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36 Charles Charles 37 Patrick Poivre d’Arvor a été, presque sans interruption, le principal visage de l’information française de 1975 à 2008. Il a résisté aux monarques que furent Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand et Jacques Chirac. Dans cet entretien exclusif, le journaliste raconte comment on lui a souvent proposé à droite comme à gauche de faire de la politique, ce qu’il a toujours refusé. Finalement, c’est Nicolas Sakozy qui aura sa tête, une fois élu président de la République. Et PPDA n’en revient toujours pas. POLITIQUE & TÉLÉVISION ENTRETIEN Propos recueillis par Clémence de Blasi portraits Samuel Guigues Les monarques sont moins impressionnants qu’ils ne l’étaient

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36 Charles Charles 37

Patrick Poivre d’Arvor a été, presque sans interruption, le principal visage de l’information française de 1975 à 2008. Il a résisté aux monarques que furent Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand et Jacques Chirac. Dans cet entretien exclusif, le journaliste raconte comment on lui a souvent proposé à droite comme à gauche de faire de la politique, ce qu’il a toujours refusé. Finalement, c’est Nicolas Sakozy qui aura sa tête, une fois élu président de la République. Et PPDA n’en revient toujours pas.

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ENTRETIEN

Propos recueillis par Clémence de Blasiportraits Samuel Guigues

Les monarques sont moins

impressionnants qu’ils ne l’étaient

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où vous vient votre intérêt pour la chose politique ?Je crois que c’est une réaction à Mai-68… J’habitais à ce moment-là une chambre de bonne dans le Quartier latin. J’étais très excité, comme tous les jeunes gens de mon âge, au milieu de cette ébullition. Je regardais ce qu’il se passait, surtout parce qu’il y avait des voitures d’Europe 1, de RTL… Ça me fascinait assez, leur travail ! Et puis je suis allé voir les barricades. Au fond, je me suis

rendu compte très vite que j’aimais mieux la fonction de témoin de l’histoire à celle d’acteur. Très vite après les événements, j’ai ressenti un véritable contrecoup. On assistait à une récupération de tous les mouvements, qu’ils soient communistes – alors qu’ils y étaient très hostiles au départ – ou gauchistes, qui, eux, avaient beaucoup poussé la contestation. Il y avait aussi les trotskystes, les maoïstes, bien d’autres encore… C’est certainement cela qui m’a fait réagir. Assez vite, je me suis dit : « Je ne serai jamais un de ces moutons ! » Sinon, ma passion de l’actualité vient sûrement du fait qu’enfant, j’écoutais beaucoup la radio. À l’époque, RTL s’appelait encore Radio-Luxembourg. Ma première grosse indignation, je l’ai connue à 8 ou 9 ans, pendant l’intervention soviétique en Hongrie. Je me suis un peu construit à ce moment-là.

À l’époque, votre grand-mère envoie deux lettres, l’une à Valéry Giscard d’Estaing, l’autre à François Mitterrand. Dans ces lettres, elle leur parlait de vous…Oui, elle leur parlait de moi comme d’une pépite inexploitée ! (Rires) Cette démarche de ma grand-mère était très étonnante ! Elle me l’a révélée ensuite. Après sa mort, j’ai retrouvé du papier pelure, j’ai pu voir ce qu’elle leur avait écrit. À peu près la même chose aux deux. C’était bien avant que l’un et l’autre deviennent présidents de la République ! Elle leur avait écrit que j’étudiais le polonais, le serbo-croate, le russe, que j’étais un garçon formidable ! C’était très beau, c’était la passion d’une grand-mère provinciale pour son petit garçon qu’elle voulait voir arriver à Paris dans les meilleures conditions. C’est pour cette raison qu’elle m’a offert des heures d’équi-tation – elle estimait sans doute qu’il fallait savoir monter à cheval – et qu’elle m’a payé un smoking.

Parce qu’elle voyait en vous un politique ?Non, je pense qu’elle voulait pour moi une belle destinée, une destinée stendha-lienne. Mais c’est vrai, on parlait beaucoup de politique dans la famille. Ma mère était gaulliste, mon père antigaulliste, donc ça se frittait beaucoup ! Mon grand-père, lui, était plutôt radical-socialiste. Et comme on habitait un quatrième étage et que les grands-parents étaient au troisième, il y avait là un bain propice aux discussions !

