports de prévention des infections

sexuellement transmissibles (IST) une intervention professionnelle en cas d’overdose.

§ En matière de soutien social,

un accueil personnalisé par le biais d’une écoute et l’établissement d’une

relation de confiance une information sociale et une orientation vers les institutions sociales et

médicales un accès facilité au dispositif du Pôle qui accompagne des situations

complexes et d’engager un travail de réseau avec le dispositif social et médical.

Le Quai 9 est ouvert 7 jours sur 7. Il est accessible selon le principe de l’accès universel et de manière anonyme, pour autant que les personnes s’inscrivent en renseignant les éléments liés à leur situation sociale et sanitaire. Les usagers s’engagent à respecter les règles en vigueur qui garantissent l’absence de commerce de substances, le bon fonctionnement de la vie collective et l’intégrité des autres personnes usagères de drogues et des professionnels.

1 Source : http://www.premiereligne.ch/quai9/ consulté le 12 avril 2018

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1.1 Objet proposé par le mandant

Cette étude a été effectuée par une équipe de la Haute Ecole de Travail Social de Genève (HETS) à la demande du Comité de pilotage du Quai 9 afin d’affiner la question de la provenance et la situation des personnes usagères de drogues fréquentant la salle d’accueil et de consommation.

L’accès universel aux prestations de prévention et de réduction des risques liés à l’usage de drogue a pour but de garantir à toute personne usagère de drogues une prise en charge socio-sanitaire, quelle que soit sa nationalité, sa provenance, sa domiciliation et son statut légal. Néanmoins, la fréquentation du Quai 9 par des personnes ne résidant pas légalement à Genève – notamment celles en provenance des régions françaises limitrophes – fait craindre aux autorités le développement d’une forme de «tourisme de la consommation», occasionnant l’arrivée à Genève de nouvelles populations de consommateurs.

Trois objectifs principaux ont été retenus pour cette étude:

§ distinguer les différents profils des utilisateurs du Quai 9 en termes de provenance, nationalité, domiciliation et pratiques de consommation.

§ connaître les besoins médico-sociaux des personnes usagères de drogues fréquentant le Quai 9.

§ connaître les raisons de la venue sur le territoire suisse des personnes étrangères usagères de drogues.

Les résultats de cette étude devront permettre d’améliorer l’intervention publique dans ce domaine et la prise en charge socio sanitaire des personnes usagères de drogues.

1.2 Méthodologie

Pour aborder cet objet portant sur la situation des personnes usagères de Quai 9, le mandant a souhaité privilégier une approche quantitative. Pour ce faire, l’équipe de la HETS a élaboré un questionnaire destiné aux usagers afin de recueillir des données par rapport aux dimensions suivantes:

§ Profils sociodémographiques des personnes § Types de revenus des personnes et nature de leur inscription dans les liens sociaux

(famille, amis, conjoint) § Types de droits et capacité d’accès aux prestations (couverture santé, dispositif

médical et social, logement) § Capacité à couvrir les besoins de base et types de représentations de personnes de

leur propre situation § Pratiques de consommation et nature des liens avec le «milieu» de la consommation § Types d’usages du Quai 9 et nature des besoins exprimés à l’égard de la structure § Représentations et usages de Genève et de la région du Grand Genève.

Il existe une abondante littérature sur la situation sanitaire des personnes consommatrices, mais peu d’études portent sur leur situation sociale. Cela étant, pour construire notre questionnaire, nous avons pu nous référer à des études portant sur le profil et l’expérience des usagers de structure de consommation ou de distribution de matériel (Peacey, J. 2014 ;

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Sacré, C. 6 al, 2010) ainsi qu’à des études portant sur le profil d’usagers fréquentant des lieux d’accueil «bas seuil» (Flamand-Lew, E, 2014 ; IRTS, 2010)

Proposer le questionnaire par le biais d’une approche par immersion. Recueillir auprès de personnes usagères du Quai 9 un nombre important de données portant sur des dimensions parfois intimes liées à leur situation sociale a représenté le principal enjeu de cette étude. Il s’agissait en premier lieu d’obtenir le consentement libre et éclairé des personnes afin de respecter le cadre déontologique qui prévaut à toute démarche de recherche. Il était aussi important que les personnes voient suffisamment de sens à nos questions pour accepter de nous consacrer plus d’une demi-heure de leur temps. Aussi, sur les conseils de la direction de Première ligne et en étroite concertation avec cette dernière, nous avons privilégié une démarche par immersion dans l’espace d’accueil de Quai 9. Les principaux traits de ce dispositif de passation du questionnaire par une approche en immersion sont les suivants:

§ Un temps long et diversifié de présence dans le lieu La passation s’est déroulée pendant 4 semaines réparties entre juin et novembre 2017. Ceci, cinq jours par semaine à raison de cinq heures par jour. Les heures de présence journalière ainsi que les jours ont été diversifiés afin de couvrir l’ensemble des plages d’ouverture du lieu et le panel d’usagers le plus large possible.

§ Présence quotidienne d’un membre de l’équipe et de deux collaborateurs-remplaçants de Quai 9 Une coopération étroite a été instaurée entre l’équipe HETS et quatre collaborateurs- remplaçants du Quai 9 afin de constituer des équipes mixtes pour faire passer le questionnaire. Cette coopération a permis notre équipe de former les collaborateurs du Quai 9 au mode de passation attendu. En retour, ces collaborateurs ont formé les membres de l’équipe HETS aux usages du lieu. Leur apport a été essentiel à la phase de recueil des données.

§ Instaurer la confiance et faire accepter l’équipe de recherche L’équipe fixe du Quai 9 et ses remplaçants ont grandement contribué à faire connaître l’étude auprès des usagers. Par leur soutien à l’équipe de recherche, ils ont contribué à nous transmettre la confiance que les usagers ont à leur égard.

§ Aménager des conditions favorables à la passation Les usagers étaient approchés en premier lieu par les collaborateurs-remplaçants. Pour celles et ceux qui acceptaient de participer à l’enquête, la passation s’est déroulée en face à face dans la salle d’accueil, la salle de soin ou dans les locaux du Pôle autour d’un café. Comme le questionnaire était conçu pour favoriser les échanges, les passations ont été l’occasion d’interactions assez longues entre les enquêteurs et les usagers, trois quarts d’heure en moyenne. Les passations se sont principalement déroulées en français, une partie d’entre elles ont été réalisées en italien, en espagnol et en anglais. Une collaboratrice-remplaçante a, quant à elle, conduit des passations en russe et en géorgien.

§ Compléter les données quantitatives par de l’observation directe et différents types d’entretiens Les échanges autour des questions fermées du questionnaire ont été aussi l’occasion pour les usagers de témoigner en détail de la complexité et de la singularité de leur parcours et de leur situation. En ce sens, la passation stricte du questionnaire a quasiment permis de conduire dans le même temps des entretiens

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semi-directifs. Les longs temps de présence dans le lieu ont permis d’observer directement le fonctionnement du lieu, les interactions entre les usagers eux-mêmes et entre les usagers et les membres de l’équipe. Ils nous ont aussi aidés à bien comprendre les différents usages que les personnes font de l’espace d’accueil et de l’environnement proche de Quai 9. Cette présence a aussi favorisé les entretiens informels au coin du bar ou sur le perron, lorsque le temps le permettait. Pour compléter ce recueil d’information de nature qualitative, quatre usagers ont accepté de nous consacrer de longs entretiens.

Phases de passation et questionnaires passés. Après une phase test effectuée en Juin 2017 qui a validé le questionnaire quasiment en l’état, quatre autres semaines de passation ont permis de recueillir les réponses de 164 usagers au total.

Phase test (12-13.06) N= 18 Juin (26-30.06) N= 43 Septembre (11-15.09) N= 42 Octobre (09-15.10) N= 36 Novembre (06-11.11) N= 25 Total N= 164

Le taux de remplissage des questionnaires est excellent, les questionnaires n’ont que très peu de valeurs manquantes. Ceci témoigne sans doute de l’intérêt que les personnes ont trouvé à participer à l’enquête. A ce sujet, nous tenons à relever qu’en majorité les usagers se sont montrés intéressés par l’étude. De nombreuses questions nous ont été posées quant à ses objectifs et son utilisation future. La plupart des usagers ont témoigné en aparté de l’importance qu’un lieu, tel que Quai 9, représentait pour eux. Ils se sont aussi montrés très attentifs à la situation de leurs pairs et au soutien que Quai 9 est en mesure de procurer aux personnes consommatrices. Les plus anciens ont souvent insisté sur les progrès notables en terme de santé que la politique des réductions des risques a permis au sein du milieu de la consommation. D’une manière générale, ces personnes sont très attentives aux effets de politiques publiques qui se déploient à leur égard en matière de soutien social et médical ou d’action de la police.

Profil sociodémographique de l’échantillon

Les hommes sont largement surreprésentés dans notre échantillon, comme parmi l’ensemble des usagers du Quai 9. Une simple visite dans l’espace d’accueil permet de se rendre compte de cet état de fait

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La médiane et la moyenne de la répartition par âge des répondants se situent à 39 ans. La personne la plus jeune à 20 ans et la plus âgée 64 ans.

Quatre personnes sur dix sont de nationalité suisse. La proportion est comparable pour les personnes d’un pays européen. Parmi les ressortissants européens, ce sont les nationalités françaises et portugaises qui sont les plus représentées. Les nationalités des autres pays sont très diversifiées.

Une majorité de personnes disposent d’une formation professionnelle. 30 % ne disposent pas de formation de secondaire post-obligatoire. Alors que 30 % sont au bénéfice d’une formation gymnasiale ou universitaire.

Près de 6 usagers sur 10 résident dans le canton de Genève. Les autres sont domiciliés dans la région, 23 % en France voisine et 14 % dans d’autres cantons suisses.

Éléments pour situer la représentativité Pour cette étude de «terrain» dans un environnement tel que Quai 9, il n’a pas été possible de mettre en œuvre les méthodes permettant de garantir une représentativité statistique de notre échantillon: Un tirage au hasard de 164 répondants parmi les 1000 personnes qui constituent la file active de Quai 9 s’est avéré impossible, car il aurait été trop difficile de contacter les personnes sélectionnées.

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La composition d’un échantillon représentatif sur la base des caractéristiques de l’ensemble de la file active ne pouvait non plus être mise en œuvre en raison de l’absence de données actualisées sur l’ensemble de la file active. Les données actualisées ne concernent que les nouveaux inscrits. Cela étant, la difficulté de contacter les personnes sélectionnées se serait posée de toute façon. Dans un tel cas, les bonnes pratiques consistent à critiquer l’échantillon et à mettre en lumière les éventuels biais à l’aide des éléments disponibles, notamment grâce à l’expérience qu’ont les acteurs du terrain de la population qu’ils côtoient. Les éléments dont nous disposons sont les suivants:

§ Les 164 répondants constituent près de la moitié (47 %) des personnes qui se sont rendues au Quai 9 pendant les temps consacrés à l’enquête.

§ Nous avons constaté une très grande stabilité des répartitions des fréquences des

réponses de notre échantillon entre les différentes phases de l’enquête. Autrement dit, la répartition des fréquences de la passation de juin 2017 ne diffère que marginalement des résultats finaux.

Par rapport aux usagers présents au moment de l’enquête2, mais qui n’ont pas répondu:

§ Leur répartition par âge est similaire à celle de notre échantillon

§ 50 % d’entre eux sont connus de l’équipe du Quai 9

19 personnes étaient allophones (arabophones ou parlant géorgien) 26 personnes ont refusé de répondre (souvent en « esquivant » nos

demandes) 18 personnes quittent Quai 9 très rapidement après le passage en salle 19 personnes n’étaient pas présentes dans les horaires de passation

§ 50 % d’entre eux sont peu connus de l’équipe du Quai 9. Une vérification de la main

courante des entrées en salle a montré qu’il s’agit de personnes qui se rendent à Quai 9 de manière occasionnelle.

Ces éléments nous laissent à penser que:

§ Notre échantillon est représentatif des personnes qui viennent plutôt régulièrement au Quai 9

§ Nous avons une légère sous-représentation des personnes allophones de langue arabe. Notre base comporte cependant des personnes de langue arabe, mais parlant aussi le français ou l’italien. Les personnes parlant le georgien sont aussi correctement représentées dans notre échantillon

§ Nous avons une sous-représentation de personnes qui viennent très ponctuellement

au Quai 9 et/ou qui ne s'attardent pas en salle d’accueil. Il nous est très difficile d’en évaluer le profil. Il pourrait s’agir pour une part de personnes nouvelles qui n’ont pas encore de lien avec l’équipe.

2 La direction de Première ligne nous a fourni la liste de l’ensemble des personnes qui se sont enregistrées pour accéder à la salle de consommation pendant les jours de l’enquête.

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2 Situations socioéconomiques des personnes usagères de drogues fréquentant Quai 9

2.1 Un modèle pour appréhender la diversité des situations socioéconomiques

Pour aborder la diversité des situations socioéconomiques des personnes usagères du Quai 9, nous nous sommes attachés à situer la nature de leurs inscriptions dans différents types de liens sociaux à l’aide d’un modèle qui permet de distinguer le degré de stabilité de leur situation et leur capacité à évoluer de manière autonome.

Autonomie et supports des liens sociaux Notre société moderne occidentale fait la part belle à la liberté et à l’autonomie des individus. Chacun doit être en mesure de faire des choix, de les assumer afin d’orienter comme il le souhaite son projet de vie. Cependant, il ne faut pas oublier que cette autonomie individuelle ne peut s’exercer qu’à partir de supports qui étayent la personne en lui procurant la reconnaissance nécessaire à son épanouissement personnel et la protection pour faire face aux difficultés rencontrées au long de son existence. Ces supports de protection et de reconnaissance se trouvent dans les différents types de liens dans lesquels l’individu est amené à s’inscrire (Paugam, 2014). Les liens de filiation permettent le soutien de la famille d’origine, et ceux issus d’affinités électives, l’appui du conjoint ou des amis. Plus largement, les liens organiques rattachent l’individu à un emploi susceptible de lui permettre l’indépendance financière et les liens de citoyenneté lui garantissent l’accès à des droits.

Un modèle pour appréhender l’articulation des liens Le modèle que nous proposons est inspiré des travaux du sociologue Robert Castel (1995). Il postule que la situation socioéconomique d’une personne peut être définie au carrefour d’un axe qui situe son positionnement dans les liens organiques et de citoyenneté et d’un axe qui situe son positionnement dans les liens sociaux entretenus avec la famille d’origine, le conjoint et les amis.

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Dans le modèle représenté à l’aide du schéma ci-dessus, l’équilibre entre une inscription stable dans l’emploi et dans les liens sociaux conduit l’individu à évoluer dans une situation d’intégration pleine et entière. En effet, occuper un emploi à durée indéterminée permet de subvenir à ses besoins, mais aussi d’être couvert par le système de protection assurantielle, de même l’inscription solide dans les liens sociaux permet à l’individu de bénéficier au quotidien du soutien rapproché de son entourage. A l’opposé, un individu évoluant hors du monde de l’emploi, incapable d’exercer des droits pour accéder au soutien de protections collectives et dépourvu, dans le même temps, de la protection de son entourage se trouve alors dans une situation d’isolement social, en situation de désaffiliation. Entre ces deux types d’inscriptions sociales très éloignés, il est important de dessiner un troisième type de situation intermédiaire. Il concerne des personnes pour lesquelles le rapport à l’emploi est fragile, instable ou qui sont amenées à avoir recours au système de protection sociale pour assumer leurs besoins. Dans le même temps, ces personnes peuvent être amenées à ne pas pouvoir compter pleinement sur leur entourage. Ces fragilités conduisent alors l’individu à devoir évoluer en position instable, précaire, à être en situation de vulnérabilité. Pour ces personnes le risque de se retrouver à plus ou moins brève échéance en situation de désaffiliation est important.

