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1 place Marc Sangnier 95500 Gonesse Tél / 01 39 85 81 80 Fax / 01 39 87 30 90 Courriel / [email protected] Site / www.uffej.net EN BRETAGNE 18, rue Abbé Vallée 22000 Saint-Brieuc Tél/Fax : 02 96 61 11 76 Courriel / [email protected] Site /www.uffej.net/bretagne UNION FRANÇAISE DU FILM POUR L’ENFANCE ET LA JEUNESSE revue de presse France / 1h35 / 2007 Réalisation et Scénario Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud d’après l’œuvre originale de Marjane Satrapi (parue aux éditions l’Association) Avec les voix de Danielle Darrieux, Catherine Deneuve, Chiara Mastroianni, Simon Abkarian, Gabrielle Lopes, François Jerosme Musique Olivier Bernet Montage et compositing Stéphane Roche Direction de l’animation Christian Desmares Décors Marisa Musy Studio d’animation Perseprod Distribution Diaphana Festival de Cannes 2007 - Prix du Jury MARJANE SATRAPI est née en 1969. Elle grandit à Téhéran où elle étudie au lycée français. Elle poursuit ensuite ses études à Vienne puis s’installe en France en 1994. En arrivant à Paris elle rencontre des dessinateurs qui la font entrer à l’Atelier des Vosges, repère des grands noms de la bande dessinée contemporaine. Dans un premier album, Persepolis 1 , publié par l’Association en novembre 2000, Marjane retrace une partie de l’histoire de sa famille à travers le récit de ses dix premières années, jusqu’à la chute du régime du Chah et le début de la guerre Iran-Irak. Dans Persepolis 2, paru en octobre 2001, elle raconte la guerre Iran- Irak et son adolescence jusqu’à son départ pour Vienne à l’âge de 14 ans. Persepolis 3 et Persepolis 4 racontent son exil en Autriche et son retour en Iran. Elle a depuis publié deux autres albums Broderies et Poulet aux Prunes . Persepolis co-réalisé avec Vincent Paronnaud est son premier film. VINCENT PARONNAUD alias WINSHLUSS, né à l’aube des années 70 à La Rochelle, est une figure de la bande dessinée underground. Avec son ami et collaborateur Cizo, il est le créateur de Monsieur Ferraille, figure emblématique de la revue “Ferraille Illustré” dont il est rédacteur en chef (avec Cizo et Felder). En solo, Winshluss a publié : Super Négra en 1999, Welcome to the Death Club et Pat Boon , Happy End en 2001. Ses nominations au Festival d’Angoulême en 2004 avec Smart Monkey et en 2007 avec Wizz et Buzz (avec Cizo) le font connaître d’un plus grand public. Winshluss a co-réalisé, avec Cizo, deux courts- métrages d’animation : O’Boy, what nice legs (N&B - 1mn - 2004), Raging Blues (N&B - 6 mn - 2003). Persepolis co-réalisé avec Marjane Satrapi est son premier long-métrage. Persepolis Téhéran 1978 : Marjane, huit ans, songe à l’avenir et se rêve en prophète sauvant le monde. Choyée par des parents modernes et cultivés, particulièrement liée à sa grand-mère, elle suit avec exaltation les événements qui vont mener à la révolution et provoquer la chute du régime du Chah. Avec l’instauration de la République islamique débute le temps des “commissaires de la révolution” qui contrôlent tenues et comportements. Marjane qui doit porter le voile, se rêve désormais en révolutionnaire. Bientôt, la guerre contre l’Irak entraîne bombardements, privations, et disparitions de proches. La répression intérieure devient chaque jour plus sévère. Dans un contexte de plus en plus pénible, sa langue bien pendue et ses positions rebelles deviennent problématiques. Ses parents décident alors de l’envoyer en Autriche pour la protéger. A Vienne, Marjane vit à quatorze ans sa deuxième révolution : l’adolescence, la liberté, les vertiges de l’amour mais aussi l’exil, la solitude et la différence.

