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8 I TéléObs P A R I S L’ÉVÉNEMENT V ision en noir et blanc : dans l’obscurité, une silhouette chapeautée, costume sombre, visage spectral derrière les lunettes noires. Prince ténébreux et bienveillant, Bashung s’avance. Premiers mots au public : « Je vous souhaite la force et la tendresse. » Du corps frêle surgit une voix immense, coulée dans la douceur. Et si le chanteur invite la mort sur scène, c’est pour mieux célébrer, dans un rock lyrique, la vie, sensuelle, luxuriante. « Faudra se serrer comme une forêt vierge, faudra se mêler nos lianes infinies », chante-t-il, comme un message aux vivants. Et puis la joie d’« Osez Joséphine » emporte tout, jusqu’à cette mélancolie qui nous étreint, au détour d’un imparfait : « La pluie et la rosée, toutes ces choses avec lesquelles il était bon d’aller » (« Vénus »). Les lumières se rallument, on repart pleins de force et de tendresse, comme au premier jour. Marjolaine Jarry La force et la tendresse En plein dans le Vercors Le Monument. Trois ans après les expé- rimentations « country new wave » sur « Chatterton » et « Ma petite entreprise/ Connaît pas la crise », « Fantaisie mili- taire » fait entrer Bashung au panthéon des grands de la chanson. Le maître pose en demi-dieu, visage livide, corps immergé dans les lentilles d’eau. La pochette, peaufinée jusqu’au bout (l’album de- vait sortir à Noël 1997, il attendra le mois de janvier) annonce un album li- quide, en suspension, alignant les chefs- d’œuvre, rendu étonnamment cohérent par la présence de bout en bout de la même formation. Album de l’aube, du petit ma- tin post-orgasmique, « Fantaisie » fait voir le Vercors à toute une génération prête à « Sauter à l’élastique/ Voleur d’amphores/ Au fond des criques… ». La moisson ha- bituelle de récompenses se complètera d’une victoire des victoires du meilleur album, décernée en 2005. Cadeau : la bande-son de son mariage Si « Fantaisie militaire » transcendait la séparation par ses folies colorées, « l’Im- prudence », concomitant d’une nouvelle rencontre amoureuse, plonge dans un ro- mantisme sombre, marqué par des cordes suintantes, des nappes électro et une pré- sence assez inédite du piano. Essayant de « sublimer l’échec », d’« exorciser le mal » et de montrer sa « volonté de croire à nouveau en l’amour possible », Bashung s’attache à ce qu’on le « disloque », qu’on le « dispatche », qu’on « l’évapore » (l’apo- calyptique « Noir de monde »). Les textes (de Jean Fauque, à l’exception d’un poème de Robert Desnos) sont davantage psalmo- diés que chantés. Sillon qu’il finira de creu- ser en nous offrant la bande-son de son ma- riage à la fin de l’année. Soit un cantique des cantiques des plus christiques interprété en duo avec « Chloé [sa] femme » sur une mu- sique de Rodolphe Burger. Un goût de “Bleu pétrole” Alain Bashung avait envie de mélodies droites, de textes clairs, moins sinueux qu’à l’accoutumée. Politesse de vieux sage ne souhaitant pas « ajouter au confus de la situation ». Pour mener à bien cet exercice à 180 degrés du précédent al- bum, Bashung rompt avec Jean Fauque et s’ouvre à de nouvelles collaborations : Gérard Manset, son contemporain, pour un « Comme un Légo ». Neuf minutes de complainte ardente. Avec Gaëtan Rous- sel, le Gaëtan de Louise Attaque, Bashung s’invente même chanteur contestataire. Disque d’interprète, « Bleu pétrole » n’en reste pas moins terriblement marqué par le malaxage bashungien. Et couronné… d’une légion d’honneur. Morgane Bertrand, Gurvan Le Guellec, Bernard Géniès Les 2, 3, 17 et 18 mars au Grand Rex (2 e ), les trois premières dates affichent complet. Et le 14 à Longjumeau (91). Réservations : www.fnacspectacles.com. 19 98 200 2 200 8 En décembre dernier, Bashung était sur la scène de l’Elysée Montmartre. Impressions. 1995 1997 2003 1993 Pierre Verdy Joanin Dalle ZPRF Thierry Zoccolan Nicholas Ratzenboeck

Pierre Verdy Thierry Zoccolan 1998 2002referentiel.nouvelobs.com/file/734/654734.pdf · rimentations « country new wave » sur « Chatterton » et « Ma petite entreprise/ Connaît

