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C’est avec beaucoup d'enthousiasme qu’Au bas de l’échelle vous convie à sa deuxième soirée bénéfice. Marc Béland, porte-parole d’ABE, animera encore une fois cette soirée festive au Centre culturel Georges-Vanier le 9 mai prochain . Sous forme de coquetel dînatoire, vous aurez la chance d’entendre chanter, Catherine de Sève (L’auberge du chien noir) et Gilles Bélanger (Douze hommes rapaillés). Pour plus d’information sur la soirée et pour réserver vos billets, consultez la page 13 du bulletin. PAS POUR TOUJOURS... BULLETIN DE LIAISON DU GROUPE AU BAS DE L’ÉCHELLE, UN GROUPE POPULAIRE POUR LA DÉFENSE DES DROITS DES TRAVAILLEUSES ET DES TRAVAILLEURS NON SYNDIQUÉS HIVER 2013, VOLUME 33, NUMÉRO 3

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C’est avec beaucoup d'enthousiasme qu’Au bas de l’échelle vous convie à sa deuxième soirée bénéfice. Marc Béland, porte-parole

d’ABE, animera encore une fois cette soirée festive auCentre culturel Georges-Vanier le 9 mai prochain.

Sous forme de coquetel dînatoire, vous aurez la chance d’entendre chanter, Catherine de Sève (L’auberge du

chien noir) et Gilles Bélanger (Douze hommes rapaillés).

Pour plus d’information sur la soirée et pour réserver vos billets, consultez la page 13 du bulletin.

PAS POUR TOUJOURS...BULLETIN DE LIAISON DU GROUPE AU BAS DE L’ÉCHELLE,

UN GROUPE POPULAIRE POUR LA DÉFENSE DES DROITS DES TRAVAILLEUSES ET DES TRAVAILLEURS NON SYNDIQUÉS

HIVER 2013, VOLUME 33, NUMÉRO 3

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. . . pas pour toujours

Bulletin de liaison du groupe Au bas de l'échelle, un groupe populaire pour la défense des droits des travailleuses et des travailleurs non syndiqués.

Dépôt légal à Ottawa et à la Bibliothèque nationale, ISSN 320617

Coordination: Mélanie GauvinCollaboration: Solange Debrat, France Frenette, Mélanie Gauvin, Carole Henry, Lynda Nadeau

Publié par: Au bas de l'échelle 6839A, rue Drolet, bureau 305 Montréal (Québec) H2S 2T1 Téléphone : 514 270-7878 Adresse électronique : [email protected] Site web : http://www.aubasdelechelle.ca

Photographies : Carole Henry et Mélanie Gauvin

Volume 33, numéro 3, Hiver 2013

SommaireBrèves nouvelles p. 3

Chronique juridique: Conseils lors de l’embauche et en cours d’emploi

Le saccage du régime d’assurance-chômage p. 6

Allocution de Carole Henry, porte-parole d’ABE, à la manifestation du 12 février 2013 p. 9

Entretien avec Marie Boti, réalisatrice du documentaire La fin de l’immigration ? p. 10

Soirée bénéfice le 9 mai : Formulaire de réservation de billets p. 13

p. 4

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Brèves nouvelles

Quoi de neuf à Au bas de l’échelle ?

Journée internationale des femmes du 8 mars 2013 : «Le féminisme, plus actuel que jamais... pour des lendemains égalitaires»

Dans le cadre du 8 mars, Au bas de l’échelle a répondu à l’invitation du S y n d i c a t d e s chargées et chargés d e c o u r s d e l’UQAM et est allé présenter le travail de notre organisme et nos principaux dossiers. Cette rencontre de deux heures a été une belle occasion d’échanges sur la situation des travailleuses et travailleurs non syndiqués en mettant la lumière sur la place encore trop importante des femmes dans le travail précaire et à bas salaire.

Centre social et communautaire de la Petite Patrie

Au mois d’août dernier, la Commission scolaire de Montréal (CSDM) annonçait aux groupes locataires du 6839 rue Drolet (Au bas de l’échelle, le Centre de ressources et d’action communautaire de la Petite Patrie, le Comité logement de la Petite Patrie, le Conseil canadien pour les réfugiés, la Fondation pour l’aide aux travailleurs et travailleuses accidentés, le Regroupement des tables de concertation de la Petite-Patrie et le Mouvement Action-chômage de

Montréal ) son incapacité financière à effectuer les travaux requis pour la réfection du système de chauffage. La CSDM voulait donc évincer ses locataires.

