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1 P P A A T T R R I I A A R R C C H H E E S S E E T T P P R R O O P P H H È È T T E E S S Ellen G. White

Patriarches et prophetes

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  • 1. 1 PPAATTRRIIAARRCCHHEESS EETT PPRROOPPHHTTEESS Ellen G. White

2. 2 Prface Les diteurs publient cette troisime dition, convaincus que cet ouvrage claire un sujet dune importance suprme et dun intrt universel, mais trop peu connu ou trop laiss dans lombre. La grande lutte qui se livre entre la vrit et lerreur, entre la lumire et les tnbres, entre la puissance de Dieu et les tentatives dusurpation de lennemi de toute justice: tel est le grand spectacle sur lequel il est raisonnable de supposer que lattention de tous les mondes est concentre. Que cette lutte, rsultat du pch, existe; quelle doive passer par diffrentes phases pour se terminer enfin la plus grande gloire de Dieu comme lhonneur et lavantage de ses sujets fidles: voil les certitudes que la Bible, rvlation de Dieu aux hommes, nous apporte. La Parole divine nous rvle les grandes pripties de cette controverse, o est engag le salut de tout un monde; or, il est des heures, dans lhistoire de lhumanit, o ces questions revtent un intrt poignant, et o il est de toute importance de savoir individuellement ce 3. 3 quelles demandent de nous. Lheure actuelle en est une: tout, en effet, indique que lon peut dsormais tre assur que cette longue controverse tire sa fin. Malheureusement, bien des esprits voudraient aujourdhui relguer au rang de fable les pages du rcit sacr ayant trait aux circonstances qui entranrent notre monde dans cette lutte grandiose; dautres, sans adopter cette opinion extrme, inclinent envisager ce rcit comme surann, et, partant, le traitent avec indiffrence. Mais qui naimerait remonter lorigine de ce conflit, contempler la dfection premire, en observer lesprit, en noter les rsultats, et apprendre en viter les consquences? Tels sont les thmes qui remplissent le prsent volume. Il fait natre dans lesprit le plus vif intrt pour une importante partie de la Parole de Dieu. Il revt dune signification nouvelle les promesses et les prophties du saint Livre; il revendique la justice de Dieu dans ses rapports avec ceux qui rejettent son autorit, il fait clater la merveilleuse 4. 4 misricorde que Dieu a montre lhomme pcheur, en lui ouvrant la voie du salut. Le lecteur assiste ainsi au dveloppement des desseins de Dieu au sein de lhumanit, jusqu lpoque la plus glorieuse de lhistoire du peuple lu. Bien que lauteur aborde les thmes les plus levs et dcrive des scnes capables dveiller les motions les plus pures et de remuer le cur humain jusque dans ses profondeurs, il le fait en un langage simple, clair et la porte de tous les lecteurs. Nous recommandons ce livre ceux quattire ltude du plan divin pour la rdemption de lhumanit, et que proccupe lavenir de leur me. Nous le recommandons aussi tous les autres, assurs quen abordant ce livre sans parti pris, ils seront bientt charms par les vrits vivifiantes offertes leur mditation. LES DITEURS 5. 5 Chapitre 1 Lorigine du mal Dieu est amour. Sa nature, ses lois, ses voies, tout en lui est amour. Tel il est, tel il a t, tel il sera. En celui qui sige sur un trne ternel , qui habite dans une demeure haute et sainte , il ny a aucune variation ni aucune ombre de changement (1 Jean 4:8; sae 57:15; Jacques 1:17). Chaque manifestation de sa puissance cratrice est lexpression dun amour infini. A tous les tres, la souverainet de Dieu assure des bienfaits sans bornes. Le Psalmiste nous le dit en ces termes: Ton bras est arm de puissance,... Ta main droite exerce lautorit suprme. La justice et le droit sont la base de ton trne; La bont et la vrit marchent devant ta face. Heureux le peuple qui connat les chants de 6. 6 triomphe: Il savance la clart de ta face, ternel! Il se rjouit en clbrant ton nom chaque jour, Et il se glorifie de ta justice. Car cest toi qui es la splendeur de notre puissance,... Oui, notre bouclier protecteur Est dans les mains de lternel: Notre roi appartient au saint dIsral! (Psaumes 89:14-19) Lhistoire du grand conflit entre le bien et le mal, depuis le jour o il clata dans le ciel jusqu la rpression finale de la rvolte et lextinction totale du pch, nest quune dmonstration de linaltrable amour de Dieu. Le Matre de lunivers nest pas seul dans laccomplissement de son grand uvre. Il y est second par un tre capable dapprcier ses desseins et de partager la joie quil trouve dans le bonheur de ses cratures. Au commencement tait la Parole, et la Parole tait avec Dieu, et la Parole tait Dieu. Elle tait au commencement avec 7. 7 Dieu. (Jean 1:1, 2) La Parole, cest--dire le Fils unique de Dieu, nest quun avec le Pre ternel: un par sa nature, un par son caractre, un dans ses desseins. Il est le seul tre qui puisse entrer dans tous ses conseils et partager toutes ses penses. On lappellera le Conseiller admirable, le Dieu fort, le Pre dternit, le Prince de la Paix (sae 9:5), Celui dont lorigine remonte aux temps anciens, aux jours ternels (Miche 5:1). Il le dclare lui-mme: Moi, la Sagesse,... Lternel mavait auprs de lui quand il commena son uvre, Avant mme ses crations les plus anciennes. Jai t form ds lternit, Ds le commencement, ds lorigine de la terre... Quand il posait les fondements de la terre, Jtais auprs de lui, son ouvrire. Jtais ses dlices tous les jours, Et sans cesse je me rjouissais en sa prsence. (Proverbes 8:22-30) 8. 8 Cest par son Fils que Dieu a cr tous les tres clestes. Cest en lui que tout a t cr, ... les trnes, les dominations, les autorits, les puissances: tout a t cr par lui et pour lui. (Colossiens 1:16) Ministres de Dieu, les anges, tout resplendissants de la lumire de sa prsence, slancent, dun vol rapide, pour excuter ses volonts. Mais celui qui, au-dessus deux tous, exerce le commandement suprme, cest le Fils, cest lOint de lternel, le rayonnement de sa gloire , lempreinte mme de sa personne , celui qui soutient tout de sa parole puissante . Cest un trne glorieux, exalt de tout temps , que le lieu de son sanctuaire (Hbreux 1:3, 8; Jrmie 17:12). Le sceptre de sa royaut est un sceptre dquit. Il est environn de splendeur et de majest, de force et de magnificence . La bont et la vrit marchent devant sa face. (Psaumes 96:6; 89:15) A la base du gouvernement de Dieu se trouve une loi juste, une loi damour, une loi sublime assurant le bonheur de tous les tres responsables 9. 9 qui sinclinent avec joie devant ses injonctions. De ses cratures, Dieu demande une soumission intelligente faite damour, de confiance et dadmiration. Ne pouvant accepter de leur part une obissance force, il leur accorde une entire libert, condition essentielle dun service volontaire. Aussi longtemps que rgna, dans lunivers de Dieu, cette obissance, la paix fut parfaite. Larme cleste mettait ses dlices seconder les plans de son Crateur, rflchir sa gloire et chanter ses louanges. Lamour envers Dieu tait suprme; celui des tres clestes les uns pour les autres tait pur et plein dabandon. Aucune note discordante ne troublait les harmonies clestes. Mais cet heureux tat de choses prit fin. Il y eut un tre qui pervertit la libert accorde par Dieu ses cratures. Le pch naquit dans le cur dun ange auquel, aprs Jsus-Christ, le Pre ternel avait confr le plus dhonneur et de gloire. Saint, immacul, attach la personne ineffable 10. 10 du Crateur, Lucifer, le fils de laurore , tait lorigine lun des deux chrubins protecteurs et, comme tel, baign par les rayons ternels de la gloire divine. Ainsi parle le Seigneur, lternel: Tu tais le couronnement de ldifice, plein de sagesse, parfait en beaut. Tu te trouvais dans lEden, le jardin de Dieu. Tu tais couvert de pierres prcieuses de toutes sortes... Je tavais oint pour tre un chrubin protecteur. Je tavais tabli sur la sainte montagne de Dieu; tu marchais au milieu des pierres aux feux clatants. Tu fus irrprochable dans ta conduite, depuis le jour o tu fus cr, jusquau temps o liniquit parvint pntrer chez toi. (zchiel 28:12-15, 17) Imperceptiblement, Lucifer se laissa bercer par des penses ambitieuses. Ton cur sest enorgueilli de ta beaut; et ton opulence ta fait perdre la sagesse. (zchiel 28:12-15, 17) Tu disais en ton cur: Je monterai au ciel, jlverai mon trne au-dessus des toiles de Dieu; ... je serai semblable au Trs-Haut. (sae 14:13, 14) Cet ange puissant, dont toute la gloire venait de Dieu, en vint la considrer comme lui appartenant en 11. 11 propre. Non content doccuper une place qui llevait au-dessus de toute larme des anges, il osa convoiter des hommages qui ntaient dus quau Crateur. Au lieu dencourager tous les tres clestes faire de Dieu lobjet suprme de leur adoration et de leur obissance, il se mit attirer sur lui leur affection et leurs loyaux services, allant jusqu convoiter les honneurs dont ltre infini avait investi son Fils comme sa prrogative exclusive. La parfaite harmonie qui avait rgn dans le ciel fut alors rompue. La disposition de Lucifer servir ses intrts plutt que ceux de son Crateur fut note avec apprhension par les tres clestes pour qui la gloire de Dieu tait suprme. Dans lassemble des anges, des voix suppliantes invitrent leur chef revenir sur ses pas. Le Fils de Dieu lui reprsenta la grandeur, la bont et la justice du Crateur, ainsi que le caractre sacr et inviolable de sa loi. Cest Dieu lui-mme, lui dit- il, qui a tabli lordre du ciel. En tinsurgeant contre cet ordre, Lucifer, tu dshonores lauteur de tes jours, et tu vas au-devant de ta ruine. Mais cet 12. 12 avertissement ne fit quexciter chez lange sditieux un esprit de rsistance, et quenvenimer sa jalousie lgard du personnage auguste qui lui parlait avec tant de bont et de piti. Disputer la suprmatie du Fils de Dieu, et blmer ainsi la sagesse et lamour du Crateur, telle fut ds lors la dtermination de ce prince des armes clestes. En vue du succs de ce dessein, il rsolut dutiliser toute lnergie dune intelligence surhumaine. Mais celui qui garantit toutes ses cratures une pleine libert de volont et daction ne voulut pas quaucune delles restt ignorante des sophismes dont senveloppait le parti de la rvolte. Avant le grand combat qui allait souvrir, il fallait que tous comprissent clairement quelle tait la volont de celui la sagesse et la bont duquel ils devaient leur flicit. Le Roi de lunivers runit les armes clestes pour leur faire connatre la dignit de son Fils et le caractre de ses relations avec tous les tres crs. Sur un mme trne taient assis le Pre et le Fils; une mme aurole de gloire les enveloppait. 13. 13 Autour du trne se rassembla, par myriades de myriades et milliers de milliers , la foule innombrable des anges (Voir Apocalypse 5:11) placs dans lordre de leur rang, la fois ministres et sujets, mais tous nimbs par la gloire dont rayonne le trne de la Divinit. Devant cette multitude, le Roi dclare que, seul, son Fils unique est admis entrer pleinement dans ses conseils, et que cest lui quest confie lexcution des desseins de sa volont. Cest lui, le Fils de Dieu, qui, de par la volont du Pre, a cr toutes les armes du ciel, et qui, comme Dieu, appartiennent leur allgeance et leurs hommages. Le Fils va dailleurs exercer encore la puissance divine en crant la terre et ses habitants, mais sans briguer jamais aucun pouvoir, aucune gloire personnelle contraire la volont de Dieu, tant uniquement proccup dexalter le pouvoir de son Pre et dexcuter les plans de sa munificence. A loue de ces paroles, les anges reconnaissent avec transports la suprmatie du Fils. Ils se prosternent devant lui et lui offrent leur amour et 14. 