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Philippe RIVIÈRE Véritable obstacle à l’insertion sociale, facteur de marginalisation et de précarité, l’illettrisme est un terrible handicap dans notre société moderne, où l’on croule sous les multiples démarches administratives ; un simple formulaire à remplir devient vite un cauchemar. A l’aube du 3 ème millénaire, à l’ère du multimédia, d’internet, du courrier électronique, du téléphone portable, du tout par satellite, il y a comme un décalage à parler d’illettrisme. Cela fait un peu obsolète dans le paysage. Phénomène de société, dont la gravité n’aurait d’égale que la rareté, triste situation d’une poignée d’oubliés du système, tout au plus : c’est ce que l’on a envie de se dire ; mais la réalité est tout autre. En janvier 2002, le gouvernement a révélé que les tests organisés lors des journées de préparation à la défense, font apparaître que 11,5 % des jeunes français ne lisent pas correctement. Sur une session rassemblant 135 « appelés (ées)», 12% ont été signalés, 10 sont en très grandes difficultés ; plus grave, 1% est totalement analphabète ! Ce phénomène, essentiellement masculin, est pour le moins alarment, quand on sait qu’un enfant passe en moyenne 12 années sur les bancs de l’école. Constat d’échec pour l’Éducation Nationale ? Sans aucun doute, même si cette dernière n’est pas la seule en cause, tous les spécialistes s’accordent pour dire que l’école va trop vite. (Mais n’est ce pas le monde qui va trop vite ?) Gare aux retardataires, le système scolaire n’a plus le temps de passer du temps avec ceux ou celles qui en ont besoin d’un peu plus que d’autres, pour apprendre à lire et à écrire. Interpellées face à cette situation inquiétante, nos hautes instances dirigeantes, ont annoncé leur intention de revoir sérieusement les méthodes d’apprentissage de la lecture et de l’écriture, le « B.A. - BA » de l’enseignement, le pivot de toute éducation. Et on ne peut que s’en réjouir. Tare indéniable de nos jours, qu’en était-il de l’illettrisme où plus souvent de l’analphabétisme, il y a plus d’un siècle ? Le recensement de 1911, établit que si en 1872, 434 français sur 1000, ne savaient ni lire ni écrire, ce chiffre tombe à 194 en 1901, et à 112 en 1911. Soit près de 4 fois moins en 40 ans. Progrès indéniable, dû à la mise en place (non sans heurts) de l’école primaire publique, laïque, gratuite et obligatoire L’ANALPHABÉTISME & L’ ILLETTRISME DE NOS ANCIENS A CLOHARS-FOUESNANT 1/7

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Philippe RIVIÈRE

Véritable obstacle à l’insertion sociale,facteur de marginalisation et de précarité,l’illettrisme est un terrible handicap dansnotre société moderne, où l’on croule sousles multiples démarches administratives ;un simple formulaire à remplir devient viteun cauchemar. A l’aube du 3ème millénaire, à l’ère dumultimédia, d’internet, du courrierélectronique, du téléphone portable, du toutpar satellite, il y a comme un décalage àparler d’illettrisme. Cela fait un peuobsolète dans le paysage. Phénomène desociété, dont la gravité n’aurait d’égale quela rareté, triste situation d’une poignéed’oubliés du système, tout au plus : c’est ceque l’on a envie de se dire ; mais la réalitéest tout autre. En janvier 2002, le gouvernement a révéléque les tests organisés lors des journées depréparation à la défense, font apparaîtreque 11,5 % des jeunes français ne lisentpas correctement. Sur une sessionrassemblant 135 « appelés (ées)», 12% ontété signalés, 10 sont en très grandesdifficultés ; plus grave, 1% est totalementanalphabète ! Ce phénomène,essentiellement masculin, est pour le moinsalarment, quand on sait qu’un enfant passeen moyenne 12 années sur les bancs del’école.

Constat d’échec pour l’ÉducationNationale ? Sans aucun doute, même sicette dernière n’est pas la seule en cause,tous les spécialistes s’accordent pour direque l’école va trop vite. (Mais n’est ce pasle monde qui va trop vite ?) Gare auxretardataires, le système scolaire n’a plus letemps de passer du temps avec ceux oucelles qui en ont besoin d’un peu plus qued’autres, pour apprendre à lire et à écrire.

Interpellées face à cette situationinquiétante, nos hautes instancesdirigeantes, ont annoncé leur intention derevoir sérieusement les méthodesd’apprentissage de la lecture et del’écriture, le « B.A. - BA » del’enseignement, le pivot de touteéducation. Et on ne peut que s’en réjouir.

Tare indéniable de nos jours, qu’enétait-il de l’illettrisme où plus souvent del’analphabétisme, il y a plus d’un siècle ?…

Le recensement de 1911, établit quesi en 1872, 434 français sur 1000, nesavaient ni lire ni écrire, ce chiffre tombe à194 en 1901, et à 112 en 1911. Soit près de4 fois moins en 40 ans. Progrès indéniable,dû à la mise en place (non sans heurts) del’école primaire publique, laïque, gratuiteet obligatoire