Afin de préserver cette précieuse ressource, nous avons décidé de formaliser notre entité et de procéder à son incorporation sous le nom de Centre social et communautaire de la Petite Patrie. Cette entité légale nous permet d’unir nos efforts pour assurer la survie du centre. De plus, les groupes locataires, dont Au bas de l’échelle, sont présentement en démarche pour acheter l’immeuble. C’est à suivre…

Un départ à la retraite bien mérité !Au bas de l’échelle tient à saluer Jean Sansregret du Mouvement Action Chômage de Montréal qui, après 25 ans de ferveur et d’engagement, a pris sa retraite. Voisin de palier avec le MAC de Montréal, nous avons côtoyé Jean au quotidien pendant de nombreuses années. Nous lui souhaitons une excellente retraite et une belle poursuite de sa militance et de son engagement !

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Avoir un nouvel emploi est généralement une source d’enthousiasme et nous souhaitons à nos lectrices et lecteurs que cela le reste. Il est cependant important de s’entendre avec l’employeur sur les attentes mutuelles et de développer quelques habitudes qui pourraient être fort utiles en cas de litige.

À votre embauche

- Obtenez de votre employeur l’information la plus claire possible sur vos conditions de t r a v a i l : q u e l s e r a v o t r e m o d e d e rémunération (à l’heure, à la semaine, au rendement), le mode de versement du salaire (argent, chèque ou virement bancaire) ainsi que les périodes de paye (à la semaine, aux deux semaines), les retenues sur votre salaire et les avantages sociaux. Si vous n’êtes pas payé à l’heure, demandez le nombre d’heures de travail exigé pour établir votre taux horaire. Informez-vous aussi de l’horaire habituel de travail et de la façon dont est payé le temps supplémentaire. Enfin, assurez-vous de connaître votre description de tâches.

- Assurez-vous d’avoir le nom officiel de l’entreprise, le nom commercial (si différent), les coordonnées de l’entreprise et le nom et le numéro de téléphone de la personne qui vous embauche ou qui vous supervisera.

- Si vous travaillez pour une agence de location de main-d’œuvre (agence de placement temporaire), obtenez en plus, lorsqu’on vous

offrira une affectation, le nom officiel du client ainsi que son nom commercial (s’il est différent), les coordonnées du client et celle du lieu de l’affectation (si différent), le numéro de téléphone et le nom d’une ou de plusieurs personnes-ressources et la durée prévue de l’affectation.

- Il est préférable d’obtenir un contrat de travail écrit. Vous pouvez le demander, mais la loi n’oblige malheureusement pas votre employeur à vous en fournir un. Si votre employeur vous demande de signer un contrat de travail, demandez un temps de réflexion pour pouvoir en vérifier le contenu. Au besoin, faites relire le contrat par une avocate ou un avocat. Surveillez particulièrement les clauses de disponibilité ou de non-concurrence. Prenez le temps de comprendre ce que vous signez, surtout si vous travaillez pour une agence de location de main-d’œuvre : certaines clauses sont abusives ou illégales (par exemple l’interdiction de vous faire embaucher par une entreprise pour laquelle vous avez travaillé par l’intermédiaire de l’agence, ou par un client actuel ou même potentiel de l’agence).

- Si vous êtes une personne salariée à pourboire, vérifiez s’il y a une convention de partage des pourboires.

- Si votre employeur vous explique que vous êtes travailleuse ou travailleur autonome ou

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Chronique juridique : Conseils lors de l’embauche et en cours d’emploi

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encore cadre supérieur, vérifiez que c’est bien le cas auprès de la Commission des normes du travail, d’un groupe d’appui, d’une avocate ou d’un avocat.

En cours d’emploi

Constituez-vous un dossier d’employé personnel, à garder chez vous. N’oubliez pas que votre employeur le fait de son côté !

