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La vie des affaires L'Entreprise 140,10 mai 1958, pp. 30-33 PIERRE OLGIATI : « L'assurance, une industrie internationale par excellence » Victor Hugo, l'impératrice Eugénie, A. de Tocqueville, Junot, duc d'Abrantès, Jacques Laffite, M m e Réca- mier, quelques noms sur la liste des assurés de la Nationale-Vie, liste ouverte en 1830 et qui n'a cessé depuis lors, à travers maintes vicissitudes, de s'allonger et de se diversifier. La Natio- nale, nul ne l'ignore, est un groupe réunissant quatre compagnies. La Nationale-Vie est l'une d'elles ; elle a pour président-directeur général, depuis 1947, Pierre Olgiati, 50 ans. Entré en 1931, il ne lui a fallu que seize ans pour accéder au bureau présiden- tiel. Encore assumait-il depuis un an la direction générale qui lui avait été confiée en 1946, six mois avant la loi portant nationalisation de certaines sociétés d'assurances. Pierre Olgiati se trouve ainsi à la tête d'un ensemble dont le « chiffre d'affaires », c'est-à-dire en l'occurrence l'encaissement de primes, a atteint l'année dernière tout près de dix mil- liards, qui emploie quelque 2 000 personnes, et dont les actifs dépassent 40 milliards. Ces chiffres — qui classent la Nationale-Vie en bonne position parmi ses concurrentes françaises, après l'Union, et à égalité avec les Assurances Générales — sont en eux- mêmes éloquents. Mais surtout, ils laissent entrevoir que la grave crise des années d'après-guerre est désormais terminée. On sait que pour l'industrie des assurances, et tout spécialement pour les sociétés d'assurances sur la vie, la stabilité monétaire constitue la première condi- tion de l'équilibre des comptes. Les années d'après-guerre ont représenté pour elle une période de réadaptation très délicate. On en trouve la preuve dans la suppression des dividendes de sociétés dont les résultats étaient connus pour leur régularité. La Natio- nale-Vie elle-même avait cessé de rémunérer son capital pendant sept années consécutives, jusqu'à 1954. C'était la première fois depuis 1830, date de sa création... « Ce que nous avons fait pour remon- ter le courant ? Nous avons d'abord, bien sûr, exploité intensivement les formules existantes, précise Pierre Olgiati. Et nous avons sans cesse recherché et mis au point des formules ou des variantes nouvelles. La Natio- nale-Vie comprend actuellement trois secteurs principaux d'activité. La Grande Branche, c'est-à-dire l'assurance- vie traditionnelle, avait été durement touchée après la guerre par le déséqui- libre entre ses charges d'exploitation, qui suivaient la hausse des prix, et ses encaissements, qui dépendaient pour une large part des contrats anciens. Nous avons donc appliqué, à titre transitoire, les mesures d assouplisse- ment autorisées par la loi ; nous nous sommes efforcés en même temps de réduire nos dépenses d'exploitation, grâce à la mécanographie notamment, et d'améliorer nos encaissements en simplifiant, par exemple, la gestion interne des contrats. Nous avons lancé ensuite des campagnes de valorisation offrant à nos assurés des formules adaptées à leurs besoins nouveaux. » « D'un autre côté, pour redonner le départ à la prospection qui se heur- tait aux difficultés dues à l'instabilité monétaire, nous avons mis l'accent sur les assurances temporaires, assorties l'une clause permettant un ajustement automatique des garanties et des primes en fonction d'un indice de référence. En ce qui concerne l'organisation extérieure — ayant remarqué que les agents généraux, dont le travail dans les branches Incendie et Risques Divers était devenu trop absorbant, n'avaient pas toujours le temps matériel de s'occuper suffisamment de l'assurance- vie— la compagnie constitua en France un nouveau réseau de prospecteurs, spécialistes de la Grande Branche : les chargés de mission. Ceux-ci, en apportant leur concours aux agents généraux, contribuèrent pour une large part au redressement de la situation. » Quelques années auparavant, la Nationale-Vie avait fait ses premiers pas dans un nouveau secteur : celui de la Branche Populaire, dont l'idée avait été mise à l'étude en 1942 et qui avait reçu un début de réalisation en 1944. En butte aux difficultés de l'époque — difficultés auxquelles on remédia notamment par la création d'une assurance « mixte de sécurité familiale » —• elle connut des débuts malaisés. Mais Pierre Olgiati et son conseil ont tenu bon 1 . En étendant son réseau commercial, en installant un équipement mécanographique com- plet destiné à faciliter les recouvre*, ments et la gestion, ils parvenaient I à accroître réguhèrement l'activité de leur Branche Populaire. Si celle-ci ne s'inscrit encore que pour 10 % dan* le montant total des primes encaissée» par la compagnie, elle connaît actuel- lement une période d'essor. La grande « spécialité » de la Natio* i. Voir « Entreprise », n° 113 du 2 novembre 1957- i i L'Assurance populaire, avenir assuré. » 30

