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suivi thérapeutique | pratique OptionBio | Lundi 15 septembre 2008 | n° 405 15 L’ ostéoporose est une affection carac- térisée par une réduction de la masse osseuse et une dégradation de l’archi- tecture du tissu osseux, responsables d’une fragi- lité accrue du squelette et d’une augmentation du risque de fracture. Sa définition repose sur la den- sitométrie osseuse (DMO) mesurée par absorp- tiométrie biphotonique aux rayons X, et exprimée en nombre de déviations standard (tableau I) par rapport à la moyenne des valeurs obtenues chez des adultes jeunes, au pic de masse osseuse (T-score). Ostéoporose et remodelage osseux Le remodelage osseux est le processus physiolo- gique assurant le renouvellement permanent de la matrice osseuse. Au cours du vieillissement, l’ac- tivité ostéoblastique (formation osseuse) diminue et, lors de la ménopause, l’activité ostéoclastique (résorption) augmente et le remodelage osseux devient très important. La régulation du remodelage osseux est assurée par de nombreux facteurs : hormonaux (para- thormone ou PTH, 1,25(OH) 2 D, hormones thy- roïdiennes, estrogènes, testostérone, glucocor- ticoïdes, hormone de croissance, etc.) et locaux (en particulier des cytokines et des facteurs de croissance). En cas de dysfonctionnement de l’un ou plusieurs de ces facteurs régulateurs, l’alté- ration du remodelage osseux peut induire une ostéoporose. Le remodelage osseux est la cible du traitement de l’ostéoporose : il est possible soit d’inhiber la résorption osseuse (selective estrogen receptor modulators ou SERM, bisphosphonates, etc.), soit de stimuler la formation osseuse (tériparatide). Bilan biologique d’une ostéoporose En 2007, une réflexion menée avec des experts, sous l’égide de la Haute Autorité de santé (HAS) a abouti à proposer devant toute ostéoporose, le bilan suivant : calcémie, phosphatémie, PTH et 25(OH)D. Il sera complété, en cas de signes cli- niques évocateurs (type lithiase, hyperthyroïdie, maladie de Cushing, malabsorption, hypogona- disme chez un homme ou d’une ostéomalacie), par certains des dosages suivants : calciurie et natriurie des 24 heures, TSH, cortisolurie des 24 heures, testostérone, phosphatases alcalines, anticorps anti-transglutaminase. Intérêt des marqueurs osseux Les principaux marqueurs du remodelage osseux figurent au tableau II. Les marqueurs osseux sont utiles au suivi théra- peutique pour évaluer l’efficacité et surtout vérifier l’observance thérapeutique de certains médica- ments de l’ostéoporose, notamment les bisphospho- nates (inhibiteurs de la résorption osseuse), au long cours. Si le patient a une bonne observance, cela se traduit par une diminution du télopeptide C-terminal (CTX) sérique d’au moins 30 % après 3 mois de traitement, prédisant ainsi un gain de DMO et une réduction du risque fracturaire. Toutefois, ces mar- queurs devraient perdre un peu de leur intérêt avec la commercialisation prochaine de bisphosphonates administrables par voie injectable, entraînant donc beaucoup moins de problèmes d’observance que les formes orales dont la prise est contraignante. En cas d’utilisation d’un médicament stimulant la formation osseuse comme la PTH en séquen- tiel (tériparatide), le marqueur le plus pertinent à doser est le propeptide N-terminal du procolla- gène I (PINP). Enfin, les marqueurs osseux, en particulier de résorption, peuvent être intéressants si un sur- dosage par les bisphosphonates est suspecté, en cas de traitement prolongé (> 5 à 7 ans) : dans ce cas leur concentration sérique est effondrée. Les marqueurs osseux ne sont pas indiqués pour le diagnostic d’ostéoporose. Mais, cer- tains marqueurs de résorption peuvent, si leur concentration sérique est supérieure aux “normes préménopausiques”, prédire un risque de perte osseuse rapide ou un risque fracturaire indépen- dant de la DMO. Ainsi, ils peuvent être une aide à la décision thérapeutique dans des situations d’ostéopénie significative ou d’ostéoporose densi- tométrique modérée et sans fracture, en l’absence d’autres facteurs de risque de fracture comme un index de masse corporelle bas ou des antécédents familiaux. Un traitement pourra être proposé si les marqueurs sont élevés ; une abstention sera préconisée s’ils sont normaux. | CAROLE ÉMILE Biologiste, CH de Montfermeil (93) [email protected] Source Communication du Dr Jean-Claude Souberbielle, dans le cadre de la Journée scientifique du laboratoire Marcel Mérieux (Biomnis), Lyon, janvier 2008. Place des dosages biologiques dans les ostéoporoses L’ostéoporose est une affection caractérisée par une réduction de la masse osseuse. Pour l’heure, les marqueurs osseux sont utiles au suivi thérapeutique pour évaluer l’efficacité et surtout vérifier que les patients ont une bonne observance des traitements, notamment concernant la prise au long cours de bisphosphonates, des inhibiteurs de la résorption osseuse. Tableau I. Définition densitométrique de l’ostéoporose. Normal DMO entre +1 et –1 T-score Ostéopénie DMO entre –1 et –2,5 T-score Ostéoporose DMO = –2,5 T-score Ostéoporose sévère ou compliquée Ostéoporose avec une ou plusieurs fractures ostéoporotiques Tableau II. Principaux marqueurs du remodelage osseux Formation osseuse Résorption osseuse Non collagéniques Phosphatase alcaline totale (TAP) Sérum Phosphatase acide tartrate-résistante (TRAP5b) Phosphatase alcaline osseuse (bAP) Ostéocalcine (Oc) Collagéniques Propeptide C-terminal du procollagène I (PICP) Propeptide N-terminal du procollagène I (PINP) Sérum Télopeptide N-terminal (NTX) Télopeptide C-terminal (CTX, Crosslaps) Urine Désoxypyridinoline libre (fDpd) Pyridinoline libre (fPyd) Télopeptide N-terminal (NTX) Télopeptide C-terminal (CTX) Désoxypyridinoline totale (tDpd)