Voici ce que devrait contenir ce dossier :

- vos bulletins de paye (à conserver pendant deux ans);

- un registre de vos heures travaillées et des pourboires reçus (vous pouvez tenir un registre écrit ou encore utiliser l’outil ijob sur le site internet de la Commission des normes du travail ou leur application maPaye, pour les téléphones intelligents);

- une copie de vos demandes de congé signées et datées (maternité, maladie, responsabilités familiales, etc.);

- si la situation commence à se détériorer, créez un journal de bord dans lequel vous notez les événements. Ne laissez surtout pas ce journal au travail !

- les noms et coordonnées de vos collègues (obtenus discrètement).

Toutes ces informations sont importantes pour avoir des preuves et des témoins si vous devez poursuivre votre employeur pour faire respecter vos droits.

Si vous vous apercevez que vous avez accepté des conditions inférieures à celles prévues par

la Loi sur les normes du travail, cette entente n’est pas légale, et vous pouvez demander que votre employeur respecte les normes du travail. S’il refuse de le faire, vous pouvez déposer une plainte à la CNT.

Si vous pensez à démissionner, informez-vous des conséquences de ce geste (sur l’assurance-chômage ou sur les compensations que vous pourriez obtenir suite à une plainte). Avant de démissionner, contactez une avocate ou un avocat ou un groupe d’appui pour voir quelles autres solutions sont possibles.

Voilà pour les conseils de survie dans le monde du travail des personnes non syndiquées. N’oubliez pas que se regrouper avec d’autres personnes et se syndiquer est un très bon moyen pour améliorer et faire respecter ses conditions de travail !

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Lors de la dernière assemblée générale d’Au bas de l’échelle, les membres ont voté un appui important de l’organisme dans la lutte contre le saccage de l’assurance-chômage. Depuis, Au bas de l’échelle s’implique pour contrer cette réforme qui a des répercussions importantes sur l’accès à l’assurance-chômage pour un grand nombre de personnes et qui aura des impacts sur la qualité des emplois disponibles. Une réforme qui vient encore accentuer le rapport de force en faveur des employeurs alors que déjà on dénonçait que la « crise économique » et la précarisation du travail ont créé beaucoup d’insécurité dans le domaine de l’emploi.

Voici une entrevue avec Jacques Beaudoin (responsable à la mobilisation) du Mouvement Action Chômage de Montréal membre du MASSE (Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi), pour mieux comprendre les enjeux de la réforme et comment elle nous concerne toutes et tous.

On voit beaucoup de mobilisation dans les régions et on entend surtout parler des travailleuses et travailleurs saisonniers. Peux-tu me parler des impacts de cette réforme sur les travailleuses et travailleurs des grands centres, comme Montréal ?

En fait, les impacts vont être aussi forts partout parce que des saisonniers il y en a aussi dans les grands centres comme Montréal. Pour donner quelques exemples, mentionnons la voirie, les écoles, les chargés de cours, les services de garde en milieu scolaire, l’horticulture, l’hôtellerie et bien d’autres. Par contre, la structure économique de Montréal n’est pas saisonnière, si on compare à certaines régions où de 80 à 90  % des activités économiques sont de nature saisonnière. Dans ce

sens-là, il n’y aura pas le même impact structurel sur l’économie, il n’y aura pas d’exode des travailleuses et travailleurs à Montréal, mais il y aura beaucoup de personnes touchées.

N’oublions pas que ce sont les prestataires fréquents qui seront les plus affectés, ce sont eux qu’on va forcer à accepter des emplois à 70 % de leur dernier salaire dans n’importe quel domaine. Les prestataires fréquents ce ne sont pas que les travailleuses et travailleurs saisonniers, mais toutes les personnes qui ont fait des demandes fréquentes dans les cinq dernières années. Donc, les personnes qui ont des emplois temporaires et précaires. Par exemple, les travailleuses et les travailleurs des agences de placement temporaire qui passent d’une affectation à l’autre, d’un contrat à l’autre. Souvent, entre les deux, il peut y avoir quelques semaines sans travail. Une demande est faite à l’assurance-chômage. Elles et ils travaillent ensuite quelques semaines sur une nouvelle affectation pour ensuite reprendre la prestation d’assurance-chômage. Il y a donc très souvent une prestation qui roule sur une longue période. Ces personnes vont être touchées à 100 %.

