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L3 Culture et Médias Année universitaire 2012-2013 Université Charles de Gaulle – Lille 3 UE – Régulation des échanges médiatiques Enseignant référent CM : Cédric TERZI Enseignant référent TD : Nozha SMATI A l'aube du "réveil arabe", l'affaire Persepolis sous une perspective médiatique : comment la diffusion d'un film en Tunisie peut-elle mettre le feu aux poudres dans un contexte de transition démocratique ?

A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

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Médias, Réseaux Sociaux :Comment la diffusion d'un film en Tunisie peut-elle mettre le feu aux poudres dans un contexte de transition démocratique ?

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L3 Culture et Médias

Année universitaire 2012-2013Université Charles de Gaulle – Lille 3

UE – Régulation des échanges médiatiques

Enseignant référent CM : Cédric TERZIEnseignant référent TD : Nozha SMATI

A l'aube du "réveil arabe", l'affaire Persepolis sous une perspective médiatique :

comment la diffusion d'un film en Tunisie peut-elle mettre le feu aux poudres dans un contexte de

transition démocratique ?

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Groupe 3 - Étudiants

Guillaume BARONNA

Valentin BRASSAC

Justine CAILLET

Laetitia CORNIERE

Sophie DE BERNY

Charlotte HOORELBEKE

Marine JENICOT

Adriana LEVET

Joris NAESSENS

Carole PERASTE

Carmen ROUCHET

Josselin ROBIEZ

Marie SAAB

Bertille SIMON

Marion TINOCO

Yasemin TOPRAK

Amandine VERMARE

Marion VIAIRON

Mélodie VLAMYNCK

Margaux WANHAM

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SOMMAIRE

Introduction

1. L'affaire médiatique Persepolis

1.1 Définition d'une affaire médiatique

1.2 Le contexte : la Révolution tunisienne

1.3. Discours médiatiques sur l’affaire Persepolis

1.4 Les conséquences de la diffusion du film

1.5. Acteurs et points de vue

2. Le combat démocratique et libertaire sous l’œil de la politique

2.1. L'organisation des élections et le ressenti populaire

2.2. Ennahda et la montée de l’extrémisme religieux

2.3. L'appropriation de l'affaire Persepolis et son utilisation politique

3. Les enjeux consécutifs à l'affaire Persepolis

3.1. La division d'un peuple au lendemain d'une unité : une identité à rebâtir

3.2. L'apprentissage de la démocratie: l'espace public, lieu de débat en construction

3.3. Un flou médiatique : comment définir et utiliser la liberté d'expression ?

Conclusion

Bibliographie

Annexes

Index

Table des matières

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INTRODUCTION

Persepolis est au premier abord un film d'animation franco-iranien sorti en 2007, de Vincent

Paronnaud et Marjane Satrapi, s'inspirant de la bande dessinée de cette dernière et portant le même

titre. L'histoire prend place dans le Téhéran (Iran) de 1978, et traite de la chute du Shah et de la

montée de l’extrémisme religieux qui s'en est suivit, au travers les yeux d'une petite-fille, Marjane.

Une petite-fille que l'on va suivre à travers son évolution, ses ambitions, ses pertes. Ce film

autobiographique, en noir et blanc quasiment durant toute sa durée, rend compte d'une société

iranienne en mouvement et en tension. Il dresse le paysage d'une situation complexe entre chute

d'un dictateur, pression religieuse, attaques militaires, oppositions, révoltes...

Ce film relatant un contexte particulier, violent et en confrontation est lui-même, en tant que

support, l'élément d'une controverse. Cette controverse s'inscrit au cœur d'un pays du Maghreb au

contexte politique, social et sociétal spécifique : la Tunisie. La diffusion de Persepolis le 7 octobre

2011 par la chaîne privée Nessma TV, en dialecte tunisien, entraîne le pays dans un état de

confrontation et d'expression de positions, un état en écho avec la révolution que le pays vient de

vivre. Au lendemain de la Révolution de Jasmin, du 14 janvier 2011, les Tunisiens ont mis fin à la

dictature de Ben Ali, libérant une nouvelle répartition de l'espace public, un espace public ouvert à

son peuple : une nouvelle citoyenneté. Cependant, l'enthousiasme lié à cet événement laisse vite

place à un certain désenchantement, lorsque la population se pensant si « parfaitement » unie, prend

conscience de toute sa multiplicité et diversité. Les Tunisiens se découvrent et apprennent à

s'identifier à un nouvel ordre social et politique, celui d'une démocratie.

Persepolis arrive donc dans une période particulièrement sensible, et va faire en sorte d'interroger

de nouvelles problématiques, qui n'avaient pas lieu d'être sous le régime d'un dictateur : la liberté

d'expression, les croyances religieuses, la diversité du peuple, le rôle des médias et des

journalistes...

En fait, Persepolis avait déjà été diffusé entre 2007 et 2009 dans les salles de cinéma de Tunisie, et

n'avait provoqué ni questionnements, ni revendications. Le contexte semble donc bien être un

élément fondamental dans la réception qu'en ont faite les Tunisiens en 2011.

C'est cette rediffusion du film en 2011, par la chaîne Nessma TV, dans le dialecte tunisien, à la suite

d'une union puis d'une prise de conscience d'une multiplicité, dans un contexte de redéfinition de

repères et d'identité, qui a créé la controverse.

Persepolis va peu à peu se constituer en tant qu'affaire en se construisant et en prenant du sens dans

la durée, dans le temps au travers d'acteurs se mobilisant et d'énonciations médiatiques. Autrement

dit des protagonistes précis vont prendre part à la formation de cette controverse en tant qu'affaire,

en se mobilisant, mais aussi en créant du discours autour de cet événement. Un événement qui doit

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être considéré hors d'un instant t mais bien en tant qu'une suite d'opérations, d'actions, sur un temps

long et agissant au travers de différents domaines (social, politique, économique...). Cette affaire se

constitue aussi à travers les discours médiatiques véhiculés. Afin de se rendre compte de cette

affaire, les documents médiatiques vont donc jouer un rôle important, dans le sens où ils offrent

une description d'un monde possible. Les médias vont en effet, en tant que matériel discursif,

aborder l'événement, énoncer des faits, organiser la pensée, les actions, et les acteurs pour rendre

compte des enjeux et de la controverse. Il s'agit alors de comprendre ces mises en discours,

identifier les différents protagonistes et leurs positionnements dans le temps. Il ne faut néanmoins

pas oublier que ces médias donnent une description de ce qui s'est passé et non la description, en

d'autres termes, il s'agit de repérer les positions énonciatrices et les stratégies d'énonciation des

différents médias, selon, par exemple, leur ligne éditoriale ou leur nationalité.

Le parcours événementiel de l'affaire Persepolis commence donc le 7 octobre 2011, lorsque

la chaîne Nessma Tv diffuse le film d'animation. Cette chaîne privée créée en 2007 par l'agence de

communication Karoui et Karoui, n'est jusque là pourtant pas connue en tant que chaîne

particulièrement informative ni ayant un esprit de révolte aiguë, mais se détermine plutôt comme

une chaîne moderne, orientée vers les programmes de divertissement, d'ailleurs elle a fait ses débuts

en diffusant « Star Academy Maghreb ». C'est pourtant cette chaîne et son PDG, Nabil Karoui, qui

vont être les premiers et les principaux protagonistes de cette affaire.

Suite à la diffusion, des centaines de personnes dites « salafistes » (catégorisation sur laquelle nous

reviendrons au cours de cette étude) attaquent le siège de la chaîne et tente de l'incendier. C'est le

début de multiples mobilisations plus ou moins violentes qui vont rythmer le pays. Le 10 octobre,

un collectif d'avocats porte plainte contre Nabil Karoui, le responsable du visionnage, l'association

« Images et Paroles de femmes », et l'acteur ayant prêté sa voix à l'Être Divin dans le film.

Pour quel motif ? Infraction au code la presse et atteinte à la pudeur, des chefs d'accusation qui se

verront modifiés quelque peu au fur et à mesure de l'affaire. Que reprochent-ils donc au film

Persepolis, et qu'est ce qui provoquera ces revendications ? Une scène particulière du film semble

être à l'origine de toute cette révolte. En effet, une scène semblerait porter atteinte aux valeurs

sacrées de l'Islam, puisqu'elle constituerait un acte blasphématoire dans le sens où elle

personnifierait Dieu, acte interdit au sein de la religion. La diffusion du film va alors être vécue par

une partie du peuple tunisien comme une limite à la liberté d'expression à ne pas franchir. De

multiples oppositions, revendications, manifestations, prises de parole, actes juridiques... vont alors

suivre, divisant peu à peu la population.

La perspective des médias, en tant que relais de l'information, semble alors être un moyen

d'analyser et d'étudier cette affaire. C'est donc à travers un corpus sur une série d'articles de presse

provenant de Tunisie, du Maghreb, du monde arabe, mais aussi de France, d'Angleterre, ou d'

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Espagne...que les discours seront étudiés. L'analyse prend donc pour appui un corpus de presse

donné par la chaîne Nessma TV, ainsi que sur celui constitué par l'Ambassade de France en Tunisie.

Des recherches personnelles ainsi que des apports théoriques argumenteront et compléteront

l'analyse réalisée par un groupe de travail de 20 étudiants. Afin de parvenir à travailler en étant aussi

nombreux, une méthodologie particulière a été établie. Après avoir mis en lumière la problématique

et des grands axes de réflexion, constituant les grands titres des chapitres, chaque étudiant à pu

rejoindre le groupe de travail en lien avec l'analyse des articles effectuée durant le semestre en cours

de travaux dirigés. Chaque sous-groupe a pu ensuite redéfinir son plan en interne et se répartir les

éléments à travailler. La difficulté a néanmoins été de parvenir à mobiliser et coordonner l'ensemble

des étudiants dans le temps imparti, afin de produire une étude cohérente et répondant à la

problématique liant notre étude.

En quoi un film d'animation peut révéler un malaise identitaire au sein d'une nation ébranlée

par la révolution et comment les médias en rendent-ils compte : l'exemple de la Tunisie ?

Pour répondre à cette question nous verrons dans un premier chapitre qu'est-ce qu'une affaire

médiatique et en quoi l'affaire Persepolis en a les caractéristiques. Dans un second chapitre nous

étudierons l'événement sous une perspective politique, comment les discours politisés se

l'approprient. Finalement, nous réfléchirons dans un troisième chapitre sur les enjeux consécutifs à

l'affaire Persepolis, des enjeux d'ordre identitaire, démocratique et de liberté d'expression.

Autant d'axes d'analyse qui constitueront notre plan.

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Chapitre 1 :

L'affaire médiatique Persepolis

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1. L'affaire médiatique Persepolis

1.1 Définition d'une affaire médiatique

Carmen ROUCHET

1.1.1 Contextualisation et émergence de l'affaire Persepolis

Après la chute de Ben Ali le 14 janvier 2011, la Tunisie découvre ce qu'elle n'avait pas connu

depuis longtemps : la liberté d'expression. Ces débuts ne sont pas aisés, en effet après tant d'années

de censure et de répression le peuple et les journalistes doivent faire attention de ne pas brusquer les

mœurs établi depuis longtemps. Une question demeure, quelles sont les limites à ne pas franchir en

terme d'expression dans un pays en pleine transition politique ?

9 octobre 2011, des manifestants envahissent les rues de Tunis. Une vague de violence s'abat

sur la chaîne de télévision privée NESSMA TV et à l'encontre de son PDG, Nabil Karoui. Menacé

de mort par les manifestants qui investissent les locaux de la chaîne de télévision, le PDG de

NESSMA est alors loin de se douter qu'il vient de créer une affaire médiatique d'ampleur

internationale.

En cause, un film d'animation franco-iranien intitulé Persepolis diffusé le 7 octobre sur

NESSMA TV. C'est notamment la représentation du prophète Mahomet, interdite selon les

préceptes de la religion musulmane, qui aurait engendré ces virulentes réactions de la part de la

population tunisienne. L'usage du dialecte tunisien pour le doublage du film accentue la

provocation. En effet, la langue arabe fourni deux registres : la langue littéraire et la langue du

dialecte. Le dialecte tunisien, de plus en plus présent aujourd'hui au niveau de la presse, se

démarque de la langue littéraire généralement utilisée en Tunisie et dans le monde arabe pour les

traductions. Le film de Marjane Satrapi a fait une exception. La traduction du film en dialecte

tunisien avait pour but de rendre le film plus accessible, de créer une proximité avec les spectateurs.

Cette traduction prévu pour renforcer le rapprochement des tunisiens avec les personnages du film a

finalement participé à la polémique. Le problème du dialecte tunisien c'est qu'il identifie avec

précision une population et une culture. Il y a donc eu un refus catégorique des tunisiens de

s'identifier aux propos tenu par ce film d'animation d'apparences inoffensives. Si Marjane Satrapi

avait fait le choix de la langue littéraire habituellement utilisée pour les traductions dans le monde

arabe, les tunisiens se seraient peut-être senti moins concernés et cela aurait pu, plus facilement,

excuser certains propos ou certaines images.

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Selon les accusateurs, Persepolis est une atteinte portée au culte, le contenu du film mettant en

danger l'ordre public. Plus que de se mobiliser contre le film avec les nombreuses pétitions, les

tunisiens font aussi du porte à porte pour mobiliser les foules. Des discours sont prononcés dans les

mosquées et les réseaux sociaux, où étaient diffusés des séquences de la vidéo, sont également mis a

contribution. Pour les opposants au film, l'islam serait fortement menacée par un retour à

l'occidentalisme.

Dans un premier temps, les journaux parlent d'une polémique. Pourtant, quelques jours après

la manifestation très remarquée du dimanche 9 octobre 2011, les journaux tunisiens, mais aussi

français et maghrébins, commencent à parler de « l'affaire Persepolis », de « l'affaire NESSMA ».

Une mise au point s'impose. Qu'est ce que les médias sous entendent en utilisant ces termes ? Qu'est

ce qu'une affaire ? La diffusion du film Persepolis semble ainsi être le point de départ des

événements. Les manifestations, les différentes mobilisations d'acteurs et l'attaque des locaux de

NESSMA TV, rapportés par les médias, trouveraient leur explication dans ce film.

Les médias locaux et internationaux utiliseront le terme « affaire » pour se rapporter à

l'ensemble des actions et réactions liées à la diffusion de Persepolis. Cependant, la diffusion d'un

film ne peut pas constituer une affaire en soit.

1.1.2. Qu'est ce qu'une affaire médiatique ?

La définition d'une « affaire », d'après Widmer, nous permet de confirmer que le terme est bel

et bien applicable à l'ensemble des événements ayant eu lieu en Tunisie et en lien avec la diffusion

du film Persepolis. « Il y a une affaire lorsque des acteurs se mobilisent et entrent en conflit à

propos d’enjeux. Une affaire a donc toujours une structure temporelle : elle débute, elle se déploie

dans une controverse et trouve éventuellement une solution. » (Widmer, 1999 : 11)

Un problème devient une affaire quand on a remarqué qu’il y a une situation problématique qui

présente des valeurs immorales. La question de la morale est centrale. La diffusion du film

Persepolis semble effectivement poser problème à la collectivité.

Après avoir trouvé la situation problématique, il s'agit alors de déterminer à qui l'affaire est

rattachée. Un public intéressé et concerné se constitue et va s’organiser collectivement pour

résoudre le problème ou du moins, essayer d'y faire face. Il faut savoir que les problème sont créés

par la collectivité. Ce n’est pas la caractéristique du problème d’être problématique, ce sont les

collectivités qui ont rendu le sujet comme problème.

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Un problème n’est donc pas stable, il est une chose qui se développe au fil du temps. C'est d'ailleurs

une des caractéristiques d'une affaire médiatique.

L'affaire médiatique possède toujours une dimension morale. C'est à dire qu'une affaire médiatique

peut révéler une atteinte à l'ensemble des règles de conduites et des valeurs qui définissent la norme

d'une société, Widmer l'évoque d'ailleurs dans son texte Mémoire collective et pouvoirs

symboliques.

« Il ne suffit pas qu’une affaire devienne publique pour qu’elle constitue un problème public.

Il faut pour cela qu’elle pose un problème au public. L’accession à ce statut n’est pas un processus

naturel : il relève de l’exercice, conscient ou non, d’un pouvoir symbolique, du pouvoir de dire ce

qui se passe et la signification que cela a pour la collectivité. » (Widmer, 1999 : 12)

La collectivité tunisienne réactionnaire a ainsi décidé que Persepolis constituait un problème.

Il s'agit maintenant de déterminer les tenants de ce problème et de saisir les enjeux qui peuvent

émaner d'une affaire telle que celle-ci. Les institutions publiques, telles que la justice, le politique,

la science, sont des acteurs qui permettent la création « d'arène » de confrontation des idées pour

tenter de résoudre ces problèmes.

Une affaire possède une caractéristique intéressante, sa durée. En effet, une affaire dure dans

le temps et se trouve séquencée par des étapes. Elle est également suivi par un « public ». Les

médias révèlent ces étapes au fur et à mesure et ne peuvent pas ignorer l'affaire. Ils n'ont pas d'autre

choix que d'en parler et c'est grâce à eux que nous pouvons aujourd'hui étudier ces événements étant

donné le corpus médiatique important concernant cette affaire.Il faut savoir que le « scandale » n’a

rien à voir avec une affaire car ça n'est pas durable. Une affaire médiatique se mesure dans la durée.

Il faut une confrontation durable où des recherches sont effectuées.

Les étapes d'une affaire émergent lors de la médiatisation de celle-ci. Certains événements

constituent des étapes phares dans la compréhension des enjeux.

Ainsi, le parcours événementiel d'une affaire permet de faire émerger les principaux événements

liés au problème de départ, soit la diffusion du film Persepolis. Il constitue le travail analytique qui

a pour objectif de retracer la manière dont tout s'est déroulé.

Il faut savoir que les médias contribuent à déterminer une action. Le compte rendu médiatique fait

partie de la situation. Ce que les médias disent fait partie de l'événement, ou d'une partie de celui-ci.

Ils contribuent grandement à la situation dont ils parlent.

Entre objectivité et subjectivité médiatique, influences, jeux de pouvoir et autonomie politique, les

possibilités sont nombreuses, c'est pourquoi il faut prendre du recul avec ces discours pour tenter de

les analyser au mieux. Le discours médiatique va faire ressortir certains aspects de la situation mais

pas tous. Le langage (les discours médiatiques) et l'action (les événements liés à la diffusion du film

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Persepolis) sont liés et se déterminent l'un l'autre.

Widmer poursuit avec une méthode que nous appliquerons pour l'analyse. Pour lui, il s'agit :

«d'examiner les articles de presse pour voir comment ils nouent des événements, quelle temporalité

ils considèrent, de quelle manière ils définissent les enjeux et les principes qui permettraient de

résoudre les conflits »

Ainsi, aborder cette controverse depuis l'analyse des discours médiatiques, c'est aussi saisir

l'énonciation des médias, comprendre les enjeux, interpréter ces mises en discours autour de l'affaire

Persepolis. Cela va nous permettre de rendre compte de la manière dont les médias vont réguler,

ordonner, évaluer les discours et les débats sur l'affaire. Pour déterminer un événement il faut le

placer dans un contexte qui fait son sens. Le contexte pertinent n'est pas déterminé en dehors de

l'événement.

Les controverses sur les affaires sont des formes qui appliquent un travail de problématisation et de

publicisation. Lorsqu’une affaire se publicise, elle va en premier lieu créer un mouvement et attirer

l’attention publique. A partir du moment où la sensibilisation fonctionne, il va y avoir une pression

qui va se former sur les différents acteurs, les médias compris. Le phénomène s’impose et devient

fondamental, les médias se voient obligé d'en parler. Ce travail se fait par une enquête pluraliste à

partir du moment ou le problème apparaît. Le rôle des médias est d’être l’un des acteurs à mener

l’enquête.

Les affaire médiatiques créent aussi un lien entre l'espace public et la démocratie. Elles sont des

mises à l'épreuve pour les institutions, au risque de créer un choc qui puissent les ébranler. Une

épreuve peut aussi être l’occasion, pour une institution, de montrer sa force et sa résistance face aux

difficultés

Finalement, rien ne laissait présager que la diffusion de Persepolis donnerait lieu à tant d'émeutes.

En effet, le film à non seulement gagné au festival du film dans un pays Arabe mais il avait déjà été

diffusé en Tunisie. Il n'y a donc rien de mécanique à ces réactions étant donné sa diffusion dans

d'autre pays. Si la diffusion du film provoquait irrémédiablement des protestations, il y aurait fort à

parier qu'on en aurait entendu parler avant. Il nous faut refuser une conception linéaire de la

communication. Le fait de diffuser quelque chose ne peut pas être la cause de tant d'émeutes.

Dans le domaine des affaires médiatiques, il est impossible de prévoir à l'avance l'ampleur d'une

affaire sur le public, en d'autre terme, l'impact de celle-ci ne peut être connu au préalable.

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1.1.3 Quelles sont les problématiques de l'affaire médiatique Persepolis ?

Avec l'affaire NESSMA TV, la Tunisie découvre et doit définir la citoyenneté. Aujourd'hui être

citoyen c'est être reconnu membre de la société et participer à la vie politique.

Au lendemain de la chute de Ben Ali, les tunisiens se découvrent multiples, hétérogènes et

complexes. Cet élément a été révélé lors de l'élection Constituante du 23 octobre où ils doivent

choisir parmi 105 partis politiques. L'unité tunisienne est remise en cause, celle-ci n'était certes pas

problématique pendant le régime de Ben Ali étant donné l'assujettissement des tunisiens. Au départ

de Ben Ali, l'unité tunisienne soumise et réprimée s'est transformée en une unité révolutionnaire.

L'affaire Persepolis semble dissimuler beaucoup d'enjeux. Des problématiques émergent à l'intérieur

des discours médiatiques.

Sous Ben Ali, s'opposer c'est être contre le régime et faire parti des dissidents politique. Le silence

était la position de la majorité des tunisiens. Aujourd'hui, dans le contexte de l'affaire, il est

inadmissible de rester neutre, c'est considéré comme une preuve de lâcheté. Au travers des discours,

les tunisiens sont contraints de prendre position d'une manière ou d'une autre en se disant « pour »

ou « contre » NESSMA. Rapidement, le choix devient manichéen.

Il s'agit pour eux de se positionner en tant que partisan d'un islam politique ou en tant que laïque,

progressiste ou moderniste. On peut voir dans ce choix une forme d'appropriation de la révolution et

de re-définition de la Tunisie.

On comprend, que la question de l'identité Tunisienne se retrouve au cœur de l'affaire. En effet,

pour les tunisiens être « pour » NESSMA se traduit par le refus de la Tunisie religieuse, c'est

s'opposer à la pensée et à l'identité arabo-musulmane. L'affaire Persepolis permet ainsi de saisir les

clivages, les divisions dans la société. Cette idée de catégoriser la population est problématique en

elle même et les tunisiens doivent s'accorder sur le sens de celles-ci.

La difficulté de diviser le pays en deux laisse entrevoir la complexité de certaines positions. L'enjeu

est important car ce sont ces catégories qui vont façonner les relations sociales et politiques dans

l'avenir. Dans cette période de transition démocratique et politique il s'agit de savoir et de

comprendre, pour les tunisiens, ce qui se cache derrière ces catégories. Il faut comprendre que les

catégorisations sont tenu entre elles par une situation et que ce n'est pas une question de choix.

L'analyse effectuée tout au long de se dossier se réfère à la manière dont les médias mettent en mots

ces catégories.

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Il faut savoir qu'une part importante de l'action politique consiste à essayer de transformer les

rapports qu'on entretien avec les catégories. Cela revient à transformer les pratiques. L'action

politique réussie est une action qui transforme notre rapport pratique au monde et donc, la forme de

vie dont ce rapport pratique est la manifestation. C'est une notion complexe qui agit sur un univers

complet et sur les liens de catégorisations présent dans cet univers.

Dans Mémoire collective et pouvoirs symboliques, Widmer fait une observation intéressante : « Les

médias jouent un rôle prépondérant : lorsqu’ils mettent en lumière de telles actions, ils exercent du

même coup une forme de pression sur d’autres acteurs, les obligeant à prendre position. Autrement

dit, en créant un événement, des acteurs parviennent à rendre visible dans le discours médiatique

un problème dont la temporalité propre sinon leur échapperait. »

(Widmer, 1999 : 12)

Cette citation résume la situation problématique posée à chaque tunisiens : être « pour » ou

« contre » NESSMA TV.

La diffusion du film Persepolis et les réactions engendrées par le film ont suscité beaucoup de

justifications de la part de certains acteurs de l'affaire en raison de la pression médiatique sur leurs

épaules. Ces justifications permettent d'initier des pistes de réflexion quant aux enjeux soulevés par

l'affaire médiatique en construction.

L'interview de Marjane Satrapi dans le magazine français Première fait émerger une

problématique qui évoque le malaise politique du pays. La réalisatrice du film Persepolis nous

donne son avis sur les réactions qui ont été engendrées par la diffusion de son film.

«Toutes les révolutions passent par des moments difficiles. Mon film a été projeté plusieurs

fois en Tunisie, mais cette fois c'était dans un contexte électoral électrique». (Première, « Marjane

Satrapi : elle réagit aux critiques envers son film Persepolis en Tunisie », 17/10/2011)

Cet article laisse voir des enjeux contextuels importants et nous fait comprendre que la

diffusion du film, le 7 octobre, est en lien avec un autre événement : les premières élections libre

depuis l'histoire du pays, le 23 octobre 2011.

De même, lors d'une interview Omar, l'avocat de Nabil Karoui, explicite que si cet

événement a pris autant d'ampleur, c'est à cause d'un « mauvais timing ». En effet la diffusion du

film a eu lieu seulement 16 jours avant les élections.

D'après Habermas, l’espace qui se constitue pour une affaire renvoi à l'espace public, lieu de

discussion et de débat. La liberté d’expression, forme de démocratie, permet aussi de se former une

opinion en raison avec les autres.

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Il y avait un ordre autoritaire et on observe aujourd'hui un passage au désordre qui semble

déterminent compte tenu du processus démocratique en cour. L'affaire NESMA s'est finalement

présenté comme une arène de confrontation des idées.

Omar, l'avocat de Nabil Karoui affirme lors de son interview que l'ampleur de l'affaire NESMA est

aussi une mise en garde pour les autres médias. Quand un média est touché c'est aussi un moyen

d'expression, les journalistes se montrent alors sensible à cette affaire. D'une certaine manière,

l'affaire Persepolis représente aussi un enjeu pour la liberté de la presse et la liberté d'expression.

Pour finir, l'affaire Persepolis semble être plus politique que religieuse. Ce n'est pas une simple

affaire de blasphème. L'affaire a en effet soulevé des enjeux politiques en lien avec la liberté

d'expression.

1.2. Le contexte : la Révolution tunisienne

Laetitia CORNIERE et Yasemin TOPRAK

Certains articles vont montrer dans quelles situations se trouve la Tunisie avant que l'affaire

Persepolis face la Une des médias. Comme le souligne l'article du journal La Presse du 12 Octobre

2011 « Communication Gouvernementale, Les recettes touristiques atteignent 1,624 milliards de

dinars », la Tunisie connaît de grand bouleversement au sein de sa société. Le taux de tourisme est

en chute considérable début 2011, une chute liée au Printemps arabe qui a touché la Tunisie. Selon

Habbib Ammar directeur de l'office de tourisme de Tunis, la baisse de fréquentions touristique est

de 34% par rapport à 2010 provoquant la fermeture d’hôtels qui occasionne la perte de plus de 3000

postes. Toujours selon le même article, la Tunisie fut dans une période de transition, le pays doit se

relever suite à la chute du régime dictatorial de Ben Ali qui vivait avec l'argent du peuple. Avec la

chute de Ben Ali et sous la presidation d' Adel Ben Ismail, l’État acquiert et confisque les biens

fonciers et les sociétés du président déchu, tel que le groupe Carthago et autres bien de la famille

comme les yachts, les sociétés appartenant à Imed Trabelsi neveu de la femme de Ben Ali ou encore

ceux de Sakher Materi gendre de Ben Ali.

Premier pays pour la restitution des biens volés par les dictateurs, la Suisse tente d'accéléré le

rapatriement des fonds tunisiens (et égyptiens) de sorte à développer les aides judiciaires avec la

Tunisie et l’Égypte. C'est avec les élections du 23 Octobre 2011, que le nouveau visage de la

Tunisie va se dessiner. Beji Caïd Essebsi le premier ministre devra attendre cette date pour voir si

les électeurs lui font toujours confiance. En visite aux États-Unis du 3 au 7 Octobre 2011, celui-ci

ce voit rassurant pour l'après élections même s' il y a une chance que le parti Ennahda remporte une

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Page 15: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

majorité de siège. Lors d'un point presse hebdomadaires de la cellule de communication du Premier

ministre, Moez Sinnaoui fait le bilan de la visite de Beji Caïd Essebsi aux États-Unis. Celui-ci

affirme que les États-Unis vont se pencher sur les opportunité d'investissement et de partenariat

qu'offre la Tunisie post-révolution d'où la visite prévu de 200 investisseurs américains le 15

novembre 2011.

En ce qui concerne l'affaire Nessma, Moez Sinnaoui déclare que l’État n'interviendra pas, car leur

rôle se limite à la préservation de la sécurité et du bon déroulement des élections. L'affaire Nessma

intervient alors que le premier ministre se trouve encore à l'étranger, mais celui-ci annonce un futur

projet de décret de loi relatif au code de la presse. Possédant 51% d'action de la chaîne TV Cactus,

l’État à le pouvoir d'interdire la production d'une émission si celle-ci est considéré comme une

propagande politique en vue des élections du 23 octobre 2011. Mais avant que ce décret soit établis

de multiple débordement vont surgir.

1.3. Discours médiatiques sur l’affaire Persepolis

Laetitia CORNIERE et Yasemin TOPRAK

Dans le contexte de la Tunisie post-révolutionnaire, il est bien aisé de comprendre que le

choix de diffusion de la chaîne de télévision est une invitation à un échange sur l’identité d’un pays

en reconstruction dans un climat politique incertain ou la montée des partis politiques islamistes est

considérée comme inquiétante pour la démocratie. Nessma TV bouscule ainsi l’agenda du peuple

tunisien en mettant en lumière les risques de dérives du régime islamiste dans l’espace public.

La programmation de ce film doublé dans un dialecte arabe locale sur « La télé du grand Maghreb »

selon le slogan de la chaîne de télévision, dans le cadre d’une émission politique comme le

revendique la chaîne, est très révélateur de son intérêt pour un questionnement sur le devenir de la

Tunisie à très court terme.

Au cours de l’affaire Persepolis, de nombreux discours ont été produits par les différents

protagonistes ; l’ensemble de ces discours découlent d’un événement fondateur identifié : la

diffusion du film Persepolis. En tant que centre de notre intrigue, il importe de comprendre

comment la diffusion de ce film a pu causer quelques jours plus tard autant de controverses ;

comment cette intrigue a suscité des jugements et déclenchées des actions qui ont fragilisés tout un

pays. A ce stade il importe de relever, comme Michel Barthélemy et Louis Quéré dans l’affaire de

Carpentras, que pour rendre compte d’un événement, il est impératif d’en opérer une analyse

minutieuse par phase à travers le parcours événementiel.

12

Page 16: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

Au travers les différents articles, dépêches et e-mail que nous avons pu consulter, on constate

qu'il y a une certaine divergence d'opinion à la fois positive et négative dans le discours médiatiques

qui traite l'affaire Persepolis et ce qui l'entoure. La présence d'articles locaux et internationaux dans

notre corpus, souligne l'ampleur de la diffusion du film Persepolis, une diffusion qui suscite des

réactions de la presse internationale ainsi que de vive réaction sur les réseaux sociaux. On peut

également compter sur de nombreux articles issus de journaux Tunisien comme «Le Quotidien » de

Tunisie, « Le Temps », « La Presse », « Chronique Juridique », « Réalités », des communiqués de

« AFP » mais aussi de dépêches d’agences Tunisiennes, d’extraits de blogs, et d’e-mails.