14 leur adoration. Lucifer sincline avec eux. Mais dans son cur se livre, entre la vrit et la loyaut, lenvie et la jalousie, un effroyable combat. La vague denthousiasme souleve par les anges semble dabord lentraner avec eux. Les puissants et mlodieux accords des hymnes de louange, amplifis par des milliers de voix, paraissent avoir touff en lui lesprit du mal. Frmissant dune motion inexprimable, il se joint aux accents dadoration qui, de la multitude anglique, montent vers le Pre et le Fils. Mais il est bientt envahi de nouveau par lorgueil et lobsession de sa propre gloire. Il sabandonne de nouveau la soif de suprmatie et lenvie vis--vis du Fils bien-aim. Il oublie que les honneurs dont il est lui-mme lobjet sont un pur don de la bont divine et rclament sa gratitude. Infatu de son clat et de sa prminence, il aspire, malgr tout, tre gal Dieu. Nest-il pas aim et vnr par larme cleste? Les anges ne sont-ils pas ravis dexcuter ses ordres? Ne les surpasse-t-il pas tous en honneurs et en sagesse? Pourquoi le Fils de Dieu est-il plus lev que lui? Pourquoi partage-t-il seul avec le Pre la puissance et lautorit suprmes? 15. 15 Pourquoi est-ce au Fils quest dvolue la suprmatie? Pourquoi est-il plus honor que moi? Lucifer quitte le poste quil occupe en la prsence immdiate de Dieu, et sen va propager son esprit de mcontentement parmi les anges. Il opre dans lombre, et voile pour un temps son vritable dessein sous une apparence de respect pour ltre suprme. Il commence par insinuer des doutes au sujet des lois qui gouvernent les tres clestes. Il suggre que si ces lois sont indispensables pour les habitants des mondes crs, elles ne le sont pas pour les anges qui, plus levs, peuvent se gouverner par leur propre sagesse. Lhonneur de Dieu ne peut souffrir de notre part aucun dommage, observe-t-il. Toutes nos penses sont saintes. Pas plus que Dieu lui-mme, nous ne pouvons tomber dans lerreur. Llvation du Fils lgal du Pre est donc une injustice lgard de Lucifer qui a les mmes droits tre rvr et honor. Et si le premier des anges tait admis occuper la position leve qui lui est due, ce serait lavantage de toute larme du ciel, laquelle il se propose de procurer la libert, tandis que la 16. 16 libert dont nous avons joui jusquici vient de prendre fin. Un Matre absolu vous a t donn, devant lautorit duquel tous doivent sincliner. Telles taient les subtiles erreurs qui gagnaient rapidement du terrain dans les cours clestes. En ralit, aucun changement ne stait produit quant la position et lautorit du Fils de Dieu. Ses prrogatives navaient jamais vari: elles avaient seulement d tre raffirmes en raison des prtentions et des insinuations sditieuses de Lucifer, insinuations qui avaient russi aveugler un grand nombre danges. A la faveur de la confiance affectueuse et loyale que lui accordaient les tres saints placs sous ses ordres, Lucifer mettait tant dastuce injecter dans leur esprit ses doutes et son aigreur, quils ne sapercevaient pas de son jeu. Celui-ci consistait placer les desseins de Dieu sous un faux jour, qui les dnaturait, de faon engendrer le mcontentement et la dissidence. Habilement, il amenait ses auditeurs exprimer leurs propres penses; puis, au moment propice, il rptait leurs 17. 17 paroles pour prouver quils ntaient pas entirement daccord avec le gouvernement divin. Tout en professant lui-mme une parfaite loyaut lgard de Dieu, il assurait que la stabilit de son gouvernement profiterait certainement de quelques changements dans lorganisation et dans les lois du ciel. Avec une habilet consomme, il prtendait navoir dautre dsir que de maintenir la loyaut, lharmonie et la paix. Tout en travaillant fomenter lopposition la loi de Dieu et inoculer ses propres sentiments aux anges qui lui taient confis, il prtendait combattre la discorde et affermir lordre tabli. Ainsi allum, lesprit de rvolte poursuivait son uvre nfaste. Sans que lon remarqut aucune rupture ouverte, un partage dopinions soprait parmi les anges. Quelques-uns envisageaient avec faveur les insinuations de Lucifer contre le gouvernement divin. Jusque-l en parfaite harmonie avec ltat de choses existant, ils se sentaient maintenant malheureux de ne pouvoir singrer dans les conseils impntrables de Dieu et contraris de lexaltation de son Fils. Cette 18. 18 catgorie danges tait prte seconder Lucifer dans son ambitieuse rvolte contre ltre suprme. Dautre part, les anges fidles soutenaient la sagesse et la justice de ses dcrets, et intervenaient auprs du chef des sditieux pour sefforcer de le rconcilier avec lordre tabli. Notre chef, disaient-ils, cest le Fils de Dieu. Il tait un avec le Crateur bien avant notre existence. Il a toujours occup une place la droite du Pre. Sa suprmatie, riche en bienfaits pour tous ceux qui en ont bnfici, na jamais encore t mise en doute, ni lharmonie du ciel interrompue. Pourquoi la discorde claterait-elle maintenant? Augurant que cette dissension nengendrerait que daffreuses consquences, les anges loyaux conjuraient les mcontents de renoncer leurs propos et de rester fidles Dieu et son gouvernement. Conformment son caractre misricordieux, le Crateur supporta longtemps la cabale de Lucifer. Lesprit de contradiction et de rvolte navait jamais encore fait son apparition dans le ciel. Ctait un lment nouveau, trange, 19. 19 mystrieux, inexplicable. Lucifer lui-mme ne stait pas dabord rendu compte du vrai caractre de ses sentiments. Au dbut, il avait mme craint dexprimer les mouvements et les divagations de son cur. Ne les ayant pas repousss, il tait all la drive. Pour le convaincre de son erreur, tous les moyens que la sagesse et lamour infinis purent imaginer furent mis en uvre. On lui prouva que son mcontentement tait sans raison. On lui fit entrevoir quel serait le rsultat de sa persistance dans sa mutinerie. Finalement, Lucifer comprit quil avait tort, et que lternel est juste dans tous ses actes, et misricordieux dans toutes ses uvres (Psaumes 145:17). Il reconnut que les divins statuts sont droits, et consentit le proclamer devant tous les habitants du ciel. Sil avait donn suite cette conviction, il aurait pu se sauver lui-mme et avec lui un grand nombre danges. Jusqu ce moment-l, bien quil et abandonn sa place de chrubin protecteur, il navait pas compltement secou le joug. Sil avait voulu revenir en arrire et glorifier la sagesse du Crateur, satisfait de la place qui lui avait t 20. 20 assigne dans le plan divin, il et t rintgr dans sa charge. Lheure avait sonn pour lui de prendre une dcision finale: ou reconnatre la souverainet divine, ou se rvolter ouvertement. Il fut tout prs de rebrousser chemin. Seul son orgueil len empcha. Lui, si hautement honor, confesser quil avait t dans lerreur et que ses soupons taient faux; se courber sous une autorit quil avait combattue comme injuste! Ce sacrifice lui parut trop grand. Dans sa compassion pour Lucifer et ses sympathisants, le Crateur sefforait encore de les arrter sur le bord de labme dans lequel ils taient sur le point de sombrer. Mais, falsifiant cette misricorde, Lucifer prtendit que la patience divine tait un hommage rendu sa supriorit, et que le Roi de lunivers accepterait finalement ses conditions. Si vous restez inbranlables, dit-il ses partisans, vous aurez gain de cause. Persistant dans son attitude, il entra rsolument en lutte avec son Crateur. Voil comment Lucifer, le porte-lumire , 21. 21 celui qui avait t participant de la gloire de Dieu et mme attach au trne, prvariqua et devint Satan, ladversaire de Dieu et des tres saints, le destructeur de ceux qui avaient t confis sa garde et sa direction. Repoussant dsormais avec ddain les arguments et les supplications des anges fidles, il les qualifia desclaves et dgars. La prfrence accorde au Fils de Dieu, leur dit-il, est un acte dinjustice envers moi et envers toute larme du ciel. Je ne me soumettrai pas davantage cette usurpation de mes droits et des leurs. Jamais plus, ajouta-t-il, je ne reconnatrai la suprmatie du Fils. Jai dcid de rclamer lhonneur qui doit mtre dvolu, et de prendre sous mes ordres tous ceux qui voudront tre mes disciples. Je leur promets un gouvernement nouveau et meilleur, qui garantira chacun la libert. Un grand nombre danges annoncrent leur dtermination de le prendre pour chef. Flatt de la faveur avec laquelle ses avances taient reues, Lucifer se prit esprer que tous les anges passeraient de son ct et quil deviendrait lgal de Dieu. 22. 22 Encore une fois, les anges fidles le conjurent, lui et ses sympathisants, de se soumettre Dieu. Ils leur reprsentent le rsultat invitable de leur refus. Celui qui vous a crs, disent-ils, peut arrter votre entreprise et punir svrement votre faction sditieuse. Nul ange ne peut combattre la loi de Dieu avec succs; elle est aussi sacre que lui- mme. A tous, ils donnent le conseil de faire la sourde oreille aux raisonnements sducteurs de Lucifer, et ils adjurent ce dernier et ses partisans de se rendre immdiatement en la prsence de Dieu pour lui confesser leur erreur davoir mis en doute sa sagesse et son autorit. Beaucoup de dissidents furent disposs renoncer leur dfection et recouvrer la faveur de Dieu et de son Fils. Mais Satan avait une autre ruse en rserve. Il dclara que ceux qui staient joints lui taient alls trop loin. Connaissant la loi divine, il savait quil ny avait plus de pardon pour eux, et que ceux qui se soumettraient lautorit du ciel seraient destitus. Quant moi, continua-t-il, je suis dtermin ne jamais plus mincliner devant 23. 23 lautorit du Vice-Roi. La seule chose quil nous reste faire, vous et moi, cest de revendiquer notre libert; cest de nous emparer par la force des droits quon ne nous accorde pas de bon gr. En ce qui concernait Satan lui-mme, il tait exact quil tait all trop loin pour revenir en arrire. Il nen tait pas de mme de ceux qui staient laiss aveugler par ses sophismes. Les conseils et les prires des anges loyaux leur ouvraient une porte de salut. Sils en avaient accept loffre, ils auraient pu sarracher aux piges de Satan. Mais lorgueil, laffection quils portaient leur chef et le dsir de jouir de liberts illimites lemportrent, et les tendres appels de la misricorde divine furent dfinitivement rejets. Dieu avait permis Satan de mener son entreprise jusquau moment o la rvolte stait manifeste en plein jour. Chrubin honor de lonction sacre, objet de trs grands honneurs, passionnment aim des tres clestes, Lucifer exerait sur ceux-ci une influence considrable. Pour que la vraie nature et la tendance de son 24. 