Place des dosages biologiques dans les ostéoporoses

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Page 1: Place des dosages biologiques dans les ostéoporoses

suivi thérapeutique | pratique

OptionBio | Lundi 15 septembre 2008 | n° 405 15

L’ostéoporose est une affection carac-térisée par une réduction de la masse osseuse et une dégradation de l’archi-

tecture du tissu osseux, responsables d’une fragi-lité accrue du squelette et d’une augmentation du risque de fracture. Sa définition repose sur la den-sitométrie osseuse (DMO) mesurée par absorp-tiométrie biphotonique aux rayons X, et exprimée en nombre de déviations standard (tableau I) par rapport à la moyenne des valeurs obtenues chez des adultes jeunes, au pic de masse osseuse (T-score).

Ostéoporose et remodelage osseux Le remodelage osseux est le processus physiolo-gique assurant le renouvellement permanent de la matrice osseuse. Au cours du vieillissement, l’ac-tivité ostéoblastique (formation osseuse) diminue et, lors de la ménopause, l’activité ostéoclastique (résorption) augmente et le remodelage osseux devient très important.La régulation du remodelage osseux est assurée par de nombreux facteurs : hormonaux (para-thormone ou PTH, 1,25(OH)2D, hormones thy-roïdiennes, estrogènes, testostérone, glucocor-ticoïdes, hormone de croissance, etc.) et locaux (en particulier des cytokines et des facteurs de croissance). En cas de dysfonctionnement de l’un ou plusieurs de ces facteurs régulateurs, l’alté-ration du remodelage osseux peut induire une ostéoporose.Le remodelage osseux est la cible du traitement de l’ostéoporose : il est possible soit d’inhiber la résorption osseuse (selective estrogen receptor modulators ou SERM, bisphosphonates, etc.), soit de stimuler la formation osseuse (tériparatide).

Bilan biologique d’une ostéoporoseEn 2007, une réflexion menée avec des experts, sous l’égide de la Haute Autorité de santé (HAS) a abouti à proposer devant toute ostéoporose, le bilan suivant : calcémie, phosphatémie, PTH et 25(OH)D. Il sera complété, en cas de signes cli-niques évocateurs (type lithiase, hyperthyroïdie, maladie de Cushing, malabsorption, hypogona-disme chez un homme ou d’une ostéomalacie), par certains des dosages suivants : calciurie et natriurie des 24 heures, TSH, cortisolurie des 24 heures, testostérone, phosphatases alcalines, anticorps anti-transglutaminase.