1.3 1. Journaux locaux

De nombreux journaux locaux, vont soulignés les causes de l'affaire NessmaTV, mais ce

sont souvent les mêmes sujets qui vont être mis en avant dans la presse locale. Tout d'abord de

nombreux journaux locaux vont parler l'affaire de l'université de Sousse, c'est le cas de Le Temps un

journal quotidien tunisien indépendant en langue française. Il assimile l'affaire Nessma a celle de

l'étudiante refusée par son université de Sousse à cause du port de niquab. Une affaire étroitement

liée à celle de NessmaTV, puisqu'elle surgit peut de temps avant la diffusion du film. Comme le

souligne l'article de ce journal "Justice et 'violence symbolique' " paru le 13/10/2011, l'affaire du

niquab a créé une grosse polémique sur la liberté d'action et de culte. Pourtant l'interdiction de ce

style vestimentaire est pour le directeur de la faculté un moyen de garantir la sécurité contre une

quelconque attaque terrorisme car l'identité est cachée par le vêtement. En voulant imposer son

niqab par le biais de la violence, un trouble de l'ordre public survient. Pour le journaliste Ahmed

Nemlaghi, dans ce même article, le niqab ou le jelbeb n'est pas un habit musulman de base, il se

trouve vers l’Arabie, pour appuyer son point de vue le journaliste montre que c'est ce que souligne

le Cheikh Mohamed Tahar Ben Achour ou même Tariq Ramadan, de grand nom de la société

musulmane. L'avis du journaliste ne peut pas être remis en cause quand on sait que dans le Coran il

n'est pas dit à la femme de porter ce genre de vêtement il lui est seulement conseiller de rabattre son

voile sur sa poitrine et ainsi se préserver du regards malveillant1.

D’après les communiqués de presse émanant principalement de la TAP (Tunis Afrique

Presse) et de l’AFP (Agence France Presse) que nous avons examiner, on voit les différents

protagonistes dérouler chacun pour sa part un argument visant à faire passer sa propre

interprétation, son propre cadrage de la texture causale. C’est donc plus de 48 heures après la

diffusion du film sur Nessma TV et plusieurs rediffusions sur la télévision publique, que les 1{ […] Et dis aux croyantes de baisser leurs regards, de garder leur chasteté, et de ne montrer de leurs atours que ce qu’il en paraît et qu’elles rabattent

leur voile sur leurs poitrines } [ Sourate 24 - Verset 31].

13

Page 17: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

premières notes discordantes se font entendre : c’est à travers les premiers communiqués de presse

de la TAP que l’on découvre que Nessma TV est la cible de plusieurs attaques physiques en deux

points géographiques à Tunis. Le premier communiqué signale des heurts dans l’espace public entre

des jeunes salafistes et les forces de l’ordre autour des locaux de Nessma TV ; il est suivi d’un

communiqué de Monsieur Hichem MEDDEB porte-parole du ministère de l’Intérieur qui dans une

circonspection neutre et républicaine invite les personnes mécontententes d’un « contenu culturel »

à faire prévaloir leur droit devant la justice (Communiqué TAP du 09/02/2013).

Les conséquences de ces attaques ainsi que ceux sur la maison de Nabil Karoui, est le

deuxième sujet qu'on a pu voir apparaitre avec à ces documents. Dans les communiqués de l'AFP du

11/10/2011 et les dépéches de l'agence de Tunis du 14/10/2010, on peut constater que ce fait reste

assez flou. Alors que la chaîne Nessma TV annonce que la famille à était sauvé in extremis, les

force de l'ordre affirme qu'il n'y avait personne dans la maison lors de l’attaque. D'autres sources

comme la sécurité Nessma annonce qu'il y avait la femme de ménage et que celle-ci à été agressé et

hospitalisé. L'AFP explique q'aucune photo montre l'état de la maison après l’attaque des individus

''armé'', car Nabil Karoui a refusé qu'un photographe de l'AFP prenne son domicile en photo. La

chaîne Nessma TV met en cause les islamistes et dénonce les imams d'avoir poussé cette révolte

lors de leurs prêches. Les différentes dépèches qu'on a pu consulté montrent souvent des divergence

sur ce qui c'est réélement passé en ce qui concerne l'attaque de la maison de Nabil Karoui mais

aussi sur les conséquences exacte des manifestations, mais ce ont toujours les même coupable qui

sont sité. Au fur et à mesure des articles, on a pu remarquer que le vocabulaire est toujours péjoratif

quand il s'agit de parler des salafistes ''fanatique religieux'' ils sont jugés comme les investigateurs

de cette violence. Les journalistes vont également s'empresser de faire le lien avec le parti politique

islamistes tunisien Ennahda. Rached Ghannouchi président du partie dément tout lien avec ces

débordements, pour lui (dépéche du 14/10/2011), les tunisiens sont les seuls défenseurs de l'Islam,

”il n'ont pas besoin de tuteur pour protester contre les provocations des médias”.

Ghannouchi déclare dans un meeting, que le partie Ennahdha défend la liberté d'expression

et respecte les libertés individuelles.il n'a donc rien à voir avec les manifestations des tunisiens. Le

président du parti appel le peuple à faire face à ceux qui utilise l'Islam pour faire peur et souligne

que le partie Ennahdha est un parti qui prône les valeurs de liberté, de dignité et d'égalité.

Le troisième sujet qui apparait concerne plutôt la remise en cause du travail des médias qui

acorde plus d'improtance aux débordement ue suscite le film plutot que les problèmes généraux qui

touche la Tunisie. Dans l’article Réalités, un magazine tunisien (Réalités du 13 au 19/10/2011)

"Les salafistes ont-ils ggné la bataille", la journaliste Hanène Zbiss, montre que l'affaire Nessma, en

s'inscrivant dans la scène publique et médiatique prends totalement la place des autres sujets

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Page 18: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

d'actualités. Tout le monde se voit touché par cette affaire, oubliant ainsi les autres problèmes qui

touche la Tunisie. Pour elle, les médias alimentent la polémique préférant montrer les agissements

des salafistes plutôt que les problème lié au pénurie de produits alimentaires, les problèmes de

sécurité des élections qui approche et même ceux concernant le chômage. Elle montre que les

médias ont une place considérable dans cette situation, et prend pour l'exemple la chaîne Nessma

TV, qui se contente de rapporter les faits sans les analyser et commentaire et qui donne sa propre

opinion des chose. La dépêche du 10 octobre émise par la TAP, rapporte que le Ministère des

affaires religieuses tunisien appelle au rejet de la violence morale ou physique et il invite « à

respecter les valeurs de l’islam, qui consacre les principes de modération et de tolérance et le

respect de la culture de la différence et de la concorde ». Il incite également les médias publics et

privés à être plus prudents.

On voit bien ici que la prise de parole du représentant de l’état cadre le parcours

événementiel en le cristallisant sur le terrain religieux. L’Instance Nationale pour la réforme de

l’Information et de la communication (INRIC) va comme Nabil KAROUI tenter de re-situer

l’événement sur le terrain de la liberté d’expression et de la liberté de la presse en considérant que

l’agression contre Nessma TV « représente un danger pour la liberté d’expression qui constitue

l’un des fondements de la démocratie » (dépêche du 10/10/2011). Elle rappelle par la même

occasion le respect nécessaire des règles de la déontologie journalistique que sont la neutralité,

l’objectivité et l’équilibre. (INRIC, TAP, 10/10/2011). En Tunisie, le positionnement de ces

discours était quasiment identique dans le monde des médias de presse et de télévision qui ont

maintenu leur soutien à Nessma TV en gardant le prisme de la liberté d’expression en danger dans

un contexte global de montée de l’islamisme. Nabil Karoui a d’ailleurs reçu formellement le soutien

de l’association tunisienne des directeurs de journaux (par Dépêche TAP, 10/10/2011) et celui du

Bureau exécutif du syndicat des tunisiens directeurs des établissements médiatiques. Pourtant,

l’opinion publique lassée par une révolution éprouvante est dorénavant divisé en deux blocs : d’un

côté les laïcs défenseurs de la république et de l’autre les islamistes représentés dans l’intrigue par

les salafistes. Ceux-ci mènent la fronde jusque devant les tribunaux à travers Anouar Ouled Ali,

président des Jeunes avocats, à l’origine de la plainte contre Nessma TV.

D'autres articles vont souligner qu'il est important de ce demander si ces débordements sont

dû à la diffusion du film ou si c'est l'approche des éléctions qui motivent les manifestants et la

presse? En re-situant la diffusion du film Persépolis dans sa temporalisation, on note que le choix de

la date d’antenne par Nessma TV, fixée au 07 octobre 2011, soit deux semaines environs avant les

élections de l’assemblée constituante, n’en pas moins anodin bien qu’ayant déjà été diffusé en salle

sous l’ère Ben Ali (deux fois entre 2007 et 2008). Comme le montre la journaliste Hanène Zbiss

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Page 19: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

dans le magazine Réalités, ces événements ne sont pas dissociable de la politique. La religion et la

politique se voit étroitement lié. Le fait que le film soit diffusé à cette période (proche des élections)

pose problème alors que celui-ci avait déjà était diffusé sans susciter pour autant de vive réaction.

Le film comme le montre la journaliste, n'a pas été imposé au téléspectateur car il a été diffusé sur

une chaîne privée, le téléspectateur est libre de zapper si ça ne lui plaît pas. Le timing de la diffusion

qui est proche des élections de la nouvelle constituante montre que la Tunisie n'est pas à l'abri de ce

qui c'est passé en Iran. Hanène Zbiss, montre son étonnement face aux réactions violente qu'a

suscité la diffusion du film puisque ces même personne qui appel au non respect de la religion

quand le film animé représente la figure de Dieu, regarde d'autre feuilleton iranien où les visages

des Prophètes est représenté. Pourtant en Islam, comme le visage de Dieu, celui du Prophète ne doit

pas être imagé. La journaliste rappelle que tout enfant, ou presque, ont un jour imaginé Dieu sous

les traits d'un homme. Et que ce qui entre finalement ici pointé du doigt, est un enjeu politique bien

plus profond que ce simple film puisqu'il s'agit d'un enjeu politique. Elle déclare également que la

majorité des manifestant non même pas vu le film, ils manifestent juste pour suivre le mouvement.

La solidarité affichée des médias locaux apparait comme une tentative de reprise en main du

schéma communicationnel. Ce système avait déjà fait ses preuves comme l’indique Jeanne Favret-

SAADA dans son ouvrage intitulé : « Comment produire une crise mondiale avec douze petits

dessins » dans l’affaire des caricatures de Mahomet au Danemark. En Tunisie, le schéma est-il

reproductible ? On note qu’officiellement le parti Ennadha n’a jamais condamné fermement

Nessma TV, évitant ainsi de se poser comme le pouvoir inquisiteur à la traque des journalistes en

sabordant la liberté d’expression.

1.3.2. Journaux internationaux

Si en Tunisie, les médias font bloc autour de Nessma TV au nom de la liberté de la presse, à

l’étranger et notamment en France, les médias abordent l’Affaire Persepolis sous un angle religieux,

ne résumant la diffusion du film de 95 minutes qu’à une scène de quelques secondes ou l’héroïne

converse avec Dieu dans un songe tout en rappelant que dans l’Islam, toute représentation de Dieu

est interdite.

Comme l’indique cet extrait du Monde: « Il met en scène une question religieuse autour de

laquelle se polarisent deux camps irréductibles. Les uns apparaissent comme des religieux

illuminés qui réagissent de manière excessive, les autres sont suspectés et même explicitement

accusés d'être des provocateurs irresponsables (Smaïn Laacher et Cédric Terzi, sociologues,

membres du Centre d'études des mouvements sociaux (CNRS-EHESS) Le Monde.fr du 23/12/2011)

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Page 20: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

L’événement est présenté sous un cadrage qui anéantit le message de Nessma TV.

On voit bien une certaine prise de distance des médias qui ne souhaitent pas être associés à

Nessma TV. On peut comprendre cette ligne éditoriale en rappelant la montée de l’islamisme en

France et les frasques de Charlie Hebdo ; mais aussi parce que le personnage de Nabil KAROUI lié

aux réseaux de l’ancien régime de Ben Ali et à Berlusconi est qualifié de loupe grossissante qui

démesure l’information en plus de son côté moralisateur face aux dirigeants de la transition.

Pourtant comme les journaux locaux, les journaux internationaux mettent également en

avant la liberté d'expression. Les ONG comme Human Rights Watch, appel le gouvernement à

abandonner les charges contre Nabil Karoui et à abolir la loi sur la diffamation religieuse. Les

défenseurs des droits de l'homme, ainsi que d'autres associations, vont dénoncer le double discours

des islamistes qui à la fois condamnent la violence et encourage indirectement les salafistes à

imposer leur idéologie à l'approche des élections. Un élément qui va également apparaître dans un

chat modéré du journal Le Monde.fr où Hamadi Jebali, homme politique (Ennahda) va se dire pour

la liberté d'expression mais dans le cas de la représentation du prophète, il va parler de provocation,

alors qu' il n'est pas pour la censure des sites djihadistes expliquant que c'est au citoyen de choisir

de regarder ou pas. D'autre magazine comme VSD « le péril intégriste » un hebdomadaire français,

vont pointer du doigt ce qu'ils caractérisent de « les fondamentalistes musulmans » qui sont pour

eux à l’origine des violences dans les rues.

Le 10 octobre 2011, c’est l’Agence France Presse qui émet le premier communiqué indiquant

la position française qui se dit « attachée à la liberté d’expression, au pluralisme et à la liberté de la

presse en Tunisie » ; Paris dénonce également les attaques qui ont ciblés les locaux de Nessma TV

par l’intermédiaire de Bernard Valero Porte-parole du Ministère des affaires étrangères. Des

magazines français tel que Marianne2, vont plutôt se pencher sur l'aspect politique qui est

étroitement lié au débordements en Tunisie. Le magazine Marrianne2 va établir un sondage sur les

favoris des élections qui approche dont le parti islamiste Ennahda.

Le quotidien français en ligne « L'alsace.fr », va quand à lui évoquer les ambiguïtés de ce

parti vu comme le favori du scrutin. Dans un climat de suspicion post révolutionnaire, Ennahda,

bien qu’étant donné favoris par les sondages, ne rassure pas en raison de l’influence des islamistes

dans le parti ; et c’est dans ce sens que la diffusion de Persépolis sur Nessma TV a certainement

voulu faire résonance de l’œuvre de Marjane Satrapi en rappelant qu’au renversement du Shah : « -

un parti ayant émergé en 1979 dans le sillage de la Révolution islamique iranienne et ayant commis

des actes violents dans les années 1980-1990 –, les 60% de Tunisiens qui n’ont pas voté pour cette

formation islamiste sont quelque peu inquiets… » (Richard Darmon pour ‘‘Hamodia’’ journal

francophone israélien de Jérusalem).

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Page 21: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

On peut donc considérer que « cette perspective jette un éclairage nouveau sur la controverse

tunisienne. La diffusion de ce film n'apparaît pas tant comme une provocation à l'encontre des

intégristes religieux, que comme une mise en garde adressée aux électeurs. » (Le Monde.fr du

23/12/2011). La mise en œuvre de ce sujet à l’agenda du peuple n’a certainement pas été aussi

méticuleuse qu’elle aurait due, mais elle a au moins le mérite d’avoir attiré la vigilance du peuple

sur les changements à venir.

Dans « Romandie » un journal d’actualité de nationalité suisse, ce qui ressort est que le pays

a peut être gagné sa liberté suite à la fin du régime Ben Ali, mais que tout reste à faire puisqu’il

n’est pas à l’abri de certaines dérives, pour exemple l'article citera l’incendie de Nessma par les

salafistes à la suite de la diffusion du film Persepolis.

La liberté d'expression reste assez confuse d'où la présence de censure qui permettent de

caché ce qui pourrait choqué ou nuire à un individu. Pourtant évoquant la liberté d'expression de

nombreuse œuvres d'art vont susciter la polémique surtout quand il s'agit du domaine religieux ou

politique. Comme le film Persépolis, de nombreux films vont heurté la sensibilité de certains

téléspectateurs. Le film « Ni Allah, ni Maître » de Nadia El Feni va connaître le même style de

manifestation et de protestation que le film de Marjane Satrapi à cause du titre qui est qualifié de

provocateur. L’islam n'est pas la seule religion qui va connaître ce type de fait, c'est ce que souligne

Le Quotidien du 13/10/2011. Le magazine prend l'exemple du film « La dernière tentation du

Christ2 » de Scorcese qui s'inspire de l'évangile de St Mathieu de Pasolini. Dans ce film, Jésus est

présenté comme un simple mortel qui désire vivre sa vie d'homme loin des turpitude de la vie de

Prophète (la relation qui l'uni a Marie Madeleine est mis en avant). Celui-ci à déclenché le même

genre de violence que Persépolis (une centaine de personne vont incendier les salles de cinéma et

menacer les distributeur).

1.3.3. Réseaux sociaux

Outre les articles de presse locaux et internationnaux. De nombreux mail vont rapportés les

faits, Soraya Maherzi par exemple, écrit de nombreux e-mail où elle dénonce ce qui ce passe en

Tunisie, elle amène ainsi un tout autre regard sur ce qui se passe. Dans un de ses mail du

13/10/2011, elle rapporte un article de ''kapitalis'' écrit par Zohra Abid.

Zohra Abid dit que Persepolis, est un film qui a agité les extrémistes, et choqué une partie des

Tunisiens, par une scène où figure Dieu représenté comme un vieux Barbu, ce qui est considéré

comme blasphématoire en l'Islam. Comme le montre l'e-mail de Soraya Maherzi, la diffusion du

2"La dernière tentation du Christ", est également le titre de l'article

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Page 22: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

film Persepolis, va provoquer des tensions et des divisions aux sein de l'espace public tunisiens.

Deux groupes vont s'opposer aux cours de l'affaire, d'un côté les défendeurs de la liberté d

'expression essentiellement composé des médias. De l'autre il y a les défendeurs de l'islam qui cri au

scandale et au non respect de la religion, ils vont ainsi contester la diffusion du film d'animation par

une marche d'indignation. Cette marche au début été pacifique va s'étendre aux villes voisines de la

capitale. Impressionné par ce mouvement, le ministère public ainsi que des avocats et des

représentants de la société civile vont suivre les manifestants et porter plainte contre Nabil Karoui.

Mais ceux-ci condamnent toutefois le recours à la violence de la part de certains manifestants et

demandent aux médias qui s'empressent de diffuser les débordement de cesser de provoquer les

manifestants. L'e-mail montre ainsi un regard plus interne de l'evénement.

La journaliste va même dire que le vrai problème n'est pas la diffusion du film en Tunisie, mais sa

version en dialecte tunisien faite par la chaîne 'es ce qui selon elle a mis le feu aux poudres. Elle

dira également que Nabil Karoui va présenté ses excuses au peuple Tunisien mais cela ne suffira

pas à apaiser les tensions. Elle déclare aussi que lors d'un communiqué, l'Iran a affirmé avoir mis

en garde la chaîne Nessma TV sur les réactions que pourrait susciter la diffusion du film, et de

prendre en considération les croyances des téléspectateurs musulmans.

Après la diffusion du film Persepolis, de nombreux mouvement de citoyenneté se sont établit.

Les réactions suite aux manifestations et à la diffusion du film divise le peuple tunisien. Alors que

certains appel au calme, d'autre appel à la révolte sur des réseaux sociaux dont ''Facebook''. C'est

une réponse à l'appel lancé sur ''Facebook'', qui a permis de mettre en place la manifestation, qui

regroupait essentielemnt des jeunes. Monsieur Karoui quant à lui n’en démord pas et tiens jusqu’au

dernier jour de son procès coïncidant avec la journée internationale de la liberté de la presse à faire

passer son véritable message. Des blogs ainsi que des sites de grands magazines tel que Le Monde

ou même Le Temps (à la fois en version apier et web) vont rapporter les événements.

Condamné pour trouble à l’ordre public et à une amende Nabil KAROUI est resté en Tunisie

à la tête de Nessma TV qui a vu ses audiences explosées depuis l’affaire ; le crime d’atteintes aux

valeurs sacrées n’a pas été retenu contre lui suite à un vice de procédure. Dans l’affaire dite

Persepolis, on voit bien comment un média peut bousculer la mise à l’agenda de sujets de société

attirant ainsi la lumière sur les transformations de la société. Même si l’on peut avoir la sensation

d’un message brouillé tout au long du parcours événementiel, il est clair que les Tunisiens dans

cette période de transition scrutent les changements de leur société avec plus d’attention et de

vigilance.

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Page 23: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

1.4 Les conséquences de la diffusion du film

1.4.1. Les diverses réactions après la diffusion du film

Guillaume BARONNA

La condamnation des violences par Reporters sans frontières

Suite à la projection du film Persepolis, plusieurs attaques ont eu lieu à l'encontre des locaux

de Nessma TV. Reporters sans frontières va se positionner ostensiblement en faveur de la diffusion

du film Persepolis et vivement condamner les attaques des locaux de la chaîne Nessma. En effet,

c'est pas un communiqué sur leur site officiel " www.rsf.org/ " que paraît l'article dénonçant ces

violences.

Forts de leurs idéaux, Reporters sans frontières a toujours défendu la liberté d'expression et

d'information qui est pour eux une liberté première. Le travail de journaliste est avant tout de

rapporter les faits, de dénoncer les abus, d'interpeller la conscience générale. La liberté

d'information est le fondement de toute démocratie, et pourtant, Reporters sans frontières rappelle

que près de la moitié de la population mondiale n'a pas accès à une information libérée de toutes

emprises. Plusieurs onglets expliquant leurs actions sont visibles sur leur site.

La tournure que l'affaire Persepolis a prise s'inscrit inévitablement dans leur combat de tout

les jours, c'est pourquoi ils ont réagis à l'affaire via ce communiqué.

Cette affaire est dramatique pour Reporters sans frontières car d'une part les principes de la

liberté d'expression sont bafoués et d'autre part on condamne Nabil Karoui (président de la chaîne

Nessma) ainsi que le responsable du visionnage de Nessma TV et le responsable du doublage du

film Persepolis. Persepolis est déjà sujet à une vive polémique autour de sa diffusion, mais ce qui

est encore plus inquiétant est les attaques des locaux de la chaîne et les menaces et intimidations

faites aux salariés et au directeur. On assiste à une véritable escalade de violence.

Jean-François Julliard ( secrétaire général de RSF ) illustre ces propos au travers d'une citation

de leur article sur l'affaire Persepolis :

" Rien ne justifie ces attaques. Je comprends que la diffusion de Persepolis ait pu heurter certaines

sensibilités, mais cela ne donne pas le droit de menacer de la sorte le directeur d’une chaîne de

télévision. La liberté d’expression passe aussi par la tolérance à des idées qui choquent. Nessma

TV avait le droit de diffuser Persepolis " (Jean-François Julliard, site de Reporters sans frontières,

13/10/2011).

Dans la suite du communiqué, RSF indique que les abus de libertés et de la presse ne peuvent

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Page 24: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

être jugés uniquement sous la direction des autorités judiciaires. Ce n'est pas au peuple et au

détracteurs du film Persepolis de juger si il est bon d'interdire sa diffusion. Cette affaire est allé trop

loin, à un tel point qu'elle est devenue un événement au devant de la scène tunisienne. C'est

notamment la conséquence première d'un battage médiatique autour de l'hystérie populaire et des

violences engendrées face à la diffusion du film Persepolis. La polémique était tellement vive et

relayée en masse qu'on ne pouvait y échapper.

Face à ce chaos médiatique, Reporters sans frontières en appel aux autorités tunisiennes afin

de condamner ces actes et permettre ainsi l'ouverture d'une enquête.

Une nécessité d'agir et de réformer

Au delà des violences occasionnées, RSF soulève un autre point qu'il est tout aussi important

d'éclairer: la réforme du code de la presse et une nouvelle loi sur l'audiovisuel.

On observe que les chefs d'accusations retenues à l'égard des représentants de Nessma TV se

basent sur les articles 226 et 226 bis du code pénal qui répriment l'offense envers les cultes,

l'outrage public à la pudeur et l'atteinte aux bonnes mœurs et à la morale publique. De même, les

plaintes des différents avocats contre Nabil Karoui s'appuient sur les articles 44 et 48 du code de la

presse et stipulent qu'une personne reconnue coupable d'incitation à la haine entre les religions ou

d'insulte envers une religion peut se voir administrer une peine d'emprisonnement. Nabil Karoui

peut encourir jusqu'à trois ans de prison.

Ces accusations basées sur des articles du code de la presse et du code pénal sont tout à fais

inadaptées à la situation. On parle d'offense envers les cultes, d'insulte, d'incitation à la haine entre

les religions,... Alors que l'épicentre de cette affaire n'est qu'une scène du film Persepolis où l'on

voit la représentation de Dieu au travers les yeux d'une petite fille.

Pour RSF cette polémique démontre bien les failles qui existent dans les différents codes, et

c'est donc le moment parfait pour les actualiser et ainsi les réformer. Ces précautions sont prises

dans le but d'arriver à la suppression des délits d'offense envers les religions ainsi que les peines de

prison qui y sont attribuées. Cela va de soi quand on prône la liberté d'expression. La liberté passe

par la tolérance et par l'acceptation d'interprétations différentes que celles qui nous sont propres.

Reporters sans frontières veut nous dire par là que même si la diffusion de Persepolis a pu heurter

certaines sensibilités, rien ne justifie que l'on condamne et que l'on agresse de la sorte les

représentants de Nessma TV.

Ces changements interviendraient en accord avec les droits internationaux comme l'indique

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Page 25: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme3.

Réactions diverses dans le paysage médiatique tunisien

Reporters sans frontières n'a pas été la seule organisation à s'insurger contre ces violences,

d'autres ont suivi mais de manière plus ou moins explicite. Les réactions s'en retrouvent de même

multipliées du fait de l'échéance électorale qui approche ( 23 octobre 2012 ).

Nous allons peindre ici un tableau des différents acteurs et leurs réactions.

La période qui suit la chute de Ben Ali a permit une expansion des libertés. Beaucoup

d'interdits quant aux sujets à traiter ont disparus et permis une redéfinition des limites

répréhensibles. Les nouvelles frontières concernent les sujets se rapportant à la religion et aux

bonnes mœurs. On observe un retour de l'autocensure chez les journalistes, plus précisément au sein

des médias audiovisuels ainsi que chez les journalistes exerçants dans les régions intérieures.

Un des premiers syndicats à s'être exprimé sur l'affaire fut le Syndicat National des

Journalistes Tunisiens (SNJT). Le syndicat dénonce les actes de violence envers Nessma TV et

apporte son soutien total à la chaîne.

Le SNJT est l'une des organisations les plus dynamiques du tissu associatif en Tunisie. Du

temps de Ben Ali, on comptait à peu près 2000 journalistes professionnels dont une grande partie

était membre de la police politique. On dénombrait pas moins de 1200 adhérents au SNJT, ce qui

démontre l'implication de cette organisation sur la scène journalistique. Le SNJT dispose d'un code

déontologique adopté en 1983, au moment où le syndicat se nommait l'Association des Journalistes

Tunisiens (AJT). Afin d'en devenir adhérent chacun est tenu de signer un engagement à respecter ce

code. Code qui d'ailleurs n'a jamais était réformé depuis sa création.

Le soutien apporté à Nessma TV par le SNJT n'est donc pas un soutien dissimulé, on parle

d'un soutien " total " à la chaîne dans l'article de Reporters sans frontières.

L'Association Tunisienne des Directeurs de Journaux (ATDJ) c'est elle aussi prononcée sur

l'affaire. Son directeur affiche lui aussi un soutien total à Nessma TV.

L'ATDJ, dirigée par Moncef Ben M'rad est la plus ancienne association médiatique. Elle fut

proche de l'ancien régime et même exclue de l'Association mondiale des éditeurs de journaux.

L'association a reconnue des erreurs de conduite, mais elle indique que c'était sous les contraintes

de l'ancien régime. Depuis l'ATDJ a changé sa ligne directrice, ses principes premiers sont

dorénavant la défense de la liberté d'expression et des libertés individuelles.

C'est donc tout naturellement et sans se cacher que l'ATDJ apporte un soutien complet à

3 Article 19 : " Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations e les idées par quelque moyen d'expression que ce soit."

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Page 26: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

Nessma TV et condamne les violences à l'égard de la chaîne.

L' Instance Nationale pour la Réforme de l'Information ( INRIC ) quant à elle, va dénoncer les

violences qui ont été faites sur les professionnels des médias.

L'INRIC a vu le jour en 2011, elle fut créée par le gouvernement avec l'objectif d'obtenir une

instance régulatrice capable de superviser les médias. Nommé par le Premier ministère, Kamel

Labidji en est le président. L'INRIC se compose de huit autres membres. L'INRIC œuvre comme

une instance de réflexion, indépendante, consultative et provisoire dans le but d'élaborer des

recommandations pour le gouvernement. L'instance a joué un rôle important lors de la période

électorale.

L'INRIC va dénoncer les violences faites sur les professionnels des médias, mais ne va

cependant pas soutenir explicitement Nessma TV à l'instar de ses confrères.

Les réactions sont variées, l'approche de l'échéance électorale du 23 octobre 2011 imposant

une certaine retenue quant aux discours des politiques. Cela est nettement vérifiable auprès des

différents partis politiques qui ont réagis aux événements. On notera que le ton est à la retenue,

beaucoup ne voulant pas trop s'impliquer dans l'affaire. Une grande majorité des partis ont dénoncés

ces attaques comme des provocations à l'approche des élections. Les partis politiques n'osent pas

prendre ouvertement la défense de Nessma TV, de peur d'attiser encore plus la polémique.

Réactions des internautes

D'autres réactions sont visibles sur la toile. Ce sont celles d'utilisateurs lambdas et affichent

des opinions plus libérés. A l'image d'un billet sur le blog "Afkar " par exemple. L'internaute prend

ouvertement position en dénonçant les abus entravant la liberté d'expression suite à la diffusion de

Persepolis. L'auteur indique être proche du mouvement Ennahda et de pleinement soutenir la cause

de Nessma TV.

" Même si j'ai voté Ennahdha et je la soutiens, je suis absolument contre le jugement de Nessma TV

pour avoir passé le film persepolis car avec un tel jugement nous irons droit vers la dictature et

l’exclusion. "

( Kemal Al Gazzah, Blog Afkar, 18/11/2011 )

Pour Kemal la condamnation de ces films polémiques en justice relève de la dictature. Il

dénonce le manque de tolérances des personnes condamnant Nessma TV, leurs réactions sont

impulsives et non réfléchies. Les critiques autour d'un film ne doivent pas avoir lieu en justice

explique l'internaute, mais sur la toile. Il est invraisemblable de voir un film se faire trainer en

justice car il a pu heurter la sensibilité de certains individus. Pour l'auteur du billet, le citoyen est

libre d'exprimer son opinion, sa critique, mais il doit le faire par le biais de forums, blogs comme

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Page 27: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

cela se fait habituellement. Le citoyen prendra ses responsabilités et décidera alors de boycotter

Persepolis et la chaîne Nessma par exemple. Si tout les détracteurs faisaient de même, le procès se

ferait " naturellement " et Nessma TV pourrait ainsi perdre beaucoup d'audience par exemple.

1.4.2 Un rebondissement conséquent dans l’affaire « Persepolis » : le report du procès du 17

novembre 2011

Mélodie VLAMYNCK

La cause du procès

Il est important de rappeler que le 17 novembre est une journée importante concernant

l’affaire Nessma puisqu’elle est censée être le premier jour du procès. Nous pouvons citer News 80,

portail d’actualités Algérien : « Le directeur général de la chaîne de télévision privée tunisienne

Nessma TV, Nabil Karoui, comparaîtra aujourd’hui devant la justice pour «atteinte aux valeurs

sacrées» après la diffusion, en octobre, du film Persepolis qui avait suscité des violences à Tunis ».

Deux autres personnes doivent comparer également ce jour, selon Le Quotidien, journal généraliste

indépendant Tunisien : « Affaire Persepolis, Nabil Karoui et deux personnes devant la chambre

criminelle ».

Le report du procès

Pourtant, nous apprenons rapidement au fil des lectures le report du dit procès. Par exemple,

la source Babnet.net, portail d’actualités tunisien, titre son article : « Report du procès de Nabil

Karoui au 23 janvier 2012 » et il explique que « le tribunal de première instance de Tunis a décidé

de reporter le procès de Nabil Karoui, directeur général de la chaine privée Nessma TV et de ses

deux employés ». Ici on parle du procès de Nabil Karoui mais également des deux personnes

travaillant à la chaine avec lui qui sont accusées. La première radio Tunisienne indépendante, c’est-

à-dire Mosaique FM, informe ses auditeurs en parlant du « procès de l’affaire Persépolis reporté au

23 janviers 2012 » car « la justice Tunisienne a décidé de reporter le procès de l’affaire dans

laquelle Nabil Karoui figure parmi les accusés ». On ne parle ici pas des deux autres accusés,

seulement du PDG, mais bel et bien d’un report du procès.

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Page 28: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

Un procès qui suscite de nombreuses manifestations et controverses

Nous en apprenons ensuite un peu plus, grâce au portail sur les actualités et les nouveautés

autour de la ville de Tunis, Tuniscope.com, qui nous informe que « le procès a débuté après un

retard d’environ deux heures à cause du nombre important de journalistes et de manifestants venant

protester pour la liberté d’expression », ainsi « le juge a décidé de reporter le procès à la date du 23

janvier 2012 ». Contrairement aux autres médias, Tuniscope.com nous en dit un peu plus concernant

les conditions du procès qui restaient ici un peu floues.