Persepolis - Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud

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Revue de presse réalisée par l'UFFEJ du film "Persepolis" de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud (2007)

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Page 1: Persepolis - Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud

1 place Marc Sangnier 95500 GonesseTél / 01 39 85 81 80

Fax / 01 39 87 30 90Courriel / [email protected]

Site / www.uffej.net

EN BRETAGNE18, rue Abbé Vallée 22000 Saint-Brieuc

Tél/Fax : 02 96 61 11 76Courriel / [email protected]

Site /www.uffej.net/bretagne

UNION FRANÇAISE DU FILM

POUR L’ENFANCE ET LA JEUNESSE

revue de presse

France / 1h35 / 2007

Réalisation et Scénario Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud

d’après l’œuvre originale de Marjane Satrapi (parue aux

éditions l’Association)

Avec les voix de Danielle Darrieux, Catherine

Deneuve, Chiara Mastroianni, Simon Abkarian, Gabrielle

Lopes, François Jerosme

Musique Olivier Bernet Montage et compositing

Stéphane RocheDirection de l’animation Christian

DesmaresDécors Marisa Musy

Studio d’animation PerseprodDistribution Diaphana

Festival de Cannes 2007 - Prix du Jury

MARJANE SATRAPI est née en 1969.

Elle grandit à Téhéran où elle étudie au lycée français. Elle poursuit ensuite ses études à

Vienne puis s’installe en France en 1994. En arrivant à Paris elle rencontre des

dessinateurs qui la font entrer à l’Atelier des Vosges, repère des grands noms de la bande

dessinée contemporaine. Dans un premier album, Persepolis 1, publié

par l’Association en novembre 2000, Marjane retrace une partie de l’histoire de sa famille à travers le récit de ses dix premières années,

jusqu’à la chute du régime du Chah et le début de la guerre Iran-Irak. Dans Persepolis 2, paru

en octobre 2001, elle raconte la guerre Iran-Irak et son adolescence jusqu’à son départ

pour Vienne à l’âge de 14 ans. Persepolis 3 et Persepolis 4 racontent son exil en Autriche et

son retour en Iran.Elle a depuis publié deux autres albums

Broderies et Poulet aux Prunes.Persepolis co-réalisé avec Vincent Paronnaud

est son premier fi lm.

VINCENT PARONNAUD alias WINSHLUSS, né à l’aube des années 70 à La Rochelle, est une

fi gure de la bande dessinée underground. Avec son ami et collaborateur Cizo, il est le créateur de Monsieur Ferraille, fi gure

emblématique de la revue “Ferraille Illustré” dont il est rédacteur en chef

(avec Cizo et Felder). En solo, Winshluss a publié :

Super Négra en 1999, Welcome to the Death Club et Pat Boon,

Happy End en 2001.Ses nominations au Festival d’Angoulême en

2004 avec Smart Monkey et en 2007 avec Wizz et Buzz (avec Cizo) le font connaître

d’un plus grand public. Winshluss a co-réalisé, avec Cizo, deux courts-

métrages d’animation : O’Boy, what nice legs (N&B - 1mn - 2004),

Raging Blues (N&B - 6 mn - 2003). Persepolis co-réalisé avec Marjane Satrapi est

son premier long-métrage.

Persepolis

Téhéran 1978 : Marjane, huit ans, songe à l’avenir et se rêve en prophète sauvant le monde. Choyée par des parents modernes et cultivés, particulièrement liée à sa grand-mère, elle suit avec exaltation les événements qui vont mener à la révolution et provoquer la chute du régime du Chah. Avec l’instauration de la République islamique débute le temps des “commissaires de la révolution” qui contrôlent tenues et comportements. Marjane qui doit porter le voile, se rêve désormais en révolutionnaire. Bientôt, la guerre contre l’Irak entraîne bombardements, privations, et disparitions de proches. La répression intérieure devient chaque jour plus sévère. Dans un contexte de plus en plus pénible, sa langue bien pendue et ses positions rebelles deviennent problématiques. Ses parents décident alors de l’envoyer en Autriche pour la protéger.A Vienne, Marjane vit à quatorze ans sa deuxième révolution : l’adolescence, la liberté, les vertiges de l’amour mais aussi l’exil, la solitude et la différence.