24 projet pussent tre reconnues de tous, il fallait que ses plans arrivassent maturit. Le gouvernement de Dieu renfermait non seulement les habitants du ciel, mais ceux de tous les mondes crs, que Lucifer esprait entraner, eux aussi, comme les anges, dans sa rvolte. Il avait men sa campagne avec une habilet et une puissance de sduction extraordinaires, recourant tour tour au sophisme et au mensonge. Se couvrant dun voile dhypocrisie, et accomplissant tous ses gestes dans le mystre, il avait ferm le chemin celui qui aurait voulu le dvoiler sous son vrai jour. Avant le plein panouissement de son complot, il tait impossible den dmasquer la laideur, dy voir une rvolte ou mme dimaginer o elle allait aboutir. Les bons anges eux-mmes ne dcelaient pas son vrai caractre ni les consquences de son uvre. Aussi, ds le dbut, Lucifer avait-il gagn du terrain. Il avait opr de faon rester en dehors du dbat. Il mettait ses propres agissements au compte des anges, et accusait dindiffrence aux intrts des tres clestes ceux quil ne pouvait amener compltement son bord. Il obscurcissait, par des 25. 25 arguments subtils, tous les desseins de Dieu. Ce qui tait lmentaire devenait mystrieux. Par dhabiles perversions, il semait le doute sur les plus simples dclarations de lternel. Et sa haute position, qui lassociait troitement au gouvernement divin, donnait dautant plus de poids ses affirmations. Satan, par la flatterie et la fraude, avait falsifi la parole de Dieu et dnatur ses mthodes de gouvernement. Il avait prtendu quen imposant des lois aux anges, Dieu tait injuste, et quen exigeant de ses cratures soumission et obissance, il navait en vue que son exaltation personnelle; tandis que, pour lui, son but tait de procurer le bonheur de lunivers. En revanche, Dieu ne pouvait employer que des moyens conformes la vrit et la justice. Pour dmontrer devant les habitants du ciel et de tous les mondes que son gouvernement est juste et sa loi parfaite, pour que chacun vt clairement le vrai caractre et le but rel de lusurpateur, il tait ncessaire que ses prtentions impies eussent le temps de se dmolir elles-mmes par leurs lamentables consquences. Le sducteur 26. 26 devait tre dmasqu devant lunivers tout entier. La discorde quil avait dchane dans le ciel et tout le mal qui en tait rsult taient, selon Satan, attribuables ladministration divine. Son but, lui, avait t damender les statuts du Trs-Haut. En consquence, Dieu lui permit de dmontrer la valeur de ses prtentions et les effets des changements quil proposait dapporter aux lois du ciel. En vertu dune sagesse infinie, Lucifer fut chass du ciel et non pas dtruit. Dieu ne pouvant accepter quune obissance dicte par lamour, la fidlit de ses cratures doit reposer sur la conviction de sa justice et de sa bont. Or, si la destruction de Satan avait eu lieu alors, les habitants du ciel et des mondes ne comprenant pas encore la nature et les consquences du pch neussent pas t mme de discerner la justice divine. Si lange rebelle avait t immdiatement exclu du nombre des vivants, beaucoup dtres auraient servi Dieu par crainte plutt que par amour. Linfluence du sducteur net pas 27. 27 compltement disparu; son esprit de rbellion net pas t totalement extirp. Pour le bien de lunivers entier travers les ges infinis, il fallait quil pt dvelopper plus entirement ses principes. Ainsi, tous les tres crs verraient ses attaques contre ladministration cleste sous leur vrai jour. Les attributs divins de justice et de misricorde, comme limmutabilit de la loi de Dieu, ne pourraient plus jamais tre mis en doute. La rvolte de Satan devait servir de leon lunivers durant tous les ges futurs, et constituer un tmoignage perptuel contre la nature du pch et de ses effroyables rsultats. Dieu a voulu que les effets de la politique de Satan sur les hommes et les anges dmontrassent quoi aboutit le rejet de son autorit. Il a voulu tmoigner que le bonheur de toutes les cratures issues de sa puissance cratrice est insparable de lexistence de son gouvernement. Ainsi lhistoire de cette aventure effroyable sera une sauvegarde perptuelle destine prserver tous les tres saints de la sduction du pch et de ses douloureuses consquences. 28. 28 Celui qui rgne dans les cieux voit la fin ds le commencement. Devant lui les mystres du pass et de lavenir sont comme un livre ouvert. Par del les souffrances, les tnbres et les ruines accumules par le pch, il contemple lpanouissement de son grand uvre damour. Si la nue et lobscurit lenvironnent, la justice et le droit sont [nanmoins] la base de son trne (Psaumes 97:2). Et voil ce que comprendront un jour, fidles ou infidles, tous les habitants de lunivers. ... Son uvre est parfaite, Car tous ses desseins sont justes. Cest un Dieu fidle et sans iniquit; Il est juste et droit (Deutronome 32:4 - Voir, plus loin, le (chapitre 29): Satan et la loi de Dieu ). 29. 29 Chapitre 2 La cration Les cieux ont t crs par la parole de lternel, Et toute leur arme par le souffle de sa bouche... Car il parle, et la chose existe; Il commande, et elle parat... Il a pos la terre sur ses fondements: Elle ne sera jamais branle. (Psaumes 33:6, 9; 104:5) Lorsquelle sortit des mains du Crateur, la terre tait dune clatante beaut. Sa surface tait ondule de montagnes et de collines, parseme de lacs dlicieux et arrose de superbes fleuves. Mais ces collines et ces monts ntaient pas, comme aujourdhui, escarps, raboteux, chancrs de prcipices bants et de gouffres sans fond. Les asprits et les pres rugosits de la charpente terrestre taient recouvertes dun sol fcond, do 30. 30 schappait partout une luxuriante vgtation. Pas de landes striles, ni de ftides marcages. Lil ne rencontrait que gracieux arbustes et fleurs dlicates. Les hauteurs taient couronnes darbres majestueux aux dimensions inconnues aujourdhui. Lair, exempt de tout miasme, de toute infection, tait pur et sain. Le paysage tout entier surpassait en beaut les jardins royaux les mieux entretenus, et larme des anges, en contemplant cette scne, bnissait Dieu de ses uvres merveilleuses. Des que la terre fut couverte de vgtation et peuple danimaux innombrables, lhomme, chef- duvre de la cration, ltre pour lequel ce sjour enchanteur venait dtre prpar, fut appel lexistence. Il reut la domination de tout ce quembrassaient ses regards. Alors Dieu dit: Faisons lhomme notre image, selon notre ressemblance, et quil rgne... sur la terre entire. ... Ainsi Dieu cra lhomme son image. ... Il cra un homme et une femme. (Gense 1:26, 27) Tel est le rcit sacr des origines du genre humain. Sa clart et sa prcision excluent toute 31. 31 ide errone. Dieu cra lhomme son image. Il ny a pas de mystre sous cette parole. Elle ne donne nullement lieu de supposer que lhomme nest que le dernier chelon dune lente volution ayant son point de dpart dans les organismes infrieurs de la vie animale ou vgtale. Cette thorie annule luvre grandiose du Crateur. On a tellement cur, aujourdhui, dter Dieu sa souverainet sur lunivers, que lon dpouille lhomme de sa divine origine. Celui qui avait sem dans lespace les mondes toils; qui avait donn leur coloris aux fleurs des champs; qui avait orn la terre et les cieux des merveilles de sa puissance, voulut couronner son uvre glorieuse en lui donnant un dominateur, et il cra un tre digne de la main qui lui donnait la vie. La gnalogie de notre race, telle que nous la donne le volume inspir, ne la fait pas remonter une succession dinfusoires, de mollusques et de quadrupdes se transformant peu peu: elle la fait remonter au Crateur. Bien que tir de la poudre de la terre, Adam tait cependant fils de Dieu (Luc 3:38). En sa qualit de reprsentant de ltre suprme, 32. 32 Adam fut constitu matre du rgne animal. Privs de la facult de comprendre et de reconnatre la souverainet de Dieu, les animaux sont capables daimer lhomme et de le servir. Le Psalmiste a dit: Tu as donn... au fils de lhomme... lempire sur les uvres de tes mains; Tu as mis toutes choses sous ses pieds: Les brebis comme les bufs, Et mme les btes sauvages,... Tout ce qui parcourt les sentiers des mers. (Psaumes 8:7-9) Lhomme devait porter limage de Dieu, aussi bien physiquement que par son caractre. Le Fils de Dieu seul est lempreinte mme du Pre (Hbreux 1:3); mais lhomme a t fait selon sa ressemblance . Sa nature tait en harmonie avec la volont du Crateur; son intelligence pouvait slever jusquaux choses divines; ses affections taient pures; ses apptits et ses passions, sous lascendant de la raison. Il tait saint, heureux de porter limage de Dieu, et parfaitement soumis sa volont. 33. 33 En sortant des mains de son Crateur, Adam tait dune taille lance et parfaitement harmonieuse. Son visage vermeil resplendissait de sant, de vie et de joie. Sa stature tait de beaucoup suprieure celle des hommes de la gnration prsente. ve lui tait infrieure en stature; ses formes taient pleines de noblesse et de grce. Dans son innocence, le premier couple ne portait aucun vtement artificiel: il tait nimb, ainsi que les anges, dun voile de lumire et de gloire, quil conserva aussi longtemps quil resta obissant. Aprs la cration de lhomme, Dieu fit passer devant lui tous les animaux de la terre pour leur donner des noms. Adam vit bien que chacun deux avait sa compagne; mais, parmi toutes les cratures que Dieu avait faites, il nen trouva aucune qui lui ressemblt (Gense 2:20). Alors lternel Dieu dit: Il nest pas bon que lhomme soit seul; je lui ferai une aide semblable lui. (Gense 2:18) Lhomme a t fait pour vivre en socit, et non pas dans la solitude. Sans compagne, ni les 34. 34 beauts de lEden, ni le charme de ses occupations, ni mme ses relations avec les anges neussent procur au premier homme un bonheur parfait. Sans une compagne de mme nature que lui, aimante et digne dtre aime, son besoin de sympathie et de sociabilit net pas t satisfait. Cette compagne, Dieu la donna lui-mme Adam. Il lui fit une aide semblable lui , savoir un tre qui pt vivre auprs de lui, partager ses joies et rpondre ses affections. Pour marquer quelle ntait pas destine tre son chef, pas plus qu tre traite en infrieure, mais se tenir son ct comme son gale, aime et protge par lui, ve fut tire dune de ses ctes. Os de ses os, chair de sa chair, la femme tait une autre partie de lui- mme, signe sensible et frappant de lunion intime et de lattachement profond qui devaient caractriser leurs rapports. Jamais un homme na ha sa propre chair; mais il la nourrit, et en prend soin. Cest pourquoi lhomme laissera son pre et sa mre, et sattachera sa femme, et ils deviendront une seule chair (phsiens 5:29); Gense 2:24. 35. 35 Cest Dieu qui clbra le premier mariage. Cette institution a ainsi pour fondateur le Crateur de lunivers. Que le mariage soit respect. (Hbreux 13:4) Cest lun des premiers dons de Dieu lhomme; et cest lune des deux institutions quAdam emporta avec lui lorsque, aprs sa chute, il franchit les portes du Paradis. Quand les principes divins sont respects, le mariage est un bienfait. Il est la sauvegarde de la puret et du bonheur de lhomme. Il pourvoit ses besoins sociaux, il lve sa nature physique, intellectuelle et morale. Puis lternel planta un jardin en den, du ct de lOrient, et il y plaa lhomme quil avait form. (Gense 2:8) Tout ce que Dieu avait fait ntait que beaut et perfection, et rien ne semblait manquer au bonheur du premier couple. Mais le Crateur voulut lui donner une autre preuve de bont en lui prparant un jardin qui ft sa demeure particulire. Dans ce jardin taient plants des arbres de toutes les varits, dont un grand nombre taient chargs de fruits ou exhalaient des parfums dlicieux. La vigne y poussait en hauteur, laissant 36. 