« Je me suis rendu compte très vite que j’aimais mieux la fonction de témoin

de l’histoire à celle d’acteur. »

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PATRICK POIVRE D’ARVOR

Seul Valéry Giscard d’Estaing répond à la lettre de votre grand-mère, et vous le rencontrez…Ce n’est pas lui que je rencontre, c’est Charles-Noël Hardy, un préfet. Il vient me tester un peu, m’interroge sur mes idées, et me dit : « Il faut que vous vous lanciez en politique. Comme vous êtes à Reims et qu’il n’y a pas de républicains indépendants à Reims, créez le mouvement des Jeunes républicains indépendants ! » C’est comme ça que ça a commencé. J’ai rencontré Valéry Giscard d’Estaing plus tard.

Comment se passe la création du mouvement ?C’est simple, au début j’étais tout seul ! J’ai acheté pour 500 francs une 2CV d’occasion, et j’ai sillonné les quatre départements de la Champagne-Ardenne. J’étais assez étonné de voir que finalement, c’était assez facile. En à peine six mois, on est devenus la deuxième fédéra-tion la plus importante en nombre d’adhérents, derrière la fédération d’Auvergne. C’était un peu normal. En Auvergne, Giscard était sur ses terres ! Moi je ne voulais ni du gaullisme vieillissant ni du gauchisme qui m’avait beaucoup énervé pendant 68.

C’était la première fois que vous vous encartiez ?Première et unique fois ! Cette expérience a duré un an et demi à peu près, deux ans maximum. J’ai eu la chance de gagner le concours d’Inter. Il s’appelait « Envoyé spécial », c’était un concours pour devenir journaliste. Le jour où je m’y suis inscrit, en 1970, j’ai arrêté la politique. Il n’était pas possible de travailler dans une radio publique et d’avoir en même temps une activité politique. Je le considère toujours, d’ailleurs.

De France Inter, vous passez à Antenne  2, et devenez chef du service politique. Qui vous a mis le

pied à l’étrier ?Je reste trois ans et demi à France Inter, de 71 à fin 74, et là je fais mon trou, je deviens un ami de Jean-Marie Cavada que j’aimais beaucoup, d’Yves Mourousi qui m’a pris un peu sous son aile alors qu’il présentait le journal de 13 heures. J’ai fait à peu près tous les petits jobs qu’on peut faire quand on démarre dans ce métier, c’est-à-dire les flashs de nuit, les journaux très tôt le matin… Et puis un jour le directeur de l’information meurt, on le remplace à son poste dans la journée par le titulaire de la revue de presse, Roger Gicquel, et on cherche alors un successeur pour cette revue de presse. On fait appel à moi. Ensuite, tout s’est emballé !

Le Front national est créé par Jean-Marie Le Pen en 1972. Pendant longtemps, les journalistes se demandent s’il faut ou non le recevoir dans leurs émissions. Vous faites le choix de l’inviter…À l’époque, aucun journaliste n’acceptait de dialoguer avec Jean-Marie Le Pen. Seul Tapie a accepté ce challenge. Ça a donné une émission invraisemblable, très regardée. Je pense qu’il faut donner la parole à tout le monde, c’est capital. Mais sans être dans l’agressivité à tout prix. Plusieurs de mes amis, comme Franz-Olivier Giesbert, m’ont dit avoir regretté de l’avoir pris au collet dès le début de l’interview, car leur parole n’était plus crédible. Il faut disposer les projecteurs selon plusieurs angles, pour que chacun se fasse une opinion.

Votre première interview d’un président de la République, c’est justement avec Valéry Giscard d’Estaing auquel votre grand-mère avait envoyé une lettre. Quel souvenir en gardez-vous ?Giscard était déjà assez directif, et moi déjà assez

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rétif. On s’est un peu accrochés, mais j’ai tenu bon. À l’époque, j’étais très sauvage, très timide ; souvent les timides sont un peu insolents, ils en rajoutent. Peut-être était-ce ma façon d’exister. Giscard avait l’habitude d’être servi. La période de De Gaulle n’était pas loin encore, on était toujours en monarchie. Aujourd’hui encore, rien n’a changé. Sauf qu’évidemment les monarques sont moins impressionnants qu’ils ne l’étaient à l’époque !