Intérêt des marqueurs osseuxLes principaux marqueurs du remodelage osseux figurent au tableau II.Les marqueurs osseux sont utiles au suivi théra-

peutique pour évaluer l’efficacité et surtout vérifier l’observance thérapeutique de certains médica-ments de l’ostéoporose, notamment les bisphospho-nates (inhibiteurs de la résorption osseuse), au long cours. Si le patient a une bonne observance, cela se traduit par une diminution du télopeptide C-terminal (CTX) sérique d’au moins 30 % après 3 mois de traitement, prédisant ainsi un gain de DMO et une réduction du risque fracturaire. Toutefois, ces mar-queurs devraient perdre un peu de leur intérêt avec la commercialisation prochaine de bisphosphonates administrables par voie injectable, entraînant donc beaucoup moins de problèmes d’observance que les formes orales dont la prise est contraignante.

En cas d’utilisation d’un médicament stimulant la formation osseuse comme la PTH en séquen-tiel (tériparatide), le marqueur le plus pertinent à doser est le propeptide N-terminal du procolla-gène I (PINP).Enfin, les marqueurs osseux, en particulier de résorption, peuvent être intéressants si un sur-dosage par les bisphosphonates est suspecté, en cas de traitement prolongé (> 5 à 7 ans) : dans ce cas leur concentration sérique est effondrée.Les marqueurs osseux ne sont pas indiqués

pour le diagnostic d’ostéoporose. Mais, cer-tains marqueurs de résorption peuvent, si leur concentration sérique est supérieure aux “normes préménopausiques”, prédire un risque de perte osseuse rapide ou un risque fracturaire indépen-dant de la DMO. Ainsi, ils peuvent être une aide à la décision thérapeutique dans des situations d’ostéopénie significative ou d’ostéoporose densi-tométrique modérée et sans fracture, en l’absence d’autres facteurs de risque de fracture comme un index de masse corporelle bas ou des antécédents familiaux. Un traitement pourra être proposé si les marqueurs sont élevés ; une abstention sera préconisée s’ils sont normaux. |

CAROLE ÉMILE

Biologiste, CH de Montfermeil (93)

[email protected]

SourceCommunication du Dr Jean-Claude Souberbielle, dans le cadre de la Journée scientifique du laboratoire Marcel Mérieux (Biomnis), Lyon, janvier 2008.

Place des dosages biologiques dans les ostéoporosesL’ostéoporose est une affection caractérisée par une réduction de la masse osseuse. Pour l’heure, les marqueurs osseux sont utiles au suivi thérapeutique pour évaluer l’efficacité et surtout vérifier que les patients ont une bonne observance des traitements, notamment concernant la prise au long cours de bisphosphonates, des inhibiteurs de la résorption osseuse.

Tableau I. Définition densitométrique de l’ostéoporose.

Normal DMO entre +1 et –1 T-score

Ostéopénie DMO entre –1 et –2,5 T-score

Ostéoporose DMO = –2,5 T-score

Ostéoporose sévère ou compliquée

Ostéoporose avec une ou plusieurs fractures ostéoporotiques

Tableau II. Principaux marqueurs du remodelage osseux

Formation osseuse Résorption osseuse

Non collagéniques

Phosphatase alcaline totale (TAP) Sérum Phosphatase acide tartrate-résistante (TRAP5b)Phosphatase alcaline osseuse (bAP)

Ostéocalcine (Oc)

Collagéniques

Propeptide C-terminal du procollagène I (PICP) Propeptide N-terminal du procollagène I (PINP)

Sérum Télopeptide N-terminal (NTX) Télopeptide C-terminal (CTX, Crosslaps)

Urine Désoxypyridinoline libre (fDpd) Pyridinoline libre (fPyd) Télopeptide N-terminal (NTX)

Télopeptide C-terminal (CTX) Désoxypyridinoline totale (tDpd)