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thema L'évolution des usages de drogues ces dernières années met en lumière un double phénomène : l'apparition constante et la diversité de nouveaux produits parallèlement aux nouveaux usages de substances parfois anciennes. Cet article dresse un tableau de l'évolution très rapide des usages et rappelle également, grâce à plusieurs fiches de synthèse rédigées par Denis Richard, les principales caractéristiques pharmacologiques, les effets et les dangers de ces substances : speed et amphétamines, LSD, ecstasy, cocaïne et crack, kéta- mine, rachacha, héroïne et opiacés, daturas, GHB… Mais il est tout aussi important d'étu- dier le contexte de consommation, en premier lieu à partir du milieu festif techno, pour identifier les motivations et les comportements d'usage. À travers les paroles et l'expérience des usagers eux-mêmes on peut ana- lyser les pratiques comme le polyusage ou les stratégies de groupe. Astrid Fontaine présente ici un article de synthèse, documenté à partir de nombreux travaux français et européens et en utilisant ses propres études déjà publiées. S I LA PLUPART DES MOLÉCULES qui cir- culent aujourd'hui sur le marché des psychotropes illicites en Europe et en France ont été élaborées il y a plusieurs dizaines d'années, la consommation de ce type de produits a connu d'importantes transformations au cours de cette dernière décennie. Certains produits, anciennement consom- més dans de nombreuses parties du globe, sont toujours utilisés aujourd'hui (cannabis, cocaïne, opiacés, amphétamines essentielle- ment), tandis que d'autres substances que l'on qualifie de synthèse sont venues s'ajou- ter à ce panel (MDMA et dérivés, tryptami- nes, etc.). La présentation et les modes d'administra- tion des produits évoluent, tout comme les caractéristiques des usagers, la perception qu'ils ont de ces produits et la façon dont ils les utilisent. Nous commencerons par un rappel histo- rique des différentes phases de consomma- tion décrites en Europe, puis une seconde partie présentera certaines informations issues d'études européennes sur la consom- mation de substances illicites au sein de dif- férentes scènes techno 1 . Le troisième volet de l'article expose de manière plus détaillée les résultats d'une recherche eth- nographique menée en 1999-2000 sur les nouveaux usages au sein du milieu techno français 2 . revue toxibase n° 4 - décembre 2001 1 Nouvelles drogues, nouveaux usages Évolution de la consommation de substances psychoactives en France et en Europe et particularités du milieu festif Astrid Fontaine* * Astrid Fontaine Laboratoire Autonome de Recherche sur les Sociétés (RAS Lab.)** en collaboration avec Denis Richard*** ** Le Laboratoire Autonome de Recherche sur les Sociétés (RAS Lab, anciennement LIRESS) est une association 1901 (non subventionnée, non affiliée à une université) créée en 1999 et regroupant de jeunes chercheurs issus de différentes branches des sciences de l'homme et de la société. Cité des Associations, BP 147 - 93, la Canebière 13001 Marseille. Email : ras.lab@voilà.fr *** Centre Hospitalier H. Laborit, Pharmacie cen- trale, 370 av. Jacques Cœur - 86021 Poitiers cedex Vers le milieu du XIX e siècle, on trouvait dans les officines d'Amérique et d'Europe quelques 70 000 médicaments dont la for- mule était secrète (le tonifiant du Dr X., l'Eau miraculeuse de Z., etc), contenant presque toutes des drogues psychoactives et dont les publicités envahissaient la presse et les murs. Cela n'est pas vraiment étonnant, car on s'était mis à isoler les principes actifs de différentes plantes, dans une longue série qui commence par la morphine (1806) et se poursuit avec la codéine (1832), l'atro- pine (1833), la caféine (1841), la cocaïne (1860), l'héroïne (1883), la mescaline (1896), les barbituriques (1903) et la découverte d'anesthésiques comme l'éther, le chloroforme et le monoxyde d'azote (le gaz hilarant des dentistes). Dès lors, il n'était plus nécessaire de transporter d'importantes quantités de plantes d'un endroit à un autre, puisqu'à présent une sacoche pouvait contenir l'équivalent 1. Rappel historique sur les drogues de synthèse d'hectares de plantations. Cela permit aussi de mettre un terme à l'incertitude quant à la teneur en substances actives des différentes plantes, étant donné que la pureté des produits permettait un dosage précis - et augmentait d'autant la marge de sécurité de l'utilisateur. [sic] 3 Le qualificatif de synthèse est aujourd'hui communément employé pour désigner une nouvelle génération de substances se distinguant de celles, plus anciennes, et traditionnellement consommées (depuis quelques milliers d'années pour le canna- bis et la marijuana, la feuille de coca et les stimulants naturels, les opiacés). Les designer drugs outre le fait qu'elles n'apparaissent qu'au XX e siècle, sont caractérisées par une structure moléculai- re très légèrement modifiable par rapport aux substances prohibées ; particularité qui a permis aux producteurs de contour- ner la loi, tout au moins pour un temps.

Nouvelles drogues, nouveaux usages

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Page 1: Nouvelles drogues, nouveaux usages

thema

L'évolution des usages de droguesces dernières années met en lumièreun double phénomène : l'apparitionconstante et la diversité de nouveaux produits parallèlement aux nouveaux usages de substances parfois anciennes.

Cet article dresse un tableaude l'évolution très rapide des usageset rappelle également, grâce àplusieurs fiches de synthèse rédigéespar Denis Richard, les principalescaractéristiques pharmacologiques,les effets et les dangers de cessubstances : speed et amphétamines,LSD, ecstasy, cocaïne et crack, kéta-mine, rachacha, héroïne et opiacés,daturas, GHB…

Mais il est tout aussi important d'étu-dier le contexte de consommation,en premier lieu à partir du milieu festiftechno, pour identifier les motivationset les comportements d'usage.

À travers les paroles et l'expériencedes usagers eux-mêmes on peut ana-lyser les pratiques comme le polyusageou les stratégies de groupe.

Astrid Fontaine présente ici un articlede synthèse, documenté à partirde nombreux travaux français eteuropéens et en utilisant ses propresétudes déjà publiées.

SI LA PLUPART DES MOLÉCULES qui cir-culent aujourd'hui sur le marché despsychotropes illicites en Europe et

en France ont été élaborées il y a plusieursdizaines d'années, la consommation de cetype de produits a connu d'importantestransformations au cours de cette dernièredécennie.

Certains produits, anciennement consom-més dans de nombreuses parties du globe,sont toujours utilisés aujourd'hui (cannabis,cocaïne, opiacés, amphétamines essentielle-ment), tandis que d'autres substances quel'on qualifie de synthèse sont venues s'ajou-ter à ce panel (MDMA et dérivés, tryptami-nes, etc.).

La présentation et les modes d'administra-tion des produits évoluent, tout comme lescaractéristiques des usagers, la perception

qu'ils ont de ces produits et la façon dontils les utilisent.

Nous commencerons par un rappel histo-rique des différentes phases de consomma-tion décrites en Europe, puis une secondepartie présentera certaines informationsissues d'études européennes sur la consom-mation de substances illicites au sein de dif-férentes scènes techno1. Le troisième voletde l'article expose de manière plusdétaillée les résultats d'une recherche eth-nographique menée en 1999-2000 sur lesnouveaux usages au sein du milieu technofrançais2.

revue toxibase n° 4 - décembre 2001 1

Nouvelles drogues, nouveaux usages Évolution de la consommation de substances psychoactivesen France et en Europe et particularités du milieu festif

Astrid Fontaine*

* Astrid FontaineLaboratoire Autonome de

Recherche sur les Sociétés (RAS Lab.)**

en collaborationavec Denis Richard***

** Le Laboratoire Autonome de Recherche sur lesSociétés (RAS Lab, anciennement LIRESS) est uneassociation 1901 (non subventionnée, non affiliéeà une université) créée en 1999 et regroupant dejeunes chercheurs issus de différentes branchesdes sciences de l'homme et de la société.Cité des Associations, BP 147 - 93, la Canebière13001 Marseille. Email : ras.lab@voilà.fr

*** Centre Hospitalier H. Laborit, Pharmacie cen-trale, 370 av. Jacques Cœur - 86021 Poitiers cedex

Vers le milieu du XIXe siècle, on trouvaitdans les officines d'Amérique et d'Europequelques 70 000 médicaments dont la for-mule était secrète (le tonifiant du Dr X.,l'Eau miraculeuse de Z., etc), contenantpresque toutes des drogues psychoactiveset dont les publicités envahissaient lapresse et les murs.

Cela n'est pas vraiment étonnant, car ons'était mis à isoler les principes actifs dedifférentes plantes, dans une longue sériequi commence par la morphine (1806) etse poursuit avec la codéine (1832), l'atro-pine (1833), la caféine (1841), la cocaïne(1860), l'héroïne (1883), la mescaline(1896), les barbituriques (1903) et ladécouverte d'anesthésiques comme l'éther,le chloroforme et le monoxyde d'azote (legaz hilarant des dentistes). Dès lors, iln'était plus nécessaire de transporterd'importantes quantités de plantes d'unendroit à un autre, puisqu'à présent unesacoche pouvait contenir l'équivalent

1. Rappel historique sur les drogues de synthèse

d'hectares de plantations. Cela permitaussi de mettre un terme à l'incertitudequant à la teneur en substances activesdes différentes plantes, étant donné que lapureté des produits permettait un dosageprécis - et augmentait d'autant la margede sécurité de l'utilisateur. [sic]3

Le qualificatif de synthèse est aujourd'huicommunément employé pour désignerune nouvelle génération de substances sedistinguant de celles, plus anciennes, ettraditionnellement consommées (depuisquelques milliers d'années pour le canna-bis et la marijuana, la feuille de coca et lesstimulants naturels, les opiacés).

Les designer drugs outre le fait qu'ellesn'apparaissent qu'au XXe siècle, sontcaractérisées par une structure moléculai-re très légèrement modifiable par rapportaux substances prohibées ; particularitéqui a permis aux producteurs de contour-ner la loi, tout au moins pour un temps.

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Dans les années 1940, les militaires s'inté-ressent aux propriétés stimulantes de cettesubstance : Afin d'améliorer les perfor-mances physiques des soldats au cours dela Seconde Guerre mondiale, les médecinsdes armées américaine, britannique, alle-mande et japonaise prescrivent en routinede l'amphétamine pour lutter contre lafatigue, améliorer l'endurance, et «donnerdes ardeurs guerrières6.

En Suède ce sont les propriétés anorexi-gènes des amphétamines qui suscitent l'in-térêt. On les utilise alors fréquemmentpour le traitement de l'obésité.

Il faut attendre les années 1950 pour voirapparaître un usage récréatif des amphéta-mines en Europe, avec des particularitésnationales : en Suède l'injection sembleprédominer, tandis qu'en Angleterre laconsommation se développe dans lemilieu rock et parmi les Hell's Angels(modes d'administration plus variés). Uneconsommation importante est égalementobservée en Finlande et au Danemark.

Le LSD, à la différence des amphétami-nes, est d'abord consommé hors d'Europe(aux USA notamment) avant d'y êtreintroduit par le biais du mouvement psy-chédélique vers la fin des années 1960.Cette substance ne se maintient nulle partà un niveau de consommation élevé dura-ble (pas même en Angleterre où elle a trèslargement été utilisée), elle décline danstous les pays d'Europe durant les années1980 avant de réapparaître, aux côtés del'ecstasy, dans les années 19907.

L'ecstasy est également consommé horsd'Europe dans un premier temps. Son usagese distingue par une période de gestationparticulièrement longue puisque la MDMAa été synthétisée par les laboratoires alle-mands Merck dès le début du siècle. Onpeut prendre pour point de départ à l'histoi-re des drogues de synthèse l'arrivée de l'ec-stasy, figure emblématique de cette nouvel-le génération de substances.