Un autre aspect de la réforme qu’on connaît moins, sur lequel on est peut-être moins sensibilisé   : c’est que tous les prestataires

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Le saccage du régime d’assurance-chômage

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d’assurance-chômage vont être touchés. Même les personnes qui sont de bonnes travailleuses et de bons travailleurs aimés par Harper. Celles et ceux qui ont travaillé toute leur vie sans toucher d’assurance-chômage. Même eux risquent d’être touchés. Si la compagnie pour laquelle ils travaillent traverse des difficultés économiques, effectue des mises à pied, dès la première semaine de chômage ils sont obligés d’accepter un poste à 90 % de leur salaire et après quelques semaines ce sera à 80  % de leur salaire… Imagine, 30 ans à travailler et à cotiser pour finalement subir les effets de cette réforme quand même.

Niveler vers le bas

Si toute personne qui perd son emploi et devient prestataire de l’assurance-chômage est placée dans une situation où elle est tenue de chercher et d’accepter un emploi à des conditions moindres que ses conditions habituelles, ça fait une pression à la baisse sur les conditions de travail de tout le monde. Au bout du compte, on peut facilement anticiper que c’est le marché dans son ensemble qui va subir cette pression-là. Prenons, par exemple, un travailleur non syndiqué qui après son évaluation annuelle demande une augmentation de salaire. Son employeur va avoir beau jeu de lui dire   : « Regarde, au chômage il y en 50 aussi qualifiés que toi et prêts à prendre la job à 70-80  % du salaire qu’on paye habituellement ». Ça ne veut pas dire que tous les employeurs vont le faire, mais ça créé une pression à la baisse des conditions de travail, et ce, de façon systémique. D’ailleurs, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante et le Conseil du patronat appuient la réforme.

Au Québec, le Conseil du patronat demande que la réforme soit modulée de façon à tenir compte des réalités de certaines régions. Plusieurs de ses membres sont des entreprises saisonnières qui

craignent de perdre leur main-d’œuvre. Dans bien des cas, il s’agit de personnes qualifiées qui travaillent dans la même entreprise saisonnière depuis 15 à 20 ans. Ces personnes pourraient ne plus revenir si on les oblige à aller travailler dans une autre région. Mais de façon générale, le Conseil du patronat appuie la réforme.

L’objectif général de la réforme a été clairement identifié par la ministre Finley, lorsqu’elle a déclaré que les McDonalds de ce monde ne devraient pas être obligés de faire venir des travailleurs étrangers temporaires pour occuper des jobs que les Canadiens en chômage peuvent occuper. Elle n’a pas fait mention des raisons pour lesquelles ce type d’emplois trouve moins facilement preneurs. Pour que ces emplois, qui ne sont pas des emplois gratifiants, soient minimalement attirants, il faudrait en améliorer les conditions de travail, augmenter le salaire

minimum.

Malgré qu’il soit prévu de couper 8 000 chômeuses et chômeurs et de sauver 12 millions dès la première année, et 33 millions en 2014, la réforme ne vise pas à économiser de l’argent. D’autres aspects de la réforme sont coûteux et au bout du compte elle ne fera pas de surplus dans la caisse comme ça a déjà été le cas. Et on sait que pendant plus de 15 ans, le gouvernement a pigé 57 milliards dans cette caisse à laquelle il

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ne cotise pas. Il s’agit tout simplement de changer les règles du marché du travail pour faire pression sur les conditions de travail à la baisse. Il y a plusieurs aspects qui entrent en ligne de compte   : la compétition des marchés, les pénuries de main-d’œuvre en Alberta, et bien d’autres.

La mobilisation, les impacts à prévoir

La mobilisation jusqu’à maintenant a été plus forte dans les régions des provinces de l’est. Là où ça crie le plus fort, où il y a le plus de monde dans les rues, c’est les régions à très fort taux de travail saisonnier. Le discours de Harper dans l’annonce de cette réforme a été habile en créant un faux problème entre les régions de l’ouest du Canada et celles de l’est. Il est vrai qu’au Québec on retire plus de la caisse que ce qu’on y cotise et que c’est l’inverse pour l’Ouest. Mais ce sont des réalités changeantes. Les gens qui ne sont pas au courant des détails de la réforme peuvent penser qu’ils ne seront pas touchés. Mais des travailleuses et travailleurs précaires, saisonniers ou temporaires, il y en a aussi dans les autres grandes villes canadiennes. La mobilisation se fait lentement, entre autres parce qu’on a pas encore vu beaucoup de cas graves de l’application de la Loi. Déjà, les contrôles se resserrent, les quotas sont plus élevés aussi, on voit de plus en plus de personnes convoquées pour démontrer leur recherche d’emploi.