Nous pouvons également citer un article de l’AFP (Agence France Presse – agence de

presse mondiale d’information) : « Ouvert dans la cohue, le procès a été ajourné après un peu plus

d’une heure de débat, à la demande des avocats de la défense et de la partie civile » dans lequel

nous apprenons que ce sont en effet les parties civiles ainsi que les membres représentants la justice

qui réclament un report du procès à cause d’une « petite salle bondée ».

Le journal français LeMonde.fr, insiste lui sur la foule présente au procès et à l’intérieur de

la salle d’audience ; « l’audience au tribunal de Tunis s’est ouverte dans la cohue, des centaines de

personnes, dont de nombreux salariés de Nessma, s’étant massés dans la petite salle. » Ici, nous

imaginons le palais de justice de Tunis bondé par les gens souhaitant assister à un procès important

dans l’histoire, ce nombre de personnes est plus que significatif de la portée du procès.

Grâce à ces articles, nous en apprenons un peu plus sur le procès et sur les conditions de son

report. En effet, la foule importante présente dans le palais de justice empêche le procès de bien se

dérouler et pousse les avocats à en demander le report, le juge se doit d’accepter ; tous ces éléments

prouvent et montrent à quel point ce procès a une portée significative très large.

1.4.3. Des nouvelles idéologies misent en avant : quelles en sont les intermédiaires ?

Marie SAAB

Des valeurs sacrées

Il faut rappeler que Nabil Karoui a été appelé à comparaître devant le tribunal pour « atteinte

aux valeurs sacrées » après la diffusion en Octobre du film « Persepolis » (source :

Afreekelection.com, portail sur l’information africaine). Il fait l’objet d’une plainte de plus de 140

avocats (source : France24, information, news et actualité internationale) et encourt une peine de 3

ans de prison (sources : Djazairess.com, site algérien de news et d’articles/ Elwatan : presse, site et

journal algérien). En effet, Dieu y était représenté dans ce film, ce qui est blasphématoire et

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Page 29: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

proscrit par l’Islam, a fortiori lorsque presque 99% de la population tunisienne est musulmane

(source : Tixup.com, portail d’actualité et d’information en Tunisie).

Les « excuses » de Nabil Karoui

Bien que Nabil Karoui ait présenté ses excuses au peuple le 11 octobre et était passé devant

le procureur adjoint de la République chargé de la presse et de l’information le lendemain, les

manifestations à son encontre et à l’instigation des groupes salafistes s’étaient poursuivies

(sources : Radio-Canada.ca, radio canadienne/ Webdo.tn, site d’actualités sur la Tunisie). Il

déclara alors ces propos à l’AFP (Agence France Presse – agence de presse mondiale

d’information) : « Je vais plaider non coupable, bien sûr. Il est scandaleux que ce soit moi qui

comparaisse alors que les gens qui ont brûlé ma maison ont été relâchés. Il rajouta ensuite : « Avec

moi, les nouveaux défenseurs de l'ordre moral en Tunisie veulent faire un exemple. Nous sommes

dans une dictature morale encore pire que sous Ben Ali. Sous l'ancien régime, je n'ai jamais été

menacé de mort » (sources : Afreekselection.com, portail sur l’information africaine /France24 :

information, news et actualité internationale). Nabil Karoui a un double propos : il s’excuse pour la

sortie du film dans une volonté d’apaiser les violences après l’attaque du siège de la chaine mais

comme elles ne cessent pas il tient alors des propos plus francs : on peut alors se demander si ses

excuses étaient bien sincères et allaient avec ses propres convictions ou bien s’il les a seulement

faites dans un souci de représailles.

Une double qualification des protestataires

Dans la source Tixup.com (portail d’actualité et d’information en Tunisie), il est dit que

plusieurs médias avaient qualifié les protestataires qui s’étaient réunis devant les locaux de Nessma

TV comme étant des extrémistes, salafistes ou encore barbus. Ce portail d’actualité sur le net

affirme : « qu’en vérité, les manifestants étaient de toutes orientations, des hommes, des femmes,

des jeunes, des barbus et d’autres. » De plus, le terme « excusé » lorsqu’il est cité les propos de

Nabil Karoui est mis entre parenthèses ce qui montre bien le manque d’honnêteté de celui-ci selon

eux. Comme si il ne s’était excusé que pour que ces violences après la diffusion du film cessent.

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Page 30: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

Nessma TV : son but, son appartenance

Mélodie VLAMYNCK et Marie SAAB

Selon l’article tiré du site AtlasInfo.fr (site d’information généraliste rassemblant l’actualité

politique, économique, sociale plus précisément sur l’Algérie et le Maroc). Cet article est en fait un

reportage au sein de la chaîne tunisienne Nessma TV. Nous y apprenons tout d’abord que ce plateau

était en fait deux mois auparavant, la cuisine de la Star Academy Maghrébine. C’est cette émission

qui a en fait propulsé la chaîné dans le paysage médiatique nord-africain au cours de l’année 2007.

Avec la Révolution, la chaîne a quitté le domaine du divertissement pour se consacrer à l’actualité

ainsi qu’aux débats politique tunisien qui est un sujet qui plaît énormément aux téléspectateurs

depuis la chute du régime de Ben Ali (2011). Nous apprenons grâce à cet article que le film

Persepolis a été projeté lors d’une soirée-débat sur l’intégrisme religieux, ce qui ne semble donc pas

anodin.

Pour revenir sur le procès, nous apprenons ici que le personnel de la chaîne est vraiment pris

à partie et ne peut plus exercer normalement son travail dans certains quartiers de la ville de Tunis

ou régions de Tunisie.

L’article consacre un paragraphe entier à Nabil Karoui sur qui on en apprend un peu plus.

Nabil Karoui a en fait profité d’une faille juridique en 2007 pour lancer sa chaîne mais au départ il

n’a pas le droit de parler de politique.

Nous découvrons que la chaîne Nessma TV appartient à deux groupes :

- Médiaset, qui est un groupe de médias italien, de production télévisuelle de presse et d’Internet

appartenant à Berlusconi.

- Quinta Communication, regroupant une grande partie des industries techniques du cinéma

Français et qui est possédé par Tarak Ben Ammar, étant un producteur de cinéma et homme

d’affaires Tunisien, réputé proche de Ben Ali. En nous disant cela, le journal Atlas Info sous-entend

bien évidemment la proximité entre la chaine Nessma TV et Ben Ali.

La chaîne s’adressait tout d’abord aux jeunes maghrébins de la classe urbaine occidentalisée

pour contrer l’hégémonie du Moyen-Orient dans l’audiovisuel et a rapidement pris le parti de casser

les codes et de jouer la carte choc en organisant par exemple des débats sur la sexualité. Nabil

Karoui se défend en disant « Nous n’avons pas de Conseil supérieur de l’audiovisuel comme en

France, nous devons faire notre propre ménage. Je connais les tabous et nos sociétés et je les

respecte ». « Je n’ai jamais voulu faire de la provoc’, j’ai un gros médias et je veux être le plus

consensuel possible ». Il dit plus loin qu’il couperait la fameuse scène si c’était à refaire. Pourtant

toutes ces citations peuvent être mises en parallèle avec le fait que la chaîne et son patron ont

toujours plus ou moins suscité la controverse. Ici l’article insiste sur le fait que Nabil Karoui établit

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Page 31: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

un discours en incohésion avec son travail sur la chaîne, ainsi il parle de liberté d’expression, liberté

qu’il a prit.

Manifestation pour la liberté d’expression

Marie SAAB

Sur le site Tuniscope.com (portail d’actualité de Tunis), le titre en impose directement:

« Manifestation de soutien pour Nessma : On n’emprisonne personne pour un film ! » C’est une très

clair prise de position en ce qui concerne l’affaire. C’est une manifestation qui appelle à soutenir

Nabil Karoui et a fortiori la chaine Nessma TV afin de défendre la liberté d’expression. Cet appel à

la manifestation se fait le 16 novembre pour qu’elle se tienne le lendemain : « demain, jeudi 17

novembre à partir de 09h, devant le tribunal de première instance situé au Boulevard Bab Net au

même moment où le directeur général de la chaîne Nessma TV, Nabil Karoui, et deux de ses

employés comparaîtront devant le juge pour l’affaire de la diffusion du film Persepolis ». Ce site

déplore l’injustice qui se déroule et appelle à une forte mobilisation notamment sur les réseaux

sociaux (il donne une page Facebook). Il est également ajouté : « Les tueurs, les voleurs, ceux qui

ont volés notre pays n'ont pas été condamnés pour autant, mais la diffusion d'un film peut mener

vers la prison ! Alors on dit non, non et NON ! La liberté d'expression, quelle que soit sa forme est

un DROIT! On ne met pas les gens en prison pour avoir diffusé un film ! »

Sur le site Tunivisions.net (magazine dit « people » des Tunisiens) il est indiqué qu’avant le

début de l’audience, l’un des journalistes les plus en vogue de la chaine Nessma TV, Sofiene Ben

Hmida, a apporté les précisions suivantes : « C'est un procès d'opinion qui nous rappelle la période

de l'inquisition, mais nous ne sommes pas des victimes, nous allons défendre la liberté d'expression

devant ce tribunal ».

Sur Webdo.tn (site d’actualités sur la Tunisie), on se pose une question sur la liberté

d’expression : disparaitra-t-elle le 23 janvier 2012 avec l’incarcération de Nabil Karoui ? Ce dernier

déclare que : « Cette affaire est une affaire politique et je vois en ce jour la mort réelle de la liberté

d’expression en Tunisie. » en arrivant dans la salle d’audience du tribunal de première instance de

Tunis, devant de nombreux médias tunisiens (également sa chaîne Nessma TV qui diffusait en

direct ce 17 Novembre) mais également étrangers ainsi que des citoyens tunisiens.

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Page 32: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

1.5. Acteurs et points de vue

1.5.1. Remise en question de la religion

Justine CAILLET

Persepolis, le film

Nous pouvons voir que différents articles nous montrent à quel point certaines prises de

position ont eu un impact important dans le débat qui a suivit « Persepolis ». On compte notamment

sur les prises de parole dans l'éducation avec certains professeurs qui donnent clairement leurs avis

sur les questions de religion. Cela montre comment le débat de l’État religieux est remis en cause.

Pour la première fois, les Tunisie se permettent de remettre en cause la politique religieuse, ce qui

n'aurait jamais été possible avant.

Une interview par rapport au film « Persepolis » nous montre que malgré le modernisme que

connaît la Tunisie, rien n'est acquis pour la laïcité. Beaucoup comme lui sont contre la diffusion de

ce film. « Persepolis » a donc été vu comme provocateur et agressif et qui à des effets négatifs sur la

société. Il y a aussi un problème de distinction entre le pouvoir politique et la religion. C'est ce

rapport qui nous montre à quel point la Tunisie ne peut par réellement être une démocratie, le temps

que cette idée ne sera pas rejetée. Mais pourtant ils seront d'accord pour dire qu'ils sont contre les

brutalités déjà vues.

Puis, on retrouve d'autres acteurs qui cherchent à montrer que la modernité est possible,

mais qu'elle ne doit pas entraver la religion. C'est un appel à tous les Tunisiens qui souffrent de la

politique de l’État. La liberté d'expression provient de la démocratie. Une nouvelle idée de l'homme

et de la religion est nécessaire. C'est une nouvelle manière de penser la religion et la politique.

Idéologie salafiste

Il faut savoir que le salafisme est un mouvement sunnite revendiquant un retour à l'islam des

origines, fondé sur le Coran et la Sunna. Le salafisme est un courant religieux qui défend la lecture

littéraliste et ultra-orthodoxe de l’islam. Cette forme de religion est souvent assimilé à un

mouvement sectaire, mais il a pourtant connu en Tunisie une croissance forte dans les années 80, et

d'autant plus avec le printemps arabe. On ne peut pas qualifié ce mouvement comme un groupe

homogène car il couvre un large cercle politique, et évolue de manière complexe. En Tunisie, on

retrouve trois principales tendances salafistes existantes: le salafisme missionnaire qui demande

l’islamisation de la société en général et particulièrement l’éducation. Ce mouvement défend une

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Page 33: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

vision non violente de l’islam, fondée sur la volonté d’organiser le mode de vie selon les avis

religieux. Puis on retrouve le salafisme djihadiste, qui est le parti le plus violent. Ce mouvement

prônant les actions directes et violentes et surtout se réclament d’Al-Qaida.

Puis, on retrouve le parti de la libération hizb tahrir, militent pour le rétablissement du Califat, ce

qui pourrait remettre en cause toute l'idéologie démocratique de la Tunisie, par la mise en place de

lois islamique, donc d'un régime basé sur l'islam. Les salafistes occupent le devant de la scène grâce

leurs l’activisme et à leurs intervention spectaculaire avec principalement l’affaire de la chaine de

télévision Nessma ou bien même les violence à la faculté des Lettres de la Mannouba pour imposer

le port du niqab. Il faut donc reconnaître que la pensée salafiste contrôle aujourd’hui une grande

partie de la littérature musulmane et les esprits Tunisiens. Les salafistes gagnent des points avec

leurs manifestations de violence, qui les mettent au devant de la scène politique. Avec les affaires

comme celle en rapport avec le Niquab à la faculté de Sousse, puis le film « Persepolis », ils

abordent leurs idées progressistes de la Tunisie. C'est surtout le film qui a permi le débat intéressant

du problème de la Tunisie, qui est la relation entre le politique et la religion au sein du pays. La

séparation de ces deux sphères afin de séparer les libertés d'expression individuelles et la gestion du

pays selon les lois fondées restent donc problématique à l'heure actuelle en Tunisie. Sensibiliser les

citoyens et donc l'opinion publique jouent en leur faveur, et ont permis la monté de leur

mouvement. Ce ne sont pas leurs idées qui sont réellement remis au cause en Tunisie, mais leur

manière d'agir par la violence et le manque de liberté d'expression donnée qui pose un réel

problème et leur donnent cette image de mouvement dangereux. Se pose donc la question du

scandale fait dans le pays : Pourquoi ? On retrouve un État qui se dit démocratiser mais qui pourtant

ferme les yeux face aux libertés individuelles et accorder la censure qui est l'un des moteurs anti-

démocratique. C'est sur cette idée que se base les salafistes. Le respect de la religion nécessite

obligatoirement une censure, ce qui est le cas avec « Persepolis ». Ce sont en priorité les choix du

pays, l 'économie et les intérêts du pays qui ont été mis en avant , ce qui est un avantage pour ces

mouvements qui peuvent se reconnaître à tout moment dans ces idées.

Discours médiatiques

De même le discours médiatique s’appuie énormément sur le fait que c'est une marche de

protestation lancée juste après la diffusion du documentaire « Persepolis », mais d'autant plus que

cette marche rassemble tous Tunisiens. Qu'ils soient salafistes, partisans du parti Ettahir, ou bien

même citoyens ordinaires comme les femmes voilées ou non, ils étaient tous présent. On remarque

donc qu'il y a une volonté de montrer le peuple Tunisien comme un peuple uni, qui est rassemblé

autour de la même idée : l'appel au respect de la religion et la condamnation de tout blasphème de la

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Page 34: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

foi islamique. Le film est donc montré par les médias comme étant l’élément déclencheur de la

première occasion au Tunisien de donner leur avis et de se confronter contre le pouvoir de Nessma

TV. En effet, n'oublions pas que la Tunisie à ce moment est en transition démocratique suite à la

tombé de la dictature de Ben Ali. Cette marche est aussi qualifiée comme un moyen de rendre la

liberté d'expression aux Tunisiens, ce qui n'était possible sous le régime de Ben Ali. Un symbole

encore plus fort est certainement le fait que la manifestation se soit déroulée à Tunis, la capitale, le

lieu incontournable et important politiquement pour la Tunisie ce dont le journal ne s'empêchera de

répéter plusieurs fois. De même à travers ces articles, nous avons pu voir à quel point les attentes

des Tunisiens, non qu’elles ne soient solides, restent paradoxales. C'est la diffusion du documentaire

Persepolis qui a mis le feu au poudre et créer cette affaire. Ceci nous a permis de voir à quel point

cette affaire a permis à chacun de se positionner et de se révolter contre le gouvernement, ce n'est

plus qu'un scandale mais une affaire d’État qui est ici montré. Chaque article montre que la

diffusion du film a été un élément déclencheur pour tous les citoyens Tunisiens, qui est pourtant vu

différemment selon l’état d’esprit de chacun. Il y a là une réclamation du respect de chacun : c'est

une adresse au pouvoir politique. Ces tensions se sont accumulées et devenues de plus en plus

virulentes et créer des positionnements chez chacun, que ce soit du peuples mais aussi de la justice,

du monde de l'Art et affecter tout symbole de modernité.

1.5.2. La violence

Marine JENICOT

La violence des barbus

Au cours de différents articles, on retrouve l'idée de l'affrontement. En effet, on nous récapitule les

agressions faîte par les salafistes. Cette forme de violence, qui n'est pas en adéquation avec la

religion islamique devient nécessaire. On retrouve différentes attaques faîtes, sur certains domaines.

Ce sont des attaques très précises et très bien choisies. On s’attaque aux systèmes juridiques, aux

Hommes et Femmes, sur certains sites touristiques aux espaces culturels et au domaine de l'Art en

général. Cette confrontation se place donc dans l'idée de supprimer toute forme de modernité, mais

aussi de divergence d'opinion contre la religion qui apparaît centrale au sein même du pouvoir

politique. Il faut aussi rappeler que ceci est possible par le régime peu séculaire de la Tunisie lors de

cette période. On compte différentes agressions, notamment celle faites dans le monde de la Culture

et de l'Art, lorsque les barbus suspendent les spectacles culturels, l'accès aux sites touristiques pour

les touristes. L’attaque du cinéma à Tunis en Juillet 2011 lors du film de Nadia El Féni « Ni Allah,

ni maître » qui déclenche une panique totale. Un autre point est important : l'attaque de l'éducation.

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Page 35: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

L'université est le symbole de la jeunesse mais aussi des idées nouvelles inculquées aux nouvelles

générations. Il y a là une réclamation d'une école dite plutôt religieuse et non laïque, ce qui va là

contre le fondement de notre démocratie. Puis, on retrouve des attaques d'autant plus virulentes

lorsque les salafistes tentent d'incendier le siège de la télévision Nessma TV après la diffusion de

« Persépolis ». L'objectif des salafistes est d’empêcher toute forme de culture qui montre l'oubli de

la foi. La foi est considéré comme centrale, et donc demande une restriction de la modernité du

pays. On peut donc se poser la question de savoir si le film a vraiment été vu sans atteintes à l'Islam.

Le fait de diffuser le film à ce moment précis ne serait-il pas une simple mise en scène pour

radicaliser le pays ?

De plus, le droit fondamentale à la citoyenneté a été pris pour cible : par les attaques sur les

Hommes quelle soit physique ou morale

Discours médiatiques

Le vrai problème n'est pas la diffusion du film en Tunisie, mais sa version en dialecte tunisien faite

par la chaîne qui a mis le feu aux poudres. C'est à partir de ce moment que Nabil Karoui a présenté

ses excuses au peuple Tunisien ce n'était pas son but, et avoue avoir commis une faute, c'est ce que

Soraya Maherzi déclare dan son e-mail du 13/10/2011. Cela ne suffit pourtant pas pour certain

Tunisien. Elle déclare également que lors d'un communiqué, l'Iran affirme avoir mis en garde la

chaîne Nessma TV sur les réactions que pourrait susciter la diffusion du film, et de prendre en

considération les croyances des téléspectateurs musulmans. Les excuses de Nabil Karoui ne vont

pas apaiser les tensions surtout que le scrutin du 23 Octobre 2011 approche. Nous avons affaire à un

peule qui ne comprend plus et ne veut plus croire en l’État. On décide de faire appel à la force en

s'attaquant directement au PDG. Voiture détruites, meubles saccagés, et porte d'entrée défoncée

font office d'attaque. De plus, une journaliste de Nessma TV déclare & dénonce « l'incitation de

quelques imams à commettre des crimes à l'encontre des employé de la chaîne ». A propos de la

marche pacifique faite le dimanche contre les violences salafistes. Elle est placée sous le mot

d'ordre « Aatakni » c'est à dire« fous moi la paix ». On retrouve différent personnes présentes dont

de nombreux intellectuels, et figures du théâtre tout comme la directrice de l'espace Mad'Art : Raja

Ben Ammar. On retrouve aussi la présidente de l'association « égalité et équité » qui craint elle aussi

pour la liberté d'expression menacée par les extrémistes. Le peuple Tunisien réunit donc une

multitude de Tunisien, issue de différentes classes sociales. On remarque deux tendances des

médias, surtout locaux, tous deux s'attardent beaucoup aux petits détails qui ont suivit la

manifestation, notamment la confrontation des manifestants aux forces de l'ordre. On a cette image

de la police comme étant un pouvoir absolu et les manifestants en contre pouvoir. Le fait d'avoir

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Page 36: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

recours à des images et dialogues en contestation à la religion islamique est un problème en Tunisie.

Il y a là de la part des Tunisiens une crainte d'un État opprimé par un Islam radical, mais pourtant ils

veulent un certain respect de la religion. « Le Quotidien » met en avant cette idée, ce qui est permis

par l'ensemble d'explications détaillées.

Une tendance qui a pour caractéristique de ne prendre aucun partis, leur seul mot d'Ordre est le

respect, le journal n'établit aucune prise de partis, ni de camps. Une autre tendance met en avant

l'opinion des médias, le journaliste n'hésite pas à donner son avis sur les événements, de juger. A la

lecture de ces articles on peut distingué les différents partis pris des journaux. Toutefois, on peut

voir que les médias montre cette affaire comme une possibilité aux Tunisiens de créer le

changement, de se révolter devant ce qu'il ne trouve pas respectable : on parle de consensus.

Cette idée de consensus se retrouve à travers d'autres médias venant particulièrement des NTIC

avec Facebook. En effet, après la diffusion de Persepolis, de nombreux mouvement de citoyenneté

se sont établit. Les réactions suite aux manifestations et à la diffusion du film, divisent le peuple

tunisien alors que certains appels au calme, d'autre appel à la révolte sur des réseaux sociaux.

Facebook est l'un de ses réseaux sociaux qui a permis de créer le lien social entre citoyens. C'est

une réponse à l'appel lancé sur Facebook qui a permis de mettre en place la manifestation, et un

point important et que cela a était fait par un groupe de jeunes le vendredi. Cela montre bien que les

Tunisiens pouvaient déjà créer une révolte après la diffusion de Persepolis. Mais « Persepolis » est

un élément déclencheur permettant la révolte. Outre le fait que Facebook puisse permettre de

communiquer entre amis, il a dans le cas de l'affaire médiatique de « Persepolis » crée une

interface entre citoyens Tunisiens, mais aussi en intermédiaire avec les Français. Les réseaux

sociaux ont donc été d'une importance capitale à la diffusion mondiale de la révolution Tunisienne,

et d'autant plus en France. C'est une réponse à l'appel lancé sur Facebook par un groupe de jeunes le

vendredi qui a permis de réunir les Tunisiens à la marche sous le slogan « libère-moi ». On retrouve

également d’autres thèmes revendiqués par de nouveaux acteurs, avec par exemple l’e-mail écrit par

Soraya Maherzi (1) à plusieurs personnalités travaillant dans les médias, Boris Boillon (2), Michel

Tarran (3), Étienne Chapon (4), Jean-Claude Floirac (5), Hélène Hammouda (6), Hichem Dhahri

(7), Sihem Amri (8), Camille Roman (9), Valéry Freland (10), Dorotea Marciak (11), Hélène

Delmas (12) et Alain Esparbes (13). Cet e-mail traite en effet de la liberté d’expression, du non

recours à la violence en réponse à la violence ou en réponse à la diffusion du film qui est exprimée

comme violence, ainsi que le rappel de l’élément déclencheur de cette polémique et affaire.

De même, on retrouve différents slogans durant la manifestation comme « le peuple veut la liberté

d'expression », « La Tunisie est pour tous », « Tunisie libre, exit les forces rétrogrades ». La marche

est organisée en réaction des manifestations faites par les salafistes contre la diffusion de

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Page 37: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

« Persepolis » sur Nessma TV. Dans certains articles aucun incident n'est déclaré dans les rues,

grâce au dispositif policier conséquent ce qui montre bien qu'il n'y a de la part des Tunisiens qu'une

demande de changement du pouvoir. Dans d’autres articles on retrouve bien les marques de

manifestations et de violence faites. Comme le saccagement de la maison de Nabil Karoui le

lendemain de la diffusion du film ainsi que l’arrivée de centaines de salafistes au siège de la chaîne

Nessma TV. Les conséquences de l'attaque sur la maison de Karoui reste tout de même assez flou,

c'est ce que nous constatons dans les communiqués de l'AFP du 11/10/2011 et les dépêches de

l'agence de Tunis du 14/10/2010. Alors que la chaîne Nessma TV annonce que la famille à était

sauvé in extremis, les force de l'ordre affirme qu'il n'y avait personne dans la maison lors de

l’attaque. D'autres sources comme la sécurité Nessma annonce qu'il y avait la femme de ménage et

que celle-ci à été agressé et hospitalisé. Aucune photo ne montre l’état de la maison après l’attaque

des individus ''armé'', car Nabil Karoui a refusé qu'un photographe de l'AFP prenne son domicile en

photo. La chaîne Nessma TV met en cause les islamistes et dénonce les imams d'avoir poussé cette

révolte lors de leurs prêches. Les manifestations sont tous les jours reportées dans les dépêches ainsi

que dans les articles de presse, le nombre de manifestants est compté quotidiennement.

1.5.3. Liberté d’expression

Marion VIAIRON

Transition du pouvoir

L'accumulation de problème politique et précisément des doubles discours des partis crée une

scissions de la part du peuple. Cette période montre à quel point même si l'on retrouve un

« consensus Tunisien », les idées de chacun restent positionnés et veulent par tous les moyens

imposer leurs idées au peuple. Alors que la Tunisie, qui vient de sortir de la dictature de Ben Ali, est

en période de transition et tend à aller vers une démocratie, ces événements questionnent alors cette

dernière. En effet, on se rend donc compte que la Tunisie n'est pas prête à tourner la page à son

ancien régime. On peut se demander pourquoi avoir manifester dans Tunis, si personne ne veut

vraiment changer les choses ?

Nous avons recensez dans la majorité des articles de presse, des journalistes prônent la liberté

d'expression, ces derniers s'opposent alors aux extrémistes, qui tentent d'imposer leur loi par la

force. En effet, dans une démocratie tout homme est libre d'exprimer ses idées sur n'importe quel

sujet, mais dans le respect de l'autre et de manière pacifique, avec un dialogue. Nous avons vu que

toutes ces violences des salafistes visent à les imposer sur la place publique au moment ou les

élections s'approchent et que le travail de l'artiste était attaché à des contraintes. De nombreux

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Page 38: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

articles relatent de la liberté d'expression, et ils montrent une scission au sein du peuple tunisien.

La liberté d'expression veut que tout le monde puisse s'exprimer et que les conflits se règle

pacifiquement, en débat. Or les fanatiques ne tentent pas de dialoguer mais d'exprimer leur

mécontentement via la violence. De plus, les réactions sont en majorité faîtes par les citoyens eux

mêmes, on ne retrouve que très peu de réaction de la part des politiques, on remarque en effet que le

droit à la parole est accorder, mais pas forcément écouté attentivement. Dans un pays en pleine

transition, la manière d'agir reste pour une partie du peuple très dictatorial, alors que le peuple

tunisien s’apprête à voter. La scène de Dieu est blasphématoire pour la religion islamique, et a été

prise comme une provocation, des réactions ont donc surgi mais cela ne se fait pas dans une certaine

liberté, ni d'une égalité. On remarque donc qu'il reste des éléments retissant au progrès vers une

démocratie. Or Nessma TV en a pourtant payé les frais, que ce soit par les intimidations qu'elle a

subies, les agressions personnelles et des locaux. Mais ce qui est intéressant de voir est à quel point

les attentes des citoyens sont paradoxales. Il y a une attente d'un nouveau régime, mais pourtant il

condamne d'une certaine manière la liberté d'expression en manifestant contre la chaîne de

télévision. Même si le documentaire a pu paraître choquant pour les citoyens Tunisiens, ils ne

peuvent s'y opposer car la liberté d'expression est acquise. De plus, ce n'est pas le peuple qui peut et

doit condamner ce genre d'affaire, mais la justice même du pays. Il faut donc remettre les choses à

leur place. Chaque revendication est à entendre et non à discriminer.

La liberté d'expression artistique et la place de l’artiste

La liberté d'expression est aussi remise en question via la liberté de l'art part les médias, et la liberté

de l'artiste à créer son œuvre..De nombreux événements post-révolutionnaire ont été mis en avant,

tel que l'agression de Nouri Bouzid, réalisateur Tunisien le 9 avril 2011 qu'il explique par ses

« positions favorables à la laïcité et pour le rejet de la culture du takfîr », l'attaque de la salle

AfricArt pour avoir diffusé le documentaire de Nadia El Fani Ni Allah, ni maître, et l'envahissement

du siège de Nessma TV après la diffusion de Persepolis de Marjane Satrapi. On remarque que ces

événements visent essentiellement le spectacle cinématographique, qui dérangerait alors les

fanatiques. Il paraît en effet que le cinéma pose problème aux fanatiques qui voient dans ces images

crées des images réelles, il y a une confusion entre fiction et réalité. L'une des critiques des médias

faites à ce fanatisme rejoint ce problème de confusion, « l'absence de culture, de discernement et

d'esprit critique créent de confusions lors de la réception de l’œuvre cinématographique et de sa

lecture » (Neila G. « Entre nous savoir raison garder » La presse, 15 octobre 2011). En effet,

l'éducation à l'art permet aux hommes de se forger un esprit critique, une réflexion par rapport aux

œuvres qu'ils rencontrent afin d'émettre leur propres avis, tout au long de notre vie, nous sommes

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Page 39: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

confrontés à des images, des films, des photographies, qui peuvent nous porter atteinte ou faire

polémique. Mais l'une des fonctions primordiales de l'art, outre l'esthétique, c'est la réflexion sur la

pensée, la critique de l'auteur qui est exposée à travers son œuvre. Nous sommes aptes à

comprendre cette critique, ou cette pensée, car nous avons, depuis que nous sommes nés, été

confronté à des situations comme telles, c'est toute une éducation à l'art qui nous permet d'entamer

une certaine réflexion sur les œuvres que nous voyons, tout en prenant du recul vis-à-vis de celle-ci,

et ainsi, permettre dans certain cas, l'ouverture d'un débat autour de cette œuvre. Or, dans ce cas on

ressent un manque d'éducation artistique dû à la censure du régime dictatoriale de Ben Ali, qui n'a

pas permis cette confrontation, et donc de débat : « Ben Ali a fait une son peuple à son image ignare

et inculte ». Rappelons que sous l’effet du combat idéologique contre le pouvoir en place et contre

la montée islamiste depuis les années 1980 jusqu'au début des années 2000, le cinéma a été

instrumentalisé idéologiquement et politiquement sans que la notion d’art engagé n’ait été

véritablement interrogée. Se pose alors la question de la liberté de l'artiste. En effet, la scène est

blasphématoire, car la représentation de Dieu est un acte jugé blasphématoire par l'islam.

Cependant, cela reste une représentation que l'artiste se fait de Dieu à travers son personnage.

L'artiste peut-il donc tout faire ?

On remarque une division du peuple tunisien sur la question, en effet, une partie n'est pas contre la

liberté mais pense que l'artiste doit prendre en compte le public visé et donc ajuster son propos, son

œuvre en fonction du public. Une deuxième partie conteste l'idée que l'artiste est à avoir des

contraintes sur sa création, l'art consiste à laisser s'exprimer à faire passer un message pour

dénoncer, l'artiste doit donc exécuter son œuvre en dehors de toute contrainte. Pour l'un, le travail

de l'artiste doit bouleverser ou sinon choquer mais ne doit pas complaire le public visé.

C'est alors que l'on se rend compte que le droit à la liberté n'est pas totalement acquis et que dans

cette transition entre dictature et démocratie, les droits restent instables et un fossé se forme. En

effet la révolution a permis l'acquisition de la liberté à tous, mais personne n'a réellement le droit de

s'en accaparer. Cependant, dans Le Quotidien paru le vendredi 14 octobre dans la rubrique Culture,

Mohamed Moumen dans son article « Islamophobie primaire », remet en cause cette liberté de l'art.