L'ecstasy apparaît en France dans ladeuxième moitié des années 80, peu aprèsson classement sur la liste internationaledes stupéfiants. Il est d'abord consommépar un très petit nombre de personnes. Sonprix excessif et sa faible disponibilité enfont une drogue réservée aux initiés. Cegroupe semble grandir doucement jus-qu'au tout début des années 1990, et laconsommation d'ecstasy ne cessera decroître à partir de 19918, parallèlement àune baisse conséquente des prix9.

Dans les premiers temps de sa consomma-tion, l'ecstasy est perçu par les usagerscomme la drogue safe, parfaite, sociabili-sante, procurant du plaisir et des sensationsencore jamais expérimentées, ne présentantaucun danger10. Son image est très éloi-gnée de celle, alors courante, de l'usager dedrogues dépendant, voire délinquant.

Les tous premiers articles parus dans lesgrands quotidiens (peu nombreux) sontplutôt flatteurs, tant sur ce nouveau typede fête que représentent les raves que surles propriétés de cette substance. L'ecstasyest alors associé à la fête, au smiley, à la

En Europe, Thierry Delprat4 repère deuxfoyers de consommation : un foyer deconsommation ancien, nord-européen,essentiellement marqué par les psychosti-mulants, notamment les amphétamines, etun foyer de consommation plus récent, sud-européen, marqué par la diffusion de l'ec-stasy, parallèlement à la culture techno.

Dès les années 1930 en effet, le corpsmédical utilise les amphétamines, en par-ticulier pour le traitement de la dépres-sion, plus fréquente en ces temps de criseéconomique et sociale.

On a découvert les amphétamines à la findu XIXe siècle, et leurs applications médi-cales n'ont pas été reconnues avant lesannées 1930 quand l'amphétamine a étécommercialisée comme excitant pour trai-ter les hypotensions artérielles. Elle étaitégalement utilisée pour dilater les bron-ches, afin d'aider les asthmatiques à respi-rer. Plus tard, d'autres amphétamines ontété utilisées comme traitement de la nar-colepsie, d'une certaine forme d'épilepsieet proposées pour traiter la dépression.Au même moment, les effets excitants envinrent à être appréciés par des étudiantspréparant leurs examens, les conducteursde poids lourds sur les longs trajets, lestravailleurs faisant de longues heures sup-plémentaires, ainsi que les soldats et lespilotes d'avion essayant de rester éveillés48 heures d'affilée.5

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Les speeds ou amphétaminesLa métamphétamine est la molécule la pluspuissante de ce groupe (ice ou glass pour laforme basique, aisément vaporisable, et decrank ou de crystal pour la forme salifiée,hydrosoluble). Il s'agit d'une drogue utiliséesous forme prisée ou injectée mais aussi parinhalation, exactement comme le crack. Les amphétamines exercent leur activité surles neurones noradrénergiques et dopami-nergiques; certaines d'entre elles (l'ecstasyet apparentés) ont une action presque spé-cifique sur les neurones à sérotonine. Ellesdéplacent ces médiateurs de leurs sites destockage et augmentent leur libération dansla synapse.Au plan somatique, elles accélèrent le rythmecardiaque (d'où hypertension avec risqued'hémorragies, et troubles du rythme) et lerythme respiratoire mais dilatent les bronches.Au plan psychique, elles réduisent le som-meil ou, souvent, l'empêchent totalement.Elles augmentent temporairement la vigilan-ce et limitent la sensation de fatigue. Cesmanifestations sont suivies d'une phase d'a-battement, avec irritabilité, dépression, lassi-tude et parfois réactions d'agressivité.Les sujets en consommant régulièrementfont montre d'une activité maniaque, d'alté-rations du jugement, d'une augmentation del'agressivité, d'un amaigrissement (actionanorexigène) et d'insomnie.

L'ecstasy (ecsta, pilule d'amour, E, EX, XTC, Adam, etc.)L'ecstasy (méthylène-dioxy-3,4-méthamphétamine, MDMA en abrégé) est une phényléthylami-ne dont l'usage comme psychostimulant et agent empathogène ne cesse de se développer.Bien que synthétisée dès les années 1912-1914, elle ne fut utilisée qu’à partir des années 1970,en médecine mais aussi au sein des mouvements d'inspiration mystique. La MDMA fut surtoututilisée à partir des années 1980 comme drogue récréative par une population jeune lors de soi-rées (raves), associant souvent l'usage de psychostimulants à de la musique techno.L'ecstasy est utilisée par voie orale. D'autres produits apparentés sont parfois vendus sous ladénomination d'ecstasy (MDA, MDEA, MBDB, etc.), isolément ou en mélange. Il est fréquentde trouver d'autres substances associées : stimulants (amphétamines, caféine et éphédrine),analgésiques (codéïne, aspirine, paracétamol), hallucinogènes (LSD, atropine, kétamine, phen-cyclidine), anabolisants divers (testostérone, etc.).

La drogue agit essentiellement sur les neurones sérotoninergiques, neuromédiateur impliquénotamment dans la régulation des affects et de l'humeur ainsi que dans le contrôle de l'impul-sivité. Elle entraîne une libération massive de la sérotonine, une inhibition de sa synthèse et unblocage de sa recapture par le neurone émetteur.

Chez le rat soumis à l'administration chronique de MDMA, l'analyse histologique met en évi-dence une destruction sélective des terminaisons sérotoninergiques. Cet effet est égalementretrouvé chez les primates (cortex frontal), mais à des doses moindres. Chez les primates, l'at-teinte semble en partie irréversible.

L'action de la MDMA est psychostimulante et légèrement psychodysleptique. Son usage permetune levée des inhibitions sociales avec une augmentation de la sensualité et des besoins decontacts tant intellectuels que physiques, associée à une diminution de l'anxiété et du caractèredéfensif. Des doses élevées (> 50 à 200mg) peuvent entraîner des troubles sensoriels. Parailleurs, l'ecstasy agit aussi au niveau somatique, sur l'ensemble des grandes fonctions physio-logiques qu'elle perturbe plus ou moins gravement : hyperthermie, hypertension et arythmie car-diaque, hépatites, troubles neurologiques (risque d'AVC), troubles métaboliques (hyponatrémie).

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convivialité et à une marginalité plusbranchée que socialement stigmatisée.Elle est, entre autres une composanteimportante des fêtes de la scène gay pari-sienne, qui verra plusieurs de ses établis-sements fermés. Act Up prend à cetteoccasion position en publiant un tractJ'aime l'ecstasy en 1997.

Les particularités de la fabrication et de ladiffusion de l'ecstasy interviennent aussidans l'évolution de sa consommation. Laproduction industrielle de cette substanceet la baisse de son prix ont eu pour consé-quence une forte dégradation de sa quali-té. Tandis que les chimistes commençaientà fabriquer des molécules ne figurant passur la liste des stupéfiants et ayant des pro-priétés psychotropes similaires afin decontourner la législation, certains dealersvendaient des médicaments maquilléssous l'appellation d'ecstasy.

Alors que les Hollandais, conscients desrisques sanitaires importants causés par lacomposition incertaine des ecstasy, orga-nisèrent rapidement un système de contrô-le de la qualité des ecstasy, les politiquesfrançais mettent plus de temps à réagir àcette nouvelle situation. Ce sont lesactions menées dès 1995 par les associa-tions d'usagers (Le Tipi, Techno +),relayées par la Mission Rave de Médecinsdu Monde (créée en 1997), qui contribue-ront à l'évolution des orientations poli-tiques dans ce domaine.

Depuis trois ans la question bascule - toutbouge sauf la loi. En mai 1998, le Prof.Roques publiait les premiers résultatsd'un rapport consacré à la «dangerosité»des drogues : il proposait de refondre laclassification des produits psychotropes.Un mois plus tard défilait ce que certainsont appelé la première «Toxipride» : desusagers de drogues s'employaient à repren-dre la parole, et à renverser leur image.Un mois plus tard encore, un décret dupremier ministre organisait la refonte dela Mission Interministérielle de Luttecontre la Drogue et la Toxicomanie (MILDT),et décidait, entre autres choses, d'élargirses fonctions aux psychotropes légaux.

Deux ans après, les ondes de choc de cevirage atteignent le grand public, au tra-vers notamment des campagnes de laM ILDT. Deux idées paraissent aujourd'huiacquises : celle selon laquelle «une sociétésans drogues, ça n'existe pas». Et l'autre,corrélative, selon laquelle le savoir - prisau sens large de savoirs sur les produits,leurs effets, leur histoire, l'importance descontextes d'usage, leur mode d'action surl'organisme - constitue l'une des compo-

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Le LSDLe LSD (Lysergik Saüre Diethylamide) ou, simplement, acide, est un hallucinogène extrême-ment puissant obtenu par synthèse chimique. Il se présente sous des formes variées: compri-més, petits blocs de gélatine (windowpane), buvards imprégnés ou poudre. Les doses utiliséesvarient entre 100 et 300µg, parfois plus chez des sujets peu réceptifs (jusqu'à 2000µg). Le LSDest surtout administré par ingestion.

Le mécanisme exact de l'action du LSD demeure méconnu. Il s'agit d'un antagoniste des récepteursà la sérotonine, mais cette action ne peut à elle seule expliquer les propriétés hallucinogènes.

L'effet dominant de l'intoxication est d'ordre hallucinatoire. L'expérience, ou voyage (trip), dureentre six et douze heures. Les effets rapportés sont analogues à ceux décrits avec d'autres hal-lucinogènes en général: désinhibition à la communication, modifications des perceptions avectroubles visuels et auditifs, perturbations somesthésiques, synesthésies (fusion des divers sens:illusion de voir les sons, association entre sonorités et couleurs), modifications subjectives de lanotion du temps.

L'expérience au LSD est dangereuse pour le psychisme et les mauvais voyages (bad trips) sontà l'origine de troubles de l'humeur et de troubles du cours de la pensée. À fortes doses ou chezdes sujets prédisposés, on rapporte des illusions délirantes dangereuses (notamment lorsquel'on imagine pouvoir voler...), des tentatives de suicide ou des perturbations psychiques dura-bles. Il est fréquent que l'utilisateur soit pris d'une crise d'angoisse, de panique, avec la sensa-tion de perdre définitivement la raison, surtout s'il absorbe le produit dans un environnementstressant ou s'il en utilise une dose conséquente. Ces troubles peuvent laisser des séquellespsychiques graves. Des phénomènes de flash-back ont été décrits (retours d'acide).

En plus des effets psychiques, le LSD est à l'origine de troubles neurovégétatifs : mydriase,transpiration excessive alternant avec une sécheresse buccale, nausées avec parfois vomis-sements, palpitations cardiaques et accélération du rythme, hypertension, vasodilatation ou,inversement, vasoconstriction, vision brouillée, tremblements, incoordination motrice.

santes essentielles des usages de drogues,et doit être enrichi, plutôt qu'entravé.11

Parallèlement à l'apparition de l'ecstasy,dont le nom devient rapidement incertainà cause de la diversité des molécules quipeuvent le composer, la consommation deLSD connaît un nouvel essor. La prisesimultanée de ces deux produits, dont leseffets se complètent , est alors courante.Peu de temps après apparaissent de nou-velles molécules, dont certaines offrentdes effets proches du mélange LSD -ecstasy, comme le 2CB ou le DOB (d'usa-ge encore peu courant).

