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Philippe Gitton - fnac-static.com...– Je reste aussi, si cela ne vous dérange pas, ajoute Patrick, on ne sait jamais. Franck s’approche de Patrick. – Maman nous attend. Il ne

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Publishroom, 2016www.publishroom.fr

ISBN : 979-10-236-0166-4

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droits, est illicite et constitue une contrefaçon, aux termes des articles L.335-2 et

suivants du Code de la propriété intellectuelle.

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Philippe Gitton

À chacun sa croix

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sommaire

À chacun sa croix 7Chaleureuses retrouvailles 13Coup de foudre 21L’ours et la gazelle 25L’égaré 43Décompression 49La réserve 67Simon 73Les Fadas 93À ta santé, Jean-Marc ! 99Sait-on jamais ! 105Dans ses bras 113Bar populaire 131Corps à corps électoral 141Punition 159Abandon 177Dis-moi qui tu fréquentes… 183Départ 195Bêtise immonde 199Absences 203

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D’un pas rapide, Patrick et Franck longent les grilles du square de la Madone. Patrick relève le col de son blouson.

– Ça s’est salement rafraîchi d’un coup. La météo annonce de la pluie pour demain. Pour une fois que tu viens à Paris, tu n’es pas gâté.

– Je ferai avec. Tu sais, je… – Attends voir un peu, c’est quoi cet attroupement ?

À quelques mètres des deux hommes, plusieurs personnes sont regroupées devant la porte d’entrée du square. Patrick s’approche. Trois Africaines se tiennent debout à l’intérieur du parc, les mains sur la grille fermée.

– Que se passe-t-il ? lance-t-il à la cantonade. – Ces dames ont été enfermées, lui répond une jeune

femme. Elles s’expriment difficilement en français. Je suppose que le gardien du square ne les a pas vues. Cela fait trois heures qu’elles sont coincées là, d’après ce que j’ai compris.

– Vous avez contacté la mairie ? – Oui, le problème c’est que le service est fermé. L’accueil

me dirige vers la police qui me renvoie sur les services muni-cipaux. On ne s’en sort pas. Elles commencent à se plaindre

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sérieusement du froid. Nous leur avons apporté des boissons chaudes pour les aider à tenir le coup.

– C’est dingue, constate Patrick. – Je vais téléphoner de nouveau au commissariat, reprend

la jeune femme.Dix minutes après, à force de ténacité, elle obtient enfin

l’engagement que des agents se déplaceront pour régler le problème. Elle raccroche.

– Ce n’est plus utile que nous restions tous sur place. Je vais attendre la police. En tout cas, merci pour votre aide.

Sur ces paroles, la plupart des gens s’éloignent. – Je vais quand même patienter avec vous, déclare un

homme. – Je reste aussi, si cela ne vous dérange pas, ajoute

Patrick, on ne sait jamais.Franck s’approche de Patrick. – Maman nous attend. Il ne faudrait pas trop tarder, lui

glisse-t-il à l’oreille. – Ne t’inquiète pas. Les flics ne devraient pas en avoir

pour longtemps. C’est juste pour m’assurer que tout va bien se passer.

Quelques minutes plus tard, une voiture de police se gare. Deux agents descendent et se dirigent vers les femmes.

– Alors qu’est-ce qui se passe ici ? questionne sèchement l’un d’entre eux. Vous ne pouviez pas faire attention aux heures de fermeture ?

– Ce sont des choses qui arrivent, s’indigne la jeune femme, choquée par le ton agressif du policier.

– Ouais, c’est ça. Vous croyez que nous n’avons que ça à faire ?

– Vous pourriez au moins leur demander si elles vont bien, au lieu de les engueuler, coupe Patrick.

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– On vous a demandé quelque chose ? Vous feriez-mieux de rentrer chez vous.

– Je vais où je veux, quand ça me plaît. Je n’ai pas d’ordre à recevoir de vous.

– Papa, c’est bon, murmure Franck.Les deux policiers ouvrent la porte du square. – C’est bon pour cette fois-ci. La prochaine fois, on ne

se déplacera pas. Que ce soit bien clair. – Je le crois pas, s’écrie Patrick. Si ça continue, ils vont

leur mettre une amende. – Qu’est-ce que vous avez encore, vous ? – Il y a que vous pourriez au moins être aimables avec

ces femmes, faute d’être efficaces. – Vous commencez à me chauffer, vous. – Ah ça fait plaisir. Y’en a au moins qui ont chaud ici,

réplique Patrick en se dirigeant vers le policier. – Putain c’est reparti, souffle Franck, désabusé. – Si vous insistez, vous aussi vous allez avoir chaud, parce

que je vais vous embarquer au poste. – Et bah allez-y. J’ai l’impression que ça vous démange.

Qu’est-ce qu’il y a ? Vous avez des soucis, vous êtes contrarié ? Vous ne supportez pas de rendre service à des noirs, vous préférez leur cogner dessus ?

Patrick prononce cette dernière phrase en toisant le fonc-tionnaire. Franck se précipite pour retenir son père, mais les deux policiers sont déjà autour de lui.

Ils le ceinturent et tentent de l’entraîner vers leur voiture. Patrick se débat, hurle :

– Eh voilà, la répression. Comme d’habitude !Tandis qu’il continue à conspuer les policiers, Franck, la

jeune femme et l’homme tentent de s’interposer pour calmer les esprits. Des passants s’arrêtent pour regarder la scène. Des résidents, alertés par les cris, apparaissent à leur fenêtre.