Il explique que la liberté est responsable, et est dans le respect de l'autre. La liberté de l'art ne peut

pas être opposée à la religion. Il serait donc normale pour lui que l'art n'attaque pas la religion des

hommes par simple respect d'autrui. C'est violence symbolique qui a entraîné et entraîne cette

violence physique, qui revêt plus d'importance pour l'homme. C'est une relation de cause à effet,

lorsque le cinéma attaque la religion islamique, le peuple se révolte et ce par la violence, qui pour

eux revêt plus d'importance pour l'homme. Cela propose une remise en question des critiques faites

à la religion islamique, et apportent des éléments de compréhension.

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Page 40: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

Le peuple tunisien

Dans cette affaire, il est nécessaire d'aborder la prise de parole du peuple tunisien qui a toute son

importance dans cette transition démocratique. L'idée de scission du peuple tunisien prend toute son

ampleur lorsque l'on aborde le thème de la liberté d'expression. En effet, que ce soit dans les articles

de presse, sur internet ou autre, on s'aperçoit d'une scission, d'un côté les pacifistes qui favorise le

débat et la liberté d'expression et de l'autre les salafistes qui emploi les manières fortes pour se faire

entendre.

Après le départ du président Ben Ali, les tunisiens appelait la révolution arabe, la « révolution de la

dignité » ( Zied Krichen, « Révolution du 14 Janvier », 11 octobre 2011). Cette appellation peut être

remise en question en ce que le printemps arabe suscite tout autre chose que la dignité, en effet, les

violences à répétition, les slogans vindicatifs, rabaisse le peuple tunisiens. Le journaliste Zied

Krichen revendique le fait que le peuple et tous les acteurs de cette révolution remettent tout sur le

dos de la religion et du politique, et emploi la violence pour faire entendre leur mécontentement.

Nous pouvons cependant voir qu'une partie du peuple tunisien demeure sous silence à travers les

médias, préférant le débat au violence. On peut ainsi voir l'importance des réseaux sociaux dans

l'affaire, outre la manipulation des réseaux sociaux par les salafistes comme moyen de propager

leurs idées, on peut aussi voir une dimension démocratique de la « toile ». Internet, est en parti un

espace public, ou chacun peut donner son avis, discuter, en révélant ou non son identité, c'est aussi

un espace démocratique. Le pouvoir de la dénonciation et des réactions se lit à travers les réseaux

sociaux comme facebook et internet en général. On retrouve ainsi divers points de vue d’internautes

sur internet qui donnent leurs avis sur les nombreux événements à la suite de la diffusion du film, il

y a tous les avis possibles. On voit donc que le peuple tunisien est scindé en deux lorsqu'il s'agit de

liberté d'expression, une partie prend le droit à la liberté d'expression via la violence, et une autre

partie qui demeure plus silencieuse mais incite le débat en son sein.

La liberté d'expression n'est donc pas, pour le peuple tunisien, quelque chose d'acquis. Or,

dans un pays en transition d'un gouvernement dictatorial au désir d'un gouvernement démocratique,

la question de la liberté d'expression est importante, car l'un des principes fondamentaux de la

démocratie c'est la liberté d'expression.

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Page 41: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

Chapitre 2 :

Le combat démocratique et libertaire sous l’œil de

la politique

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Page 42: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

2. Le combat démocratique et libertaire sous l’œil de la politique

2.1. L'organisation des élections et le ressenti populaire

2.1.1. L'organisation des élections

Josselin ROBIEZ

Nous l'avons déjà dit : cette affaire tombe dans un contexte peu favorable, et va engendrer de

véritable séparation au niveau du peuple mais aussi au niveau politique qui vont reprendre cette

affaire afin de gagner des voix lors de l’élection du 23 octobre.

La journée du 14 octobre est pour la politique un premier positionnement sur la liberté d'expression,

sept jour après la diffusion du film. Entre le sept et le quatorze, c'est de l’appropriation de l'affaire

mais par les citoyens Tunisiens. En effet, c'est la directrice de la division Moyen Orient et de

l’Afrique du nord de Human Right Watch, SARAH LEAH WHITSON qui annonce que le

gouvernement va retirer sa plainte contre Nessma TV car : "Les autorités de transition devraient

respecter la liberté d’expression et approuver les amendements en attente pour abolir la loi sur la «

diffamation des religions » [,,,] L’enquête ouverte contre Nessma TV pour avoir diffusé Persepolis

offre encore un autre exemple des raisons pour lesquelles la révision des lois tunisiennes afin de

protéger les droits humains au lieu de les réprimer demeure une priorité dans l’ère « post-Ben Ali

»,on apprend dans ce même article que ces lois sur la diffamation religieuse ne sont pas compatibles

avec le respect de la liberté d’expression qu’impose le comité des Droits de l’Homme des Nations

Unis. Pour des journalistes, pour ces journalistes, ces évènements montrent bien « l’absence de lois

claires sur la liberté d’expression » finalement « les juges cèdent aux demandes populistes ». On

voit que dans cette journée, le plus flagrant reste ici la transition politique et que la loi doit être

rapidement modifiée, car il est impossible de faire jurisprudence. On sent un manque de repères tant

au niveau juridique que politique, qui faisait ce que bon leurs semblait sous Ben Ali.

Suite à la manifestation du 13 mai, la maison de Nabil Karoui est attaquée. On commence à voir

une véritable agressivité au sein même des citoyens. Ahmed Nemlaghi, du journal Le temps, fait un

parallèle avec les tensions entre Mouahajirin et Ansars après la mort du Prophète, qui entraîna la

« Grande discorde »(1) (Fitnah) questionnant sur la gouvernance des musulmans. C'est ainsi que la

dualité de deux Tunisies commença de façon dévoilée. Il ne reste plus qu'au politique qu'à choisir

leur camp : pour ou contre la liberté d'expression et de Nessma TV ? Ennahda sera le premier à

prendre part en refusant la violence, mais que la chaîne est pro Ben Ali dans son fond. Human Right

Watch continue sa volonté de la veille à abolir les lois sur la diffamation religieuse mise en place

part Ben Ali et de laisser Nabil Karoui tranquille. Des associations, des défenseurs des droits de

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Page 43: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

l'homme se positionnent en tant que pacifiste engagé contre la violence et pour le respect,

,condamnant le forcing de Ennadah dans leur idéologie toujours pour atteindre les élections sans

trop de difficultés. On voit donc naître en ce jour les prémices d'une démocratie avec une liberté

d'expression remis en cause, mais qui peut quand même être soulevé en toute liberté. On a pas peur

de dire ce que l'on pense, même si on garde une réserve en vue des élections.

La journée du 17 octobre , soit dix jours aprés le début de l'affaire, on commence à voir vraiment

que Persopolis sert au politique. C'est dans un article pour Buisness news que le comité directeur de

la Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l'Homme (LTDH) dénonce « les agressions visant les

créateurs et des professionnels de l'information, appelant, également, au respect des établissements

éducatifs et universitaires ».Le comité directeur sous entends ici que les autorités ne font pas leur

travail et il exprime également sa satisfaction quant à l'avancement de la campagne électorale grâce

aux résultats fournis par l'Observatoire national des élections. En ce jour, c'est Ennadha qui semble

le plus apprécié par des sondages du fait de la modération de la religion dans l'espace public. On les

proclame même comme des islamistes modérés, tandis que les salafistes apellent au djibad mais

auprés du peuple, ils semblent identique.Ce constat répond à l'affaire de Sousse et du port du Niqab

qui fait en ce jour une polémique qui vont bien entendu être repris par les politiques. Pour preuve, le

pôle démocratique à tout de suite condamné les violences contre NESSMA TV, le Parti Démocrate

Progressiste (PDP), Ettakatol et Afek Tounes ont d'abord essayé de ménager un électorat dont ils

découvrent le conservatisme. Ils n’ont condamné les violences qu’après les débordements du

vendredi.

Dernier point du jour, sur la politique extérieur. Le site Mag14.com explique qu'en Palestine, les

salafistes (qui s'inspirent d'Al Qaida) s'opposent aux Mouvement de résistance islamique, le Hamas

car ils n'instaurent pas la chariaa. L'Arabie Saoudite soutiendrait cette démarche et interviendrait

financièrement en faveurs des salafistes palestiniens mais aussi egyptien, donc on peut fortement

pensé que le régime wahhabite de Ryadh, serait l’un des principaux instigateurs des mouvements

contre-révolutionnaires dans le monde arabe en général, et en Tunisie en particulier.Le ministre des

finances Tunisien a lancé un fond générationnel dans lequel des pays peuvent investir afin de

consolider le processus démocratique en cour. El Watan.com relate tous les arguments qui pourrait

faire revenir l'Algérie dans le Printemps arabe « par la grande porte de l’acteur financier

bienveillant. Visionnaire et pas ingrat. ». On voit donc que cette journée du 17 octobre est très

importante, c'est le début de l'espoir pour la Tunisie. On commence à savoir que ces élections sont

importante, les premières attaques de la course aux sièges de l'assemblé. On essaye aussi de

déresponsabilisé la Tunisie pour l'affaire Nesma et d'expliqué que c'est dût aux pays voisins.

En ce jour du 18 octobre, soit six jour avant les éléctions on accentue l'omportance des éléctions en

démontrant qu'aprés cette date, il y aura un véritable tournant dans l'histoire du pays. On commence

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Page 44: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

à comprendre que la religion peut être dangereux, et donc que l'avenir du pays est déjà incertain. On

saisis enfin que politique et médias sont liées. On voit une véritable frontiére idéologique, très

visible : La presse oppose Ennahda parti islamiste qui serait proche du mouvement salafiste selon

AgoraVox et une multitude de partis gauchistes dits modernistes qui prôneraient une Tunisie et une

politique laïque, qui chercheraient « à renforcer les libertés et les valeurs progressistes » selon le

magasine Marianne2. il y a une volonté de coalition entre les partis gauchistes regroupant

notamment le PDP (Parti démocrate progressiste), le PDM (pôle démocratique moderniste), l'Afek à

tendance libérale ou encore Ettakatol (parti social démocrate datant de 1994) qui précisons le a

quelques peu tarder avant de s'allier avec les autres. Cette coalition a pour but de faire bloc contre

Ennahda qui part favori pour les élections avec 20 à 30 % des sondages selon Marianne2. On

constate l'absence des leader, qui sont critiqué comme manageant de l'éléctorat plutôt que de livré

un vrai combat pour la démocratie.Ils sont considéré comme hypocrithes, et que enfin, ils prennent

conciencent de l'éléctorat des conservateurs. Cette journée signe la fin de l'affaire Nesma de

maniére indépendante, elle est désormais au main des politique et des éléctions. Il est donc question

de la frontière idéologique et politique présente dans le pays, du double discours du parti islamique

Ennahda, du danger d'un Islam politique (qui une fois de plus, permet de mettre en évidence deux

manières de penser l'identité du pays ( laïcisée ou accrochée à ses traditions), du lien qui existe

entre médias et politique, et enfin du sentiment d'angoisse qui est présent dans l'atmosphère

tunisien.

Dans la journée du 19 octobre, on constate que Ennadha reste favori du scrutin, puisque que partie

répondrais au mieu à la crise de la révolution. D'autre estiment qu'au contraire il vole cette

révolution. Son double discours est mis en avant par la leadeur du PDP, Maya Jeriby concernant les

fraude fiscal. La campagne électoral se passe sous le signe de l'ancien régime : passivement et

discrétement.Lors de la conférence de presse du PDM, ils sont pour la liberté d'expression, de

création et d'idéologie mais considèrent que l'Islam est au dessus de tout le reste. Ils pensent aussi

que l'État et la religion doivent être combinés mais pas la religion et le politique. Ils veulent gagner

les élections en s'unissant avec les partis modernistes mais pas le Parti Démocrate Progressiste de

Maya Jribi et Parti des travailleurs Tunisiens (parti d'extrême gauche plutôt communiste). Pour

finir, WMC propose une description du meeting du PDM plutôt festif et dynamique. quatre partis

politiques, cinq associations. Fadhel Jaibi et Jalila Baccar disent que seul ce parti pousse vers la

liberté, que les gentils, qui sont la minorité bruyante gagneront sur la majorité silencieuse (Ennadha)

puisque le PDM prône la paix et les discours solides. Le PDM est donc tantôt décrit comme des

pro-religieux ambigus, tantôt pour des festifs gentils qui se font entendre, et enfin contre les

islamistes alors que eux-même prônent la religion dans l'État et de façon explicite dans leur parti. Ils

sont tantôt individualistes, tantôt collectifs. Nous pouvons donc dire que les deux partis majoritaires

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Page 45: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

sont assez paradoxaux dans leurs propos et que seule la notion de liberté intéresse les gens. On voit

donc en ce jour que l'éléction approche à grand pas, qu'il faut reprendre des élément de polémique

pour satisfaire l’électorat. Tout est devenu politique, quitte à parfois faire un double discours.

Nous voici dans la journée du 20. Les articles parle peu de l'assemblé constituante. Paradoxalement

à ce qui s'est dit precedement, on essaye de voir qu'elles bases sont possible pour la démocratie, la

culture libre. Les journalistes sont lucide :« C’est évident, la démocratie et le respect des droits de la

personne humaine ont encore des progrès à faire » (SlateAfrique). Cette article remet en question

l'événement vu par les occidentaux : ce n'est pas la démocratie qui est intéréssé mais le danger de

l'islamisation de la démocratie. Pour finir, le rôle du journaliste se revendique enfin comme un

médiateur au service de la population et non comme serviteur du pouvoir. On voit que trois jours

avant les élections, les choses sont plutôt calme. Les occidentaux ne saisissent pas l'importance de

ces éléctions comme acte démocratique mais comme un danger.

Le 21 octobre, on a en premier lieu une véritable explication sur ces éléctions pour la population.

On explique bien que la campagne de plus de 111 partis se termine, que les citoyens choisissent un

président transitoire pour un an, que les éléction présidentiel on lieu un an aprés. Un sondage met en

avant les islamistes qui aurait un discours et une idéologie très développer. On met en avant

l’électorat jeune, indécis et perplexe. Ils sont pourtant ce jour désigné comme les principaux acteurs

de la révolution tunisienne. Au lieu de se montrer dans les foules, ils préférent réagir de façon

démocratique, en discutant et en réagissant sur des questions les consernants comme

l'enseignement. Dans un second temps, on voit aussi que ces éléctions peut être un enjeu majeur car

une démocratie dans le monde arabes pourrait servir de modèle à ses voisins, la ou l'Algérie à

échoué. Par exemple, en Lybie qui suis les éléctions de prés car le pays posséde les mêmes

caractéristique que la Tunisie, même si la religion est considéré comme moins politisé. Les

responsables de l'incendie de Nesma ne souhaite pas voté car il rejette la démocratie, dont Nesma

est l'outil principal. Nous voyons ici que les jeunes font surface dans les médias et dans le monde

politique. On a une démarche démocratique d'explication. La question religieuse reste un soucis,

qu'elle est sa place et son implantation pour la futur démocratie ? Les élections répondront à cette

question.

Hélas, nous n'avons pas les documents pour la veille des élections. La personne n'ayant pas était

présente lors de se travaille, nous ne pouvons que supposé que ces questions s'endurcissent encore

et que les parties s'échauffe une dernière fois avant le grand jour.

Nous allons donc conclure cette partie avec le jour des élections et l'analyse du déroulement des

éléctions et le rôle des acteurs politique. Au final, c'est Ennadah qui sortira des scrutins. Il

semblerait que leur discours est réussit à atteindre l’électorat populaire. Ils proposent à la sortie du

scrutin d'apaiser les violences autour de toutes ces questions démocratiques liés aux rôle de la

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Page 46: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

religion dans la société, la liberté d'expression, le devenir des jeunes qui ont sont plus ouvert

politiquement et qui refuse les politiques traditionnels. Nous voyons donc ici un avenir incertain,

une démocratie qui pourrait servir de modèle à ses voisins, mais au même moment, Mohamed

Abdeljalil président du conseil national de transition en Lybie met fin à la guerre civile qui dura huit

mois. On espère que le parti gagnant trouvera un moyen de remettre la Tunisie sur la voie

démocratique … même si ce parti fait peur. Il fait de plus en plus peur car nous avons analyser aussi

un double discours du partie, notamment sur la question religieuse. Le 23 octobre, on revient sur le

collectif contre Nesma TV. On ne sait alors comment va réagir le parti élu face à cette requête. Le

lendemain, le 24, on nous explique que le parti veut en finir avec les affaires et polémiques du passé

pour lancé une démocratie. Mais qu'en est il pour les polémiques liée à leurs partie ?

Nous allons surtout maintenant revenir sur la victoire de Ennadah mais en plaçant la population et

ses moyens d'intervenir et de s'informer comme vecteur principal.

2.1.2 Ressenti de la population, la perception du peuple

Marion TINOCO

C’est maintenant à la population tunisienne et son ressentie quant aux changements qui s’opèrent au

niveau de la politique de son pays que nous allons nous intéresser.

En effet, notre condition humaine nous amène à catégoriser le monde de façon à l'organiser,

à le rendre intelligible. Ceci relève de la catégorisation qui est un phénomène important en

sociologie et étudié par SAKS, nous ne pouvons pas ne pas catégoriser. Être humain, c'est agir dans

le monde et agir dans le monde est directement lié à l'intelligibilité du monde. Pour agir, nous allons

prendre appui sur les prises qui nous sont offertes autrement dit, en agissant nous ne cessons

d'organiser le monde pour qu'il soit intelligible. Nous rendons intelligible le monde grâce aux

catégories qu'on forme dans l'action. Nous catégorisons donc le monde en agissant de façon à ce

que ces catégories deviennent un aspect du monde pour celui qui agit. Elles se forment dans

l'action. Alors pourquoi parler de catégorisation en Tunisie ? Car pour la première fois dans

l’histoire de ce pays, le peuple tunisien va être confronté à savoir ce qui les lie, ce qui fait qu’il peut

y avoir une unité entre eux. Tout cela relève donc des pratiques.

Il est bon de rappeler que l’affaire Persepolis est fortement rattachée au contexte de la

Tunisie car il faut préciser que le film avait déjà été diffusé dans le pays mais n’avait pas provoqué

de révoltes de la part des tunisiens. C’est donc en manifestant que le peuple tunisien va revendiquer

son mécontentement concernant l’affaire NESSMA mais aussi défendre certaines libertés. Le

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Page 47: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

vendredi 14 octobre, une marche contre NESSMA TV et son PDG se déroule dans les rues de Tunis

puis le dimanche 16 octobre où une marche pour la liberté d’expression est organisée. Ces deux

manifestations très importantes et qui interviennent à 2 jours d’intervalle mettent en avant le fait

qu’il y a des revendications politiques bien distinctes en Tunisie à cette période. Le peuple tunisien

est séparé en vue de projets politiques différents. Ce souhait d’un projet de démocratie qui est en

train de se construire semble ne pas satisfaire unanimement.

Ces manifestations vont nous permettre de voir qu’il y a finalement trois types de réactions envers

l'affaire NESSMA : Le silence des autorités. Mais aussi les violences causées par les « barbus »

faisant référence aux salafistes qui sont des islamistes à mouvance djihadistes. Et pour finir, la

mobilisation d’une partie du peuple tunisien afin de défendre les libertés, dont la liberté

d’expression, représentée par les laïcs mais pas que. Nous pouvons distinguer deux sortes

d’opinions majeures à travers cela.

Tout d’abord, nous pouvons nous demander comme la diffusion du film Marjane Satrapi sur

NESSMA TV a pu créer de telles violences et agressions alors que celui-ci avait rencontré un

succès en salle précédemment ? Les tunisiens ont vu Persepolis comme une représentation du sacré

alors qu’en réalité alors qu’il y a un souhait de montrer une vision plus humaine à l’origine. La

diffusion du film est donc perçu comme une agression morale et recours à une sorte de « violence

symbolique » qui pour Mohamed Moumen qui écrit pour le Quotidien entraîne la violence cette

fois-ci physique. Il ne comprend pas pourquoi l’Islam est critiquée par des dessins ou bien des

caricatures. Ceci a donc provoqué une grande colère chez les salafistes. Leur manifestations à la

sortie de la prière du vendredi a été surnommée « jour de la colère » et a été marqué de par

l’importante violence. De nombreux blessés, des arrestations mais aussi des incendies volontaires à

Jbel Boukarnine et Mornag ont eu lieu. De plus, par la suite certains manifestants se sont introduits

dans les locaux de la chaîne télévisée en menaçant de mort certains salariés. La tension et la haine

étant à son comble du côté du parti salafiste. Tous ces évènements créés donc une polémique à

l’approche des élections qui ont lieu le 23 octobre.

La marche du dimanche, va elle, être dirigée contre les salafistes et extrémistes rencontrés le

vendredi. Pour se faire, un certain nombre d’individus se serait passer le message la veille de la

marche des islamistes afin de dénoncer la violence et lutter contre l’obscurantisme. Un constat est

fait, le danger islamiste est réel. Beaucoup de femmes sont ainsi descendues dans les rues de Tunis

mais aussi beaucoup de laïcs qui souhaitaient défendre la liberté d’expression. Ce genre de

manifestation portée par des laïcs va dans le sens de la chaîne NESSMA TV qui met en avant ces

valeurs et fait donc opposition aux partis islamiques comme Ennahda. On peut ajouter que le

samedi soir de nombreux supporters de l’Espérance de Tunis (qualifiée pour la finale de la

Champion League) en ont profité pour envahir les rues de Tunis le lendemain du « jour de la

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Page 48: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

colère » afin de fêter l’évènement auquel les salafistes djihadistes n’adhèrent pas car pour eux le

sport est une innovation étrangère à leur pratique de l’Islam.

On voit donc qu’il y a deux sortes de personnes lors de ces manifestations or nous pouvons

faire un constat concernant le peuple tunisien qui est celui-ci : le pays semble fragilisé et manque de

repères. L’avenir de la Tunisie semble en suspend et suscite de la part de ses habitants de

nombreuses interrogations. Un doute s’installe et on peut voir qu’il est pour eux compliqué de

savoir quelles sont leurs véritables intentions de vote ainsi que leur orientation. Entre l’islamisme

radical, la laïcité, la liberté d’expression etc…La Tunisie cherche encore son identité.

Les avis concernant les élections sont mitigés, on y voit un sentiment général de méfiance, de

désillusion surtout concernant les problèmes d’emploi en Tunisie. En effet, les tunisiens ne pensent

pas qu’en terme de parti politique mais plus en actions qui peuvent avoir des répercussions sur leur

quotidien dont le chômage qui affecte de nombreuses personnes. Ils ont donc une attitude assez

pragmatique. La recherche identitaire a beau être en cours, une majorité des tunisiens est pour la

liberté d’expression et non pour la place de la religion au sein de leur société. Beaucoup ne savent

plus pour qui voter, constatent qu’il y a peu de différences et les mêmes objectifs. Un sentiment de

« ras-le-bol » se fait ressentir chez d’autres car il y a cette appréhension que rien ne changera pour

leur quotidien.

La conscience de la nécessité d’aller voter est néanmoins présente car « ces élections

constituantes sont d’abord et avant tout le produit d’une révolution démocratique ». L’espace public

se conçoit comme le lieu de la citoyenneté et de l’égalité entre les membres d’une société. Le lieu

dans lequel on peut faire l’expérience où l’on est égal de tous les autres citoyens (Anna Harendt).

Nous avons alors plusieurs expériences des rapports des uns aux autres. Chacun peut donc

participer dans la mesure où il fait publiquement usage de la raison. Alors il offre une place à la

critique et c’est par la critique que l’on peut évaluer ce caractère raisonnable de nos interlocuteurs.

Habermas dit que cette expérience est fondée sur une manière de communiquer. Les tunisiens ont

envie de changer les choses et on peut voir qu’une culture politique naît grâce aux jeunes qui s’y

intéressent de plus en plus du fait de vouloir assurer leur avenir dans leur pays. Être citoyen s’est

donc être capable de faire l’exercice de la raison et de la critique et cela suppose d’une formation à

celle-ci, elle va donc de pair avec la scolarisation. Une population scolarisée est potentiellement

plus critique selon Todd. De plus, le citoyen doit pouvoir débattre dans une perspective citoyenne

autrement dit viser le plus grand intérêt possible. Pour cela, il doit être capable d’agir sur son propre

destin et agir sur le devenir de la collectivité.

Malgré le fait de vouloir du changement et se garantir un avenir certain, ce sentiment

d’appréhension concernant l’avenir se ressent. De plus, la question que pose la révolution

tunisienne dans ses conséquences autrement dit une nouvelle identité mais aussi une culture

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Page 49: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

tunisienne, tout comme ce à quoi la Tunisie devra affronter intrigue beaucoup. Car la Tunisie a beau

gagner en liberté, il ne faut pas oublié que tout reste à faire et que cela ne veut pas dire qu’il n’y

aura aucunes dérives.

Pour finir, nous allons parler du rôle des médias dans le ressentie de la population car c’est

en partie grâce à eux que circulent l’information.

Il est compliqué de situer le travail des journalistes car les révolutions sont amenées à perturber le

système médiatique. La presse devient alors un espace de parole sans contrôle. E, s’étendant sur le

terrain de la politique, ce dernier peut prendre de l’ampleur sur la religion sans le vouloir et

provoquer des opinions qui seront conservatrices sur papier. Des paroles conservatrices mettraient

le voile sur la liberté d’expression. Ce changement politique amène à des modifications dans les

salles de rédaction donnant plus de liberté et de responsabilité. Les médias arabes sont comme de

vrais personnages politiques, ils ont un rôle dans cette période de révolte. Ils possèdent une forte

responsabilité. On peut donc dire les médias sont des acteurs notable. Ils peuvent juger et amplifier

ce sentiment de révolte des individus dans un pays.

2.2. Ennahda et la montée de l’extrémisme religieux

Adriana LEVET

2.2.1. La diffusion du film dans un contexte politique électrique

La diffusion du film Persepolis sur Nessma TV intervient à moins de 15 jours des élections. Celui-ci

vient attiser les passions en Tunisie, entrainant une vague de violence et de manifestations pour

déterminer l’avenir du pays. En d’autre terme, la diffusion du film ici se manifeste comme un

problème public, catégorie de ce qui est appelé un évènement. Il ne suffit pas que quelque chose se

passe pour qu’il y ait évènement, un événement suit un parcours, un processus. Comme le dit

Barthélémy et Quéré : « un événement n'est pas déterminé en soi. Sa déterminité ne lui est pas

intrinsèque, y compris son caractère d'occurrence » (Barthélémy, Quéré, 1991 : 8 ) La détermination

d’un évènement « est corrélative à une temporalisation et à une spatialisation » (Barthélémy, Quéré,

1991 : 8 ) autrement dit, il s’inscrit dans un contexte qu’il faut identifier. Dans le cas du film de

Marjane Satrapi, lui s’immisce dans un moment de fragilité et de tensions. L’avenir de la Tunisie va

se jouer le 23 octobre 2011, jour historique pour le pays puisque ce sont les premières élections

libres depuis la révolution et le départ de Ben Ali le 14 janvier 2011. Ces éléctions rendent le climat

houleux. Cet arrière plan politique explique en quoi Persepolis a été mis en avant sur la scène

publique. Car soulignons le, le film avait déjà été diffusé en Tunisie, mais n’avait jamais suscité la

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Page 50: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

moindre réaction de la part du corps social. Marjane Satrapi vient confirmé cette idée : « Mon film a

été projeté plusieurs fois en Tunisie, mais cette fois c'était dans un contexte électoral électrique »

(AA, Première, 17/10). Persepolis se met à exister dans environnement social, car il présente des

valeurs immorales qui posent problème. Un public va alors se constituer et agir. C’est l’autre

caractéristique d’un événement, il est indissociable au registre de l’action. Les citoyens sont à voir

comme des acteurs, qui agissent sur leur propre destin et sur le devenir de la collectivité. Pour aller

plus loin, nous pouvons reprendre les propos de Cefai. Pour ce chercheur, un problème se met en

scène dés lors que se mettent en place des actions collectives « l’activité collective rends public des

thèmes, les fait exister dans une arène publique ». (Cefai, 1996 : 7)

La rue va être le lieu où la participation des citoyens va guider l’orientation de la société et de

l’affaire Persepolis.

2.2.2. Une bipolarisation entre laïcs et islamistes

Plusieurs manifestations se sont déroulées dans le pays et ont été relatées dans les médias. Les

premières manifestations datent du 14 octobre, on parle de « plusieurs milliers de personnes,

essentiellement des salafistes » (A.A, JeuneAfrique, 14/10), de « salafiste barbu » (El Gabs, Mag14,

14/10) d’ « hommes religieux » (Weslaty, Nawaat, 14/10). Deux jours plus tard, c’est une marche

pour la liberté d’expression qui a lieu. On y trouve « ceux qui défendent la liberté d’expression et

l’Etat laïc » (Abid, Kapitalis, 16/10). Pour identifier ces individus et leurs actions, les médias les

décrivent par leurs aspects physiques, ou bien par les valeurs qu’ils véhiculent. Ces ressources

permettent de rendre intelligible le monde dans lequel on vit et on agit. C’est ce qu’appelle Sachs,

des catégories, qui permettent de saisir le monde dans lequel on se trouve, mais qui permettent aussi

de réagir et d’adapter son rôle et sa place. Cette idée rejoint celle de Cefai, qui pour lui « nommer

et narrer, c’est déjà catégoriser, faire advenir à l’existence et rendre digne de préoccupation (…) par

ailleurs, nommer et narrer, c’est déjà agir, entrer dans une logique de désignation et de description

du problème en vue de le résoudre. » (Cefai, 1996 : 6) Cette catégorisation engendre un problème

identitaire. Des alliances se contractent, des actions sont misent en place pour faire valoir les

différentes convictions et valeurs. La Tunisie se découvre sous un nouvel angle. Il y a des

extrémistes radicales, d’autres plus modérés, des laïcs, des conservateurs etc… Ils sont divisés, et la

montée de l’extrémisme religieux ne vient en rien les rassurer : « certains verront en ce qui se passe

une montée d’un extrémisme religieux » (Weslaty, Nawaat, 14/10) Quand certains disent que « le

peuple veut un Kalifa islamique », d’autres craignent que leur révolution leurs soit confisquée. Le

16 octobre, on pouvait lire sur une banderole « Tous contre l’extrémisme, Tous pour un Etat laïc.

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Page 51: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

Nous sommes artistes et musulmans. À bas l’islamisme. Ici, c’est la Tunisie, non pas le Qatar ou

l’Arabie...». (Abid, Kapitalis, 16/10) Une femme au foyer se confit à un journaliste, et pour elle,

l’islam est un danger « C’est une alerte sérieuse, le danger islamiste est réel. » (Dahmani,

JeuneAfrique, 17/10). Les personnes militant pour un état laïc dénoncent l’islamisme, et le discours

ambigu du parti favori du scrutin, le parti islamiste Ennahda. Celui-ci mise sur un consensus pour

rassembler le plus d’électeurs, mais ce qui relève du vrai ou du faux dans son discours est difficile à

saisir. Pour Nadia Jamel, si le parti arrive au pouvoir, elle compte quitter le pays : « La victoire

d’Ennahda serait synonyme de mort, presque : les femmes, toutes les femmes modernes comme

nous, comme moi. Moi, Ennahda gagne, je quitte le pays où je sais pas, en tous cas, ma vie est

fichue, je peux plus rester dans ce pays » (Jamel, Laacher, Terzi, Entretien). Car pour certains,

même si Ennahda agirait différemment des salafistes, les objectifs seraient les mêmes. C’est ce

qu’un jeune Tunisien confit à un journliste : « Il n’y a que peu de différence, ils ont les mêmes

objectifs ; ceux d’Ennahda veulent y arriver par étapes, les salafistes, tout de suite. C’est deux

visages du même islam politique ». (Dahmani, JeuneAfrique, 17/10) Pourquoi parle t-on d’un

« double discours » ? (AA, LeMonde, 15/10) L’avenir de la Tunisie pourrait-il tomber entre de

mauvaises mains ?