Depuis le milieu des années 1990 environ,on assiste à de profonds changements del'usage de drogues en milieu festif. Si l'ec-stasy et le LSD étaient les principaux pro-duits consommés il y a dix ans par unepart limitée de la population, la palette despsychotropes aujourd'hui disponibles s'estlargement étendue, influant sur les com-portements et les modes de consomma-tion. Le nombre d'usagers de drogues ditesrécréatives semble également en augmen-tation et déborde largement le contextetechno. Ces tendances ne font que refléterun phénomène plus général d'intégrationdes psychotropes dans la société fran-çaise, la consommation journalière demédicaments psychotropes la situant trèsau-dessus des autres pays européens. LaFrance consomme un peu plus de trois foisplus de médicaments psychotropes quel'Allemagne ou la Grande-Bretagne, etlargement deux fois plus que l'Italie.12

Il semble que les consommateurs se ser-vent des substances psychoactives commed'outils permettant de modifier l'humeurselon les désirs de chacun. L'usage,comme les substances, est designé, adap-té, selon que l'on a envie d'être efficace,éveillé, désinhibé, détendu, déconnecté,ouvert aux autres ou plongé dans un voya-ge intérieur. À chaque état recherché cor-respond une substance, dont les effetspeuvent aussi être nuancés par une autre.Il est donc plus ou moins possible d'é-prouver artificiellement l'humeur que l'onjuge adaptée à la situation.

Cette tendance n'est pas sans rappeler lesmotivations des usagers au XIX e siècle,décrites ici par Escohotado : L'intérêt pourles drogues psychoactives de tout type futstimulé non seulement par les chimistes,les pharmaciens et les médecins, maisaussi par les hommes de lettres, les philo-sophes, les artistes. Les besoins des unssemblent rejoindre les possibilités ouvertespar les autres, dans un contexte généralfavorable. En dernière instance, le but estde soumettre l'humeur à la volonté, enjouant des émotions et de la perceptioncomme un pianiste joue de son clavier. Ceprojet imprègne plus ou moins explicite-ment la pensée de plusieurs génies de lalittérature, de Coleridge et De Quinceyjusqu'à Baudelaire et Rimbaud, en pas-sant par le créateur du pragmatisme phi-losophique, William James, et par Nietzschepour qui l'ébriété était «le jeu de la natureavec l'homme»13.

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et au Royaume Uni pour les amphétami-nes, au Royaume-Uni et en Espagne pourl'ecstasy, au Royaume-Uni pour le LSD.On assiste à un mouvement de générali-sation et d'uniformisation de la consom-mation de drogues synthétiques dansl'Union Européenne, notamment chez lesjeunes. Les données disponibles montrentune hausse générale des niveaux deconsommation des différents produits.

Toutefois, la consommation de produits desynthèse semble jusqu'ici engendrer peude problèmes sanitaires : La plupart descas de décès par intoxication aiguë sontliés à la prise d'opiacés, souvent combinésà de l'alcool ou à des tranquillisants.

Certains pays font état d'un nombreimportant de décès d'adolescents dus àl'absorption de substances volatiles. (…)Les décès par intoxication aiguë dus exclu-sivement à la prise de cocaïne, d'amphéta-mines ou d'ecstasy sont peu courants,même s'ils sont très médiatisés15.

Données quantitatives sur l'usage de drogues au seinde différentes scènes technoeuropéennesPeu de données sont encore disponiblessur la population techno. Deux étudesmêlant des données qualitatives et quanti-tatives ont été réalisées entre 199616 et199817 dans différentes villes européennes.

Bien qu'il ne représente que la partieémergée de l'iceberg dans le domaine del'utilisation de psychotropes18, le milieutechno s'est largement imposé comme ter-rain de recherche en matière d'études surles nouveaux usages en France et enEurope et ce pour plusieurs raisons :• Même si ce phénomène musical existeaussi dans d'autres parties du monde, il ases origines en Europe, où il connaît undéveloppement florissant depuis unedizaine d'années.• En ce qui concerne la consommation depsychotropes dans ce contexte, elle y estnon seulement avérée (pour une partie desparticipants) mais assumée, sujette à denombreuses discussions parmi des usagersplutôt enclins à parler de leurs pratiques àl'extérieur. La grande visibilité despsychotropes et l'attrait que représentepour cette population l'expérimentationfont du milieu techno un terrain de recher-che particulièrement riche.

• La médiatisation du phénomène quicontribue à alimenter les fantasmes, et larelative perméabilité de ces rassemble-ments festifs visibles et aujourd'hui acces-sibles à tous, facilitent également lerecueil de discours et l'observation de pra-tiques. Les fêtes techno représentent actuel-lement la seule scène ouverte pour l'usagede psychotropes.

En 1998, Tossman, Boldt et Tensil onteffectué une recherche sur les usages dedrogues au sein de la scène techno dansdifférentes métropoles européennes :Amsterdam, Berlin, Madrid, Prague,Rome, Vienne et Zurich. Environ 500 par-ticipants aux fêtes techno ont rempli unquestionnaire dans chaque ville.

La plupart des personnes interviewéeshabitent encore chez leurs parents, ennombre plus important à Madrid, Pragueet Rome. À Amsterdam, Berlin, Vienne etZurich au contraire, beaucoup de jeunesvivent seuls ou en colocation. La situationaffective varie peu dans les différentesmétropoles étudiées. On remarque cepen-dant que le pourcentage de relationsamoureuses stables est élevé à Prague etVienne, là où la moyenne d'âge est la plusbasse.

2. Informations sur la consommation de psychotropesillicites en Europe

Globalement tous les travaux s'accordentpour reconnaître une uniformisation etune généralisation de la consommation dedrogues de synthèse dans la société euro-péenne. L'harmonisation des méthodes derecueil des données dans les différentspays de l'Union Européenne n'étant pasencore réalisée, il est actuellement diffici-le de comparer les informations nationa-les, bien que nous disposions tout demême de quelques points de repères.

D'après le rapport du WHO RegionalEuropean Office publié en 1997, l'ecstasyoccupe la seconde place en terme de pré-valence après le cannabis en Hollande en1992. En Espagne en 1994, on constateégalement un accroissement de la con-sommation d'ecstasy et de dérivés amphé-taminiques, tout comme au Portugal, enSuisse, en Belgique et en Irlande14.

Pour Thierry Delprat, les consommationsde drogues synthétiques demeurent éle-vées là où elles sont anciennes : en Suède

Le dispositif TREND de l'OFDTTREND signifie Tendances Récentes Et Nouvelles Drogues. Ce dispositif vise à détecter,comprendre les phénomènes émergents liés aux usages de drogues et diffuser auprès desdécideurs, des professionnels et des usagers, les éléments de connaissance acquis et lesanalyses élaborées. Pour le moment, le dispositif ne concerne essentiellement que les pro-duits illicites.

TREND est fondé sur une méthode d'analyse qualitative et quantitative des phénomènesémergents. Il dispose pour cela d'un réseau de plus de 150 partenaires associatifs, méde-cins, chercheurs et ethnologues, institutionnels sanitaires ou répressifs s'appuyant sur unsystème d'information et de collecte normalisée de connaissances.

Les sources d'information sont multiples. Elles proviennent d'une part de sources dites insti-tutionnelles , telles les rapports d'étude, les statistiques, et les enquêtes produits par l'OFDTou d'autres institutions (InVS, AFSSAP, O CRTIS, CNAMTS , etc.) et d'autre part de sources pro-pres au réseau TREND (structures de bas seuil, groupes d'autosupport et de prévention(Techno plus, A SUD, etc.), réseau d'ethnographes (R AS Lab. et la base S INTES). Par ailleurs,il existe une source d'information alimentée par une veille conduite sur la presse et Internet.

Le réseau TREND est constitué d'un réseau d'observateurs dits sentinelles répartis sur 13sites, 10 métropolitains et 3 dans les départements d'outre-mer. Ils agissent tant dans desespaces urbains que festifs (musique techno). Ces correspondants géographiques, collec-tent leur informations selon une batterie de critères et une méthodologie précisées et codi-fiées. Des indicateurs communs ont été définis et des questionnaires précis élaborés pourhomogénéiser la collecte et l'analyse des phénomènes identifiés et décrits.

La banque de données SINTES (Système d'Identification National des Toxiques etSubstances) contient la description physique et chimique des échantillons de substance desynthèse. Ces substances analysées proviennent d'une part des collectes réalisées dansdivers milieux festifs, soirées privées, établissements de nuit et, d'autre part, des saisieseffectuées par les services répressifs, douanes, police et gendarmerie.

La diffusion de l'information et des analyses se fait à partir de plusieurs outils. Les rapportslocaux produits par les sites TREND , à partir de 2002, lesquels seront susceptibles d'êtrevalorisés à l'échelle locale et un rapport annuel national dont la troisième livraison inter-viendra vers la fin du premier trimestre 2002. Un bulletin trimestriel d'analyse des donnéescontenues dans la base de données S INTES est réalisé. Enfin, des notes et des alertes surles substances présentant des risques particuliers ou des caractéristiques nouvelles etremarquables sont rédigées et mises en ligne sur le site www.drogues.gouv.fr

Le dispositif Trend constitue ainsi un complément indispensable aux système d'informationsur les drogues de l'Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies.

Hassan Berber

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consomment ou ont consommé plusieursproduits différents au cours de leurs tra-jectoires psychoactives. Presque toutessont issues de réseaux différents, ce choixméthodologique tendant à restituer ladiversité des discours, des vécus.

21 observations ont été réalisées entreavril 1999 et mai 2000. Elles portent surl'ensemble des situations et discoursinformels liés à la consommation dessubstances étudiées.

Le contexte festif technoen France et les tendancesde consommationC'est à la fin des années 80 qu'émerge cephénomène socio-culturel nouveau con-jointement à l'arrivée sur le marché denouveaux produits (drogues de synthèses,l'ecstasy étant la plus médiatisée). Si il ya quelques années les fêtes techno, alorsappelées raves, rassemblaient une mino-rité de personnes ayant un usage le plussouvent récréatif de substances telles quel'ecstasy ou le LSD, on observe aujourd’huid'importants changements tant au niveaude la morphologie de ces événementsqu'au niveau des comportements par rap-port à la consommation de produits lici-tes et illicites.

La musique techno s'est scindée en plu-sieurs courants, donnant naissance à dif-férents types de fêtes :• Free parties ou assimilées (fêtes clan-destines, gratuites, sur donation ou d'unprix d'entrée inférieur à 50 francs)• Soirées techno en clubs, discothèques

• Raves officielles et légales

• Fêtes privées (non flyées, pouvant ras-sembler d'une dizaine à une centaine depersonnes)

• Festivals et teknivals (qui s'étalent surplusieurs jours)

Le développement de la consom-mation de produits stimulants,cocaïne et amphétaminesL'effet stimulant est aujourd'hui l'un desprincipaux effets recherchés par les parti-cipants aux fêtes techno : pour tenir lecoup et profiter pleinement de la fête, touten maintenant une certaine vigilance.

Parmi ces substances stimulantes on trou-ve les amphétamines en comprimés, fré-quemment vendues sous le nom d'ecstasy ;elles sont quelquefois absorbées parerreur par des personnes qui ont cru seprocurer du MDMA. D'autres, qui appré-cient l'effet stimulant, sont satisfaits parce type d'ecstasy.

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3. Ethnographie des pratiques et représentationsactuelles en milieu festif19. Le savoir des usagers

Interroger les pratiques - s'interrogernotamment sur les risques qui y sont liés -impose d'interroger l'ensemble dessavoirs qu'ils nourrissent. Or, ni lessavoir-faire (liés à l'acquisition ou à lapréparation des produits, principale-ment) auxquels sont le plus souvent ren-voyés les usagers ; ni les savoirs positifs,diffusés notamment au travers des cam-pagnes d'information, ne rendent comptede la diversité et de la complexité dessavoirs engagés dans la pratique.

