Petit Guide de Maîtrise d'Ouvrages Communale Et Urbaine en Afrique

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Coût des petits ouvrages en Afrique

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  • Construire une matrise douvrage communale

    1. Limpossible entreprise municipale

    Dans une ville africaine, ltendue des besoins est telle que les autorits municipales pourraient se voir autorises construire une vritable entreprise municipale qui aurait produire tout ce dont la population a besoin : des services, des quipements, des amnagements.

    Ce type de projet est impossible mettre en uvre en raison tant de la faiblesse des moyens techniques et conomiques des municipalits que des ncessits des ajustements structurels des conomies nationales au march mondial.

    Ne pouvant se faire entrepreneur, la collectivit territoriale charge de grer la ville se voit contrainte de sriger en organisateur et fdrateur des nergies locales (dont videmment les siennes propres, ses propres services), utilisant avec pragmatisme tous les procds lgaux qui sont sa disposition.

    2. Les procds

    Ces procds sont de trois ordres :

    le faire soi-mme, le faire-faire, le laisser-faire. Le faire soi-mme est un ensemble de procds qui met la collectivit en situation de producteur ou de prestateur mme si on doit distinguer : dune part la rgie directe, classiquement entendue comme la gestion non individualise par ladministration elle-mme dun service public, dun chantier, dun amnagement urbain... dautre part, toutes les autres formes dintervention par des organismes publics spcialiss dpendant de la commune. Le faire-faire est un trs riche et vaste ensemble de modes opratoires qui se rangent en deux grandes sous-catgories : premirement, le faire-faire proprement dit, lorsque par exemple la collectivit confie le service public de leau une entreprise prive spcialise, laquelle est appele servir leau au lieu et place de la commune ; deuximement, le donner--faire, lorsque par exemple la collectivit passe un march de travaux une entreprise prive, laquelle est contractuellement contrainte de livrer louvrage command linstant convenu. Le laisser-faire est un mode dintervention plutt quun mode opratoire ; il est fond sur le principe de la primaut de linitiative prive sur laction publique et sur la fonction simplement correctrice de ladite action publique. On peut distinguer trois degrs de laisser-faire : le premier degr est le laisser-faire total ; telle association assure une activit culturelle ou sportive que lautorit communale suit avec intrt mais en sabstenant de toute intervention ; le deuxime degr est le laisser-faire rglement ; lautorit communale intervient pour rglementer certaines activits ou manifestations organises par cette association en raison par exemple du danger encouru par les spectateurs ou mme les participants ; le troisime degr est le laisser-faire aid ; lautorit communale apporte une aide (allocation dun local municipal, subvention...) cette association dont elle reconnat lutilit sociale contre lengagement de ladite association dlargir son champ daction, de simplanter dans tels ou tels quartiers... Ce tableau situant ces sept manires institutionnelles de faire invite

  • constater quelles forment un ventail assez largement ouvert et aussi poser, comme hypothses, quelles ont des qualits diffrentes mais quelles sont partiellement substituables, autrement dit quil y a plusieurs manires doffrir la population des activits culturelles, des quipements collectifs, de leau...

    3. La matrise douvrage communale.

    Dans une acception plus professionnelle que juridique (en droit strict le matre de louvrage est la personne qui, dans le cadre du contrat de louage douvrage et des marchs publics assimils, commande, paie et reoit louvrage matriel ou intellectuel, objet du contrat ou du march) ; on a pris lhabitude de qualifier de matrise douvrage lintelligence des choix entre les divers faire et plus globalement lhabilet dun organe politique :

    penser un programme de tches et de travaux, imaginer le montage, les faons de faire ; donner des ordres en leur donnant la destination (bureau de ladministration municipale, fournisseur, entrepreneur de travaux, bureau dtude, association de quartier, oprateur professionnel damnagement urbain, entreprise concessionnaire dun service marchand...) et la formulation adquates (dcision unilatrale rglementaire ou indivi-duelle ; march public ou contrat ou mme simple convention informelle) ; contrler la bonne excution de ces ordres et la qualit du service fait. Lessentiel pour la matrise douvrage communale est donc de disposer des moyens dassumer le service de la population urbaine et non ncessairement de lassurer elle-mme, du moins en dehors de la sphre des obligations de faire soi-mme que la loi (et une certaine forme de logique politique) met expressment la charge de la collectivit et dont elle ne saurait se dmettre. Cest dans lintelligence technique, sociale et politique des choix des modes opratoires et des oprateurs que se reconnat le matre douvrage municipal. Celui-ci a en effet faire preuve :

    dun vritable savoir-faire politique, pour organiser les services urbains de manire optimale (rpartition des tches dexcution des services aux petites entreprises locales ; concession des tches nobles aux grandes compagnies concessionnaires...) ; dimagination institutionnelle et financire lors du montage des projets et du recours des oprateurs publics et privs, professionnels et non professionnels ; de rigueur pour instaurer un systme de contrle de lexcution des missions confies aux oprateurs ainsi que dvaluation ; dune bonne pratique des tches quil commande, dlgue, ou concde, car pour bien faire-faire, il est pdagogiquement ncessaire de savoir faire soi-mme.

    4. La pratique de lexcution des tches par oprateurs.

    On ne peut quattester lintrt des techniques de dlgation, de contractualisation, dhabi-litation,... (au sens large et finalement peu prcis de ces appellations) par la collectivit territoriale au bnfice :

    ou de personnes prives (entreprise, socit, association, fondation, ou mme personne physique) ; ou de personnes publiques spcialises (tablissement public local ou rgie disposant de la personnalit juridique et de lautonomie financire ; tablissement public dEtat ou service dEtat ; organisme de coopration intercommunale).

  • Ces procdures permettent une collectivit territoriale de demander un oprateur (lune ou lautre des personnes prives ou publiques dont il vient dtre question), par exemple, de :

    grer un service local marchand, comme le service de leau qui serait concd (investissement plus gestion) tel ou tel groupe. conduire une opration de ralisation dun ouvrage public, comme la rhabilitation dun ensemble de voies publiques, en dsignant un tablissement public dEtat comme matre douvrage dlgu ; mener bien un projet damnagement urbain, comme lamlioration des conditions de vie dans un quartier dit dshrit, la conduite des tches de terrain tant confie une organisation associative ayant la confiance des habitants.

    A lvidence, ces procdures ne peuvent se traduire par une sorte deffacement ou de dprissement de la collectivit territoriale qui se considrerait comme dcharge de ces tches. Nous sommes en fait en prsence de nouvelles formes de division du travail qui laissent, en tout cas, la collectivit la responsabilit politique et sociale du travail confi loprateur. Elle conserve la haute direction des oprations et dispose ce titre dinstruments de contrle.

    Les communes urbaines africaines (comme dailleurs les Etats) ne peuvent viter, ce jour, de collaborer avec des entreprises, des associations, ou avec des compagnies internationales apportant avec elles savoir-faire et capitaux. La vraie question nest plus ce jour celle de lopportunit de tels processus. Elle semble plutt rsider dans la recherche de :

    lefficacit - y compris sociale - du travail de loprateur ; la prservation des fonctions que doit continuer remplir le matre public, de louvrage, de lamnagement, du service ; lquilibre entre ces deux objectifs qui nest pas toujours facile concilier.

    5. La spcificit des collectivits locales africaines

    Elle rsulte de cinq sries de facteurs :

    ltendue des besoins sociaux satisfaire gnrs par lurbanisation ; le relatif dnuement technique et financier des communes urbaines ; la dpendance des communes lgard des Etats centraux et des sources de financement nationales et internationales ; labsence dun cadre institutionnel ancien, contraignant, connu, reconnu et accept par tous les acteurs locaux ou non ; la monte en puissance des associations, des organisations non gouvernementales et des associations de solidarit internationale. La diversit et la flexibilit des mthodes et des procdures quutilisent les collectivits locales sont, de ce fait, tout fait remarquables. Elles peuvent prendre en main, directement, un service, par exemple de nettoyage de la voirie ou bien donner ce travail faire une entreprise ou mme sen remettre du soin dassurer ce service des associations de quartier raison dune association par quartier. Il arrive mme que les associations de citoyens prennent linitiative de ces travaux et viennent ensuite demander la collectivit de les appuyer, de les rmunrer, de leur confier la libre disposition des moyens des services municipaux. Les considrations sociales ou socio-politiques sont dterminantes dans les choix institutionnels des collectivits locales africaines. Telle collectivit peut se voir contrainte politiquement de constituer une rgie municipale du

  • nettoiement de la voie publique en salariant une main-duvre permanente tout en acceptant que cette rgie recrute chaque jour une main-duvre journalire sur le chantier selon des critres spcifiques : prfrence pour les jeunes dscolariss, pour les femmes... On arrive concilier ici ce quune municipalit europenne ne pourrait concilier.

    Il arrive parfois que les collectivits locales africaines soient dans un tel dnuement quelles ne disposent daucun moyen ni de faire ni de faire-faire. Il ne leur reste dautres choix que daccepter leur propre impuissance et de laisser les gens se dbrouiller seuls. Lintelligence de la matrise douvrage communale se manifestera alors par son souci de laisser-faire sous rserve ventuellement de devoir encadrer ces activits par le moyen dun simple rglement : lenlvement des ordures mnagres doit se faire dans telle tranche horaire, les ordures doivent tre entreposes en tels et tels lieux... On nest plus alors en prsence dun procd de service mais plutt de police.

    Une des premires tches dune municipalit est sans aucun doute dassurer la gestion sociale de la collectivit quelle administre et qui est constitue de groupes sociaux, de cultures, de religions, dassociations, de boutiquiers, de portefaix, dinstituteurs, de chmeurs... et aussi, bien sr, dlecteurs. Un matre douvrage communal sassure que les dcisions quil prend et les choix quil opre confortent la cohsion sociale dont il est, sous une forme ou sous une autre, le garant.

    Le pouvoir local est aussi un pouvoir politique qui, au sens le plus profond, souscrit un projet de cit. La politique locale a pour objet de placer la cit et la socit qui la forme sur une trajectoire de dveloppement ou de rgression. L encore il est tout fait lgitime que le matre douvrage communal dcide et choisisse politiquement.