2.2.3. Les ambiguïtés du parti Ennahda

Ennahda est un parti politique islamiste, qui a été brimé sous le régime de Ben Ali. Après la

fuite de celui-ci, le parti est revenu sur la scène politique, et depuis, il multiplie les meetings. Il

compte donner un nouveau souffle à la Tunisie. Dans un article datant du 23 octobre, deux membres

du parti présentent Ennahda. Le premier est Ali Larayedh, membre du bureau exécutif d’Ennahda,

qui flatte le parti. Il induit un avant un après Ben Ali, que tout opposera. Le parti ne cherche pas à

reproduire le régime autoritaire qu’on connu les Tunisiens : « Nous n'avons jamais pactisé avec

l'ancien régime. Nous avons bonne réputation ». (AA, Lalsace.fr, 23/10) Rached Ghannouchi,

fondateur du parti, quant à lui, explique diriger « un parti islamique et démocratique proche de

l’AKP turc ». (AA, Lalsace.fr, 23/10) L’AKP turc est un parti islamo conservateur, et cette

référence à la Turquie est bien choisie. Elle se veut rassurante, car les Tunisiens suivent l’actualité

de la Turquie depuis 2002, et savent que depuis l’arrivée au pouvoir de l’AKP, le pays a connu le

développement économique etc… Cet exemple est la preuve l’islam et la laïcité peuvent être

compatibles. Le fondateur du parti finit par dire qu’ils respecteront les acquis dans le domaine des

droits de la femme : « Nous ne voulons pas imposer la charia, nous ne toucherons pas au statut de la

femme ». (AA, Lalsace.fr, 23/10)

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Page 52: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

Le parti cherche à se démarquer des salafistes extrémistes. Il souhaite développer un islam tolérant,

dans lequel les Tunisiens pourraient se retrouver. Une sorte de consensus, alliant l’islam, la laïcité,

la liberté. Cependant, le parti entretiendrait des relations avec les salafistes. Les gauches laïques, les

artistes, et les syndicalistes dénoncent le parti. Pour eux, le parti Ennahda « prétend jouer le jeu

démocratique », veut « imposer son idéologie » et entretiendrait « une relation ambiguë avec les

salafistes. » (AA, Lalsace.fr, 23/10) Et cette ambivalence va venir se préciser à travers les propos de

Ghannouchi. Lors d’une interview, le fondateur du parti révèle qu’il condamne la violence. Mais

parallèlement, il semble tout de même cautionner les agissements des salafistes à imposer leurs

idéologies, et le fait qu’ils aient attaqué les locaux de Nessma TV : « Nous sommes contre la

violence et pour le respect des croyances et des convictions des autres. Mais je voudrais faire

remarquer que Nessma n’a pas été attaquée. Ses locaux n’ont pas été vandalisés. Et son directeur

s’est excusé, reconnaissant avoir offensé les convictions religieuses de la population tunisienne. »

(Segurane, AgoraVox, 18/10) La position très intelligente de Ennahda ici, consiste à prôner la

liberté, le respect des croyances, tout en condamnant la violence. Dans la même lignée, Ennahda se

dit pour la liberté d'expression mais dans le cas de la représentation du prophète, il parle de

provocation : « votre parti a déclaré que la décision de la TV Nessma de projeter le film était une

provocation ». (AA, LeMonde.fr, 18/10) Mais face à autant d’ambiguïtés révélées dans la presse,

comment le parti a t-il pu garder sa position de favori au scrutin ? L’une des réponses recevable et

satisfaisante serait qu’Ennahda a mis en place une stratégie politique particulière pour se montrer

sous son meilleur jour. Pour Chapon, lui ai convaincu qu’Ennahda s’est servi de Persepolis pour

arriver au pouvoir : « Je suis convaincu que Persépolis a fait gagné 3 points, 4 points, 5 points à

Nahda, j’en suis absolument sûr. Parce que Nahda a su exploiter ce qui s’est passé après la

diffusion » (Chapon, Terzi, Laacher, Entretien). Dans un article paru le 15 octobre dans

maghreb.blog.lemonde.fr, Hamadi Jebali, secrétaire général d’Ennadha, parle tout d’abord d’un

choix stratégique de la part de Nessma Tv d’avoir diffuser Persepolis dans un contexte politique :

« le choix de diffuser ce film par la chaîne, une semaine après le début de la campagne officielle

pour les élections, n’avait rien d’innocent. Nessma, assène-t-il, a choisi l’occasion pour manipuler,

pousser les gens à la violence et dire ensuite que les Tunisiens ne sont pas prêts pour la

démocratie ». (AA, maghreb.blog.lemonde.fr, 15/10/2011) Nessma Tv s’est toujours montré anti

ennahda, pronant la laïcisation de la société. L’objectif en diffusant Persepolis était d’attirer les

projecteurs sur d’autres partis politiques autres que celui d’Ennahda. Pour autant, cette stratégie

s’est retournée contre eux et a servi au parti Ennahda. Car l’argument d’Ennahda a été de dire que

Ben Ali était contre Ennahda. Mais puisque Nessma Tv est anti Ennahda, alors la chaine se veut

évitablement être pour le parti de Ben Ali. Cette stratégie, pour le célèbre avocat de Tunisie, Abdel

Naceur Aouini, a eu comme conséquence de discréditer Nessma Tv, et de replonger les citoyens

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Page 53: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

dans leurs souvenirs au temps de l’ancien régime : « double objectif, diaboliser Nessma et essayer

de l'anéantir ou anéantir son effet sur le public et provoquer le sentiment de l'oppression religieuse

chez la majorité du public pour en profiter électoralement » (Aouini, Terzi, Laacher, Entretien). La

révolution a été faite pour chasser le régime Ben Ali, et non pour y retourner. En conséquence,

Ennahda s’est vu avantagé. Cela a permis au parti de se positionner sur la scène politique et

médiatique.

2.3. L'appropriation de l'affaire Persepolis et son utilisation politique

Valentin BRASSAC et Sophie DE BERNY

L'affaire Persépolis à suscité beaucoup de controverses autour de la liberté d’expression au

sein de la nation Tunisienne. En plus d'avoir été reprise politiquement, l'affaire Persépolis a

provoqué un débat concernant les valeurs et les morales du « bon » musulmans. Nous verrons dans

cette sous partie comment cette affaire à été reprise en non événement politique, comment elle a été

instrumentalisé par des mouvances religieuses et comment ces mouvances ont réussi à en tirer

profit en instaurant des valeurs islamistes au sein de la nation Tunisienne.

2.3.1. Une affaire qui divise l'unité nationale

Le procès de Nabil Karoui et de ses deux collaborateurs Hédi Boughnim (responsable

visionnage de la chaîne) et Nadia Jamel (doubleuse pour le film en dialecte Tunisien et présidente

de l'association « Image et Parole »), a rassemblé un nombre considérable d'acteurs. En effet, le jour

du procès, une foule de journalistes tunisiens et internationaux, des citoyens ainsi que des soutiens

de Nabil Karoui et de la chaîne étaient présent. On comprend dès lors qu'il ne s'agit plus d'un procès

qui implique seulement trois personnes, mais bien d'un procès qui mobilise l'ensemble de l'opinion

publique. D'ailleurs, bon nombre d'articles de presse parlent alors d'une affaire qui mobilise et

implique pour la première fois l'ensemble de la population tunisienne, et surtout qui s'exprime

autant vis-à-vis d'une affaire juridique.

On comprend donc que ce procès est le moyen pour les tunisiens de conquérir l'espace

public pour la première fois de son histoire et d'en faire un lieu d'expression réelle.

De par l'ampleur que prend cette affaire, le procès prend petit à petit clairement une

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Page 54: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

dimension politique et religieuse. En effet, beaucoup d'articles ont pu reprendre les mots de Nabil

Karoui, annonçant ainsi « le début de la mort de la liberté d'expression » en Tunisie. On comprend

donc assez rapidement que ce procès met en lumière une problématique qui n'avait été auparavant

jamais inscrite dans le débat public, notamment sous le régime de l'ancien président Zine el-Abidine

Ben Ali, et qu'il s'agit par conséquent pour certains de défendre la liberté d'expression en Tunisie, et

pour d'autres du respect fondamental de la religion, qui elle, imprègne de manière très forte les

mœurs et les traditions du pays. Enfin, le contexte pré-électoral de cette affaire et la mobilisation

qu'a fait émerger la diffusion du film Persépolis, il est difficile de ne pas voir le caractère politique

que prend cette controverse.

Par ailleurs, l'article du 18 novembre 2011 publié par télé obs – ayant pour titre « Diffusion

de Persepolis à la télé tunisienne: le procès de Nabil Karoui reporté » – dresse un historique rapide

de la chaine: elle est lancée en 2007, d'abord dédiée au divertissement, puis s'est ouverte aux débats

politiques depuis la chute de régime de Ben Ali et s'était déjà vu accusée d'être provocatrice par le

passé, justement à cause de sa dimension politique. Ce qui peut peut-être expliqué en parti la

réaction de certains extrémistes, qui voyait peut-être déjà Nessma.tv comme une chaine subversive.

L'article de Slate Afrique du 18 novembre 2011 évoque un «procès d'opinion», et dénonce

une certaine apathie de la défense face aux accusations lancées contre Nabil Karoui et ses

collaborateurs. Le journaliste espérait une certaine insurrection de la part de ses avocats contre les

lois qui selon lui portent atteinte aux vraies valeurs fondamentales : celles de la liberté d'expression.

De la même manière qu'il déplore que ce ne soit pas la puissance des arguments qui ait primée lors

du procès mais bien le rapport de force, c'est-à-dire celui qui a le plus de soutien. Surtout lorsqu'on

apprend que la partie civile affirme avoir réunie plus de 100 000 signatures de citoyens voulant se

joindre à la plainte. Ce qui peut laisser croire que la justice tunisienne se laisse influencer par

l'opinion publique alors qu'elle ne devrait se baser que sur des preuves et des arguments. L'article du

Courrier de l'atlas de la même journée parle quant à lui d'acharnement, de défoulement, et dénonce

un procès sous une « véritable atmosphère de chasse aux sorcières, digne d'un autre âge ». Il précise

plus loin que l'argumentation de l'accusation n'apportait aucunes preuves tangibles et recevables

pour que la justice puisse trancher. Pour finir, il mentionne une justice qui plie sous la pression

populaire de la rue et du plus grand nombre. On voit donc clairement que ce procès à complètement

divisé la nation tunisienne, avec d'un coté les défenseurs de la liberté d'expression ou laïcs, et de

l'autre ceux qui défendent la tradition religieuse de l'islam.

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Page 55: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

2.3.2. Des identités médiatiquement constituées

À la suite des attaques contre les locaux de Nessma.tv et du domicile de Nabil Karoui, les

médias vont rapidement pointer du doigt les salafistes comme étant les responsables des violences

engendrées suite à la diffusion du film Persépolis. D'autant plus que la chaîne Nessma.tv elle même

va mettre en cause les islamistes ainsi que les imams pour avoir engendré cette révoltes lors des

temps de recueillement. Les journalistes vont alors très rapidement faire le liens avec le parti

politique islamiste tunisien Ennahda, revendiqué lui-même d'islamique, et où les partisans sont

désignés comme des « fanatiques religieux », d'« islamistes » et de « barbus ». Ennahda et ses

adhérents sont donc nettement catégorisés comme étant les porteurs de la religion dans l'espace

publique. Donc non seulement on assiste à à une catégorisation de la part des journalistes, mais

certains citoyens aussi osent s'émanciper des valeurs revendiquées par le parti Ennahda et de ses

partisans. En effet dans un article d'un blog collectif tunisien appelé Nawaat ; le titre en dit

beaucoup : « Tunisie : influence et injonction islamiste ». L'auteur (anonyme) dénonce les méthodes

utilisées par le parti islamiste en énonçant le fait d'avoir profité de la faiblesse du peuple lors des

élections. L'auteur à travers son article constate que « le citoyen se met à adopter une partie du

comportement suggéré par la tendance du mouvement islamique », que les tunisiennes se mettent à

porter le voile pour éviter les barbus, et qu'il « s'agit d'une sorte d'acceptation volontaire et d'un

comportement d'adaptation relatif à l'idéologie dominante ».

Face à tout cela on peut alors se demander si la Tunisie ne repartirait pas vers une nouvelle

dictature ? Une nouvelle dictature dirigée par des valeurs islamistes tirant « toute sa puissance de la

mobilisation de la nouvelle loi du groupe ». Même si le procès de Nabil Karoui a été reporté au 23

janvier 2012, les tensions sont encore palpables, et les médias ne cessent de commenter cette affaire

qui prend alors des proportions inimaginable.

Ce même article du blog collectif Nawaat illustre ces mots avec une photographie d'un

homme brandissant le drapeau tunisien, le point levé. Une photographie symboliquement forte qui

montre que nous sommes en pleine période de révolution et que es tunisiens sont en pleine quête

d’identité. Le premier paragraphe aborde les violences subies après la diffusion du film Persépolis.

Des violences qui ont été faite envers des femmes non voilées ou également sur des artistes tel que

Nouri Bouzid (réalisateur Tunisien). D'ailleurs dans un autre article nous apprenons que des

journalistes de Nessma TV se sont fait agresser, en effet d'après le journal électronique Business

News intitulé « Les journalistes subissent des intimidations », on apprend que juste après l'incendie

criminel de la maison de Nabil Karoui c'est au tour du journaliste de Nessma TV, Sofien Ben

Hamida, de subir une agression. Des « voyous » (terme utilisé par l'auteur de l'article) auraient

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Page 56: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

dégradé la voiture du journaliste en inscrivant «mécréant». L'article dit que les intimidations des

journalistes sous la Tunisie révolutionnaire sont forte, et que c'est à coup d'insulte et d'atteinte aux

biens que les Tunisiens règlent leurs comptes, alors que sous Ben Ali, c'était plutôt des coups de

films insultant ou des contrôles fiscaux. La dégradation de la voiture, d'après l'article, est une

intimidation pour faire taire le journaliste. Le journaliste réagira très calmement en qualifiant l'acte

de « bêtise humaine ». Ici l'article met le point sur une nouvelle forme de violence et d'intimidation

mise en place depuis cette révolution, depuis la diffusion du film Persépolis.

Toutes ses violences, ont permis au parti islamiste de monter en puissance et en influence. En

effet d'après le blog collectif Nawaat, tous ces violences ont permit la montée du parti islamiste.

L'article met en avant un scrutin « surprenant » avec une « montée étonnante du courant islamiste ».

Car lors du premier scrutin démocratique le 24 octobre 2011, la participation est de 99,7% des

inscrits volontaires. Une photographie issus du film Persépolis vient compléter le paragraphe de

l'article du blog collectif, le discours du personnage est issus directement du film : « Ce n'est pas

grave. Tout ira bien. Dans un pays à moitié illettré, on ne peut pas regrouper les gens autour de

Marx. La seule chose qui puisse les rassembler c'est le nationalisme ou la morale religieuse ». Ce

discours montre à quel point ce scrutin paraît surprenant, car en faisant quelque recherches on

apprend en effet que la Tunisie est un pays illettré à 23%. Le peuple tunisiens se sont donc rangés

vers le parti islamiste, car celui-ci véhiculait des valeurs auxquelles ils étaient les plus sensible. Le

parti islamiste a donc su profité de la situation du pays, que ce soit à la fois de la situation illettrisme

et aussi de la situation ébranlée et incertaine de la révolution.

Mais selon le président du parti Ennahda, Rached Ghannouchi, les tunisiens n'ont « pas

besoin de tuteur pour protester contre les provocations de médias », ce sont les seuls défenseurs de

l'Islam. Surtout que selon la source Tixup.com, portail tunisien sur le net d'actualités et

d'informations sur la Tunisie, 99% des tunisiens sont musulmans. Il est donc assez difficile de croire

que l'ensemble des opposants à Nessma.tv ont été endoctriné par le parti Ennahda. Et cette même

source assure que les protestataires étaient de toutes les orientations possibles : des hommes, des

femmes, des jeunes, des barbus, … D'ailleurs les dirigeants Ennahda plaident d'être un parti

démocratique, respectant à la fois la liberté d'expression et les traditions religieuses, allant même

jusqu'à se réclamer de la même mouvance que le partie Turc AKP, qui est au pouvoir en Turquie

depuis 2002.

On voit donc ici que les médias ont une place très importante dans le récit de cette affaire,

on remarque en effet qu'ils alimentent facilement la polémique en préférant mettre aux devants de la

scène les agissements des salafistes et des extrémistes religieux. Cette tendance s'observe au même

titre du coté de Nabil Karoui, et ce, en lui dressant une posture de victime, et cela se constate dans

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Page 57: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

la majorités des allocutions de l'intéressé :

− « Nous sommes dans une dictature morale encore pire que sous Ben Ali. Sous l’ancien

régime, je n’ai jamais été menacé de mort » – Radio Canada (17Nov)

− « J'avais peur pour ma vie, pour celle des membres de ma famille et de mes collaborateurs »

Radio – Canada (18Nov)

− « Je ressens une immense tristesse parce que les gens qui ont voulu détruire la chaine sont

libres et que moi je suis ici parce que j’ai diffusé un film » – Télé Obs (18Nov)

En devenant aussi médiatisé, tout le monde se sent touché par cette affaire. Mais ce qui

semble assez paradoxal, c'est que le film avait déjà été diffusé auparavant sans que celui-ci ne

déclenche une polémique aussi importante. Ici, on voit bien que la diffusion du film Persépolis

durant cette période pré-électorale pose problème. Mais toujours est-il qu'il était imprévisible qu'elle

provoque autant de réaction puisque la chaîne Nessma.tv n'a enregistré une part d'audience que d'à

peine 3% ce soir là, soit à peine 100.000 personnes selon certains journaux. De plus film n'a pas été

imposé aux téléspectateurs puisque celui-ci était diffusé sur une chaîne privée, Nessma.tv. Donc

comment une audience aussi faible peut-elle engendré une crise à l'échelle nationale ?

Mais la montée d'une crise aurait pu être anticipé. En effet, l'Iran – pays d'origine de la

réalisatrice Marjane Satrapri – confirme avoir mis en garde la chaîne Nessma.tv sur les réactions

que pourrait engendrer la programmation du film à la télévision, et que son discours sur la religion

pouvait choquer certains téléspectateurs. D'autant plus que cette diffusion était suivie d'une

émission-débat sur la question de l'identité Tunisienne en rapport avec l'islam. On voit donc en soi,

que ça n'est pas la représentation de Dieu dans Persépolis qui soulève autant l'opinion publique,

mais plutôt ce que ça implique. La représentation de Dieu qui était au départ une question de nature

religieuse, est devenue suite la diffusion du film une question identitaire. Alors que quelques mois

auparavant, être Tunisiens c'était être contre le régime de Ben Ali et vouloir le renverser. Avec cette

affaire, les Tunisiens doivent désormais se poser la question : si être tunisien c'est pratiquer la loi

Coranique ou bien être laïc.

On voit donc à quel point la mainmise de l'affaire Persépolis, de part ses multiples

appropriations, provoque une arène de confrontation, alors qu'une unité nationale était plus ou

moins constituée quelques mois auparavant. La diffusion du film a en effet posé problème dans la

construction de cette unité, car à présent celle-ci repose sur une autre problématique qui est difficile

à résoudre. L'identité tunisienne est évidemment ici mise scène à fins des politiques, et Ennahda

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Page 58: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

cherche implicitement à provoquer l'indignation des Tunisiens, car si le calme avait régné les jours

qui ont suivi la diffusion, l'implication de la population Tunisienne dans l'affaire aurait été nulle.

D'autant plus que le parti se revendique lui-même islamiste, et lorsque l'on constate la victoire

d'Ennahda aux élections qui ont suivi, il est difficile de ne pas voir un rapprochement implicite entre

l'affaire Persépolis et cette victoire électorale : il est évident que celle-ci a reposé sur la mise en

scène et l'instrumentalisation de la morale religieuse et du culte. Le parti a profité de ces émois au

sein de l'opinion publique pour revendiquer l'importance des valeurs culturelles et religieuses au

sein de la nation Tunisienne.

On se rend finalement compte qu'avant cette affaire, et même avant la chute du régime de

Ben Ali, la religion – au sein de l'opinion publique tunisienne – était un sujet complètement tabou.

Le thème de l'identité islamo-tunisienne est quelque chose qui n'avait jamais été remis en question

au sein du débat public. Et ce qui est d'autant plus paradoxal, c'est que l'une des revendications

acquises suite à la révolution tunisienne, au début de l'année 2011, était justement ce principe de la

liberté d'expression.

Dans l'article du 2 décembre 2011, Tunisie : Nessma TV n'est pas "Charlie Hebdo", écrit par

Nabil Karoui, il assure que son métier n'est pas de faire de la provocation, « Persépolis était à sa

vrai place ». Il explique que l'analogie entre la publication des caricatures du Prophète par Charlie

Hebdo et la diffusion du film de Marjane Satrapi ne peut se faire que dans la mesure où ces deux

instances journalistiques ont diffusé des images et un discours « que certains ont pris comme

prétexte à un déchaînement de violence extrême ». Selon lui, Charlie Hedbo et Nessma TV ne sont

pas comparable, car Charlie Hebdo ferrait preuve « d'insolence intrinsèque », c'est un « média

affranchi du pouvoir » qui n'a « aucune remise en question de son usage » et qui utilise la

« provocation comme fond de commerce ». Alors que pour l'affaire des caricatures de Mahomet,

Charlie Hebdo est devenue une victime qui a reçu le soutient de la profession, de l'opinion publique,

et même politique. Nessma TV n'a pourtant rien avoir avec Charlie Hebdo car c'est une chaîne qui a

un registre différent avec « aucune provoque délibérée ».

Le scandale qu'a provoqué cette diffusion n'était pas recherché, et selon Nabil Karoui, la

soirée thématique – la diffusion de Persépolis et le débat – posait réellement une question

existentielle sur le devenir de la nation Tunisienne. Le soucis selon lui, c'est que les « mouvances

religieuses » ont instrumentalisé la chose pour légitimer leur point de vue conservateur. Dans cette

affaire, les images sont condamnés en tant qu'acte criminel, et la diffusion de Persépolis est un non-

événement qui à été récupéré à des fins politiques.

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Page 59: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

La révolution tunisienne et l'affaire Persépolis démontrent une situation de doute dans la

société tunisienne. Et celle-ci fait apparaître par conséquent des questions qui d'habitude ne se

posent pas : qu'est ce qu'être tunisien aujourd'hui ? Que se passe-t-il ? Que va-t-il advenir de la

situation politique en Tunisie ? Quel sont les rapports entre le culte, le politique et la justice ? Quel

est le liens aujourd'hui entre les Tunisiens ? Quelle est la signification de ce qui est en train de se

passer ?

Toutes ces questions ont une valeur forte en terme de revendication sociale, et selon Harvey

Sachs, les réponses à ces questions sont évidemment liées et rapportées à des pratiques. En effet,

lorsque nous agissons, nous nous saisissons du monde, nous organisons le monde afin que celui-ci

devienne intelligible. Et rendre le monde intelligible nous permet de le décrire, d'en rendre compte,

et ainsi de le rendre catégorisable. Les catégories sont intrinsèquement liées à l'action : agir c'est

catégoriser, et ainsi engendrer des conséquences réelles. On peut donc se demander comment les

médias qui se sont intéressés à l'affaire Persépolis ont-ils pu catégoriser chacun des acteurs

impliqués dans cette controverse ?

Selon Harvey Sachs, les descriptions faites lors d'un travail sociologique sont liées avec un

« dispositif génératif » capable de rendre compte la manière dont les pratiques sont produites et

ainsi reconnaissable. Autrement dit, les pratiques serait reproductible car elles sont hiérarchisées et

méthodiques. C'est pourquoi H. Sachs pense qu'une description formelle des pratiques est possible

puisque la plupart d'entre elle sont reproductibles pour chacun d'entre nous. « Une des façons de

produire des descriptions stables du comportement humain est de décrire les méthodes et les

procédures pour les réaliser ». Ce sont des descriptions potentiellement correctes, discernables en

tant que telle par d'autres.

Donc dans le cas où l'on s'intéresse non pas à un seul individu, mais à un ou plusieurs

groupes de personnes, catégoriser les choses revient à rendre possible la conduite d'une action

coordonnée. Dans le cas présent une part importante de l’action politique, consiste à essayer de

transformer le rapport que nous entretenons à des catégories de choses ou d’objet. Transformer des

catégorisations, c’est transformer des pratiques. Une action politique réussie est une action qui

transforme notre rapport pratique au monde, et donc la forme de vie dont ce rapport pratique est la

manifestation.

Ici, Nabil Karoui et Nessma TV répondent à des caractéristiques bien distinctes et parfois

contradictoires, qui sont utilisées aussi bien par les pros-Persépolis que par les antis-Persépolis,

provoquant ainsi une incohérence du discours médiatique dans sa globalité. Les médias sont alors

en quête de catégories adéquates pour chaque protagonistes en fonction du discours qu'ils

véhiculent. La presse range directement les anti-Persépolis dans une catégorie très péjorative, celle

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Page 60: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

des « islamistes », des « extrémistes », et celle-ci permet en soit de structurer l’événement. Mais

l’événement se voit lié à des valeurs comme celle de la violence et de la liberté d'expression. Ainsi

les antis-Persépolis ne sont plus catégorisé comme des « islamistes » et entrent dans une autre

catégorie totalement contradictoire celle du citoyen qui respecte les valeurs de sa culture en luttant

contre ceux qui la bafouent.

M. Barthélémy et L. Quéré, dans Etude d'un parcours événementiel. Le Cas Carpentras,

soulignent que les médias ont montré des symboles, des catégories bien distinctes pour que les

spectateurs puissent comprendre l’événement. Ainsi grâce aux catégories et aux symboles que les

médias mettent en place et peuvent construire leur discours. Ici nous avons deux catégories bien

distinctes : Nabil Karoui, PDG de la chaîne Nessma TV, d'un côté, puis de l'autre les islamistes.

C'est ces deux catégories qui vont constituer et alimenter l'affaire et l'événement Persépolis. Les

médias vont construire autour de ces catégories un réel discours médiatiques.

Mais d'après Jeanne Favret Saada la catégorisation des personnes, ne résout pas le problème

en se demandant à quel titre ils ont fait telle ou telle choses. Ce sont toujours les autres qui

déterminent le sens d'une action. Celle ci peut changer de sens selon la situation. Ce sont les autres

qui vont définir et déterminer le sens. Il n'y a rien de fatal à ce que la diffusion de Persépolis donne

lieu à des émeutes. On peut tout de même se demander si c'est réellement la diffusion du film qui a

crée les émeutes.

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Page 61: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

Chapitre 3 :

Les enjeux consécutifs à une démocratie

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Page 62: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

3. Les enjeux consécutifs à l'affaire Persepolis

3.1 La division d'un peuple au lendemain d'une unité : une identité à rebâtir

Carole PERASTE et Amandine VERMARE

3.1.1 D’une unité imposée à une unité nécessaire

L’unité du peuple tunisien en tant que sujets d’une dictature

L'unité et l'identité du peuple tunisien sous Zine El Abidine Ben Ali (au pouvoir de 1987 à

2011 après la destitution de Habib Ben Ali Bourguiba) n'ont finalement jamais été interrogées avant

la Révolution de Jasmin en date du 14 janvier 2011. Cette unité apparaissait alors comme « une

donnée garantie et reproduite » (Laarcher, Terzi, 2012 : 87-102). Une unité imposée voire de façade,

créée de toute pièce par un système politique autoritaire, se caractérisant par l'absence de lieux

d'expression, de représentations sociales, un vide associatif, ou encore des organes institutionnels de

censure. Le gouvernement était un régulateur des rôles donnant l'illusion d'une vie démocratique

pluraliste, à travers par exemple, des oppositions au parti reconnues ou non, jouant le jeu d'organes

de légitimation du parti en place.

Cette unité soumise et imposée passe alors entre autres par des médias muselés par l’État. Celui-ci

contrôle la production de l'information par des organes de censure tels que le Conseil Supérieur de

Communication (CSC). Il va aussi marginaliser la presse écrite par un foisonnement de journaux

émis avec une très grande irrégularité, la création de radios régionales dépendantes de la radio

nationale, et de nouvelles chaînes de télévision de divertissement, et non d'information, comme

Hannibal TV4 ou Nessma TV5. Les journalistes apparaissent comme des acteurs au service du

monopole de l’État, lui devant une certaine allégeance récompensée par des subventions, de la

publicité ou encore l’accès à l'information. Finalement on assiste à une unité artificielle, « un face-

à-face entre un dictateur omnipotent et son peuple impuissant » (Geisser, 2000). Les Tunisiens

deviennent un ensemble catégorisé sous le terme de « sujets » d'un dictateur. Une « adhésion

encadrée » (Hibou, 2006) par des formes de répressions et la création de discours contrôlés. Peu à

peu la population tend à légitimer cet État autoritaire en acceptant des procédés tels que « les

accommodements, les ruses, les compromissions et les instrumentalisations réciproques » (Hugon,

2006: 911). Cette unité est aussi le fruit d' « une Tunisie qui cumule au plus haut degré

développement socio-économique et autoritarisme politique » (Mahmoud Ben Romdhane, 2007).

4 Hannibal TV : première chaîne TV privée, créée en février 2005 par Larbi Nasra. Programmes à caractère généraliste.5 Nessma TV : chaîne TV privée, créée en mars 2007 par l’Agence de communication Karoui et Karoui. Programmes

de sport et divertissement.

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Page 63: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

Autrement dit l’État va réussir à créer une dépendance des individus par une économie de

l'endettement, une gestion des privatisations, une organisation de la solidarité et de l’aide sociale

(Hibou, 2006). Par le biais de dispositifs de gouvernance du pays, le parti unique, Rassemblement

Constitutionnel Démocratique (RCD), tend à faire obéir (voire adhérer) le peuple tunisien à son

système. Ce peuple tunisien se constituant ainsi en un ensemble identitaire, reconnaissant en ses

membres des appartenances communes telles qu'une vie quotidienne contrôlée, et une liberté

d'expression réprimée.

Une unité nécessaire

Les caractéristiques des grands changements sociaux sont liés à un tournant dans le comportement

de la société. La Tunisie a décidé d'inverser les rôles passer de l'un les contrôle tous, à tous le

contrôle. Ici il ne s'agit pas d'une révolution au sens d'une adhésion à un projet mais bien d'un rejet

du pouvoir de Ben Ali. Le phénomène de la « solidarisation » est typique des situations

révolutionnaires, il est à penser comme un fait transcendantal, en envisageant l'autodétermination

des acteurs (les tunisiens) et leur production de processus du changement social. Passer de l'inaction

à l'action est un phénomène collectif , « La volonté collective produit une nouvelle manière

d'être,d'agir voire de défense contre un pouvoir oppressif. »(J.Sayah, 2013:22). Dans ce genre de

situation, ce ne sont pas les multiples actions individuelles qui permettent un changement mais le

rassemblement des individualités pour créer une unité tunisienne contre l'ennemi commun. Prendre

la décision de s'engager dans un tel combat repose sur la conscience de l'existence d'un « Nous ».

(J.Sayah, 2013:22). La confiance qui règne permet de rendre compte du poids de leur solidarité et

pousse à se ruer sur le dictateur. Encore plusieurs moi plus tard, proche des élections plusieurs fois

des tunisiens rappellent que s'ils ne sont pas satisfaits, « ils » (la jeunesse tunisienne) sont à même

de faire dégager6 le prochain qui oserait leur faire du tort.(Anonyme, Mayfootekchay, 18/10/2011).

Ils ont foi envers leur force collective.

La fuite de Ben Ali a conforté dans un premier temps les tunisiens dans l'idée qu'ensemble, isl

avaient un potentiel non négligeable. Ainsi, s'en suit des revendications plus précises, ils veulent

plus que le simple départ du dictateur, ils se rassemblent au nom de la liberté, de la dignité, du refus

de l'arbitraire. Dès qu'une revendication est satisfaite, d'autres revendications sont formulées.(P.

Blanc, 2011:14).

Ce mouvement de masse concerne tous les tunisiens, pas simplement que les politiques mais bien

6 « dégage » : « ataqni » en arabe est devenu le mot d'ordre de la révolution. « Ben Ali dégage » mais aussi le nom donné à la manifestation du 16 octobre 2011

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Page 64: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

des personnes ordinaires, d' « acteurs ordinaires ».( L.Chouikha, Grotius, 01/02/2011), des

syndicats, des chômeurs diplômés, la jeunesse tous ont éprouvé le sentiment ras-le-bol généralisé.

Du 17 décembre 2010 au 14 janvier 2011, tous les mécontents se sont retrouvés derrière les

banderoles qui affichaient « Ben Ali dégage », comme un bloc devant lequel le dictateur n'était pas

en mesure d'agir, sa seule solution étant de fuir.

Ce sentiment d'osmose, de solidarité sans faille du peuple tunisien, engendre beaucoup de réactions

en dehors des frontières du pays et surtout de l'autre côté de la Méditerranée . Les médias français

notamment Rue89, Libération ou France Culture, félicitent le courage des tunisiens de cet acte qui

restera dans l'histoire et qui promettra un avenir meilleur pour le pays, ainsi qu'une transition

démocratique.(Anonyme Rebellyon.info, 10/01/2011). Pour autant, l'état du pays est en train de

changer, dès lors où il y a passage d'une rébellion sociale associée à une dimension politique qui a

permis la chute du régime de Ben Ali, à une posture beaucoup plus politique qui après coup va

amener les tunisiens, le peuple tunisien à se fragmenter chacun tentant de faire valoir ses idées, ses

positions ainsi commence la période de transition. Le lendemain de la fuite de Ben Ali, la Tunisie

entre dans un terrain mouvant où chacun cherche à y trouver sa place, et de déterminer la nouvelle

entité tunisienne.