S'y agrègent d'autres formes de connais -sance, multiples et tout autant essentielles:des idées empruntées aux représentationsculturelles des produits et de leurs usages;des certitudes ou des doutes acquis dansl'expérimentation antérieure (positive ounégative) des produits ; des expériencesrelatives aux différentes formes possiblesde l'ivresse et de leurs usages ; lessavoirs plus intimes dont dispose chaqueindividu, concernant le fonctionnement -toujours singulier - de son organisme,l'équilibre de ses plaisirs et déplaisirs, lanature ou les exigences de ses désirs…

Le savoir des usagers ne peut, en somme,se laisser réduire à ses dimensions posi-tive ou empirique. Lui restituer sa com-plexité et sa richesse impose de restituerau terme sa polysémie et de le prendre ausens où l'entendait Foucault : comme undispositif plutôt que comme des contenus,comme l'empilement ou la stratificationdes pratiques et des positivités qui leconstitue, inséparable des différentsseuils où il est pris, et incluant, autantque des données issues de la science oude l'expérimentation, l'expérience per-ceptive, les idées imprégnant l'époque oules valeurs de l'imaginaire.20

La méthode ethnographique, basée sur larencontre avec des usagers et la mise envaleur de leurs discours, de leurs vécus,et l'analyse de leurs pratiques, permet d'a-limenter les connaissances empiriquessur les usages de drogues.

Les citations encadrées viennent appuyercette approche et donnent un aperçu dessavoirs mis en œuvre par les usagers.Sorties exceptionnellement de leurcontexte, elles sont issues de l'étude pré-sentée ci-après.

Cette recherche visait à restituer les pra-tiques et représentations émergentesdans le champ de l'usage de drogues enFrance21. Deux catégories de produitsétaient principalement concernées :• Des produits dont on a pu observer unaccroissement ou un changement desmodes d'usages (cocaïne, amphétamines,héroïne, rachacha, kétamine)• Des produits dits nouveaux produitset/ou produits rares (2CB, GHB, DMT,Datura…).

Le recueil des données a débuté audeuxième trimestre 1999 et s'est déroulésur une période de douze mois, autour dequatre pôles régionaux (région parisien-ne, région PACA , région Rhône-Alpes,Languedoc Roussillon).

L'étude, réalisée d'avril 1999 à novembre2000, est de nature qualitative, essentielle-ment construite à partir d'entretiens semi-directifs et d'observations de terrain.

40 entretiens semi-directifs ont étéréalisés entre avril 1999 et juillet 200022 .Les usagers de psychotropes réguliers(ou ex-usagers réguliers) ont été privilé-giés. Toutes les personnes interrogées

Tandis qu'à Rome environ la moitié despersonnes rencontrées disent se rendre enfête techno moins d'une fois par mois, àMadrid beaucoup d'adolescents et de jeu-nes adultes sortent plus de deux fois parsemaine. La fréquence moyenne des sor-ties varie peu entre Amsterdam, Berlin,Prague, Vienne et Zurich.

D'après cette étude, la prévalence de l'u-sage de drogues est plus élevée chez lesparticipants aux fêtes techno que dans lapopulation générale dans les différentesmétropoles européennes. Tandis que lecannabis (avec une prévalence au cours dela vie supérieure à 90%) est la substance laplus courante au sein de la scène techno

dans toutes les villes, des différencesimportantes apparaissent concernant lesautres drogues illégales. Ces résultatsconcordent avec ceux de l'IREFREA.

À Amsterdam, l'ecstasy est la deuxièmesubstance la plus consommée après lecannabis, alors qu'à Berlin, il s'agit duspeed. Les hallucinogènes sont la deuxiè-me substance la plus consommée à Pragueet Zurich, alors qu'à Rome et Madrid lacocaïne suit de très près le cannabis.L'usage d'opiacés est relativement basdans ces sept métropoles. Cependant, àVienne, Zurich et particulièrement àPrague, il est nettement plus fréquent quedans les autres villes.

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Mais les amphétamines sont le plus sou-vent sniffées . Le speed, que l'on trouvesous forme de poudre ou de pâte, large-ment consommé depuis quelques mois,semble présenter plusieurs avantages auxyeux des usagers.

La cocaïne fait aussi partie des produitsrencontrés et son prix a baissé depuisquelques années.

Dans l'ensemble, ces produits parce qu'ilsaltèrent peu l'état de conscience, ne sem-blent pas être considérés comme diffici-les à gérer ou dangereux par la plupartdes personnes, qui les utilisent de façonoccasionnelle. Par manque d'informa-tions, les usagers ne perçoivent pas tou-jours leurs potentialités addictives.

Particularités de l'usage de speedLe speed intervient dans les trajectoiresde consommation après la découverte del'ecstasy et apparaît donc comme relati-vement nouveau , même si certains usa-gers avaient fait l'expérience des amphé-tamines sous d'autres formes antérieure-ment, et si ce produit était déjà consom-mé il y a une quinzaine d'années.

Peu cher, le speed est largement perçucomme un psychotrope bas de gamme,nocif, impur. Il apparaît comme un pro-duit d'agrément, accessoire et secondairedans une association.

La consommation de speed est rarementprogrammée. Elle intervient occasionnel-lement et au gré des rencontres, souvent àdéfaut d'autre chose. Le speed est fré-quemment partagé, offert ou troqué.L'usager a tendance à multiplier les priseslors d'un même épisode de consommation.

Les effets du speed sont essentiellementphysiques, il stimule les capacités, facili-te la communication, et est de ce faitconsidéré comme adapté à la fête.

Il semble être, à la différence de la cocaï-ne, beaucoup plus rarement consommépour exercer une activité professionnelle,mais le plus souvent dans un contextefestif pour lutter contre la fatigue.

Le speed, considéré comme un produitmoins subtil que la cocaïne, a des effetssecondaires marqués. Il rend nerveux,agressif, trouble le sommeil et l'appétit.

La phase de descente, jugée particulière-ment difficile, est souvent accompagnéede produits relaxants visant à l'adoucir.

Lorsqu'elle est consommée en freebase(technique qui semble se développer) ouen injection, l'usage peut devenir trèscompulsif, engageant parfois l'usagerdans une phase de dépendance au produitet/ou au mode de prise.

L'image de la cocaïne reste celle d'unedrogue de luxe, coûteuse, dont la qualitén'est pas toujours assurée et principale-ment consommée par une frange privilé-giée de la population. Elle est fréquem-ment partagée entre les usagers.

Toutes les personnes interviewées ontconsommé de la cocaïne dans le cadre deleur travail, de manière solitaire.Cependant, les contextes les plus souventévoqués sont des soirées privées entreamis en appartement ou divers événe-ments festifs (concerts, fêtes techno,anniversaires…).

Malgré la subtilité des effets de la cocaïne(déception quasi systématique lors de la

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Particularités de l'usage de cocaïneLa cocaïne est un produit disponible,dont le prix est en baisse et que toutes lespersonnes que nous avons interrogées ontdéjà consommé. Elle est le plus souventprise en sniff de manière conviviale etdans des contextes festifs (lieux privés oupublics). L'usage de cocaïne peut égale-ment être de type utilitariste, motivé parle désir ou le besoin d'accroître ses per-formances, que ce soit dans le travail,dans le sexe ou dans une autre activité.

Elle est très fréquemment associée à d'au-tres produits, du fait de son prix onéreuxd'une part, et de ses propriétés stimulan-tes d'autre part, qui font qu'elle se mariebien avec des substances relaxantes tellesque l'alcool, le cannabis, l'héroïne ou lakétamine. Ces associations permettentd'atténuer la nervosité engendrée par lacocaïne et de mieux maîtriser les effetsrelaxants des autres produits.

Cocaïne et crackLa cocaïne est un alcaloïde extrait de la feuille d'un arbrisseau cultivé en Amérique latine, lecocaïer. Elle est aisément résorbée au niveau des muqueuses et notamment de la muqueuse nasa-le: les consommateurs prisent (sniffent) et la voie nasale est demeurée longtemps la modalité laplus populaire d'utilisation de la drogue. L'administration intraveineuse de cocaïne induit un effetpresque immédiat (en environ une ou deux minutes). Elle est commune chez les polytoxicomanes.L'utilisation par voie intramusculaire ou sous-cutanée est rare. Le crack est une forme de cocaïnedestinée à être fumée ou injectée (syn. free-base). Les vapeurs gagnent les alvéolaires pulmonai-res où l'alcaloïde passe dans le sang. L'action survient en cinq à dix secondes mais est très brève.

Les usagers de crack recherchent une sensation proche du flash induit par l'injection de cocaïne,mais les effets fugaces les poussent à réitérer de façon compulsive l'administration. Les consé-quences cliniques de l'utilisation du crack sont celles, exacerbées, de l'usage de la cocaïne salifiée.Cette forme de cocaïne induit une dépendance rapide, plus forte que lorsque l'alcaloïde est sim-plement sniffé.

La cocaïne bloque la recapture d'un certain nombre de neuromédiateurs, en particulier de la dopa-mine et dans une moindre mesure de la noradrénaline et de la sérotonine. Elle entraîne une acti-vation importante des neurones dopaminergiques dans diverses régions du cerveau jouant un rôleclé dans la régulation des émotions.

Les effets de la consommation de cocaïne résultent pour l'essentiel d'une stimulation sympathique:toxicité cardio-vasculaire (vasoconstriction, troubles du rythme cardiaque, etc., crises hypertensivesà l'origine possible d'autres troubles (hémorragies pulmonaires et cérébrales, dissection aortique),angor et infarctus du myocarde, toxicité sur le système nerveux (céphalées, hémorragie méningée,convulsions), toxicité pulmonaire (toux, expectorations sanglantes, douleurs thoraciques parfoisvives, dyspnée, pneumomédiastin, pneumopéricarde, réduction de la capacité de diffusion du mono-xyde de carbone et hémorragie alvéolaire avec le crack), toxicité hépatique et rénale (ischémies parvasoconstriction, insuffisance rénale aiguë si intoxication aiguë), complications psychiques.

Lors d'une consommation occasionnelle à faible dose, l'usager décrit une sensation d'euphorie etde bien-être, de facilitation relationnelle, d'hypervigilance. Il est sujet à des insomnies. Cette phaseest le rush (la course). Lorsque les doses sont répétées sur une brève période, la fin de l'activité duproduit se traduit par une anxiété inclinant à utiliser à nouveau de la drogue. Cette phase dépres-sive est le crash (la chute, l 'écrasement).

Lorsque la dose utilisée est plus importante, une agitation psychomotrice intense peut s'accompa-gner d'idées délirantes (sentiment de persécution, illusions sensorielles, amnésie) avec comporte-ment violent.

Lorsque l'usage se fait compulsif, le consommateur devient sujet à une grande instabilité caracté-rielle (dysphorie). Les illusions sensorielles se généralisent. Les délires d'interprétation revêtentvolontiers une forme paranoïde et s'accompagnent d'attaques de panique. Les phases de dépres-sion caractérisée alternent avec les phases d'excitation maniaque, d'insomnie, d'amnésie.

20% des usagers de cocaïne deviennent dépendants de la drogue. Mais, compte tenu de la pro-portion toujours plus grande d'individus consommant de la drogue, et, notamment, la consommantsous forme de crack ou par injections (des modes d'administration donnant un pic sanguin préco-ce et élevé, facteur connu pour favoriser la survenue d'une dépendance) le nombre de consom-mateurs incapables de maîtriser la consommation de cette drogue va s'accroissant.

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première prise), les personnes ayant déjàune certaine expérience du produit insis-tent sur la difficulté à le gérer. Presquetous ont connu une période de consomma-tion quotidienne allant de 4-5 mois à 2 ans(d'1 à 6 grammes par jour en sniff), à lasuite de laquelle ils ont décidé d'arrêtersuite à des problèmes de santé physiqueet/ou mentale. Tous en consomment enco-re aujourd'hui, occasionnellement maisparfois intensément et une des personnesinterrogées continue à avoir des problè-mes de gestion du produit (peur de retom-ber, tremblements, paranoïa).

Les entretiens font état de perturbationsd'ordre psychologique, généralementaprès des épisodes de consommationintense. Sont évoqués : la paranoïa, ladépression, la tendance à l'hypocondrie,les crises d'angoisse, la nervosité, la pertedu sommeil, mais aussi des pertes depoids, des problèmes respiratoires, desirritations au niveau du nez, des palpita-tions, des tremblements.