    Il est temps de concevoir la matrise douvrage municipale, africaine en particulier, comme une sorte de trpied technique, social et politique. On doit cesser de croire que la rationalit technique est seule digne dtre honore, que les considrations sociales et politiques sont des dviances et viennent corrompre la pure raison. La matrise douvrage communale peut donc aller jusqu dire non une offre pressante et allchante mais inacceptable porte par un tat ou une coopration. Le plus souvent, ce refus est en ralit une invitation discuter des conditions offertes la commune. Encore faut-il que les offreurs - et en particulier les cooprations trop peu enclines discuter directement avec les collectivits locales - acceptent douvrir de telles ngociations.

    Les latitudes de ngociation des collectivits sont souvent rduites. Ainsi les socits charges par ltat dassurer pour le pays entier la production et la distribution de llectricit ou de leau acceptent rarement de discuter des conditions de cette distribution sur le territoire de la ville avec la collectivit intresse alors bien mme que la loi communale dclare la commune en charge des services publics locaux marchands et non marchands. Il est pourtant vident que toute socit concessionnaire - au sens large - nationale aurait intrt convenir avec les collectivits des modalits particulires de son intervention locale : approvisionnement des installations communales, programmation des extensions des rseaux, appui de la commune aux campagnes contre les mauvais payeurs...

    6. Le pari : contribuer la formation dune matrise douvrage municipale pivot de la gestion urbaine

  • Le pari de cet ouvrage est dabord un pari sur lavenir des collectivits locales africaines, de leur rle irremplaable de gestionnaires des villes qui sont les lieux du dveloppement dune nouvelle Afrique . Son dveloppement passe dune part par le redploiement et la raffirmation de lEtat (vaste chantier) et dautre part par la construction de linstitution municipale. En cette matire beaucoup est faire. Les municipalits manquent de ressources financires et de comptences techniques. Ces dficits sont combler sans tarder mais pas nimporte quel prix politique. La municipalit nest pas quun appareil de gestion. Elle est une instance politique capable justement de penser et dorganiser son appareil de gestion, dexercer une vritable matrise douvrage.

    Ce guide a lambition de montrer ce que sont ces choix, au moins dans leur dimension institutionnelle et dans trois secteurs de pointe de lactivit communale et des cooprations internationales : les services, les travaux et lamnagement.

  • Offrir des services urbains

    1. Rglementer et soutenir les prestateurs de services privs.

    Les services urbains sont des services rendus aux mnages et aux entreprises installs en ville. Limmense majorit de ces services est le fait de prestateurs privs. La collectivit publique na souvent pas intervenir. Il ne faudrait pas en conclure que tout service priv chappe par nature lintervention publique, laquelle doit se cantonner aux seuls services publics.

    La pratique est toute diffrente. Un service purement priv comme la garde denfants en bas ge par une voisine complaisante peut devenir un service dintrt collectif lorsque la demande est formule par un quartier habit par des mres de famille, vivant seules ou en famille, employes des travaux lextrieur de leur quartier, et quil est rpondu cette demande par la cration de vritables jardins denfants grs par des associations ou mme des professionnels.

    Si les usagers ou lopinion publique disent que le service nest pas rendu comme il le devrait (exigut des locaux, alimentation inadapte, prix trop levs...), on peut souhaiter que la municipalit dcide dintervenir en rglementant ces activits, en aidant certaines associations fournir un meilleur service un moindre cot... Laide peut consister en quelques subventions, en avantages en nature comme par exemple loccupation gratuite de telle partie du domaine public (une municipalit peut accepter de construire une petite aire de jeux et la rserver lunique usage des enfants de tel ou tel jardin denfants...).

    Nous sommes ici en prsence dun mode dintervention classique du gestionnaire municipal :

    il rglemente lactivit pour des raisons de sant, de scurit, de tranquillit publiques, la condition de ne pas empiter sur les pouvoirs exercs par ltat et le lgislateur ; il aide et soutient certains prestateurs de services privs puisque comme gestionnaire local il a en charge la gestion des affaires locales , selon lexpression souvent utilise par les lois de dcentralisation. Rglementer et soutenir signifient explicitement que lactivit de prestation de service reste en dehors de la municipalit, que les prestataires ne sont pas des agents municipaux...

    Il en est diffremment lorsque la collectivit constatant lchec de son intervention par rglementation et soutien dcide de crer de vritables services publics municipaux. La municipalit devient le patron des services quelle organise mme si pour plus de souplesse elle demande des associations de prendre en charge lexcution de certaines activits ou tches. En ce cas, ces associations sont des oprateurs habilits par la collectivit publique qui reste matre du service, selon lexpression tout fait judicieuse utilise par les juristes.

    Tant que le service naccde pas la qualit de service public plac sous la matrise de la collectivit locale, il reste une activit prive mme si cette activit est rglemente et subventionne ou aide. Il est normal que cette aide aille aux organisations qui ont la prfrence de la municipalit. Il est tout fait acceptable quelle marque sa prfrence, par exemple pour certaines associations, pour celles qui sont reconnues au niveau national tout en tant fortement implantes localement, pour celles qui emploient beaucoup de femmes du

  • quartier, pour celles qui pratiquent la plus forte prquation de leur prix au bnfice des moins nantis, pour celles qui travaillent dans les quartiers les plus dmunis...

    Cette politique municipale se traduit par des critres dligibilit cette aide. Mais on ne peut de cette faon condamner dautres jardins denfants la faillite ou la fermeture. Une certaine galit de traitement est respecter : laide doit apparatre au contraire comme le moyen de rtablir un quilibre (tel jardin denfants situ dans un quartier dmuni aurait les plus grandes difficults quilibrer sa gestion) ; il faut aussi que chacun puisse solliciter une telle aide, que les critres prohibs par la loi ne soient utiliss (critres ethniques, rgionaux, religieux...).

    Autrement dit, les critres municipaux sajoutent aux critres lgaux mais ne sy substituent pas, ne les effacent pas.

    Autre condition dimportance. Les subventions ou aides sont des deniers ou des ressources publics dont lemploi doit tre contrl par le conseil municipal et les citoyens. Il importe donc que les choses soient claires et transparentes. Chaque aide est individualiser. Elle doit numrer les conditions de son allocation : quest-ce qui est demand en change au bnficiaire ? Il est admis que la dlibration dallocation soit assortie de conditions exprimes unilatralement par ladite dlibration de telle sorte que si le bnficiaire accepte lallocation, il accepte aussi, en mme temps, les conditions.

    On peut aller plus loin en demandant chaque bnficiaire de signer un contrat avec la collectivit. La collectivit et le bnficiaire dterminent exactement leurs engagements rciproques qui sont pourvus de signatures en bonne et due forme. La collectivit peut exiger du bnficiaire quil rende compte de lutilisation des subventions et autres avantages que lui a verss ou consentis la collectivit. Le contrat peut rappeler en mme temps ce que prescrit la plupart des lois de la plupart des Etats (si la loi ne le prescrit pas, la commune volont des parties exprime dans le contrat tient lieu de loi) que les livres de compte du bnficiaire doivent souvrir pour contrle la rquisition de la collectivit.

    Il faut bien reconnatre que la technique du contrat est beaucoup plus pertinente que la dlibration unilatrale assortie de conditions mais quelle est aussi plus complexe et coteuse. Dans tous les cas, il apparat ncessaire :

    premirement que la dcision dallocation soit le fait du conseil dlibrant de la commune ; deuximement, que la mme dlibration (cest prfrable) ou une autre habilite le maire mettre en uvre la dcision dallocation et que par exemple ce titre il se voit contraint par le conseil passer contrat avec le bnficiaire.

    2. Demander une entreprise dassurer la totalit du cycle de production dun service dclar service public.

    Prenons un exemple. Un nouveau maire vient dtre lu dans une ville satellite de la capitale. Cette ville a pouss comme un champignon. Elle compte aujourdhui prs de cent mille habitants et est distante de la capitale, de la ville-mre, dune quinzaine de kilomtres. Le maire a t lu sur un programme lectoral trs simple : il faut combler le dficit dquipement de cette ville champignon, et en particulier et en priorit lalimenter en eau.

  • Le premier rflexe consiste dire que lalimentation en eau de la ville est un service public municipal mais que le plus simple est de demander une entreprise spcialise - par exemple, celle qui gre le rseau deau de la capitale - de faire le ncessaire tant entendu que la commune est pauvre.

    Quest-ce que veut dire faire le ncessaire ? Comment installer lentreprise dans sa fonction de producteur - transporteur - distributeur deau potable ? Comment organiser les rapports de la commune rpute matre du service public de leau et lentreprise charge de lexcution du service ? Comment situer les usagers consommateurs deau par rapport, dune part, lentreprise, dautre part, la commune ?

    La contractualisation dune entreprise comme oprateur du service public nest pas une mince affaire. La municipalit peut sattendre devoir mener une ngociation longue, difficile et technique. Si elle veut faire valoir son point de vue, elle ne peut arriver la table de ngociation les mains dans les poches. Il lui faut aiguiser son esprit critique et se pourvoir de solides arguments. La mise au point du contrat de concession et de ses pices annexes exige un travail de prparation trs important.

    Confier le service de leau une entreprise, ce nest pas se dbarrasser du service. La collectivit reste matre du service. Mme si elle nassure pas la responsabilit de la gestion directe du service, elle en assume la responsabilit juridique, sociale, politique... Si le service nest pas correctement excut, les usagers mettront en cause non seulement lentreprise concessionnaire mais aussi lautorit concdante. Do lextrme importance de la ngociation qui porte la fois sur lquilibre des relations concdant-concessionnaire mais aussi sur lquilibre des relations concessionnaire-usagers ainsi que sur lorganisation et le fonctionnement du service.