Compenser les fragilités Ce modèle présenté sous la forme d’un continuum met en évidence le caractère dynamique, provisoire et complexe de la notion d’intégration dans une société moderne. Pour son auteur, la déstandardisation du travail, la remise en question de l’accès à certaines protections collectives et l’affaiblissement des réseaux de protection conduisent aujourd’hui bon nombre d’individus à passer d’une situation d’intégration à une situation de vulnérabilité. Dans ce contexte, l’action des différents dispositifs de soutien social et de santé prend tout son sens. Pour ces dispositifs, l’enjeu se présente aujourd’hui comme la nécessité d’être en mesure de stabiliser la situation des personnes vulnérables afin qu’elles ne basculent pas dans une

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situation de désaffiliation, et de garantir aux personnes désaffiliées la couverture de leurs besoins vitaux. Cette approche postule donc que le déficit de stabilité sur l’axe organique lié à l’emploi peut être compensé par l’accès aux prestations du dispositif de protection sociale qui permet alors à l’individu à subvenir à ses besoins hors de l’emploi. Dans la même perspective, l’accompagnement soutenu de dispositifs sociaux et médicaux atténue les effets d’une position fragile dans les liens sociaux de proximité en permettant, par exemple, à la personne d’être en lien avec un professionnel sur lequel elle peut compter. Enfin, il faut considérer qu’une grande stabilité sur l’axe organique permet de compenser en partie des fragilités d’ordre relationnel. Inversement, un fort soutien relationnel est de nature à compenser certains facteurs liés aux difficultés à subvenir à ses besoins de manière autonome.

2.2 La situation des usagers du Quai 9 en référence au modèle proposé Du point de vue de l’inscription dans les liens organiques (types de revenus) et de l’inscription dans les liens sociaux, quelques résultats généraux permettent une première approche de la situation des usagers du Quai 9.

Des sources multiples de revenus Un peu plus de la moitié des personnes interrogées mentionnent plusieurs sources de revenus Près de 7 personnes sur 10 bénéficient de subsides sociaux, ce qui constitue la source de revenus majoritaire. Un tiers des usagers a recours au soutien financier de leur entourage. Les sources de revenus liées à la débrouille (manche ou activités illégales) sont évoquées dans un peu plus de 20 % des cas. La participation à des activités d’insertion ou l’activité professionnelle sont mentionnées dans la même proportion.

Liens sociaux, des inscriptions différenciées La famille d’origine est source de soutien pour près de la moitié des usagers du Quai 9.

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En matière d’affinités électives, dans une proportion à peine plus élevée (60 %), les amis qui se situent hors du milieu de la consommation sont décrits comme des personnes sur lesquelles les usagers peuvent compter. Une personne sur deux environ est en couple, et dans un peu plus de la moitié des cas ce conjoint est en mesure de constituer une ressource.

Pondération des sources principales de revenus et de l’intensité de l’inscription dans les liens sociaux A partir de cette première approche très générale des inscriptions organiques et sociales des usagers, nous avons tenté de pondérer la nature de ces inscriptions, afin d’être en mesure de situer chacune des personnes au croisement de leur inscription organique et de leur inscription sociale. Types de sources principales de revenus Le regroupement par types des sources de revenus multiples mentionnées permet de faire émerger trois grandes sources principales de revenus:

Une petite part de personnes (15 %) exerce une activité professionnelle, mais qui dans la moitié des cas est complétée par des subsides ou le soutien de la famille. Une majorité d’usagers bénéficie d’une prestation financière sociale qui peut être complétée par un soutien de la famille ou des activités associées à de la débrouille. Il s’agit de la catégorie la plus importante (65 %). 20 % des usagers évoluent hors des revenus de l’emploi et des protections sociales. Ces personnes (20 %) dépendent exclusivement du soutien de leur entourage ou du recours à la «débrouille».

Intensité de l’inscription dans les liens sociaux La combinaison de l’intensité des liens entretenus avec la famille d’origine, le conjoint et les affinités électives tissées avec des personnes hors du milieu de la consommation permet de mettre en lumière quatre types d’inscriptions dans les liens sociaux.

15 % des usagers évoluent dans un entourage sur lequel ils peuvent pleinement compter. 37 % des usagers disposent d’une inscription sociale plutôt forte en pouvant compter soit sur des amis soit sur leur famille. 29 % des usagers sont inscrits dans des liens plutôt faibles avec un entourage qui ne peut leur apporter que peu de soutien.

18 % des usagers ne peuvent pas compter sur leurs proches ou sont très isolés.

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2.3 Au croisement de l’inscription dans les liens organiques et les liens sociaux, quatre catégories d’usagers bien différenciées.

Le croisement de l’inscription dans les liens organiques3 avec celle des liens sociaux permet de positionner concrètement chacune des personnes interrogées dans le modèle proposé et d’envisager ainsi, la nature de leur inscription socioéconomique. Cette répartition fait émerger quatre catégories d’inscriptions sociales différenciées, en fonction du rapport entre l’intensité des liens organiques et de l’intensité des liens sociaux de chacun des usagers.

§ L’intégration concerne des personnes qui ont un emploi et qui bénéficient généralement du soutien de leur entourage.

§ La précarité compensée est le fait de personnes avec des revenus provenant d’une protection sociale (assurance sociale ou aide sociale), mais dont le fort soutien de l’entourage vient compenser la fragilité de leur situation.

§ La vulnérabilité touche des personnes aidées financièrement par le système de

protection sociale, mais dont le soutien de l’entourage est faible.

§ La désaffiliation affecte des personnes amenées à avoir recours à la «débrouille» pour subvenir à leurs besoins au jour le jour et dont le soutien de l’entourage est plutôt faible.

Le modèle présenté ci-après permet de se représenter concrètement la manière dont ils se regroupent. Chacune des «bulles» indique le nombre d’usagers de notre échantillon se situant dans la même position.

3 La nature de l’inscription des usagers dans les liens de citoyenneté sera intégrée dans le chapitre suivant

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Sur cette base, il est possible d’estimer la part que représente chacune de ces catégories, de décrire plus finement la nature des inscriptions socio-économiques des personnes ainsi regroupées et d’en esquisser leurs principales caractéristiques sociodémographiques. Intégration

Emploi Lien sociaux plutôt forts

Précarité compensée Aide protection sociale

Liens sociaux forts

Vulnérabilité Aide protection sociale

Liens sociaux très faibles

Désaffiliation Débrouille

Liens sociaux faibles

Soc

io-d

émo - Nationalités diverses

- Grand-Genève

- 30 - 40 ans

- CH et Europe

- Genève

- Ages diversifiés

- Nationalités diverses

- Genève

- 40 ans et plus

- Europe et autre pays

- Grand-Genève

- Moins de 40 ans

Situations d’intégration (14 % de notre échantillon)

Inscription dans l’emploi et soutien de l’entourage Pour moitié, ces personnes exercent un emploi qui leur permet de vivre de manière indépendante. Pour les autres, cette activité professionnelle doit être complétée par les revenus d’une protection sociale. Ces personnes peuvent généralement bénéficier du soutien de leur entourage, mais un tiers d’entre elles ne peut compter que de manière relative sur ses proches.

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Des trente-quarantenaires résidant dans le Grand-Genève Leur tranche d’âge se situe majoritairement entre 30 et 40 ans. Ces personnes disposent en grande majorité d’une formation de niveau secondaire II, notamment de formation de type gymnasial. La répartition de leurs nationalités est proche de celle de l’ensemble des usagers. En matière de lieu de résidence, les personnes domiciliées à Genève ont tendance à être sous représentées. Les résidents de France voisine sont quant à eux surreprésentés, ils constituent à eux seuls le tiers des usagers en situation d’activité professionnelle.

Situations de précarité compensée (35 % de notre échantillon)

Soutien financier et soutien de l’entourage Ces personnes sont au bénéfice du soutien financier d’une protection sociale. Leur entourage vient compléter le soutien du dispositif social en général et, bien que leur situation reste précaire, cet entourage compense en quelque sorte les facteurs de vulnérabilités auxquels elles sont confrontées.

Une majorité de résidents à Genève et dans d’autres cantons La répartition de leur âge est similaire à celle de l’ensemble des usagers. Il en va de même pour la répartition de leurs niveaux de formation. Les personnes de nationalité suisse sont plus nombreuses parmi ces usagers. En grande majorité ces personnes résident dans le canton de Genève (71 %) ou dans d’autres cantons (16 %).

Situations de vulnérabilité (32 % de notre échantillon)

Soutien financier et recours à la débrouille individuelle Ces personnes sont au bénéfice du soutien financier d’une protection sociale. Une partie d’entre elles est amenée à compléter ce soutien en recourant à la «débrouille» ou à l’exercice de petits jobs. D’une manière générale, ces personnes déclarent ne pas pouvoir véritablement compter sur leur entourage et un tiers d’entre elles apparaissent comme particulièrement isolées. Bien que soutenus financièrement, ces usagers restent dans une situation sociale vulnérable de par leur manque de relations sociales.

Une majorité d’usagers plutôt âgés Les personnes regroupées dans cette catégorie sont généralement plutôt âgées, la part des personnes de 40 ans et plus est largement surreprésentée (60 %). En matière de niveau de formation, leur situation est assez tranchée. La majorité de ces usagers (37 %) n’a qu’un niveau de formation obligatoire alors qu’un quart d’entre eux dispose d’une formation de type universitaire. Ces usagers résident en majorité dans le canton de Genève (69 %), la répartition de leur nationalité est proche de celle de l’ensemble des usagers de Quai 9.

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Situation de désaffiliation (19 % de notre échantillon)

La débrouille au jour le jour pour subvenir à ses besoins Pour subvenir à leurs besoins de base, ces usagers sont majoritairement contraints de devoir se débrouiller au quotidien, notamment par le recours à la manche, à des petites activités illégales et aux opportunités de pouvoir effectuer ponctuellement de petites activités rémunérées. D’une manière générale, ces personnes ne disposent que de peu de soutien de la part de leurs proches, même si une petite partie d’entre elles affirme pouvoir partiellement compter sur son entourage.

Des usagers plutôt jeunes et domiciliés dans le Grand Genève Cette catégorie est celle parmi laquelle les jeunes de moins de 30 ans sont les plus présents (30 %). Peu de personnes avec un niveau de formation gymnasiale ou de type universitaires sont présentes dans cette catégorie, en revanche plus de la moitié d’entre elles disposent d’une formation professionnelle. Ces usagers ont en majorité une nationalité étrangère (63 % d’un pays de l’Union européenne). Un tiers d’entre eux est domicilié dans le canton de Genève. Tout comme dans la catégorie des personnes en situation d’intégration, la part des personnes domiciliées en France est surreprésentée (42 %).

Tableau synthétique des caractéristiques sociodémographiques 4: Intégration Précarité

compensée Vulnérabilité Désaffiliation

Proportion de femmes 4 % 20 % 14 % 17 % Moins de 30 ans 9 % 13 % 2 % 30 % 30-40 ans 52 % 41 % 38 % 40 % 40 ans et plus 39 % 46 % 60 % 30 % Nationalité CH 22 % 30 % 23 % 7 % Nationalité UE 52 % 52 % 52 % 63 % Nationalité Hors UE 26 % 18 % 25 % 30 % Résidence Genève 44 % 71 % 69 % 34 % Résidence autres cantons 17 % 16 % 12 % 7 % Résidence France 35 % 13 % 19 % 42 % Résidence autres pays 4 % 0 % 0 % 17 % Scolarité obligatoire ou moins 13 % 29 % 37 % 32 % Formation professionnelle 44 % 45 % 31 % 55 % Formation gymnasiale 30 % 14 % 8 % 10 % Formation universitaire 13 % 13 % 25 % 3 %

4 Les valeurs en rouge indiquent des différences significatives statistiquement. Les valeurs en bleu signalent des tendances proches du seuil de significativité statistique.

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3 Trajectoires et expériences de quatre usagers aux situations socioéconomiques différenciées

Dans les chapitres qui vont suivre, nous allons approfondir la situation des usagers regroupés dans ces quatre catégories en fonction de leur positionnement socio-économique. Il s’agira d’aborder la question de leur capacité d’accéder à des droits et à des prestations, d’envisager la manière dont ils parviennent à subvenir à leurs besoins, mais aussi de mettre en lumière leur rapport à la consommation de substances et les usages qu’ils font de Quai 9, et plus largement de l’environnement genevois. Ces analyses, fruits d’une approche quantitative, permettent de documenter finement la situation de chacune des catégories d’usagers. Cependant, dans le même temps, elles ont tendance à gommer quelque peu l’expérience singulière de chacune des personnes rencontrées au Quai 9. Aussi, nous proposons de s’intéresser dans un premier temps aux portraits de quatre usagers qui ont accepté de nous consacrer un entretien approfondi en marge de la passation des questionnaires. Chacun de ces usagers5 peut être situé dans le modèle que nous proposons:

5 Les prénoms ont été changés

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3.1 Nicolas: l’intégration dans un équilibre fragile

Malgré que j’aie un boulot, il y a certaines personnes à qui je ne dis pas ma situation de toxicomanie

Après avoir rempli le questionnaire quelques semaines auparavant, nous rencontrons Nicolas dans la salle d’accueil. Il s’intéresse à l’enquête, la conversation se poursuit à l’étage. Nicolas est d’accord avec le fait qu’il se trouve dans une situation d’intégration. A 40 ans, Suisse double national, il occupe un emploi dans la restauration à plein temps et vit avec sa femme et son enfant.

Avant, tu perdais ton boulot, tu trouvais ailleurs, maintenant tu acceptes tout ce que dit le patron

Son intégration dans l’emploi reste cependant fragile, il n’est pas rare que son patron lui demande de faire des heures «au noir» sur son temps de repos, et Nicolas est obligé de lui dissimuler sa dépendance. S’il peut compter réellement sur sa vie de famille qui lui apporte de la satisfaction, il a aussi choisi de cacher sa consommation à une partie de sa famille, ce qui lui pose de nombreux problèmes dans la gestion du quotidien

Un médecin traitant, oui, pour ça, ça va

Nicolas a des droits et accès aux prestations, comme celle d’un médecin traitant. Il réside en famille dans un logement indépendant.

On a beau avoir un beau salaire, c’est cher quand même (…) on a toujours une bonne excuse pour éviter d’aller au cinéma

Le salaire de Nicolas lui permet de vivre de manière autonome et de ne pas rencontrer de difficultés pour assumer ses besoins de base. En revanche, s’il n’a pas de problème pour se procurer des produits, le montant consacré à sa consommation absorbe la quasi-totalité du budget familial consacré aux loisirs. Son souci principal est de devoir jongler en permanence avec la dissimulation de sa consommation, ce qui est de nature à assombrir quelque peu son sentiment de satisfaction plutôt élevé à l’égard de sa vie.

Ça m’est aussi arrivé de travailler en état de manque

Nicolas fume de l’héroïne. Il bénéficie d’un traitement de substitution, mais l’exigence de devoir se présenter une fois par semaine pour prendre la méthadone directement au sein de l’institution qui la délivre lui pose de gros problèmes d’organisation professionnelle. Il est ainsi obligé de s’en procurer parfois au marché noir pour tenir sans devoir s’absenter du travail. L’achat de substance dans la rue aux alentours du Quai 9 constitue une grosse pression pour Nicolas, il ne peut se permettre d’être arrêté par la police ou reconnu par les personnes qui ne connaissent pas sa consommation.

Quai 9, pour moi c’est un endroit indispensable parce que je ne peux pas fumer dans les caves, c’est risqué à chaque fois

Nicolas fréquente régulièrement Quai 9 après ses heures de travail. L’accès à la salle de consommation lui permet de consommer sans le stress de voir sa consommation dévoilée. Pour Nicolas, le seuil du Quai 9 est une frontière qui lui permet de garder séparées deux dimensions importantes de sa vie, sa consommation d’une part, sa famille d’autre part.

