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SYNTHESE DE LA TABLE RONDE Place de la micro-assurance santé au sein de systèmes de couverture universelle en santé dans des pays en développement Journée d’échanges du 29 octobre 2015

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SYNTHESE DE LA TABLE RONDE

Place de la micro-assurance santé au sein de systèmes de couverture universelle en santé dans des pays

en développement

Journée d’échanges du 29 octobre 2015

Sommaire

Introduction de la journée p. 2

p. 3

p. 7

Les défis de la Couverture Universelle en Santé (CUS)

Le modèle des mutuelles de santé communautaires

Introduction de la journée

Nous souhaitons profiter de la richesse de vos expériences et de vos connaissances dans les domaines de la qualité de l’offre de soins, de système de tiers payant ou de système de collecte en secteur informel. Nous ambitionnons également de dégager des premières pistes, afin de sortir de l’expérience pilote et passer à l’échelle de l’inclusion financière.

Marie-Pierre NICOLLETDirectrice du département

Développement humain (AFD)

Près de 150 millions de personnes sombrent chaque année dans la pauvreté du fait de dépenses de santé excessives, en l’absence de socle de protection sociale. Ce cercle vicieux maladies/pauvreté est inacceptable pour notre Fondation. Nous avons pensé avec l’AFD que le moment était venu de partager toutes ces années d’expérimentation en micro-assurance santé avec nos partenaires pour en dégager les réussites mais également les freins. Notre objectif commun est d’être force de proposition pour la mise en place d’une couverture universelle de santé, notamment pour les plus vulnérables.

Caty FORGETDéléguée Générale

Fondation Sanofi Espoir

p. 2

Gwenaël DHAENE - Organisation mondiale de la santé (Département gouvernance et financement des systèmes de santé / Réseau P4H)

Thibault VAN LANGENHOVE - Bureau International du Travail, Département de la Protection sociale

La couverture universelle prend ses racines dans la Constitution de l’OMS, adoptée en 1948, qui fait de la santé l’un des droits fondamentaux de tout être humain, et dans la stratégie mondiale de la santé pour tous, lancée en 1979.

Le 12 décembre 2012, l’Assemblée Générale des Nations-Unies adoptait une résolution encourageant les gouvernements à intensifier leurs efforts pour assurer l’accès universel des populations à des services de santé de qualité et abordables. Soutenue par la France au titre d’objectif pour la santé dans l’agenda post-2015 pour le développement, la Couverture Universelle en Santé (CUS) représente une opportunité historique pour renforcer à la fois l’offre et la demande de soins.

Plus que jamais, le monde doit être plus équitable et plus solidaire. Or, même si des progrès ont été accomplis, l’accès à la santé pour tous est loin d’être acquis. Chaque année, 100 millions de personnes tombent dans la pauvreté du fait de dépenses excessives de santé, parce qu’elles n’ont pas de couverture sociale. L’innovation sociale représente donc un enjeu de taille. De nombreux professionnels de santé s’y emploient.

La Couverture Universelle en Santé repose sur un certain nombre de valeurs, en particulier la réduction des inégalités. Elle doit se traduire, au-delà d’une protection de nature assurantielle, par un accès effectif à des services de santé de qualité. Toute personne, en tous points d’un territoire donné, doit être en mesure de recevoir des soins de santé accessibles et adaptés à sa situation, ce qui inclut des programmes de prévention. Trop souvent, ces derniers sont insuffisants, probablement par manque de volonté politique forte. Pour l’OMS, la CUS est une direction, mais les obstacles sont nombreux. Ainsi, la proportion de la population qui est affiliée à un système national de santé est assez faible dans certaines zones. Les disparités régionales sont flagrantes. Qu’il s’agisse de micro-assurance santé (un dispositif qui aide les populations du secteur informel, exclues des marchés traditionnels de l’assurance à sécuriser leurs revenus en leur donnant accès à des services efficients de protection sociale), d’assurance-maladie obligatoire ou de système national de santé, il n’existe pas de solution unique pour parvenir à la Couverture Universelle en Santé.