36 gracieusement ployer ses sarments sous le poids dun fruit succulent, color des teintes les plus riches et les plus varies. La tche dAdam et dve consistait tresser ces sarments en arcades et en berceaux pour faire des demeures vivantes, tapisses de feuillage et de fruits. Partout on voyait des fleurs odorifrantes de toutes les couleurs. Au milieu du jardin se dressait larbre de vie, dont la beaut clipsait tous les autres. Son fruit, qui ressemblait des pommes dor et dargent, avait la proprit de prolonger la vie. La cration tait dsormais complte. Ainsi les cieux et la terre furent achevs avec tout ce qui sy trouve. Dieu contempla ce quil avait fait, et il vit que cela tait trs bien. (Gense 2:1-3; 1:31) Lden stalait sur la terre panouie. Adam et ve avaient un libre accs larbre de vie. Nulle trace de pch, nulle ombre de mort ne ternissait cette superbe cration. Les toiles du matin entonnaient des chants dallgresse, Et les fils de Dieu [les anges] poussaient des 37. 37 acclamations. (Job 38:7) Le Crateur avait jet les fondements de la terre. Il lavait enrichie de beaut et dharmonie, parseme dobjets utiles lhomme, et y avait prodigu les merveilles de la terre et de la mer. Le grand uvre de la cration fut achev en six jours. Alors Dieu se reposa, le septime jour, de toute luvre quil avait accomplie. Ainsi, Dieu bnit le septime jour et il le sanctifia, parce quen ce jour- l il stait repos de toute luvre dont il tait lauteur et le Crateur. (Psaumes 19:2, 3) Contemplant avec satisfaction luvre de ses mains, o tout tait parfait, Dieu se reposa, non pas comme le fait lhomme la fin de sa journe, mais pour marquer sa joie la vue des uvres de sa sagesse, de sa bont et de sa gloire. Aprs stre repos au septime jour, Dieu le sanctifia, cest--dire quil le mit part, comme jour de repos lusage de lhomme. Appel suivre lexemple de son Crateur, celui-ci devra consacrer au repos ce jour sacr, afin quen 38. 38 contemplant les cieux et la terre, il puisse lever sa pense vers les uvres de Dieu, le cur dbordant de rvrence et damour pour lauteur de ses jours. Cest dans le jardin dden que le Seigneur tablit le mmorial de son uvre cratrice. Ce jour de repos fut confi Adam, pre et reprsentant de toute la famille humaine. Son observation devait tre, de la part de tous ceux qui habiteraient sur la terre, un acte de gratitude envers Dieu, leur Crateur et lgitime Souverain. Cette institution, qui avait un caractre absolument commmoratif, devenait le partage de toute lhumanit. Nayant rien de symbolique, elle ntait pas limite quelque peuple particulier. Mme dans le Paradis, lhomme avait besoin, un jour sur sept, de cesser son activit terrestre pour se vouer plus compltement la contemplation des uvres cres, couter la nature parler ses sens et proclamer quil y a un Dieu vivant, qui est le Matre suprme et le Crateur de tout ce qui existe. 39. 39 Les cieux racontent la gloire de Dieu, Et le firmament proclame luvre de ses mains. Le jour en parle au jour, Et la nuit en donne connaissance la nuit. (Job 37:16) Les beauts de la nature sont un signe de lamour de Dieu. Cet amour clate dans les ravissants paysages orns darbres majestueux, dans les boutons de fleurs et leurs dlicates corolles. Tout nous le rappelle. Or, le sabbat, dirigeant sans cesse les yeux des hommes vers celui qui les a crs, les convie ouvrir le grand livre de la nature et y lire la puissance, la sagesse et lamour du Crateur. Bien que crs innocents et saints, nos premiers parents nchappaient pas la possibilit de faire le mal. Dou du libre arbitre, mme dapprcier la sagesse et la bienveillance de Dieu, ainsi que la justice de ses exigences, lhomme restait parfaitement libre dobir ou de dsobir. Il jouissait de la socit de Dieu et des saints anges; mais il ne pouvait tre en tat dternelle scurit, 40. 40 tant que sa fidlit navait pas t mise lpreuve. Ainsi, ds le dbut, une restriction lui fut impose, qui mit une bride lgosme, cette passion fatale qui avait caus la perte de Satan. Larbre de la connaissance plac au milieu du jardin, prs de larbre de vie, devait servir prouver lobissance et la reconnaissance de nos premiers parents. Admis manger librement du fruit de tous les autres arbres, ils ne pouvaient, sous peine de mort, goter celui-l. Sils triomphaient de lpreuve, ils seraient finalement soustraits la puissance de lennemi, et demeureraient perptuit dans la faveur de Dieu. Il nexiste pas de gouvernement sans lois. Lune des conditions indispensables de lexistence de lhomme tait, en sa qualit de sujet, lobissance aux lois de Dieu. Adam aurait pu tre cr incapable de les transgresser. Le Crateur aurait pu empcher sa main de toucher au fruit dfendu. Priv de la facult de choisir, lhomme naurait pas t un tre libre, mais un simple automate. Son obissance aurait t force et non 41. 41 volontaire. Adam naurait pas pu se former un caractre. Dailleurs, ce systme et t contraire aux voies de Dieu lgard des habitants des autres mondes, et ce mode dexistence, indigne dun tre intelligent, et fortifi laccusation darbitraire lance par Satan contre le gouvernement divin. Dieu avait fait lhomme droit, dou de nobles facults, et sans penchant au mal. Il lavait gratifi dune haute intelligence: tout lengageait demeurer fidle son Crateur. Une obissance parfaite et perptuelle, telle tait la condition dune ternelle flicit. A ce prix, il pouvait avoir libre accs larbre de vie. La demeure de nos premiers parents devait servir de modle celles de leurs descendants, au fur et mesure que ceux-ci prendraient possession de la terre. Ce foyer, orn par la main de Dieu, ntait pas un palais. Dans leur vanit, les hommes se plaisent habiter des demeures somptueuses. Ils mettent leur gloire dans les ouvrages de leurs mains. Mais Dieu plaa Adam dans un jardin. Ce jardin, qui devait lui servir dhabitation, avait pour 42. 42 dme le ciel bleu, pour plancher un tapis de verdure maill de fleurs dlicates, et pour dais les branches feuillues darbres majestueux. Aux parois taient suspendus comme ornements les magnifiques produits du divin Artiste. Ce dcor offert au premier couple dans son innocence renferme une leon pour les hommes de tous les temps. Le vrai bonheur nest pas dans les satisfactions de la vanit et du luxe, mais dans la communion avec Dieu, au sein de ses uvres admirables. Si les hommes recherchaient moins lartificiel et cultivaient davantage la simplicit, ils rpondraient beaucoup mieux au plan divin leur gard. Lambition et lorgueil ne sont jamais satisfaits. Les vrais sages trouvent des jouissances aussi relles que pures dans les biens que Dieu a mis la porte de tous. Les habitants de lden reurent la charge du jardin pour le cultiver et pour le garder . Cette occupation saine et agrable navait rien de pnible. Dieu a donn lhomme le bienfait du travail pour occuper son esprit, fortifier son corps et dvelopper ses facults. Lactivit mentale et 43. 43 physique laquelle Adam se livrait tait pour lui une des plus douces joies de son existence, avant et mme aprs la perte du Paradis, oblig quil fut ensuite de demander son pain quotidien un sol devenu ingrat. Ce mme travail, quoique bien diffrent des agrables devoirs de lden, fut pour lui une sauvegarde contre la tentation et une source de bonheur. Ceux qui considrent comme un flau le travail, accompagn aujourdhui de lassitude et de douleur, commettent une erreur. Ceux qui nont que du mpris pour la classe ouvrire, comprennent bien mal le but de Dieu en crant lhomme. Que sont les terres et les biens des plus opulents, ct du domaine dvolu notre noble anctre? Et pourtant, Adam ne devait pas rester oisif. Le Crateur, qui sait de quoi le bonheur est fait, lui assigna sa tche. Il ny a que les hommes et les femmes qui travaillent qui sachent ce quest la vraie joie de vivre. Les anges eux-mmes, envoys de Dieu pour exercer leur ministre auprs des enfants des hommes, sont trs occups. Nulle part le Crateur na pourvu la pratique dgradante de 44. 44 lindolence. Sils restaient fidles Dieu, Adam et sa compagne gouverneraient la terre, investis dune autorit suprme sur tous les tres vivants. Le lion et lagneau jouaient paisiblement autour deux, ou se couchaient cte cte leurs pieds. Au-dessus de leur tte, les oiseaux voltigeaient sans crainte. A leur ramage, vraie action de grces ladresse du Pre et du Fils, nos premiers parents unissaient leur voix. Adam et ve ntaient pas seulement les heureux enfants de leur Pre cleste; ils taient ses lves, et jouissaient des leons de sa sagesse infinie. Bien quhonors de la visite des anges, ils conversaient avec le Crateur quils contemplaient sans voile. Larbre de vie leur donnait une sant florissante. Leur intelligence ntait que peu infrieure celle des anges. Les mystres de lunivers visible, uvre admirable de celui dont la science est parfaite (Job 37:16), taient pour eux une source inpuisable dinstruction et de dlices. Les lois et les oprations de la nature qui, 45. 45 depuis six mille ans, sont pour lhomme un objet dtude, leur taient dvoiles par lArchitecte et Conservateur de toutes choses. Ils parlaient avec les fleurs, les feuilles et les arbres, et comprenaient les secrets de leur existence. Depuis le puissant lviathan se jouant dans les eaux jusquau ciron imperceptible flottant dans un rayon de soleil, toutes les cratures vivantes leur taient familires. A chacune, Adam avait donn un nom. Il connaissait sa nature et ses habitudes. Les gloires du firmament, les mondes innombrables et leurs rvolutions, le balancement des nuages (Job 37:16), les mystres de la lumire et du son, du jour et de la nuit, tels taient les sujets dtude de nos premiers parents. Sur chaque feuille de la fort, sur chaque pierre de la montagne, sur chaque toile scintillante, partout: sur la terre, dans les airs et dans les cieux, ils voyaient inscrit le nom de Dieu. Lordre et lharmonie de la cration leur rvlaient une puissance et une sagesse infinies. A chaque pas, ils dcouvraient quelque merveille qui leur inspirait un amour plus profond, et leur arrachait de 46. 46 nouvelles actions de grces. Dans la pense du Crateur, si Adam et ve demeuraient fidles la loi divine, leurs facults dapprendre, de jouir et daimer ne devaient cesser de grandir. De nouveaux trsors de connaissances, de nouvelles sources de bonheur, des perceptions toujours plus claires de lindfectible et incommensurable amour de Dieu, devaient tre leur doux partage. 47. 47 Chapitre 3 La tentation et la chute Ne pouvant plus fomenter de rvolte dans le ciel, Satan trouva un nouveau champ dactivit et de lutte contre Dieu: il se proposa la ruine de la race humaine. Le bonheur et la paix du couple habitant lden taient pour lui comme le mirage dune flicit jamais perdue. Dvor par lenvie, il prit la rsolution de les inciter la dsobissance et dattirer sur eux la peine du pch. Dans ce but, il dcida de changer leur amour en mfiance et leurs chants de joie en rcriminations contre leur Crateur. Par l, non seulement il les plongerait dans la dsolation o il se trouvait lui-mme, mais il jetterait le dshonneur sur Dieu et la dsolation dans le ciel. Nos premiers parents ne furent pas laisss dans lignorance du danger qui les menaait. Des messagers clestes leur firent connatre lhistoire de la chute de Satan, et leur dvoilrent les plans 48. 