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3.2 Joaquim: la famille d’origine pour compenser la précarité

Ça fait 30 ans que je suis toxicomane. (…) Ce qui m’a fait arrêter, c’est ma fille qui a un handicap

Ce jour-là, nous nous trouvons dans la salle d’accueil du Quai 9. Nous n’avons pas immédiatement remarqué l’arrivée de Joaquim, notamment parce qu’il n’y reste pas longtemps. Joaquim s’est rapidement montré intéressé à l’idée de participer à l’entretien. Au cours de celui-ci, il déroule le fil de son histoire, narrant ses années de galère, puis sa sortie de la toxicomanie qu’il évoque avec fierté: là maintenant, je suis fier de moi. Ça fait deux ans que je ne consomme pas d’héroïne ni de cocaïne. Je suis déjà fier de moi. (…) J’ai tout arrêté sauf le Dormicum. Né à Genève, Suisse double national espagnol, Joaquim s’approche de la cinquantaine. Il vit actuellement chez ses parents avec sa plus jeune fille en situation de handicap. Joaquim bénéficie de l’aide sociale pour survivre, revenu qu’il complète avec celui de son 2e pilier. Il occupait alors un emploi d’ouvrier qualifié: j’ai travaillé un temps. Avant de tomber là-dedans.

J’ai eu beaucoup de chance que ma famille m’ait beaucoup soutenu. Quand j’avais faim, j’allais chez ma mère, je mangeais. Vous voyez ce rapport important?

Durant ses années de galère, Joaquim a toujours pu compter sur le soutien de sa famille d’origine qu’il décrit comme très unie: demander de l’argent à ma mère tout le temps. (…) Pour manger, dormir, se laver, être propre, toujours propre. Moi voilà… j’ai eu un soutien familial. Ses parents, notamment sa mère, constituent pour lui un lieu d’investissement affectif et un soutien matériel importants. Joaquim habite actuellement chez ses parents avec son plus jeune enfant, tout en menant des recherches d’appartement pour pouvoir se loger de manière indépendante. Ce mode de cohabitation lui permet d’organiser sa consommation, d’entente avec sa famille: je sniffe le Dormicum, mais je le fais ici [au Quai 9] pour ne pas le faire chez mes parents, devant… à côté d’eux.

J’ai un médecin qui me suit depuis des années, c’est un très bon médecin

Joaquim bénéficie de droits et accès aux prestations sociales et médicales. Il est suivi par un médecin traitant qui l’accompagne dans son traitement de substitution (méthadone). Joaquim est très satisfait de la relation nouée au fil des années avec son médecin pour pouvoir parler de tout, car comme il le souligne, il y a des médecins à qui je ne peux pas dire ma vie parce que moi, j’ai beaucoup de secrets (…) des choses que j’ai faites dont je ne suis pas fier.

Je commence à être bien, à être confortable, à avoir du plaisir, à projeter. À me projeter plus

loin

Joaquim a commencé à consommer des produits à l’occasion d’une soirée d’anniversaire durant laquelle on lui proposa de sniffer de la coke: je ne savais pas ce que c’était. C’était de la poudre… J’ai aimé. Et c’était vraiment compulsif. Joaquim évoque ses regrets à cause de ça, du produit: (…) ça a été dur, j’ai raté beaucoup de choses avec mes enfants. À plusieurs reprises, il mentionne la tristesse ressentie par les membres de sa famille d’origine ainsi que les échecs de sa vie conjugale. Pour Joaquim, la drogue c’est le diable. On se détruit. La famille toujours, ils sont tristes pour vous. Ma mère a beaucoup souffert à cause de moi, je sais. Aujourd’hui, sorti de ses addictions à la cocaïne et à l’héroïne, Joaquim songe à ses projets d’avenir: avant, je n’avais pas de projet. Je n’avais aucun projet. Je ne me voyais pas demain. Maintenant, je me vois demain. Je pense à ma retraite, ce que je vais faire, où je

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vais aller, où je vais vivre. Je verrai comment on va faire, mais je me projette déjà dans le futur. Dans le futur. Je commence de nouveau à avoir un réseau de gens qui ne consomment pas ou qui ont été

consommateurs, mais qui ne consomment plus, alors là oui, j’ai des liens

Si Joaquim ne reste pas longtemps lorsqu’il se rend au Quai 9 pour consommer sa dose quotidienne de Dormicum, la fréquentation très régulière du lieu lui permet de reconstruire un réseau de liens sociaux, d’abord avec des personnes du «milieu»: j’étais en train de parler [avec un tel], j’ai pris son numéro pour aller faire du badminton ensemble, ce qui est sympa. Voilà, on va faire quelque chose de positif, alors que je l’ai rencontré ici. Je le connais depuis longtemps, mais il est dans une bonne dynamique et puis moi aussi, alors on va faire du badminton ensemble. Puis progressivement, le réseau social de Joaquim s’étend au-delà, vers des liens d’affinités électives extérieures au «milieu»: là, j’ai une copine avec qui on va au fitness ensemble. Vous allez, vous vous défoulez, vous courez sur le tapis, vous faites une heure de fitness vous êtes bien. Et là, on rencontre des gens. Pas déjà à devenir des amis, mais à dire: «Salut, ça va? Qu’est-ce que tu fais dans la vie? ».

C’est vrai que ça m’a rendu service le Quai 9

Joaquim a pleinement conscience du fonctionnement du Quai 9 – en particulier son accès universel pour toute personne indépendamment, de sa situation sociale ou de son statut et sa libre adhésion – ainsi que de sa mission première, soit la réduction des risques pour et auprès des personnes usagères de drogues: j’ai vu que Quai 9 a sauvé beaucoup de gens. Les overdoses qu’il y a eu ici, si c’était dehors, c’était des morts! C’était des gens qu’on ramassait! (…) Non, non, c’est une bonne structure et en plus, c’est indépendant de l’Etat ce qui est bien. Joaquim se positionne également personnellement sur les raisons de ses premières venues au Quai 9: déjà, c’est un lieu où on a un moment, on ne se met pas dans un garage en se disant: «Il y a la police qui va arriver». On a peur. Moi, j’étais toujours dans les parkings, je me disais «c’est quand que la police va arriver», alors je faisais vite, on stressait.

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3.3 Raphaël: Du milieu festif gay à la vulnérabilité de l’isolement social

Au début, je procédais à mes injections à la maison avec mon compagnon. Lorsque je l’ai quitté, lorsque je me suis retrouvé tout seul et lorsque j’ai perdu mon emploi, j’ai commencé

à venir au Quai 9 Nous rencontrons Raphaël pour la première fois en juin, lors de la passation des questionnaires. Quelques mois plus tard, intéressé par l’enquête, il accepte le jeu de l’entretien qui se déroule dans les bureaux de Première ligne. Raphaël, la quarantaine, est titulaire d’un permis C et bénéficie de l’aide sociale. Celle-ci est occasionnellement complétée par des petits jobs effectués auprès du Pôle. Auparavant, il a exercé dans le domaine du tourisme, ce qui lui a permis de voyager et de vivre dans plusieurs grandes villes. Aujourd’hui, Raphaël vit seul dans un logement indépendant à Genève.

Si tu prends de la coke t’es funky, si tu prends de l’héro t’es junky

Raphaël a commencé par consommer de manière festive dans le milieu gay, principalement des drogues de synthèse et de la cocaïne. A l’époque, il peut compter sur le soutien de son compagnon et ensemble, ils fréquentent de nombreux amis. Connaissant bien le milieu de la nuit dans plusieurs mégalopoles, Raphaël se rendait à des soirées où tu peux croiser Grace Jones, beaucoup d’artistes, enfin c’était l’Avant-garde. Lorsqu’il commence à consommer de l’héroïne, Raphaël observe que petit à petit on s’isole de nos amis qui ne consomment pas, de la famille. Si les personnes acceptent très facilement le fait de consommer de la cocaïne en soirée parce que c’est très fun, très funky, la prise d’héroïne a un effet très rejetant: les personnes m’ont exclu de leur entourage parce qu’héroïnomane veut dire voleur, menteur, «méfie-toi de lui».

Il y a déjà la rencontre des gens, le lien social. Sinon, tu restes tout seul chez toi Isolé socialement, Raphaël fréquente Quai 9 pour recréer un tissu social avec les autres usagers. Comme il le souligne sur le ton de l’humour, ce n’est pas non plus le café littéraire, mais rencontrer des personnes avec lesquelles discuter, passer du temps en salle d’accueil lui permet de reconstruire un réseau social de connaissances, issues du «milieu» de la consommation. Je suis dans l’attente d’un programme PEPS, ce qui me permettrait de ne plus acheter mon

produit dans la rue

Raphaël a des droits et accès aux prestations sociales et médicales, comme celle d’un médecin traitant. Il est stabilisé et se sent soutenu. Il a dans un premier temps été suivi par les services publics pour un traitement de substitution qu’il a quittés pour un médecin privé. Revenu auprès des services publics, il est aujourd’hui dans l’attente d’un programme de prescription d’héroïne, lui permettant ainsi de ne plus se procurer son produit au marché noir, mais d’avoir une substance saine, complètement pure, ce qui m’évitera d’avoir des problèmes de santé.

C’est très très compliqué. (…) Là par exemple, je vais devoir faire 3 semaines avec 30 centimes

Les revenus issus de l’aide sociale de Raphaël ne lui permettent pas de se nourrir convenablement: le frigo est vide, je n’ai rien à manger, ça risque d’être très compliqué. Raphaël rencontre également des difficultés pour se procurer des produits. Comme il

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l’explique, lorsqu’on est usager de drogues pour se payer les drogues, il n’y a pas 50'000 manières non plus. C’est soit tu te prostitues, soit tu te criminalises en volant soit tu t’endettes. Je me suis beaucoup endetté. Enfin, le sentiment de faire l’expérience de la précarité et de l’isolement social procure chez Raphaël un très faible sentiment de satisfaction à l’égard de sa vie: plus les années de consommation passent et plus tu te sens désabusé, et moins tu y crois parce que tu as connu beaucoup d’échecs. Et l’échec fait partie de ta vie. Et tu as l’impression que ta vie est un échec.

«Je tiens à préciser et renouveler ma conviction citoyenne et politique pour l’accueil en ce lieu de tous» (commentaires questionnaire)

Raphaël fréquente Quai 9 quotidiennement pour différentes raisons. D’une part, l’accès à la salle de consommation lui permet d’avoir des injections de manière tranquille et légale. D’autre part, l’accès à la salle d’accueil pour discuter avec d’autres personnes usagères constitue pour lui une forme de support des liens sociaux. Enfin, Raphaël attache beaucoup d’importance à l’accès universel du Quai 9: «il s’agit d’un lieu d’accueil, mais aussi de prévention, de soins! Cet endroit doit être accessible à tous pour tous!!!»

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3.4 Aurélien: Se débrouiller seul, survivre en situation de désaffiliation

Tu sais les montées d’immeubles, des trucs comme ça. Les gens, ils te voient dormir, ils appellent la police au lieu de te réveiller et te dire de partir

Aurélien accepte de mener un entretien en parallèle du remplissage du questionnaire – celui-ci sera enregistré – uniquement parce qu’il est mené par un travailleur social de Quai 9, participant à l’enquête, avec lequel un lien de confiance s’est noué. La quarantaine, Aurélien est né dans l’Ain et vit dans la région du Grand Genève depuis toujours. Au bénéfice d’une formation professionnelle dans le secteur de l’horlogerie, il a accumulé plus de vingt ans d’expérience. Depuis quelques années, Aurélien connaît l’expérience de la rue à Genève. Sans revenu – je n’ai pas de revenus, je n’ai que la mendicité pour vivre – et avec peu de relations sociales – il y a très peu de personnes avec qui je parle en fait – il vit une situation de logement très instable, allant de l’occupation des montées d’immeubles et de squats illégaux à des séjours dans la rue. Une situation qu’il ironise par ailleurs: oui, je suis à la rue, donc c’est le lieu où j’habite actuellement! C’est pas mal!

La difficulté, c’est de pouvoir parler de mes difficultés avec des personnes extérieures au Quai 9

Aurélien est très isolé socialement. Sans soutien affectif ni matériel pouvant provenir de sa famille d’origine, il ne peut compter que sur sa conjointe, toxicodépendante également, ainsi que sur les rares liens tissés avec certaines connaissances du «milieu», 3-4 personnes qui viennent [à Quai 9] avec lesquelles tu peux te poser. Le souhait d’Aurélien, pourtant jamais exprimé jusqu’ici auprès des professionnels du Quai 9, est celui de rencontrer une personne qui pourrait l’écouter, un thérapeute, hors du Quai 9. Ça serait une personne qui serait dans un bureau, à Tatahuile-les-Bains… Non, pas trop Tatahuile-les-Bains parce que non plus faut pas que je mette trois plombes à y aller parce que j’irai jamais! Mais qui n’aurait pas de contacts avec les autres personnes du milieu…

Quand t’as un problème de santé, tu vas à l’hôpital

Résidant dans le Grand Genève depuis sa naissance, Aurélien n’a cependant, plus de documents d’identité valables (j’ai perdu mes papiers comme un abruti), il ne lui est pas possible de bénéficier officiellement des prestations médicales ou sociales. Outre le soutien médical proposé par les professionnels du Quai 9, Aurélien sait qu’il peut se rendre à l’hôpital pour être pris en charge: alors, certes, des fois ils sont pas contents de te voir parce que t’es toxico, alors là ouh lala, forcément c’est un problème hein! Mais ils te le donnent quand même. Aurélien fait également appel à ses connaissances fines du réseau genevois à savoir, les structures médicales proposant des soutiens d’urgence telle que celui de cette pharmacie: c’est une structure socioprofessionnelle, Ils sont vraiment très gentils. Ils te filent tous les médicaments, tout ce que tu as besoin, gratuitement! Si Aurélien rencontre des difficultés pour se loger et faire sa toilette, il estime pouvoir se nourrir convenablement: celui qui me dit «tu meurs de faim à Genève», c’est une grosse merde. C’est pas possible de mourir de faim à Genève. Avec Le Caré, Le Bateau qui fait les petits-déj le matin gratuits. Ses connaissances complètes des structures sociales de types soutiens d’urgence ou «bas seuil» lui permettent dès lors d’accéder à certaines prestations déployées par celles-ci.

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Ça venait d’une envie de ma part, 25 fois par jour je demandais à mon meilleur ami « Fais-moi un shoot, fais-moi un shoot,  Mais bon, j’ai toujours été attiré par la drogue

Comme de nombreuses personnes usagères du Quai 9, Aurélien consomme plusieurs produits simultanément (héroïne, cocaïne, benzodiazépine, méthadone). Il a commencé ses premières prises d’héroïne lorsqu’il avait 20 ans à travers son meilleur ami: il consommait à mort et je l’ai saoûlé pendant un mois et demi: «Fais-moi un shoot, fais-moi un shoot!» «Non, non, non». Et je l’ai saoûlé. «Tu sais quoi? Tu me pètes les couilles! Tiens, je te le fais ton pète [injection] au bout d’un moment». Et voilà, j’ai plus arrêté! Pendant longtemps. Aurélien a fait des allers-retours quotidiens entre son domicile français situé en campagne et le centre de Genève où il venait se procurer des produits. Mais depuis qu’il a perdu son permis de conduire suite à un contrôle, il a été contraint à rester proche du produit, par-dessus tout: quand tu te lèves le matin, tu l’as plus le produit. Parce que tu n’as pas pu en prendre des tonnes parce qu’il y a la douane à traverser. Donc du coup, tu n’es pas bien. Mais comme il faut que tu ailles jusque là bas (Genève) et… il y a ces putains de kilomètres (à parcourir) et donc du coup là le matin, ils sont très loin puisque t’es en manque!