3.1.2. Des divisions rendues visibles

Réception du film Persepolis

La fuite de Ben Ali et les événements liés à la Révolution laissent entrevoir la formation d'une

nouvelle entité pour le pays, une entité désormais hétérogène et non plus policée et unie comme ce

fut le cas auparavant. La Tunisie devient une nation mosaïque, alors qu'avant la révolution personne

ne pensait que cela aurait pu arriver à la Tunisie, nation considérée de l'extérieur comme ayant un

peuple uni, s'est révélée aussi pendant la révolution de jasmin être solidaire pour la fuite du

dictateur, aujourd'hui la donne change alors que la situation reste mouvante et fragile.

C'est autour d'événements ponctuels comme la diffusion du film Persepolis, qu'il est possible

d'observer ce qui a changé dans le pays, à travers la réception, et les réactions des tunisiens.

Aujourd'hui, une réaction est possible, la Tunisie est à tous les Tunisiens, et qu'il n'est plus question

de laisser quelqu'un dicter « sa volonté, ses idées, des désirs, ses goûts, ses principes et sa propre

vision des choses » (M.Bouamoud, WMC,18/10/2011). L'événement Persepolis est à envisager dans

un environnement qui fait sens, les Tunisiens désormais « libres » cherchent à faire entendre ce

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Page 65: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

qu'ils pensent. Plus que la diffusion du film ce qui est intéressant c'est le discours qui est tenu autour

de ce sujet et sur les thèmes qu'il aborde, ce qui se passe entre ce qui se passe et ce qui en est dit. Ce

qu'on en dit détermine, les aspects de ce qui s'est passé, jeu de nouage entre les deux. La diffusion du film

s'emploie à ouvrir la discussion ou du moins à permettre l'expression de sa position. Il ne s'agit pas

en soi du film Persepolis mais plutôt de ce qu'il représente, ce qu'il symbolise. Les Tunisiens se

positionnent, se déchirent sur des questions plus larges : la liberté d'expression, le danger d'un Islam

religieux, la question de la laïcité. Les frontières qui se constituent entre les tunisiens, sont d'ordre

idéologique, politique et culturelle.

C'est ainsi qu'il n'est pas question que de Persepolis, ce dernier s'inscrit en fait dans une suite

d'événement notamment l'affaire de l'Université de Tunis par exemple. En effet, la diffusion du film

de Nadia El Fani au titre provocateur avait aussi créé la polémique (M.Karrit, Kapitalis,

18/10/2011). C'est autour de polémique qu'on est en mesure d'observer les divisions qui se créent

dans le pays.

Les thèmes autour desquels les tunisiens s'expriment amènent à la production d'acteurs rangés dans

des catégories particulières. De là vont apparaître, les « laïcs », les « progressistes », les «

modernistes ». Le contexte dans lequel se situe l'affaire Persepolis ne permet plus de parler du «

tunisien », cela ne fait plus sens, il faut préciser de quel tunisien il s'agit. C'est ainsi qu'on peut

constater l'éclatement de l'identité tunisienne. Aborder les thèmes, de la religion amène à créer

l'opposition barbus/laïcs, de la liberté d'expression permet de parler de ceux « pour la liberté

d'expression » et de ceux « contre l'atteinte au sacré », la question du danger de l'Islam politique

permet de distinguer les «islamistes », des « modernistes » ou « progressistes ». Par ces

catégorisations des tunisiens se joue en fait la quête du statut du futur régime de la Tunisie, « laïc »,

« religieux » ou « civil » (Anonyme, Marianne2, 18/10/2011).

Une visibilité possible par le phénomène de catégorisation

Dans le cadre de cette affaire, il est possible de distinguer deux types de catégorisation, celle

produite par les médias, sachant que les médias traitant de cette affaire sont pour la majorité

extérieurs au monde arabe, et ceux provenant des tunisiens, manifestants (blogs comme Nawaat,

Agoravox, Kapitalis...). Effectivement, la catégorisation n'est pas quelque chose de fixe, tout dépend qui

et à quel titre les gens interviennent sur un sujet. Il est donc intéressant de les distinguer dans la mesure

où, le premier (les médias) permet une certaine compréhension avec un point de vue extérieur, une

mise en récit qui donne à voir un aspect de l'événement et l'autre de la part des intéressés qui permet

de se situer eux même et vis à vis des autres dans le cours de l'action(P. Lang,2007:54). Dans ce

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Page 66: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

contexte mouvement, les tunisiens cherchent à se trouver, pour cela il y a nécessité de pouvoir se

ranger, se positionner quelque part, c'est ce qu'explique Sacks quand il parle de

catégorisation(Cardon, 1995:133). Pour que le tunisien puisse agir sur son monde, il doit

préalablement y trouver sa place, il doit rendre son monde intelligible, c'est ainsi qu'il peut

l'organiser, en établissant des catégories. Catégoriser leur permet d'entrer en interaction avec leurs

pairs. La multiplicité des catégories produites, permet de rendre les tunisiens conscients de la

complexité de leur identité, de la possibilité d'avoir plusieurs étiquettes, d'entrer dans plusieurs

catégories différentes. (P. Lang,2007:47)

Les manifestations comme reflet de la diversité du peuple

Les divisions qui se produisent au sein de la société tunisienne, ainsi que le phénomène de

catégorisation sont observables certainement dans les discours mais surtout lors des manifestations

qui suivent la diffusion du film Persepolis, que ce soit le jour de la diffusion (le 9 octobre), lors de

l'attaque de la résidence du PDG de la chaîne ou lors des manifestations du 14 et 16 octobre. C'est

lors de ces manifestations que l'on peut se rendre compte des revendications et divergences

d'opinion. Dans le cadre de cette affaire, les manifestations permettent de rendre visible les acteurs

concernés ainsi que les enjeux présents. En effet, les manifestants présents lors des regroupements

ne sont pas tous forcément présents pour les mêmes raisons. La manifestation du 14 octobre contre

Nessma Tv ne regroupe pas uniquement des « barbus » ou des « salafistes » comme le prétend

certains médias mais parfois simplement des musulmans modérés (A. Barrouhi, Jeune Afrique,

18/10/2011), ou des manifestants qui revendiquent le droit de refuser ou d'accepter des

manifestations culturelles, il y a aussi des Tv ou encore des partis islamistes (Ennahda). De la

même façon, les manifestations du 16 octobre regroupent plusieurs revendications, plusieurs voix,

ceux qui défendent la liberté d'expression, ceux qui veulent séparer le fait social de la religion,

ceux qui condamnent toute forme de violence, ou qui prônent la laïcisation du pays. Parmi eux

aussi se rangent des partis politiques tels que PDP ou PDM (même si leur intervention est

beaucoup plus mesurée, période électorale oblige). Ces activités dans l'espace public donnent de la

visibilité à la diversité idéologique et culturelle du pays. Les actions citoyennes telles que les

manifestations sont un baromètre de développement et de civisme (S.Farat, Le temps , 18/10/2011)

Malgré les clivages qui ont lieu, il y a une volonté de garder ce qui fonde leur nation, notamment ce

que rappelle le 1er article de la Constitution de 1959 « la Tunisie est un pays souverain, dont le

régime est la République, la langue l'arabe, et qui a comme religion l'islam » De nombreux articles

notent lors des manifestations pour la liberté d'expression comme pour le respect de la religion la

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Page 67: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

présence du drapeau tunisien levé bien haut. Il s’agit de conserver un fondement commun, tout en

acceptant la diversité qui caractérise désormais le pays.

3.1.3 Comment se reconnaître en tant que peuple ?

Dans ce contexte et cette transition il s'agit alors d'interroger cette tunisianité, et de tenter de

répondre à la question comment se reconstituer en tant que peuple uni, s'identifiant à une nation, la

Tunisie ? Et si finalement, la recherche d'une unité est véritablement nécessaire à la constitution de

cette identité ? Quelles ont les mécanismes de constitution d'une société démocratique ?

Le désenchantement du peuple tunisien : l'expression de la violence

L'identité des Tunisiens est mise à mal à travers un sentiment d'angoisse et d'incertitude au

lendemain de l'image d'une union parfaite. Après l'enthousiasme de la Révolution, ces voix à

l'unisson deviennent un tableau aux milles nuances de toute la diversité sociale, politique et

culturelle de la population. Des catégories se distinguent peu à peu. Le peuple n'est plus désigné

comme un ensemble identitaire comme il a pu l'être sous Ben Ali en tant que « assujetti à un

dictateur », ou lors de la Révolution de Jasmin en tant que « peuple uni face à une cause commune

». Le difficile travail de la Tunisie aujourd'hui va être de comprendre ses divergences, sa

multiplicité, sa polarisation et de tenter de « construire de l'un avec du multiple » (Laarcher, Terzi,

2012 : 87-102). Mais cette redéfinition d'une identité paraît compliquée dans le sens où elle survient

après une certaine illusion d'unité. Le désenchantement et l'incertitude forment les sentiments

communs aux Tunisiens. Un manque de confiance en l'avenir, comme le précise un habitant de la

ville d'Ennfidha, à la suite des rassemblements du « vendredi de la colère7 » (14/10/2011) et de la

manifestation pro-Nessma (16/10/2011), « je ne suis pas très confiant, je sais que rien ne va changer

» (Anonyme, Journal May Footek Chay, 18/10/2011). Les Tunisiens semblent rechercher avant tout

des actions concrètes, un changement de ce qui fait leur quotidien. Les contestations sociales de la

veille de la chute de Ben Ali ont permis au peuple tunisien de se regrouper autour de mots d'ordre et

de gommer des catégories telles que instruits/analphabètes, croyants/athées, femme/homme,

riches/pauvres... pour les bienfaits d'une cause commune. Il apparaît aujourd'hui que des affaires

7 Vendredi de la colère : expression donnée par les médias pour désignée la journée sous le signe de ce sentiment du 14 octobre 2011 durant laquelle manifestations contre Nessma et attaque de la maison de Nabil Karoui (PDG) ont eu lieu.

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comme Persepolis ou de l'université de La Manouba, ont réveillé des conceptions du monde

divergentes suscitant de vives réactions. La diffusion du film Persepolis (07/10/2011) sur la chaîne

Nessma TV, a été l'un des éléments marquants de cette pluralité. Il est important de noter la place

qu'a pris la violence au sein de cette affaire : manifestations plus ou moins pacifiques, attaque de la

maison de Nabil Karoui, violence des slogans « Dehors les pourris de Nessma : Karoui dégage ! »

(Ahmed Nemlaghi, Le Temps, 15/10/2011), propos diffamatoires et menaces de mort sur les réseaux

sociaux. Si pourtant la manifestation du 14 octobre 2011 a été identifiée comme pacifique, “la

manifestation se voulait à caractère pacifique” (Ahmed Nemlaghi, Le Temps, 15/10/2011), très

rapidement il est question de catégoriser davantage un groupe d’individus plus menaçant par “le

noyau dur, composé essentiellement d'hommes en barbes et tuniques” (Anonyme, lemonde.fr,

15/10/2011). Une affirmation à mettre en parallèle avec des photos prises lors de cette manifestation

montrant un groupe moins défini (cf Annexe n°1 : Une manifestation pacifique à nuancer, Le

Maghreb, 15/10/2011, p.90). Une violence révélant la détresse d'un peuple en transition, en quête

d'identité et de repères perdus. La violence apparaît comme l'expression du sentiment de ce peuple

ne sachant pas comment recréer une convergence8, et n'arrivant à s'exprimer que par des rapports de

force entre surtout « des intellectuels » et des « exégètes islamiques » (Manoub Marouki, Réalités,

14/10/2011). Les Tunisiens se voient scindés en deux, et font l'expérience d'une certaine

bipolarisation avec « les forces progressistes » et les mouvements islamistes (Laarcher, Terzi, 2012 :

87-102).

Un peuple polarisé : le temps des choix identitaires

A travers cette division il semblerait que les Tunisiens ne soient plus confrontés à la question

de l’intégration au sein du peuple de Tunisie, mais plutôt avec quel groupe, quelle conception du

monde, ils se sentent en accord. On notera surtout deux « camps » identitaires celui des « laïcs » en

recherche d'une Tunisie émancipée de tout impact de la religion et celui des «salafistes », souvent

référencés dans les articles de presse comme les « barbus », ou mouvements islamistes (Anonyme,

Marianne2, 18/10/2011). Des enjeux identitaires qui ont d'autant plus été réveillés par les élections

de l'Assemblée Constituante le 23 octobre 2011. La scission se fait alors ressentir davantage. C'est

le temps des choix et des polarisations. Celui aussi des délimitations et des marquages identitaires

non plus en tant que peuple mais en tant qu'individu : « qui suis-je en tant qu'individu isolé ? », «

quelles sont mes idéologies ? », « quel avenir je souhaite pour la Tunisie ? ». Par ce phénomène, les

Tunisiens en viennent à transformer les catégories dans l'action. Rendant visible un nouvel aspect

8 Convergence : manifestation de l’existence d’une culture commune permettant l’action de concert

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Page 69: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

du monde. La question n'est pas qui est la personne agissante, mais plutôt au nom de quoi, à quel

titre elle agit (Bonu, Mondala, Relieu, Catégorisation : l'approche de H. Sacks). On remarquera

donc particulièrement cette intentionnalité dans le cas de la Tunisie avec le déploiement

d'idéologies, de conceptions du devenir tunisien en rapport à un passé, à la religion, et à la politique.

Une catégorisation qui s'est faite dans l'action et au cours de l'événement. On remarquera par

exemple, l'usage des termes par les journalistes : « des fanatiques religieux », « des gens ordinaires

», (Anonyme, La Presse, 15/10/2011) « pas uniquement des barbus » , « des barbus et des citoyens

ordinaires » (Ahmed Nemlaghi, Le Temps, 15/10/2011) (cf Annexe n°2 : Diversité des manifestants

en image, K.Z, « Des milliers de manifestants contre Nessma TV », 15/10/2011, Le Quotidien,

n°3257, p.91) en tant qu'acteurs des manifestations contre Nessma en date du 14 octobre 2011. Pour

finalement les catégoriser en tant que « salafistes » après les élections. L'action des individus

permet ici d'organiser le monde afin qu'il soit intelligible par tous, permettant l’interaction et/ou la

coopération.

Comment ces êtres devenus singuliers peuvent reconstituer une réalité commune : un peuple

tunisien ? Qu'est-ce que faire peuple au sein d'une démocratie ? N'est-ce pas justement l'enjeu d'un

peuple démocratique que de se reconnaître dans sa diversité ?

La difficulté de constitution d'un peuple au sein d'une démocratie

La reconstitution des Tunisiens en tant que peuple reste encore incertain, perdus au sein de

multiples divisions. Cependant il es important de ne pas oublier que “l’identification est

contextuelle et fluctuante” (Warnier, 2007 : 9) et donc que la Tunisie entame un processus d’une

certaine re-naissance en tant que démocratie. Cette orientation politique tend à valoriser

l’expression du peuple puisque « la démocratie donne le pouvoir au peuple » (Marwene el Basbi,

Mag 14, 14/10/2011). Le désordre actuel de la Tunisie en quête de ses repères identitaires semble

être les caractéristiques des passages démocratiques. Offrant aux Tunisiens et aux populations du

monde, une nouvelle manière de juger de l'identité tunisienne. La difficulté pour les Tunisiens est

alors de se définir, de se positionner au sein d'un « camps », et pourtant ce positionnement apparaît

comme nécessaire pour ne pas être considérer comme un « lâche » au sein de la société. L'affaire

Persepolis crée une arène de confrontation des idées, des façons de penser. Faisant passer des styles

de vie différents au rang de lignes de démarcation identitaire créant des « eux et des nous »

(Laarcher, Terzi, 2012 : 87-102). Il semble pourtant que cette division, et ces divergences soient le

lot des démocraties, permettant la formation d'un espace public de débat. Il ne s’agirait donc pas

temps d’essayer de reconstituer un peuple unanime mais de parvenir à vivre ensemble malgré des

divergences d’opinion, accepter ces divisions et leur permettre de s’exprimer au sein d’un espace

66

Page 70: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

public démocratique ouvert non violent.

3.2. L'apprentissage de la démocratie: l'espace public, lieu de débat en construction

Bertille SIMON et Margaux WANHAM

3.2.1. Un espace public brisant ses chaînes

Il s'agit de dresser dans les grandes lignes l'état de la situation en Tunisie sous le régime de

Ben Ali en s'intéressant plus particulièrement l'état du paysage médiatique avant la «révolution de

jasmin» afin de mieux comprendre en quoi celle-ci a engendré un véritable déverrouillage de la

presse et de la liberté d'expression. En effet l'ascension de Ben Ali au pouvoir a été fulgurante et

s'est caractérisée par la main mise progressive sur tous les organes propres au maintien d'un régime

démocratique. Malgré l'affirmation d'une volonté première de garantir le fonctionnement

démocratique de l'état, Ben Ali a rapidement cumulé les diverses fonction de l'état en sa personne

s'assurant ainsi un contrôle total sur la vie politique et la société tunisienne. A la fois président et

chef du parti le PSD (Parti Socialiste Destourien), il fut soucieux de maintenir un simulacre de

démocratie en autorisant la pluralité politique, en laissant plus d'ouverture aux organisations non

gouvernementales, en remodelant le constitution vers plus d'égalité entre les citoyens et dans un

soucis de préserver les droit de l'homme.

Néanmoins tous ces efforts, ne durèrent qu'un temps et laissèrent place un durcissement

notoire de la politique du président. Le processus de démocratisation ralentit considérablement à

partir du deuxième mandat, sous couvert d'une volonté officielle de préserver une illusion de vie

démocratique, Ben Ali est en réalité le seul à se présenter aux élections, et finit par réformer la

constitution afin d'abroger la loi qui empêche le cumul de plus de trois mandats. Le processus

électoral est donc complètement fossé. Ce verrouillage du système aboutit à une forme de

dépolitisation de la population, qui n'accorde plus aucune crédibilité au système électoral et à la vie

politique en général. Par ailleurs, ce désintérêt pour la politique et le désengagement de la

population sont renforcés par un vide associatif et l'absence de lieux d'expression. En effet, la

Tunisie compte sous Ben Ali environ 900 associations mais toutes dépendent de l'état. Il en va de

même pour le presse, complètement muselée et dont la connivence avec le gouvernement n'est un

secret pour personne. L'état a su développer différents organes de contrôle afin de s'assurer une

gestion totale de la production de l'information: la carte de journaliste était attribuée par une

commission gouvernementale, nombreux sont les journalistes qui étaient désignés directement par

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Page 71: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

le ministère, toutes publications devaient faire l'objet d'une autorisation préalable de la part du

ministère de l'intérieur. De plus avaient été mis en place différents organes de censure comme pour

n'en citer qu'un l'ATI (Agence Tunisienne d'Internet) qui contrôlait et censurait les sites internet.

Ainsi pour dresser un topo assez large «le paysage médiatique tunisien se distinguait par la

mainmise directe et indirecte de l'état mais aussi par sa pauvreté en termes quantitatifs et

qualitatifs9» comme l'explique Zeineb Touati. On comptait 4 chaînes de télévisions, dont étaient

privées Nessma TV et Hannibal TV. Certes il y avait un foisonnement de revues, de journaux et de

magazines (environ 264) détenus à,plus de 90% par des groupes privés. Cependant il ne faut pas s'y

méprendre la privatisation n'est en rien synonyme d'autonomie puisque tous ces journaux sont en

grande partie alimentés par les articles de la TAP (Tunis Afrique Presse), et donc se contentent de

reproduire le discours gouvernemental qui y est publié. Face à cette pression de l'état pour tout ce

qui concerne l'actualité politique, économique, sociétale ces journaux se sont résignés et accordent

de plus en plus de place au faits divers, aux loisirs, aux divertissements, à la culture entraînant ainsi

une marginalisation du débat d'idées, qui de toute manière est fossé par la censure et l'omniprésence

du discours officiel.

Vient s'ajouter à ce contexte très répressif des difficultés économiques importantes pour la

Tunisie. En effet le taux de chômage est en hausse et se trouve aggravé par une population active

grandissante. Aussi ce ne sont plus seulement les catégories sociales les plus vulnérables qui sont

touchées mais l'ensemble de la population en particulier les jeunes diplômés qui peinent à trouver

un emploi et se retrouvent dans des situations de plus en plus précaires. Dans cette branche de la

population le taux de chômage atteint les 20% en 2010 voire même 60% pour cette certaines filière

d'après un rapport de la banque mondiale. On comprend donc aisément que dans un tel contexte

politique et économique, et surtout face à l'exaspération de la population qui ne se reconnaît plus

dans son gouvernement et qui ne peut s'indigner que silencieusement face à l'opulente richesse dans

laquelle vit son président et ses proches, que la Tunisie était depuis un certain temps un baril de

poudre prêt à exploser. Néanmoins face à l'allégeance des médias (télévisions, radios et presses

confondus) on comprend bien que ce n'est pas sur ce front là que la libération de la parole a pu

s'opérer. En effet qui dit révolution dit revendications et supposent donc que les tunisiens ont du se

lancer dans une reconquête voire même une conquête de l'espace public pour faire entendre leur

voix, et leur exigences. C'est face à ce constat de la nécessité d'ouvrir un espace annexe d'expression

en dehors d'un système médiatique bien rodé et verrouillé que se pose la question du rôle des NTIC

et en particulier d'internet dans la révolution qui a agité l'ensemble de la Tunisie entre décembre

2010 et le 14 Janvier 2011.9 Zeineb Touati «La révolution tunisienne: interactions entre militantisme de terrain et mobilisation des réseaux

sociaux» p. 121-141, n° VIII | 2012 : Dossier : Un printemps arabe? L'Année du Magreb.

68

Page 72: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

La découverte d’un esprit de dénonciation et de critique

Précédemment on rappelle que l’État était devenu l’unique régulateur des rôles et des législations

médiatiques, il avait la mainmise sur tout. Ce contexte a fait émerger des revendications populaires.

C’est une révolte pour la démocratie. Le slogan scandé pendant la révolution est « Liberté Travail et

Dignité ». Lors de la Révolution de Jasmin, les Tunisiens opposés au pouvoir de Ben Ali vont

prouver qu’ils ont un esprit de dénonciation et de critique. Cela va entraîner la création d’un espace

public, un lieu de rassemblement. Il est intéressant de mettre cette situation en parallèle avec le

travail de Luc Boltanski, sociologue et ancien élève de Pierre Bourdieu, sur la sociologie de la

critique (Boltanski Luc, De la critique. Précis de sociologie de l’émancipation, 2009). Pour Luc

Boltanski, l’homme fait la société. Luc Boltanski va se placer contre Pierre Bourdieu (La

Distinction, 1979) qui pense l’existence d’un déterminisme qui construit la personne en fonction de

ses conditions sociales. Luc Boltanski au contraire, pense qu’il faut déplacer le curseur, les

individus ont un esprit critique. C’est-à-dire qu’ils sont capables d’argumenter, de penser et de

défendre des idées. Comme le prouve le peuple tunisien au lendemain de la Révolution, en passant

d’un état fragmentaire à une reconnaissance collective dans la réussite de leur lutte contre la

domination. Ils vont pouvoir « trouver la force nécessaire pour accéder à une grandeur à laquelle ils

ne peuvent pas, chacun pris isolément, non seulement atteindre, mais même prétendre » (Luc

Boltanski, De la critique, 2009, p227). La collaboration entre Luc Boltanski et Laurent Thévenot va

donner naissance à un livre De la Justification, les économies de la grandeur, 1991. Dans cet

ouvrage, les auteurs développent l’idée que les êtres humains ont la capacité de regrouper des

éléments pour justifier des manières d’agir. Ils vont travailler sur les différentes grandeurs

(principes, équivalences, valeurs de référence) qui permettent aux individus de manifester leur

désaccord sans recourir à la violence.

Avec la révolution et la découverte de la dénonciation et de la critique qu’elle entraine, plusieurs

questions se posent notamment le fait de savoir qui participe. Pour Joan Stavo-Debauge dans son

texte Le loup dans la bergerie, septembre 2012, il pense que tout le monde peut participer dans la

mesure où il fait usage public de la raison. Les individus doivent être capables d’être porté à

l’exigence de la raison et à l’exercice de la critique. La démocratisation de la société est allée de

pair avec la scolarisation pour Emmanuel Todd, démographe et historien français.

La découverte de la dénonciation et de la critique par le peuple tunisien a été impulsée par différents

moyens comme les NTIC et les manifestations qui ont permis de redessiner l’espace publique

tunisien.

69

Page 73: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

3.2.2. La constitution d'un espace médiatique comme lieu d'émergence d'un espace public

L'affaire Nessma tv semble témoigner de l'apprentissage de la démocratie et de la parole

publique. En effet nombreux sont les médias aussi bien tunisiens qu'internationaux qui parlent de

l'envergure exceptionnelle qu'a pris l'affaire Persepolis en Tunisie, et qualifient le procès de «procès

d'opinion». C'est la première fois que l'ensemble de la population se mobilise autant, et surtout

s'exprime autant à propos d'une affaire juridique. Le journal télé obs écrit au lendemain de son

report que pendant que le procès à lieu à l'intérieur du tribunal, à l'extérieur on assiste à un «vif

débat sur la liberté d'expression». On comprend que les Tunisiens se passionnent pour l'affaire non

pas forcément parce qu'il y a eu atteinte au religieux (des procès pour ce type de motif ont déjà,eu

lieu auparavant) mais parce que c'est la première fois qu'ils ont l'occasion de s'exprimer sur une

affaire judiciaire. C'est donc parce qu'un espace public s'est créé en Tunisie que la notion même

d'opinion publique devient une réalité. C'est en ce sens qu'il paraît pertinent de voir comment les

NTIC et la Révolution de Jasmin ont permis la construction d'un espace de parole et de libre

expression car cela nous donne des éléments de compréhension pour mesurer l'envergure de l'affaire

Nessma tv.

Pour déterminer le rôle d'internet dans l'émergence d'une opinion publique tunisienne il

paraît pertinent de s'intéresser à la définition que propose Habermas de l'espace public entant qu'elle

montre le rôle fondamental des médias. Il restitue sa réflexion dans un contexte historique en

montrant que la notion d'espace public émerge au 18ème siècle avec le surgissement des cercles

bourgeois et le développement des moyens de communication. C'est la connivence, l'interaction

finalement naturelle entre ces deux entités (les cercles bourgeois et la presse) qui va permettre la

naissance d'un lieu à la fois symbolique et matériel d'échange d'idées et d'opinions diverses. En

effet, ces cercles bourgeois, même si à l'époque ils ne s'étendent qu'à une infime partie de la société,

reposent sur un principe clé qui consiste dans le fait que des personnes privées avec des intérêts

propres décident de se réunir pour échanger des idées. Ce processus de sortie de la sphère

personnelle pour se réunir en un public est fondamental puisqu'il suppose de ne plus réfléchir selon

ses propres motivations mais de faire un usage public de sa raison, dans l'intérêt de tous. Le fait de

se réunir en cercle implique d'accepter de s'ouvrir aux opinions des autres et est donc propice aux

débats, à la confrontation avec l'idée que l'on donne plus d'importance à la valeur des arguments

qu'au statut social. Cet avènement de l'espace public bourgeois se fait en concomitance avec l'essor

de la presse. Elle va favoriser le diffusion de l'information sur les décisions prises par l'état, va

permettre l'émergence d'un public qui commence à se percevoir comme un interlocuteur direct et

concerné par ce qu'on lui communique. En effet par la presse plus grande diffusion, l'individu sent

qu'il a un rôle à jouer dans l'espace public. Émerge ainsi un esprit critique, puisqu'il sent qu'il est

70

Page 74: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

amené à émettre un jugement. Aussi voit-on que l'espace public par essence, est hautement connecté

à la sphère politique et médiatique. Il peut être comme le montre si bien Habermas à la fois un lieu

réel, physique comme un café, une assemblée, une place, ou une rue. Mais aussi un lieu

symbolique, un espace médiatisé, encadré par des moyens techniques qui permettent la circulation

de l'information. On voit alors qu'il y a une forte relation d'interdépendance entre les cercles

bourgeois et les médias. Ces premiers stimulent la presse par leur débats au même titre que la presse

vient nourrir leur réflexion. Cette notion de l'espace public a certes connu certain réaménagements

avec le temps, notamment sur le fait que ces espaces de débats se sont progressivement ouverts à

l'ensemble de la société mais le principe de base reste le même.

Le rôle des NTIC dans l'émergence d'un espace public

Aussi faut-il encore montrer en quoi cette réflexion menée par Habermas au 18ème siècle

peut nous permettre de comprendre ce qu'il s'est passé en Tunisie au moment de la «révolution de

jasmin» en 2010, c'est à dire comprendre le rôle décisif qu'ont joué les NTIC dans la constitution

d'un espace d'expression libre et critique vis à vis du gouvernement. En effet dans un contexte où le

système médiatique tunisien n'était porteur que du discours officiel, les tunisiens n'accordaient que

peu de crédibilité aux informations fournies par ces médias, et nourrissaient une profonde méfiance

à l'égard de ceux- ci. Il apparaît alors plus qu'évident que ces médias étatiques (tout supports de

diffusions confondus) n'ont joué aucun rôle dans la révolution, puisque jusqu'au 13 janvier 2011,

jour où la censure à été abolit, ils étaient porteurs d'un discours consensuel et méticuleusement

contrôlé par le gouvernement. Ce vide médiatique a d'autant plus renforcé le rôle d'internet et des

réseaux sociaux, puisqu'ils se sont imposés comme le moyen le plus évident non seulement

d'obtenir de vraies informations mais aussi de communiquer et d'échanger des idées. En effet

internet de par sa forme même est destiné à permettre une accessibilité accrue aux informations,

notamment par la diversification des sources. Offre un élargissement des possibilités et des lieux

d'expressions (blog, sites, chat...). Et surtout est le lieu par excellence de la démocratie participative,

entant qu'il s'ouvre aux pratiques amateurs. Tout individu peut être porteur d'informations sans être

journaliste; c'est donc toute la hiérarchie de légitimation que met en place la société qui s'en trouve

bousculée puisque c'est le réseau lui même qui vaut comme nouvelle instance normative, et qui

légitime les propos de telle ou telle personne. Aussi sur internet, la parole peut être libre et

décomplexée, l'avis de chacun ayant la même valeur initiale. On voit donc que par essence internet

peut faire du citoyen un acteur mobilisé. Or cette potentialité qu'offre le web, a fait de lui un moyen

de communication et de mobilisation non seulement privilégié mais nécessaire dans le contexte

tunisien. On assiste notamment à l'accroissement du nombre d'utilisateurs facebook. On est passé de

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Page 75: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

16 000 début 2008 à presque 100 000 en septembre 2008, puis à près de 800 000 en octobre 2009

pour atteindre les 2 millions début janvier 2011, avec environ 77% des profils composés par des

internautes entre 16 et 34 ans. Cela tend a montrer que facebook mais aussi twitter ont grandement

contribué à la mobilisation de la population. Néanmoins il est important de noter comme l'explique

Zeineb Touati, que l'utilisation des réseaux sociaux n'était pas particulièrement politisée à la base, et

que cette accroissement de l'utilisation de réseaux sociaux aurait eu lieu révolution ou non, même

s'il est vrai que les soulèvements en Tunisie ont accélérer ce processus. La majorité des gens

n'avaient de facebook qu'un usage généraliste, de divertissements, d'échange de courriels et ce sont

les militants qui ont contribué a tisser un réseaux de mobilisation en diffusant des informations à

caractère politiques et revendicatrices sur la toile.

Par ailleurs, il ne faut pas négliger l'importance de la téléphonie mobile de plus en plus

souvent équipée de caméras et d'appareils photos: 90% de la population possèdent un téléphone

portable voire 100% dans certaines villes. De plus l'élargissement au réseaux 3G favorisent des

échanges toujours plus vifs, toujours plus rapides. On peut poster et diffuser vers des millions de

gens en même temps une vidéo, une photo via son téléphone et ainsi informer les autres de ce qu'il

se passe. Ainsi se crée avec les NTIC un nouvel espace public basé sur une mobilisation

informationnelle par le bas. C'est à dire que l'information vient des citoyens, les photos et les vidéos

viennent d'amateurs et tout ces éléments constituent autant de témoignages, de preuves du caractère

hautement répressif du régime, et ont ainsi alimenter le sentiment d'indignation et de colère du

peuple tunisien envers son président et son gouvernement. Par ailleurs il ne faut pas négliger le rôle

des médias transnationaux comme le fait remarquer Zeineb Touati. Fortement présents en Tunisie,

ils ont couverts les événements révolutionnaires, et ont permis l'accès à une information autre que

celle produite par la propagande officielle et diffusée dans l'ensemble des médias tunisiens. On peut

notamment citer Al Jazeera ou Al Arabiya, qui tiennent un discours beaucoup plus critique sur le

gouvernement tunisien, et ont permis d'ouvrir un espace d'échange entre tous ceux que le régime de

Ben Ali a essayé de faire taire et le peuple tunisien qui n'avait pas connaissance de l'existence de ces

personnes avant cela. En effet ces chaînes ont donné la parole aux dissidents exilés, aux militants

des droits de l'Homme. Toutes ces catégories bannies par les médias tunisiens ont trouvé dans les

médias transnationaux un espace de parole libre qui leur a permis de toucher la population et

dénoncer le régime de Ben Ali.