Les associations de produits avec lacocaïne semblent avoir deux fonctions :l'une consiste à mieux gérer les effetsnégatifs du produits et l'autre a plutôt unedimension expérimentale, festive ouencore pour la défonce.

Le développement dela consommation de kétamineCe produit est aujourd'hui disponibledans l'espace festif techno ; de plus enplus de personnes en ont fait l'expérience,parfois sans être bien informées deseffets qu'il génère.

La kétamine semble être recherchée pourla radicalité de ses effets, à la fois trèsintenses mais relativement courts. Ceproduit induit des modifications de l'étatde conscience très profondes dans le rap-port au monde, à l'espace et permet -c'estce que beaucoup de ceux qui en usentsemblent rechercher - une déconnexionbrutale de la réalité ordinaire.

Ses effets diffèrent énormément selon lemode d'absorption et le dosage.

Les associations sont courantes (kétamine+ LSD, ou ecstasy, ou speed ou cocaïne).Elles sont quelque fois perçues commedangereuses mais peuvent permettre unemeilleure gestion du produit.

Les informations qui circulent sur la kéta-mine ont trait le plus souvent à la naturedu produit (anesthésiant humain et vétéri-naire) et à son effet le plus caractéristiquequi est une sensation de séparation ducorps et de l'esprit. Ces premières donnéessont souvent dissuasives.

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Le RESTIM : un réseau «stimulant »Le RESTIM1 est un réseau inter-institutionnel d'information, de formation et de développementdes connaissances cliniques et thérapeutiques sur les usages de psychostimulants, hallucino-gènes et nouvelles drogues. Créé en décembre 1999, avec l'appui de la MILDT et la collabora-tion de divers partenaires (OFDT, Toxibase, Marmottan…), il a pour objectif de réunir des connais-sances fiables sur ces questions, de soutenir les équipes dans leurs efforts d'adaptation et, defavoriser au sein des dispositifs existants, l'ouverture à de nouveaux modes d'accueil et de priseen charge tenant compte des spécificités des usagers de ces produits et de réfléchir sur lesconduites à tenir adaptées aux différents stades de la consommation et aux altérations pharma-co-cliniques provoquées par l'abus de psychostimulants. Les connaissances sur les pratiquessont élaborées grâce au réseau de correspondants, elles sont présentées à l'ensemble du réseauet au public par le biais du site Internet www. restim.org

Face à l'augmentation de la consommation de produits psychostimulants observée par les diffé-rents acteurs de terrain, les professionnels du secteur de la toxicomanie et leurs partenaires (pra-ticiens hospitaliers, généralistes,…) sont amenés à adapter leurs pratiques aux besoins spéci-fiques des usagers de ces produits. En effet, si pour le plus grand nombre d'entre eux laconsommation restera occasionnelle, non problématique, elle pourra pour certains aboutir à desérieuses complications. La première est liée à l'intoxication aiguë, la survenance d'accidentspsychiques traumatisants («bad trips»)2 suite à une surdose ou une combinaison de substancespsychoactives. La seconde est associée à l'usage prolongé d'une ou plusieurs substances. Àlong terme certains ne gèrent plus, glissent vers des conduites addictives et des (poly)consom-mations compulsives qui peuvent favoriser des processus d'exclusion et de marginalisation.

Lorsque les premières difficultés surviennent, il est encore rare que les usagers s'adressent d'eux-mêmes aux professionnels spécialisés en toxicomanie. Pourtant ils sont des plus qualifiés pourapporter le soutien nécessaire à une prise en charge globale de la personne. Les savoir-faire del'accueil, l'accompagnement thérapeutique et l'orientation sont dans les structures de soins acquisde longue date. Pourquoi alors la rencontre ne se fait-elle pas ?

La méconnaissance du fonctionnement des structures (gratuité, respect du secret professionnel),la crainte d'une médicalisation excessive de la situation, le rejet de l'étiquette de toxicomane, lerefus de la stigmatisation, sont des éléments qui ne favorisent pas l'émergence d'une demanded'aide de la part des usagers. Pour leur part, certains professionnels ne sont pas familiers des pro-duits utilisés et des logiques de la consommation. De ce fait, lorsqu'ils sont sollicités, parfois dansl'urgence, il leur est difficile de proposer des réponses adaptées aux demandes d'informations, d'o-rientation, de sevrage, de traitement ou de suivi médico-psychologique.

L'adaptation des services institutionnels aux pratiques actuelles consiste à répondre aux besoins deces populations qui ne sont pas majoritairement demandeuses de soins mais d'une interventionsanitaire d'aide à la gestion de la consommation. Les demandes de ces usagers, dans le premiertemps souvent centrées sur les produits, testent les interlocuteurs, leurs capacités à (s')informeret à faire preuve d'intérêt pour ces usagers dont les modes de consommation obéissent à deslogiques fort différentes de celles des héroïnomanes familiers (et donc rassurants) des structures.Cette réorientation des services, avec une attention marquée sur la qualité de l'accueil, doit s'ac -compagner d'un renforcement de la coordination des organismes entre eux ainsi que de la ren-contre entre partenaires intervenant sur les lieux festifs et dans les centres. La reconnaissancemutuelle des compétences et des savoirs de chacun est une des bases essentielles au déve-loppement de modalités de prise en charge innovantes, appropriées. Le réseau RESTIM s'em-ploie à favoriser ces rencontres et ces échanges, vous êtes invités à vous joindre à la réflexion.

Mélanie King - Chargé de mission Restim

1. 5 rue de Clamart, 92100 Boulogne-Billancourt. 01 58 17 02 69. contact @restim.org - www.restim.org2. Cf bulletin de liaison RESTIM n° 4. Etude Bad Trip

La kétamine(k, Special, k, vitamine k, Kit Kat)Cet anesthésique est parfois détournée deson usage médical par des amateurs d'expé-riences psychédéliques, qui vont le sniffermais aussi l'ingérer ou se l'injecter par voieintramusculaire.Les effets, persistant plusieurs heures, sontsurtout dissociatifs. Les usagers évoquent unsentiment d'extracorporalité, une sensation deflottement dans l'espace, avec de possibleshallucinations visuelles et tactiles. Commepour tous les hallucinogènes, les effets indési-rables sont essentiellement d'ordre psy-chique, avec attaques de panique, anxiétéréactivée.On rapporte également des troubles neurolo-giques (paralysies temporaires) et des signesdigestifs (nausées, vomissements). L'intoxi-cation aiguë se traduit par un coma prolongé.

Ce produit pourrait être caractérisé parl'étrangeté de ses effets et la perte decontrôle de soi qu'il occasionne. Ainsi, ilest tantôt recherché pour la nouveautédes effets qu'il procure, et pour leur inten-sité, tantôt rejeté par ceux qui veulent res-ter maître des situations et d'eux-mêmes.

La kétamine provoque des troubles de lavision, induit une modification du rap-port à l'espace, une perte des notions dedistance, d'où des déséquilibres et unmanque de précision dans le mouvement,mais aussi l'impression de faire partie del'espace, d'entrer en synergie avec le son,de voir les volumes déformés, et de per-cevoir un sens de l'apesanteur renforcé.

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fréquemment troqué ou offert. Son usageest le plus souvent occasionnel, opportu-niste, et peut devenir régulier pendant despériodes de disponibilité du produit. Iln'est pas nécessairement lié à un événe-ment particulier. Il est consommé à plu-sieurs ou en solitaire, en contexte festifmais aussi dans des contextes privés.

Il a des effets calmants, relaxants quipeuvent être recherchés en contexte festifpour pallier les descentes difficiles deproduits stimulants et/ou hallucinogènes.Il peut aussi être consommé au quotidienà faibles doses pour obtenir un état d'a-paisement, de décontraction, de bien-êtreintérieur, en n'altérant que très légère-ment l'état de conscience de l'usager.

À plus fortes doses, il est ressenti commeun produit planant . Bien qu'il soit sou-vent perçu comme inoffensif, le rachachacrée chez des usagers réguliers une tolé-rance et une accoutumance.

Particularités de l'usage d'héroïneL'héroïne pourrait être qualifiée de dro-gue à étapes, ses effets se métamorpho-sant à chaque stade de consommation.

Lorsque les usagers n'en sont pas dépen-dants, elle est fréquemment utiliséecomme produit de soutien, permettant dese soustraire à différentes pressions de laréalité quotidienne, d'effacer un mal êtregénéral, de gommer les tensions, de faci-liter une ouverture aux autres, de soignerle stress ressenti lors des descentes deproduits stimulants et/ou hallucinogènes,de contrecarrer les dérapages psycholo-giques provoqués par ces mêmes sub-stances. Une fois sous l'emprise de ceproduit, la prise d'héroïne n'apporte plusà l'usager qu'un plaisir en négatif, celuide ne pas être en manque.

La kétamine est considérée comme unproduit difficile à gérer. L'étrangeté etl'intensité de l'expérience font que lesusagers adoptent souvent une attituderéservée à son égard, bien que la prise derisque puisse être perçue comme valori-sante (vaincre sa peur, se tester…).

L'usage de kétamine est occasionnel pourla plupart des personnes que nous avonsinterrogées. Quelques unes rapportentdes épisodes de consommation très régu-lière. Ce produit semble susceptible d'in-duire une accoutumance et une dépen-dance psychique à ses effets.

Bien que le contexte festif soit peu adap-té à l'expérimentation d'un produit anes-thésiant par nature, la kétamine estconsommée dans ce contexte par beau-coup d'usagers, du fait de sa disponibilité(même relative dans ce type d'événe-ment) et des pratiques courantes de par-tage, d'offre ou de troc. Les usagers ama-teurs d'expériences psychédéliques quisouhaitent en explorer plus profondémentles effets, privilégient des contextes inti-mes plus souvent privés.

Le développementde la consommation d’opiacésCes produits semblent le plus souventutilisés pour pallier aux descentes diffici-les de produits stimulants et/ou halluci-nogènes. L'utilisation de rachacha estcourante, l'usage d'héroïne reste caché etmal perçu, l'usage de subutex et de codéi-ne semble avoir été introduit par la forcedes choses, ces produits étant abondantssur le marché des stupéfiants.

Le développement de la consommationd'opiacés en descente et dans un contexteessentiellement récréatif, de fin de fêtepourrait conduire à des utilisations plusrégulières et dans d'autres contextes.

Particularités de l'usage de rachacha

La fabrication de rachacha semble s'êtredéveloppée au cours des dix dernièresannées, en particulier dans le sud de laFrance. Cette décoction de têtes de pavotest réalisée dans des conditions d'hygièneplus ou moins bonnes.

Le rachacha est un produit bon marché

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Le rachachaL'opium est obtenu par incision des capsulesde pavot le latex qui s'en écoule est simple-ment séché à l'air pour former une masse noi -râtre et friable. Riche en morphine, il s'agit del'un des plus anciens médicaments connus.L'intérêt de l'opium tient à sa richesse en alca-loïdes. Une vingtaine de molécules différentesen ont été isolées, appartenant à plusieursgroupes chimiques dont la morphine (base dela préparation de l'héroïne) et la codéine.

Le rachacha, comme d'autres préparations àbase d'opium (paille de pavot, etc.), est utilisépour ses propriétés anxiolytiques, antal-giques, euphorisantes. Son usage peutentraîner une dépendance physique et psy-chique d'installation rapide. Ses effets phar-macologiques sont ceux de tous les opiacés,mais moins accentués que lorsqu'il s'agit desalcaloïdes isolés (morphine, héroïne injec-tées, fumées ou sniffées).

Héroïne, morphine, codéine et autres : les opiacésLes opiacés sont des molécules naturelles ou synthétiques dont les effets au niveau de la cellulesont transmis par des récepteurs spécifiques (ropiorécepteurs), dont l'action est agoniste ou anta-goniste de celle du référent du groupe, la morphine, un alcaloïde isolé de l'opium.