    - Lquilibre concdant-concessionnaire

    La principale difficult rside dans la sur-exprience des entreprises spcialises dans ce type dactivit et dans linexprience de la quasi totalit des collectivits locales. Ce dsquilibre est patent ds la ngociation du contrat de concession et malheureusement plus tard encore pour toutes les tches de contrle. Pour tre un ngociateur et un contrleur srieux, il faut disposer de sa propre quipe dexperts ou dassistants techniques disposant de solides connaissances en matire dingnierie, dconomie (fiscalit, financement, conomie dentreprise...) et de droit (les comptences plus spcifiques en matire danalyse de la qualit de leau et de lexpertise comptable sont mobiliser au fur et mesure et en fonction des besoins). Cette quipe doit surtout tre rmunre par le matre public du service et ne pas avoir partie lie avec lentreprise candidate la concession puis concessionnaire soumise contrle. Cest l sans doute la condition la plus dterminante et la plus difficile instaurer car ces entreprises sont trs puissantes et influentes. La rmunration de lquipe de contrle par le matre du service est assez facile organiser. Il suffit de le prvoir dans le contrat de concession et prescrire quune certaine partie du prix pay par lusager lentreprise concessionnaire est affecte directement et automatiquement la couverture des frais de matrise publique du service dont les frais dexpertise et de contrle. Ces derniers frais sont ceux que facturent les experts et assistants techniques engags par le matre. Ces sommes peuvent aussi alimenter une autorit nationale de contrle des services publics, autorit autonome cre par la loi et qui a vocation assister les collectivits.

  • En revanche, la rmunration de lquipe charge de participer la ngociation du contrat de concession fait problme. Elle ne peut rsulter dun mcanisme inscrit dans le contrat puisquil nest pas encore sign. Il y a l une difficult majeure. Le maire aura peut-tre intrt faire appel la collaboration de jeunes techniciens des services centraux de lEtat, condition quil puisse les choisir lui-mme. La dynamique - escompte - de ces jeunes techniciens compensera leur inexprience. L encore la cl rside dans la vigilance du matre public du service et son refus dtre captur (ce sont les sociologues qui ont invent cette formule) par son concessionnaire. La confiance personnelle du concdant en son concessionnaire (les juristes parlent de lintuitus personnae) qui est une condition dterminante du choix du concessionnaire et de la bonne marche du service concd nexclut en aucune faon la rigueur de la ngociation et du contrle. La confiance nexclut pas le contrle.

    La logique de la concession parfaite (voir plus loin) implique une large autonomie du concessionnaire, qui fait son affaire de linvestissement raliser et qui assume le risque commercial de lexploitation. Le concdant ne peut donc pas, par des contrles incessants, simmiscer dans la gestion de lentreprise et par l entraver son autonomie de gestion. Le concdant doit afficher ses exigences avec le plus grand soin et contrler a posteriori que ces exigences sont bien atteintes.

    Dans la pratique, toutefois, il arrive de plus en plus souvent quune bonne partie du montant de linvestissement soit apport par le concdant lorsquil a accs des sources de financement international de moindre cot. Il arrive aussi que le concessionnaire demande au concdant une subvention dquilibre pour atteindre le bas prix du mtre cube deau que le concdant lui impose. Dans ces conditions, la concession peut tre qualifie de concession imparfaite . Sans entrer dans le dtail de la rdaction dun contrat de concession, nous indiquerons ici les points sur lesquels lautorit concdante doit exercer tout particulirement sa vigilance.

    - Dure

    Une des options essentielles prendre relativement au contrat passer entre le concessionnaire et la municipalit est sa dure : pendant combien de temps lentreprise sera-t-elle en charge du service ? Autrement dit, quelle sera la dure de la concession ? Dans tous les cas elle ne peut pas tre infrieure la dure damortissement des investissements que le concessionnaire doit raliser pour assurer le service convenu.

    Lapplication de ce principe peut toutefois poser problme. Il est bien connu que toutes les entreprises concessionnaires ne gagnent de largent qu partir de la fin de ce premier cycle de production, ds que le gros des dpenses dquipement est rcupr. On comprend quelles sont enclines dire que ce premier cycle de production est beaucoup plus long quil ne parat et surestimer le cot rel des investissements.

    Il appartient au matre du service concd daborder la ngociation sur ce point aprs avoir fait lui-mme ses propres estimations des cots et dure du programme dinvestissement. Par ailleurs, plus la dure de la concession est courte plus le concessionnaire est attentif et attentionn afin de mriter le renouvellement ventuel de son contrat sous la forme dune concession ou plus probablement sous la forme dun contrat de gestion, les installations ayant t ralises, puis transfres la commune au terme du contrat de concession. La dtermination de sa dure est, on le voit, dune grande importance.

  • - Travaux et matrise douvrage

    Toutes les concessions ne comportent pas la ralisation par le concessionnaire dinstallations importantes. Si quelques travaux assez simples et techniquement vidents sont faire par lentreprise, il suffit que le contrat le rappelle en quelques mots. A linverse, si les travaux et les installations raliser par le concessionnaire sont importants, ce type de mention contractuelle est insuffisant. Par ailleurs, dans la plupart des cas, les tudes techniques qui sont la charge du concessionnaire ne peuvent tre menes bien avant la signature du contrat de concession. Ce qui implique que, dans la pratique, le programme des travaux ne pourra tre arrt dun commun accord entre le concdant et le concessionnaire que plusieurs mois aprs la signature du contrat. A dfaut de programme pralable la signature, il faudra que les parties sentendent avant de signer sur une sorte desquisse et une enveloppe grossire de cot.

    Faut-il, en outre, considrer que les travaux entrepris par lentreprise concessionnaire sont des travaux publics donnant lieu des marchs publics ? Faut-il aussi dclarer que la collectivit publique doit tre rpute matre de louvrage sous prtexte que louvrage ainsi construit est un ouvrage public et quil est construit pour le compte (comme on dit habituellement) de la commune ? Dans ce cas, il est important de le stipuler dans la convention et den tirer toutes les consquences sur le rle de la collectivit dans ce processus.

    Dans le cas contraire, il convient de dclarer explicitement que le concessionnaire travaillant avec ses propres deniers est un entrepreneur priv et que les ouvrages quil ralise ne sont incorpors au patrimoine de la collectivit quen fin de concession. Il va de soi alors que la collectivit napporte au concessionnaire aucune aide financire substantielle. La collectivit concdante joue alors un rle de superviseur se contentant de :

    viser techniquement les projets douvrages pour sassurer de leurs qualits dun double point de vue, dune part comme concdant, et, dautre part comme futur propritaire et utilisateur des ouvrages qui lui reviendront en fin de concession ; participer aux cts du concessionnaire avec droit de veto la rception des ouvrages que les installateurs et autres entrepreneurs viennent de crer et quils remettent au concessionnaire.

    - Prix

    Le prix de vente de leau, ou du service en gnral, est fixer par le contrat de concession. Cette fixation est une opration complexe. On doit trouver un quilibre entre ce que les habitants peuvent payer et ce que lentreprise doit gagner pour investir et fonctionner. L encore, les tudes sur les cots et les prix (ou tarifs) ne doivent pas maner des seules entreprises candidates la concession. Il importe ici de rappeler que le prix initial fix par le contrat est actualisable chaque anne pour tenir compte de la hausse ou de la baisse des prix et cots des facteurs. Tous les trois ou cinq ans, ces prix ou tarifs sont gnralement dclars rvisables ou rengociables. Le contrat doit le spcifier.

    - Primtre

    La question du primtre de concession est capitale en entendant par primtre de concession la zone dans laquelle le branchement au rseau est d au fur et mesure de lurbanisation et du dveloppement du programme dinvestissement. Il est risqu de se contenter de vagues

  • promesses profres par le futur concessionnaire, du genre : on desservira lensemble du territoire communal ! Le quand (quel temps de rponse du concessionnaire lurbanisation de tel ou tel site pour lui assurer une desserte convenable ?) et le comment (quel niveau de qualit de desserte : branchement immdiatement assur sur conduite longeant tous les fronts de parcelle ?) sont des questions aussi importantes que celle relative ltendue du primtre. Il peut tre plus prudent de limiter ce primtre mais dexiger que le concessionnaire y intervienne vite et bien, mme si lon doit grer autrement le service de leau en dehors du primtre de concession (voir plus loin).

    3. La troisime voie : le service public assur par la collectivit locale elle-mme.

    La gestion du service public par la collectivit publique semble tre une sorte dvidence, procder dune sorte de logique simple : puisque la collectivit publique est matre du service public, quelle en assure au moins lorganisation, pourquoi ne prendrait-elle pas en charge la gestion de ce service ?

    La gestion du service par la collectivit ne simpose pas delle-mme. Elle relve dun choix politique de lautorit locale qui aurait dcid de :

    utiliser ses propres moyens ; employer son propre personnel ; contrler de lintrieur et en dtail la bonne marche du service.

    La gestion du service par la collectivit est sans conteste la marque dune avance dune logique politique, aux sens les plus ngatifs (bureaucratie, npotisme, clientlisme...) mais aussi les plus positifs (recherche dadquation entre la faon de grer le service et le projet politique ou le projet de cit affich par la municipalit) de lexpression de logique politique . Il nous semble quune telle gestion nest praticable que si elle ne prsente pas trop de difficults techniques, encore que, comme nous allons le voir, rien ninterdit au gestionnaire public de recourir des prestateurs, fournisseurs et professionnels extrieurs.

    Examinons dun peu plus prs ce que grer soi-mme veut dire pour une collectivit, quelle difficult ce choix peut lexposer.

    La premire difficult est celle de la confusion : le service se confond avec ladministration au point que :

    on ne sait plus qui est concrtement et personnellement responsable des prestations, mme si le maire a pris soin de dsigner le directeur des services techniques en raison dune certaine technicit de la prestation ; on ne sait plus combien cote cette prestation. La question du cot est la plus inquitante. Elle se pose dans tous les cas, mme lorsque le service fonctionne perte ou gratuitement, selon la dcision prise par la collectivit publique. La connaissance de la dpense est indpendante de la question de la recette . Il est indispensable de savoir combien cote le service afin dtre en mesure den valuer le rendement, la productivit et de calculer la subvention indirecte qui va aux bnficiaires du service mais qui ne paient pas ou qui le paient partiellement.