Il est donc fort possible que, finalement, ce soit dans les grands centres que les effets de la réforme se fassent le plus sentir. Une nouvelle Coalition formée des groupes de défenses des chômeurs et des grandes centrales syndicales vient de se former. On a commencé à se mobiliser à Montréal, mais il va falloir accentuer la mobilisation dans les grands centres si on veut avoir un impact sur la réforme.

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« Avant la réforme Harper,

Au bas de l’échelle était déjà préoccupé parce que de moins en moins de personnes arrivent à se qualifier à l’assurance-chômage. Pratiquement 40 % des emplois sont des emplois atypiques. Dans le monde du travail, le mot atypique est devenu un synonyme de précarité. Donc juste là, près 40 % de travailleuses et travailleurs pour qui l’accès au chômage est devenu très compliqué.

Quand on travaille à temps partiel, sur appel ou pour une agence de placement temporaire, c’est difficile de cumuler le nombre d’heures nécessaire pour avoir droit à l’assurance-chômage. Et quand on y a droit, c’est souvent pas beaucoup d’argent.

On est souvent obligés de cumuler plusieurs emplois pour arriver à couvrir les dépenses essentielles. Mais si on démissionne d’une de nos jobbines, on vient de perdre le droit au chômage. De plus, les restrictions au droit à l’assurance-chômage ont créé beaucoup d’obstacles aux personnes qui veulent quitter leur emploi à cause de mauvaises conditions de travail, d’abus du droit de gérance ou de harcèlement psychologique, sexuel ou discriminatoire.

Ça c’était avant la réforme Harper.

La réforme Harper, c’est la ligne droite vers l’appauvrissement, la discrimination et l’exploitation.

De quelle sorte d’emploi est-ce qu’on parle lorsqu’on doit accepter un poste à 70 % de ce qu’on gagnait ? Pis que déjà on ne gagnait pas assez ! Pourquoi est-ce qu’un employeur

augmenterait le salaire de ses employés, s’il peut avoir de la main-d’œuvre moins chère ?

On est en train de niveler les conditions de travail par le bas. À l’insécurité économique et au travail précaire, on ajoute la peur de se retrouver au chômage. Qui va oser démissionner parce qu’il subit du harcèlement au travail ? Qui va se plaindre parce que ses droits ne sont pas respectés, parce qu’il est surexploité ? Des emplois stables à temps plein avec une bonne sécurité d’emploi, est-ce que c’est ça qui se développe ?

Ce que vise la réforme c’est de forcer les travailleuses et travailleurs déjà précaires à accepter des postes qu’autrement elles et ils auraient refusés. Ça touche tout le monde, les grands centres encore plus que les régions. Ça va faire mal davantage aux femmes, aux jeunes et aux personnes immigrantes, qui sont déjà concentrés dans le travail précaire et mal payé.

La réforme Harper c’est l’instauration du cheap labor! Y faut pas qu’on laisse passer ça ! Comme y disent au Nouveau-Brunswick, On lâche pas ! »

Allocution de Carole Henry, porte-parole d’Au bas de l’échelle, lors de la manifestation du 12 février 2013 contre le saccage de

l’assurance-chômage

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Entretien avec Marie Boti, réalisatrice du documentaire La fin de l’immigration ?

Ce documentaire permet de mettre en lumière les conditions de travail et de vie souvent troublantes et difficiles auxquelles font face les travailleuses et travailleurs migrants temporaires. À l’aide de nombreux témoignages, le film aborde autant le processus de recrutement dans le pays d’origine, la validité des offres d’emploi, que les conditions de travail elles-mêmes. Par des images saisissantes, nous entrons à la fois dans le quotidien de travailleuses et de travailleurs migrants temporaires que dans leurs visions et leurs aspirations à venir au Canada. En comparant la situation de ces personnes à celle de leurs propres parents arrivés au siècle dernier, les réalisateurs ont levé le voile sur un monde qui nous est très proche.