48 forms pour leur destruction. Ils leur expliqurent plus entirement la nature du gouvernement divin que le prince du mal sefforait de renverser. Cest par la dsobissance aux justes commandements de Dieu, leur dirent-ils, que Satan et son arme sont tombs. Cela vous montre limportance dhonorer cette loi, condition indispensable du maintien de lordre et de lquit dans lunivers. La loi de Dieu manation de sa volont, rvlation crite de son caractre, expression de la sagesse et de lamour divins est aussi sacre que Dieu lui- mme, et lharmonie de la cration dpend dun parfait accord entre cette loi et tout ce qui existe, anim ou inanim. Dieu a plac non seulement les tres intelligents, mais aussi toutes les oprations de la nature sous des lois fixes quil nest pas permis de violer. Tandis que la nature est gouverne par des lois naturelles, seul, parmi tous les autres tres, lhomme est justiciable de la loi morale. Couronnement de luvre de la cration, il a reu de Dieu la facult de comprendre les exigences de sa loi, den apprcier tant la justice et la bont que son obligation sacre. Aussi Dieu demande-t-il de lui une obissance implicite. 49. 49 Comme lavaient t les anges, les habitants de lden vont tre mis lpreuve et appels dcider, soit dobir et de vivre, soit de dsobir et de mourir. Sils sont irrespectueux de sa volont, celui qui na pas pargn les anges dsobissants ne les pargnera pas non plus. Toute transgression compromettra la possession des dons de Dieu, et attirera sur eux le malheur et la ruine. Les anges mirent Adam et ve en garde contre les piges de Satan. Ses efforts pour vous faire tomber, leur dirent-ils, seront inlassables. Mais aussi longtemps que vous serez obissants, le malin ne pourra vous faire aucun mal; car, si cela tait ncessaire, tous les anges seraient envoys votre secours. Si vous repoussez fermement et sans relche ses premires insinuations, vous jouirez de la mme scurit que les messagers du ciel. Mais si, une seule fois, vous cdez la tentation, votre nature en sera tellement altre que vous naurez plus en vous-mmes ni la force ni le dsir de rsister Satan. 50. 50 La dfense de manger de larbre de la connaissance avait pour but de servir de pierre de touche lobissance du premier couple, et partant son amour pour Dieu. Ctait la seule restriction mise la jouissance de tout ce quil y avait dans le Paradis. Mais la dsobissance dans ce seul cas suffira pour les exposer la peine du pch. Dailleurs, il ne sera pas permis Satan de les harceler sans cesse de ses tentations. Ce ntait quau pied de larbre dfendu que cela lui serait possible. Chercher sonder la nature de cet arbre, ctait sexposer tomber dans les piges de lennemi. Aussi leur fut-il recommand de prter attention lavertissement de Dieu, et de suivre les instructions quil avait jug bon de leur donner. Afin daccomplir son uvre avec succs, Satan se dcida employer un dguisement bien propre servir ses desseins sinistres: celui du serpent. Cet animal tait alors une des cratures les plus intelligentes et les plus belles de la cration. Il possdait des ailes et devenait, en plein vol, un objet blouissant ayant lapparence et lclat de lor poli. A le voir perch sur les branches de larbre 51. 51 dfendu, charg de fruits dlicieux, on ne pouvait se dfendre dun mouvement dadmiration. Ainsi se dissimulait, dans le jardin de la paix, le destructeur attendant sa proie. Les anges avaient prvenu ve du danger qui la guettait si, au cours de ses devoirs quotidiens dans le jardin, elle se sparait de son mari. En sa compagnie, lui avaient-ils dit, le danger de la tentation sera moins grand que si tu es seule. Or, absorbe par ses charmantes occupations, elle sloigne inconsciemment de son mari. Sapercevant tout coup quelle est seule, elle prouve un sentiment deffroi. Mais, chassant aussitt ses craintes, elle se dit quelle est assez sage pour discerner le mal et y rsister. Oubliant les recommandations de lange, elle se trouve bientt en face de larbre dfendu, quelle contemple avec un mlange de curiosit et dadmiration. Le fruit en est si beau quelle se demande pourquoi Dieu la dfendu. Loccasion du tentateur est venue. Comme sil comprenait les mouvements du cur dve: Quoi, dit-il la 52. 52 femme, Dieu aurait-il vraiment dit: Vous ne mangerez les fruits daucun arbre du jardin? (Voir Gense 3) A loue de cet cho inattendu de ses propres penses, elle est surprise et presque effraye. Mais alors, dune voix musicale et caressante, le serpent se rpand en louanges subtiles sur sa beaut incomparable, louanges quelle coute sans dplaisir. Aussi, au lieu de senfuir en toute hte, elle sattarde, merveille dentendre parler un serpent. Si elle stait trouve en face dun tre semblable aux anges, la crainte laurait saisie; mais lide ne lui vient pas que ce sduisant animal puisse tre un instrument de lange dchu. A lhabile question du tentateur, elle rpond: Nous mangeons les fruits des arbres du jardin, mais, quant au fruit de larbre plac au milieu du jardin, Dieu a dit: Nen mangez point, et ny touchez pas; sinon vous mourrez! Le serpent rpondit la femme: Vous ne mourrez certainement pas; mais Dieu sait que, le jour o vous mangerez de ce fruit, vos yeux souvriront, et vous serez comme Dieu, connaissant le bien et le 53. 53 mal. Le tentateur lui fait accroire quen mangeant du fruit de cet arbre, elle et son mari parviendront une sphre dexistence plus leve, et quils verront slargir lhorizon de leurs connaissances. Ayant lui-mme mang du fruit dfendu, na-t-il pas acquis le don de la parole? Puis il insinue que lternel leur interdit cet arbre par une crainte jalouse de les voir slever sa hauteur. Cest, affirme-t-il, en raison de ses proprits merveilleuses, de la facult quil a de donner la sagesse, quon vous a dfendu den goter ou mme dy toucher. En termes couverts, le tentateur ajoute que la menace divine ne sera pas excute; elle na pour but que de les intimider. Il continue: Comment pourriez-vous mourir? Navez-vous pas mang de larbre de vie? Dieu a voulu vous empcher de parvenir un plus haut dveloppement et de dcouvrir un plus grand bonheur. Depuis les jours dAdam jusquaux ntres, la tactique de Satan a t la mme. Il pousse les 54. 54 hommes se dfier de lamour de Dieu et douter de sa sagesse. Il cherche constamment exciter en eux un esprit de curiosit et dirrvrence, un dsir inquiet et malsain de pntrer les secrets de la sagesse et de la puissance divines. A vouloir sonder ce quil a plu Dieu de nous celer, des multitudes passent ct des vrits rvles essentielles au salut. Satan amne les hommes la dsobissance en leur suggrant que le terrain dfendu va leur faire connatre de merveilleux secrets. Illusion et erreur. pris de leurs ides de progression, passant par-dessus les commandements de Dieu, ils mettent leurs pieds sur le sentier qui aboutit la dgradation et la mort. Au couple matre de lden, Satan sattache insinuer quil y a des avantages violer la loi de Dieu. Nentend-on pas aujourdhui des raisonnements tout semblables? Bien des gens qui se vantent de leur largeur dides et de leur grande libert, raillent ltroitesse de ceux qui obissent aux commandements divins. Satan prtendait avoir retir un grand profit du fruit dfendu; mais il avait soin de taire le fait que, pour cette raison mme, il 55. 55 avait t expuls du ciel. Plong par le pch dans un malheur sans bornes, il cachait son affreux sort pour entraner lhomme avec lui. De mme aujourdhui, le faux croyant voile son vrai caractre. Ses prtentions la saintet ne font que le rendre plus dangereux. Il fait luvre de Satan et conseille ses semblables den faire autant, et cela pour leur ruine ternelle. ve crut sincrement aux paroles de Lucifer. Cest ce qui la perdit. Elle tomba pour avoir manqu de confiance en la parole de Dieu. Au jour du jugement, les hommes ne seront pas condamns pour avoir consciencieusement cru au mensonge, mais pour avoir dout de la vrit ou nglig de la connatre. Il faut mettre tout son cur la recherche de la vrit. Les exemples donns dans la Parole de Dieu ont pour but de nous avertir, de nous instruire, et de nous prserver de la sduction. Les ngliger, cest marcher sa perte. Soyons certains que tout ce qui contredit cette Parole procde de Satan. Ses sophismes ont beau affirmer le contraire, il est toujours fatal de dsobir Dieu. 56. 56 Le serpent se met cueillir du fruit dfendu et le dpose dans les mains dve. Elle accepte, comme malgr elle, et alors le tentateur lui rappelle ses propres paroles: Dieu a dfendu dy toucher sous peine de mort. ve ne remarque aucun mauvais rsultat de son acte, elle devient plus hardie. Voyant que le fruit de larbre est bon manger, agrable la vue, et quil est dsirable, puisquil peut donner lintelligence, elle en prend et en mange. Le got en est excellent. Elle croit ressentir en elle une force vivifiante, et simagine entrer dans une sphre plus leve. Et maintenant quelle a dsobi, elle va devenir, entre les mains de Satan, linstrument de la perte de son mari. Sous lempire dune trange fascination, elle se rend auprs dAdam et lui raconte tout ce qui sest pass. Un voile de tristesse mle dtonnement et dalarme envahit le visage dAdam. Il rpond sa femme: Le mystrieux serpent doit tre ladversaire contre lequel on nous a mis en garde. En consquence, daprs la sentence divine, tu devras mourir. Pour toute rponse, ve lengage 57. 57 vivement manger de ce fruit, en lui rptant les paroles du serpent: Vous ne mourrez certainement pas. Ce doit tre vrai, dit-elle, car je ne ressens aucun signe du dplaisir de Dieu. Au contraire, jprouve une sensation dlicieuse, qui anime tout mon tre dune vie nouvelle, semblable celle des messagers clestes. Adam comprend que sa femme a viol le commandement de Dieu et foul aux pieds la seule dfense qui leur ait t impose pour prouver leur fidlit et leur amour. Une lutte terrible se livre en lui. Il est constern de voir ve devenue victime du tentateur. Mais lacte fatal est commis, et il va falloir quil se spare de celle dont la socit fait sa joie. Comment sy rsigner? Oh! Adam, tu as joui de la compagnie de Dieu et des anges; tu as contempl la gloire du Crateur, tu sais la haute destine rserve ta race si elle demeure fidle! Et tous ces bienfaits, tous ces privilges sclipseraient devant la crainte de perdre ta compagne! En effet, son affection pour ve prime tout: elle surpasse son amour, sa gratitude et sa fidlit envers le Crateur. Nest-elle pas, se dit-il, 58. 58 une partie de mon tre, et puis-je supporter la pense den tre spar? Il ne lui vient pas lide que la puissance infinie qui la tir de la poudre, qui a fait de lui un tre vivant et magnifique, et dont lamour lui a donn cette compagne, peut la lui remplacer. Et il se dcide partager son sort. Si elle doit mourir, il mourra avec elle. Aprs tout, se dit-il, les paroles du sage serpent ne pourraient- elles pas tre vraies? ve est devant lui aussi ravissante et, apparemment, aussi innocente quauparavant. Elle lui manifeste mme un amour plus vif que jamais. Aucun signe de mort ne parat sur ses traits. Adam se rsout braver les consquences de son acte. Il saisit le fruit et le dvore. Son pch consomm, il a tout dabord limpression quil entre dans une sphre plus leve. Bientt, cependant, la pense de sa faute le remplit de terreur. Latmosphre, qui avait toujours t douce et uniforme, parat glaciale au couple dsobissant, leur vtement lumineux disparat. Nosant se prsenter dvtus devant Dieu et devant les anges, ils se mettent faonner quelques 59. 