    Si par exemple, pour reprendre lexemple de ladduction deau concde, la collectivit dcide de desservir elle-mme par camion-citerne la population installe en dehors du

  • primtre de concession, il lui faudra calculer avec prcision le cot de ces livraisons pour savoir comment elle doit ou elle peut rpartir le montant de la dpense entre, par exemple :

    le consommateur en le faisant payer un certain prix par seau ou bidon ; le concessionnaire titre de contribution au service de leau gre par la municipalit qui ainsi le dispense davoir en charge la desserte du pri-urbain ; le budget de la collectivit au titre dune subvention lalimentation en eau de certains quartiers populaires de la priphrie. Ces critiques militent en faveur dune autonomisation de lappareil de gestion publique. Il parat indispensable que la gestion du service soit isole de ladministration ordinaire. Cet isolement est dabord budgtaire. Il faut que le service dispose de son propre budget annex au budget gnral de la collectivit et de son propre compte rcapitulant en fin dexercice les dpenses et recettes effectives.

    Il nest pas sr quil faille formaliser outre mesure ce dispositif au point de crer un tablissement public communal par service, dont le formalisme est dcourageant, souvent disproportionn aux enjeux rels. Pour concevoir ce dispositif, il importe avant tout de ngocier avec les services des Finances et du Trsor pour quils acceptent lide de cet ensemble budget-compte annexe. Ds que les personnes charges dengager les dpenses, de les rgler et de percevoir les recettes sont dsignes, il suffit de leur adjoindre un comit de gestion du service prsid par le maire ou son reprsentant pour quune sorte dautonomie minimale soit assure.

    Dans tous les cas, la dcision de grer elle-mme le service ne peut tre prise par la collectivit avant davoir fait linventaire de ses moyens, trac les limites extrieures de ses pouvoirs, savoir-faire et moyens. Au-del de ces limites, la collectivit ne peut que collaborer avec des entreprises, des associations, des usagers capables de se comporter en :

    fournisseurs du gestionnaire de service ; sous-gestionnaires du service, de certaines parties du service ; partenaires.

    4. Autres voies, autres difficults.

    Le procd de lentreprise assurant la totalit du cycle de production, de linvestissement initial jusqu la prestation de service, nest pas le seul possible. Les tches imparties lentreprise peuvent tre plus rduites : exploiter le service et entretenir les installations. Le droit dinspiration franaise ne parle plus ici de concession mais de location ou daffermage. Le fermier exploite le service, entretien les installations et verse parfois la collectivit une redevance pour lutilisation des installations.

    Il arrive que lentreprise nassure quune partie des fonctions de production, par exemple : le traitement de leau et sa distribution. Les autres fonctions (investissement, organisation du service) peuvent tre confies une autre entreprise, ventuellement nationale. Toutefois, la division socit matresse/producteur deau nest pas toujours dune parfaite clart. Il arrive souvent que le producteur soit une socit trangres tout fait rentable et que la socit matresse ait supporter quantits de lourdes charges au nom de lintrt gnral et national.

    On voit quici les possibilits offertes aux communes sont impressionnantes. Il leur appartient de se mfier des solutions toutes faites que leur proposent les entreprises. Elles doivent oprer leur choix en reprenant la base un raisonnement en forme de questions :

  • qui fait (doit et peut faire) quoi pour assurer le service ? quels sont les avantages et inconvnients techniques, conomiques et socio-politiques de telle ou telle formule ? quels risques la commune court-elle si elle opte pour telle ou telle solution ?

    La question des rapports entre les socits nationales de services et les communes.

    Il nous semble quune difficult particulire doit tre signale. Cest une situation trs habituelle en Afrique : la concession de la production et de la distribution (de leau, de llectricit,...) est confie par lEtat lui-mme un concessionnaire disposant dun monopole national et qui donc, en quelque sorte, simpose toutes les communes. Les instances communales sont alors prives de tout pouvoir de dcision en cette matire. Il ne leur reste qu subir le concessionnaire que lEtat a choisi sans eux et pour eux.

    Lautorit communale ne peut nier lintrt technologique et conomique dune concentration de la production et de la distribution, en particulier de llectricit, en quelques mains. Mais ce qui parat inacceptable cest de ne pas associer la commune llaboration des programmes dinvestissement qui concernent sa propre ville, de ne pas linterroger sur les conditions doccupation par la compagnie dlectricit du domaine public ou sur lorganisation des chantiers de travaux, de la considrer, pour ses installations dclairage public, comme un simple particulier... Mme en dehors de toute disposition juridique, il convient sans doute dinviter au contraire la compagnie concessionnaire venir discuter avec la commune daccueil.

    La meilleure solution semble tre de reconnatre aux grandes communes urbaines la qualit dorganisateur de la distribution, mme si pour ce faire elles sont obliges de confier la distribution la compagnie nationale. Lavantage dune telle formule est de contraindre la commune et la compagnie discuter dun programme commun et signer une sorte de sous-concession de distribution. Cette formule pourrait tre inscrite dans la convention passe entre lEtat et la compagnie concessionnaire.

    Il parat en revanche dangereux en ltat de dveloppement de la plupart des rseaux lectriques des pays africains, de limiter lintervention de la compagnie nationale la production et au transport de llectricit en laissant chaque commune, quelque soit sa taille, toute libert pour organiser le service de la distribution.

    Services publics allgs

    Le gestionnaire public du service peut avoir besoin :

    de travaux, dtudes, de conseils ; de services informatiques pour les besoins de sa gestion ; des services dun comptable expert pour la tenue de sa comptabilit ; de petites entreprises de collecte et de transport pour lenlvement des ordures ; dassociations de citoyens pour organiser la garde et la surveillance dinstallations... Ces services, travaux... peuvent faire lobjet de marchs publics tout fait classiques : le fournisseur passe avec le gestionnaire public du service un march - soumis ou non appel doffres selon les cas et selon les pays - qui donne lieu paiement du service rendu. Le fournisseur ne prend pas part directement la gestion du service public. Il nest charg que de faire des apports au gestionnaire du service qui reste seul responsable de la bonne utilisation

  • de ses apports extrieurs et de la bonne gestion du service. Il se peut que le gestionnaire du service puisse devoir recourir des fournisseurs publics : utilisation de linformatique de la direction locale du Trsor pour tenir la comptabilit du service et mettre les factures ; utilisation des capacits topographiques de la direction locale du Cadastre pour dresser une carte du rseau des canalisations deau... Une collectivit publique locale ne peut en gnral passer un march avec un service dconcentr de ltat. Un simple arrangement oral et interpersonnel ne suffit pas car il est trop fragile. Il est difficile alors de faire lconomie dun accord formel pass entre le maire et le prfet. La rglementation peut prvoir le paiement par la collectivit locale dhonoraires pour services rendus par lEtat aux collectivits locales (cest assez habituel pour le Trsor et les Ponts-et-Chausses). A la limite, on peut imaginer quun gestionnaire municipal ne dispose en propre que de trs peu de moyens et de personnel, quil ait recours systmatiquement des apports extrieurs... Il nen resterait pas moins le gestionnaire du service. On ne peut dire de manire absolue ou sentencieuse que la doctrine du service allg ou maigre (peu de moyens et de personnels propres) est prfrable ou non celle du service gras . Tout dpend des options politiques et sociales de la municipalit qui peut prfrer une distribution systmatique du travail aux acteurs de la socit civile une concentration demploys et de moyens sous les toits de lhtel de ville.

    Services plusieurs tages

    Rien ninterdit, bien au contraire, la municipalit qui gre elle-mme un service public de limiter ses ambitions une partie du service et de confier lautre partie (ou les autres parties) dautres gestionnaires. Evoquons quelques cas assez classiques.

    Le service des ordures mnagres est gr par la municipalit qui confie le ramassage des ordures et leur concentration dans des lieux de dpt dit de quartier des entreprises ou des associations qui se font directement payer par les habitants. Le service gr directement par la municipalit consiste alors transporter les ordures partir des dpts des quartiers jusquau lieu de traitement et videmment traiter lesdites ordures.

    Le service de leau dessert certains quartiers la fois excentrs et populaires par des bornes-fontaines qui sont donnes grer des fontainiers ou des associations qui ont les entretenir, amnager leurs abords et faire payer les consommateurs. Les fontainiers peuvent tre de simples personnes physiques. Le service de la fontaine est rgi par un petit contrat pass entre la municipalit et le fontainier et par un rglement dutilisation opposable aux usagers. Le tarif est fix chaque anne par le conseil municipal. Une partie du prix est conserv par le fontainier pour son travail et ses dpenses dentretien et damnagement.

    Le service des ordures mnagres et de leau est souvent un service deux tages : ltage du haut, le service est gr directement par la collectivit, ltage du bas, le service est confi des petites entreprises, des individus ou des associations.

    Partenariat

    Un service gr directement par une municipalit est assez habituellement enclin travailler en partenariat avec des associations charges dexpliquer aux gens comment se servir de telle installation publique ou de tel service public, dorganiser des groupements dusagers autour de points deau, de les faire payer, de reprsenter les usagers au sein des instances directrices ou consultatives du service municipal, daider la constitution et la consolidation de petites entreprises, fournis-seurs ou concessionnaires de certaines parties des services... Ces

  • associations ne sont elles-mmes ni fournisseur ni concessionnaire des services municipaux mais leurs partenaires et interlocuteurs.

    Cette souplesse nest pas toujours aise obtenir dans le cas dun service concd une entreprise qui peut avoir tendance semparer de lensemble du processus et obir sa logique dentreprise. Nanmoins lexprience montre que, dans le cas dun service concd, une rpartition des tches entre le concessionnaire et des associations, des individus et des petites entreprises est possible et avantageuse. Lautorit municipale aura alors intrt faire pression, si cela est ncessaire, sur le concessionnaire pour quil accepte de dvelopper des partenariats.