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0 de conduite n°650 de conduite n°65printemps-été 2007printemps-été 2007

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Page 4: Persepolis - Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud

www.tortillafi lms.comwww.tortillafi lms.com

Autant le dire d’emblée, ce fi lm est une merveille ! Et un prix du Jury à cannes amplement mérité !Persepolis raconte l’histoire de Marjane, petite iranienne pleine de rêves, choyée par des parents modernes et cultivés, qui grandit dans un pays en révolution et en guerre. Persepolis c’est aussi l’histoire d’un pays, de la révolution qui provoquera la chute du régime du Chah et l’instauration de la république Islamique et son cortège de règles morales sur la tenue et le comportement...Adapté de la toute première bande dessinée iranienne dans laquelle la talentueuse auteur résume habilement l’histoire de ces 30 dernières années en Iran en passant par le prisme de sa vie à elle, de son ressenti et de ses sentiments.

Il en résulte donc un fi lm à la foi personnel et fort, qui traite de sujets graves avec sensibilité, humour et humanité. Le fi lm se situe à des lieues de toutes les productions Disney, à la fois par l’intelligence et l’engagement de son propos, que par le ton employé, frais, tendre et humoristique. En choisissant de se concentrer avant tout sur l’histoire de cette jeune femme et sur son passage à l’âge adulte, le fi lm évite à la fois de tomber dans un moralisme donneur de leçon lourd à digérer et de faire une œuvre politique impersonnelle et ennuyeuse. En effet Persepolis attache plus d’importance à la narration d’une histoire vraisemblable et peuplée de personnages drôles et incroyablement attachants. De la petite fi lle aux réactions naïves et spontanées jusqu’à l’adulte lucide et à la langue pendue, le spectateur n’aura aucun mal à éprouver une sympathie profonde et réelle pour l’héroïne. La narration est de plus particulièrement bien menée, on ne s’ennuie jamais, on rit beaucoup et on éprouve beaucoup d’émotions. Marjane Satrapi a su trouver un ton juste et incroyablement approprié pour son fi lm. Elle s’y dévoile avec humanité, elle adopte le ton subjectif, sincère et sans prétention qui convient à cette histoire. Ses talents de conteuse sont criants, et c’est sans peine qu’elle embarquera les spectateurs avec elle dans son histoire.Le fi lm prend aussi parti de montrer des évènements qui n’ont rien à voir avec l’histoire de l’Iran proprement dite, comme lors de ses passages hilarants ou la petite fi lle décrit son admiration pour Bruce Lee, va voir Godzilla au cinéma, ou Terminator à la télé. Citons également ce sublime passage où la musique de Rocky est reprise !

Mais si l’histoire de l’héroïne prend le devant de la scène, l’arrière plan engagé et historique n’en est pas moins prégnant. Persepolis est un fi lm important, car avant tout instructif. Ce fi lm est un témoignage sur ce qu’est devenu l’Iran. Si le trait est également parfois forcé et éminemment subjectif, il n’en est pas moins criant de vérité dans la mesure ou il s’attache à décrire le ressenti et le vécu d’une personne. Le fi lm s’attarde donc dans la description des conditions de vie en temps de guerre, de la révolution, et surtout

des iraniens eux-mêmes. Le fi lm est très proche des gens, de la population; et la réalisatrice a fait le choix judicieux de raconter l’histoire de l’Iran «par le bas», préférant montrer une population dans une quête quasi désespérée de bonheur et qui n’hésite pas à braver les interdit islamiques pour boire, fumer et faire la fête.Saluons aussi la fraîcheur du ton adopté et les répliques parfois cinglantes mais tellement vraies. Comment ne pas éclater de rire alors que Marjane enfant s’exclame de manière spontanée « Eh mais c’est un connard en fait ! » quand elle apprend que le Chah n’est pas « l’élu de Dieu » que vante la propagande ?Ensuite, si Persepolis est évidemment une critique de la société islamique, l’occident en prend aussi plein la gueule, et on a droit à une description fi ne et lucide de nos sociétés désincarnées où on peut « crever dans la rue dans l’indifférence générale ».Enfi n, le fi lm est une réussite éclatante du point de vue visuel. L’animation est vraiment parfaite, et les dessins épurés en noir et blancs conviennent parfaitement à ce récit et contribuent à lui donner une touche universelle. La légèreté du ton est aussi très bien servie par ce type de dessins, sans toutefois que ceux-ci n’handicapent les passages plus graves qui nous montrent les horreurs de la guerre.Les images sont vraiment fraîches et originales, et le fi lm se permet de très beaux passages oniriques et poétiques, alors que d’autres ont un ton réaliste et cynique, et que d’autres encore s’approchent de 1984 d’Orwell.