Ils sont le plus souvent utilisés par injection intraveineuse, qui expose aux risques les plus impor-tants qui, seule, donne l'effet violent de flash recherché par les usagers. L'héroïne peut égalementêtre prisée, la drogue passant alors dans le sang au travers de la muqueuse nasale, fumée dansune pipe à eau voire sous forme de cigarette, mélangée à du tabac ou à du cannabis. Les vapeursde l'héroïne base peuvent être inhalées (chasser le dragon). Une forme spécifique d'héroïne,appelée tar (goudron en anglais) se présente sous forme de petits morceaux pâteux de couleurnoirâtre : elle est essentiellement destinée à être fumée.Les propriétés pharmacologiques de la morphine sont caractéristiques de celles de tous les ago-nistes opiacés (notamment héroïne, codéine, méthadone, etc.). La morphine agit en se fixant surdes récepteurs connus pour fixer des substances physiologiques spécifiqes : les endorphines. Seseffets pharmacologiques ont des conséquences sur trois grands systèmes physiologiques: le sys-tème nerveux central, le système gastro-intestinal et le système cardio-vasculaire.Au niveau du système nerveux central, la morphine provoque une sédation et une analgésie puis-sante. Un myosis s'observe chez presque tous les toxicomanes aux opiacés (une mydriase signequant à elle un état de manque ou, surtout, une overdose). Une dépression respiratoire résulted'une réduction de la sensibilité des centres respiratoires à l'augmentation de la teneur en gaz car-bonique du sang. Cette dépression est la cause essentielle des décès par intoxication aiguë (over-dose). Une inhibition de la toux et l'apparition de nausées ou de vomissements sont signalés lorsde l'administration de morphine, même à faible dose. L'action émétisante disparaît avec l'accou-tumance. Selon les doses, la morphine peut provoquer l'apparition d'un état d'euphorie, voired'une dysphorie: ce sont les effets recherchés par les toxicomanes. A forte dose, la morphineinduit des convulsions, notamment chez les individus ayant des antécédents d'épilepsie.

L'action de la morphine sur l'intestin provoque une diminution du tonus et du péristaltisme desfibres longitudinales alors qu'elle augmente le tonus des fibres circulaires. Ce mécanisme est àl'origine d'une constipation.Au niveau cardio-vasculaire, la morphine entraîne une dilatation des veines et des artères et peutprovoquer une hypotension orthostatique. La morphine a d'autres effets pharmacologiques demoindre importance : elle induit un spasme des voies urinaires, une vasodilatation cutanée, unechute du taux d'hormones hypophysaires (LH, FSH), une augmentation du taux plasmatique de laprolactine et de l'hormone de croissance. Comme tous les opiacés, la morphine franchit la barriè-re placentaire et passe dans le lait maternel.L'administration répétée d'un agoniste opiacé peut entraîner, dans un contexte psychologique par-ticulier, une toxicomanie caractérisée par une dépendance psychique et physique ainsi que parune tolérance. L'arrêt brutal des administrations peut provoquer un syndrome de sevrage et doitse faire progressivement.

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L'apparitionde nouveaux produitsLe terme produits rares recouvre ici unensemble confondant des produits peudisponibles (GHB, 2CB, DMT et PCP) etdes produits disponibles dont les usagesparaissent exceptionnels ou très restreints(Datura)23.

Les produits rares sont l'objet de discus-sions et de spéculations, ils nourrissentl'imaginaire même si leur usage restemarginal et la connaissance de leur natu-re et de leurs effets très approximative.

La Datura, le PCP et le DMT sont carac-térisés par l'intensité de leurs effets, par lamodification radicale dans le rapport aumonde qu'ils occasionnent. Ils sont sou-vent comparés à des produits de type hal-lucinogène plus connus comme la kéta-mine ou le LSD. Les discours concernantle GHB et le 2CB sont le plus souventapproximatifs et stéréotypés. Ces deuxderniers produits sont comparés à l'ecsta-sy dans leurs effets.

La consommation de ces produits raresreste limitée et occasionnelle chez lesusagers rencontrés. La plupart les con-naissent peu, bien qu'ayant une longueexpérience des psychoactifs en général.

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La buprénorphineLa buprénorphine est un agoniste/antago-niste partiel des récepteurs aux opiacés. Cetanalgésique (Temgésic®) est égalementindiqué comme traitement de substitution àl'héroïne (Subutex® par voie sublinguale).

La buprénorphine neutralise partiellementles effets de l'héroïne, calme le syndrome demanque et n'expose pas à un risque de tolé-rance. Il faut l'utiliser avec précaution chezl'insuffisant respiratoire, hépatique ou rénalainsi que chez la femme enceinte ou allai-tante. Elle expose à des risques de consti-pation, de maux de tête, de troubles du som-meil, de nausées et vomissements, desueurs profuses. Des décès par dépressionrespiratoire surviennent dans le contexted'un détournement du médicament, par voieintraveineuse et en association avec desbenzodiazépines et de l'alcool.

Le GHBLe g-hydroxybutyrate (GHB, g-OH), structu-rellement proche du GABA, est naturellementproduit dans le cerveau des mammifères. Ila un rôle probable de neurotransmetteurGABAergique et agit également sur la trans-mission dopaminergique. Le GHB fut et resteencore utilisé en thérapeutique comme anes-thésique d'action rapide et comme hypnotique.

Une toxicomanie au GHB, alors utilisé essen-tiellement par ingestion, s'est développéeoutre-Atlantique depuis les années 1990, cer-tains usagers recherchant spécifiquementses propriétés euphorisantes puis sédatives.Des intoxications ont été décrites avec : ver-tiges et étourdissements, nausées, vomisse-ments, lipothymie, contractions musculairescloniques, diminution de la vision périphé-rique, agitation, bradycardie, difficultés respi-ratoires, hallucinations, évanouissement etcoma. Ces effets sont aggravés si le produitest associé à d'autres drogues: alcool, ecsta-sy et amphétamines. L'utilisation répétée deGHB peut donner lieu à dépendance psy-chique comme physique, mais les signes desevrage restent frustes.

Les daturasLes espèces de daturas, plantes herbacéesou arbustives de la famille des Solanacées,sont répandues sur tous les continents. Leursfeuilles sont riches en atropine (ou son iso-mère, l'hyoscyamine) et en scopolamine (=hyoscine), d'où leurs propriétés hallucinogè-nes et leur extrême toxicité.

En Europe, Datura stramonium (Pomme épi-neuse ou stramoine) est une herbe annuellecommune dont les propriétés médicinales ethallucinogènes, repérées dès l'Antiquité,furent mises à profit dans les pratiques dedivination puis de sorcellerie (d'où son nompopulaire d'herbe à sorcière ou d'herbe audiable).

L'activité anticholinergique de la plante se tra-duit par des illusions sensorielles (hallucina-tions notamment) avec agitation, par unesécheresse buccale, une mydriase, des trou-bles du rythme cardiaque, une rétention uri-naire douloureuse. Ce tableau est souventassocié à une hyperthermie. Le décès peutsurvenir pour des quantités de drogue faibles(10mg d'atropine ou seulement de 4mg descopolamine chez l'adulte).

L'héroïne représente parfois l'ultime bar-rière à ne pas franchir en matière deconsommation de substances psychoacti-ves. Elle reste un produit des plus malperçus, que ce soit par les anciens usa-gers, par les usagers occasionnels actuelsou par ceux qui n'ont jamais goûté, et sonusage demeure caché, même en contextefestif. Le fait de stigmatiser aussi forte-ment cet usage peut constituer un moyenpour d'autres usagers de se rassurer quantà leur propre consommation psychoactive.

Dans l’ensemble ces produits sontméconnus et très minoritaires.

Le 2CB semble présent sur le marché del'ecstasy, (les résultats du Contrôle Rapi-de des Produits et des analyses en labora-toire l'attestent), il est probable que lespersonnes le consomment parfois sans enconnaître la nature. Le peu d'informa-tions qualitatives dont nous disposons surl'usage de PCP, de DOB, de Gamma OH,ne nous permet pas de formuler deshypothèses sur l'usage de ces substances.

Le polyusageLe polyusage24 est une pratique ancienne(mélanges variés dans les milieux punk etrock - alcool, médicaments, cocaïne, héroï-ne notamment -) et courante (alcool, tabac,cannabis sont très souvent consommés enassociation, et par une part importante dela population) actuellement influencée etaccentuée par la variété de produitsdisponibles sur le marché25.

Les combinaisons possibles sont nom-breuses et aboutissent finalement à ceque les usagers explorent de façon plussuperficielle qu'auparavant les effets pro-pres à chaque produit.

L'alcool, le tabac et le cannabis apparais-sent comme des produits plates-formesqui accompagnent presque systématique-ment la prise d'autres produits.

L'augmentation du nombre de produits etde leur disponibilité sur le marché a sansdoute accentué le phénomène du poly-usage.

Sur ce terrain foisonnant, la présentationdes différents types d'associations rele-vées dans les entretiens et les observa-tions reste limitée. Elle nous semble icimanquer d'exhaustivité pour deux rai-sons. D'une part, les épisodes de polyusa-ge sont fréquents et pas toujours inten-tionnels ; les usagers se souviennent rare-ment de toutes les associations qu'ils ontpratiquées. D'autre part, certaines asso-ciations de produits paraissent tellementbanalisées que peu de personnes pensentà les mentionner spontanément en entre-tien. Les enquêteurs eux-mêmes, tropfocalisés sur des produits spécifiques, ontparfois omis d'attirer l'attention sur lespratiques courantes.

Seules deux personnes sur toutes cellesque nous avons rencontrées, disent ne pasapprécier et éviter de pratiquer les asso-ciations de produits26.

La pratique quasi systématique du poly-usage pourrait donc laisser penser que lesusagers sont moins intéressés par l'ex-ploitation des propriétés psychoactivesd'une substance particulière que par lefait même de prendre des produits, peuimporte lesquels. En dépit de cette appa-rence, les associations obéissent à desrègles complexes en terme de dosages,d'échelonnement des prises, de combinai-son des effets, souvent acquises au fil desexpériences et auprès des pairs.

Le polyusage semble s'être accentué avecla diversification et le développement del'offre de psychotropes, il recouvre deslogiques, des stratégies d'associations très

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Ce type d'association n'est parfois pasidentifié comme tel par les usagers, quipeinent souvent à retracer précisémentleur épisode de consommation. Victor, unétudiant de 23 ans, parle de ses expérien-ces sous kétamine et ne mentionne lemélange avec d'autres substances quelorsqu'il a délibérément pris la décisionde les consommer simultanément. Ilréalise qu'en fait il n'a jamais goûté lakétamine comme unique produit, il étaittoujours sous l'effet (même soft) d'uneautre substance.

• L'effet surprise ou les produits de coupe.Il peut arriver que l'usager prenne undeuxième produit lorsqu'il pense que lepremier n'est pas efficace (absence demontée ou impatience, effets jugés troplégers…), et qu'il ressente finalement leseffets des deux de manière simultanée, ouencore qu'il absorbe un comprimé danslequel sont déjà mélangées plusieursmolécules actives.

2. La stratégie planifiée pour répondreà des objectifs précis

• Dans le but d'obtenir un effet spécifique.L'usager décide de se procurer des pro-duits déterminés pour obtenir un effetparticulier déjà expérimenté et apprécié,ou parce qu'il a simplement envie d'es-sayer un cocktail dont il a entendu parler.

Les mélanges antagonistes illustrent par-ticulièrement ce type de stratégie (leSpeedball - cocaïne + héroïne, ou encorele Calvin Klein - cocaïne + kétamine).