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La vie des affaires L'Entreprise n° 140,10 mai 1958, pp. 30-33

PIERRE O L G I A T I :

« L'assurance, une industrie

internationale par excellence »

Victor Hugo, l'impératrice Eugénie, A. de Tocqueville, Junot, duc

d'Abrantès, Jacques Laffite, M m e Réca-mier, quelques noms sur la liste des assurés de la Nationale-Vie, liste ouverte en 1830 et qui n'a cessé depuis lors, à travers maintes vicissitudes, de s'allonger et de se diversifier. La Natio­nale, nul ne l'ignore, est un groupe réunissant quatre compagnies. La Nationale-Vie est l'une d'elles ; elle a pour président-directeur général, depuis 1947, Pierre Olgiati, 50 ans. Entré en 1931, il ne lui a fallu que seize ans pour accéder au bureau présiden­tiel. Encore assumait-il depuis un an la direction générale qui lui avait été confiée en 1946, six mois avant la loi portant nationalisation de certaines sociétés d'assurances.

Pierre Olgiati se trouve ainsi à la tête d'un ensemble dont le « chiffre d'affaires » , c'est-à-dire en l'occurrence l'encaissement de primes, a atteint l'année dernière tout près de dix mil­liards, qui emploie quelque 2 000 personnes, et dont les actifs dépassent 40 milliards. Ces chiffres — qui classent la Nationale-Vie en bonne position parmi ses concurrentes françaises, après l'Union, et à égalité avec les Assurances Générales — sont en eux-mêmes éloquents. Mais surtout, ils laissent entrevoir que la grave crise des années d'après-guerre est désormais terminée. On sait que pour l'industrie des assurances, et tout spécialement pour les sociétés d'assurances sur la vie, la stabilité monétaire constitue la première condi­tion de l'équilibre des comptes. Les années d'après-guerre ont représenté pour elle une période de réadaptation

très délicate. On en trouve la preuve dans la suppression des dividendes de sociétés dont les résultats étaient connus pour leur régularité. La Natio­nale-Vie elle-même avait cessé de rémunérer son capital pendant sept années consécutives, jusqu'à 1954. C'était la première fois depuis 1830, date de sa création...

« Ce que nous avons fait pour remon­ter le courant ? Nous avons d'abord, bien sûr, exploité intensivement les formules existantes, précise Pierre Olgiati. Et nous avons sans cesse recherché et mis au point des formules ou des variantes nouvelles. La Natio­nale-Vie comprend actuellement trois secteurs principaux d'activité. La Grande Branche, c'est-à-dire l'assurance-vie traditionnelle, avait été durement touchée après la guerre par le déséqui­libre entre ses charges d'exploitation, qui suivaient la hausse des prix, et ses encaissements, qui dépendaient pour une large part des contrats anciens. Nous avons donc appliqué, à titre transitoire, les mesures d assouplisse­ment autorisées par la loi ; nous nous sommes efforcés en même temps de réduire nos dépenses d'exploitation, grâce à la mécanographie notamment, et d'améliorer nos encaissements en simplifiant, par exemple, la gestion interne des contrats. Nous avons lancé ensuite des campagnes de valorisation offrant à nos assurés des formules adaptées à leurs besoins nouveaux. »

« D'un autre côté, pour redonner le départ à la prospection qui se heur­tait aux difficultés dues à l'instabilité monétaire, nous avons mis l'accent sur les assurances temporaires, assorties l'une clause permettant un ajustement

automatique des garanties et des primes en fonction d'un indice de référence. En ce qui concerne l'organisation extérieure — ayant remarqué que les agents généraux, dont le travail dans les branches Incendie et Risques Divers était devenu trop absorbant, n'avaient pas toujours le temps matériel de s'occuper suffisamment de l'assurance-v ie— la compagnie constitua en France un nouveau réseau de prospecteurs, spécialistes de la Grande Branche : les chargés de mission. Ceux-ci, en apportant leur concours aux agents généraux, contribuèrent pour une large part au redressement de la situation. »

Quelques années auparavant, la Nationale-Vie avait fait ses premiers pas dans un nouveau secteur : celui de la Branche Populaire, dont l'idée avait été mise à l'étude en 1942 et qui avait reçu un début de réalisation en 1944. En butte aux difficultés de l'époque — difficultés auxquelles on remédia notamment par la création d'une assurance « mixte de sécurité familiale » —• elle connut des débuts malaisés. Mais Pierre Olgiati et son conseil ont tenu b o n 1 . En étendant son réseau commercial, en installant un équipement mécanographique com­plet destiné à faciliter les recouvre*, ments et la gestion, ils parvenaient I à accroître réguhèrement l'activité de leur Branche Populaire. Si celle-ci ne s'inscrit encore que pour 10 % dan* le montant total des primes encaissée» par la compagnie, elle connaît actuel­lement une période d'essor.