Bref, Persepolis est un bijou, une œuvre intelligente et d’une rare lucidité. Mais plus que tout c’est un fi lm humaniste qui nous fera ressentir de l’empathie pour les héros, ainsi que tout un tas d’émotions diverses. Persepolis est un fi lm drôle, émouvant, dramatique, poétique, terrible, tendre, tragique, touchant, hilarant…C’est un fi lm qu’on regarde les larmes aux yeux et le sourire aux lèvres, un très grand fi lm !

Arnaud Schilling

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LibérationLibération26 juin 200726 juin 2007

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CRITIQUE | 26 juin 2007

Être persanePar ERIC LORET Adaptation élégante de la BD «Persepolis» par sa créatrice, Marjane Satrapi, et le dessinateur Vincent Paronnaud. Prix du jury à Cannes en mai.

Persepolis ne pose jamais ses bagages, il fait sa crèche et la démonte, avec une idée par minute pour réinventer le monde. Il vous chope les maisons, les arbres, les chiens et les personnages, les passe au shaker, les mixe avec des volutes et du Iron Maiden, les installe et les déstabilise. Assez souvent aussi, Persepolis ne fait rien. Rien d’autre que laisser goutter une douche, cligner un personnage ou neiger le ciel.

Casserole. C’est un fi lm avec de vraies gens, avec toutes les possibilités d’un cinéma moderne, de la même façon que la bande dessinée Persepolis était un roman plutôt qu’une conserve de clichés franco-belges. Pour ceux qui l’ignoreraient encore, Persepolis a d’abord été une tétralogie de «romans graphiques» parue chez l’Association et, accessoirement, prépubliée par Libération.

C’est l’autobiographie tragicomique de Marji, jeune Iranienne, sur l’enfance de laquelle tombe le régime des barbus avec ses brimades pour elle et ses horreurs pour les autres (tortures, exécution d’un oncle, mort d’un ami fuyant la police des moeurs, etc.). On sait que l’Iran a offi ciellement protesté à Cannes, via une fondation liée au ministère de la Culture, pour dénoncer une image mensongère de la Révolution islamique. Le fi lm, que la rumeur donna palmé dans la dernière ligne droite du Festival, a gagné le prix du Jury.

Venant d’une famille rouge et aristocratique à la fois, dont les femmes sont émancipées de grand-mère en fi lle, Marji découvre les joies du voile (que portent même les modèles aux Beaux-Arts) et l’interdiction de la culture occidentale, puis subit huit ans de guerre avec l’Irak avant de quitter son pays et sa famille pour l’Autriche. Là, elle connaît l’amour, le dépit, la jalousie, la psychiatrie et, pour fi nir, la chanson Eye of the Tiger. Signalons au passage la performance de Chiara Mastroianni, qui double Marjane et interprète ce tube de la B.O. de Rocky III comme une casserole. Heureusement, la B.O. sur disque propose aussi une très belle version mélancolique de cette même chanson qui, d’affront au bon goût qu’elle était, devient, toujours par Chiara, un hymne ado ad hoc. Danielle Darrieux et Catherine Deneuve sont tout aussi formidables et forment une famille pleine de souvenirs cinéphiliques. D’avoir choisi ces trois-là pour donner voix à des Iraniennes est une des grandes trouvailles du fi lm.