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Le cannabis et ses dérivésLe cannabis est une plante de culture désormais ubiquitaire, à l'origine de nombreuses prépara-tions psychoactives dont, notamment le haschisch (shit, teuch). Le principe actif majeur du can-nabis est le THC. Il agit en se fixant à des récepteurs spécifiques retrouvés notamment dans lesystème nerveux central, mais aussi dans la plupart des autres organes.

Les signes psychiques d'intoxication au cannabis, souvent frustres, varient selon l'usager, lecontexte et la quantité de produit consommée. On retrouve de façon théorique : désorientationtemporelle, troubles mnésiques, troubles de la vigilance, altérations sensorielles, troubles de l'é-quilibre et de la coordination des mouvements, troubles thymiques et dissociatifs (euphorie,dysphorie, anxiété, agressivité, dépersonnalisation, délire). L'intoxication cannabique semble, defaçon exceptionnelle, induire des attaques de panique, dans un contexte d'anxiété chronique.

La décompensation psychotique liée à un usage important de cannabis chez des sujets pré-disposés, rare, est caractérisée par un syndrome délirant souvent à thème de persécution, avecanxiété, labilité émotionnelle, dépersonnalisation, amnésie, et symptomatologie physique (tremble-ments, incoordination motrice, etc.). Ces signes s'abolissent rapidement. Des manifestationsdurables peuvent s'observer lors d'une consommation prolongée et l'usage de cannabis peut pré-cipiter la décompensation d'une pathologie psychique préexistante.

Les signes physiques induits par l'utilisation de cannabis sont variables et souvent non significa-tifs au plan clinique : douleurs gastriques, troubles du transit; rares signes hépatiques, signesallergiques (asthme, bronchoconstriction, irritation avec toux, etc.) induits par les substances decoupe, modifications du rythme cardiaque inconstantes et variables, altérations fonctionnelles desvoies respiratoires (surtout si association au tabac), altération du système immunitaire (siconsommation prolongée à fortes doses, sans conséquences cliniques encore évidentes).

L'arrêt brutal d'une consommation chronique de cannabis induit des signes de sevrage en 12 à24 heures. Ils s'intensifient pendant un à deux jours avant de disparaître en trois à cinq jours. Cessignes se caractérisent par de l'anxiété, de l'irritabilité, de l'agitation, des insomnies, de l'anorexie,et un syndrome pseudo-grippal.

diverses, pour ainsi dire personnalisées.C'est en ce sens que l'on peut parler d'uneconsommation utilitariste, les psychotro-pes servant le consommateur dans sarecherche de bien-être, d'efficacité, dedécompression, de relaxation, d'introspec-tion, de rêve… Ils peuvent modifier leurhumeur et leurs sensations à la carte.

Prendre un second produit peut permettrede gérer les effets du premier, de les anni-hiler ou au contraire de les accentuer, deles faire remonter. De la combinaison deplusieurs produits peuvent naître de nou-veaux effets, de nouvelles sensations.

Le développement d'un polyusage répondsouvent à un désir d'expérimentation. Ilmontre enfin que l'usage de psychotropestend à se banaliser.

Les associations de produits s'organisentalors selon plusieurs modalités.

1. Le cumul non-intentionnel lié au contexte et au groupe

• On ne refuse pas un produit offert. Lesproduits sont consommés au gré des ren-contres et des propositions, ils ne sont pastoujours achetés. Il est d'usage de ne pasrefuser un trait offert et proposer des sub-stances se fait naturellement.

Dans ce cas, couramment observé, l'usa-ger ne prévoit pas spécialement de se trou-ver sous l'effet de plusieurs produits et lescombinaisons ne répondent à aucunelogique préétablie.

• Dans le but de se déchirer la tête . Sedéfoncer, se mettre cher, se déconnecter,se retourner, s'arracher, se démonter, semettre la tête à l'envers, se dépouiller,prendre cher, sont autant d'expressionsqui traduisent l'état de défonce appréciépar certains sujets.

La défonce est ici entendue comme larecherche d'une sensation très forte,vécue de manière plutôt solitaire, et quis'inscrit dans une logique d'excès. Cedésir occasionne des abus, exceptionnelsou non, en termes de quantités absorbées,de variétés de produits et de durée de l'é-pisode de consommation. L'effet de grou-pe et l'effet de contexte jouent souvent unrôle dans cette démarche.

• Dans le but de gérer les descentes.Associer les produits peut se faire volon-tairement dans le but d'atténuer les effetsnégatifs ressentis pendant les descentes.Ce sont les substances relaxantes (princi-palement cannabis, opiacés, médica-ments) qui entrent ici en jeu bien que par-fois des stimulants puissent être pris,pour, dans ce cas, repousser le momentde la descente.

3 - Le partage intentionnel au seind'un groupe

Le partage des produits entre les mem-bres d'un groupe est courant. Il a lieu àdifférentes étapes de l'épisode de con-sommation. Les membres du groupe peu-vent avoir décidé d'acheter collective-ment plusieurs produits qu'ils apprécientde prendre simultanément. Il arrive aussiqu'à la fin d'un épisode de consomma-tion, chaque membre du groupe soit enpossession de substances mais pas enassez grande quantité pour être consom-mées individuellement. Il s'agit alors demettre en commun les fonds de poches,d'accommoder les restes.

Le partage découle d'une décision priseen commun. Il nécessite une préparationculinaire et est vécu comme un momentparticulier, intense, qui soude les mem-bres du groupe.

Boire la potion n'est pas anodin, puis-qu'en général personne ne connaît ledosage de substances psychoactivescontenu dans une gorgée, ni les effetsgénérés par le mélange. La prise derisque passe ici par une mise en scènecollective. Cette conscience d'un dangeréventuel se révèle dans le fait que, sou-vent, la potion n'est pas partagée avec desinconnus et/ou avec des personnes peuexpérimentées, ignorantes du principe.

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• Cindy, 23 ans, sans activité professionnelle. À propos descontextes d'usage : Pour moi la défonce en général j'aimebien la partager. J'aime bien qu'y ait une ambiance, unsupport, un contexte quelque chose qui te motive à enprendre ; pas en prendre pour en prendre quoi.

• Fanny, 23 ans, petits boulots alimentaires. À propos dela kétamine en Angleterre, des stratégies de gestion col-lectives : C'est dingue comme ça peut être une fashiontout ça, une mode. Tu sais qu'en teuf ils interdisent en cemoment ? - Ils interdisent quoi ? - La kétamine. Il y a despropagandes qui sortent. Tu peux plus vendre ta kétami-ne dans certaines teufs comme tu veux quoi, y'a des gensqui ne sont plus d'accord. Comme à Londres maintenantc'est plus pour faire de la thune par rapport aux paysétrangers comme la France que pour nous quoi.

• Richard, 30 ans, travaille en contrat aidé. À propos duspeed : Moi j'appelle ça un peu la drogue des pauvres. C'estcomme prendre une cuite avec du vin en bouteille en plas-tique à 2 F les deux litres et te boire une bonne bouteille.Franchement l'effet ne va pas être le même. Je pense quec'est quand même une drogue de mauvaise qualité.

• Odile, 20 ans, sans activité professionnelle. À propos de la cocaïne :La coke euh… La coke déjà tu vas t'en mettre un p'tit peu sur les gencives voir sielle t'endort, le goût qu'elle a, la texture qu'elle a, comment elle est. Quand tu lamets sur la bouche normalement elle fond, direct. Sinon ben t'as plusieurs pro-cédés, tu peux la tester à l'ammoniaque c'est-à-dire tu mets la coke dans de l'am-moniaque tu la chauffes avec une bougie et ça va faire un caillou et plus y a decailloux plus elle est pure parce que ce que tu ressors en fait c'est un espèce decrack artisanal que tu fumes en fait et euh…Sinon tu peux la tester aussi à l'alu-minium suivant les traces qu'elle fait ou… mais bon j'utilise pas trop ceprocédé-là moi. Généralement tu te prends pas trop la tête. J'veux direquand t'achètes quelque chose, tu goûtes juste et tu t'en fous un p'tit peusur la langue, tu regardes la texture qu'elle a, comment elle est et pis voilà.Généralement tu fais ça à la va vite quoi.

• Jean, 35 ans, travailleur social. Description des effets de la kétamine : C'est simplement que le corps est totalement (insistant) out puisqu'il estanesthésié et l'esprit, quand on est bien dosé il est totalement lucide, etl'esprit se déplace à la vitesse de la pensée c'est-à-dire ça va encore plusvite que les nerfs, je pense au soleil je suis sur le soleil euh je pense à laChine je suis en Chine enfin c'est… ça va à la vitesse de la pensée doncc'est sans limites et on peut remonter, enfin moi j'ai fait cette expérience deme retrouver à remonter dans le temps ou à me déplacer, à voler, à être au-dessus avec une facilité déconcertante, à un moment j'avais l'impressionque le hamac que j'avais attaché dehors était accroché entre les étoiles etque j'étais en train de me balancer juste sous la voûte céleste mais c'étaitune sensation que je vivais quoi (insistant), c'est ce type d'intensité.

• Bernard, 23 ans, vendeur. À propos des rumeurs sur leGHB : Ah tout ça j'ai… j'en ai entendu parler. Je sais quec'est… y paraît que c'est surpuissant, que c'est une doseencore plus minime mais franchement j'y ai jamais tou-ché. J'ai jamais eu l'occasion en fait. Je sais pas où entrouver. J'ai vu ça à la télé le GHB, qui se mettait dansdes bouteilles d'eau.

• Marius, 27 ans, contrat emploi solidarité.À propos de l'utilisation qu'il fait des pro-duits : Non j'évite parce que chacun à uneffet différent et maintenant selon l'effetque je veux, si j'veux être tripé à fond, hal-luciné, voyager dans… dans le space,j'prends des trips, si j'veux m'amuser, dan-ser… toute la soirée, j'prends des ecstas…Si j'me sens maintenant de bosser physi-quement, j'prends du speed, j'essaie detrouver du speed.

• Séraphin, 27 ans, sans activité professionnelle. Àpropos du partage des produits, du polyusage, de sastratégie personnelle : Non ça s'est fait comme ça,les gens y te proposent, tu dis oui ou non et voilàquoi on te propose et t'as du mal à dire non. J'ai dûrefuser 2 traits dans l'histoire quoi, histoire de direquoi… enfin de toute façon en ce moment j'prendspas grand chose et puis j'ai jamais vraiment prisbeaucoup, j'ai toujours un peu picoré le nectar dechaque (rires) enfin y'a toujours eu aussi lesambiances fêtes ou tekos où là forcément tu mélan-ges et déjà sur plusieurs jours de suite quoi, t'aspas envie de dormir par exemple et alors ben tuprends un peu de tout quoi.

• Séraphin, 27 ans, sans activité professionnelle. Àpropos de la notion de partage et de l'héroïne : Moij'ai l'impression que y'a des gens qui partagent etd'autres qui partagent pas quoi c'est un rapporteuh… y'a pas un type de drogues quoi, tu partagesquand t'es avec des potes quoi… quoique l'héroc'est… c'est pas que c'est difficile de le partagermais c'est surtout inciter quelqu'un à prendre unegrosse merde quoi, donc moi j'ai jamais engrainéquelqu'un à prendre de l'héro avec moi, j'me suistoujours laissé gentiment engrainer… et la der -nière fois j'ai trop aimé, c'était un tout petit traittout blanc mais vraiment bien quoi, ça m'a passpeedé longtemps hein on s'est vite retrouvésallongés chacun dans le camion à tchatcher, à seraconter notre life, un peu soif quand même et dèsque je bougeais pour boire j'ouvrais la porte ducamion pour gerber (rires).

Les citations présentées ci-dessoussont tirées des 40 entretiens réalisés

avec des usagers de produits rares, dans le cadre de la recherche ethnographique Pratiques et représentations émer-gentes dans le champ de l'usage de drogues en France (1999-2000).