Par leur documentaire, les réalisateurs Marie Boti et Malcom Guy des Productions Multi-Monde soulèvent la question suivante : sommes-nous des citoyennes et des citoyens qui acceptent ou ferment les yeux sur une sous-classe de travailleuses et travailleurs ? Mélanie Gauvin, membre de l’équipe d’Au bas de l’échelle, a rencontré à la demande du secteur Vivre ensemble du Centre justice et foi, Marie Boti pour discuter de la réalisation de ce film documentaire.

Votre documentaire La fin de l’immigration aborde la situation des personnes migrantes qui viennent travailler temporairement au Canada. Quel a été l’élément déclencheur de ce film ?

Marie Boti (M.B) : Déjà à la fin des années 1980, la question des travailleuses domestiques provenant des Philippines était un sujet qui nous préoccupait beaucoup. Trois documentaires ont d’ailleurs été réalisés au cours des années 1990,

pour lever le voile sur les cas d’abus et d’injustices dont e l les é ta ien t v ic t imes . L’arrivée d’un nouveau p r o g r a m m e , p o u r l e s travailleuses et travailleurs temporaires peu spécialisés, nous a donc beaucoup interpellés. D’autant plus que ce programme ne venait pas améliorer les conditions de travail, mais perpétuait le lien de servitude avec l’employeur. Deux éléments ont toutefois déclenché en nous un questionnement important et mené à la réalisation de ce documentaire.

D’abord, nous avons été interpellés par plusieurs manchettes dans les médias. En Colombie-Britannique, avant la tenue des Jeux olympiques, une main-d’œuvre abondante était nécessaire pour l’agrandissement du métro de Vancouver. Pour arriver à combler ce besoin, le recours à des travailleurs temporaires dans le secteur de la construction s’est avéré nécessaire. Certains syndicats ont toutefois repéré que le traitement salarial de ces personnes n’était que de 3,50 $ l’heure et il s’en est suivi plusieurs poursuites contre les compagnies.

Par la suite, le cas d’une usine de poisson en Ontario, qui faisait venir de la main d’œuvre du Sri Lanka, nous a choqués. Plusieurs travailleuses étaient victimes de harcèlement sexuel et d’autres abus de l’employeur. De plus, elles avaient déboursé jusqu’à 10 000 $ aux agences de recrutement dans leur pays d’origine pour n’occuper finalement qu’un emploi au salaire

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minimum. Cette situation faisait d’ailleurs ressortir toute la question des intermédiaires de recrutement.

Au Québec, pendant qu’on fermait une usine de transformation de porc, mettant des centaines de travailleuses et de travailleurs à la rue, on en agrandissait une autre en Alberta, qui avait recours à des travailleuses et des travailleurs étrangers. Cette situation laissait voir beaucoup de contradictions que nous avions besoin d’explorer davantage.

Parallèlement, nous sommes depuis longtemps impliqués sur le terrain auprès d’organismes de défense des droits. Mon collègue Malcom Guy est d’ailleurs un des membres fondateurs du Centre des travailleuses et des travailleurs immigrants ( C T I ) e t t o u j o u r s m e m b r e d u c o n s e i l d’administration. Notre militance et le travail des intervenants communautaires du CTI nous permettent donc d’être témoins de nombreux cas d’injustices, d’abus et de discriminations. Nous avons ainsi appris qu’un grand nombre de personnes migrantes qui venaient au CTI pour obtenir du secours et de l’information sur leurs droits, se trouvaient au Québec en vertu du programme des travailleurs étrangers temporaires. Alors que nous avions cru avoir fait le tour de la question avec trois films sur les travailleuses domestiques venues de l’étranger, nous avons réalisé qu’au contraire, il fallait élargir notre perspective à tous les secteurs de l’économie et en parler comme phénomène global au Canada !

La compréhension des programmes de travail temporaire et leur application sont assez complexes. Quel travail de recherche a été nécessaire de votre part pour arriver à bien cerner les enjeux entourant les programmes temporaires de travail au Canada, particulièrement les

programmes pour les travailleuses et travailleurs peu spécialisés ?