  • Raliser des ouvrages publics

    Introduction

    Cest un des gestes les plus ordinaires dune municipalit. Il sagit en effet soit de construire soit dentretenir soit de rparer (rhabiliter) une voie, un march, une cole, une maison de quartier... Dans lhypothse o ces travaux sont relatifs un ouvrage public communal, ils sont des travaux publics dont la municipalit est le matre de louvrage.

    La question qui nous intresse ici est celle du choix du mode opratoire par le matre douvrage communal. Le processus de production de louvrage public rsulte, dans tous les cas, des interventions conjugues :

    du matre : le matre de louvrage dcide, commande, paie et met en service louvrage ; du concepteur : il conoit louvrage command et (le mme ou un autre) en surveille la ralisation ; du ralisateur : il construit louvrage command tel que conu par le concepteur.

    Ces dnominations dsignent des fonctions assurer par des individus, des associations, des professionnels, des entreprises, des institutions publiques ou prives... qui sengagent accomplir des tches ; qui disposent de savoir et de savoir-faire techniques, sociaux, conomiques, financiers ; qui sont capables de mobiliser les moyens ncessaires pour lexcution des tches quils ont accomplir ; qui rpondent de la non-excution ou de la mauvaise excution de la commande, telle que constate la livraison de louvrage et, ventuellement, aprs la livraison de louvrage pendant la priode de garantie lgale qui suit la livraison.

    Notre propos ici nest ni technique ni juridique. Nous navons pas prconiser lutilisation de tel professionnel plutt que tel autre ni de telle clause contractuelle plutt que de telle autre. Notre propos est desquisser les diverses possibilits de montage de lopration entre lesquelles la commune choisit en fonction :

    de sa propre capacit exercer son mtier de matre douvrage ; des exigences des bailleurs de fonds et autres financeurs ; de la technicit de louvrage ; du dveloppement conomique et entrepreneurial quelle veut promouvoir ; des alliances politiques et sociales quelle souhaite nouer pour affermir sa base lectorale et construire son projet de cit ; du rle quelle veut faire jouer aux associations, aux organisations de solidarit (ONG) et aux usagers. Il ne nous appartient pas de dire : voici la solution mais plutt voil les possibilits, vous de choisir .

    1. Premier mode opratoire : la commune autoconstructeur

    Ce premier mode se caractrise par une concentration des diffrents mtiers ou fonctions entre les mmes mains : la commune est la fois matre douvrage, concepteur et entreprise. Elle commande, paie, conoit, ralise elle-mme.

  • Ce processus dautoproduction ou dauto-construction a notamment les faveurs des jeunes techniciens des services communaux. Ils ont hte de faire la dmonstration de leurs connaissances techniques... Les dirigeants de la municipalit peuvent aussi se montrer favorables ce systme de lautoconstruction aux motifs que a sera moins cher et que nul nest mieux servi que par soi-mme . Cependant rien nest moins sr.

    Le cot est en gnral difficile apprcier, car les services municipaux autoconstructeurs ont lhabitude de ne comptabiliser au titre des cots que le prix des fournitures supplmentaires quil a fallu se procurer spcialement pour les besoins de lopration : le calque, le carburant, le ciment... Le problme de la qualit se pose car lautoconstruction rend difficile le contrle.

    Lexprience montre que lautoproduction communale est souvent pleine dembches :

    a. Le matre douvrage exerce une autorit hirarchique sur le concepteur (les services techniques) et sur le ralisateur (tel ou tel atelier municipal, telle ou telle brigade de travaux) de louvrage. Cette autorit hirarchique peut tre nfaste. Ce qui est demand un professionnel de la conception ou de la ralisation cest non seulement dtre un bon professionnel mais cest aussi dtre capable de conseiller son matre douvrage et mme de sopposer tout drapage technique ( ce que vous nous demandez dajouter ici louvrage principal est infaisable ) ou conomique ( ...et entrane un surcot ou un cot supplmentaire extravagant ). Ces droits et devoirs de conseil et mme de remontrance sont dans une large mesure, en contradiction avec le devoir dobissance de lemploy lgard de son employeur.

    b. Le travail raliser pour la production de louvrage se confond avec les autres tches incombant aux services chargs de la conception et aux services chargs de la ralisation. Le mlange du travail raliser pour la production de louvrage avec les autres tches ordinaires a beaucoup dinconvnients. Les urgences changent sans cesse en fonction des ordres, des pressions et des circonstances. La multiplicit des tches exige une gestion rigoureuse des comptences et du temps qui est difficilement praticable. On peut essayer de pallier ces dfauts en instituant un systme de primes au rendement et au respect des chances. Ce nest pas simple. Retenons que lautoproduction implique une autodiscipline difficile exercer.

    On peut conclure que lautoconstruction communale est un mode de ralisation douvrage peu pratique et qui comporte bien des embches. Il est sans doute souhaitable den limiter lutilisation aux :

    travaux de faible envergure difficiles dfinir a priori (gros entretien, rparation douvrages existants) ; communes disposant de services bien structurs capables la fois de tenir les dlais et de repousser des demandes excessives des dirigeants municipaux.

    2. Deuxime mode opratoire : le matre douvrage et lventail

    Il sagit l dune tout autre organisation du travail, dans laquelle la commune exerce la totalit de sa fonction de matre douvrage et donne faire des contractants la totalit des tches de conception et de ralisation.

    La commune divise le travail faire en tches distinctes. Elle confie la ralisation de ces tches aux professionnels et aux entreprises quelle slectionne en raison de leurs

  • comptences et de leurs spcialits. Cette division peut avoir pour objectif de tirer le plus grand profit de la spcialisation des professionnels et des entreprises : telle tude de climatisation doit tre confie au meilleur bureau dtude de climatisation de la place ; tel lot tanchit doit tre confi la meilleure entreprise spcialise dans ce type de travaux...

    Mais ce mode opratoire met le matre douvrage rude preuve. Il doit tre capable :

    de diviser le travail en tches, en sous-ensembles homognes de travaux ; de passer autant de marchs que de tches ; dorganiser une coordination dautant plus stricte que la division en tches est plus pousse.

    Lintensit du travail fournir sajoute celui qui pse sur tout matre douvrage : sassurer de la faisabilit de lopration, tablir le programme, trouver le financement...

    Les communes africaines en sont capables, mais elles nont pas toutes les moyens techniques suffisants. Elles peuvent se faire assister dans leur fonction de matre douvrage.

    Ces tches dassistance sont relatives :

    la conception du projet ; son montage technique, administratif et financier ; sa mise en uvre (appel la concurrence, passation des marchs, contrle de leur excution...) ; la coordination des intervenants ; ventuellement lexpertise technique des solutions proposes ; la rception de louvrage ; sa mise en service.

    Il ne faut pas se mprendre sur la fonction et le statut de la ou des personnes qui assistent le matre douvrage et dont les dnominations sont dailleurs varies et changeantes. Lassistant nest pas le mandataire ou le dlgu du matre douvrage (voir plus loin). Il ne le reprsente pas et nagit pas sa place et pour son compte. Lassistant se contente daider le matre douvrage :

    il soumet son apprciation et sa signature tout projet de dcision ; il attire son attention sur toute drive, rdige les projets de march lui faire signer... Autrement dit lassistant est prestataire de services de conseil, dtude..., en rapport direct avec la matrise douvrage et au bnfice direct et quotidien du matre douvrage.

    3. Une variante du schma de lventail

    Le schma en ventail vient dtre prsent comme le rsultat dune division en tches correspondant des spcialisations des concepteurs et ralisateurs. Il peut exprimer une tout autre ralit. Une municipalit dsire faire travailler les petites entreprises locales. Pour que ce soit possible, il faut leur proposer des travaux simples raliser et de faibles dimensions. Do la ncessit de morceler les travaux en petits lots. Par exemple la voie urbaine construire est divise en tronons. Chaque tronon fait lobjet dun march distinct. Il faut que la taille du lot convienne la taille des entreprises que lon veut favoriser. Il faudra aussi sassurer que la grande entreprise de la place ne rafle pas tous les lots et reconstitue ainsi

  • un seul et unique march sa convenance. A priori une pression officielle sinon amicale sur cette entreprise est la meilleure solution. Il semble difficile en droit :

    dune part de rserver certains appels doffre la catgorie des petites entreprises , catgorie quignore la plupart des codes des marchs publics ; dautre part dinterdire une seule entreprise de se porter candidate toutes les offres. Il arrive dailleurs que ces facilits daccs la commande publique ne soient pas suffisantes. Il faut aussi en mme temps travailler avec les organisations dont se dotent ventuellement les petites entreprises nationales afin de les prparer techniquement et surtout gestion-nairement. Le matre douvrage doit enfin sappliquer une gestion rigoureuse du march : paiements frquents et rapides, prsence quasi permanente sur le chantier, contrles se transformant en actions la fois prventives et didactiques... L encore le matre douvrage est mis rude preuve.

    4. Troisime mode opratoire : le matre douvrage et larbre

    La critique du mode opratoire dit de lventail est vidente : complexit des tches incombant au matre douvrage et cot lev d la multiplication des intervenants et des actes.

    On peut lgitimement souhaiter simplifier ces procdures surtout lorsque louvrage nest pas dune grande complexit.

    Lavantage qui mrite dtre conserv consiste en la position centrale et stratgique du matre douvrage.

    Quelle simplification trouve-t-on habituellement dans la pratique ? Le nombre de branches est ramen deux ou trois ce qui fait ressembler le schma du mode opratoire un arbre pourvu de quelques branches matresses.

    Dans le cas le plus simple, le matre douvrage contracte avec deux partenaires :

    le premier se charge de lensemble des tches de conception, cest le matre duvre ; le deuxime, lentreprise, se charge de mener bien le processus de ralisation.

    Ici, videmment le travail du matre douvrage est plus simple puisquil na que deux interlocuteurs. Il nempche quil doit soccuper de la cohrence des deux dmarches. Lentreprise doit excuter les projets, dessins et calculs du bureau dtudes architecturales et techniques, et donc sabstenir de les modifier pour aller plus vite ou pour augmenter son bnfice. En revanche, si lentrepreneur conteste la validit technique dune solution, il doit en faire part officiellement au matre douvrage, avec lequel il a contract. Symtriquement, si le concepteur saperoit que lentrepreneur ne respecte pas ses plans, il doit aussi en faire part au matre douvrage.