Chenille. Ils sont donc deux, Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, au départ du projet. Bizarrement, Paronnaud est mieux connu sous le nom de Winshluss et suivi dans ces pages depuis ses débuts de bédéaste en 2001 (on lira avec avantage son Monsieur Ferraille, aux Requins Marteaux, coécrit avec Cizo, ou son Smart Monkey chez Cornélius). Tout ou presque a déjà été dit sur la fabrication de cette adaptation qui, une fois n’est pas du luxe, rend parfaitement le livre sans être platement fi dèle. Et si l’on veut savoir comment Satrapi et Winshluss ont reconstitué une équipe de traçage à la main, à l’ancienne (exit les ordinateurs et l’animation inhumaine, formatée et qui se périme à toute vitesse), on se reportera à la page MySpace de Persepolis (1), pleine de vidéos et de docs. Ce qu’on sait moins, c’est que le fi lm est bourré de surprises qu’on ne verra pas, comme une chenille souriante (mais un peu conne) dans un coin d’arbre ou Eva Braun en Autriche, sans parler de la vraie voix de Marjane (on vous aide, elle double une palanquée de fi gurants des deux sexes), ni de celle de Winshluss qui fait «mmm mmm» avec des lunettes.

«Quand on écrivait le scénario au café,on se laissait aller, mais on pensait qu’on ne pourrait réaliser qu’un tiers de ce qu’on imaginait, explique Marjane Satrapi. En fait, on a réussi à tout faire.» Et Paronnaud : «On était en liberté sur un sujet qui parle de la liberté. On ne s’est jamais rien interdit par rapport au public, on a fait ce qu’on voulait, contre vents et marées.» Et le plus fort, c’est d’avoir obtenu une telle homogénéité, une fl uidité parfaite en jonglant avec des styles et des niveaux de représentation différents, plus ou moins fouillés, plus ou moins ironiques. Parmi les très belles séquences, celle où le fauteuil club de Marji traitée à coups d’antidépresseurs viennois se transforme insensiblement en pierre tombale, est inoubliable.

Marathon. Les deux réalisateurs n’ont pas été seuls, évidemment, dans l’aventure et, comme les chefs d’orchestre, ils tiennent à faire applaudir toute la fosse, des producteurs aux traceurs, en passant par les animateurs et leurs assistants. «Tout le monde s’est surinvesti dans le projetet a travaillé plus qu’il n’aurait dû, explique Marjane Satrapi. C’est d’ailleurs pour ça qu’on a fi ni dans les temps.»

Vincent Paronnaud et elle ont maigre mine : depuis Cannes, c’est un marathon d’interviews et d’avant-premières. Pour ne pas améliorer leur état, on les force à s’asseoir devant le fi lm et à nous en faire le commentaire composé plan par plan. Ce ne sera après tout guère pire que lorsque Marjane Satrapi le visionnait image par image pour y traquer les coquilles, «jusqu’à l’obsession». Jusqu’à comprendre qu’il était beau aussi grâce à ses imperfections.

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Les InrocksLes Inrocks27 juin 200727 juin 2007

Entre tradition et modernité, cinéma d’auteur et cinéma populaire, une adaptation inventive et talenteuse de la BD de Marjane Satrapi.