59 ajustements. En outre, lamour et la paix qui, jusqualors, ont t leur partage, font place un sentiment de culpabilit et de dsenchantement, une frayeur de lavenir. Notre premier pre, qui commence se rendre compte du vrai caractre de sa faute, reproche sa femme de stre follement loigne de lui et laiss sduire par le serpent. Ils se rassurent, nanmoins, lide que celui qui les a, jusque-l, combls de tant de bonts, pardonnera leur unique transgression, ou que leur chtiment sera moins inflexible quils ne le craignent. Satan triomphe de son succs. Il a pouss la femme manquer de confiance en Dieu, douter de sa sagesse, transgresser sa loi. Par elle, il a consomm la chute dAdam. Mais le Lgislateur suprme se prpare faire connatre aux coupables les consquences de leur transgression. Sa divine prsence apparat dans le jardin. Dans son innocence et sa saintet, le premier couple avait salu avec joie lapproche du 60. 60 Crateur. Mais maintenant, frapps de terreur, Adam et ve senfuient et se cachent dans les taillis les plus pais du jardin. Or, lternel Dieu appela Adam, et lui dit: O es-tu? Il rpondit: Jai entendu le bruit de tes pas dans le jardin; jai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis cach. Lternel dit encore: Qui tas appris que tu es nu? As-tu mang le fruit que je tavais dfendu de manger? Adam ne pouvait pas plus nier quexcuser son pch. Mais au lieu den manifester du repentir, il en jette la faute sur sa femme, et partant sur Dieu lui-mme: La femme que tu mas donne pour compagne, ma offert ce fruit et jen ai mang. Celui qui, par amour pour ve, sest froidement dtermin sacrifier lapprobation de Dieu, le Paradis et une vie ternelle de joie, nhsite pas, en ce moment, rejeter la responsabilit de sa faute sur sa compagne et sur le Crateur! Telle est la puissance du pch! Dieu interroge la femme: Pourquoi as-tu fait cela? Elle rpond: Le serpent ma sduite; et 61. 61 jai mang ce fruit. Pourquoi as-tu cr le serpent? Pourquoi las-tu laiss pntrer dans lden? Tels taient les reproches impliqus dans lexcuse dve. De mme quAdam, elle rejette sur Dieu la faute de leur commune dsobissance. Lesprit de justification a pour auteur le pre du mensonge. Manifest par nos premiers parents aussitt quils eurent subi lascendant de Satan, il sest reproduit, depuis, chez tous les fils et toutes les filles dAdam. Au lieu de confesser humblement son pch, on cherche sen disculper et le rejeter sur ses semblables, sur les circonstances et sur Dieu. On va jusqu prendre occasion de ses bienfaits pour murmurer contre lui! Lternel prononce alors la condamnation du serpent: Parce que tu as fait cela, tu seras maudit entre tous les animaux et toutes les btes des champs; tu ramperas sur ton ventre, et tu mangeras la poussire tous les jours de ta vie. Utilis comme instrument par Satan, le serpent devra partager son chtiment. De la plus gracieuse et la plus admire des cratures des champs, il va devenir la plus abjecte et la plus dteste de toutes, 62. 62 galement redoute et hae des hommes et des btes. La deuxime partie de la sentence sapplique directement Satan lui-mme dont elle annonce la dfaite et la destruction finales: Et je mettrai de linimiti entre toi et la femme; entre ta postrit et sa postrit; elle tcrasera la tte, et toi, tu la blesseras au talon. ve entend ensuite les chagrins et les douleurs qui doivent tre dsormais sa portion. Lternel lui dit: Tes dsirs se porteront sur ton mari, et il dominera sur toi. En la crant, Dieu avait fait ve gale Adam. Sils taient rests obissants Dieu, en harmonie avec sa grande loi damour, laccord le plus parfait net cesser dexister entre eux. Mais le pch avait engendr la discorde et, ds lors, lunion et lharmonie ne pouvaient se maintenir que par la soumission de lun ou de lautre des poux. Or, ve avait pch la premire. En se sparant de son mari, contrairement la recommandation divine, elle avait succomb la tentation, et cest ses sollicitations quAdam avait dsobi. En consquence, elle tait place sous lautorit de son mari. Si notre race dchue 63. 63 obissait la loi de Dieu, cette sentence, bien qutant un rsultat du pch, se changerait en bndiction. Mais lhomme, abusant de sa suprmatie, a trop souvent rendu le sort de la femme bien amer et fait de sa vie un martyre. Dans sa demeure dnique, ve avait t parfaitement heureuse aux cts de son mari. Remuante et curieuse comme nos ves modernes, elle stait sentie flatte lide dentrer dans une sphre plus haute que celle qui lui tait assigne. En voulant slever au-dessus de sa situation premire, elle tomba plus bas. Un sort semblable attend toutes celles qui rpugnent sacquitter joyeusement des devoirs de la vie. Dsertant la place o elles seraient en bndiction, et ambitionnant des positions pour lesquelles elles ne sont pas faites, beaucoup de femmes sacrifient leur vraie dignit et leur vraie noblesse. A Adam, Dieu dclara: Puisque tu as cout la voix de ta femme, et que tu as mang de larbre au sujet duquel je tavais donn cet ordre: Tu nen mangeras point!... la terre sera maudite cause de 64. 64 toi; tu en tireras ta nourriture avec peine tous les jours de ta vie. Et elle produira pour toi des pines et des chardons, et tu te nourriras de lherbe des champs. Tu mangeras ton pain la sueur de ton visage, jusqu ce que tu retournes dans la terre do tu as t tir; car tu es poussire, et tu retourneras dans la poussire. Il nentrait pas dans le dessein du Trs-Haut que les innocents habitants du Paradis eussent la moindre connaissance du pch. Dieu leur avait prodigu le bien et voil le mal, alors que dsormais, ayant pris de larbre dfendu, ils vont continuer en manger, cest--dire ctoyer le mal, tous les jours de leur vie. A partir de ce moment, le genre humain va tre harcel par les tentations de Satan. Aux douces occupations qui leur avaient t assignes, vont succder les soucis et le labeur quotidien, les dsappointements, les chagrins, les douleurs et finalement la mort. Quand Dieu avait cr lhomme, il lavait fait dominer sur la terre et sur toutes les cratures. Tant quAdam tait demeur fidle au ciel, la nature lui 65. 65 tait soumise. Mais maintenant quil sest rebell, le rgne animal a secou son sceptre, et toute la nature, frappe de maldiction, est devenue pour lui un continuel tmoin des rsultats de son insoumission. Dieu a voulu ainsi, dans sa grande misricorde, montrer aux hommes le caractre sacr de sa loi, et leur prouver, par leur propre exprience, le danger de sen carter si peu soit-il. Mais la vie de labeur et de soucis qui devait tre dsormais le lot de lhomme, cachait en ralit une pense damour. Elle constitue une discipline rendue ncessaire la nature humaine. Elle doit servir brider ses apptits et ses passions, et laider ainsi se matriser. Elle entre dans le grand plan de Dieu pour racheter lhomme de la dgradation et de la ruine. Lavertissement donn nos premiers parents: Le jour o tu en mangeras, tu mourras certainement (Gense 2:17) nimplique pas quils mourraient le jour mme de la dsobissance, mais quen ce jour-l, la sentence irrvocable serait prononce. Limmortalit leur tait promise 66. 66 condition quils obissent. La transgression commise, ils perdaient la vie ternelle. Le jour mme de leur premier pch, ils taient vous une mort certaine. Pour prolonger indfiniment sa vie, lhomme naurait eu qu continuer de manger de larbre de vie. Priv de ce fruit, sa vitalit allait subir une dperdition graduelle, pour aboutir la dcrpitude et la mort. Lespoir de Satan tait quAdam et ve continueraient manger du fruit de larbre de vie, de faon perptuer une existence dsormais malheureuse. Mais lhomme neut pas plutt dsobi que des anges furent envoys pour lui interdire laccs larbre de vie. La lumire qui flamboyait autour deux avait lapparence dune pe tincelante. Aucun membre de la famille dAdam na donc pu manger de ce fruit. Ainsi, il nexiste pas de pcheurs immortels. Envisageant le dluge de maux qui a submerg le monde la suite de la transgression originelle, bien des personnes dclarent que ces effroyables consquences ne sont nullement en rapport avec un 67. 67 pch aussi minime. Elles en prennent prtexte pour incriminer la sagesse et la justice de Dieu. Si elles voulaient envisager cette question de plus prs, elles verraient leur erreur. Ayant cr lhomme son image, exempt de pch et destin remplir la terre dtres peu infrieurs aux anges, Dieu ne pouvait permettre quelle se peuplt dune race rebelle ses lois. Il fallait donc la mettre lpreuve. Or, le fait que cette preuve tait extrmement lgre montre non seulement la bont du Crateur, mais aussi lnorme gravit de la dsobissance de lhomme. En revanche, si Adam avait t soumis une restriction pnible, bien des gens se seraient livrs au mal, en disant: Ceci nest quune peccadille; Dieu ne soccupe pas de fautes aussi minimes. Des pchs que lon considre comme vniels et nencourant pas la rprobation des hommes seraient commis sans remords de conscience. Dieu a ainsi fait voir quil a horreur du pch quelque degr que ce soit... ve se trompait en croyant le contraire. En mangeant du fruit dfendu, et en 68. 68 poussant son mari limiter, elle a attir sur le monde des maux sans nombre. Qui saurait prvoir, au moment de la tentation, les terribles consquences qui rsulteront dun faux pas? Parmi les personnes qui prtendent que la loi de Dieu nest plus en vigueur, beaucoup affirment quil est impossible de lui obir. Si tel est le cas, comment expliquer quAdam ait d subir la peine de sa transgression? Le pch de nos premiers parents a dvers sur le monde un tel dluge de douleurs et de crimes que, sans la bont et la misricorde de Dieu, cette faute premire aurait plong le genre humain dans un dsespoir sans issue. Que personne ne sabuse: Le salaire du pch, cest la mort. (Romains 6:23) Pas plus aujourdhui que lorsque cette sentence fut prononce sur le pre de lhumanit, la loi de Dieu ne peut tre impunment viole. Ayant pch, Adam et ve furent avertis quils ne pouvaient plus demeurer en den. Ils supplirent Dieu de les laisser habiter le lieu qui fut tmoin de leurs joies et de leur innocence. 69. 69 Confessant quils avaient perdu tout droit occuper cet heureux sjour, ils promirent une stricte obissance pour lavenir. Il leur fut rpondu: Votre nature sest altre et pervertie par le pch; vous avez perdu une partie de votre force de rsistance au mal; vous serez donc dsormais plus facilement victimes encore des attaques de Satan quen votre tat dinnocence. Humilis, accabls dune tristesse inexprimable, Adam et ve dirent adieu leur ravissante demeure, et sen allrent vivre sur une terre frappe de maldiction. La temprature, prcdemment si douce et si uniforme, tait devenue sujette de grandes variations. Pour les protger des extrmes du froid et de la chaleur, Dieu, dans sa bont, leur procura un vtement fait de peaux danimaux. Lorsquils virent pour la premire fois une fleur fltrie, une feuille dessche, ce signe de dgnrescence leur causa un plus grand chagrin quon nen prouve aujourdhui devant la mort dun tre cher. Et quand les arbres de la fort se 70. 