    Juridiquement, le concepteur et lentrepreneur nont pas de relations : lun ne commande pas lautre et ils ne sont pas non plus associs. Professionnellement, ils doivent communiquer et mme bien sentendre. Toutefois ils ne sont lis contractuellement quau matre douvrage. Ceci vaut aussi pour le concepteur qui se verrait investi de la mission de directeur de lexcution . Diriger lexcution ne signifie pas disposer de tous pouvoirs sur lexcutant au nom du matre douvrage. Et ce pour au moins deux raisons :

  • le concepteur charg de diriger lexcution veille et surveille mais ne parle ni ne dcide au nom du matre douvrage, quil ne reprsente pas faute dun mandat ly habilitant ; le matre douvrage lui-mme ne dispose pas de pouvoirs de commandement et dinjonction lgard de lentrepreneur, qui possde un savoir-faire spcifique et qui reste un professionnel indpendant, auquel on ne peut pas faire faire ce quil rprouve techniquement. Dailleurs, en faisant appel des professionnels, en passant avec eux des contrats par lesquels ils mettent leurs savoir-faire disposition du matre douvrage, ce dernier sait fort bien quil ne salarie pas un simple dessinateur ou un modeste maon. Il reste donc bien au matre douvrage piloter lensemble du travail et veiller notamment la parfaite coordination des tches de conception et de ralisation.

    5. Quatrime mode opratoire : le matre douvrage dlgu

    La matrise douvrage nest pas un mtier, plutt une fonction. Mais il est vrai quelle est complexe :

    complexit financire : il faut trouver largent ncessaire, tirer sur les prix, amputer le projet de quelques perfectionnements trop coteux... complexit technique : pour passer commande il vaut mieux avoir quelques connaissances techniques sur lobjet construire et le processus de production... complexit sociale : il faut exproprier, ngocier, composer avec les groupes de pression, faire alliance avec telle association dusagers, marginaliser telle secte... Le matre douvrage communal peut donc faire le choix de sen remettre un professionnel qui exercera sa place et pour son compte la fonction de matre douvrage. Il ne peut videmment se dcharger de toutes ses responsabilits. Le matre douvrage reste celui qui conduit le processus de cration et de ralisation de louvrage. Mais rien ne lempche de demander un professionnel dassurer la conduite de lopration sa place, pour son compte et en son nom, cest--dire de dlguer certains de ses pouvoirs un matre douvrage dlgu.

    Le dlgu ou mandataire est un reprsentant. Les actes quil accomplit sont rputs avoir t accomplis par le dlguant ou mandant. On comprend que ce systme du mandat puisse tre dangereux. Beaucoup plus quun contrat de prestation de service.

    Le mandataire prend en charge lopration. Il peut ne pas en faire assez sil est nonchalant, ou trop sil est activiste ; il peut alors devenir le matre douvrage de fait et clipser presque totalement le matre douvrage de droit.

    Comment se prmunir contre ces risques ? En obligeant le mandataire rendre compte son mandant frquemment et lui expliquer les pourquoi et les comment de ses actes. La comparution physique du mandataire devant un comit de suivi municipal est primordial. Il faut en profiter pour dbattre et discuter la facture prsente par le mandataire demandant :

    le remboursement des paiements quil a assurs lui-mme au titre de lopration (par exemple le paiement dune partie des travaux) ; et le rglement de ses honoraires.

    Ces prcautions sont assez efficaces lorsque :

    le matre douvrage a lui-mme choisi le matre douvrage dlgu ;

  • le matre douvrage est effectivement le payeur.

    Elles le sont moins lorsque :

    le dlgu est impos, en droit ou en fait, par lEtat ou un financeur. le dlgu reoit, directement ou presque, les fonds du financeur, notamment dun bailleur de fonds.

    Est-il ncessaire dajouter que la situation est encore plus difficile lorsque les financeurs imposent leurs propres matres douvrage prtendument dlgus parce quils nont pas confiance en cette collectivit locale ? En dehors de ces cas limites totalement opposs au pari de cet ouvrage sur le rle irremplaable des collectivits locales en Afrique, on ajoutera quune bonne solution consiste faire collaborer matre douvrage et matre douvrage dlgu loccasion des dcisions les plus importantes (choix du matre duvre, dsignation des entreprises...). Ces rendez-vous obligs sont dterminer dans le contrat de dlgation de matre douvrage. La procdure de dcision est organiser : le rle de rapporteur serait tenu par le dlgu, les contradicteurs seraient les membres du comit de suivi, etc.

    Il ne faudrait pas aller trop loin dans cette voie, car si le matre douvrage a choisi de dlguer, cest pour se dcharger de tches quil juge trop lourdes ou trop techniques. Ce nest pas pour tre sollicit tout moment par son reprsentant.

    Il semble quelque peu superflu de faire contrler le dlgu par un bureau de contrle. Si lon veut que le dlgu ne fasse pas nimporte quoi, il parat plus normal que le matre douvrage agisse lui-mme, quitte se faire aider par un assistant auquel pourrait tre confie une mission dassistance assez troite et prcise. Encore faut-il que lassistant ne soit pas de connivence avec le dlgu !

    Il convient dattirer lattention sur un point essentiel : le fait pour le matre douvrage public de donner mandat un dlgu soumis au droit priv na pas pour effet de placer lopration en question sous le rgime du droit priv. Les contrats que le dlgu peut tre habilit passer pour ltablissement du projet puis sa ralisation ne sont pas des contrats privs. Ils sont des marchs publics. La thorie juridique du mandat est formelle : le mandat ne peut modifier la nature juridique des actes qui auraient t passs par le matre douvrage si celui-ci navait pas eu recours un dlgu. Ce dernier signe au lieu et place du matre douvrage public des marchs quil (le matre douvrage public) aurait pu signer lui-mme.

    Cette mise au point vaut dtre faite, car les agences de travaux forme associative qui fonctionnent comme dlgus des Etats et des communes sont, toujours tort, prsentes comme une forme de privatisation de la commande publique ; on fait croire que les agences sont capables de transformer la commande publique en commande prive comme un alchimiste transforme le plomb en or.

    6. Une varit de dlgation de matrise douvrage pleine dintrt : le dlgu spcialis dans la mise au travail des petites entreprises et uvrant lamlioration du cadre de vie urbain

    Le recours un matre douvrage dlgu se justifie sans conteste ds lors que lon sengage dans une politique de facilitation de laccs des petites et moyennes entreprises nationales la commande publique, en particulier municipale. Cette fonction de facilitation reprsente une vritable spcialisation.

  • Malheureusement, dans la pratique, ces oprateurs ne sont jamais des oprateurs municipaux. Ils sont tatiques ou en tout cas domins par lEtat. Ils fonctionnent par le moyen de crdits internationaux qui leur sont verss directement en excution daccords de crdits conclus par lEtat et les bailleurs de fonds.

    Ce type doprateur port par les Etats et les bailleurs de fonds est particulirement efficace en ce sens quil dispose finalement dans son secteur de tous les pouvoirs et de tous les moyens. Il se sent rarement responsable devant la commune et encore moins son mandataire. Les fonds dont il dispose ne passent pas par les mains de la collectivit locale. Ce sont des fonds prts lEtat et qui sont simplement affects telle opration localise dans telle ville . Dans de nombreux cas, cest peine si loprateur demande la collectivit de signer le mandat formel qui lui donne pouvoir dagir en son nom et qui est une sorte de blanc seing trs large et assez vague.

    Loprateur dsign la plupart du temps par le terme d agence de travaux est prsent comme lappareil technico-administratif dune association - quelque fois mme bnficiant du statut dONG - forme de la runion :

    de reprsentants de lEtat, des maires de quelques villes, des reprsentants des organisations repr-sentant les petites entreprises nationales, de dlgus des syndicats ouvriers, de personnalits indpendantes.

    La formule de lassociation est intressante en ce quelle autorise une sorte de cogestion du processus bien que dans les faits le directeur gnral ait souvent tous les pouvoirs et se passe de lavis du conseil dadministration form des principaux partenaires. Ce mme directeur est en revanche trs attentif aux moindres des gestes et des paroles des bailleurs qui labreuvent de ses fonds.

    Le principal mrite de ces agences est de lancer des travaux ddilit de premire ncessit et dont limpact social est fort (en particulier de rfection ou de construction de voies urbaines de desserte des quartiers souvent populaires). Elles seraient prtes travailler directement la demande (on devrait dire commande) des autorits de quartier, des lus mandats par la municipalit, des associations diverses. Elles pourraient aussi (mais ce nest pas encore une pratique : nous rflchissons ici en termes de possible ) confier des tches dentretien des rseaux dusagers agissant comme entrepreneurs de menus ouvrages.

    Toutes ces possibilits sont du plus haut intrt. En attendant que des agences municipales ou plutt intermunicipales (une agence pour plusieurs municipalits) soient cres, il semble souhaitable que les reprsentants des collectivits locales sigeant dans les conseils dadministration de ces agences psent de tout leur poids pour les rapprocher des communes et de leurs proccupations. Ils pourraient exiger delles quelles collaborent plus troitement avec les services techniques municipaux qui ont besoin et envie dapprendre. Et enfin, au lieu de contourner les difficults (par exemple en refusant contre toute logique dappliquer le droit des marchs publics) ne peut-on demander ces agences quelles aident les dirigeants municipaux les affronter : par exemple, en les aidant crer un rgime spcial de marchs publics efficace et honnte pour les petits travaux ; par exemple, en les aidant fortifier les

  • services techniques municipaux qui dans tous les cas de figure auront toujours des travaux faire par eux-mmes... et des responsabilits de matrise douvrage exercer.

    7. Faut-il aller plus loin ?

    La pratique en Afrique na pas t beaucoup plus loin. Il est cependant utile de dire que ces modes opratoires ne sont pas figs dans leurs formes actuelles et peuvent voluer.