Je viens pas pour passer du temps dans la salle d’accueil

Si Aurélien fréquente quotidiennement le Quai 9, c’est principalement pour des raisons liées à la prévention des risques sanitaires et des risques sociaux. Venir au Quai 9 lui permet non seulement de pouvoir consommer dans des bonnes conditions d’hygiène et sans stress, mais également pour pouvoir «souffler» l’espace d’un instant: des fois, je suis content de squatter un moment quand même. Tu sais que tu as beau avoir ton truc dans la poche, tu vas pas te faire contrôler à l’intérieur. C’est cool. Tu peux te poser un moment tranquille. C’est vrai que c’est appréciable. Aurélien se rend également au local d’injection pour profiter de la salle d’accueil et de son bar où des sandwichs et des viennoiseries (les invendus d’une boulangerie du quartier des Grottes) sont très souvent proposés aux personnes fréquentant le lieu. Enfin, Aurélien ne s’arrête pas longtemps au Quai 9, car l’expérience de la rue implique organisation, débrouille et «être sur le qui-vive» quotidiennement. Comme il l’explique, ses journées sont dès lors bien occupées: tu sais quand t’es à la rue, qu’il faut que tu fasses la manche pour manger, pour dormir, pour t’habiller, pour te torcher l’cul, pour prendre une douche… Non, tes journées, elles sont bien trop courtes oui…!

Même que je suis malade, que je suis en manque, je vous fais un sourire!

Aurélien, comme de très nombreuses personnes fréquentant la Quai 9, est totalement conscient du fonctionnement du lieu. Sourire aux professionnels qui y œuvrent est pour lui une manière de [les] remercier d’être là. Je suis trop content que vous soyez là. Parce que sans vous, on se piquerait dans la rue, on serait comme des grosses merdes dans des locaux poubelles avec des seringues qui ont huit semaines, toutes carrées, toutes sales, qu’on se serait passées à dix personnes et on serait toutes à moitié en train de crever.

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4 Droits et accès aux prestations Le lien de citoyenneté déterminé par le statut de séjour à Genève vient compléter le positionnement en matière d’inscription économique et sociale des usagers du Quai 9. Le statut de séjour donne la possibilité d’avoir accès à des supports tels que la couverture santé, le soutien médical, le soutien de la part d’institutions sociales ou encore le logement subventionné.

4.1 Statuts de séjour En matière de statut de séjour, la majorité des personnes sont Suisses ou disposent d’un permis valable.

Parmi les 30 % d’usagers qui ne disposent pas de permis, il faut relever que près de deux tiers d’entre eux résident en France ou dans un autre pays de l’Union européenne. Il ne leur est pas possible d’avoir accès officiellement à des prestations médicales ou sociales, à l’exception des prestations d’urgence ou de types «bas seuil».

4.2 Accès aux prestations médicales et sociales

Couverture santé L’accès à une couverture santé est corrélé à la situation des usagers en matière de statut de séjour. Ainsi les personnes établies à Genève bénéficient d’une couverture LAMAL, celles qui résident en France de la couverture de la sécurité sociale. Reste un peu plus de 10 % des usagers qui ne peuvent compter sur aucune couverture en matière de santé. Il est important de relever ici, que les personnes officiellement domiciliées en France, mais dont la situation sociale les conduits à vivre à Genève sans rentrer en France, ne peuvent mobiliser cette couverture et se retrouvent dans une situation similaire à celle des personnes qui ne disposent d’aucune couverture santé.

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Liens avec des professionnels du domaine médical et social Indépendamment de l’accès officiel à une prestation offerte par une structure médicale ou sociale, le tableau suivant présente la répartition du sentiment de bénéficier de soutien de la part de professionnels œuvrant dans ces domaines.

Cette question très générale mesure le sentiment de soutien par les professionnels et non pas par les structures en tant que telles. En effet, certains professionnels peuvent être amenés à intervenir à la limite de leur cadre prescrit, par exemple en administrant des soins d’urgence à une personne ne disposant pas de couverture santé. Dans ce sens, notre tableau montre qu’une très petite part des répondants indique ne pas être en contact avec des professionnels de santé ou du domaine social autre que Quai 9 (env 10 %: ne s’applique pas). D’une manière générale, la relation de soutien au personnel médical est perçue plus favorablement que celle entretenue avec les intervenants sociaux. Ces résultats vont dans le sens des constats effectués par une étude menée auprès d’usagers d’une structure «bas seuil» du canton de Vaud (Pollien, 2002). Ces usagers vaudois relèvent l’importance du soutien du personnel médical en matière d’accompagnement à la gestion de leur consommation. Ils expriment aussi en majorité le sentiment que le personnel médical se préoccupe véritablement de leur santé (Pollien, 2002, p.28). Le sentiment de soutien plus mitigé lié à la relation aux professionnels du domaine social est sans doute influencé en partie par la prestation financière qu’il permet d’obtenir ou pas. (Pollien, 2002). Il s’agirait donc de distinguer le soutien social lié à l’obtention d’une prestation financière, du soutien social qui ne délivre pas de subsides. En l’état, d’autres éléments issus de notre étude ont tendance à montrer que le soutien proposé par les professionnels des structures sociales qui n’offrent pas de prestations financières, telles que Quai 9 ou d’autres structures de type «bas seuil» est perçu favorablement.

4.3 Accès au logement La capacité d’avoir accès à un logement dépend du degré d’inscription dans les quatre types de liens que nous avons défini précédemment. L’inscription dans les liens organiques permet par le revenu de payer le loyer d’un logement indépendant. L’inscription dans les liens de citoyenneté conditionne le droit d’obtenir un logement subventionné ou de résider durablement dans une institution. Enfin, à défaut de pouvoir accéder à un logement indépendant, les liens familiaux et amicaux permettent de pouvoir se loger parmi les proches.

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Invités à revenir sur le type de logements occupés lors de l’année écoulée, un peu plus de la moitié des usagers a indiqué avoir eu recours à plusieurs solutions de logement. Parmi ces réponses multiples, après la possibilité d’habiter un logement indépendant (53 %), vient le séjour dans la rue pour une part non négligeable des usagers (27 %). Le recours au logement chez un ami ou une connaissance est évoqué dans 20 % des cas. Des solutions alternatives de logement telles que l’hôtel, le logement dans la famille d’origine ou encore dans des structures sociales doivent elles aussi être mises en œuvre, même si elles sont mentionnées de manière plus marginale.

Afin de mieux comprendre la grande diversité de situations de logement des usagers de Quai 9, nous avons regroupé les situations pour lesquelles le logement était stable des

situations pour lesquelles le logement était instable, voire très instable. Seules 4 personnes sur 10 ont pu bénéficier d’un logement indépendant stable lors de l’année écoulée. Les autres supports de stabilité en matière de logement sont l’entourage (famille et amis dans moins de 10 % des cas) et l’institution (12 %).

Un quart des usagers a dû avoir recours à deux solutions de logement lors de l’année écoulée, et près de 20 % des personnes ont eu des parcours résidentiels très instables, marqués par des changements multiples ou le recours unique à la rue. Pour les personnes en situation d’instabilité de logement, les combinaisons de solutions sont extrêmes variées. Elles peuvent aller de la résidence principale dans un logement indépendant émaillée d’un séjour dans la rue, à la combinaison complexe et singulière de solutions de fortune trouvées auprès d’amis, de la famille ou encore de foyers d’urgence.

4.4 Un lien de citoyenneté qui fait défaut pour les personnes en situation de désaffiliation

Le défaut de lien de citoyenneté marqué par l’absence de statut de séjour impacte clairement la possibilité d’accès aux prestations des personnes qui se trouvent en situation de désaffiliation. Les usagers soutenus par le système de protection sociale ont quant eux accès aux prestations de la même manière que les personnes en situation d’intégration.

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Intégration Emploi

Lien sociaux plutôt forts

Précarité compensée Aide protection sociale

Liens sociaux forts

Vulnérabilité Aide protection sociale

Liens sociaux très faibles

Désaffiliation Débrouille

Liens sociaux faibles

Sta

tut e

t pre

stat

ion - Statut de séjour

- Couverture santé

- Statut de séjour

- Couverture santé

- Statut de séjour

- Couverture santé

- Pas de statut de séjour - Pas de couverture santé

- Soutien médical/ social (-) - Logement stable

- Soutien médical (+)/social (+) - Logement instable

- Soutien médical/social - Logement stable/ institution

- Soutien médical(-) /social (+)

- Logement très instable/rue

Situations d’intégration

Des droits et le soutien du dispositif de santé L’ensemble de ces personnes dispose de droits que ce soit en Suisse (74 %) ou en France (25 %). Ils disposent d’une couverture santé et dans 68 % des cas mentionnent une relation de soutien avec un professionnel du domaine médical. Il est possible de faire l’hypothèse que les résidents français en situation d’intégration sont en mesure d’actionner la sécurité sociale afin de bénéficier de soins médicaux en France.

Un logement stable La grande partie de ces personnes bénéficie d’un logement stable (61 % dans un logement indépendant et 18 % en institution ou dans l’entourage).

Situations de précarité compensée

Des droits et le soutien significatif du dispositif médico-social Les personnes qui se regroupent dans cette catégorie ont en majorité des droits à Genève. Elles ont en quasi-totalité accès à une couverture santé. Soutenus par leur entourage, ces usagers le sont aussi particulièrement par les professionnels du dispositif de santé (84 %) et du dispositif social (67 %). Il est possible de considérer que pour ces personnes ce double soutien des proches et du dispositif institutionnel agit comme une sorte de cercle vertueux, un type de support venant renforcer l’autre et inversement. A titre d’exemple, les encouragements de la famille à trouver un bon médecin traitant permettent en retour à la personne de mieux évoluer au sein de sa famille grâce au soutien de ce médecin.

Une précarité qui persiste en matière de logement Le logement reste cependant un facteur de précarité pour ces personnes puisque près de la moitié d’entre elles indique avoir dû occuper deux types de logements lors de l’année écoulée.

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Situations de vulnérabilité

Des droits, mais le sentiment nuancé du soutien du dispositif médico-social Les personnes isolées en situation de vulnérabilité ont, elles aussi, en majorité des droits à Genève. La quasi-totalité de ces personnes est au bénéfice d’une couverture santé. Comme les usagers en situation de précarité compensée, ces usagers disent aussi bénéficier du soutien des professionnels des dispositifs médicaux et sociaux, mais dans une moindre mesure. Cet état de fait laisse à penser que leur déficit en matière de protection et de reconnaissance de la part de leur entourage ne parvient pas à être compensé totalement par le soutien des professionnels de santé ou par les travailleurs sociaux.

Stabilité du logement grâce à l’hébergement en institution et expérience de la rue Ces personnes sont globalement en situation plutôt stable en matière de logement, mais cette stabilité est due au fait que la moitié d’entre elles sont hébergées dans des institutions sociales. Il faut aussi relever le fait qu’une personne sur dix a été amenée à se loger uniquement dans la rue lors de l’année écoulée, et ceci malgré le soutien financier de la part d’un dispositif de protection sociale.

Situations de désaffiliation

Absence de droits et évolution hors du système de protection de santé Plus de 60 % des personnes en situation de désaffiliation n’ont pas de droits en Suisse, mais un peu plus de la moitié d’entre elles ont la nationalité d’un pays de l’Union européenne. Cependant, cette absence de droits participe à l’évidence à la situation de désaffiliation de ces personnes puisqu’elle les tient éloignées de l’emploi et de l’accès aux subsides du système de protection sociale. Il en va de même pour l’accès à la couverture santé. En effet, que se soit pour des questions de statut ou pour des problèmes administratifs 57 % des usagers en situation de désaffiliation affirment ne disposer d’aucune couverture santé. Cet état de fait distingue de manière saillante cette catégorie de personnes des autres usagers de Quai 9. Les effets de cette absence de couverture en matière de soins se retrouvent dans le rapport qu’entretiennent ces personnes avec le milieu médical puisque moins d’un usager sur deux affirme bénéficier du soutien d’un professionnel de santé. En revanche, ces personnes sont en lien avec les professionnels du social probablement avec des travailleurs sociaux du domaine «bas seuil».

Grande instabilité du logement et expérience de la rue En matière de logement, la majorité de ces personnes est confrontée à une grande instabilité. Trois quarts d’entre elles ont été conduites l’année écoulée à gérer des changements multiples de logement et à se loger dans la rue.

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Tableau synthétique de l’accès aux prestations:

Intégration Précarité compensée Vulnérabilité Désaffiliation

CH ou permis valable 74 % 81 % 73 % 37 % Aucune couverture santé 9 % 4 % 2 % 43 % Soutien dispositif médical 68 % 84 % 66 % 46 % Soutien dispositif social 47 % 67 % 57 % 57 % Logement stable indépendant 61 % 45 % 40 % 17 % Logement stable en institution 18 % 14 % 27 % 4 % Logement stable entourage 4 % 9 % 2 % 13 % Logement instable 2 changements 13 % 38 % 10 % 27 %

Logement instable avec 3 changements 9 % 5 % 10 % 27 %

Uniquement rue 0 % 0 % 12 % 13 %

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5 Couverture des besoins de base et représentations de sa situation La nature des inscriptions dans les différents types de liens conditionne les possibilités d’un individu de couvrir ses besoins de base. Elles influencent aussi sa propre représentation de sa situation.

5.1 Couverture des besoins de base Le tableau suivant permet aisément de se rendre compte que l’accès à un endroit pour dormir, faire sa toilette ou être en mesure de traiter un problème médical semble ne pas constituer de difficultés particulières pour la majorité des usagers. Cependant, un peu moins de 2 personnes sur 10 affirment tout de même rencontrer des difficultés pour couvrir ses besoins de base.

Cette proportion augmente (3 personnes sur 10) lorsqu’il s’agit d’évoquer des difficultés liées au fait de pouvoir se nourrir convenablement ou rencontrer des personnes avec qui parler.

La question de l’occupation de la journée apparaît quant à elle comme un problème plus fréquemment rencontré, puisqu’un peu moins de la moitié des personnes l’évoquent comme une préoccupation au quotidien. Enfin, l’accès aux produits ne constitue une difficulté que pour 1 usager sur 10.

5.2 Représentations de sa situation

Le sentiment de faire l’expérience de la précarité financière Appelé à noter sa capacité à faire face à ses dépenses sur une échelle de 0 à 10, quel que soit son revenu, chaque usager a bien entendu répondu de manière très subjective. Il a été étonnant de constater qu’une personne contrainte de faire la manche pour subvenir à ses besoins quotidiens appréciait sa situation à 4, car elle y parvenait «à peu près chaque jour»

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alors qu’une autre au bénéfice d’une situation financière plus stable pouvait être amenée à apprécier sa situation de manière plus négative.

Cela étant, cet indicateur très subjectif permet de comparer la situation des usagers de Quai 9 à un échantillon représentatif de l’ensemble de la population du Grand Genève à qui la question a été posée dans les mêmes termes (Baranzini & Schaerer, 2016). Cette comparaison met clairement en lumière une forme de sentiment de précarité financière chez les usagers de Quai 9 dont la valeur médiane des appréciations se situe à 5 alors qu’elle est de 7 pour les habitants du Grand Genève.

Un très faible sentiment de satisfaction de la vie Le sentiment de satisfaction dans la vie en général a été mesuré avec les mêmes modalités que le sentiment d’aisance financière. Cet indicateur très subjectif lui aussi fait sans doute appel à des dimensions multiples telles que l’appréciation du degré de protection et de reconnaissance offert par son environnement social, de la stabilité ou non de sa situation actuelle, de l’appréciation de sa santé ou encore de sa capacité à se projeter dans l’avenir. La comparaison des appréciations des usagers du Quai 9 avec celles de l’échantillon représentatif des habitants du Grand Genève fait apparaître un très faible sentiment de satisfaction de leur vie chez les usagers du Quai 9. Alors que le calcul de la médiane des appréciations des répondants du Grand Genève se situe à 8, celle des réponses obtenues au Quai 9 est de 3.