Pour l’OMS, et en vertu de son mandat, la couverture santé universelle consiste à veiller à ce que l’ensemble de la population ait accès aux services préventifs, curatifs, palliatifs, de réadaptation et de promotion de la santé dont elle a besoin et à ce que ces services soient de qualité suffisante pour être efficaces, sans que leur coût n’entraîne des difficultés financières pour les usagers. Cette définition contient trois objectifs de la couverture universelle, liés entre eux :

• l’accès équitable aux services de santé – tous ceux qui ont besoin des services de santé, quels que soient leurs moyens financiers, doivent pouvoir y accéder ;• la qualité – les services de santé doivent être d’une qualité suffisante pour améliorer la santé de ceux qui en bénéficient ;• la protection financière – le coût des soins ne doit pas exposer les usagers à des difficultés financières.

Les défis de la Couverture Universelle en Santé (CUS)

p. 3

L’OMS a pour mandat et objectif d’améliorer les systèmes de soins santé et l’accès de tous à des systèmes de qualité. Comme l’OMS l’a souligné dans le Rapport sur la santé dans le monde en 2010 consacré au financement de systèmes de santé et intitulé “le chemin vers une couverture universelle”, un accès opportun aux services de santé – une combinaison de promotion, de prévention, de traitement et de rééducation – est essentiel. Cela peut uniquement être atteint (sauf pour une petite minorité́ de la population) avec un système de financement de la santé optimal. Il détermine si les personnes peuvent se permettre d’utiliser des services de santé lorsqu’ils en ont besoin. Il détermine si les services existent.

En le reconnaissant, les États membres de l’OMS se sont engagés dès 2005 à développer leurs systèmes de financement de la santé pour que chacun puisse accéder aux services, sans subir de difficultés financières lors de leur paiement. Cet objectif a été défini comme la couverture universelle, parfois appelée la «couverture universelle de santé».

Le BIT articule son travail sur l’accès aux soins de santé, dans le cadre global de son action, pour les socles de protection sociale qui est basée sur la notion de droit, et donc sur la mise en place de cadres législatifs. C’est l’association de toutes les intelligences et de toutes les expériences qui permettra d’aboutir à la CUS. La santé est un risque social important. Elle doit faire l’objet de politiques cohérentes et efficaces. Cet investissement économique et social doit conduire au développement

L’accès universel aux soins de santé est la première garantie des socles de protection sociale tels qu’ils ont été adoptés à l’unanimité par les membres du BIT (gouvernements, représentants des employeurs et représentants des travailleurs) sous la forme de la Recommandation pour les Socles de protection sociale en 2012 (No 202). La nécessité d’installer les garanties du socle de protection sociale - que sont l’accès aux soins de santé et à la sécurité des revenus - fait donc l’objet d’un très large consensus. La Recommandation 202 énonce des principes directeurs très clairs sur les systèmes à mettre en place. L’accès aux soins de santé ne doit pas faire l’objet de charges financières trop lourdes pour les individus, et ne doit en aucune sorte accroître le risque de pauvreté. L’ensemble du système de protection sociale doit reposer sur un principe de solidarité nationale et d’universalité de la protection, chacun contribuant à hauteur de ce qui lui est possible. De fait, la gratuité des soins de base doit donc être considérée pour certains groupes de la population. Toutefois, en se basant sur ces principes généraux, il appartient à chaque pays de définir ce qu’est son socle de protection sociale ainsi que modalités de sa mise en œuvre.

Le BIT définit la couverture santé à l’aide de deux notions complémentaires : la couverture légale qui est la base de l’état de droit, et l’accès effectif aux soins de santé. Pour ce qui est de cette seconde notion, elle est estimée à l’aide de quatre dimensions, à savoir, la disponibilité des soins, leur accessibilité économique, la protection des revenus, et la qualité des soins reçus. Dans 70 pays, la couverture légale s’étend à moins de 50 % de la population, ce qui est un signe clair que le droit aux soins de santé n’est pas établi. Si les Etats-membres du BIT ont adopté à l’unanimité la Recommandation 202, tous ne l’ont pas encore mise en œuvre dans sa totalité. En outre, pour ce qui est de l’accès effectif aux soins de santé, il est clair que la disponibilité des soins n’est pas assurée : le déficit en professionnels de santé est estimé à 10,3 millions de professionnels (dont 7 millions en Asie et 3 millions en Afrique). De même l’accessibilité économique n’est pas réalisée, pour preuve les payements directs qui représentent 41.2% des dépenses totales de santé dans le monde avec de surcroît de très fortes inégalités géographiques. En synthèse, les défis à relever pour la mise en place d’une CUS concernent le manque de protection financière des populations, la faible disponibilité des services, le financement souvent insuffisant et mal réparti entre les opérateurs, l’iniquité dans la répartition de la charge financière que représente la couverture maladie universelle pour une société, et le manque de coordination entre les acteurs.