Vous voulez dire que la fonction présidentielle a perdu de sa superbe ?Oui, bien sûr ! À l’époque de Pompidou, Giscard d’Estaing ou Mitterrand, on vouvoyait les présidents, ils étaient très intimidants ! Après, le rapport avec eux a changé. D’abord sous Chirac.... , et puis encore plus avec Nicolas Sarkozy et François Hollande…

Est-il vrai que Mitterrand vous a proposé d’être tête de liste aux européennes, puis une place au gou-vernement ?Oui, il me l’a proposé en 1983, pour les élections euro-péennes de 1984. La proposition est arrivée par l’un de ses conseillers, François de Grossouvre. Puis il a essayé de me « marier » avec Edgar Faure et Maurice Faure, me disant qu’on allait faire un triumvirat… Son idée était surtout d’embêter la droite, d’avoir une liste de centre gauche pour lui mordre un peu les mollets ! J’ai refusé, parce que dès la première minute le projet est devenu politicard. L’annonce dans ce bureau, sous les mansardes de l’Élysée, me faisait penser à un complot. Et puis après, j’ai reçu un appel d’Edgar Faure pour me dire qu’il acceptait de me céder sa place. Moi, je ne réclamais rien… À cette période, Mitterrand tente vraiment de me séduire. En 1988, il me demande d’être son intervieweur officiel dans le cadre de la campagne présidentielle. Là encore, j’ai refusé : je ne voulais pas donner l’impression de choisir mon camp ! Une heure plus tard, je reçois la

même proposition de la part de Jacques Chirac, qui était Premier ministre et allait être son concurrent ! Une autre fois, Mitterrand m’a fait part de sa volonté de faire un gouvernement d’ouverture, avec Michel Rocard comme Premier ministre, et m’a invité à me tenir prêt. Ils vous demandent toujours de vous tenir prêt. Ils ne s’engagent jamais totalement. Il m’avait dit que je serais très bien à la francophonie.

Vous avez reçu des propositions à gauche… à droite, aussi ?Au centre, d’abord ! Un jour François Bayrou me convie à déjeuner, au restaurant Chez Edgar. Pendant le repas, il m’annonce que « le centre, à Paris, n’existe pas. Il faut abso-lument qu’on ait quelqu’un qui l’incarne pour se présenter aux municipales. » En l’occurrence contre Chirac. Il m’a fait une première proposition, dans le genre : « Sois prêt pour les municipales. » Là encore, j’ai décliné. Nicolas Sarkozy, lui, m’a demandé d’être numéro 2 aux élections régio-nales en Île-de-France. C’était il n’y a pas si longtemps, en 2009. C’est Valérie Pécresse qui m’avait reçu. Comme je lui avais dit non, j’ai reçu un coup de téléphone de Sarkozy. Je ne l’avais pas revu depuis mon départ de TF1, quand même assez houleux… Lui aussi m’a dit : « Tiens-toi prêt, je vais faire un remaniement, d’ailleurs j’ai dit la même chose à David Douillet ! » Lorsqu’on reçoit ce genre de pro-positions, on peut être tenté, cela flatte un peu l’ego. Et puis assez vite quelque chose en vous fait que vous en revenez. J’aime ce qu’a été le comportement de Françoise Giroud : vous êtes pendant un certain temps dans un centre de décision, en l’occurrence le ministère de la Culture, et puis vous regagnez votre liberté de journa-liste, et vous écrivez sur ce que vous avez vécu ! Une telle manière d’agir n’est pas forcément loyale, mais quand on engage un journaliste, il faut savoir ce qu’on fait. On doit s’y attendre.

« Nicolas Sarkozy, lui, m’a demandé en 2009 d’être numéro 2 aux élections régionales en Île-de-France.

Je ne l’avais pas revu depuis mon départ de TF1, quand même assez houleux… »

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Vous avez dit de Chirac qu’il est le président que vous avez le plus maltraité, pourquoi ?Comme saint Sébastien, il recevait les flèches ! Je me souviens d’une interview. C’était le jour où il avait décidé de se représenter, en 2002. En Avignon, il annonce publi-quement qu’il va être à nouveau candidat à la présiden-tielle. Le soir même, il vient dans mon journal. C’était la première fois qu’un président de la République en exercice se déplaçait au JT de TF1. Il était un peu fatigué, il avait la grippe… Ma première question a été : « Alors, c’est pour échapper à la justice que vous vous représen-tez ? » Mes flèches n’ont pas cessé. Et il encaissait, encais-sait, encaissait… Mes propos étaient un peu musclés et en face il n’y avait aucun répondant. Vers la fin j’ai eu un peu pitié, donc j’ai commencé à me calmer, mais c’était très étrange. Curieusement, Chirac est le président qui m’en a le moins voulu. Alors qu’avec Mitterrand comme avec Sarkozy, de temps en temps mes rapports ont un peu dégénéré. Eux, n’oubliaient pas.