0

2

4

6

8

10

Grand Genève Quai 9

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Ainsi, les très faibles taux de satisfaction (entre 0 et 2) concernent près de 40 % des usagers alors que les taux élevés (entre 8 et 10) ne sont mentionnés que dans 8 % des cas.

5.3 Des difficultés qui affectent les personnes en situation de désaffiliation, mais aussi celles en situation de vulnérabilité.

Les personnes en situation d’intégration comme les personnes en situation de précarité compensée ne rencontrent que peu de difficultés pour subvenir à leurs besoins de base. Il en va autrement des personnes vulnérables qui éprouvent des difficultés pour entretenir des relations sociales et des personnes désaffiliées qui cumulent les difficultés au quotidien. Intégration

Emploi Lien sociaux plutôt forts

Précarité compensée Aide protection sociale

Liens sociaux forts

Vulnérabilité Aide protection sociale

Liens sociaux très faibles

Désaffiliation Débrouille

Liens sociaux faibles

Situ

atio

n

- Peu/pas de difficultés - Capacité «à tourner»:

moyenne - Satisfaction vie:

moyenne

- Peu/pas de difficultés - Capacité «à tourner»: moyenne

- Satisfaction vie: moyenne

- Difficultés relationnelles - Capacité «à tourner»:

faible - Satisfaction vie:

très faible

- Cumul de difficultés - Capacité «à tourner»: faible

- Satisfaction vie: très faible

0

2

4

6

8

10

Grand Genève Quai 9

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Situations d’intégration

Des besoins de base couverts et un sentiment de satisfaction relativement élevé La situation d’intégration de ces usagers les met à l’abri de difficultés liées au fait de faire face à leurs besoins de base, et ceci, en dépit du fait qu’une personne sur 10 déclare tout de même rencontrer des difficultés pour répondre à l’un ou l’autre de ces besoins. Même s’il reste faible en comparaison avec la population du Grand Genève, le sentiment de ces usagers d’être en mesure de pouvoir assumer leurs dépenses est le plus élevé de ceux recueillis au Quai 9 (moyenne de 5,5). Tout en restant faible, par comparaison, le niveau de satisfaction de leur vie en général est lui aussi parmi les plus élevés (moyenne de 4.7).

Situations de précarité compensée

Une situation proche de celles des personnes «intégrées» C’est sans doute face aux questions liées à la capacité de subvenir aux besoins de base et à l’appréciation de son revenu et de sa vie que la notion de «compensation» prend sens, car les résultats montrent que les personnes regroupées dans cette catégorie sont dans une situation assez similaire à celle des personnes en situation d’intégration. Leurs besoins de base sont généralement couverts, même si la part des usagers rencontrant l’une ou l’autre difficulté est plus élevée que parmi les personnes intégrées. En revanche, 40 % de ces usagers sont confrontés à un problème d’occupation de leur journée. Cela étant, les valeurs qui situent leur sentiment de pouvoir subvenir à leur besoin et leur niveau de satisfaction de la vie sont très proches de celles observées pour les personnes en situation d’intégration.

Situations de vulnérabilité

Un isolement social source de difficultés et un faible sentiment de satisfaction de la vie Les personnes en situation de vulnérabilité qui, rappelons-le, sont isolées socialement éprouvent des difficultés liées à cet état de fait. Il s’agit avant tout d’un important problème d’occupation des journées puisque près de 70 % des personnes le mentionnent comme une difficulté. Près de la moitié de ces usagers éprouvent aussi des difficultés à rencontrer des personnes avec qui parler. 56 % de ces usagers mettent en avant des difficultés liées à la capacité de se nourrir convenablement. Les entretiens et les échanges informels avec ces personnes nous laissent penser que cette difficulté peut être attribuée à deux facteurs. Le premier concerne les revenus. En effet, bien que soutenues par des subsides sociaux, une partie de ces personnes, une fois leur logement et les frais de leur consommation payés, n’ont que peu d’argent pour se nourrir. Le second facteur concerne la dimension sociale du repas. Il est probable qu’en raison de leur isolement une partie de ces personnes éprouvent des difficultés à cuisiner ou à gérer un garde-manger pour elles seules. Leur sentiment de pouvoir subvenir à leurs dépenses est inférieur à la moyenne (4) et il en va de même pour leur sentiment de satisfaction de la vie qui est peu élevé (2.9)

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Situations de désaffiliation

Un cumul des difficultés pour subvenir à ses besoins de base et un faible sentiment de satisfaction de la vie. Les personnes en situation de désaffiliation cumulent les difficultés à subvenir à leurs besoins de base. Un peu moins de la moitié d’entre elles (43 %) rencontrent des difficultés pour trouver un endroit pour dormir. Une partie de ces personnes est confrontée à des problèmes d’isolement qui rendent l’occupation de la journée ou la rencontre avec des personnes difficiles. Les problèmes rencontrés pour se nourrir convenablement sont aussi présents parmi ces usagers (28 %), mais de manière moins importante que parmi les personnes vulnérables isolées. Ceci s’explique sans doute en partie par le fait que les personnes en situation de désaffiliation ont facilement recours aux possibilités de repas offertes par des structures telles que le Bateau ou encore le Jardin de Montbrillant. En revanche, c’est dans cette catégorie que se retrouve la part la plus importante de personnes qui disent éprouver des difficultés pour se soigner (27 %). Probablement, en raison de leurs faibles revenus, ces usagers sont aussi ceux qui éprouvent le plus de difficultés pour accéder aux produits (33 %). Leur sentiment d’être en mesure de se débrouiller au quotidien les amène à noter leur capacité à tourner financièrement d’une manière relativement élevée (4). En revanche leur sentiment de satisfaction de la vie en général est particulièrement faible. (2.4)

Tableau synthétique des difficultés en matière de besoins de base et représentations de sa situation:

Intégration Précarité compensée

Vulnérabilité Désaffiliation

Difficultés pour: Se nourrir convenablement 17 % 25 % 56 % 28 % Trouver un endroit pour dormir 13 % 23 % 27 % 43 % Se soigner 0 % 11 % 21 % 27 % Rencontrer des personnes 13 % 20 % 45 % 40 % Occuper sa journée 17 % 40 % 69 % 40 % Trouver des produits 14 % 13 % 20 % 33 % Sentiment de capacité à tourner 5.5 5.2 4 4

Sentiment de satisfaction dans la vie 4.7 4.5 2.9 2.4

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6 Pratiques de consommation et liens avec le «milieu» Les usagers du Quai 9 ont en commun la pratique de consommation de substances. Cette partie propose dans un premier temps de faire le point sur les quelques données disponibles en matière de pratiques de consommation pour ensuite aborder la question des liens que les usagers du Quai 9 entretiennent avec le «milieu» de la consommation.

6.1 Pratiques de consommation

Substances consommées, une polyconsommation personnalisée

Le produit le plus consommé est l’héroïne. Ensuite et dans la même proportion arrivent des substances telles que la méthadone, la cocaïne et les benzodiazépines. Il faut noter que 70 % des usagers sont parallèlement au bénéfice d’un traitement de substitution.

Les usagers de Quai 9 ne consomment que très rarement qu’une seule de ces substances. Le tableau ci-contre montre clairement que 9 personnes sur 10 sont en situation de polyconsommation.

En termes de modes de consommation, les usagers ont recours à peu près dans la même proportion à l’inhalation et à l’injection (env. 40 %). Un tiers des personnes «sniffent» les produits.

Nous avons mené une analyse exploratoire afin de croiser les différents types de produits avec les différents modes de consommations. Cette analyse a fait apparaître une diversité extrêmement élevée de combinaisons possibles. Ces résultats montrent que la combinaison des produits et de leurs modes de consommation obéit, avant tout, à une logique propre à chaque personne. Ceci, en fonction de son expérience avec le produit et sa manière de le consommer, de ses envies, de ses besoins, de sa trajectoire personnelle et de sa capacité à se procurer les substances.

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Des lieux multiples de consommation Malgré le fait que les personnes interrogées soient en grande majorité des utilisateurs très réguliers du Quai 9, la quasi-totalité d’entre elles est amenée à consommer parallèlement dans d’autres espaces. Parmi ces espaces, le lieu d’habitation est le plus souvent cité, avant le domicile de l’entourage. Immédiatement après ces espaces privés viennent des espaces publics comme la rue ou les toilettes publiques. Les résultats montrent une grande diversité d’association des différents types d’espaces utilisés à des fins de consommation, lorsque Quai 9 n’est pas accessible.

Un peu moins de 20 % des usagers de Quai 9 ont recours à des lieux uniquement situés dans le domaine privé. 25 % environ consomment principalement dans le domaine privé, mais en associant un espace du domaine public. 31 % des personnes consomment principalement dans la rue, mais avec des consommations dans le domaine privé, par exemple chez des proches.

Enfin, 20 % des personnes ne consomment que dans des espaces publics.

6.2 Liens avec «le milieu» de la consommation et représentations de la «scène».

Liens avec d’autres consommateurs Les relations avec des personnes en situation de consommation entrent bien entendu dans le domaine des liens d’affinités électives. Il s’agit cependant de les distinguer des relations avec les amis non-consommateurs (Pollien, 2002). Nos résultats montrent que la quasi-totalité des usagers est en lien avec des personnes en situation de consommation, mais que dans le même temps, la part de ces relations susceptibles d’être un soutien est plutôt faible.

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Cependant, les liens entretenus avec des consommateurs qui ne fréquentent pas Quai 9 sont plus souvent évoqués comme support de soutiens que les liens entretenus avec les autres usagers de la structure. Il est ainsi possible de faire l’hypothèse que les répondants aient distingué leurs amis avec lesquels ils sont engagés dans un processus de consommation des personnes ou connaissances rencontrées à l’occasion de la fréquentation du Quai 9 et de ses abords. A ce sujet, les résultats des entretiens menés par Pollien, ainsi que nos propres entretiens, ont tendance à montrer que les personnes distinguent assez clairement l’ami consommateur qui constitue un lien-clé du point de vue de la consommation en aidant à vivre avec moins de difficultés les embûches de l’existence de consommateur (Pollien, 2002, p.30), des «potes» rencontrés sur les scènes de revente ou de consommation. Si ces relations tissées dans le milieu constituent un vecteur relationnel important, nos résultats vont dans le sens des observations conduites par l’étude vaudoise qui relativise leur portée en matière de capacité effective de soutien. Ces relations apparaissent alors comme circonstancielles, elles ne traduisent pas une véritable confiance et sont fondées uniquement sur des activités liées à la consommation. (Pollien, 2002, p.30).

La «scène» aux abords du Quai 9 Les abords du Quai 9, l’arrière de la gare et la petite «scène» de revente, qui avec le temps s’est rapprochée du Quai 9 au point de jouxter l’entrée du lieu, sont des espaces que les usagers sont contraints de fréquenter, que se soit pour se procurer du produit ou simplement pour se rendre à l’intérieur du Quai 9. Leurs représentations des différentes dimensions liées à la fréquentation de ces espaces sont assez partagées.

Une majorité des personnes considèrent les abords du Quai 9 comme un bon endroit pour se procurer des substances. Et ceci, même si, dans une proportion quasi similaire, les usagers ont le sentiment que ces endroits sont souvent troublés par des «embrouilles» et qu’il y est fréquent de se faire contrôler par la police. La moitié des usagers considèrent que ces abords sont un bon espace pour rencontrer des connaissances. Dans une moindre mesure (40 %), les usagers disent apprécier s’y attarder.

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6.3 Des pratiques de consommation singulières et des différences nuancées dans le rapport au milieu de la consommation

Aucune de nos analyses n’a permis d’établir de corrélation significative entre les pratiques de consommation des personnes usagère du Quai 9 et leur situation sociale. Il est admis que la situation sociale actuelle d’une personne n’est qu’un des nombreux facteurs qui interviennent dans le rapport qu’un individu entretient avec le produit. Pour analyser pleinement le rapport à la consommation, il faudrait être en mesure de prendre en compte l’ensemble des éléments liés à la personne tout en tenant compte des différents contextes qu’il a traversés au cours de sa vie. (Morel, 2010). En revanche, il est possible de mettre en lumière quelques particularités liées au rapport entre la situation socioéconomique et la nature des liens entretenus le milieu de la consommation. Il faut cependant noter que ces différences ne sont pas marquées, elles s’esquissent dans la nuance. Ainsi, le fait de consommer se présente bien comme le facteur qui amène des personnes d’horizons et de situations différentes à devoir se côtoyer au sein du milieu de la consommation. Intégration

Emploi Lien sociaux plutôt forts

Précarité compensée Aide protection sociale

Liens sociaux forts

Vulnérabilité Aide protection sociale

Liens sociaux très faibles

Désaffiliation Débrouille

Liens sociaux faibles

Con

som

mat

ions

- Poly consommation - Moins de traitement de

substitution

- Poly consommation - Traitement de substitution

- Poly consommation - Traitement de

substitution

- Poly consommation - Moins de traitement de substitution

- Conso espace privé

- Liens autres consommateurs

- Perception mitigée des abords de Quai 9

- Conso plutôt espace privé

- Liens autres consommateurs

- Les abords de Quai 9 pour la rencontre

- Conso plutôt espace public

- Liens consommateurs de Quai 9

- Attachement à l’égard des abords de Quai 9

- Conso espace public - Liens consommateurs de Quai 9

- Défiance à l’égard des abords de Quai 9

Situations d’intégration

Une certaine distance avec la «scène» qui jouxte Quai 9 Les personnes en situation d’intégration ont tendance à être sous-représentées parmi la part des usagers qui suivent un traitement de substitution. Lorsqu’elles ne peuvent accéder au Quai 9, elles ont tendance à privilégier plutôt des espaces privés pour consommer. Une partie d’entre elles consomme aussi sur son lieu de travail. Leurs relations de soutien avec des personnes dans le milieu de la consommation se tissent avec des personnes ne fréquentant pas Quai 9. D’une manière générale, même si elles sont amenées à fréquenter les abords du Quai 9, elles nuancent les affirmations selon lesquelles elles viennent pour y rencontrer du monde ou pour s’y procurer des produits.

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Situations de précarité compensée

Des sociabilités qui se tissent aussi autour du Quai 9 Près de trois quarts de ces personnes sont au bénéfice d’un traitement de substitution. Comme les personnes en situation d’intégration, ces usagers utilisent plutôt des espaces privés lorsque Quai 9 ne leur est pas accessible. Elles sont en contact dans la même proportion que les personnes en situation d’intégration avec des consommateurs qui ne fréquentent pas Quai 9, mais un tiers d’entre elles entretient aussi des liens avec d’autres usagers du Quai 9.

Situations de vulnérabilité

Pouvoir rencontrer du monde aux abords du Quai 9 Trois quarts de ces usagers sont au bénéfice d’un traitement de substitution. Dans une proportion moindre que les personnes en situation de précarité compensée, elles entretiennent des liens avec des personnes consommatrices au Quai 9 et hors du Quai 9. 40 % de ces usagers pensent que les abords du lieu sont plutôt un bon endroit pour se poser et 62 % disent qu’il est possible d’y rencontrer du monde. Ces éléments peuvent sans doute être mis en relation avec le fait que ces personnes rencontrent, rappelons-le, des difficultés à occuper leurs journées.