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Il est clair que la micro-assurance santé permet d’améliorer l’accès aux soins de certaines populations vulnérables, de développer des prestations mieux adaptées, de favoriser la participation de la société civile et de limiter les fraudes, et d’éduquer les populations à la protection sociale. En revanche, l’installation de micro-assurances santé n’a pas démontré de réel effet d’entraînement pour l’extension de la couverture santé et présente une capacité limitée à absorber de nouvelles populations. Sa viabilité financière est souvent limitée, de même que la capacité de contribution des populations-cibles. De par leur design, les systèmes de micro-assurance santé ont soit des contributions à montants fixes, soit des taux de prélèvements fixes, ce qui en fait des systèmes régressifs (i.e. il n’y a pas de mécanisme progressif pour le financement). Enfin, leur cadre légal est souvent faible.

Face à ce constat, le BIT estime que si le rôle normatif et de régulation doit nécessairement venir des gouvernements, les systèmes de micro-assurance santé peuvent avoir un rôle à jouer dans la mise en œuvre concrète des socles de protection sociale. En particulier, les mécanismes communautaires forts, établis par ces expérimentations pourraient être mis à contribution comme intermédiaires entre les populations et le système de protection sociale. Ils pourraient avoir un rôle de guichet unique au niveau le plus local pour informer et éduquer les populations, identifier les groupes vulnérables et les besoins spécifiques, identifier et enregistrer les bénéficiaires, contribuer au suivi et à la mesure de la performance du système, et mettre en place des procédures d’appel et de recours efficaces.

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Le modèle des mutuelles de santé communautaires

Quelles leçons tirer de plus de 20 ans de travail à la mise en œuvre de systèmes mutualistes en Afrique ?

Table ronde animée par Gwenaël DHAENE, Organisation mondiale de la santé (Département gouvernance et financement des systèmes de santé / Réseau P4H)

Trois expériences sont présentées par les partenaires de terrain de la Fondation Sanofi Espoir

Participaient à la table ronde :Bruno GALLAND, Conseiller Technique Système de Santé et de Protection Sociale en Afrique de l’Est, Centrale et de l’Océan Indien CIDR.Louise DEROO, en charge du projet sur les mutuelles, InterAide.Pascale LE ROY, Responsable de programme Protection Sociale Santé, GRET.

Depuis 20 ans, le CIDR (Centre International de Développement et de Recherche) a assuré 1,4 million de personnes dans quatorze pays. La phase d’apprentissage a été longue. Elle a été suivie d’une croissance assez rapide. Il est intéressant de noter que le système de micro-assurance santé à adhésion volontaire fonctionne mieux en Afrique de l’Est qu’en Afrique de l’Ouest.

Le CIDR a travaillé sur des produits à bas coûts - de 2 à 5 euros - et développé des services ciblés, en maternité notamment. Un système de transport en urgence a même été mis en place. Il fonctionne car il est géré par des acteurs privés.

L’impact le plus important de ce système de micro-assurance santé concerne la lutte contre les fraudes et les trafics parallèles. Des structures ont été créées en mobilisant des partenaires techniques et financiers, tandis que des personnes ont été formées.

Différents enseignements peuvent être tirés de cette expérience :

• La propension à payer une prime de micro assurance (ou une cotisation à une mutuelle) est connue et faible : 2% des revenus monétaires d’un ménage rural et 1,5 % en milieu urbain.

• Les systèmes de santé étant insuffisamment financés, le reste à charge est trop important. La micro-assurance santé ne peut donc se développer sans cofinancements massifs.

• La qualité technique des soins, souvent insuffisante, est un sujet absolument déterminant. Elle commence par l’approvisionnement en médicaments.

• Le tiers payant est difficile à mettre en place à cause des freins locaux car il constitue une incitation au contrôle et à la transparence.

• Compte tenu de la manière dont les systèmes de santé sont gérés sur le plan politique, les contrats signés ne sont pas suivis des effets escomptés, même lorsque les prestataires sont publics.