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Page 1: Pierre Verdy Thierry Zoccolan 1998 2002referentiel.nouvelobs.com/file/734/654734.pdf · rimentations « country new wave » sur « Chatterton » et « Ma petite entreprise/ Connaît

8 I TéléObs

P A R I SL’ÉVÉNEMENT

Vision en noir et blanc : dans l’obscurité, une silhouette chapeautée, costume sombre, visage spectral derrière les lunettes noires. Prince ténébreux et bienveillant, Bashung

s’avance. Premiers mots au public : « Je vous souhaite la force et la tendresse. » Du corps frêle surgit une voix immense, coulée dans la douceur. Et si le chanteur invite la mort sur scène, c’est pour mieux célébrer, dans un rock lyrique, la vie, sensuelle, luxuriante. « Faudra se serrer comme une forêt vierge, faudra se mêler nos lianes infi nies », chante-t-il, comme un message aux vivants. Et puis la joie d’« Osez Joséphine » emporte tout, jusqu’à cette mélancolie qui nous étreint, au détour d’un imparfait : « La pluie et la rosée, toutes ces choses avec lesquelles il était bon d’aller » (« Vénus »). Les lumières se rallument, on repart pleins de force et de tendresse, comme au premier jour. ■ Marjolaine Jarry

La force et la tendresse

En plein dans le Vercors

Le Monument. Trois ans après les expé-rimentations « country new wave » sur « Chatterton » et « Ma petite entreprise/Connaît pas la crise », « Fantaisie mili-taire » fait entrer Bashung au panthéon des grands de la chanson. Le maître pose en demi-dieu, visage livide, corps immergé dans les lentilles d’eau. La pochette, peaufinée jusqu’au bout (l’album de-vait sortir à Noël 1997, il attendra le

mois de janvier) annonce un album li-quide, en suspension, alignant les chefs-d’œuvre, rendu étonnamment cohérent par la présence de bout en bout de la même formation. Album de l’aube, du petit ma-tin post-orgasmique, « Fantaisie » fait voir le Vercors à toute une génération prête à « Sauter à l’élastique/ Voleur d’amphores/

Au fond des criques… ». La moisson ha-bituelle de récompenses se complètera d’une victoire des victoires du meilleur album, décernée en 2005.

Cadeau : la bande-son de son mariage

Si « Fantaisie militaire » transcendait la séparation par ses folies colorées, « l’Im-prudence », concomitant d’une nouvelle rencontre amoureuse, plonge dans un ro-mantisme sombre, marqué par des cordes suintantes, des nappes électro et une pré-sence assez inédite du piano. Essayant de « sublimer l’échec », d’« exorciser le

mal » et de montrer sa « volonté de croire

à nouveau en l’amour possible », Bashung s’attache à ce qu’on le « disloque », qu’on le « dispatche », qu’on « l’évapore » (l’apo-calyptique « Noir de monde »). Les textes (de Jean Fauque, à l’exception d’un poème de Robert Desnos) sont davantage psalmo-diés que chantés. Sillon qu’il fi nira de creu-ser en nous offrant la bande-son de son ma-riage à la fi n de l’année. Soit un cantique des cantiques des plus christiques interprété en duo avec « Chloé [sa] femme » sur une mu-sique de Rodolphe Burger.

Un goût de “Bleu pétrole”

Alain Bashung avait envie de mélodies droites, de textes clairs, moins sinueux qu’à l’accoutumée. Politesse de vieux sage ne souhaitant pas « ajouter au confus

de la situation ». Pour mener à bien cet exercice à 180 degrés du précédent al-bum, Bashung rompt avec Jean Fauque et s’ouvre à de nouvelles collaborations : Gérard Manset, son contemporain, pour un « Comme un Légo ». Neuf minutes de complainte ardente. Avec Gaëtan Rous-sel, le Gaëtan de Louise Attaque, Bashung s’invente même chanteur contestataire. Disque d’interprète, « Bleu pétrole » n’en reste pas moins terriblement marqué par le malaxage bashungien. Et couronné… d’une légion d’honneur.

■ Morgane Bertrand, Gurvan Le Guellec, Bernard Géniès

Les 2, 3, 17 et 18 mars au Grand Rex (2e), les trois premières dates affi chent complet. Et le 14 à Longjumeau (91). Réservations : www.fnacspectacles.com.

1998 2002

2008

En décembre dernier, Bashung était sur la scène de l’Elysée Montmartre. Impressions.

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