On pourrait commencer par un constat assez simplet : ceux qui ont aimé la bande dessinée ne seront pas déçus. Persepolis, le dessin animé, condense en 1 h 35 les quatre volumes de la BD autobiographique de Marjane Satrapi, en se concentrant sur l’essentiel : l’histoire d’une petite fi lle qui va grandir pendant la révolution iranienne et la guerre entre l’Iran et l’Irak dans une famille de la bourgeoisie éclairée de Téhéran, avant d’être contrainte de partir vivre en Europe et d’y vivre son adolescence, loin des siens – il y aura aussi un retour. Une œuvre claire et tranchante sur l’exil et sur la culpabilité de celui qui est parti pour échapper au pire. Un sujet universel. On aurait pu craindre que ce qui faisait la qualité (et le succès mondial) de la BD de Marjane Satrapi – l’intrication de l’intime et de l’histoire, traités sans fausse pudeur mais avec émotion et humour – ne passe pas l’épreuve du cinéma. Or, Satrapi et Paronnaud ont eu la bonne idée de se colleter avec le cinéma et non pas d’y jouer en amateurs. Se posait évidemment le problème du passage à l’animation du noir et blanc fi xe de la BD, qui mariait habilement les infl uences graphiques occidentales et orientales. La première surprise, mais aussi la réussite du projet, viennent de ce que Marjane Satrapi et son coréalisateur Vincent Paronnaud ont introduit dans cet univers bicolore un intermédiaire : le gris, ou plutôt les gris, des noirs de différents grains où l’on croit reconnaître des traits au fusain, au crayon à papier, au lavis, etc. Les décors du fi lm, intérieurs et extérieurs, de Vincent Paronnaud, par leur sens du détail, mais aussi les voix (de Danielle Darrieux, Catherine Deneuve et Chiara Mastroianni), nourrissent l’oeuvre originale en réalisme. Persepolis est un fi lm de mélange, où tout est permis pour atteindre à l’expression la meilleure, la plus juste. Persepolis rappelle parfois un fi lm noir hollywoodien de Fritz Lang, parfois Le Pigeon de Monicelli, parfois aussi (dans les attitudes des visages) les dessins animés tirés des Peanuts de Schulz. Satrapi et Paronnaud déploient toute la palette de leur talent et leur inventivité : l’image, dans les meilleurs moments du fi lm, prend souvent la forme d’un vaste terrain de jeu abstrait pour une bouteille d’encre noire (les scènes de drame, de guerre, d’émeutes, en particulier, sont très impressionnantes), ensuite celle d’un castelet de marionnettes, puis des illustrations de contes de fée. C’est de ce mélange qui nourrissait déjà l’oeuvre sur papier de Satrapi, ici encore accentué, que naît la réussite du fi lm : entre tradition et modernité, entre cinéma d’auteur et cinéma populaire (le fi lm, a priori pour adultes, est vivement conseillé aux enfants à partir de 10 ans), entre rire et larmes, entre deux pays, deux arts, un fi lm vraiment singulier.

Télérama29 novembre 200829 novembre 2008

Pleure, ô pays bien-aimé.Gros succès pour cette adaptation des quatre albums composant Persepolis, dessinés par Marjane Satrapi. Avec son complice, Vincent Paronnaud, celle-ci a visionné des films noirs pour peindre le cauchemar des victimes du chah d’abord, des islamistes ensuite. Dans de somptueux dégradés de gris, tous passent à la trappe, comme avalés par une diabolique machine à tuer. En contrepoint, on suit l’itinéraire d’une fille de 8 à 18 ans qui prend conscience que l’intolérance est liée à la bêtise et à l’ignorance.Le film est peuplé de silhouettes croquées avec un humour rosse. Le plus beau personnage reste la grand-mère de Marjane. Cette vieille dame très indigne lui enseigne le sens de l’honneur et l’engueule ferme lorsqu’il fléchit. A l’image de Karl Marx et de Dieu, un instant réunis dans l’esprit enfiévré de Marjane, qui, comme la grand-mère, lui assurent, en levant le poing : « La lutte continue ! »

Pierre Murat

Portrait Marjane Satrapi & Vincent Paronnaud - “Persepolis” - Cannes 200729/05/2007 | 02H00

“On ne peut pas dire qu’on a mis en place une méthode. La“méthode Persepolis”, c’est le chaos et le surinvestissement des gens.” Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud ont beau être installés à la luxueuse terrasse du Noga Hilton, ils ressemblent plutôt à des punks égarés sur la Croisette. “Ce qu’on voulait surtout, c’était faire un fi lm d’animation qui ressemble à un vrai fi lm. Maintenant, on aimerait bien faire du cinéma. Comme ça, tout ce qu’on a appris sur ce projet ne servira à rien et c’est tant mieux.”

Les Inrocks.comLes Inrocks.com29 mai 200729 mai 2007

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Le MondeLe Monde26 juin 200726 juin 2007

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Critique

“Persepolis” : de la vie dessinée à la vie fi lmée

Tous ces pixels nous avaient fait oublier l’émotion propre au dessin animé. Cette sensation singulière que suscite le spectacle d’une image en deux dimensions qui se met à bouger. Lorsque l’image nous est déjà familière, l’émerveillement se double d’inquiétude : tous ces possibles que la contemplation d’une case de bande dessinée nous avait offerts vont-ils s’accomplir ?