• Les centres d’achat de soins jouent un rôle important car ils contribuent à la viabilité technique des produits de micro-assurance et renforcent les capacités de gestion utile.

• L’appui politique s’est souvent avéré très insuffisant.

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En conclusion, la micro-assurance à adhésion volontaire ne doit pas viser un taux de pénétration de 100 % de la population, mais plutôt de 60 % au maximum. La micro-assurance santé, en particulier lorsqu’elle est mutualiste, est l’une des rares solutions qui permettent de toucher le secteur informel. Elle a une fonction d’éducation à l’assurance et contribue au développement des capacités de soins, ainsi qu’à la mise en place de centres d’achat de soins utilisables par d’autres systèmes de financement. D’ailleurs, la coordination des systèmes de financement au niveau local est un élément d’efficience essentiel. Enfin, pour être universelle, la micro-assurance doit être à adhésion obligatoire, mais cela nécessite énormément de prérequis - système de santé performant, volonté politique, mobilisation financière massive , qui mettront du temps à être réunis.

L’accès aux soins et à la protection sociale des familles les plus démunies des villes d’Antananarivo et de Mahajanga, Madagascar Inter Aide, une organisation humanitaire spécialisée dans la réalisation de programmes de développement, met en place des programmes d’accès aux soins pour les populations défavorisées du secteur informel, principalement en zone urbaine. Les adhésions sont collectives, obligatoires et systématiques. Les services offerts, sont des services de micro-assurance santé pure - avec paiement d’une cotisation adaptée à la capacité à payer -, des services sociaux d’orientation médicale et des services de prévention en santé.

Ces mutuelles de santé fonctionnent. Les bénéficiaires sont satisfaits. Les services répondent à leurs besoins, ils lèvent la barrière financière et psycho-sociale à l’accès aux soins, et ils réduisent les dépenses catastrophiques. Les services sociaux sont coûteux, notamment en ressources humaines, mais sont un complément essentiel au service financier de micro-assurance car les populations vulnérables font face à une barrière psycho-sociale à l’accès aux soins significative, au-delà de la barrière financière.

Les taux de couverture sont plus faibles avec les modèles d’adhésion volontaire. L’adhésion obligatoire est donc essentielle. Cependant, les mutuelles de santé collaborent principalement avec des groupes organisés dont les bénéficiaires sont membres pour une durée déterminée ce qui limite de facto la durée de la couverture santé. Par exemple, les mutuelles de santé collaborent avec de nombreuses institutions de micro-crédit, limitant la durée de la couverture santé à celle des crédits. C’est une limite et il convient de trouver des canaux d’adhésion obligatoire sur du plus long terme, ce qui n’est pas évident à Madagascar. Une autre limite est le manque de qualité de l’offre de soins qui impacte négativement la satisfaction des bénéficiaires et sur laquelle les mutuelles de santé ont peu d’influence.

Un des enjeux majeurs est la définition du modèle économique. Actuellement, les mutuelles de santé ne sont pas financièrement autonomes, le fonds mutuel est équilibré mais les dépenses de fonctionnement sont subventionnées. Les leviers pour tendre à l’autonomie financière sont : 1) Gagner en efficience en optimisant les produits et procédures, voire en constituant des plateformes communes avec d’autres mutuelles. 2) Développer les mécanismes de subventionnement via les groupes partenaires, par exemple les institutions de micro-finance peuvent prendre en charge une partie de la cotisation, une partie des dépenses de fonctionnement. 3) Etant donné la population cible des mutuelles de santé, sa faible capacité à payer une cotisation et ses besoins en termes de services sociaux qui sont coûteux, le subventionnement de la cotisation est indispensable. Pour un passage à l’échelle, un subventionnement public est essentiel.