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Au même instant une autre voiture de police s’arrête. Trois hommes en sortent. Ils s’approchent du groupe.

– Ah putain, encore lui ! soupire l’un d’entre eux. Qu’est-ce qui se passe ici ? demande-t-il à ses collègues.

Renseignements pris, il invite deux d’entre eux à s’éloigner de quelques mètres.

– Bon, écoutez, y’a pas de quoi fouetter un chat, je pense qu’il vaut mieux le libérer.

– Certainement pas, lui rétorquent-ils. Pas question de se laisser emmerder comme ça, devant tout le monde. Il lui faut une bonne leçon.

– Si vous avez envie de vous pourrir la vie, allez-y. Je le connais, le loustic. C’est un vieil anar qui cherche les embrouilles en permanence, il déteste tout ce qui est auto-rité. J’ai déjà eu affaire à lui lors d’un contrôle de SDF. On l’a embarqué ce jour-là. Il nous a fait un raffut du diable. On a eu droit à des articles dans la presse, des manifestations devant le commissariat. C’est qu’il est connu dans le quartier. Il milite dans des associations de défense des immigrés, de droit au logement et tout le tremblement. Ce n’est pas facile de se maîtriser avec des mecs comme lui, je sais, mais il vaut mieux le laisser brailler et qu’il nous foute la paix. Je vous assure. Regardez autour de vous. Il a déjà rameuté du monde. Et ce n’est que le début, si vous insistez !

Le ton persuasif du policier ébranle ses collègues. Après quelques minutes de palabres, ils finissent, bon gré mal gré, par se ranger à son avis. Patrick est relâché. Il se dirige vers les trois femmes, éberluées par le spectacle qui se déroule sous leurs yeux.

– Vous voyez mesdames, il ne faut jamais se laisser impressionner par la flicaille. Bonne soirée, lance-t-il en regardant les policiers.

– C’est bon papa, n’en rajoute pas, lui susurre Franck.

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Les deux hommes s’éloignent. Une vingtaine de mètres plus loin, Patrick se retourne de nouveau et hurle, le poing tendu « police partout, justice nulle part ».

– Bon, ça va maintenant. Tu ne crois pas que t’en fais un peu trop, lui reproche Franck.

– De quoi. Mais tu plaisantes ! Il faut les emmerder partout où c’est possible, ces putains de poulets. On vit dans une société fliquée. Les caméras, les cartes de paiement, Internet, les téléphones portables, les RG dans et hors des entreprises… Le pouvoir nous surveille en permanence. Mais c’est quand même ces connards qui sont le plus à son service. C’est le bras armé des capitalistes, je te dis. Et tu veux que je la boucle quand ils méprisent ouvertement des pauvres gens ?

– Je n’ai pas dit ça. Tu as raison d’intervenir, mais il y a des degrés dans la protestation. À t’entendre, on croirait qu’ils les ont tabassées.

– Tu te ramollis, mon petit Franck. Je t’ai connu avec une conscience politique plus ferme. On doit s’opposer chaque jour à leur arrogance. Combien de vexations sans réaction, quand ils contrôlent des immigrés ? Moi en tout cas, je ne laisserai jamais rien passer.

La dernière phrase est tellement sentencieuse qu’elle dis-suade Franck de poursuivre la discussion. Il se dit que son père est trop enflammé pour qu’il entende ses arguments. C’est donc en silence qu’ils poursuivent leur chemin.

– Je m’occupe du repas dans cinq minutes, crie Patrick à son épouse, à peine entré dans l’appartement. Je prends une douche, histoire de me détendre. Tu peux servir l’apéro, si tu veux.

– Ce soir, papa s’est accroché avec des policiers, raconte Franck à sa mère qu’il a rejointe dans la salle à manger. Ce n’est pas nouveau, tu me diras. Mais aujourd’hui, je l’ai trouvé

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À chacun sa croix

nerveux, hyper tendu. Il était à deux doigts d’exploser. Il a des soucis en ce moment ?

Sa mère se sert un verre, s’assoit, regarde Franck quelques secondes.

– La semaine dernière, ton frère nous a annoncé qu’il entrait dans la gendarmerie, lui répond-elle, dépitée.

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ISBN : 979-10-236-0166-412 €

En 1975, à l’âge de 17 ans, Philippe Gitton est admis au concours de facteur à la Poste. Il occupera cet emploi une dizaine d’années, avant d’accéder à des responsabilités syndicales. Activités qui le conduiront à de nombreuses fonctions, dont celle de journaliste.

Au début des années 2000, il rejoindra la rédaction de l’hebdomadaire « La Nouvelle vie ouvrière ». C’est à cette époque qu’il rédige deux biographies de femmes syndicalistes. Philippe Gitton est à la retraite depuis 2013.

« À chacun sa croix », recueil de nouvelles, relate les joies, les peines, les petits soucis et parfois les drames des habitants d’un quartier populaire du 18e arrondissement de Paris, près du marché La Chapelle.

Avec tendresse et humour, Philippe Gitton trace le portrait de ces Parisiens confrontés à leurs préoccupations quotidiennes, dans leur milieu familial comme professionnel, et nous conte leurs histoires parfois puisées dans le propre vécu de l’auteur.