Heureux (ses) lecteurs (trices) de Persepolis, la réponse est oui. En une heure et demie, la vie dessinée qui parcourait les quatre albums de Marjane Satrapi devient une vie de cinéma. Et il n’est pas besoin d’être familier de la bande dessinée pour s’abandonner à sa séduction.

De prime abord, le fi lm coule naturellement de sa source. Passé le temps d’un très bref prologue, les images retrouvent le noir et blanc des albums. Persepolis est un récit puisé dans les souvenirs de Marjane Satrapi, que l’on découvre enfant, à la veille de la chute de la monarchie iranienne. On a à peine le temps de s’étonner de reconnaître la voix de Catherine Deneuve dans la bouche de Mme Satrapi que le récit balaie ces distractions mineures. Comme toute sa génération, Marjane Satrapi a été victime de la vieille malédiction : “Puissiez-vous vivre en des temps intéressants.” Née dans une famille d’intellectuels de gauche, elle a vu ses oncles émerger des geôles du chah pour disparaître à nouveau dans celles de la République islamique. Ses amis, ses cousins ont été happés par la guerre contre l’Irak, ses amies ont dû se plier aux préceptes des mollahs. Mais Persepolis ne prétend pas faire le portrait d’une génération. Il s’agit seulement de porter à l’écran l’autoportrait d’une jeune femme. L’exercice est sans précédent, et Perspepolis peut se prévaloir d’être le premier fi lm de son genre - l’autobiographie animée.

A cela près que Marjane Satrapi s’est adjoint un coréalisateur en la personne de Vincent Parronnaud, Auteur de BD comme elle (il signe sous le nom de Winschluss), il a déjà réalisé un court métrage

d’animation. C’est une explication possible au fait que Persepolis se sente si à l’aise dans sa condition de fi lm. De toute façon, la conjonction de ces deux talents a abouti à l’apparition d’un cinéaste qui ne se lasse jamais d’explorer les moyens de son art, communiquant l’enthousiasme du néophyte surdoué.

La simplicité du trait de Marjane Satrapi se déploie désormais dans un monde vivant, fait de décors parfois géométriques, parfois nimbés de brumes d’un gris enivrant. Lorsqu’un récit à l’intérieur du récit renvoie le spectateur à un épisode de l’histoire iranienne, le trait se fait encore plus économe, le mouvement des personnages est délibérément calqué sur celui de marionnettes de carton.

Ce n’est qu’un exemple de cette souplesse athlétique qui permet à Persepolis de circuler sans effort apparent entre la tragédie historique et la comédie familiale, entre le drame vu par les yeux d’un enfant et la satire sociale. Les albums de Marjane Satrapi se distinguaient déjà par leur lucidité, et l’on dirait bien que Vincent Paronnaud a encore accentué ce trait.

Lorsque l’on voit l’une des tantes de la petite héroïne en proie à la persécution des nouveaux dirigeants (elle doit supplier que l’on laisse son mari quitter le pays afi n d’être opéré du coeur), la mise en scène ne cache rien des préjugés de la pauvre femme, qui déverse tout son mépris sur le directeur de l’hôpital : “Mon ancien laveur de carreau”, éructe-t-elle.

HÉRITAGEEXPRESSIONNISTE

La frontière est ténue entre la satire et l’horreur toute simple, et Persepolis ne cesse de la franchir : Marjane adolescente cherche des cassettes de heavy metal sur le marché noir quand elle est interceptée par un commando de dévotes : la façon dont le noir des tenues religieuses envahit l’écran, menaçant d’étouffer la pauvre héroïne, montre que les réalisateurs n’ont pas tort quand ils se prévalent de l’héritage expressionniste.

C’est la dernière singularité du fi lm que d’offrir un contrechamp aux grands fi lms venus d’Iran pendant la dernière décennie. Persepolis ne met pas en scène une réalité, mais une mémoire façonnée par le temps et la distance. Qui aurait cru que le dessin animé se prêterait aussi bien à l’expression du déchirement de l’exil ?