70 dpouillrent de leur feuillage, un fait brutal leur apparut dans toute son horreur: tout organisme vivant est condamn mourir. Le sjour de dlices dont les charmants sentiers taient dsormais interdits lhomme demeura longtemps encore sur la terre. Les premiers hommes, dchus de leur innocence, le contemplaient de loin. Cest la porte de lincomparable jardin ferm par la prsence des gardiens angliques, et o se rvlait la gloire de Dieu, quAdam et ses fils venaient adorer le Crateur et renouveler leurs vux dobissance. Plus tard, lorsque la mare montante de liniquit eut envahi le monde et que la malice des hommes fut menace par un dluge dvastateur, la main qui avait plant lden le retira de dessus la terre. Mais il lui sera rendu, plus glorieux encore, lors du rtablissement final, quand apparatront un ciel nouveau et une terre nouvelle (Apocalypse 2:7; 21:1; 22:14). Alors ceux qui auront gard les commandements de Dieu jouiront dune vigueur 71. 71 immortelle sous les ombrages de larbre de vie. A travers les sicles infinis de lternit, les habitants des mondes immaculs verront dans lden restaur un chantillon de luvre parfaite de la cration divine, alors quelle tait vierge encore de la souillure du pch, une image de ce que toute la terre serait devenue si lhomme avait collabor au glorieux plan du Crateur. 72. 72 Chapitre 4 Le plan de la rdemption La nouvelle de la chute de lhomme plongea le ciel dans la consternation. Le monde nouvellement cr, contamin par le pch, allait tre habit par une race voue la souffrance et la mort. Cette catastrophe souleva duniverselles lamentations. On nentrevoyait aucune possibilit de sauver les coupables. Mais lamour divin avait lavance conu un plan pour le rachat de lhomme. La loi, viole, demandait la vie des transgresseurs. Or, cette loi tait aussi sacre que Dieu lui-mme, et seul un tre gal au Trs-Haut pouvait, en fournissant la ranon du pcheur, devenir son substitut et le rconcilier avec lui. Cet tre, ctait le Fils de Dieu, le glorieux commandant des armes du ciel. Pour accomplir cette mission, il devait prendre sur lui la coulpe et le stigmate du pch, descendre jusquau dernier chelon de lignominie, et se voir spar de 73. 73 son Pre. Devant cette effroyable perspective, le Fils de Dieu ne recule pas. mu de compassion pour le couple infortun, treint dune piti infinie la pense des douleurs dun monde perdu, il accepte cette entreprise avec tous ses alas. Il se sacrifiera pour raliser la pense ternelle de lamour de Dieu. Devant le Pre, il plaida la cause du pcheur, cependant que larme du ciel attendait, dans une grande anxit, le rsultat de lentrevue. Il dura longtemps, ce mystrieux colloque, ce conseil de paix . Il sera prtre sur son trne, et entre les deux il y aura un conseil de paix. Zacharie 6:13, versions de Crampon, Lausanne, Vevey. en faveur de lhomme. Le plan du salut, qui prvoyait limmolation de lAgneau sans dfaut et sans tache , avait t form avant la cration du monde (1 Pierre 1:19, 20; Apocalypse 13:8). Et nanmoins, ce ne fut pas sans lutte que le Roi de lunivers consentit abandonner son Fils la mort pour une race coupable. Mais Dieu aima 74. 74 tellement le monde, quil donna son Fils, afin que tous ceux qui croiraient en lui ne prissent point, mais quils aient la vie ternelle (Jean 3:16). Cet amour de Dieu pour un monde qui ne laimait pas surpasse toute connaissance . A travers des ges sans fin, les esprits immortels, confondus et prosterns, chercheront en sonder le mystre. Perverti par le pch, lhomme tait incapable par lui-mme de se rconcilier avec celui qui nest que bont et puret. Dautre part, Dieu ne pouvait rconcilier le monde avec soi (2 Corinthiens 5:19) quen se manifestant par lintermdiaire de son Fils. En outre, ce Fils, aprs avoir rachet lhomme de la condamnation de la loi, allait pouvoir associer la puissance divine leffort humain. Ainsi, les enfants dAdam pourront redevenir enfants de Dieu (1 Jean 3:2) par la conversion et la foi au Rdempteur. Ce plan allait requrir la collaboration du ciel tout entier. Mais lorsque le Fils de Dieu en fit part aux anges, ceux-ci, loin de se rjouir, accueillirent ses paroles au milieu dun silence ml de stupeur. Le 75. 75 salut de lhomme, leur dit-il, va coter des douleurs inexprimables votre chef bien-aim. Pour pouvoir se placer entre le pcheur et son chtiment, il lui faudra quitter le sige de la Majest cleste, renoncer aux joies et la gloire immortelle des rgions de la puret et de la paix, natre sur la terre comme un simple homme, y respirer latmosphre ftide et souille dun monde perdu. Aprs avoir particip personnellement aux douleurs et aux tentations des humains, il subira lignominie et la mort. Tout cela sera ncessaire pour que votre Matre soit mme de secourir ceux qui sont tents (Voir Hbreux 2:18). A la fin de son ministre, dit encore Jsus, livr entre les mains dhommes cruels et expos toutes les insultes et toutes les tortures que Satan pourra leur inspirer, il sera suspendu entre le ciel et la terre comme un malfaiteur, et subira la mort la plus cruelle. Aprs de longues heures dune agonie que vous ne pourrez contempler sans vous voiler la face, il connatra une suprme angoisse: charg ce moment-l des pchs du monde entier, il verra le Pre dtourner de lui son visage. 76. 76 A ces mots, les anges se prosternent aux pieds de leur chef et lui offrent leur vie en sacrifice en faveur de lhomme. La vie dun ange, leur rpond- il, ne saurait payer la dette du pcheur. Seul peut le faire celui qui a cr lhomme. Durant un certain temps, le Fils vous sera infrieur par la mort quil devra souffrir (Voir Hbreux 2:9; 1:14). Revtu de la nature humaine, il naura pas votre rsistance morale. Vous aurez donc lentourer, le fortifier et le soulager dans ses souffrances. Ensuite, attachs au service de Dieu , vous serez, par lui, envoys pour exercer un ministre en faveur de ceux qui doivent recevoir en hritage le salut (Voir Hbreux 2:9; 1:14). Vous aurez ainsi protger les sujets du royaume de Dieu de la puissance des mauvais anges et des tnbres morales dont Satan cherchera sans cesse les envelopper. Quand vous assisterez lhumiliation et lagonie de votre Matre, vous serez tents, dans votre douleur et votre indignation, de le dlivrer de la main de ses meurtriers. Mais il ne vous sera pas 77. 77 permis dintervenir pour empcher quoi que ce soit. Les sarcasmes et la brutalit des hommes envers le Sauveur font partie du plan du salut. En devenant le Rdempteur, il doit y consentir davance. Apprenez que par sa mort le Sauveur rachtera un grand nombre dmes, et dtruira celui qui a la puissance de la mort. Il revendiquera le royaume vendu Satan par le pch, et les rachets en partageront avec lui la possession ternelle. Le pch et les pcheurs seront anantis et ne troubleront jamais plus la paix du ciel ou de la terre. Je vous demande, dit-il en terminant, de vous rallier ce plan que mon Pre a accept, et de vous rjouir de ce que, par ma mort, lhomme dchu pourra tre rconcili avec Dieu. La gloire et la flicit dun monde rachet allaient donc clipser les douleurs et limmolation du Prince de la vie. Alors des transports dallgresse clatrent dans les cieux et les parvis clestes retentirent des premiers accords du cantique qui devait, plus tard, se faire entendre sur 78. 78 les collines de Bethlem: Gloire Dieu au plus haut des cieux, paix sur la terre, bienveillance envers les hommes. (Luc 2:14) Avec plus denthousiasme encore que lors de la cration du monde, les toiles du matin entonnrent des chants dallgresse, et les fils de Dieu poussrent des acclamations (Job 38:7). La premire nouvelle du plan de la rdemption qui parvint Adam tait renferme dans la sentence prononce sur Satan au Paradis: Et je mettrai de linimiti entre toi et la femme, entre ta postrit et sa postrit: celle-ci tcrasera la tte, et tu la blesseras au talon. Cette sentence, prononce devant nos premiers parents, contenait pour eux une promesse. Tout en prdisant une guerre entre lhomme et Satan, elle dclarait que la puissance du grand adversaire serait finalement abattue. Debout comme des criminels devant leur juge, Adam et ve attendaient le verdict qui devait les condamner non seulement une vie de labeur et de douleur, mais aussi retourner dans la poussire. Ils entendirent alors ces paroles qui firent natre dans leurs curs une esprance 79. 79 consolante: sils devaient souffrir de la puissance de leur grand ennemi, ils entrevoyaient cependant une victoire finale. Quand Satan apprit quil y aurait inimiti entre lui et la femme, entre sa postrit et la sienne, il comprit que son uvre de dpravation sur la nature humaine allait tre entrave, et que lhomme serait mis mme de rsister son ascendant. Mais lorsquil entendit un expos plus complet du plan du salut, il se rjouit nanmoins la pense quayant consomm la chute dAdam, il avait russi obliger le Fils de Dieu descendre de son trne, revtu de la nature humaine. Fier de ce premier succs, il se flatta de triompher, et de mettre ainsi en chec la rdemption de lhomme. Des anges dvelopprent plus en dtail le plan du salut nos premiers parents. Ils leur dirent: Soyez certains que, malgr votre grand pch, vous ne serez pas abandonns la puissance de lennemi. Le Fils de Dieu a offert dexpier votre faute au prix de sa vie. Grce une nouvelle priode dpreuve, en obissant Dieu, par la foi 80. 80 au Rdempteur, vous pourrez redevenir ses enfants. Le sacrifice exig par leur transgression rvla Adam et ve le caractre sacr de la loi divine. Mieux que jamais, ils virent la nature dtestable du pch et ses affreux rsultats. Accabls de remords et de douleur, ils supplirent Dieu dpargner son Fils dont lamour avait fait toute leur joie, et de les frapper eux-mmes et leur postrit. La loi de Jhovah, leur fut-il rpondu, est la base de son gouvernement, aussi bien dans le ciel que sur la terre. La modifier, ne ft-ce que sur un seul point, pour ladapter votre tat de dchance, est hors de question. Dautre part, la vie dun ange ne pourrait tre accepte comme ranon de sa violation. Cest le Fils de Dieu, celui qui a cr lhomme, qui seul peut la fournir. De mme que la transgression dAdam entranera la souffrance et la mort, de mme le sacrifice du Bien-Aim apportera la vie et limmortalit. Dans votre innocence, vous avez pu vous 81. 81 entretenir avec votre Crateur. Mais votre pch vous ayant spar de lui, il ny a que lexpiation de son Fils qui puisse franchir cet abme, ouvrir une voie de communication entre le ciel et la terre, et apporter aux hommes le salut et la joie. Vos relations personnelles avec le Crateur, actuellement supprimes, se continueront par lintermdiaire de son Fils et de ses anges. Ce ntait pas, dailleurs, lhomme seul qui tait tomb sous la puissance de Satan, et qui devait tre rachet; il y avait aussi notre terre. On devient esclave de celui par qui on est vaincu (Voir 2 Pierre 2:19). Quand il fut cr, Adam avait reu la domination du globe. En cdant la tentation, il devint le captif du tentateur, et son fief passa entre ses mains. Cest ainsi quen usurpant la domination de la terre confie Adam, Satan est devenu le dieu de ce monde (2 Corinthiens 4:4). En payant la pnalit du pch, le Sauveur a rachet non seulement lhomme, mais aussi son empire. Tout ce qui a t perdu par le premier Adam sera restaur par le second. Et toi, tour du troupeau, colline de la fille de Jrusalem , dit un prophte, 82. 