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Le GRET est une ONG française qui travaille dans le secteur de la micro-assurance depuis 15 ans, essentiellement en Asie. Dans les contextes où il est intervenu jusqu’à présent, le GRET a mis en place des systèmes de micro-assurance santé qui ne sont pas à base mutualiste (la culture mutualiste étant peu présente). Autrement dit, les bénéficiaires ne sont pas directement impliqués dans la gestion. Le GRET a toujours adopté une approche favorisant une gestion professionnelle (par opposition au bénévolat) dont l’objectif consiste clairement à assurer la couverture d’un paquet de soins - primaires et hospitaliers – significatif, en dialogue avec les politiques de santé et de protection sociale santé. Dans le secteur informel, un projet visant à couvrir les soins primaires et hospitaliers, essentiellement avec des prestataires de soins publics, a été lancé en milieu rural au Cambodge. Il repose sur un système d’adhésion familiale obligatoire. La cotisation de 5 dollars par personne et par an est dégressive pour les familles nombreuses. Au Cambodge, les soins primaires sont déjà bien subventionnés, tandis que les soins hospitaliers sont assez chers. Au bout de 10 ans, ce dispositif (Sky) couvrait 70 000 personnes. Il répondait bien aux besoins des personnes, mais il n’était pas viable sur le plan financier. D’un côté, les taux d’adhésion étaient très faibles et d’un autre côté, la cotisation collectée devait être maintenue à un niveau modeste pour rester accessible aux familles vulnérables du secteur informel. En conséquence, bien que la cotisation collectée couvrait bien tous les coûts des soins de santé, la structure de gestion n’était pas suffisamment couverte. Une fois les financements des bailleurs de fonds terminés, la gestion des contrats a été transférée à des opérateurs locaux de protection sociale, qui sont en fait des ONG locales, déjà subventionnées par l’Etat. Le nombre d’assurés est alors passé de 70 000 à 45 000. Aujourd’hui, ils sont au nombre de 25 000. Les opérateurs locaux ne disposent pas des mêmes moyens de gestion et de promotion que le système de micro- assurance (Sky) appuyé par le GRET. En synthèse, le système mis en place vise à améliorer l’accès aux soins des populations, tout en protégeant les assurés d’un risque d’endettement. En revanche, les taux d’adhésion sont restés faibles (de 1 à 35 %) et la pérennisation du système s’est avérée complexe en l’absence d’un relais possible par une subvention de la cotisation par l’Etat. Plus globalement, un système de ce type est fortement dépendant de l’offre de soins. La micro-assurance santé est essentielle pour étendre la couverture sociale santé, mais elle n’est que transitoire en raison de son caractère volontaire. Elle permet tout de même d’impliquer les populations dans la définition du système, ce qui est un gage de meilleure acceptabilité.

La santé pour tous au Cambodge : soutenir les opérateurs de la protection sociale santé

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La micro-assurance santé souffre d’une certaine dispersion des initiatives, tandis que les compétences en gestion sont souvent insuffisantes. Les initiatives doivent donc être mieux articulées. Les adhésions collectives familiales sont à favoriser. En sus, des cofinancements sont nécessaires. Bien évidemment, cela implique par la suite que les parcours de soins soient rationnels. Sur le plan de la gestion, le passage à l’échelle suppose la mise en place d’un système d’information performant.

La micro-assurance santé peut comprendre des systèmes mutualistes et non mutualistes, l’important étant que les produits soient accessibles et répondent aux besoins de populations que les dispositifs classiques d’assurance santé et de protection sociale santé ne couvrent pas. La CUS et la micro-assurance santé poursuivent le même objectif et obéissent à la même logique : une assurance santé qui soit la plus exhaustive possible pour tous. La CUS n’est rien d’autre que de la micro-assurance santé rendue obligatoire.

Quelle est la place du secteur privé (à but lucratif ou non) dans la mise en place de dispositifs opérationnels d’assurance ?La place de ces acteurs varie en fonction du contexte et du terrain. Pour sa part, le GRET se sent davantage rassuré lorsqu’il travaille avec des structures publiques, alors que le secteur privé n’est pas toujours régulé. De son côté, le CIDR, qui a beaucoup travaillé avec des structures confessionnelles, recherche le meilleur ratio qualité-prix. Enfin, InterAide ne s’installe pas là où il n’existe pas de prestataires de soins qui répondent aux besoins des bénéficiaires. Certes, les prestataires privés peuvent être trop chers, mais il est possible de jouer sur les modalités de remboursement et le ticket modérateur, qui peuvent être moins élevés dans le privé.