    Les voies dvolution possibles sont :

    la pratique du contrat global de conception de tradition anglo-saxonne (voie n 1, voir plus loin) ; le rapprochement avec les procds dingnierie industrielle (voie n 2) ; lintroduction des mthodes de la promotion immobilire prive qui dans les pays pourvus de lois classiques sur la matrise douvrage publique sont difficiles appliquer car elles ont tendance dessaisir le matre douvrage public dune partie de ses pouvoirs ou bien lui proposer de dlguer ses pouvoirs une personne entirement prive et non contrle par la puissance publique, ce quinterdisent les dites lois (voies n 3, n 4 et n 5).

    Premire possibilit (voie n 1). Le matre douvrage fait du concepteur, du matre duvre, le chef de file de lopration en lui confiant les responsabilits de toutes les tches non physiques de lopration projete :

    pour partie il fait le travail de lassistant du matre douvrage en participant la dtermination du programme, la mise au point du plan de financement, aux oprations foncires pralables... pour partie il fait le travail du dlgu du matre douvrage en prenant en charge les tches de suivi de la ralisation.

    Nous obtenons un schma opratoire trs simple et trs efficace :

    le matre douvrage ne dlguant pas ses pouvoirs de matre douvrage reste trs actif et continue intervenir souvent, mais toutes ses dcisions sont prpares par son matre duvre, qui donc joue galement le rle dassistant du matre douvrage ; le matre duvre mission tendue (qui doit tre capable bien entendu de mobiliser toutes sortes de comptences techniques) est la cheville ouvrire du processus opratoire ; les prestataires de services particuliers et les entreprises travaillant sous la direction et le contrle unifis de lhomme de lart qui est en mme temps lhomme de confiance du matre douvrage.

    Ce schma est contre-courant des habitudes franaises et francophones qui mettent laccent sur le dlgu du matre douvrage au dtriment si lon peut dire du matre duvre et qui font le pari dun certain effacement du matre douvrage. Le prsent schma prend une position inverse. Il suppose une sorte de professionnalisation du matre douvrage et une forte technicit du matre duvre. Ce qui nest pas toujours le cas.

    Deuxime possibilit (voie n 2). Le matre douvrage confie lentreprise la mission de faire les tudes et de raliser les travaux. Il se peut fort bien quen raison de sa spcificit technique, le projet arrt par le matre douvrage ne puisse tre excut quen recourant un processus technique qui ne sont matriss que par deux entreprises. Le vritable choix faire

  • est un choix entre les deux entreprises et non entre plusieurs projets darchitecture et dingnierie. Cest pourquoi il faut immdiatement organiser une mise en concurrence de ces deux entreprises et demander chacune delles une proposition (soumission) intgrant conception et ralisation. En ce cas lentrepreneur absorbe, en quelque sorte, le concepteur. Le schma opratoire sen trouve simplifi dautant. Le matre douvrage ne passe quun contrat, il ne parle qu un interlocuteur... Dans ces conditions, le recours un matre douvrage dlgu ne simpose pas avec autant dvidence. On peut penser en revanche que la fonction dassistant au matre douvrage reste importante et quelle doit tre assure par des techniciens indpendants.

    Troisime possibilit ( voies n 3, n 4 et n 5). Le recours des formes de quasi promotion ou de promotion. La ralisation dun ouvrage engage par le matre douvrage public en recourant des concepteurs, entreprises, mandataires... est toujours une sorte daventure. Entre le moment o l ide mme de louvrage simpose comme une sorte dvidence tous les dcideurs locaux et la mise en service de louvrage enfin construit... que de difficults, dincertitudes, de craintes de dpasser le prix prvu... Les matres douvrage dlgus et les assistants aux matres douvrage sont en principe l pour aplanir ces difficults, pour dissiper ces craintes... bref pour pallier les carences techniques des collectivits locales.

    Rien ninterdit cependant de travailler lamlioration du processus, notamment sa simplification, par exemple en proposant que le cocontractant de la collectivit soit unique et prenne lentire responsabilit dudit processus, sengageant livrer le produit lheure convenue pour le prix convenu. Le matre douvrage na plus la direction du processus. Il passe commande et paie le prix.

    Plusieurs variantes sont pratiques (dans le droit franais ces pratiques sont prohibes car contraires la loi dfinissant la matrise douvrage publique qui, prcisment, doit permettre la collectivit de diriger lensemble du processus de production). Nous en prsenterons quelques-unes.

    Premire variante. Par contrat pass avec la collectivit le promoteur sengage excuter le projet retenu et le livrer lheure convenue et au prix global convenu, charge de passer lui-mme tous les contrats de conception et de ralisation quil croit devoir passer avec les firmes quil choisit. Le promoteur reste mandataire de la collectivit dont il mobilise les fonds au fur et mesure de lavancement du travail. Tout dpassement du prix est support par le promoteur (voie n 3).

    Deuxime variante. Dans dautres circonstances, le promoteur se prsente comme vendeur dun ouvrage qui est faire (ou au moins finir) acceptant sous certaines conditions quon le rgle la livraison, cls en main. Il peut aussi y avoir paiement du prix par fractions au fur et mesure de lexcution de louvrage, par tapes successives (voie n 4).

    Troisime variante. Le promoteur est vendeur mais fait crdit la collectivit qui rgle le prix par paiements successifs sur une priode par exemple de dix ans, le constructeur assurant en outre la maintenance de louvrage pendant la mme priode (voie n 5). Lintrt de ces trois dernires formules est de dplacer le centre de gravit des risques de la collectivit publique vers le promoteur qui est un professionnel. Linconvnient est le dessai-sissement de la collectivit comme patron du processus de production. Cest videmment le but que poursuivent les tenants de cette ligne que lon a pris la mauvaise habitude dappeler librale.

  • 8. Des ouvrages non voulus

    La pratique communale est riche dexemples douvrages appartenant des communes qui ne les ont :

    ni commands, par le moyen de marchs de ; ni acquis, par un acte dlibr. Il sagit par exemple de la voirie de lotissement que la commune se voit contrainte dincorporer son domaine public alors que lautorisation de lotir ne le prvoyait pas. Cette voirie est parfois la voie intrieure tout fait chaotique dun quartier dit spontan que la commune dsire lgaliser et par l intgrer pleinement la ville. Ce peut tre aussi le btiment scolaire quelque peu approximatif ralis par une association de quartier et donn la commune contre la promesse den faire une cole.

    Evidemment la commune peut toujours refuser dincorporer son patrimoine un ouvrage dont elle ne veut pas parce quil est mal construit ou tout simplement parce quil lui faudra en assurer la charge de fonctionnement et dentretien. Mais ce droit de refuser est souvent formel. La pression sociale est trop forte... et les lections trop proches. Dans le cas de la lgalisation du quartier spontan, cette incorporation est dlibre et le maire ne va pas dire aux habitants riverains : ramnagez la voie avant de me la confier .

    Il ny a pas de solutions simples ce type de difficults. Pour une commune, la seule attitude praticable consiste prvenir, anticiper et surtout chaque fois que cest possible enfermer le don dans une relation contractuelle.

    Bien des autorisations de lotir sont prises par les autorits centrales sans que le maire ne soit invit donner son avis. Cest particulirement vrai en Afrique. La plupart des lotissements sont des lotissements domaniaux dcids par les services centraux eux-mmes qui ne vont tout de mme pas sabaisser demander lavis dinstances locales. Cest pourtant au moment de linstruction de la demande dautorisation quil faut discuter de la viabilit du lotissement qui est concevoir comme un morceau de ville. Le maire nest pas en situation dexiger que lautorisation colorie en bleu les voies quil se propose de communaliser et en rouge celles quil ne prendra pas en charge. Il sait bien que malgr ses dire, il risque fort de devoir un jour ou lautre incorporer toutes les voies au domaine communal. La seule bonne mthode semble consister rationaliser le rseau viaire interne et faire passer la raison communale avant les autres. L le dialogue entre les services techniques municipaux et les concepteurs de la voirie joue un rle fondamental. Il joue un rle dautant plus efficace quil est nou tt, ds les premires esquisses.

    Lorsque louvrage est le produit dune activit informelle ou populaire, on peut l aussi ne pas attendre le dernier moment, la veille de la remise du bien, pour critiquer sa malfaon. Il faut l aussi prvenir. Un maire peut demander lassociation qui entreprend de raliser le futur btiment scolaire (le maire en est toujours inform) daccepter ds la conception du plan du futur btiment dentendre larchitecte ou le technicien municipal. Ce nest pas toujours possible. Cest parfois mme compltement contradictoire. Un maire qui lutte contre la cration de quartiers spontans ne peut pas en mme temps se prsenter comme lurbaniste conseil de ces quartiers en train de se faire.

    Dans tous les cas de figure, il est de lintrt de la commune de situer la remise du bien dans un change de bons procds prenant la forme dune sorte de contrat, qui dailleurs

  • peut rester oral sil est pass publiquement et crmonieusement comme on en a lheureuse habitude en Afrique sud-saharienne. Lidal est de conclure ce contrat en ngociant chaque engagement de chaque partie et en lui donnant la forme dun contrat de concours (ou contrat doffre de concours) dont la teneur pourrait tre par exemple :

    lassociation qui a construit le btiment scolaire en fait remise la commune, sengage lentretenir pendant cinq annes et entreprend sans dlai lamnagement des abords selon le programme arrt dun commun accord entre lassociation et la municipalit ; la municipalit accepte le btiment, procde son amnagement intrieur et son ameublement et sengage faire toutes les dmarches ncessaires auprs des services dEtat de lenseignement primaire pour que lcole puisse fonctionner la rentre scolaire de...