82 toi viendra, toi arrivera lancienne domination . Laptre Paul parle galement de la rdemption de la possession acquise (Miche 4:8; phsiens 1:13, 14). Dieu a cr la terre pour en faire la demeure dtres saints et heureux. Dieu a form la terre, et la affermie; il la fonde lui-mme; il ne la pas cre pour tre dserte, mais pour tre habite. (sae 45:18) Ce but sera atteint quand, renouvele par la puissance de Dieu, exempte de pch et de douleurs, elle deviendra lhritage ternel des rachets. Les justes possderont la terre, et ils y demeureront perptuit. Il ny aura plus danathme; le trne de Dieu et de lAgneau sera dans la ville; ses serviteurs... verront sa face. (Psaumes 37:29; Apocalypse 22:3) Cest ainsi que Dieu rvla Adam et ve dimportants vnements qui allaient marquer lhistoire de lhomme jusquau dluge et au premier avnement du Fils de Dieu. Ils entendirent encore ces paroles: Bien que le sacrifice du Sauveur soit suffisant pour sauver le monde entier, 83. 83 un grand nombre dhommes prfreront une vie de pch une vie dobissance. Le crime augmentera dune gnration lautre, et la maldiction quentrane le pch psera toujours plus lourdement sur le genre humain, sur le rgne animal et sur la terre. Par sa perversit, lhomme raccourcira lui-mme la longueur de ses jours. Il dclinera en stature, en endurance physique, ainsi quen force morale et intellectuelle. Le monde sera accabl de misres de tous genres. En obissant leurs penchants, les hommes se rendront incapables dapprcier les grandes vrits du plan du salut. Mais, fidle son dessein, le Fils de Dieu ne se dsintressera pas du sort des hommes; il continuera de soffrir eux comme le refuge de la faiblesse et du malheur. Il supplera aux besoins de tous ceux qui sapprocheront de lui avec foi. Aussi y aura-t-il toujours sur la terre des serviteurs de Dieu pour maintenir sa connaissance et rester purs au milieu de la perversit universelle. Pour rappeler constamment lhomme le souvenir de son pch et lui donner loccasion de confesser humblement sa foi en un Rdempteur 84. 84 futur, Dieu institua le rite des sacrifices. Le premier holocauste offert par Adam lui causa une douleur cuisante. De sa propre main, il dut ravir un tre la vie que Dieu seul pouvait donner. Ctait la premire fois quil voyait la mort, qui, sans lui, net jamais frapp les hommes ni les animaux. En gorgeant linnocente victime, il frissonna la pense que son pch ferait couler le sang de lAgneau de Dieu. Cette scne lui donna un sentiment plus profond et plus vif de la gravit dune faute qui ne pouvait tre expie que par la mort dun tre cher au cur du Trs-Haut. Puis Adam smut devant la bont infinie de celui qui consentait offrir au pcheur une telle ranon. Une toile desprance illumina ds lors lavenir qui lui avait paru si lugubre et si dsol. Mais le plan de la rdemption avait un but bien plus vaste encore que le salut de lhumanit. Ce plan ntait pas seulement destin faire respecter la loi de Dieu par les habitants de notre petite plante. Il sagissait de justifier le caractre de Dieu devant les habitants des autres mondes. Cest cela que le Sauveur faisait allusion quand il 85. 85 disait, immdiatement avant sa crucifixion: Cest maintenant qua lieu le jugement de ce monde; maintenant le prince de ce monde va tre jet dehors. Et moi, quand jaurai t lev de la terre, jattirerai tout moi. (Jean 12:31, 32) La mort du Fils de Dieu allait rendre le ciel accessible aux hommes; mais elle allait aussi justifier devant tout lunivers lattitude de Dieu et de son Fils concernant la rvolte de Satan. Elle tablirait la perptuit de sa loi et rvlerait la nature et les rsultats du pch. Ds le dbut, le grand conflit a port sur la loi de Dieu. Satan a prtendu que le Seigneur est injuste, sa loi imparfaite, et que le bien de lunivers exige sa rvision. En lattaquant, le grand rebelle visait renverser lautorit de son auteur. La suite du conflit montrera si les divins statuts sont dfectueux et doivent tre amends, ou sils sont parfaits et immuables. Quand Satan fut expuls du ciel, il rsolut de faire de la terre son royaume. Si je sduis Adam et ve, pensait-il, leur patrimoine passera entre mes 86. 86 mains, puisquils mauront choisi pour leur souverain. Dailleurs, le pch ne pouvant tre pardonn, Adam et ses descendants seront mes sujets lgitimes, et le monde mappartiendra. Son plan fut djou quand Dieu livra son Fils unique, gal lui-mme, en ranon pour le pch, ouvrant ainsi lhomme la voie de la rconciliation et sa rentre au Paradis. Mais pour que la terre pt tre arrache aux griffes de lusurpateur, il fallait que ce litige, ouvert dans le ciel, ft tranch sur le terrain mme que ladversaire rclamait comme sien. Lunivers fut merveill en apprenant que le Fils de Dieu allait soffrir en sacrifice pour sauver lhumanit. Celui quon avait vu passer, travers limmensit de la cration, dune toile et dun monde lautre, surveillant tout et assurant le bien- tre de chacun, avait consenti quitter sa gloire pour sincarner dans la nature humaine. Ce projet mystrieux suscitait de profondes mditations chez les innocents habitants des autres mondes. Aussi, quand Jsus-Christ parut sur la terre sous une forme humaine, tous ces tres le suivirent-ils, pas pas, avec un intrt palpitant, sur le chemin 87. 87 ensanglant qui le conduisait de la crche la croix. On enregistra les moqueries et les insultes dont il fut abreuv lvidente instigation de Satan. On suivit la marche de la lutte: on vit, dune part, ladversaire dversant sur lhumanit un flot de tnbres, de deuil et de souffrances; dautre part, le Sauveur refoulant ce flot de toute lnergie de son me. On vit la bataille entre le bien et le mal devenir de plus en plus acharne. Et lorsque le crucifi, expirant sur la croix, scria: Tout est accompli! dans tous les mondes, comme travers le ciel, retentit un immense cri de victoire. On avait atteint lissue du vaste conflit qui se poursuivait depuis tant de sicles. Le Fils de Dieu avait vaincu. Par sa mort, la grande question pose: le Pre et le Fils pousseront-ils leur amour pour lhomme jusquau sacrifice? tait dsormais tranche, et Satan stait dvoil sous son vritable caractre de menteur et de meurtrier. Par la manire dont il traitait les hommes soumis sa puissance, on pouvait juger de lesprit dans lequel, sil en avait eu loccasion, il aurait gouvern les tres clestes. Aussi, est-ce 88. 88 dune seule voix que dans tout lunivers fut exalte ladministration divine. Si la loi de Dieu avait pu tre change, le salut de lhomme aurait t accompli sans le sacrifice du Calvaire. Le fait que le Fils de Dieu a d donner sa vie en faveur de lhumanit a prouv que cette loi nabandonne pas ses droits sur le pcheur. Il a t dmontr que le salaire du pch, cest la mort , et que la mort de Jsus a scell le destin de Satan. Si la loi divine a t abolie la croix, comme daucuns le prtendent, une conclusion simpose: lagonie et la mort du Fils de Dieu nont eu dautre rsultat que de donner raison Satan, et ainsi le Prince du mal a triomph, et ses accusations contre le gouvernement divin ont t justifies. Au contraire, le simple fait que Jsus-Christ a pay la peine du pch prouve, dune faon concluante et dfinitive, que la loi divine est immuable; que Dieu est juste, misricordieux, prt au sacrifice, et que, sous son administration, entre le pardon, dune part, et la justice infinie, de lautre, lharmonie est parfaite. 89. 89 Chapitre 5 Can et Abel Les fils dAdam, Can et Abel, taient trs diffrents de caractre. Abel avait des dispositions la pit. Il stait rendu compte que les voies de Dieu envers lhomme pcheur sont empreintes de justice et de misricorde, et il acceptait avec reconnaissance lesprance de la rdemption. Can, en revanche, nourrissait toutes sortes de penses amres. Il murmurait de ce que Dieu, en raison du pch dAdam, avait prononc une maldiction sur la terre et sur le genre humain. Il sabandonnait aux penses mmes qui avaient amen la perte de Satan: lambition et au doute lgard de la justice et de lautorit divines. Comme Adam et ve, ces deux frres durent prouver leur fidlit lgard de la parole de Dieu. Ils connaissaient les conditions du salut, et comprenaient le systme divinement institu des sacrifices. Ils savaient quen se conformant ce rite, ils exprimaient leur foi en un Sauveur venir, reconnaissaient quil ny 90. 90 a de pardon quen lui seul, et manifestaient leur soumission la volont divine. Enfin, ils nignoraient pas quen signe dactions de grces, ils devaient prsenter Dieu les premiers fruits de la terre. Les deux frres prparrent deux autels semblables, et y apportrent leurs offrandes. Celle dAbel, conformment lordre divin, consistait en un agneau de son troupeau. Et lternel eut gard Abel et son offrande (Gense 4:25, 26). Le feu descendit du ciel et consuma le sacrifice. Can, en dpit des instructions reues, nettes et prcises, dposa sur son autel, non pas un agneau, mais des produits de son verger. Aucun signe du ciel ne vint tmoigner que son offrande tait agre. Abel le supplia de sapprocher de Dieu de la faon requise, mais il ne se montra que plus obstin en faire sa guise. tant lan, il jugeait quil navait pas de leons recevoir de son frre, et mprisa ses conseils. Can stait approch de Dieu le murmure sur les lvres et lincrdulit au cur lgard de 91. 91 lexpiation promise et de la ncessit des sacrifices. Son offrande nimpliquait aucun aveu de ses fautes. Ainsi que beaucoup de nos contemporains, ctait pour lui un acte de faiblesse que de suivre scrupuleusement les directions divines et dattendre son salut uniquement dun Sauveur venir. Dtermin conserver son indpendance, fort de ses mrites, au lieu de sapprocher de Dieu avec un agneau dont le sang se ft ml son offrande, il avait apport du fruit de son travail. Par ce geste, il pensait offrir Dieu un hommage qui lui assurt son approbation. Il avait obi, il est vrai, en rigeant son autel. Il avait encore obi en apportant une offrande; mais cette obissance tait incomplte. Il y manquait llment essentiel: laveu du besoin dun Rdempteur. Du point de vue de leur instruction religieuse, les deux frres taient gaux. Pcheurs tous les deux, ils reconnaissaient galement leur devoir dadorer Dieu et de le rvrer. Jusqu un certain point, vue superficiellement, leur religion tait la mme. Pass cette limite, la diffrence tait norme. 92. 92 Par la foi, Abel offrit Dieu un sacrifice meilleur que celui de Can. (Gense 5:1, 3) Abel avait compris les grands principes de la rdemption. Se reconnaissant pcheur, il voyait se dresser entre lternel et lui toute sa culpabilit et la mort qui en est la pnalit. En offrant une victime sanglante, il sinclinait devant la loi de Dieu viole par lui, et contemplait dans le sang de cette mme victime un Sauveur qui devait mourir sa place. Cest ainsi quil avait tout la fois et lassurance que son offrande tait agre, et le tmoignage de sa justification. Can ntait nullement victime dune dcision arbitraire. Autant quAbel, il avait eu loccasion dapprendre et daccep