Quelle est la place de la micro-assurance santé dans la résorption des inégalités ?La stratégie consiste à n’exclure personne, bien que la cotisation puisse être très élevée. Par exemple, un produit plus élevé en milieu urbain peut permettre, dans une logique de péréquation, de couvrir les besoins en milieu rural. Il existe évidemment des populations vulnérables en milieu urbain, mais le choix des prestataires y est plus large. Le principal enjeu du milieu rural a trait à l’offre de soins, sachant qu’un système mutualiste à base communautaire fonctionne mieux en milieu rural.

Quel est l’impact des projets sur le développement, public ou privé, de l’offre de soins ?L’amélioration de l’accès aux soins n’est pas forcément immédiate. En revanche, la micro-assurance permet de stabiliser des centres de santé ruraux. Au-delà, les contraintes structurelles dépassent de beaucoup le cadre contractuel des mutuelles. De plus, les mutuelles jouent parfois un rôle de pression sur du personnel indélicat. Les ONG dépendent beaucoup, dans certaines zones, des prestataires de soins avec lesquels elles ont passé un contrat. Leur force de négociation n’étant pas solide, cela peut les conduire à assouplir ou à modifier leurs règles.

Comment procéder à une massification du système ?Les méthodologies de passage à l’échelle sont très difficiles à trouver. Un effort considérable doit être fourni afin que les systèmes de santé absorbent la massification, sachant que les systèmes d’assurance-maladie qui donnent droit à la gratuité font exploser la demande. La couverture santé universelle est intéressante en cela qu’elle introduit bien les problématiques, en commençant par la disponibilité effective de soins de qualité.Par ailleurs, les systèmes d’information peuvent constituer un point bloquant s’ils ne sont pas mis en place. Le passage à l’échelle nécessite un système robuste, ce qui suppose de l’assistance technique et des financements. De l’avis du CIDR, les systèmes d’information ont toujours été les éléments stratégiques forts des systèmes de micro-assurance.

Conclusion

Synthèse des échanges avec la salle

p. 9

Comment, dans le cas d’une adhésion collective obligatoire, gérer les cas des personnes qui refusent de payer ?Lorsqu’InterAide travaille avec une institution de micro-finance, aucun crédit n’est attribué sans mutuelle de santé. Une personne qui n’a pas de mutuelle n’aura donc pas de crédit. Toutefois, ces situations ne se présentent pas. Le produit qui est mis en place est déterminé pour répondre aux besoins. Le montant de la cotisation est donc déterminé très finement. Les produits et les services sont de qualité, et la communica-tion est très forte. Tout ceci contribue à compenser l’adhésion obligatoire.

La gratuité ne risque-t-elle pas de déstructurer le dispositif de micro-assurance santé ?Dans le cas de l’intervention du GRET au Cambodge, les soins sont payants. L’État remet aux populations les plus pauvres une carte d’accès aux soins. Les prestations sont alors prises en charge par un opérateur local. Ces populations sont donc dans la position d’assurés qui ne paient pas leur cotisation.

Quels sont les facteurs de négociation qui permettent d’être délégataire de gestion concernant la mise en place d’une couverture médicale universelle en zone rurale ?De l’avis de tous, les acteurs qui ont des intérêts communs doivent se réunir et négocier collectivement. Les enjeux sont énormes, surtout dans les pays qui ont décidé de déléguer la gestion à des opérateurs privés (par exemple la Côte d’Ivoire). Au-delà, opposer la micro-assurance et la couverture universelle maladie n’a absolument aucun sens. L’objectif consiste toujours à garantir l’accès de tous à la santé. Pour quantité de raisons très connues, cela ne fonctionne pas avec des systèmes centralisés. Les mutuelles de village sont formidables, mais elles ne sont pas pérennes, tandis qu’il est extrêmement difficile d’agir au niveau national. La bonne granularité peut être la région.

L’assurance-maladie universelle doit-elle intégrer le financement de la prévention de proximité et de l’éducation des populations, qui constituent des prérequis à une politique de protection sociale soutenable et efficace ?Depuis la crise de 2008-2010, les budgets santé des pays industrialisés ont commencé à stagner. La prévention est le premier poste impactée par cette baisse. En France, l’assurance-maladie gère des pro-grammes de prévention au moyen d’investissements assez significatifs. Les mutuelles disposent égale-ment d’expertises en la matière. La micro-assurance santé a donc évidemment une expertise à proposer sur les programmes de prévention. La prévention doit même constituer, de manière systématique, une composante d’un système de santé.

p. 10

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