Bien que sorties de leur contexte, elles donnent un aperçu des différents savoirs construits par les usagers et sur les-quels ils s'appuient. Ces savoirs , qu'ils concernent les représentations sociales, la (mé)connaissance des produits, lesstratégies de gestion individuelles ou collectives ou le sens donné à l'usage de drogue, sont essentiels pour qui chercheà comprendre ces pratiques.

3. Paroles, pratiques et savoirs d’usagers

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NOTES

1. Tossman P., Boldt, S., Tensil M.D., The use ofdrugs within the techno party scene in Europeanmetropolitan cities, in European AddictionResearch 2001, 7:2-23.

Voir aussi : IREFREA, Characteristics and socialrepresentation of ecstasy in Europe, IREFREA &European Commission, Espagne, 1998.

2. Pratiques et représentations émergentes dansle champ de l'usage de drogues en France,Laboratoire de Recherche Autonome sur lesSociétés (A. Fontaine, C. Fontana, C. Verchère, R.Vischi), publication OFDT, février 2001. (RAS Lab,anciennement LIRESS).

3. Escohotado A., Ivresses dans l'histoire. Les dro-gues, des origines à leur interdiction, L'EspritFrappeur n°18, 1998, p. 85.

4. Les drogues synthétiques en Europe : uniformi-sation et généralisation du phénomène. Tendancesn°3, novembre 1999, OFDT

5. Inaba D.S., Cohen W.E., Excitants, calmants,hallucinogènes, Piccin, 1997, p. 67.

6. Inaba D.S., Cohen W.E., Excitants, calmants,hallucinogènes, Piccin, 1997, p. 11.

7. Tant le nombre de saisies de LSD que les quanti-tés concernées ont augmenté jusqu'en 1993 puisdiminué dans l'ensemble, en dépit de fluctuationsdans la plupart des pays. Les saisies de LSD sontmoins fréquentes que celles d'amphétamines oud'ecstasy, OEDT, Rapport annuel sur l'état du phé-nomène de la drogue dans l'Union européenne,2000, p. 26.

8. Evolution des saisies en France : 32 en 1987,5047 en 1988, 62 000 en 1991, 130 000 en 1992,133 000 en 1993, 254 804 en 1994, 273 779 en1995, 349 210 en 1996, 600 000 environ en 1998.

Leclaire G., Usage et trafic d'ecstasy en France surles dix dernières années. In : Ecstasy. Des donnéesbiologiques et cliniques aux contextes d'usage,expertise collective INSERM , juin 1998.

9. Une gélule d'environ 160 mg de MDMA valait audébut des années 90 à peu près 300 F., un compri-mé peut aujourd'hui se trouver à moins de 50 F.

10. Bien que de nombreuses polémiques aient enco-re lieu à ce sujet, on constate que la mortalité liée àl'ecstasy semble effectivement limitée. Une soixan-taine de décès, dont on ne sait s'ils sont du à la prised'ecstasy uniquement, ont été recensés en Europeentre 1987 et 1996.

11. Drogues. Mais qu'allons-nous faire de tout cesavoir? , avant-propos du dossier Minorités, inVacarme n°13, automne 2000

12. Zarifian E., Le prix du bien-être, Odile Jacob,1996, p. 139.

13. Escohotado A., Ivresses dans l'histoire. Les dro-gues, des origines à leur interdiction, L'EspritFrappeur n°18, 1998, p. 84.

14. WHO Regional Office for Europe, Smoking,drinking and drug taking in the European Region,Copenhagen : WHO, 1997.

15. OEDT, Rapport annuel sur l'état du phénomène dela drogue dans l'Union européenne, 2000, p 9 et 21.Tendances générales concernant la consommation dedrogues eu Europe centrale et orientale exposées parl'OEDT : - Le pourcentage de la population globale,en particulier les lycéens, ayant essayé des droguesillicites au moins une fois est en hausse. - L'âge depremière consommation ou de premier contact avec

• Claire, 24 ans, journaliste. À propos du partage, du polyusage : Ça m'estplus arrivé de mélanger, genre ça commence soft, je sais pas, c'est un boutd'X, parce qu'on est un groupe, on partage toujours, on prend tous lesmêmes choses pour être tous sur le même truc, et après bon chacun a sespréférences et a envie de ralentir ou de speeder, après on se laisse un peulibre, quoi, mais on aime bien partager nos délires quoi, donc généralementc'est un peu l'amuse-gueule, enfin, on va se choper un taz, on partage quoi,et en même temps, il faut vite trouver autre chose, parce qu'il y a des fois, onprend juste un bout de taz et enfin, untaz, il faut le prendre entier, si tuprends qu'un bout, ça te casse etaprès tu vas dormir quoi.

• Richard, 30 ans, travaille en contrataidé. À propos des classifications desdrogues et de leurs usages : Entre man-ger un piment et un grain de maïs dans labouche ça ne te fait pas pareil, si tu man-ges un kilo de piments tu peux peut-êtreen mourir, brûlures d'estomac ou je nesais pas quoi. Donc à la limite je faisquand même une différence entre les dro -gues, il y a des drogues plus fortes qued'autres, mais après ce qui compte c'estle dosage, tu vois le shit c'est une droguedouce, quand tu commences à fumer 30joints par jour, ça devient une droguedure. La cocaïne c'est une drogue dure,si tu prends un gramme par an, ça faitmoins mal que de fumer un paquet decigarettes tous les jours. Donc voilà, lesdrogues, c'est les quantités dans le lapsde temps dans lequel tu les prends quifait qu'elles sont nocives ou pas.

• Xavière, 23 ans, étudiante en maîtrise. Sur le sens donné à l'usage, les représen-tations sociales : En fait je pense que cette attirance pour le voyage intérieur y vientd'un… c'est paradoxal enfin on pourrait même penser qu'y a aucun rapport maisj'pense que ce qui m'y a amené précisément c'est un mensonge, un mensonge qui aété fait par une instance supérieure parentale auquel j'accordais euh un certain bonsens et surtout un entendement et donc pourquoi est-ce que j'parle aussi d'anthro-pologie et vraiment de transcendance de l'humanité c'est que alors que j'étais peti-te je montais à cheval et alors qu'avec mon père pharmacien on allait beaucoupdans la forêt se balader etc. et j'avais donc remarqué relativement que y'avait deschampignons rigolos qu'on croise aussi dans les contes d'enfants donc euh une cer-taine sphère d'imaginaire quoi, tout un truc, Alice au pays des merveilles euh y'ades champignons amanite tue-mouche et moi on m'avait dit parce que sans doutej'avais du poser la question euh on m'avait dit que c'était mortel et un jour j'aiappris que c'était pas du tout mortel et là il m'est apparu ce qui était concret, detoute pièce des mensonges et qu'on détournait un savoir des plantes je sais pas auprofit de quoi, peut-être pour mieux asseoir ce que Thomas Satz appelle la panacéepharmacologique moderne quoi et ça il m'est apparu que y'avait quelque chose quiétait injuste, c'est-à-dire on peut promouvoir certains produits sans aucun problè-me mais on a pas le droit d'en dévaloriser d'autres au profit de cette promotionparce que c'est vraiment du mensonge donc du déni de réalité et donc du génocideanthropologique (rires)…. D'autant plus qu'en fait y'a certains bouquins euh alorsc'est marrant parce que c'est le sexe et la dope donc en fait un des plaisirs dontmaintenant arrivée à l'âge adulte je me dis que c'est des plaisirs dont on peut paseuh se passer et qui font vraiment partie de la vie et que c'est un peu ça notre huma-nité aussi… parce que donc à cette même période j'ai commencé un peu à me ren-carder sur les états de conscience modifiés, je tombe dans une bibliothèque defamille sur Fantastica de Lewin et j'commence à le bouquiner et là on me le cacheen me disant qu'on me refuse cette lecture, ils voulaient pas que je lise ça, j'avais 15ans et je commençais à lire et cette même année on m'avait aussi interdit de lire lesLiaisons Dangereuses de Choderlos de Laclos et ça j'pense que ça a quand mêmevachement forcé l'attirance sur les bonnes choses de la vie (rires), parce que peut-être qu'on est obligé de transgresser pour être dans l'individuation et découvrir sonpropre chemin, on est obligé de transgresser le désir que l'autre porte à notre égard.

• Séraphin, 27 ans, sans activité pro-fessionnelle. Sur le sens donné à l'u-sage, les représentations sociales : Letrip ça a été la grosse claque quoi, lasociété tu te rends compte que c'estdu carton pâte quoi, la société c'estun gros truc qu'est là pour euh tecloisonner euh enfin c'est ça hein tute dis " mais on nous a menti " (avecun accent innocent, rires), tu te dismais alors ça fait 20 ans qu'on nousdrogue à l'insu de notre plein gré eton nous interdit certains produitsquoi, c'est ça le truc quoi te dire quey'a des plantes qui sont labellisées,des plantes que t'as le droit d'autresque t'as pas le droit, alors qu'y a dessociétés où l'alcool y'en n'a pas dutout quoi.

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des substances licites et illicites décroît. - La deman-de de traitement pour dépendances envers les opia-cés augmente. - Les modèles de consommation chan-gent, avec davantage d'injections et un remplace-ment des opiacés produits localement par de l'héroï-ne d'importation. - La drogue s'étend des grandscentres urbains à toutes les régions. - Les arresta-tions et les saisies sont en hausse.

16. Voir aussi : IREFREA, Characteristics andsocial representation of ecstasy in Europe, IRE-

FREA & European Commission, Espagne, 1998.Cette étude menée en 1996-1997 a porté sur 5villes: Coimbra (Portugal), Modena (Italie), Nice(France), Palma de Mallorca (Espagne) et Utrecht(Hollande). Elle visait d'abord à récolter des infor-mations pouvant aider à améliorer les différentesactions de prévention de l'usage de drogues.

17. Tossman P., Boldt, S., Tensil M.D., The use ofdrugs within the techno party scene in Europeanmetropolitan cities, in European Addiction Re-search 2001, 7:2-23

18. D'autres contextes de consommation, tels queles clubs ou les milieux professionnels font plusrarement l’objet d’études ethnographiques.

19. Pratiques et représentations émergentes dansle champ de l'usage de drogues en France,Laboratoire de Recherche Autonome sur lesSociétés (A. Fontaine, C. Fontana, C. Verchère, R.Vischi), publication OFDT, février 2001.

20. Interroger les savoirs par A. Lalande inVacarme n°13, automne 2000.

21. Elle s'inscrit dans le cadre du projet pour unsuivi des tendances récentes dans le champ destoxicomanies en France (TREND).

22. La population interrogée présente une nettedominante masculine : 31 hommes pour 9 fem-mes. Elle se situe entre 20 et 30 ans, est très majo-ritairement citadine. Les profils socio-profession-nels sont divers, un tiers des personnes peuventtoutefois être qualifiées de précaires.

23. À l'exception du GHB (anesthésiant léger), lessubstances évoquées sont de type hallucinogène(d'origine naturelle ou synthétique).

24. Nous entendons par polyusage le fait deconsommer plusieurs produits lors d'un même épi-sode de consommation.

25. Plusieurs facteurs semblent jouer un rôle dansla pratique du polyusage d'après les personnes quenous avons interrogées : - la disponibilité de plu-sieurs produits ; - l'habitude de cette pratique ; -une occasion que l'on ne veut pas rater, un bonplan qui ne se présente pas souvent, des circons-tances ou des contextes particuliers ; - l'effet degroupe : la majorité des produits se consommenten groupe, groupe qui rassure, permet la convivia-lité, évite les dérapages ou bad trip d'un côté maisaccentue aussi la polyconsommation, du fait dupartage des produits.

26. Ces deux personnes pratiquent tout de mêmeles associations traditionnelles telles que alcool-cannabis-tabac. Dans le corps du texte, le termeassociation concerne principalement la combinai-son de substances de synthèse.

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