Justement, votre départ soudain de TF1, en 2008, fait suite à une interview de Nicolas Sarkozy. Vous dites qu’il a l’air d’être « excité comme un petit garçon en train de rentrer dans la cour des grands ». Votre éviction de la chaîne est-elle politique ?Sur le moment, je n’ai pas voulu le croire. Le motif est quand même dérisoire ! Malheureusement, plus les jours passaient et plus dans le camp de Sarko on me disait qu’il était remonté contre moi. J’ai donc assez vite compris ce qu’allait être mon infortune. Dès le lendemain de l’inter-

view, je croise le propriétaire de TF1, Martin Bouygues. Il me dit : « Toi, t’es pas prêt d’être réinvité à l’Élysée ! » Je lui demande s’il tient cette info du président lui-même. Nicolas Sarkozy était son meilleur ami à l’époque. Il est même le parrain de son dernier fils. Lui : « Non, ce n’est pas ce que je voulais dire, je ne l’ai pas eu… » Je n’en croyais pas un mot. J’ai même répondu : « C’est étrange, jusqu’alors il me semblait qu’avec ton père, Francis Bouygues, ce n’était pas à l’Élysée de choisir les interlocuteurs du président de la République ! » J’ai compris ce jour-là que le ver était dans le fruit.

Vous auriez imaginé que cette interview vous coûterait votre carrière ?Je ne l’aurais pas imaginé une seconde, parce que fran-chement je n’avais pas fait preuve d’une impertinence majeure, il ne faut pas exagérer ! On ne s’en est jamais vraiment expliqués, parce que je ne l’ai pas revu. Si ce n’est quand il m’a proposé cette place de numéro 2 pour les régionales.

Entre un journaliste et le président de la Répu-blique, s’agit-il d’un rapport de force ou de séduction ?Les hommes politiques sont toujours dans la séduction tout azimut. J’en accepte complètement la règle. Avec François Mitterrand, nos rapports avaient commencé dans l’aigreur, le conflit. Puis il y a eu un moment de grâce – ou de grâces –, et une dernière période beaucoup plus dure. Bérégovoy m’a dit que lors du dernier Conseil des ministres de 1993, le dernier de la gauche au gou-vernement, Mitterrand avait dit devant tous ses

« Dès le lendemain de l’interview, je croise le propriétaire de TF1, Martin Bouygues.

Il me dit : “Toi, t’es pas prêt d’être réinvité à l’Élysée !” Je lui demande s’il tient cette info du président lui-même.

Nicolas Sarkozy était son meilleur ami à l’époque. Il est même le parrain de son dernier fils. Lui : “Non, ce n’est pas

ce que je voulais dire, je ne l’ai pas eu…” Je n’en croyais pas un mot. »

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« Après le débat, Ségolène Royal m’a dit que Sarkozy ne regardait que moi,

que c’était bien la preuve que… Oh la la ! Stop ! Mais le débat a été assez intéressant :

une Royal flamboyante, jamais là où on l’attendait, et un Sarkozy étonnamment calme, presque passif,

ce qui n’est pas du tout dans sa nature. Il y a eu de très jolis moments. C’était comme une danse. »

ministres réunis : « À qui devrais-je remettre mon épée de général vaincu, à Monsieur Chirac ou à Monsieur Poivre d’Arvor ? » Il me paraît invraisemblable que des patrons acceptent encore de faire du zèle pour plaire aux hommes politiques. Mais c’est comme ça…

Qu’en est-il de l’indépendance journalistique, si le président de la chaîne est le meilleur ami du président de la République ?C’était justement tout mon combat ! Nicolas Sarkozy venait tout juste d’être élu, il était le meilleur ami de notre propriétaire, et il me paraissait très important de montrer de manière claire qu’il y avait une cloison étanche entre TF1 et lui. Or, à ce moment-là, la cloison n’était pas si étanche que cela… À cette époque, TF1 sou-haitait engager un nouveau directeur de l’information, estimant que celui en poste n’était pas assez souple. Moi j’ai dit : « Holà, holà ! » Je l’ai beaucoup répété en interne et je pense que mes confrères m’en ont été reconnais-sants. J’étais une sorte de bouclier face à un désir de tout changer… L’indépendance journalistique est dans la tête des journalistes. Et beaucoup comme moi ont mis le holà. Cependant, certains cèdent parce qu’ils ont la colonne vertébrale plus souple que d’autres.