    Pour tre parfaitement conforme la tradition juridique, il convient dorganiser ces engage-ments sous la forme dune seule offre de concours manant de lassociation assortie de tous les engagements de loffrant ainsi que de toutes les conditions de loffre (qui sont autant dobligations pesant sur ladministration : incorporer le btiment au patrimoine communal, amnager et meubler le btiment...). Ds que la commune accepte loffre par dlibration du conseil municipal et donc reoit louvrage, elle met le processus en action. Si par extraordinaire la collectivit tait dans limpossibilit de satisfaire aux conditions poses par loffre, elle serait dans lobligation de rtrocder le bien.

    Ce procd de loffre de concours devrait tre appel de larges dveloppements. Loffre peut galement consister en totalit ou en partie en une contribution foncire ou mme montaire. En ce dernier cas, ds acceptation de loffre, les sommes en question sont verses un fonds de concours annex au budget communal. Ce fonds reste isol du reste du budget et sera affect lobjet dsign : cration dun terre-plein le long dune avenue commerante pour que les commerants riverains puissent dballer plus facilement leurs marchandises et les offrir la vente ; extension dun parking la demande des habitants ; extension du rseau deau au bnfice dun sous-quartier nouveau...

    9. Les travaux dentretien

    Lentretien des ouvrages publics est un des travaux municipaux les plus difficiles. Et, il faut bien le reconnatre, les municipalits sont ici souvent dfaillantes. Quelle municipalit accepte daccompagner la mise en service de tout ouvrage neuf dune augmentation corrlative et suffisante des crdits dentretien ? Quelle municipalit a une notion claire de ce quentretenir veut dire ? Trop de municipalits se disent quil suffit pour entretenir de quelques coups de balai donner de temps autre par le service municipal de nettoiement... et que le jour o louvrage sera trop dgrad, il sera temps alors denvisager de lancer des travaux de rhabilitation lourde.

    Pour maintenir la capacit de service dun ouvrage (ce qui est la dfinition la plus simple de lentretien), une municipalit a dordinaire recours ses propres services dits dentretien qui sont presque toujours parmi les moins bien lotis et les moins bien considrs . Faut-il, dans ces circonstances, abandonner cet auto-entretien - comme on a pu parler dautocons-truction - et donner le travail dentretien faire une entreprise spcialise par le moyen dun march de travaux dentretien ?

    La tche nest pas aise car le travail demander ne se prte pas une spcification prcise sauf sil sagit dun ouvrage complexe livr avec un mode demploi numrant les actes et

  • travaux priodiques excuter. On peut se demander alors sil ne vaut pas mieux confier lentretien au constructeur ou linstallateur, au moins pendant la priode de garantie dcennale. Cela va de soi dans le cadre du contrat voqu la fin du septime point de la prsente partie (troisime possibilit, troisime variante).

    Pour ce qui concerne les ouvrages ordinaires, les solutions ne sont pas videntes. Les exemples exemplaires ne sont pas nombreux. Il semble toutefois que les moins mauvais rsultats soient obtenus chaque fois que lon implique les usagers dans le processus dentretien.

    Impliquer peut vouloir dire confier lentretien aux usagers eux-mmes par le moyen dun march de travaux excuter sur plusieurs annes, qui serait conclu par la commune avec une organisation dusagers (association de proximit, organisation non gouvernementale travaillant pour une association, entreprise associative ou assimile garantie par des associations dusagers...).

    Impliquer peut vouloir dire aussi demander aux associations dusagers quelles participent la programmation des tches dentretien aux cts du matre douvrage et surtout participent des runions priodiques dvaluation runissant le matre douvrage et lentreprise ou le service charg de lentretien. Chaque fois que les tches sont assez simples et que les usagers sont facilement identifiables ou - encore mieux - constitus en associations, on pourrait exprimenter de telles formules.

    10. Se passer des services techniques centraux ?

    Le matre douvrage communal est souvent confront la volont de lEtat de jouer les premiers rles.

    LEtat, par son ministre en charge des travaux publics, peut vouloir assurer la matrise douvrage dlgue de tous les travaux dinfrastructure et de btiment des collectivits locales.

    Il peut aussi revendiquer au minimum une sorte de mission de contrle technique des projets et des travaux dinfrastructure se traduisant par :

    un visa des plans et pices crites annexes aux plans ; une participation la rception de louvrage.

    Entre ce maximum quest la matrise douvrage dlgue et ce minimum quest le contrle, toutes les situations peuvent se rencontrer. Le passage des municipalits par les services techniques de lEtat est en gnral prsent comme une protection des collectivits publiques contre elles-mmes et une garantie de bonne qualit technique des ouvrages publics. Il nest pas rare quil faille y voir aussi la volont de puissance des ingnieurs ou des architectes dEtat et leur souci tout fait trivial de prlever au profit de leur administration quelques honoraires pour services rendus. Les collectivits locales ne saperoivent pas toujours de lexistence de ces honoraires qui sont parfois verss directement par lentreprise. Il est assez classique de voir en effet le surveill et le contrl payer son surveillant et son contrleur les honoraires de surveillance et de contrle.

  • Lobligation pour la commune de passer par les services techniques de lEtat nest pas toujours fonde juridiquement. Il nest pas rare que cette obligation soit exprime par un simple organigramme approuv par arrt du ministre charg de lquipement, donc sans effet lgard dune collectivit locale dont lautonomie est atteste par la Constitution ou une loi. Cette obligation est souvent le fait dun dcret ou dune loi promulgu bien avant que le principe constitutionnel de lautonomie de toutes les collectivits territoriales ne soit affirm.

    Quoiquil en soit la municipalit, si elle ne veut pas perdre trop de temps, devra laccepter. Autant alors tirer parti de cette collaboration oblige en exigeant des services techniques centraux :

    quils sengagent contractuellement envers la commune faire tel travail dans tel dlai pour tel prix ; quils livrent la commune des avis, notes techniques et visas soigneusement arguments et expressment signs par eux, ce qui les engage ; et surtout quils collaborent avec les services techniques communaux afin de les entraner et les aguerrir. La situation est beaucoup plus embarrassante lorsquun organisme dEtat se voit confier la responsabilit de grer des programmes entiers dinvestissements communaux sur financement extrieur. Les bailleurs de fonds ont pris en effet lhabitude de confier leurs programmes dinves-tissement des tablissements publics dEtat spcialiss dans la conduite dopration ou des socits dconomie mixtes spcialement mandates par lEtat. Ces institutions ne se contentent pas seulement de piloter ces programmes, mais elles sen reconnaissent les matres douvrage - en titre et non dlgu - et aussi les matres duvre, chargs donc aussi des tudes de projet ainsi que de la direction et du contrle de leur lexcution. Les communes sont souvent impuissantes face ces forteresses. Heureusement, ce type de pratique sestompe. Il est trop clairement contraire au principe dautonomie de ladministration communale.

  • Construire une matrise douvrage communale

    1. Limpossible entreprise municipale

    Dans une ville africaine, ltendue des besoins est telle que les autorits municipales pourraient se voir autorises construire une vritable entreprise municipale qui aurait produire tout ce dont la population a besoin : des services, des quipements, des amnagements.

    Ce type de projet est impossible mettre en uvre en raison tant de la faiblesse des moyens techniques et conomiques des municipalits que des ncessits des ajustements structurels des conomies nationales au march mondial.

    Ne pouvant se faire entrepreneur, la collectivit territoriale charge de grer la ville se voit contrainte de sriger en organisateur et fdrateur des nergies locales (dont videmment les siennes propres, ses propres services), utilisant avec pragmatisme tous les procds lgaux qui sont sa disposition.

    2. Les procds

    Ces procds sont de trois ordres :

    le faire soi-mme, le faire-faire, le laisser-faire. Le faire soi-mme est un ensemble de procds qui met la collectivit en situation de producteur ou de prestateur mme si on doit distinguer : dune part la rgie directe, classiquement entendue comme la gestion non individualise par ladministration elle-mme dun service public, dun chantier, dun amnagement urbain... dautre part, toutes les autres formes dintervention par des organismes publics spcialiss dpendant de la commune. Le faire-faire est un trs riche et vaste ensemble de modes opratoires qui se rangent en deux grandes sous-catgories : premirement, le faire-faire proprement dit, lorsque par exemple la collectivit confie le service public de leau une entreprise prive spcialise, laquelle est appele servir leau au lieu et place de la commune ; deuximement, le donner--faire, lorsque par exemple la collectivit passe un march de travaux une entreprise prive, laquelle est contractuellement contrainte de livrer louvrage command linstant convenu. Le laisser-faire est un mode dintervention plutt quun mode opratoire ; il est fond sur le principe de la primaut de linitiative prive sur laction publique et sur la fonction simplement correctrice de ladite action publique. On peut distinguer trois degrs de laisser-faire : le premier degr est le laisser-faire total ; telle association assure une activit culturelle ou sportive que lautorit communale suit avec intrt mais en sabstenant de toute intervention ; le deuxime degr est le laisser-faire rglement ; lautorit communale intervient pour rglementer certaines activits ou manifestations organises par cette association en raison par exemple du danger encouru par les spectateurs ou mme les participants ; le troisime degr est le laisser-faire aid ; lautorit communale apporte une aide (allocation dun local municipal, subvention...) cette association dont elle reconnat lutilit sociale contre lengagement de ladite association dlargir son champ daction, de simplanter dans tels ou tels quartiers... Ce tableau situant ces sept manires institutionnelles de faire invite

  • constater quelles forment un ventail assez largement ouvert et aussi poser, comme hypothses, quelles ont des qualits diffrentes mais quelles sont partiellement substituables, autrement dit quil y a plusieurs manires doffrir la population des activits culturelles, des quipements collectifs, de leau...

    3. La matrise douvrage communale.

    Dans une acception plus professionnelle que juridique (en droit strict le matre de louvrage est la personne qui, dans le cadre du contrat de louage douvrage et des marchs publics assimils, commande, paie et reoit louvrage matriel ou intellectuel, objet du contrat ou du march) ; on a pris lhabitude de qualifier de matrise douvrage lintelligence des choix entre les divers faire et plus globalement lhabilet dun organe politique :

    penser un programme de tches et de travaux, imaginer le montage, les faons de faire ; donner des ordres en leur donnant la destination (bureau de ladministration municipale, fournisseur,