Situations de désaffiliation

Un certain ancrage parmi les usagers du Quai 9, mais un rapport nuancé avec les abords du lieu La part des personnes en situation de désaffiliation qui bénéficient d’un traitement de substitution est largement sous représentée puisque seule la moitié d’entre-elles est mesure de suivre un tel traitement. Ce constat peut évidemment être mis en relation avec leurs difficultés à accéder au système de soin. En matière de relation au sein du milieu de la consommation, 41 % de ces personnes mettent en avant la possibilité des soutiens d’autres usagers du Quai 9. En revanche, elles sont relativement nuancées quant au rapport qu’elles entretiennent avec les abords du lieu. Elles ont tendance à considérer que ce n’est pas un bon endroit pour se poser. Ceci sans doute, car elles expriment aussi le sentiment marqué que c’est un endroit qui fait l’objet de fréquents contrôles de police.

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Tableau synthétique du rapport avec le milieu de la consommation:

Intégration Précarité compensée Vulnérabilité Désaffiliation

Traitement de substitution 61 % 73 % 75 % 53 % Autres lieux de conso que Quai 9:

Uniquement Privé 24 % 22 % 22 % 10 % Plutôt privé 33 % 33 % 18 % 17 % Plutôt rue 29 % 29 % 37 % 37 % Uniquement Rue 14 % 15 % 22 % 37 % Soutien conso Quai 9 9 % 31 % 24 % 41 % Soutien autres conso 43 % 45 % 36 % 33 % Autour de Quai 9: Se poser (plutôt oui) 30 % 21 % 16 % 28 % Se poser (oui, tout à fait) 9 % 14 % 26 % 10 % Rencontrer du monde (plutôt oui) 22 % 20 % 32 % 14 %

Rencontrer du monde (oui, tout à fait) 17 % 34 % 30 % 14 %

Se procurer des produits (plutôt oui) 48 % 20 % 22 % 14 %

Se procurer des produits (oui, tout à fait) 35 % 58 % 58 % 62 %

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7 Usages du Quai 9 Depuis plus de quinze ans, le Quai 9 poursuit sa mission première qui consiste à réduire les risques sanitaires pour et auprès des personnes usagères de drogues en leur offrant un espace de consommation sécurisant et encadré par le conseil de professionnels.

7.1 La prise en considération de la globalité de la personne L’accès à cet espace se fait par le biais d’un travail social d’accueil qui repose sur des principes communément admis pour la pratique de l’action sociale en milieu ouvert:

- Accès universel, toute personne peut accéder à la prestation dont elle a besoin indépendamment de sa situation sociale ou de son statut.

- Libre adhésion, la personne a le choix de venir et de repartir, de prendre ou non ce qui lui est proposé.

- Respect de l’anonymat des personnes pour autant qu’elles aient renseigné les

éléments utiles à leur situation sanitaire et sociale.

- Encadrement par des règles qui garantissent le bon fonctionnement de la vie collective dans l’espace et l’intégrité des personnes qui s’y rendent.

Ces principes servent de socle à une philosophie générale de l’action du Quai 9 qui consiste à prendre en considération la globalité des personnes et de leur situation. Ainsi les personnes qui se rendent au Quai 9 seront à même de trouver un soutien pour toutes les questions liées à la pratique de leur consommation, mais aussi à l’ensemble des questions liées à leur situation personnelle et sociale. Dans cette perspective, il est alors possible de distinguer les deux axes qui étayent l’action du Quai 9:

- le soutien à la consommation de la personne pour prévenir les risques sanitaires

- le soutien à la situation de la personne pour prévenir les risques sociaux.

7.2 Le lien de confiance pour soutenir les besoins sanitaires et sociaux Le travail social effectué sous l’égide de principe de libre adhésion a ceci de particulier qu’il requiert l’établissement d’un lien de confiance entre l’usager et les travailleurs sociaux susceptibles de répondre à ses besoins. A Quai 9, ce lien de confiance se tisse entre les usagers et les membres de l’équipe, à la fois en parallèle et en marge du processus formel d’accès à l’espace de consommation qui consiste à venir prendre un ticket et attendre qu’une place se libère. Loin de la simple gestion d’une file d’attente, l’action des membres de l’équipe consiste à personnaliser l’accueil de chacun et ceci malgré le nombre souvent élevé d’usagers qui se pressent au comptoir.

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Cette personnalisation de l’accueil se joue dans un même mouvement d’observation et d’interaction. Il s’agit pour l’équipe d’être en mesure de se rendre compte de la situation de la personne, de son état, de son humeur du jour tout en lui montrant, dans le même temps, qu’elle est reconnue et bienvenue. Ces témoignages de reconnaissance peuvent prendre la forme d’un regard, d’un geste ou d’une phrase échangée sur le ton de la confidence, de l’humour ou encore du rappel discret à la règle. Pour l’équipe en place en salle d’accueil, tout comme pour l’équipe présente en salle de consommation, c’est dans l’activité même du lieu que se déploie en permanence ce mécanisme d’interaction personnalisée avec les usagers. Jour après jour, c’est à partir de ces contacts informels que se tisse le lien de confiance, un lien de confiance qui permettra de faire émerger la demande de soutien de la part de l’usager.

7.3 Raisons de la venue au Quai 9 Une batterie de questions assez détaillée visait à mettre en lumière les différentes raisons que les usagers ont de se rendre au Quai 9 en regard des différentes formes de soutien proposées dans le lieu. L’analyse des réponses nous permet de distinguer ici les dimensions liées à l’accueil, à la prévention des risques sanitaires et à la prévention des risques sociaux.

Un accueil à intervalles très réguliers et qui se décline dans la durée Près de 80 % des usagers sont sensibles à l’accueil proposé par l’équipe. Il est possible que les nuances apportées par le recours au plutôt oui, ou au plutôt non soient liées en partie au fait que c’est dans la dimension de l’accueil qu’intervient le rappel aux règles du lieu. En effet, si l’accueil est le support privilégié des interactions et des relations personnalisées, c’est aussi dans ce cadre que sont signifiées les interdictions ou les contraintes liées au règlement. Ainsi, il faut parfois attendre avant d’entrer en salle, laisser sa boisson alcoolisée à l’extérieur ou redemander un ticket si l’on n’a pas indiqué correctement le produit destiné à être consommé. Il est important de constater que cet accueil balise des interactions très fréquentes entre les usagers et l’équipe, puisque 40 % des usagers déclarent venir tous les jours et que 36 % d’entre eux viennent en tous cas une fois par semaine. De plus, l’étude de la «main courante» des demandes de passages en salle de consommation et nos observations dans le lieu montrent que bon nombre d’usagers reviennent à plusieurs reprises dans la même journée.

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Cet accueil très fréquent s’inscrit dans la durée. Si Quai 9 est en capacité d’accueillir de nouveaux usagers (180 nouveaux inscrits en moyenne par année), une part importante d’entre eux se rend régulièrement dans le lieu pendant de nombreuses années. A ce propos, nos données font état de durées de fréquentation du lieu particulièrement longues. Sans que cela soit une règle absolue, la fréquence de l’usage du Quai 9 a tendance à baisser avec l’ancienneté. Ainsi 60 % des usagers inscrits depuis moins de 3 ans déclarent venir quotidiennement. Cette proportion n’est que de 30 % parmi les usagers les plus anciens.

Un lien de confiance solide Ces fréquences élevées d’utilisation du lieu inscrites dans une longue temporalité peuvent être expliquées par le rapport que les personnes entretiennent avec la consommation, mais dans le même temps elles permettent au lien de confiance entre les usagers et l’équipe de s’établir et de se solidifier. Un lien de confiance qui sert de socle au déploiement du soutien sociosanitaire dans la durée. Ces relations établies dans la durée entre les usagers et Quai 9 et son équipe portent leurs fruits et montrent leur efficacité puisque 92 % des usagers ont le sentiment que les professionnels de Quai 9 sont susceptibles de leur apporter du soutien.

Le soutien à la consommation de la personne pour prévenir les risques sanitaires En matière de réduction des risques sanitaires, les résultats sont sans appel puisque la quasi-totalité des personnes déclare se rendre au Quai 9 pour consommer dans de bonnes conditions d’hygiène, sans stress et à l’aide de matériel stérile.

Face à ces résultats, le travail effectué en salle de consommation prend tout son sens, car il permet à l’évidence de prévenir les risques sanitaires par la mise à disposition de matériel,

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mais aussi d’entrer en relation avec les personnes dans un environnement qui les met à l’abri du stress. Si le travail en salle de consommation constitue un support essentiel pour dispenser des conseils en matière sanitaire, il permet aussi de recueillir des demandes à caractère social qui pourront être reprises par la suite en salle d’accueil.

Le soutien à la situation de la personne pour prévenir les risques sociaux. En salle d’accueil, la commande d’un café au bar, la demande de pouvoir utiliser la douche, les interrogations parfois pressantes de savoir s’il reste des sandwichs mis à disposition par la boulangerie voisine sont autant d’occasions pour l’équipe de s’enquérir de la situation des usagers. Ce souci de la situation de la personne, de son état actuel, se manifeste sur un mode informel, au fil de la conversation et de manière non intrusive. Il s’agit alors de discuter du fait qu’un usager n’a que des pièces de vingt centimes pour payer son café, comprendre l’inquiétude liée à une allergie de peau constatée au sortir de la douche, ou encore demander quand la personne a pris son dernier repas. C’est à partir de ces échanges informels que la demande de soutien des usagers peut émerger: celui qui n’a plus que des pièces de vingt centimes finira par sortir un papier froissé de sa poche en indiquant qu’il ne sait plus quoi faire avec ce commandement de payer son loyer, la personne inquiète de l’état de sa peau demandera quand le médecin fera une permanence dans la salle de soins, et celui qui n’a pas encore eu l’occasion de prendre un repas se verra rassuré par la perspective de la livraison prochaine des invendus de la boulangerie. Les professionnels de l’équipe présents en salle d’accueil peuvent répondre dans l’instant à une partie de ces demandes, par un conseil, une recommandation, un encouragement. L’autre partie de ces demandes nécessite une réponse plus complexe, du temps, et un environnement plus calme que la ruche de la salle d’accueil pour bien les comprendre. Dans ces cas-là, l’équipe de la salle d’accueil passe le relais aux travailleurs sociaux du Pôle. La personne sera alors accompagnée jusqu’au perron pour qu’on lui montre les locaux du Pôle situé à l’étage ou plus simplement un travailleur social du Pôle descendra en salle d’accueil pour établir le contact. Nos résultats montrent l’importance que les usagers accordent à la dimension de ce soutien social proposé par l’équipe du Quai 9.

80 % d’entre eux se rendent au Quai 9 pour pouvoir y bénéficier de soin et dans une proportion à peine moins importante pour y trouver des conseils ou un accompagnement dans leurs démarches ou encore pour manger ou boire quelque chose. Chaque usager est amené à rester en salle d’accueil le temps qu’une place se libère, mais une partie d’entre eux y passe une part importante de la journée. Ces derniers utilisent le lieu comme un espace de sociabilité, un peu à l’image d’un café de quartier, où il est possible

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d’être au chaud, de lire un journal et de discuter de l’air du temps avec les autres personnes présentes.

Ce type d’usage du lieu apparaît comme partagé puisque 40 % des usagers disent investir le lieu comme un espace de sociabilité en y passant du temps, à défaut généralement d’avoir un autre espace dans lequel passer sa journée, alors que les autres y restent le temps de pouvoir avoir accès à la salle de consommation. Un dernier élément montre que les usagers mettent clairement en avant l’importance de pouvoir consommer en étant à l’abri d’un contrôle de police. Ceci contribue sans doute à réduire le stress lié à ce type de contrôle, mais aussi le risque de se voir amender. Nos observations dans le lieu ont montré que les amendes sont source d’inquiétude pour les consommateurs puisqu’elles sont de nature à impacter leur budget et source de problèmes administratifs lorsqu’elles ne sont pas réglées dans les temps.

Une équipe du Quai 9 qui soutient l’ensemble des usagers, quelle que soit sa situation socio-économique Le très large taux d’affirmation à l’égard du sentiment de soutien que peut leur procurer l’équipe du Quai 9 montre que cette dernière est parvenue à établir un lien de confiance avec l’ensemble des usagers, et ceci indépendamment de leur situation socio-économique6. La quasi-unanimité des réponses positives liée à l’importance de pouvoir se rendre dans ce lieu afin de réduire les risques sanitaires liés à la consommation met clairement en lumière le fait que cette dimension de prévention est parfaitement intégrée par l’ensemble des usagers, quelle que soit sa condition. Il s’agit là sans doute d’un résultat essentiel en matière de santé publique porté par les fruits d’une action engagée depuis plus de quinze ans. Les résultats très élevés qui témoignent de l’importance du Quai 9 comme support de soutien social sont, eux aussi, l’expression d’usagers qui se situent dans les différentes catégories de situation socio-économiques que nous avons définies. A ce propos, nos données quantitatives permettent de mettre en évidence quelques nuances quant au type de recours à ce soutien social en fonction de leur situation, mais que de manière imparfaite. Pour bien comprendre, l’importance différenciée de ce soutien social en regard de leur situation socioéconomique, il est nécessaire de nous appuyer sur nos observations de terrain. Ainsi deux exemples permettent de saisir cette distinction: 6 A ce propos, il faut rappeler que notre base comporte une sous-représentation des personnes qui fréquentent Quai 9 que de manière occasionnelle et qui ne sont pas, ou pas encore en lien avec l’équipe.

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- La possibilité de manger quelque chose à Quai 9 est considérée comme importante

pour des usagers en situation d’intégration comme pour des usagers isolés en situation de vulnérabilité. Pour les premiers, prendre un sandwich au bar permettra de se restaurer dans une journée rythmée par la nécessité de venir rapidement au Quai 9 après une journée de travail, pour les autres, ce sandwich constituera peut-être le repas principal de la journée.

- Il en va de même pour le recours au soin. Une personne soutenue par ailleurs médicalement profitera de son passage au Quai 9 pour désinfecter une petite plaie, alors qu’une personne sans soutien médical et dans un état de santé très dégradé pourra être prise en charge par le médecin de permanence ou orientée rapidement vers un service d’urgence.

Dès lors, il est possible d’affirmer que pour les personnes en situation d’intégration et de précarité compensée, le soutien social du Quai 9 vient compléter le soutien offert par d’autres supports et contribue ainsi grandement à la stabilité de leur situation. Pour les personnes en situation de vulnérabilité et plus encore pour les personnes désaffiliées, ce soutien prend une forme essentielle, qui s’apparente dans certains cas à de l’aide à la survie.

7.4 L’équipe du Pôle, un relais pour l’action sociale initiée au Quai 9

Améliorer sa situation à plus long terme Cette différence en matière de recours à des intensités de soutien social différenciées en fonction de leurs situations socio-économiques se retrouve lorsqu’on aborde la question des besoins ou des envies de projets que les usagers expriment pour améliorer leur situation à plus long terme. L’ensemble des usagers souhaiteraient être en mesure de mieux gérer leur consommation, mais les projets de changements liés à leur situation sociale dépendent précisément de cette situation sociale. En d’autres termes, lorsque les usagers constatent un manque lié à leur situation, sur un plan organique (revenu, emploi), sur un plan social (liens familiaux et amicaux) ou sur le plan de l’accès aux droits et à des prestations, ils manifestent quasiment unanimement la volonté de pouvoir améliorer leur situation.

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Le Pôle pour prendre le relais de Quai 9 Dans cette perspective, l’action de l’équipe du Pôle dont la mission consiste à prendre le relais des demandes de soutien social qui émergent au Quai 9 prend tout son sens. L’équipe du Pôle est en mesure d’accompagner les usagers par des actions ponctuelles, par exemple par le soutien à la réalisation d’une tâche administrative ou l’orientation personnalisée vers un partenaire du réseau institutionnel genevois, mais elle peut aussi déployer des accompagnements à plus long terme. Ce type d’accompagnements permet une prise en charge globale de la situation de l’usager. Cette prise en charge apparaît comme particulièrement importante lorsqu’il s’agit d’aborder de manière concertée des situations particulièrement complexes liées au cumul de difficultés (Gamma, 2015). Ainsi accompagner une personne vers une «sortie de la rue» nécessitera la recherche d’un logement, mais dans le même temps il s’agira de travailler sur la situation administrative de la personne, sur sa capacité à retrouver le soutien financier d’une institution sociale ou encore de renouer des liens avec des personnes qui ne sont pas dans la rue. Le recoupement de nos données avec la liste des usagers suivis par le Pôle met en lumière que l’action de cette équipe se déploie sur les catégories d’usagers qui ont le plus de besoins.