La grande « spécialité » de la Natio*

i. Voir « Entreprise », n° 113 du 2 novembre 1957- i i L'Assurance populaire, avenir assuré. »

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La vie des affaires

nale-Vie reste pourtant l'assurance de groupe, ou assurance collective. C'est un service que Pierre Olgiati connaît bien : il en a été le premier employé lorsqu'il a débuté, assisté bientôt par Jacques Dunaigre, qui est toujours resté depuis lors à ses côtés et est maintenant directeur-général-adjoint. C'est dès 1930 que la Nationale-Vie avait prévu le développement possible de l'assurance collective. Mais l'événement en cette matière fut la réglementation de 1947, édictant l'affi­liation obligatoire des cadres d'un grand nombre de professions à la Sécurité Sociale et à un régime complémentaire mis au point par la Convention Natio­nale de Retraite et de Prévoyance des Cadres. Ce régime complémentaire —

qui comprenait retraite et garantie en cas de décès ou d'invalidité— eut natu­rellement une incidence notable sur l'activité de l'assurance de groupe : il retirait à celle-ci une grande part du domaine des retraites.

Pierre Olgiati, au lieu de se résigner, décida de donner l'appui technique de la Nationale à la création de l'une des institutions autonomes que prévoyait la convention collective. De fait, la Nationale-Vie fut la première à agir ainsi : dès juillet 1947, le ministre du Travail agréait la Caisse de Retraite par Répartition des Ingénieurs, Cadres et Assimilés (C.R.I.C.A.). Aujourd'hui, la clientèle de la C.R.I.C.A. comprend environ 10 000 entreprises, avec plus de 53 000 cadres actifs ou retraités.

« Nous ne nous en sommes pas tenus là poursuit Pierre Olgiati. Nous nous sommes mis à la recherche d'une clien­tèle nouvelle. Celle-ci existait, cons­tituée d'abord par les entreprises qui à côté du régime de retraite offert par la C.R.I.C.A. à leurs cadres, veulent donner à ces derniers d'autres garan­ties en cas de décès, d'invalidité ou de maladie ; ensuite, par les entreprises qui désirent compléter les pensions de la Sécurité Sociale à leur personnel subalterne ; enfin, par celles qui ne peuvent pas adhérer au régime natio­nal de retraite des cadres. Notre branche Groupe en est ainsi arrivée à représenter le quart du marché fran­çais, et plus de 50 % de notre propre

chiffre d'affaires. » (Suite page ci-contre.)

Nous avons noté pour vous

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Celui qui passe ainsi en revue les grands secteurs de sa compagnie dans son sévère bureau — acajou et cuir vert — de la rue Pillet-Will, est grand, souriant et réservé. Ce dernier trait de caractère est dû, sans doute, à son ascendance montagnarde. Alors que sa mère appartient à une famille de l'Orléanais, son père était originaire des Grisons et, médecin, s'était fixé à Quimper. Pierre Olgiati fit donc ses études, d'abord dans cette ville, puis à Rennes. En 1926, il « montait » à Paris pour entrer à l'École Polytech­nique. Il en sort deux ans plus tard ; dès 1931, il quitte l'armée et obtient le diplôme d'actuaire. Sa carrière com­mence. Aujourd'hui, il passe une partie de son temps à l'étranger. La Nationale-Vie compte, en effet, outre des inté­rêts en Union Française, des centres d'activité dans de nombreux pays. Certes, depuis 1945, pour des raisons monétaires ou politiques, des marchés prospères se sont effondrés : Yougos­lavie, Tchécoslovaquie, Grèce,Egypte... D'autres donnent de sérieuses inquié­tudes, comme le Maroc. Mais" la Natio­nale-Vie n'en garde pas moins des points d'appui solides, notamment en Bel­gique, en Espagne, au Portugal, en Suisse, en Grande-Bretagne, etc.

« Et surtout, enchaîne Pierre Ol­giati, nous comptons beaucoup sur l'avènement du Marché Commun. Industrie internationale par excel­lence, l'assurance ne peut que se réjouir de cet abaissement des frontières. En ce qui nous concerne, nous avons été les premiers à demander l'autorisa­tion d'opérer en Allemagne et nous ne manquerons pas de faire tous nos efforts pour intensifier notre activité dans cette nouvelle Europe. »

Ce sera là une nouvelle source d'obligations et de déplacements pour l'animateur de la Nationale-Vie qui est en outre, depuis 1949, président de la Réunion des Sociétés d'Assurances sur la Vie, groupement de toutes les compagnies de cette branche adhé­rentes à la Fédération Française des Sociétés d'Assurances. A ce titre, il a e u la responsabilité du remaniement complet des bases techniques de tous les tarifs résultant de la mise au point de nouvelles tables de mortalité en 1957. Les week-ends qu'il réussit à passer dans sa maison de campagne, près de Chartres, avec sa femme et ses cinq enfants, se feront encore plus rares. Mais il faut savoir attendre. C'est la même idée qu'exprime Pierre Olgiati en répondant, lorsqu'on lui demande auxquelles de ses réalisations il attache le plus de prix : « A celles qui n'ont pas encore abouti... »

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