Vous n’en avez pas tiré trop de rancœur ?On m’a retiré la perfusion de manière assez violente. Je n’ai pas aimé ça. Ce que je n’ai pas aimé non plus, c’est que dans le même temps on m’empêchait de faire mon métier sur d’autres chaînes…

On vous aurait proposé le JT de France 2 ?On m’a fait un grand nombre de propositions. France 2 mais aussi M6, BFM… J’ai eu beaucoup de propositions sympathiques. Mais elles ont toutes été retirées au bout d’un certain temps. Je me suis dit que la rancune était plus tenace que je ne le pensais. J’ai dit les choses, et ça m’a valu beaucoup d’ennuis parce que ma chaîne s’est retournée contre moi, m’a fait un procès pour diffama-tion, pour dénigrement… J’ai eu droit à la totale ! Mais j’ai dit ce que j’avais à dire, donc je n’ai aucun regret.

Juste avant l’élection, vous animez les débats d’entre-deux-tours entre Sarkozy et Royal, qu’en rete-nez-vous ?Dès que le débat a commencé, toutes les règles ont sauté parce que Ségolène Royal refusait de s’y soumettre. Tout

était compliqué. Après le débat, elle m’a dit que Sarkozy n’avait regardé que moi, que c’était bien la preuve que… Oh la  la ! Stop ! Mais le débat a été assez intéressant : une Royal flamboyante, jamais là où on l’attendait, et un Sarkozy étonnamment calme, presque passif, ce qui n’est pas du tout dans sa nature. Il y a eu de très jolis moments. J’étais content d’y être. C’était comme une danse.

Vous croyez au retour de Sarkozy en 2017 ?Depuis le début, je sais qu’il ne pense qu’à ça. Il considère qu’il a été battu de manière indue par quelqu’un qui ne le vaut pas. Il est dans la revanche et jusqu’au bout il essayera de se battre pour l’obtenir. Tout va se jouer lors de la primaire. Si elle est très élargie, d’autres que lui auront leur chance. Si elle se limite aux aficionados, aux militants, si elle rassemble en dessous de 500 000 ou 700 000 votants, il a de fortes chances de la gagner et de se retrouver alors au second tour de la présidentielle. Face à Marine Le Pen, vraisemblablement. Tout pour lui est possible à nouveau.

Vous avez dit que de tous les présidents de la vème

République, François Hollande est le plus mysté-rieux. Pourquoi ?Il tient ça de Mitterrand, qui dévoilait assez peu ses intentions. Sarkozy est beaucoup plus cash, dans tous les sens du terme. Il met les choses sur la table, d’une manière qui peut parfois choquer. Hollande croit en sa baraka, il a un curieux rapport avec la chance. Il fait ce qu’il faut. Il n’y a pas un jour en ce moment sans qu’il ne se déplace quelque part, il laboure. Il a pratiquement évité la primaire qui lui pendait au nez il y a six mois au sein du PS. Il se battra jusqu’au bout. Comme en 2011-2012, il espère à nouveau passer par un trou de souris en obtenant de bons résultats sur le chômage et en comptant sur des évènements extérieurs pénalisant pour ses rivaux. C’est un homme politique redoutable.

Y a-t-il un homme ou une femme politique qui vous a surpris ?Simone Veil. Elle était très difficile à interviewer, parce qu’elle ne savait jamais terminer ses phrases ! Mais avec elle, vous sentiez que vous étiez dans les altitudes. Aujourd’hui, malheureusement, les surprises sont inexis-tantes. Les gens sont cadenassés. Ils ont leurs éléments de langage, peur des bourdes et des petites phrases. Les

interviews se rapprochent plus de la com’ que de l’info. J’y trouve moins de plaisir qu’il y a quelques années.

La façon d’interviewer les hommes politiques a-t-elle changé ?Oui. Sous de Gaulle, il y a longtemps eu une révérence invraisemblable envers eux. Puis il s’est produit un petit moment d’impertinence, avec une école dont je fais partie avec d’autres. Mais je n’aime pas l’idée de l’inter-view punching-ball. On n’obtient pas grand-chose de la sorte, les politiques se referment comme un poing, ils ne donnent plus grand chose d’eux-mêmes, ce n’est pas payant.

Un présentateur de JT subit-il une forte pression de la part des politiques qu’il reçoit ?Je n’ai jamais donné les questions à l’avance. Le premier à m’avoir demandé mes questions, c’est Giscard. Il m’a dit : « Qu’avez-vous prévu ? » Je lui ai répondu que je ne savais pas encore. « Comment ! Vous ne savez pas encore, vous n’avez rien préparé ? » Il a essayé de me mettre dans l’em-barras, alors que je savais très bien ce que je voulais lui poser comme questions. De toute façon, ces bêtes-là sont suffisamment fortes pour s’en sortir. De la même façon, je suis radical pour le off. Pour moi, il n’existe pas. —

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