7.5 Entre soutien social complémentaire et soutien essentiel La large adhésion de l’ensemble des catégories d’usagers à la proposition de réduction des risques constitue à l’évidence un acquis majeur en terme de politique de santé publique. C’est sur ce support des liens noués autour de la consommation dans un cadre sécurisant que les propositions de soutien social offertes par l’équipe du Quai 9 dans un premier temps et par le Pôle ensuite peuvent se déployer. Pour les personnes en situation d’intégration et de précarité compensée ce soutien social s’inscrit dans une complémentarité avec les autres supports de soutien dont ces personnes bénéficient. L’action sociale du Quai 9 participe alors au renforcement de la stabilité de leur situation. Pour les personnes en situation de vulnérabilité et de désaffiliation, ce soutien prend un caractère essentiel. L’équipe du Quai 9 se présente souvent comme le premier interlocuteur pour recevoir une demande et son étroite collaboration avec l’équipe du Pôle permet le déploiement d’un soutien social qui apporte des réponses, dans la durée, aux situations sociales complexes.

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Intégration Emploi

Lien sociaux plutôt forts

Précarité compensée Aide protection sociale

Liens sociaux forts

Vulnérabilité Aide protection sociale

Liens sociaux très faibles

Désaffiliation Débrouille

Liens sociaux faibles

Usa

ges

de Q

uai 9

- Moins anciens au Quai 9

- Fréquentation pluri hebdomadaire

- A Quai 9 pour la réduction des risques sanitaires

- Plus anciens au Quai 9 - Fréquentation pluri hebdomadaire

- A Quai 9 pour la réduction des risques sanitaires

- Plus anciens au Quai 9 - Fréquentation pluri

hebdomadaire - A Quai 9 pour la

réduction des risques sanitaires

- Moins anciens au Quai 9

- Fréquentation quotidienne

- A Quai 9 pour la réduction des risques sanitaires

- Soutien social de Quai 9 pour stabiliser leur situation

- Soutien social de Quai 9 pour stabiliser leur situation

- Soutien social de Quai 9 essentiel pour pallier à leurs difficultés relationnelles

- Soutien social de Quai 9 indispensable pour pallier à leurs difficultés multiples

- Souhait de projets pour renforcer leur stabilité

- Souhait de projets pour mieux occuper leur temps

- Souhait de projets pour renouer des relations sociale

- Souhait de nombreux projets pour sortir de la désaffiliation

Situations d’intégration La contribution de Quai 9 au maintien de leur situation d’intégration Les personnes en situation d’intégration sont parmi les moins anciennes au Quai 9 qu’elles fréquentent généralement plusieurs fois par semaine. Particulièrement attachées à la proposition de réductions des risques sanitaires, elles sont aussi très sensibles à l’accueil de part de l’équipe. Leurs besoins de soutien sont diversifiés et les réponses trouvées au Quai 9 contribuent à stabiliser leur situation. Les personnes en situation d’intégration n’ont recours au soutien proposé par le Pôle que de manière ponctuelle et très marginale. Il faut tout de même relever que la moitié d’entre elles souhaiteraient améliorer la stabilité de leur emploi.

Situations de précarité compensée La contribution du Quai 9 à la stabilisation de leur situation Les personnes en situation de précarité compensée sont en lien avec Quai 9 depuis de très nombreuses années. Ils se rendent dans le lieu régulièrement. Leurs besoins de soutien sont diversifiés et le support du Quai 9 vient compléter les assez larges soutiens dont ils bénéficient dans leur entourage ou par le biais d’autres institutions. Cet état de fait les conduit sans doute à n’avoir que peu besoin des accompagnements proposés par le Pôle. En matière de projets, la question de la meilleure occupation de leur journée se présente comme le souhait le plus saillant.

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Situations de vulnérabilité La contribution du Quai 9 comme essentielle à leur inscription sociale Les personnes en situation de vulnérabilité sont elles aussi parmi les plus anciens usagers du Quai 9 où ils se rendent plusieurs fois par semaine. Leurs raisons de venir au Quai 9 sont d’abord liées à des besoins relationnels, plus de la moitié d’entre elles indiquent ne pas avoir d’autres endroits où aller. Elles sont aussi nombreuses à être sensibles à la possibilité d’y manger quelque chose ou de recevoir des soins. Plus d’un tiers d’entre eux bénéficie du soutien du Pôle que ce soit pour des appuis ponctuels ou des accompagnements à plus long terme. Leur volonté d’améliorer leur situation se cristallise autour des dimensions relationnelles. Elles aimeraient ainsi renouer avec des personnes hors du milieu de la consommation ou dans une très large majorité être en mesure de mieux occuper leurs journées.

Situations de désaffiliation La contribution du Quai 9 comme indispensable à la conduite de l’existence au quotidien Les personnes en situation de désaffiliation sont parmi les moins anciennes au Quai 9. Plus de la moitié d’entre elles s’y rend quotidiennement. Leurs raisons de venir à Quai 9 ne sont pas d’ordres relationnels, mais liés à la possibilité de subvenir à leurs besoins de base en matière de soin et à la possibilité d’être accompagnées dans les démarches qu’elles sont appelées à effectuer. Pour ces personnes, le lien établi avec l’équipe du Quai 9 et le relais offert par le Pôle représentent sans doute le moyen principal de bénéficier d’un accompagnement social. En cela, l’action de Quai 9 se présente comme indispensable à la conduite de leur existence au quotidien. Plus d’un tiers d’entre elles sont au bénéfice d’un appui du Pôle. Nos résultats font état d’une volonté très marquée de mettre en œuvre des projets multiples qui leur permettraient de sortir de cette situation de désaffiliation. A cet égard, le Pôle doit être en mesure de mener de manière conjointe des démarches visant à progresser en parallèle pour faire face aux difficultés multiples que rencontre cette population. L’absence de statut légal qui concerne plus de la moitié de ces personnes constitue sans nul doute le principal obstacle à une action sociale visant à permettre à ces personnes d’évoluer dans une certaine stabilité.

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Tableau synthétique du rapport avec Quai 9:

Intégration Précarité compensée

Vulnérabilité Désaffiliation

Durée de fréquentation: Moins de 3 ans 30 % 16 % 28 % 40 % De 4 à 10 ans 48 % 41 % 29 % 47 % Plus de 10 ans 22 % 43 % 43 % 13 % Fréquence: Tous les jours ou presque 32 % 37 % 35 % 60 % Raisons: Accueil 91 % 79 % 79 % 70 % Rencontrer du monde 49 % 55 % 60 % 33 % Soins 65 % 77 % 79 % 90 % Manger quelque chose 48 % 63 % 79 % 63 % Pas d’autre endroit où aller 22 % 39 % 56 % 40 % Accompagnement démarche 61 % 63 % 67 % 77 % Projets: Revenu stable par l’emploi 52 % 66 % 65 % 90 % Revenus par ateliers d’insertion 29 % 59 % 52 % 63 %

Logement stable 35 % 39 % 53 % 90 % Liens familiaux 22 % 26 % 45 % 44 % Liens amis non consommateurs 44 % 52 % 75 % 53 %

Mieux occuper sa journée 52 % 73 % 87 % 70 % Sortir de la rue 17 % 23 % 23 % 73 %

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8 Situations des usagers du Quai 9 résidant en France et des personnes sans papiers

Notre étude vise également à éclairer les interrogations du mandant concernant les personnes usagères de drogues ne résidant pas officiellement à Genève. Il s’agit des personnes établies dans les régions françaises limitrophes et des personnes de nationalité extraeuropéenne sans permis de séjour. Pour cela, nous avons d’une part recueilli un ensemble de données factuelles détaillées sur les situations des personnes et leur parcours «migratoire». Il est toujours délicat de recueillir à travers un questionnaire des informations concernant le parcours «migratoire». Il s’agit de données qui sont moins propices à être segmentées en différentes variables et modalités. Il faut donc avoir recours à plusieurs questions qui doivent être traitées conjointement pour représenter une certaine réalité. Par exemple, nous avons essayé de distinguer le lieu du domicile légal qui détermine l’accès à certaines prestations, des lieux fréquentés régulièrement par les personnes. Cette perspective est importante pour aborder une région comme le Grand Genève dans laquelle les frontières cantonales et nationales s’effacent au profit d’une grande mobilité métropolitaine que les tous les habitants sont amenés à expérimenter au quotidien (Baranzini, Schaerer & Emad, 2018) D’autre part, il nous a semblé indispensable de relever des aspects plus subjectifs pour approcher les motivations personnelles à venir dans la région, notamment à travers des questions sur la perception de l’environnement général (emploi, logement, …) et spécifique au contexte (marché des substances, structures sociosanitaires. ) Les résultats ci-dessous font appel au modèle développé précédemment, car il permet à notre sens d’éclairer une partie de la question. Nous recourrons également à d’autres analyses complémentaires, plus spécifiquement en lien avec les variables de résidence des usagers.

8.1 Répartition des résidents français et des personnes sans permis en fonction de leur situation

Les personnes résidant de manière officielle en France voisine représentent un peu moins d’un quart de notre échantillon. Les personnes sans papier de nationalités extra européennes résidant en Suisse représentent environ un usager sur dix. Nous avons largement documenté les usages et caractéristiques des usagers selon les catégories de leur inscription socio-économique. Le tableau suivant montre comment les résidents français se répartissent dans ces catégories, en comparaison avec les résidents genevois, ainsi que les résidents d’autres cantons.

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Nous constatons en premier lieu que les résidents français se répartissent assez uniformément entre les différentes catégories. Comparativement à l’ensemble des usagers, le groupe des résidents français est marqué par une surreprésentation dans les deux positions à l’extrémité de notre échelle:

- On compte une proportion d’un tiers de personnes en situation de désaffiliation parmi les résidents français (contre 10,5 % pour les résidents genevois),

- 21,6 % des résidents français appartiennent à la catégorie des intégrés (la proportion est le double de celle des résidents suisses),

- A contrario, les résidents français sont, en tendance, moins fréquemment dans les

situations de vulnérabilité ou de précarité compensée. Les responsables de la structure de Prévention des addictions APRETO qui œuvre en France voisine valident ce constat (entretien du 15.11.2017). Ils relèvent que les personnes en situation de précarité compensée et de vulnérabilité sont bien inscrites dans le tissu local et n’ont que peu de raisons de se rendre à Genève. Il en va autrement des personnes en situation de désaffiliation qui rencontrent des difficultés d’intégration et qui ont tendance à se rapprocher du centre urbain de la région. Ces personnes rencontrent aussi des difficultés de mobilité qui limite leur capacité à faire des allers-retours entre le centre urbain genevois et la France voisine. La présence à Genève des personnes en situation d’intégration est, quant à elle, probablement liée à leur activité professionnelle sur le territoire du canton Contrairement aux personnes résidant en France, les personnes de nationalité extraeuropéenne sans statut légal se retrouvent en majorité en situation de désaffiliation.

8.2 Effets spécifiques au lieu de résidence et au statut Nos analyses reposent sur l’hypothèse que l’inscription socio-économique constitue une variable déterminante pour les différentes pratiques et usages déclinés dans notre étude. Pour répondre à la question posée par le comité de pilotage, il faut investiguer si des variations sont observées entre les pratiques et les caractéristiques des résidents français par rapport à celles des autres usagers7.

7 Dans l’idéal, une analyse statistique quantitative pourrait permettre d’identifier les contributions d’autres variables pertinentes et fournir ainsi un modèle explicatif. De par les orientations méthodologiques prises et les contraintes, notamment au niveau de la taille de l’échantillon et de la population d’étude, il n’est pas possible de recourir à ce type de méthodologies statistiques. Nous avons effectué quelques analyses exploratoires sous forme d’analyse croisée avec variable de contrôle.

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Situation

La prévalence de l’inscription sociale et économique Nous avons cherché à analyser les effets du lieu de résidence sur les différentes dimensions de la situation sociale relevées dans notre étude. Notre analyse n’a pas identifié beaucoup de corrélations positives. En d’autres termes, les variations semblent plus liées à l’inscription économique et sociale des personnes (marquée par leur positionnement dans notre typologie), qu’à leur lieu de résidence. Ce constat est particulièrement marqué pour les personnes sans papiers qui ne se distinguent des autres usagers en situation de désaffiliation que par leur incapacité à accéder au système de protection sociale en raison de l’absence de statut. Les résidents français ne se distinguent pas non plus des autres usagers dans la même situation économique et sociale Cependant, deux éléments saillants peuvent être relevés. Les résidents français sont moins fréquemment au bénéfice de traitement de substitution (moins de la moitié, contre ¾ des résidents en Suisse). A ce sujet, nous pouvons faire l’hypothèse que l’offre de tels traitements en elle-même est moins abondante dans la région frontalière. En outre, l’accès à un tel traitement est rendu encore plus difficile par la mobilité entre France voisine et Genève, notamment au niveau des droits en lien avec les différents types de couverture santé. Nous avons aussi constaté quelques différences entre les résidents suisses et français en situation de vulnérabilité qui, pour rappel, disposent de revenus de type «protection sociale». Or, la nature et les modalités de ces revenus peuvent différer selon les pays. Ils recoupent à la fois des prestations d’aide sociale, d’allocations et des prestations d’assurances (chômage, invalidité, accidents).

Genève Autres cantons

France Sans papier

Inscription sociale: Intégration 11 % 19 % 22 % 11 % Précarité compensée 41 % 43 % 19 % 11 % Vulnérabilité 38 % 29 % 27 % 6 % Désaffiliation 11 % 10 % 32 % 72 %

Santé: Traitement substitution 79 % 73 % 46 % 68 % Usages Q9: Raison: accueil professionnels 80 % 64 % 86 % 70 % Raison: conseils et infos 70 % 64 % 78 % 85 % Raison: accompagnement démarches 64 % 55 % 78 % 80 %

Raison: conditions conso 87 % 100 % 100 % 100 % Raison: matériel 87 % 86 % 89 % 90 % Raison: soins 75 % 77 % 84 % 90 %

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Une partie des résidents français placés dans la catégorie des vulnérables (avec un revenu de «protection sociale») se rapprochent des personnes en situation de désaffiliation du point de vue de leurs caractéristiques ou de leurs usages:

- Ils sont tendanciellement plus jeunes - Leur logement est plus instable (changements fréquents ou dans la rue), de même

que leur lieu de consommation - Ils sont plus demandeurs d’un accompagnement social de la part de Quai

Quai 9 L’intérêt pour la réduction des risques Du point de vue de leurs attentes et usages de Quai 9, les résidents français se distinguent peu des résidents genevois. Comme l’ensemble des utilisateurs, ils valorisent les différentes missions sanitaires et sociales de la structure. Ils sont particulièrement favorables à la dimension de réduction des risques, peut-être en lien avec l’absence de structure accessible dans leur lieu de domicile. Ces usagers sont également très sensibles aux prestations d’accueil et d’accompagnement dans les démarches. Ils sont également en général demandeurs de prestations de conseils et d’informations.

8.3 Usages de Genève et du Grand Genève Les questions portant sur le parcours, ainsi que sur des aspects de perception liée à la région, nous permettent d’approcher leur positionnement à l’égard de l’attractivité de Genève. Les résultats sont synthétisés dans le tableau ci-dessous. Les commentaires suivent concernant les différentes dimensions des usages.