Thomas Sotinel

Page 8: Persepolis - Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud

www.critikat.comwww.critikat.com27 juin 200727 juin 2007

Marjane dans sa viePersepolisréalisé par Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud

Du noir, du blanc et un peu de gris : loin du déluge de couleurs souvent associé au cinéma d’animation, Persepolis étonne par sa rigueur graphique. Best-seller un peu inattendu, la bande-dessinée autobiographique de Marjane Satrapi était encore plus radicale : en noir et blanc et en quatre tomes, l’auteur y racontait son enfance et son adolescence à Téhéran à la fi n des années 1970 et au début des années 1980, choyée par des parents cultivés et ouverts, témoins des événements dramatiques qui suivirent la chute du Chah d’Iran et l’instauration de la République islamique. Soit la grande et la petite Histoire entremêlées dans un roman graphique drôle et bouleversant à la fois, accueilli sous un tonnerre de louanges par la presse et le public dès sa sortie.

Co-réalisé par Satrapi elle-même et son acolyte Vincent Paronnaud, cette adaptation cinématographique pouvait susciter une inquiétude toute légitime auprès de tous ceux qui se sont laissé captiver par la BD. En réalité, l’oeuvre de Marjane Satrapi en ressort grandie. Là où Persepolis — le livre — était drôle, édifi ant et touchant, Persepolis — le fi lm — reprend les atouts de son matériau originel en y ajoutant l’indispensable : un regard de cinéaste(s) qui le magnifi e, lui offrant tension, fl uidité et poésie. Véritable saga familiale autant que roman d’apprentissage et document politique, Persepolis (prix du jury à Cannes) condense en un peu plus d’une heure trente vingt-cinq années de l’histoire d’un pays vues par le petit bout de la lorgnette.

L’histoire de Marjane — petite fi lle au caractère bien trempé, quasiment née avec une conscience politique, puis jeune femme rebelle exilée à Vienne et déchirée entre les tourments de l’adolescence et le mal du pays — a la saveur des mélodrames et la densité d’une série télévisée. Mais Satrapi et Paronnaud ne cèdent à aucun moment à la facilité : pas de musique larmoyante ni de scène déchirante, mais plutôt une mélancolie diffuse, omniprésente. Entre rire et émotion, les deux cinéastes ne choisissent pas, préférant unir les deux jusqu’à les associer

parfois dans la même scène, maniant les ellipses avec un beau sens de la retenue : les choix esthétiques de Satrapi (silhouettes noires sur fond blanc, aplats d’où se détache un élément pour mieux en souligner l’importance) font de Persepolis une œuvre à la légèreté apparente, bouleversante de pudeur, où chaque événement (historique, personnel) a autant valeur de témoignage que dans un documentaire.

Ce dont témoignent également Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, c’est leur connaissance et leur amour du cinéma. Car si les personnages de Persepolis existent, c’est aussi grâce aux voix qui leur sont associées : Chiara Mastroianni en tête, qui fait de Marjane un être à part entière, aussi concret que n’importe quel rôle qu’elle a pu interpréter par le passé. Débarrassée de son aura de star, “cachée” derrière un personnage plutôt discret (la mère de Marjane), Catherine Deneuve donne l’impression de trouver là un des plus beaux rôles de sa fi lmographie de ces dernières années : tour à tour protectrice, inquiète, autoritaire ou passionnée, elle trouve ici matière à faire enfi n taire ceux qui, depuis plusieurs années, la pensent incapable de transmettre une émotion. Cerise sur le gâteau, Danielle Darrieux offre sa pétulance au personnage de la grand-mère confi dente, peut-être le plus beau personnage du fi lm, symbole de la grandeur et du modernisme passés d’un pays aveuglé (n’oublions pas l’excellent Simon Abkarian, qui donne sa voix au père de Marjane). Que ces trois-là, mères et fi lles dans la réalité ou au cinéma, soient réunies pour prêter leur voix à trois des plus beaux portraits de femmes offerts par le cinéma français cette année, est l’un des nombreux délices de ce fi lm qui, en contant l’histoire personnelle d’une femme d’une culture différente de la nôtre, parvient à être universel.

Fabien Reyre

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