Les réseaux sociaux, internet, les chaînes de télévisions transnationales ont donc clairement

participé de la mobilisation. Un espace virtuel d'expression s'est créer, s'est politisé et s'est affirmé

comme un lieu d'abord symbolique puis réel d'engagement. Les tunisiens ont eu l'opportunité de

72

Page 76: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

s'exprimer, de libérer leur parole et d'exercer leur jugement critique s'érigeant ainsi comme peuple

qui apprend à jouer le jeu démocratique.

Néanmoins, il serait trop réducteur de croire que ce sont les réseaux sociaux qui ont fait la

révolution. Ce passage d'un espace symbolique d'expression à un espace public concret et matériel

ne s'est pas fait par internet mais bien par la rue.

3.2.3. Lieu de naissance du débat public au sein d’une démocratie qui se cherche : l’importance de

la rue

Les NTIC vont créer un espace public virtuel et mondialisé. Dans le même temps la rue est depuis

toujours, dans toutes les histoires, un espace d’échanges et de débats. La rue a joué un rôle

important lors de la Révolution de Jasmin, elle a permis aux tunisiens de se rassembler et de

s’exprimer.

La rue, lieu emblématique des débats

La rue permet aux individus de se rassembler. Dès la diffusion de Persepolis, le 7 octobre 2011 sur

Nessma Tv, 200 protestataires descendent dans la rue avec des armes blanches pour exprimer leur

mécontentement (anonyme, Journal Badnet, 14.10.2011). Cette première manifestation marque les

prémices d’une grande contestation. Dès le 14 octobre 2011, des manifestations vont exploser dans

plusieurs lieux de Tunis (anonyme, jeuneafrique.com, 14.10.2011). Ces manifestations deviennent

de véritables moyens d’expressions. Jurgen Habermas dans son travaille sur l’espace public

(L'espace public. Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société

bourgeoise, 1988) travaille sur la notion de discours. Finalement avec la diffusion de Persepolis

dans l'espace public, cela va permettre la production de discours et une insertion dans des

préoccupations sociales des individus. Les manifestations sont des formes d’expressions collectives

et deviennent les discours. Il y a plusieurs formes de manifestations, celles qui soutiennent Nessma

Tv et celles qui sont contre la diffusion du film. La manifestation du 16 octobre est une

manifestation en faveur de la liberté d’expression, les manifestants défilaient pour montrer leur

soutien à Nessma TV.

Avec l’affaire Persepolis, la rue redevient un lieu emblématique d’expression et d’engagement. La

rue permet de créer un espace où les individus s’expriment librement dans le respect et la tolérance.

Cela permet de rendre la démocratie palpable. Au cours de l’histoire plusieurs crises ont été réglées

dans la rue. En mai 68, les étudiants sont descendus dans les rues pour exprimer leur

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Page 77: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

mécontentement et ils ont été suivis par une grande partie de la société. Lors de la manifestation du

dimanche 16 octobre 2011, les manifestants vont arborer des slogans de mai 68 (Thierry Oberlé,

Lefigaro.fr, 16.10.2011). Sous certaines dictatures, la rue était interdite aux individus car cela

voulait dire que le peuple allait s’exprimer. Les gouvernements avaient peur des rassemblements qui

pouvaient entraîner des débats et donc des manifestations de mécontentement.

Les manifestations rassemblent des individus aux idées similaires. Dans la majorité, elles ont un but

de dénonciation. La rue permet d’être visible par tous, l’espace publique est alors mis en scène pour

faire naître une démocratie.

La mise en scène de l’espace public par les manifestations

La rue devient un véritable spectacle lors des manifestations. Plusieurs éléments entrent en jeu

comme les slogans, les drapeaux et les pancartes arborés. Les manifestations du 14 octobre 2011,

sont très représentatives. Dans les photos rapportées on peut voir le drapeau tunisien et le drapeau

d’Ennahda. Ce dernier permet de montrer que les islamistes sont présents dans les cortèges.

Personnes ne se cachent. Les manifestations ont leur propres slogans, les anti-nessma hurlent des

« Allah Akbar : Dieu est grand » (Anonyme, El Watan, 14.10.2011) alors que les autres vont arborer

des slogans inspirés des chansons de Brassens et des mots d’ordres de mai 68 (Thierry Oberlé,

Lefigaro.fr, 16.10.2011). Chaque manifestation a ses propres slogans et drapeaux.

Il est intéressant de regarder le parcours des manifestations. Il y a une scénographie très précise. Les

détails à propos des manifestations du 14 octobre concernent la ville de Tunis. On apprendra plus

tard que des marches ont éclaté dans d’autres villes comme à Monastir, Béja et Sidi Bouzid (Z.A,

Kapitalis.com, 14.10.2011). A Tunis, les manifestants ont démarré de la mosquée El Fath et sont

allés jusque le quartier La Kasbah où se trouve le Ministère de la Culture et le siège du

gouvernement ainsi que la mosquée de La Kasbah (Ahmed Nemlaghi, Le Temps, 15.10.2011). Il y a

une réelle mise en scène dans ce trajet. La manifestation a eu lieu un vendredi, jour de culte de

l’islam, ce qui explique le commencement à la moquée. Les protagonistes ont bien choisi leur

destination en allant jusqu’au Ministère de la Culture. Ils ont donné encore plus de sens à leur

marche.

C’est un spectacle qui reste pacifique mais qui, lors des manifestations en Tunisie s’est révélé

violent. Les slogans étaient très durs à l’égard de Nessma TV comme « le peuple veut un kalifa

islamique » ou « Dehors les pourris de Nessma : Karoui dégage ! » (Ahmed Nemlaghi, Le Temps,

15.10.2011). Les contestations entrainées par l’affaire Persepolis ont permis de montrer à quel point

la violence était présente, une violence impulsée par différents acteurs. Certains débordements ont

été signalés, ils divergent selon les médias.

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Page 78: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

La rue, un espace public orchestré par des acteurs

La question est de savoir qui fait quoi ? Qui a demandé aux gens de descendre dans la rue après la

diffusion de Persepolis. Tout cela est un travail de détermination. Pour Michel Barthélémy et Louis

Quéré dans leur travail sur l’affaire Carpentras (1992), la détermination conduit l’action appropriée

à l’événement. C’est l’action de certaines personnes qui détermine un acte. Hannah Arrendt à

travailler sur l’importance de l’action (Condition de l’homme moderne, 1958). Pour elle, les

hommes doivent travailler à laisser une trace dans le monde au-delà de leur propre mort. C’est le

cas des imams qui ont joué un rôle important dans les manifestations du 14 octobre. Les imams ont

attendu le prêche du vendredi pour influencer leurs fidèles. Le rassemblement était plus facile étant

donné que le regroupement préétabli dans les lieux de cultes, il s’agit d’endoctrinement des masses.

Les imams ont impliqué la religion dans cette affaire. L’imam Nourredine Khadim est désigné par le

site Nawaat comme étant un des organisateurs de la manifestation. Il va appeler à un retour du

Coran pour la Constitution (Anonyme, Nawaat.org, 14.10.2011). Le peuple tunisien joue aussi un

rôle. C’est lui qui est enrôlé par les imams et descend dans les rues. Les individus deviennent des

acteurs de l’espace public.

La rue est investie par les tunisiens pour manifester mais elle est aussi utilisée par les artistes

comme moyen d’expression. Le collectif d’artistes Art Solution a choisi de défendre la liberté

d’expression face aux salafistes en dansant dans les rue de Tunis (Rania Massoud, Le Courrier

International, 13.12.2012). Des étudiants de Tunis ont aussi décidé d’envahir la rue pour réaliser un

Harlem Shake afin d’exprimer leur ras-le-bol du marasme vécu au quotidien (Rachid Barnat, Le

Courrier International, 01.03.2013).

En pleine recherche de démocratie, les rues tunisiennes sont devenues un espace publique de débats

et d’opinions.

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Page 79: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

3.3 Un flou médiatique : comment définir et utiliser la liberté d'expression ?

Charlotte HOORELBEKE et Joris NAESSENS

3.3.1 Liberté d'expression, la question qui divise

L’émergence d’un espace public tunisien: entre mobilisations et affrontements

Durant la révolution, les médias ont été un des acteurs de cette transition démocratique. Après la

chute de Ben Ali, la chaîne privée Nessma TV a provoqué un bouleversement dans le régime

tunisien. En effet, le 7 octobre, la diffusion du film Persepolis de Marjane Satrapi fait polémique et

entraîne des vagues de contestations. A l’écran, la représentation de Dieu a été très contestée. Ces

événements ont en effet engendré une forte mobilisation de la population, qui se reflète à la fois

dans les journaux et sur les réseaux sociaux. Or, “L’endurance des masses engagées dans la

contestation est une nouvelle forme de mobilisation” (Gonzalez-Quijano, 2011), mobilisation qui a

engendré de profonds bouleversements, et notamment sur la question de l’opinion publique. en

effet, pour Habermas le modèle de l’émergence d’un espace public démocratique se fonde comme

un espace de discussion et de critique (Jürgen Habermas, 1962). Il décrit alors que « le processus au

cours duquel le public constitué d'individus faisant usage de leur raison s'approprie la sphère

publique contrôlée par l'autorité et la transforme en une sphère où la critique s'exerce contre le

pouvoir de l'État. ». Il montre que la mobilisation des citoyens, la multiplicité des discussions,

débats, critiques … mises en liens avec l’intervention des médias permettent la distinction du

pouvoir, et parfois, comme c’est le cas ici, de la transformation de celui-ci, par le peuple. A partir de

cet évènement cité plus haut, nous pouvons nous poser la question de la liberté d’expression. Cette

interrogation divise le peuple et interroge leur propre image au sacré. De même, le 26 juin 2011, le

film Ni allah, ni maître provoque des affrontements devant la salle de cinéma. Dans les deux cas,

nous retrouvons deux femmes artistes qui incitent à regarder la Tunisie sous un nouveau regard. La

liberté d’expression est mise à mal par ces groupes islamistes qui revendiquent une identité unique

et impose les choix dans le culturel. Nous pouvons mettre en lien avec le partie Ennadha qui a

remporté les élections de l’assemblée nationale constituante. Durant ces révoltes, cette liberté

d’expression s’est témoignée dans la rue par des tunisiens en colère par le film Persepolis mais aussi

contre la société actuelle. Le long-métrage a été la première pierre à l’édifice pour pour revendiquer

une meilleure liberté d’expression Dans ces conséquences, il s’agit de défendre une liberté

d’expression en Tunisie et le respect des moeurs, des traditions dans le pays. Face à cette diffusion,

la dimension politique est important et relance le débat sur l'identité arabo-musulmane des

Tunisiens. Cette liberté d’expression entraîne un questionnement sur l’identité propre des Tunisiens.

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Pour mettre en avant ces interrogations et rendre compte des violences concernant la liberté

d’expression, les journalistes essayent d’informer et de mettre en forme d’information dans un

mouvement contestataire. Pendant la dictature de Ben Ali, les journalistes ont des indications. Ils

manquaient de liberté pour critiquer le gouvernement et les atouts. Depuis janvier 2011, ils sont

dorénavant plus libre avec le traitement de l’information. Ils renversent la tendance et les obstacles.

Ils apprennent peut à peu leur rôle mais ils ont des difficultés à faire leur métier. De plus, il y a une

lutte dans un va et vient entre de nouvelles idéaux de la révolution et une force du passé. La chute

du régime de Ben Ali entraîne la fin de la censure et provoque des opinions conservatrices dans la

presse. Une explosion de la parole conservatrice met un voile sur la liberté d’expression. Les

manifestations pour le film Persepolis en témoignent. Malgré ces attaques, Nabil Karoui juge que

“Nessma est une chaîne moderniste du Maghreb. On se se laissera pas intimider et continuons à

diffuser les films qu’on veut. On n’a pas chassé une dictature pour revenir à une autre” (Alain

Vincenot, France Soir, 25/10/ 2011 ).

Un élan révolutionnaire face à un sentiment de liberté

Ces bouleversements politiques entraînent un changement dans les salles de rédaction, plus de

liberté et de responsabilité. De plus, la révolution internet adopte et change la presse écrite. Le

printemps arabe agit comme un “catalyseur” “Un formidable accélérateur de particules qui n’est

cependant pas sans danger dès lors que ce soudain emballement est propice à la perte de contrôle et

la surenchère” ( Marwane Ben Yahmed, Jeune Afrique, 25/11/2011). La Tunisie apparaît comme

une explosion libertaire où l’affaire Persepolis en témoigne. Dans cette transition démocratique, les

journalistes de Ben Ali doivent prendre leur retraite pour laisser place à nouveau souffle avec des

nouveaux journalistes et de nouvelles équipes éditoriales. Les médias veulent quitter ce vent de

dictature pour aller vers une démocratie. Ils veulent préserver cette liberté d’expression et donner

davantage la parole aux Tunisiens. Dans ces conditions, la liberté d’expression marque un tournant

dans le champ journalistique. En effet, l’on peut voir dans les articles de la journée du 18 octobre

2011, qui interviennent le lendemain de l’ouverture du procès à l’encontre de Nessma TV à propos

de la diffusion du film Persepolis où l’on apprend que Nabil Karoui, président général de la chaîne,

Hédi Boughnim, responsable du visionnage, ainsi que Nadia Jamel, doubleuse pour le film et

présidente de l’association “image et parole” sont poursuivis pour “atteinte aux bonnes moeurs, aux

valeurs du sacré et de trouble à l’ordre public”, montrant ainsi que ces questions restent un sujet très

sensible. Si ce procès semble marque l’émergence d’une opinion publique, tant la mobilisation est

forte, les Tunisiens font “ l’expérience d’une bipolarisation, qui suscite des réactions parfois

violentes”, les clivages ambiants étant fortement marqués (Smain Larcher et Cedric Terzi,, 2012).

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Les articles relatent d’ailleurs pour beaucoup d’une véritable “cohue” le jour du procès. Iran French

Radio qualifie d’ailleurs ce procès de “premier du genre”. C'est la première fois que l'ensemble de

la population se mobilise autant, et surtout s'exprime autant a propos d'une affaire juridique. Le

journal Télé obs écrit que pendant que le procès à lieu à l'intérieur du tribunal à l'extérieur on assiste

à un « vif débat sur la liberté d'expression». On comprend que ce procès est le moyen pour les

tunisiens de conquérir l'espace public et d'en faire un lieu d'expression.

une fierté nouvellement acquise mais la conviction que tout reste à faire

Néanmoins, la question de cette liberté d’expression est loin d’être acquise. Selon Cédric Terzi et

Smain Larcher, “les élections d’octobre 2011 ont ouvert un nouveau cycle qualitatif: les Tunisiens

ont découvert une diversité sociale, politique, culturelle que beaucoup n’imaginaient même pas.

Ceci est particulièrement vrai s’agissant, d’une part, du très grand morcellement de ce qu’on appelle

couramment les “forces progressistes” et, d’autre part, de la puissance politique et militante des

mouvements islamistes”. En effet, il semble persister de forts clivages et interrogations entre des

citoyens enclins à la transition démocratique et l’émergence d’un espace de libre expression, et

d’autres qui se placent dans une contexte plus “traditionaliste” et restent très attachés justement ces

valeurs de “bonnes moeurs et respect de la religion”. Ainsi, Nabil Karoui dénonce t-il que “les gens

qui ont voulu détruire la chaîne sont libres et que [moi] je suis ici parce que j’ai diffusé un film”,

voulant montrer que cette liberté d’expression est loin d’être acquise. De même, un des journalistes

vedettes de la chaîne, Sofiene Ben Hamida qui dit que “nous assistons à un procès d’opinion qui

nous rappelle la période de l’Inquisition”, montrant que les Tunisiens ne sont toujours pas libres de

leurs opinions et de leurs actes. Inversement, nous pouvons citer les propos de Saifeddine

Makhlouf, avocat de la partie civile pour qui, selon, lui “la liberté d’expression à des limites. Nous

avons des valeurs, nous sommes un peuple musulman et un film qui présente Dieu en caricature

dans un dessin-animé, cela nous touche”. il précise par la suite que la partie civile à réuni plus de

100 000 signatures de personnes de citoyens souhaitant se joindre à la plainte en cours. Il y a donc

bel et bien l’émergence d’une opinion publique, en témoignent d’ailleurs certains blogs tels que

Afkar (blog tunisien) où il s’agit clairement d’une prise de position de la part de l’auteur. Dans le

même cas d’un dessin faisant polémique, Jeanne Favret-Saada rend compte d’une crise mondiale à

partir de douze petits dessins publiés au Danemark. Dans son travail ethnographe, elle rend

comment ces caricatures ont provoqués une polémique mondiale. Dans comment produite une crise

mondiale en douze petits dessins, elle fait un travail engagé sur cette affaire. À travers ce livre, nous

découvrons la portée de l’immigration dannoise et nous voyons cette représentation des images

portées par les imams fondamentalistes. Nous voyons cette portée du religieux sur les médias

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Page 82: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

comme dans l’affaire Persepolis. Mais Favret-Saada nous montre ce jeu des relations entre états et

religion. Mais cela traite de la liberté d’expression des médias européens avec des valeurs

démocratiques. Néanmoins, il reste que la mise en pratique de cette opinion publique reste difficile

et est loin d’être acquise. Il faut d’ailleurs noter la report du procès. Ainsi le journal français 20

Minutes titre t-il: “Tunisie: altercations et cohue au procès Persepolis, reporté en avril” (Fethi

Belaid, 23 janvier 2012). Ainsi, la liberté d’expression est une composante essentielle, à laquelle les

Tunisiens vont devoir s’y pencher, à l’émergence d’un espace public tunisien “uni”. Néanmoins, il

nous faut tout de même noté un fort attachement, un certain élan nationaliste qui reste présent et qui

tend à conserver une certaine cohésion. En effet, Smaïn Larcher et Cédric Terzi pointent que “ tous

les groupes, qu’elle que soit leur obédience idéologique [...] arborent ostensiblement le drapeau

tunisien” (Smain Larcher et Cedric Terzi, 2012). De même, nous avons remarqué dans nos articles

un certain besoin d’affirmation des faits accomplis par le pays tunisien. En effet, SlateAfrique titre

« la Tunisie a déjà gagné » et semble vouloir insister sur l’importance des choses accomplies dans

ce pays (Akram Belkaïd, 20 octobre 2011). On remarque une utilisation de termes, comme des

sous-titres qui font penser au vocabulaire de la guerre, de la victoire : « véritable tour de force », «

mission accomplie ». Romandie parle d’une « nouvelle liberté » ( auteur inconnu, 20 octobre 2011).

3.3.2. Une information éclatée

Un terrain fertile pour l’information et les médias

Dans cette période de bouleversements politiques et sociaux, les flux d’informations étaient

conséquents et elle apparaît sous différents médias (télévision, presse, radio, réseaux sociaux...

caractère Transmedia de ces événements ). Chaque chaîne avec leur ligne éditoriale traitait les

événements différemment par rapport à leur prise d’opposition politique. Sous le régime de Ben Ali,

la politique cadrait l’information et la mettait en forme de façon à faire passer leur message. La

réception de ces informations était unique, aucune fuite ou message privé n’était lancé. Après la

chute de Ben Ali, la censure est levée donnant plus de liberté aux médias. Très vite démocratisée,

l’information est devenue un outil indispensable et permet d’échanger les sources en temps réel.

Ainsi, les journalistes ont pu exercer leur travail dans de meilleures condition, du moins c’est ce que

l’on pouvait en penser. Néanmoins, nous pouvons dire que les médias tunisiens se sont imposés au

cour de la révolution. L’affaire Persepolis en témoigne par la multitude d’articles provenant de la

presse écrite ou des reportages vidéos. Nous pouvons constater que lors de la révolution, les chaînes

locales et arabes ont une part d’audience important. Pour exemple, Al-Wataniya (public) voit son

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audience montée à 33,4 %, Hannibal TV (privée) est à 22,3% et Nessma TV (privée) est derrière

avec 12,7%. Nous constatons une ferveur pour ces chaînes locales. (Jeune Afrique, Frida Dahmani,

Jeune Afrique, 25/11/2011). Les manifestations prennent de l’ampleur dans les médias dépassant le

temps de parole des débats politiques. Nous pouvons questionner la hiérarchie de l’information dans

le travail journalistique “A quelques jours des élections de l’Assemblée constituante, le 23 octobre,

ce ne sont pas les débats politiques qui font la une en Tunisie mais le “Persepolisgate” (Frida

Dahmani; Jeune Afrique, le 25/11/2011). Dans ces conditions difficiles, les journalistes mettent en

avant ces révoltes pour montrer et donner envie au peuple de manifester suite à des images qui

caricaturent le sacré. Hamida El Bour, professeur de l’institut de presse et des sciences

d’information sur le web et les réseaux sociaux, affirme “alors qu’on vivait encore sous la censure

de la dictature, il y a une grande soif d’informations et tout était diffusé sur les réseaux sociaux.

C’était l’espace où circulait une information plutôt cacophonique et l’image à l’état brut” (Zohra

Abid, Kapitalis, le 22/0/2013). Ce qui a marqué ces révolutions sont les réseaux sociaux.

Mais des informations pas toujours fiables et organisées

Les citoyens tunisiens postaient des photos ou vidéos sur les pages Facebook et Twitter. Sans

contrôle, leurs informations étaient repris par les médias. Les révolutions ont mises en lumière les

blogueurs et les activistes. Ces premiers commentaient l’actualité et racontait leur journée au sein

de cette révolution. Pour les journalistes, les sources ne venaient plus des institutions journalistiques

mais des consommateurs qui devenaient ainsi producteurs d’information. Ils n’obéissent pas aux

règles déontologiques et juridiques du métier. Ces deuxièmes exposent un avis personnel, c’est une

prise de position. Dans ce mouvement contradictoire, les journalistes publiant des informations non

vérifiées entraînent à des erreurs, des atteintes à la vie personnelle, à des diffamations et injures.

Certes, l’information est plus accessible et rendu public par les réseaux sociaux mais elle n’est pas

expertiser. Nous pouvons nous demander si cette information est légitime car elle intervient dans un

manquement de loi et d’encadrement. Christophe Aguiton, chercheur en sciences sociales, pose les

concepts de l’espace public, sphère ouvertes à toutes expressions et espace privé, vie privée montrer

comme sacré. En effet, les informations peuvent mettre en danger des personnages publics dans cet

objectif d’informer les tunisiens en toute transparence. Les photos, publiées sur Facebook et

rediffusées dans la presse avec une nouvelle légende, pose la question du droit à l’image et le

respect de l’anonymat. “Les photos de presse pourraient porter préjudice à certains gens qui, droit à

l’image, sont en droit de refuser que leur vie privée soit partager dans un espace à ciel ouvert”. Les

réseaux sociaux entraînent un débat entre le privée et l’espace social. Dans une crise identitaire, les

réseaux sociaux, particulièrement Facebook, sont devenus un monopole de situations

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d’informations. Ainsi, nous avons une informations éclatée entre les médias de masse et cette

emprise d’internet. Cette “cyberévolution” montre ce qui se dit et ce qu’il se fait. L’utilisation de

Facebook permet un “live” constant entre la Tunisie et les autres pays du monde. Avec internet, la

révolution tunisienne est devenue une révolution internationale. Nous pouvons aussi constater que

l’information est traitée différemment au niveau local et international. En Tunisie, la presse et les

réseaux sociaux formeront un tout pour apporter une masse d’information sur les révoltes. Tandis

qu’en France, les journalistes se répercuteront sur la presse pour ne pas fausser leurs informations et

porte leur attention sur des faits antécédents, afin de mieux cerner le sujet. La place du

correspondant aura son importance car il permettra de relever la tension et l’ambiance dans ce pays.

Pour cette révolution “numérique”, nous pouvons affirmer que les réseaux sociaux sont le reflet ce

qu’il se passe pendant la révolution par ces flux vidéos. Ces témoins citoyens deviennent des

reporters et journalistes. Néanmoins, les cyberactivistes refusent l’idée d’une révolution Facebook.

Dans “Réseaux sociaux et révolutions arabes” de Mounir Bensalah, il montre le rôle des blogueurs à

travers cette transition. Il y a une certaine “virtualité’ du terrain où on informe malgré un risque

d’instrumentalisation.

3.3.3. le rôle du journaliste : entre reconnaissance et accusations, un flou médiatique qui reste à

définir

Un journalisme pris à parti

Le rôle du journaliste est d’informer. Ils se positionne entre la société et les grandes instances

politiques. Ils traitent de thème que les lecteurs ou auditeurs ont envie de voir. En Tunisie, ce métier

est reconnu par les citoyens après la révolution mais s’ils s’interrogent sur leur totale indépendance

dans une population qui ses à des aspirations contradictoires ‘Frida Dahmani, Jeune Afrique, 25

octobre 2011). En même temps, ils créent un flou dans leur condition de travail et du rendu de

l’information. Nous pouvons nous interroger sur l’émergence des médias dans la consolidation

d’une démocratie. Par ailleurs, ils développent une liberté d’expression et une liberté de presse.

Dans cette révolution tunisienne, le rôle du journaliste est crucial. Les médias libres ou

indépendants fournissent des informations que permettent de faire des choix, participer à la vie

démocratique. Ils essayent de mettre en avant l’effort une transparence et une responsabilité des

autorités envers les citoyens en donnant libre parole aux politiques, associations, organismes lors de

débats. Ainsi, ils permettent une cohésion entre actualités et public. Les journalistes sont reconnus

pour leur travail avec les nouvelles formes de communication (forum, micro-blogging). Ces

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Page 85: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

systèmes permettent de partager ou modifier des informations. Ils mettent en forme l’interaction

journalisme/participation. Mais, ils ont toujours une position instable. En effet, nous pouvons voir

dans l’affaire Persepolis qui nous anime que les journalistes ont un manque de respect de

déontologie dans le traitement de l’information sur sa qualité. En reprenant une information sans

vérification, ils s’exposent à des faussetés et à des déclenchements de rumeurs pouvant salir la

réputation d’un personnage public. Nous pouvons prendre le cas de Nabil Karoui où les journalistes

ont posté des informations sans savoir ce qui était vrai ou non. Par la publication, une fausse

information peut se retrouver comme légitime aux yeux de certains groupes tunisiens. En ne

vérifiant pas les sources, les journalistes s’exposent à un manquement grave dans leur métier. De

plus, nous remarquons qu’ils ne contextualisent pas et n’analysent pas ces informations. Ils les

exposent brut laissant libre à des interprétations et à des catégorisations. Pour exemple, nous

pouvons le voir avec l’affaire du bagagiste de Roissy qui a été victime d’un complot familial.

Manipulé par les siens, Abderazak Besseghir est interpellé par la police dans le parking. Au yeux de

la police, il a tout de suite été catégorisé comme terroriste potentiel. Ce français d’origine

algérienne sera condamné. Il a passé deux semaines en prison. Nous pouvons alors nous demander

en quoi Besseghir était représentatif d’un “terroriste”? Nous avons affaire à une catégorisation

physique et morale. Ce cas nous intéresse et nous pouvons le mettre en lien avec Harvey Sacks sur

cette catégorisation. Pour éviter tous représailles, les journalistes tunisiens critiquent rarement le

gouvernement et la société. Dans son travail, ils ne prennent aucune distance et ne marque aucune

objectivité dans son travail. Ils sont dans un partie pris et leur opinion politique gouverne leur choix

et leur orientation. La position du journaliste est remise en cause la position de la télévision

nationale, El-Wataniya, en s’interrogant sur les prises de positions, ses influences avec des vois

radicales. La chaîne sème le trouble dans les esprits et instaure la confusion. “Ils rendent un paysage

complexe à la veille d’élections majeures”. Des rapports plus ou moins directs avec les politiques

provoquent des vives réactions, ce qui engendre des agressions, pressions ou menaces chez les

journalistes. Dans un climat de tension et de mouvement d’opposition, ils ont dû mal à contrôler la

situation ce qui provoquent des dérapages dans les médias. Pendant la révolution, ils agissent dans

un flou où il n’y a plus de ligne éditoriale chaos un chaos médiatique. “Tout est à reconstruire

depuis l’éthique jusqu’aux formats”, dit une étudiante de l’Institut de journalisme, Nawel. “Le

nouveau code de la presse est un bon début, car il précise les devoirs et les droits des journalistes.

Mais ce n’est qu’un début” (Frida Dahmani, Jeune Afrique, 25/11/2011) rajoute-t-elle.

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Page 86: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

Le citoyen-journaliste, le nouveau journalisme ?

Dans son métier, le journaliste doit avoir une conscience morale dans la société. Il doit exposer une

certaine vérité et agir dans une transparence. Ses choix politique ne doivent pas influencer ces

informations. La transparence se doit aussi dans la variété de source et d’élément pour rendre

crédible l’information. Dans une quête de vérité, il doit apporter une liberté d’information,

d’opinion et le droit d’être informer. Si ces journalistes sont corrompus, nous devons nous

demander si les vrais journalistes sont les citoyens. Ceux qui postent l’information en créant une

légende et en contextualisant l’événement. Est-ce la mort du journaliste en Tunisie et le début du

“reporter-citoyen”? Le blog Nawaat est un collectif indépendant fondé en 2004 par des

cyberactivites tunisiens. Par ce blog, l’association défend les libertés fondamentales, la liberté

d’expression et la démocratie. Sa parution s’inscrit contre la gouvernance de Ben Ali. Ce journal

pose la réelle question du statut du journaliste en Tunisie. Depuis la chute de Ben Ali, les

journalistes ont perdu leur réflexe et n’arrive pas à renouveler leur travail journalistique. Pour

Bechir Ouarda, président de l’Observatoire de déontologie du SNJT (Syndicat National des

Journalistes Tunisiens), les anciens journalistes doivent faire des formations ou être recyclé pour

donner un nouveau souffle au journalisme tunisien. Il rajoute que le manque de professionnalisme

se montre. Les nouveaux journalistes devront faire de l’investigation afin travailler dans des

enquêtes et ne plus avoir l’information brut sur le bureau. Ces enquêtes permettraient d’élaborer

l’aspect critique du journalisme. Les médias arabes sont de vrais personnages politique. Ils jouent

un rôle dans cette période de révolte. Ils glorifient les dirigeants en panne de légitimité et jugent les

réformes. Ils possèdent une grande responsabilité. Il jugent et agrandissent le sentiment de révolte.

Malgré la révolution, le statut du journaliste est encore flou et il reste à l’interroger. “Code ou pas,

tout est une question de mentalité. Avec la déconfiture du pouvoir, les médias se sont affranchis du

politique pour composer plutôt avec le pouvoir économique, qui les laisse libre. Mais le risque,

maintenant, est ce que les médias s’inféodent au religieux” s'interroge Zyed Krichen, rédacteur en

chef de Maghreb, censuré en 1991 par Ben Ali.

Un chaos de l’information, un chaos de la profession journalistique: on peut en effet encore voir le

sentiment d’un certain chaos ambiant quant à l’information, comme vu précédemment, mais quant à

l'intérêt/la fonction du journaliste. Ceux-ci ne se sentent pas forcément réellement reconnus pour le

travail qu’ils font mais surtout les conditions dans lesquelles ils opèrent. Car il faut préciser d’une

part que le terrain informationnel qui règne en Tunisie est incertain, une situation qui est telle un

jour, pour changer les jours suivants, l’information est difficile à valider. De même, on a pu le voir

précédemment, il règne une certaine éthique de la délation quant à ceux qui soutenaient le régime

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Page 87: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

de Ben Ali. Enfin, il faut également noter qu’aucune institution médiatique n’a été définie, la

profession n’a pas encore été définie, normée … Ainsi, dans un article de WMC voit-on une forte

mise en opposition du journaliste face à certains de ses lecteurs. De même, dans un second article,

l’auteur semble déplorer un manque d’unité, de cohésion, de professionnalisme. Il revendique le

statut de journaliste comme un médiateur et non comme un partisan politique, l’information ne

devant pas selon lui être un outil politique.