M.B : Réaliser un film documentaire comme La fin de l’immigration demande souvent près de cinq ans de travail, de la préparation à la sortie du film. C’est un peu comme une thèse. On doit s’appuyer sur une solide recherche documentaire. Nous devons fonder nos observations et trouver des personnes prêtes à témoigner de leur situation. Ce n’est d’ailleurs pas évident de trouver des gens qui ont le courage et la conscience de mettre leur propre situation à risque pour la cause commune. Avec La fin de l’immigration, nous nous trouvions aussi au début d’un phénomène. Avec la crise de 2009, nous devions vérifier si la tendance de faire venir des travailleuses et des travailleurs migrants temporaires allait se maintenir ou si elle allait devenir passagère.

Aussi, en plus de la recherche documentaire, un projet comme celui-ci implique des voyages de recherche afin de rencontrer sur place des intervenants potentiels et identifier les situations les plus aptes à illustrer notre hypothèse. La quest ion du f inancement es t également fondamentale et exige du temps pour mener à bien un tel projet.

Toutefois, faire un film n’est pas comme écrire un livre. Un film n’est pas le meilleur moyen de faire passer des chiffres ou des textes de lois, c’est plutôt un médium pour faire passer l’émotion. Nous devons donc choisir le focus principal qui permettra de faire passer cette émotion.

Votre documentaire nous présente avec éloquence plusieurs témoignages de travailleuses et de travailleurs de diverses provinces canadiennes et de membres de leur famille, mais aussi d’employeurs. Par quels moyens avez-vous réussi

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à rejoindre toutes ces personnes et comment avez-vous réussi à les convaincre de participer au film ?

M.B : Bien entendu, parler des émotions nous amène à cette question sur les témoignages ! Nous devons trouver des personnes prêtes à s’ouvrir, à raconter leur histoire devant une caméra. Nous préférons travailler avec des personnes qui sont en lien avec des organismes sur le terrain. Nous nous assurons ainsi que ces personnes ont une compréhension plus approfondie de leur situation et qu’elles ne sont pas seules et sans défense. Notre objectif est de montrer la capacité des êtres humains à surmonter les situations difficiles. Nous ne voulons pas abonder dans le sens de la victimisation, mais plutôt faire ressortir la capacité des êtres humains à surmonter les situations difficiles.

Notre façon de procéder se veut respectueuse, à la fois pour les personnes qui témoignent de leur vécu et pour les représentants d’employeurs ou les compagnies que nous présentons. Nous ne mettons pas délibérément un employeur ou son témoignage sous une lumière négative. Rien n’empêche toutefois le spectateur d’être critique!

Les Productions Multi-Monde se définissent par un cinéma engagé, à caractère social et politique. Un des fils conducteurs du film repose sur le parallèle que vous établissez avec l’immigration du début du siècle. Quel message désirez-vous transmettre par l’intermédiaire de votre film ?

M.B : Avec La fin de l’immigration, c’est la première fois que nous mettons de l’avant notre histoire personnelle. Nous faisons référence à nos origines et on s’entretient avec les parents de mon collègue Malcom pour constater la différence. Autrement, ces changements sont graduels et

passent en sourdine, surtout lorsque le gouvernement évite d’en faire des débats de société. Il faut que la population s’intéresse aux questions d’immigration en général et de migration temporaire en particulier. Cette réalité façonne le profil de la population actuelle et de celle qui se dessine pour le futur. Il devrait y avoir une explosion de protestation, mais malheureusement plusieurs personnes voient ces travailleuses et travailleurs comme une menace, quand, en fait, elles sont victimes d’un système. La vraie menace, c’est le pouvoir que détiennent les entreprises, la pression que le recours à de tels programmes entraîne sur les conditions de travail de tout le monde.

En plus de permettre une prise de conscience collective, croyez-vous que l’impact de votre documentaire puisse améliorer la situation des personnes migrantes ?

M.B : Ce film se veut un éveil à la situation que vivent les travailleuses et les travailleurs migrants au Canada et un soutien au travail sur le terrain. Nous désirons que la population s’en prenne aux bonnes cibles, qu’elle réalise l’attrait d’une main-d’œuvre captive dans un système qui vise le plus grand profit possible moyennant les plus petites dépenses possibles, au détriment des travailleuses et travailleurs. Nous ne croyons pas que notre documentaire puisse améliorer directement la situation de ces personnes, mais nous croyons que les organismes qui œuvrent auprès d’elles sont les acteurs qui peuvent y arriver. Et c’est à la population, mieux renseignée et éclairée, de les appuyer.

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