Genève Autres cantons

France Sans papier

Durée résidence: Depuis toujours 42 % 17 % 25 % 11 % Plus de 10 ans 39 % 50 % 22 % 33 % Depuis 5 à 10 ans 15 % 11 % 16 % 22 % Depuis moins de 5 ans 4 % 22 % 38 % 33 % Raisons venue région GE: Trouver du travail 25 % 27 % 49 % 68 % Suivre/rejoindre famille 35 % 18 % 14 % 16 % Améliorer qualité de vie 22 % 32 % 19 % 58 % Etre en sécurité 14 % 27 % 16 % 32 % Consommer plus facilement 1 % 41 % 8 % 10 % Rejoindre connaissances 3 % 0 % 14 % 26 % Lieux fréquentés: Ville de Genève 91 % 73 % 89 % 90 % Ailleurs à Genève 31 % 27 % 14 % 25 % Vaud et autres cantons 5 % 59 % 8 % 10 % France voisine 4 % 0 % 46 % 5 % Autre 2 % 0 % 8 % 5 %

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Durée de résidence dans la région Une région qui attire de nouveaux habitants Un quart des résidents français de notre échantillon sont nés dans la région, alors qu’un peu plus d’un tiers est s’y est installé récemment, certainement du fait d’une migration interne à la France. Ces chiffres sont comparables à ceux de la population globale dans la région transfrontalière. De la même manière, un peu plus d’un tiers des personnes de nationalités extraeuropéennes sans permis sont à Genève depuis moins de cinq ans.

Raisons de s’installer dans la région Trouver du travail et avoir une meilleure qualité de vie Parmi les différentes raisons possibles de s’établir dans la région, les résidents français mentionnent fréquemment (la moitié d’entre eux) la volonté de trouver un travail. Nous ne constatons pas chez les résidents français d’attractivité marquée liée à la facilité de consommation. Contrairement aux résidents d’autres cantons, Vaud en particulier, pour lesquels l’attractivité de Genève serait liée à un prix moins élevé du produit, à la possibilité d’y trouver un peu d’anonymat, propre aux grands centres urbains. En ce qui concerne les extraeuropéens sans papiers les raisons de venir s’installer à Genève sont similaires avec des effets encore plus marqués. 70 % d’entre eux sont venus pour trouver du travail et dans une proportion quasi équivalente avoir une meilleure qualité de vie. Le fait de suivre des connaissances et d’être en sécurité constituent également des raisons plus fréquemment citées. Pour ces derniers, l’attrait d’une consommation plus aisée est marginal. Les raisons d’établissement sont également différentes en fonction du positionnement sur notre modèle. Les personnes en situation d’intégration ont un parcours lié à une perspective de travail ou d’amélioration financière. Ce qu’elles ont pu obtenir, car elles travaillent effectivement. Les principales raisons de la venue dans la région sont similaires pour les personnes en situation de désaffiliation, mais ces dernières n’ont pas pu mener à bien leurs ambitions. De fait, elles font figure de perdantes de l’attractivité économique de la région.

Mobilités à l’interne de la région L’attrait du centre urbain de la région Les pratiques de mobilité des usagers résidents français sont caractérisées par une fréquentation importante du territoire du centre-ville de Genève (89 %), ainsi que de la France voisine (46 %). Ce qui permet de prendre la mesure du pouvoir d’attraction du centre urbain.

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Dans le détail, nous pouvons distinguer différents profils de mobilité:

- Celui de «frontalier», mobile entre Genève et la France, il correspond à un tiers des personnes avec une résidence officielle en France.

- Celui de situations de personnes «bloquées dans le centre urbain de la région». Il

correspond à environ 40 % des personnes officiellement domiciliées en France, mais qui fréquentent prioritairement le centre-ville de Genève sans rentrer régulièrement en France. Il s’agit essentiellement de personnes en situation de désaffiliation.

Cette même analyse effectuée à partir des variables de notre typologie d’inscription économique et sociale permet de constater que les usagers en situation de désaffiliation et de vulnérabilité ont un usage du territoire plus resserré, centré sur la ville de Genève. Les personnes en situation de précarité compensée ou d’intégration connaissent un taux de mobilité plus important au-delà de la Ville de Genève.

Représentations de Genève

Un certain attrait pour les «qualités» de l’urbain Les résidents français ont une perception de l’anonymat procuré par le centre urbain similaire à celle des résidents locaux, alors que les résidents vaudois semblent plus sensibles à cette dimension. Les personnes sans permis ne se distinguent pas sur cette question. A noter tout de même que les personnes en situation de désaffiliation n’ont pas le sentiment que Genève leur procure un certain anonymat, sans doute en raison d’une forme de réaction sociale à leur présence dans l’espace public. En matière d’animation de la vie nocturne, les résidents français et d’autres cantons émettent un avis plus positif sur l’offre de Genève à cet égard que les «locaux», ce qui n’est pas le cas des personnes sans permis. Sur la question des opportunités de faire la manche à Genève, ce sont les résidents d’autres cantons qui sont plus affirmatifs. Les résidents français et les personnes sans permis ne se distinguent pas particulièrement.

Genève Autres cantons

France Sans papier

Représentations Genève: Se fondre dans la masse 62 % 86 % 62 % 58 % Vie la nuit 65 % 84 % 83 % 78 % Facile de faire la manche 77 % 88 % 73 % 67 % Facile de se procurer des revenus illégaux 76 % 71 % 88 % 59 %

Facile de se procurer des substances 96 % 91 % 97 % 90 %

Prix des substances avantageux 74 % 81 % 76 % 74 % Présences structures médicales 96 % 95 % 81 % 70 % Présence structures sociales 89 % 70 % 80 % 69 %

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Les résidents français se distinguent légèrement concernant leur perception de l’attrait de Genève pour se procurer des revenus illégaux, ce qui n’est pas le cas des personnes sans permis. Il est difficile d’expliquer cette nuance. D’une manière générale, nos entretiens ont montré que les usagers du Quai 9 se représentent la notion de revenus illégaux en terme de «deal de fourmis» et de revente de matériel volé à l’étalage. Il est donc possible que les résidents français aient le sentiment que le centre urbain de la région offre plus d’opportunités pour ce type d’activités que les villes de moindre importance du territoire français limitrophe. Un attrait pour le marché local des substances qui ne se distingue pas Les résidents français estiment qu’il est facile de se procurer des substances à Genève, dans les mêmes proportions que les résidents locaux. Sur la question d’un prix avantageux, on ne constate pas non plus de différence. Ces résultats tendent à nuancer l’existence d’une attractivité liée au produit. Ces constats vont dans le sens des observations des responsables de l’APRETO (entretien du 15.11.2017) qui ont le sentiment que le marché de l’héroïne en France voisine se structure de la même manière que le marché genevois. A ce sujet, un article de presse récent (Prieur, 2017) confirme l’existence du même type de «PME» en France voisine que celles décrites dans le rapport MARSTUP pour l’arc lémanique (Zobel, & al, 2017). Au-delà de la différence de prix entre France voisine et Genève, un éventuel attrait pourrait s’expliquer par la taille du marché plus important que dans les villes de France voisine, mais nous sommes loin de raisons susceptibles d’entraîner un «tourisme de la consommation» en tant que tel. Un attrait limité des dispositifs sociaux et médicaux Nos résultats indiquent aussi que les résidents français sont moins affirmatifs sur l’existence de structures médicales permettant de les soutenir. Cette relative défiance à l’égard des dispositifs médicaux peut être en partie liée au fait que comparativement à Genève, l’offre médicale est objectivement moins abondante en France Voisine (Observatoire statistique transfrontalier, 2017). Dans le même temps, ces personnes ne peuvent faire valoir leur couverture santé française pour bénéficier de soins à Genève sans obtenir l’autorisation préalable de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM). Le problème d’accès aux soins est particulièrement saillant pour les personnes en situation de désaffiliation qui connaissent des difficultés de mobilité et qui ne rentrent pas en France. Les résultats vont dans le même sens s’agissant des structures sociales. Ainsi, les résidents français soulignent dans une moindre mesure l’existence de structures sociales et médicales à leur disposition. On peut y voir un effet du non-accès à certaines d’entre elles, car la domiciliation sur le canton constitue une condition. Cela contredit l’idée d’un tourisme social ou médical, qui constitue un argument rhétorique que la pratique et la recherche (notamment Tabin et al, 2004) ont déjà largement invalidé.

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9 Conclusions et principaux enseignements de cette étude

Des situations économique et sociale différenciées Les personnes usagères du Quai 9 ont en commun le fait de consommer des substances psychoactives, mais leurs situations d’un point de vue économique et social sont différentes. Quatre types de situations économique et sociale peuvent être distingués parmi les usagers:

§ L’intégration concerne des personnes qui ont un emploi et qui bénéficient généralement du soutien de leur entourage.

§ La précarité compensée est le fait de personnes avec des revenus provenant d’une protection sociale (assurance sociale ou aide sociale), mais dont le fort soutien de l’entourage vient compenser la fragilité de leur situation.

§ La vulnérabilité touche des personnes aidées financièrement par le système de

protection sociale, mais dont le soutien de l’entourage est faible.

§ La désaffiliation affecte des personnes amenées à avoir recours à la «débrouille» pour subvenir à leurs besoins au jour le jour et dont le soutien de l’entourage est plutôt faible.

Des inégalités en matière d’accès aux prestations pour mener à bien son existence Ces types d’inscriptions économique et sociale sont fortement corrélés avec la capacité des usagers du Quai 9 d’avoir accès à des prestations pour couvrir leurs besoins:

§ Les personnes en situation d’intégration (14 % des répondants) ont généralement

des droits qui leur permettent d’être au bénéfice d’une couverture santé. Elles sont soutenues par le dispositif de santé. La plupart disposent d’un logement stable. Elles ne rencontrent que peu de difficultés pour subvenir à leurs besoins de base.

§ Les personnes en situation de précarité compensée (35 % des répondants) ont

elles aussi des droits. Elles sont très soutenues par les professionnels des dispositifs sociaux et de santé. Bien qu’elles ne rencontrent que peu de difficultés pour subvenir à leurs besoins de base, leur situation de logement est plutôt instable.

§ Les personnes en situation de vulnérabilité (32 % des répondants) disposent de

droits, mais leur capacité d’accès aux dispositifs médicaux sociaux est relative. Au quotidien, ces personnes rencontrent de fortes difficultés liées à l’absence de liens sociaux valorisants. Leur situation de logement, plutôt stable, dépend en partie de leur possibilité de se loger dans des institutions.

§ Les personnes en situation de désaffiliation (19 % des répondants) ne disposent

généralement pas de droits ce qui les empêche d’avoir accès aux prestations de santé et au soutien du système de protection sociale. Elles cumulent les difficultés au quotidien pour subvenir à leurs besoins de base. Leurs parcours résidentiels sont très instables et émaillés du recours au logement dans la rue.

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Des personnes qui se rendent au Quai 9 pour bénéficier d’un support à la réduction des risques, mais aussi d’un soutien social La plupart des usagers consomment plusieurs types de produits. La nature de cette polyconsommation de produits et leurs modes de consommation apparaissent comme indépendants de l’inscription économique et sociale, ils sont liés à la trajectoire propre à chaque consommateur. Une majorité d’usagers se rend au Quai 9 de manière régulière pour les raisons suivantes:

§ La quasi-totalité des personnes, indépendamment de leurs pratiques de

consommation et de leur situation économique et sociale, déclarent venir au Quai 9 pour bénéficier d’un soutien à la réduction de risques en matière de santé. Ce résultat témoigne sans nul doute d’une avancée majeure en matière de santé publique.

§ Une majorité d’usagers met en avant l’importance du soutien social dispensé par

l’équipe du Quai 9. Pour les personnes en situation d’intégration et de précarité compensée, ce soutien contribue à la stabilisation de leur situation. Pour les personnes en situation de vulnérabilité et de désaffiliation, ce soutien apparaît comme essentiel, car l’équipe du Quai 9 se présente comme le premier interlocuteur pour recevoir des demandes à caractère social.

Les actions de soutien social «en première ligne» du Quai 9, renforcées par la collaboration étroite avec le dispositif du Pôle, permettent de répondre dans la durée aux situations sociales complexes vécues par les personnes vulnérables et les personnes désaffiliées. Les personnes qui se trouvent dans ces deux types de situations expriment fortement le souhait d’engager des projets afin d’améliorer leur vie face aux difficultés qu’elles rencontrent.

Personnes résidant en France ou étrangères sans permis, la prévalence de la situation socio-économique dans leur rapport à Genève et au Quai 9. Les personnes résidant de manière officielle en France voisine représentent un peu moins d’un quart de notre échantillon. Les personnes sans papier de nationalités extra européennes vivant en Suisse représentent environ un usager sur dix.

§ Les personnes domiciliées officiellement en France se répartissent assez

uniformément en fonction des quatre différents types d’inscriptions socioéconomiques. Elles sont cependant surreprésentées dans les positions situées aux extrémités de notre continuum: l’intégration et la désaffiliation.

§ Les personnes de nationalité extraeuropéenne sans papiers sont en majorité en

situation de désaffiliation.

§ Il n’existe que peu de corrélations positives entre le lieu de résidence et les différentes dimensions liées à la situation sociale, à la consommation et à l’usage de Quai 9. En d’autres termes, les variations semblent plus liées à l’inscription économique et sociale des personnes qu’à leur lieu de résidence.

§ Les résidants français en situation de désaffiliation sont en majorité ancrés en ville de

Genève dans des situations de logement précaires. Peu mobiles, ils rencontrent des difficultés pour actionner leurs droits et bénéficier de prestation en France.

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En ce qui concerne, les raisons de venir à Genève et les représentations des opportunités offertes par ce territoire:

§ Les résidents français et les personnes de nationalité extraeuropéenne qui ne sont pas nés dans la région mettent en majorité en avant des raisons telles que trouver du travail ou avoir une meilleure qualité de vie pour expliquer leur venue.

§ Les représentations des résidents français et des personnes sans papier à l’égard de

l’accès au marché de la drogue ne se distinguent pas de l’ensemble des opinions recueillies qui mettent en avant la facilité d’accès au produit et un prix avantageux. La part des personnes qui déclarent être venues pour consommer plus facilement est marginale.

§ Les résidents français et personnes sans papiers sont moins affirmatifs que les

résidents locaux quant aux possibilités d’être soutenu à Genève d’un point de vue social et médical

§ Dans leur rapport au Quai 9, résidents français et personnes sans papiers ne se

distinguent pas non plus des autres usagers. Comme l’ensemble des utilisateurs, ils valorisent les missions sanitaires et sociales de la structure.

Ces éléments permettent d’infirmer l’hypothèse d’un éventuel tourisme de la consommation autre que celui lié à la force d’attraction du principal centre urbain de la région. La fréquentation du Quai 9 par les résidents français et les personnes de nationalité extraeuropéenne sans statut légal contribue de manière essentielle à la réduction des risques sanitaires sur le territoire genevois et plus largement dans la région. De plus, elle permet à ces consommateurs, en particulier à ceux qui se trouvent en situation de désaffiliation, de bénéficier d’un soutien social de premier recours pouvant les aider à faire face à des situations sociales déjà particulièrement difficiles qui affectent leur intégrité. Ce soutien social se présente comme particulièrement important pour les résidents français en situation de désaffiliation. Les liens que l’équipe du Quai 9 est en mesure d’établir avec eux, leur permettent de renouer petit à petit avec le dispositif social de France voisine, afin de bénéficier d’une protection sociale et d’un accès aux soins dans le pays où ils ont des droits. Ce processus complexe demande du temps et une action transfrontalière concertée. Il est porté par une coopération étroite entre le Pôle de Première ligne et l’Association de soins, réductions des risques et prévention des addictions (APRETO) qui œuvre dans le bassin du Genevois.

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