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CONCLUSION

Depuis la Révolution de Jasmin et la chute de Ben Ali, le peuple tunisien a entamé une

longue marche vers la démocratie. Les Tunisiens en désir et en quête de changements construisent

brique par brique, un nouvel ordre social, un nouvel espace public. C’est dans ce contexte fragile,

sensible et en constitution que la diffusion du film Persepolis par la chaîne privée Nessma TV en

octobre 2011 en dialecte tunisien va semer le trouble, révéler certains protagonistes, créer du

discours, des divisions, mais aussi durer dans le temps. Persepolis se détermine peu à peu en tant

qu’affaire et est propulsée au sein de débats publics, interrogeant de nouvelles problématiques telles

que la liberté d’expression, le rôle des médias et des journalistes, la relation entre religion et

politique... La collectivité en fait un problème social en tant qu’élément remettant en question des

valeurs morales. Les médias, en tant qu’intermédiaires dans la description et l’énonciation des faits,

jouent un rôle primordial dans cette affaire, proposant aux individus des orientations de la réalité.

Cet événement durable va aussi être l’occasion pour certains protagonistes de se révéler à la Tunisie

et au monde. Le domaine de la politique sera d’ailleurs un de ceux qui se verra le plus modifié.

L’affaire Persepolis va créer chez les Tunisiens une volonté toujours plus forte de se politiser, et va

leur permettre de faire part de leurs attentes, et désirs quant à l’avenir de leur pays en tant que

démocratie en devenir. Des oppositions certaines sont mises en lumière à travers les discours des

médias entre “laïcs” et “salafistes”. Ces deux catégorisations n’auront de cesse de s’opposer au

cours de l’affaire, que ce soit dans les rues, ou par le biais des NTIC. Des alliances se nouent, en

fonction des convictions politiques, et des valeurs. En pleine campagne électorale, Persepolis

semble avoir éveillé l’attention des Tunisiens sur des questions qui étaient jusqu’ ici non abordées,

ou considérées comme acquises. Un parti politique en particulier va parvenir à réellement mobiliser

autour de lui, Ennahda, parti politique islamiste. Il deviendra d’ailleurs très vite favori du scrutin.

Malgré la difficulté à cerner le vrai du faux dans le discours du parti, qui semble sans cesse

formuler un double discours, celui-ci arrivera tout de même au pouvoir le 23 octobre 2011.

L’appropriation de l’affaire Persepolis par les Tunisiens, les partis politiques et les médias est

flagrante et étendue. Elle prend une telle ampleur, qu’elle en vient à faire réellement prendre

conscience aux Tunisiens de toute leur diversité à travers de multiples divisions sur diverses

questions. Cette prise de conscience est d’autant plus brutale que quelques mois auparavant l’unité

du peuple semblait inébranlable amenant à la fin de 23 années de dictature. Par ces divisions,

souvent violentes, c’est finalement toute une identité qui semble peiner à se mettre en œuvre,

perturbant les repères identitaires de la population. Cependant c’est aussi à travers ces divisions

qu’un espace public de débat voit le jour, et pousse toujours plus loin le regard critique de la

population. La Tunisie est en transition, une transition démocratique. A travers cette affaire les

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Tunisiens apprennent à jouer avec cette démocratie, à en comprendre ses rouages, ses limites et ses

libertés. Car c’est bien cela aussi tout l’enjeu de cette affaire : la liberté d’expression.

Le film d’animation Persepolis en tant que tel et pris indépendamment ne semble pas être le

déclencheur du trouble sociétal que vit en ce moment la Tunisie. Cependant c’est bien ce même film

d’animation intégré au sein d’un contexte spécifique et fragilisé qui a révélé au peuple tunisien un

malaise identitaire. Aujourd’hui il apparaît clairement que le devenir de la Tunisie reste incertain,

perdu entre l’apprentissage de la démocratie, un désenchantement à la suite d’une Révolution qui

peine à faire éclore ses promesses de changements dans la vie quotidienne, et une idéologie

islamiste de plus en plus présente. Le peuple tunisien a peur en son devenir, devenant le point

central au sein d’un nouvel ordre politique, celui d’une démocratie populaire. Un point central qui

est divisé de toute part sur différentes questions, et qui voit en cette division la perte de sa force et

de son pouvoir de décision. Fort de cette liberté d’expression, toute nouvelle après la dictature de

Ben Ali, le peuple tunisien ne parvient pas encore à en maîtriser ses limites et ses étendues.

Finalement les Tunisiens doutent de leur futur, semblant avoir mis fin à une illusion de démocratie

sous une dictature au profit d’une démocratie sous l’ombre autoritaire du parti islamiste Ennahda.

S'ils ont bien gagné leur « printemps arabe », tout reste néanmoins à faire et rien n'est acquis.

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TODD Emmanuel et COURBAGE Youssef, 2007, Le Rendez-vous des civilisations, Seuil, La

République des idées, 159p.

TOUATI Zeineb, «La révolution tunisienne: interactions entre militantisme de terrain et

mobilisation des réseaux sociaux» p. 121-141, n° VIII | 2012 : Dossier : Un printemps arabe?

L'Année du Maghreb.

TOUSSAINT Jean-Yves et ZIMMERMANN Monique, 2001, User, observer, programmer et

fabriquer l’espace public, INSA Lyon, 290 p.

WARNIER Jean-Pierre, 2007, La mondialisation de la culture, Paris, La Découverte, Coll. Repères,

116p

WIDMER Jean, 1999, Discours et société 1 : Mémoire collective et pouvoirs symboliques, 223p

88

Page 92: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

ANNEXES

• Chapitre 3 : Les enjeux consécutifs à l'affaire Persepolis

− Annexe n°1 : Une manifestation pacifique à nuancer, Le Maghreb, 15/10/2011

− Annexe n°2 : Diversité des manifestants en image, K.Z, « Des milliers de manifestants

contre Nessma TV », 15/10/2011, Le Quotidien, n°3257

89

Page 93: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

Annexe n° 1 : Une manifestation pacifique à nuancer, Le Maghreb, 15/10/2011

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Page 94: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

Annexe n°2 : Diversité des manifestants en image, K.Z, « Des milliers de manifestants contre Nessma TV », 15/10/2011, Le Quotidien, n°3257

91

Page 95: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

INDEX DE PRESSE

(A.A : auteur anonyme)

• Chapitre 1 : L'affaire médiatique Persepolis

− Communiqués de la TAP (Tunis Afrique Presse), du 10/10/2011 au 14/10/2011

− A.A, « Communication Gouvernementale, Les recettes touristiques atteignent 1,624

milliards de dinars", 12/10/2011, La Presse

− A.A, « Justice et violence ''symbolique'' », 13/10/2011, Le Temps

− A.A, "La dernière tentation du Christ", 13/10/2011, Le Quotidien

− A.A, "Les salafistes ont-ils gagné la bataille", du 13/10/2011 au 19/10/2011, Réalités

− A.A, « Manifestation de soutien pour Nessma : On n’emprisonne personne pour un film ! »,

in Tuniscope.com (en ligne), 16/11/2011.

− A.A, « Marjane Satrapi : elle réagit aux critiques envers son film Persepolis en Tunisie », in

Première (en ligne), 17/10/2011

− A.A, « Affaire Persepolis. Nabil Karoui et 2 personnes devant la chambre criminelle »,

17/11/2011, Le Quotidien.

− A.A, « Tunisie: Report du procès de Nabil Karoui au 23 janvier 2012 » in Babnet.net (en

ligne), 17/11/2011.

− A.A, « Le procès de l’affaire Persepolis reporté au 23 Janvier 2012 » in MosaiqueFM.net,

17/11/2011.

− A.A, « Procès Nessma reporté au 23 janvier 2012 » in Tuniscope.com (en ligne), 17/11/2011.

− A.A, « Tunisie - Persepolis: procès jeudi du patron d'une télé pour atteinte au sacré », in

Afreekelection.Com, 17/11/2011.

− A.A (AFP), « Le PDG de Nessma TV, Nabil Karoui, devant la justice », in France24,

17/11/2011.

− A.A, « Persepolis : Le DG de Nessma TV aujourd'hui devant le juge », in djazairess.com,

17/11/2011.

− A.A (AFP), « Affaire Persépolis : Le DG de Nessma TV aujourd’hui devant le juge », in

Elwatan.com (en ligne), 17/11/2011.

− A.A, « Procès de Nabil Karoui : Plus de 140 avocats se dressent contre le patron de Nessma

TV », in Tunivisions.net, 17/11/2011.

− A.A. « Le péril intégriste » VSD ( un hebdomadaire français)

92

Page 96: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

− AFP, "Persepolis: plusieurs manifestations dans différents endroits de Tunis", 14/10/2011

− AFP, "Tunisie:démonstration de force salafiste, la maison du PD de Nessma attaquée",

(Agence France Presse), 14/10/2011

− AFP, « Affaire Persepolis : Le DG de Nessma TV aujourd’hui devant le juge » in

News80.com (en ligne), 17/11/2011.

− BOUAMAÎED KSILA Fatma, « Barbarie salafiste »,Des mots à dire,16/10/2011, Le Temps

− DRISSI Farhat (islamologue), « Combattre la parole par la parole », le 16/10/2011, le

Quotidien

− E-mail de Soraya Maherzi qui reprend l'article Zohra Abid ''Nabil Karoui, ou l’arroseur

arrosé'', 13/10/2011

− FEUILLATRE Cécile (AFP), « Tunisie: procès du patron de Nessma reporté au 23 janvier »,

in Google.com (en ligne), 17/11/2011.

− Fiche Dépêche de l'Ambassade de France, Politique – Idéologies – Manifestations, Agence

Tunis Afrique Presse, 17/10/2011

− GHAITH J., « Tunisie: Nabil Karoui devant la justice à cause de Persepolis », in Tixup.com

(en ligne), 17/11/2011.

− LeMonde.fr avec AFP, « Ouverture en Tunisie du procès du patron de la chaîne qui avait

diffusé "Persepolis" », in Lemonde.fr (en ligne), 17/11/2011.

− Libération, « Nessma, défense d’offenser », in Atlasinfo.fr (en ligne), 17/11/2011.

− Marianne2, magazine français

− Radio Canada avec AFP, « Tunisie : Persepolis entraîne un patron de télévision devant la

justice », in Radio-canada.ca (en ligne), 17/11/2011.

− Romandie, journal d’actualité de nationalité suisse

− TOKI, « Procès N. Karoui : « la liberté d’expression en Tunisie mourra-t-elle le 23 janvier

2012 ? », in Webdo.tn, 17/11/2011.

− ZBISS Hanène, Affaire Niqab et « Persepolis », Les salafistes ont-ils gagné la bataille ? En

couverture Magazine, http://www.realities.com.tn

93

Page 97: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

• Chapitre 2 : Le combat démocratique et libertaire sous l’œil de la politique

− A.A. « Tunisie : des islamistes attaquent le domicile de Nabil Karoui, PDG de Nessma TV »

in JeuneAfrique.com (en ligne), 14/10/2011

− A.A. « La maison du PDG de Nessma TV attaquée » in LeMonde.fr (en ligne), 15/10/2011

− A.A. « Nessma TV dans la tourmente, Ennahda dénonce une « provocation » in

maghreb.blog.lemonde.fr (en ligne), 15/10/2011

− A.A. « Marjane Satrapi : elle réagit aux critiques envers son film Persépolis en Tunisie » in

Premiere.fr (en ligne), 18/10/2011

− A.A. « Hamadi Jebali : 'L''essentiel est de respecter les libertés » in LeMonde.fr (en ligne),

18/10/2011

− A.A. « Les ambiguïtés islamistes » in Lalsace.fr (en ligne), 23/10/2011

− A.A, Diffusion de Persepolis à la télé tunisienne: le procès de Nabil Karoui reporté, Télé

Obs, 18/11/11

− A.A, Tunisie – L'affaire Persépolis, un procès emblématique reporté, Slate Afrique, 18/11/11

− A.A, La Tunisie : Influence et injonction islamiste, Blog collectif Nawaat, 21/11/11

− ABID Zohra « Tunisie. Après les «barbus», les laïcs en parade… » in Kapitalis (en ligne),

16/10/2011

− DAHMANI Frida « Constituante tunisienne : comment composer avec l'islam politique ? » in

JeuneAfrique.com (en ligne), 17/10/2011

− EL GABS Marwene « A qui profite l’agitation salafiste en Tunisie ? » in Mag14.com (en

ligne), 14/10/2011

− KAROUI Nabil, Nessma TV n’est pas « Charlie Hebdo », Jeune Afrique, 23/11/11

− R.B.H., Nouvelles intimidations des journalistes, Business News, 21/11/11

− SEGURANE Catherine « Tunisie : "blasphème" de la chaîne Nessma TV, fatwa, attaque du

domicile du PDG de la chaîne » in AgoraVox.tv (en ligne), 18/10/2011

− SOUDANI Seif, Tunisie – 1ère audience du procès Nessma TV, un cirque médiatico-

judiciaire, Le Courrier de l'Atlas, 18/11/11

− WESLATY Lilia « Vendredi de la colère contre Nesma TV » in Nawaat (en ligne),

14/10/2011

94

Page 98: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

Index entretien :

Aouini, Laacher, Terzi « Aouni.mp3 » Fichier 3 Entretien

Chapon, Laacher, Terzi « Etienne_Chapon.mp3 » Fichier 3 Entretien

Jamel, Laacher, Terzi « Nadia_Jamel.mp3 » Fichier 3 Entretien

• Chapitre 3 : Les enjeux consécutifs à l'affaire Persepolis

− A.A, “La crise du journalisme tunisien : opportunité ou arrêt de mort” in Nawaat.org (en

ligne), 12/08/2011

− A.A, « Human Rights Watch au secours de Nabil Karoui » Journal Badnet (en ligne),

14/10/2011

− A.A, « Tunisie : des islamistes attaquent le domicile de Nabil Karoui, PDG de Nessma TV »

jeuneafrique.com (en ligne), 14/10/2011

− A.A, « Lacrymogènes contre une manifestation anti-Nessma TV » El Watan (en ligne),

14/10/2011

− A.A, « Vendredi de la colère pour Nessma TV » Nawaat.org (en ligne), 14/10/2011

− A.A, « Manifestation contre Nessma TV »,15/10/2011, La Presse, n° 24 774

− A.A, « Tunis : la maison du PDG de Nessma TV attaquée », lemonde.fr (en ligne),

15/10/2011

− A.A, « Tunisie : De la révolution à la constitution », 18/10/2011, Marianne2,

− A.A, Journal May Footek Chay, 18/10/2011

− A.A, “Printemps arabe: vers un nouveau cinéma?”,20/10/2011,Romandie (en ligne)

− ABID Zohra, “Medias : Le journalisme citoyen et la responsabilité de l’information” in

Kapitalis.com (en ligne), 22/04/2013

− BARNAT Rachid, « Harlem Shake : la danse pour dire non au wahhabisme » , 01/03/2013,

Le Courrier International

− BARROUHI Abdelaziz, « Tunisie : L'affaire Persepolis »,, Jeune Afrique (en ligne),

18/10/2011

− BELAID Fethi, “Tunisie : altercations et cohue au procès de Persepolis, reporté en avril” in

20minutes.fr (en ligne), 23/01/2012

− BELKAID Akram, “La Tunisie a déjà gagné” in Slateafrique.com (en ligne), 16/10/2011

− BEN YAHMED Marwane, “Printemps arabe : Les médias font leur révolution”, in

95

Page 99: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

Jeuneafrique.com (en ligne), 25/10/2011

− BENDANA Kmar, “Le cinéma des femmes déranges” in jetsetmagazine.net (en ligne),

25/10/2011

− BOUAMOUD Mohammed « Tunisie-Médias : Campagne contre Nessma TV...Ce combat

est inutile », 18/10/2011,WMC

− CHANDA Tirthankar, “Tunisie : Une coalition pour la liberté de la presse” in Rfi.fr (en

ligne), 01/05/2013

− DAHMANI Frida, “Journalistes sur le fil du rasoir” in Jeuneafrique.com (en ligne),

25/10/2011

− DRIDI Zeyneb, “Tunisie : le rôle du journaliste dans cette période transitoire” in

Businessnews.com (en ligne), 03/05/2011

− EL GASBI Marwene, « A qui profite l'agitation salafiste en Tunisie ? », Mag 14 (en ligne),

14/10/2011

− FARAT Sana,, « Liberté de culte et liberté d'expression : Le combat continue », 18/10/2011

Le temps

− KARRIT Mongi,, « Les enjeux de la polémique autour de « Persepolis » et Nessma TV »,

Kapitalis (en ligne), 18/10/2011

− KELFAT Medhi, “Tunisie : Le rôle de la SNJT dans la couverture des élection tunisiennes”

in panosparis.org (en ligne), 25/10/2011

− MAROUKI Manoub, « Non à l'extrémisme », 14/10/2011, Réalités

− MASSOUD Rania, « La danse comme arme de résistance », 13/12/2012, Le Courrier

International,

− MERCEDES GOMEZ Ana, “Le rôle de l’information et des journalistes dans les sociétés

violentes en conflit” in base.d-p-h.info.fr (en ligne), 10/1995

− NEMLAGHI Ahmed, « Les manifestants investissent les rues de la capitale après la prière

du vendredi », 15/10/2011, Le Temps, n°12 394

− OBERLE Thierry, « Nouvelles tensions à Tunis avant les élections » Lefigaro.fr (en ligne),

17/10/2011

− SBOUAI Sana, “La société civile s’allie pour défendre la liberté d’expression en Tunisie” in

Nawaat.org (en ligne) , 29/04/2013

− Selim, “Tunisie : journaliste, profession à réinventer” in cachierdelaliberté.org (en ligne),

26/04/2011

96

Page 100: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

− VINCENOT Alain, “Tunisie : La victoire des islamistes” in Francesoir.fr (en ligne),

25/10/2011

− Z.A, « Tunisie. Les manifestations anti-Nessma TV moins violentes que prévu »

Kapitalis.com (en ligne), 14/10/2011

97

Page 101: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

INDEX DES PROTAGONISTES

• Chapitre 1 : L'affaire médiatique Persepolis

- ANOUAR OULED Ali : président des Jeunes avocats, à l’origine de la plainte contre Nessma TV.

- BEN ISMAIL Adel : président de la commission des expropriations. Qui va exproprier les bien

du président déchu et de sa famille.

- Ennahdha : parti politique islamistes tunisien

- ESSEBSI Beji Caïd : premier ministre

- GHANNOUCHI Rached : président du partie Ennadha

- HABBIB Ammar : directeur de l'office de tourisme de Tunis

- HAMADI Jebali : homme politique du parti islamiste

- INRIC : L’Instance Nationale pour la réforme de l’Information et de la communication

- KAROUI Nabil : PDG de Nessma TV

- MAHERZI Soraya : Aucune information n’est disponible sur cette personne, doit être une

journaliste puisqu'elle raporte de nombreux faits.

- MEDDEB Hichem : porte-parole du ministère de l’Intérieur

- MOEZ Sinnaoui : responsable de la Communication au Premier Ministère Abid Zohra , la

rédactrice en chef de 'kapitalis'', désigné comme étant anti-ennhada

- SATRAPI Marjane : réalisatrice du film Persepolis

- VALERO Bernard, Porte-parole du Ministère des affaires étrangères

98

Page 102: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

• Chapitre 2 : Le combat démocratique et libertaire sous l’œil de la politique

- AOUINI, Abdel Naceur : Avocat proche du Front populaire et très engagé sur la question des

droits de l’homme.

- Barbus : islamistes ( = musulmans utilisant la religion à des fins politiques ou bien personnelles)

- BEN ALI, Zine el-Abidine : Ben Ali a été le président de la République de Tunisie de 1987 au 14

janvier 2011. Sur le plan des libertés, des organisations non gouvernementales et des médias

étrangers dénoncent régulièrement sa politique sur les droits de l'homme, inclinant vers la dictature,

notamment par la répression, l'emprisonnement et la torture de ses opposants et les atteintes à la

liberté de la presse. Son régime fut également caractérisé par une généralisation de la corruption.

- CHAPON, Etienne : Actuel premier secrétaire de l'ambassade française en Tunisie.

- ENNAHDA : Parti Ennahda est un parti politique tunisien islamiste. Il est fondé le 6 juin 1981

sous le nom de Mouvement de la tendance islamique (MTI). Longtemps interdit, il est légalisé le

1er mars 2011 après la fuite de Zine el-Abidine Ben Ali. Il obtient 89 députés au sein de l'assemblée

constituante de 2011, ce qui en fait la première force politique du pays.

- GHANNOUCHI, Rached : Fondateur du parti Ennahda

- JAMEL, Nadia : Présidente de l’association « Image et Paroles » crée en 2009 afin de défendre

les droits des femmes ainsi que l’égalité des sexes face à la montée de l’intégrisme religieux. Elle va

doublé le film Persepolis.

- JEBALI, Hamadi : Secrétaire général du parti Ennadha

- Laïcs : ici les tunisiens laïcs ou modérés sont ceux prônant la liberté d’expression

- LARAYEDH, Ali : Membre du bureau exécutif d’Ennahda

- MOUMEN Mohamed : publie un article dans le Quotidien, il fait une critique de fond contre

Nessma TV, il accuse la chaîne en demandant « pourquoi elle fait ça ? » et qu’« elle nous met

dans de beaux draps » il parle d’une « somme de sottises » dans le film. Pour l’auteur cette diffusion

est une « agression morale gratuite »

- Salafistes : fondamentalistes à mouvances djihadiste

- SATRAPI, Marjane : auteur de bandes-dessinées (scénariste et dessinatrice) et réalisatrice

française d’origine iranienne. Elle a co-réalisé le film Persepolis, une adaptation de la bande-

dessinée à caractère autobiographique et historique dont elle est l’auteur

99

Page 103: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

• Chapitre 3 : Les enjeux consécutifs à l'affaire Persepolis

- Al Arabiya : Chaîne d'information saoudienne

- Anti-Nessma : manifestant contre la diffusion du film Persepolis

- ARRENDT Hannah : Philosophe juive allemande naturalisée américaine

- Barbus : terme employé pour parler des islamistes notamment selon le média français Marianne2

- Béja : ville tunisienne

- Ben Ali : Président de la République de Tunisie de 1987 à 2011

- BOURGUIBA Habib Ben Ali : (1903 – 2000), président de la République tunisienne de 1957 à

1987 sous le parti socialiste destourien

- Brassens : Poète auteur compositeur interprète français

- Conseil Supérieur de Communication (CSC) : organe de censure sous Ben Ali, rôle consultatif,

aucun pouvoir de décision

- Démocratie participative : Dans le cadre du web 2.0 cela désigne l'élargissement des pouvoirs du

citoyen, qui est amené a réfléchir, a participer, a donner son avis sur des sujets toujours plus vastes

et nombreux.

- El Fath : mosquée à Tunis

- EL KHADEMI Noureddine : Imam et homme politique tunisien, ministre des affaires religieuses

depuis décembre 2011

- Ennahda : parti islamiste constitué en 1981, légalisé le 1er mars 2011

- Ennfidha : ville tunisienne située au nord-est du pays, à 99 km de Tunis. Elle est un des

principaux pôles touristiques du Sahel tunisien.

- Espace public : représente dans les sociétés humaines, en particulier urbaines, l'ensemble des

espaces de passage et de rassemblement qui est à l'usage de tous, soit qui n'appartient à personne,

soit qui relève du domaine public ou, exceptionnellement, du domaine privé.

- Exégètes islamiques : personnes interprétant les textes sacrés, ici, le Coran. Partisans des

mouvements islamiques.

- HABERMAS Jürgen : Théoricien allemand en philosophie et en sciences sociales.

- Hannibal TV : Première chaîne privée tunisienne

- Harlem Shake : Vidéo regroupant des personnes dansant sur la musique de Baaeur déguisées,

buzz sur internet actuellement

- Imam : Chef religieux musulman

- Intellectuels : défenseurs de la liberté d'expression

- Islamistes : musulmans qui utilisent l'Islam à des fins politiques ou personnelles

100

Page 104: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

- KAROUI Nabil : Directeur de la chaine Nessma Tv

- Kasbah (la) : mosquée à Tunis

- Khalifa Islamique : Retour au Coran

- Laïcs : dans le contexte, tunisiens laïcs ou modérés prônant la liberté d'expression

- Manifestants : tunisiens de tous les bords, chômeurs, diplômés, syndicats

- Modernistes : tunisien prônant la laïcisation du pays

- Monatir : ville tunisienne

- Nawaat : Site d’informations en Tunisie

- Nessma TV : chaine tunisienne à tendance neutre voire moderniste dont le PDG est Nabil Karoui

- NTIC : Nouvelles Technologies de l’information et de la communication

- Opinion publique : résultat d'une activité rationnelle d'un public capable d'exercer un jugement

critique.

- PDM : pôle démocratique moderniste

- PDP:parti démocratique progressiste présidé par Maya Jribi

- Pluralité politique : en politique le pluralisme désigne un système d'organisation qui reconnaît la

diversité des opinions et de leurs représentants. Il est un fondement de la démocratie.

- Pro-Nessma : désigne les défenseurs de la liberté d'expression, souvent des laïcs, des artistes, des

intellectuels...

- Progressistes : Qui expriment, les idées modernes; qui se conforment goûts, aux usages modernes

- Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD) : parti politique tunisien fondé en février

1988 par Zine el-Abidine Ben Ali, parti hégémonique durant son existence, il est dissout en 2011

- Révolution de Jasmin : Révolution tunisienne de 2010 à 2011

- Salafistes: fondamentalistes à mouvance djihadiste, mouvement sunnite qui revendique un retour

à l’islam des origines fondée sur le Coran

- Sidi Bouzid : ville tunisienne

- TOUATI Zeineb : Docteure en science de l'information et de la communication de l'université

Stendhal. (Grenoble 3).

101

Page 105: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

INDEX ETUDIANTS

1. L'affaire médiatique Persepolis

1.1 Carmen ROUCHET

1.2 Laetitia CORNIERE et Yasemin TOPRAK

1.3. Laetitia CORNIERE et Yasemin TOPRAK

1.4.

1.4.1. Guillaume BARONNA

1.4.2. Mélodie VLAMYNCK

1.4.3. Marie SAAB

1.5.

1.5.1. Justine CAILLET

1.5.2. Marine JENICOT

1.5.3. Marion VIAIRON

2. Le combat démocratique et libertaire sous l’œil de la politique

2.1.

2.1.1. Josselin ROBIEZ

2.1.2. Marion TINOCO

2.2. Adriana LEVET

2.3. Valentin BRASSAC et Sophie DE BERNY

3. Les enjeux consécutifs de l'affaire Persepolis

3.1. Carole PERASTE et Amandine VERMARE

3.2. Bertille SIMON et Margaux WANHAM

3.3. Charlotte HOORELBEKE et Joris NAESSENS

102

Page 106: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

TABLE DES MATIERES

Sommaire

Introduction........................................................................................................................................1

1.L'affaire médiatique Persepolis.....................................................................................................5

1.1 Définition d'une affaire médiatique....................................................................................5

1.1.1 Contextualisation et émergence de l'affaire Persepolis........................................5

1.1.2 Qu'est ce qu'une affaire médiatique ?..................................................................6

1.1.3 Quelles sont les problématique de l'affaire médiatique Persepolis ?...................9

1.2 Le contexte : la Révolution tunisienne.............................................................................11

1.3. Discours médiatiques sur l’affaire Persepolis.................................................................12

1.3 1. Journaux locaux................................................................................................13

1.3.2. Journaux internationaux...................................................................................16

1.3.3. Réseaux sociaux …...........................................................................................18

1.4 Les conséquences de la diffusion du film.........................................................................20

1.4.1. Les diverses réactions après la diffusion du film..............................................20

La condamnation des violences par Reporters sans frontières …...................20

Une nécessité d'agir et de réformer.................................................................21

Réactions diverses dans le paysage médiatique tunisien ...............................22

Réactions des internautes ...............................................................................23

1.4.2 Un rebondissement conséquent dans l’affaire « Persepolis » : le report du

procès du 17 novembre 2011..............................................................................................................24

La cause du procès ….....................................................................................24

Le report du procès.........................................................................................24

Un procès qui suscite de nombreuses manifestations et controverses ...........25

1.4.3. Des nouvelles idéologies misent en avant : quelles en sont les

intermédiaires ?..................................................................................................................................25

Des valeurs sacrées …....................................................................................25

Les « excuses » de Nabil Karoui.....................................................................26

Une double qualification des protestataires....................................................26

Nessma TV : son but, son appartenance.........................................................27

Manifestation pour la liberté d’expression .....................................................28

103

Page 107: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

1.5. Acteurs et points de vue...................................................................................................29

1.5.1. Remise en question de la religion.....................................................................29

Persepolis, le film ….......................................................................................29

Idéologie salafiste...........................................................................................29

Discours médiatiques......................................................................................30

1.5.2. La violence........................................................................................................31

La violence des barbus …...............................................................................31

Discours médiatiques......................................................................................32

1.5.3. Liberté d’expression..........................................................................................34

Transition du pouvoir......................................................................................34

La liberté d'expression artistique et la place de l’artiste …...........................35

Le peuple tunisien...........................................................................................37

2. Le combat démocratique et libertaire sous l’œil de la politique ….........................................39

2.1. L'organisation des élections et le ressenti populaire........................................................39

2.1.1. L'organisation des élections ….........................................................................39

2.1.2 Ressenti de la population, la perception du peuple............................................43

2.2. Ennahda et la montée de l’extrémisme religieux …........................................................46

2.2.1. La diffusion du film dans un contexte politique électrique..............................46

2.2.2. Une bipolarisation entre laïcs et islamistes.......................................................47

2.2.3. Les ambiguïtés du parti Ennahda......................................................................48

2.3. L'appropriation de l'affaire Persepolis et son utilisation politique..................................50

2.3.1. Une affaire qui divise l'unité nationale.............................................................50

2.3.2. Des identités médiatiquement constituées........................................................52

3. Les enjeux consécutifs à l'affaire Persepolis..............................................................................59

3.1. La division d'un peuple au lendemain d'une unité : une identité à rebâtir.......................59

3.1.1 D’une unité imposée à une unité nécessaire......................................................59

L’unité du peuple tunisien en tant que sujets d’une dictateur.........................59

Une unité nécessaire.......................................................................................60

3.1.2. Des divisions rendues visibles..........................................................................61

Réception du film Persepolis..........................................................................61

Une visibilité possible par le phénomène de catégorisation …......................62

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Page 108: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

Les manifestations comme reflet de la diversité du peuple............................63

3.1.3 Comment se reconnaître en tant que peuple ?...................................................64

Le désenchantement du peuple tunisien : l'expression de la violence............64

Un peuple polarisé : le temps des choix identitaires.......................................65

La difficulté de constitution d'un peuple au sein d'une démocratie................66

3.2. L'apprentissage de la démocratie: l'espace public, lieu de débat en construction...........67

3.2.1. Un espace public brisant ses chaînes................................................................67

La découverte d’un esprit de dénonciation et de critique...............................69

3.2.2. La constitution d'un espace médiatique comme lieu d'émergence d'un espace

public..................................................................................................................................................70

Le rôle des NTIC dans l'émergence d'un espace public ….........................................71

3.2.3. Lieu de naissance du débat public au sein d’une démocratie qui se cherche :

l’importance de la rue.........................................................................................................................73

La rue, lieu emblématique des débats.............................................................73

La mise en scène de l’espace public par les manifestations...........................74

La rue, un espace public orchestré par des acteurs........................................75

3.3. Un flou médiatique : comment définir et utiliser la liberté d'expression ?......................76

3.3.1. Liberté d'expression, la question qui divise......................................................76

L’émergence d’un espace public tunisien: entre mobilisations et

affrontements......................................................................................................................................76

Un élan révolutionnaire face à un sentiment de liberté...................................77

Une fierté nouvellement acquise mais la conviction que tout reste à faire.....78

3.3.2. Une information éclatée....................................................................................79

Un terrain fertile pour l’information et les médias.........................................79

Mais des informations pas toujours fiables et organisées...............................80

3.3.3. Le rôle du journaliste : entre reconnaissance et accusations, un flou

médiatique qui reste à définir.............................................................................................................81

Un journalisme pris à parti..............................................................................81

Le citoyen-journaliste, le nouveau journalisme ?...........................................83

Conclusion.........................................................................................................................................85

Bibliographie.....................................................................................................................................87

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Page 109: A l'aube du "réveil arabe": Perspective médiatique de l'affaire Persepolis

Annexes..............................................................................................................................................89

− Annexe n°1.............................................................................................................................90

− Annexe n°2 …........................................................................................................................91

Index

Index de Presse....................................................................................................................92

Chapitre 1 : L'affaire médiatique Persepolis...............................................................92

Chapitre 2 : Le combat démocratique et libertaire sous l’œil de la politique ….…...94

Chapitre 3 : Les enjeux consécutifs à l'affaire Persepolis …......................................95

Index des Protagonistes........................................................................................................98

Chapitre 1 : L'affaire médiatique Persepolis...............................................................98

Chapitre 2 : Le combat démocratique et libertaire sous l’œil de la politique …........99

Chapitre 3 : Les enjeux consécutifs à l'affaire Persepolis.........................................100

Index des étudiants.............................................................................................................102

Table des matières...........................................................................................................................103

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