L’ANALPHABÉTISME &L’ ILLETTRISMEDE NOS ANCIENS

A CLOHARS-FOUESNANT

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Vers la fin du 19ème siècle, Clohars-Fouesnant, fort d’un peu plus de 600âmes, reflète bien le monde rural del’époque.Les parents de nos arrière-grands parentsétaient en général en difficultés avec lagrammaire. La plupart ne parlaient que lebreton, sans le lire et encore moins l’écrire,et ils comprenaient à peine le français. Laseule école qu’ils aient jamais fréquentéeétait celle de la vie, les seuls cours qu’ilsaient jamais suivis, celui de l’Odet et desnombreux ruisseaux lézardant dans lecanton. En étaient-ils malheureux pourautant ? Savoir lire et écrire était unecondition obligatoire pour accéder àcertaines fonctions, mais pour vivrenormalement, voire s’enrichir, on pouvaitencore faire sans.Les positions sociales, des plus imposés dela commune, nous donnent de bonnesindications à ce sujet. Jusqu’en 1884, pourle vote d’une nouvelle imposition, lesconseillers devaient se réunir, en nombreégal avec les plus imposés de la commune,formant un conseil à part entière. Voici lesprofessions relevées en 1881 sur une listede 30 noms de ces « plus imposés », au vude leur convocation :

Propriétaires : 9Cultivateurs :14Cabaretiers :3Ingénieur :1Boulanger :1Desservant :1Vicomte ( sic ) :1

La noblesse se partageait la commune avecde riches propriétaires, châtelains pourcertains, mais non-issus de la noblesse, quilouaient leurs terres aux cultivateurs.

Le titre de « vicomte » fait un peu 18èmesiècle : pour être mis en position sociale, ilaurait plutôt dû entrer dans la catégorie despropriétaires, mais cela démontre laprésence et l’importance donné à lanoblesse ainsi que son influence énormedans la vie communale, et ce près de 100ans après la révolution !L’ingénieur, qui exerce à Paris, (dans queldomaine ?) est également à ranger dans lacatégorie des propriétaires, châtelains non-nobles, (mais qui aimeraient bien l’être !)loueurs de terres.Le curé réside au bourg, le boulangerégalement, ainsi que deux des cabaretiers ;le troisième a ouvert son estaminet enbanlieue, au lieu dit Ty-Croissant, nomactuellement inconnu à Clohars-Fouesnant,mais existant au bout de l’Allée Vibert surla commune de Pleuven, où, probable-mentnotre homme devait tenir boutique (autrepossibilité sur Bénodet, où ce carrefourabrite toujours un hôtel restaurant)….Au conseil qui suivit, sur 12 présents il yavait :

Cultivateurs :6Cabaretiers :3Propriétaire :1Boulanger :1Desservant :1

A la signature, il n’en reste plus que trois ;les autres « ont déclaré ne savoir le faire »où « illettré ».

Dans les trois « parapheurs » on retrouve ledesservant (il est même secrétaire deséance) : ce n’est pas une surprise, leclergé et la noblesse ont longtemps été lesseuls à maîtriser la le,

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lecture et l’écriture, se gardant bien d’enfaire bénéficier le peuple : l’ignoranceentretenue facilite la manipulation desesprits, et renforce le pouvoird’asservissement.

Un limonadier sur les trois présentssait signer, mais après tout, nul besoind’être un Lafontaine ou un Boileau pourremplir des verres….

Plus révélateur, un cultivateur sursix présents, ce qui montre bien ladifficulté de la culture à s’implanter dans lemonde paysan !

Enfin le propriétaire, un notable, unbourgeois, qui pourtant ne sait ni lire niécrire… mais cela le gênait-il beaucoupdans ses affaires ? Ce n’est pas certain, le« verbe » avait encore une grandeefficacité, et ces analphabètes avaientrarement des académiciens commeinterlocuteurs. Le bon sens, ou celui desaffaires, n’a jamais été l’apanage desinstruits. Les illettrés, quoi que l’on endise, devaient quand même savoircompter !

Pour une démarche officielle,comme par exemple passer un contrat delocation (louer une ferme), le ou lesanalphabètes se faisaient accompagner parau moins deux personnes de confiance, quiaprès avoir disséqué l’acte, et constaté quetout y était en ordre, que vos droits etintérêts étaient respectés, signaient enqualité de « témoins majeurs » etindiquaient au requérant où faire une croix.Ainsi cette dame qui loue une maison à lacommune, pour l’établissement d’uneécole de filles, en 1884 : au bas de l’acteon trouve la signature du maire, celles desdeux témoins (dont l’un était l’instituteur) ;et entre parenthèses on peut lire : (croixapposée par la bailleresse). Le tout estapprouvé par la préfecture et enregistréchez le notaire.

Mais gare aux filous, et autres beauxparleurs, l’abus de confiance étaitfacile !…

Et la politique, domaine élitiste,réservée aux seuls lettrés ? On pourrait lepenser ! Eh bien non, même si ce sont euxqui « tirent les ficelles », les illettrés sontreprésenté à la mairie, et plutôt bien !

La différence de position socialeentre les élus, était souvent énorme : d’uncôté l’on trouve ingénieur, avocats, richespropriétaires, ( nobles de surcroît, pourcertains ), de l’autre des cultivateurs, nesachant ni lire ni écrire, et souventemployés par les premiers. Perdus dans undédale de procédures administratives, nosillettrés devaient êtres facilementmanipulés, leurs votes aisément captés. Eneffet, quoi de plus facile que de leur faireapprouver une décision, adopter un texteauquel de toute façon ils ne comprenaientrien ! D’autre part, il leur était difficile devoter contre les décisions deleur propriétaire.

En cette fin de siècle, d’après leschiffres du recensement évoqué plus haut,près de la moitié de la population ne sait nilire ni écrire ; et curieusement, en 1879cette proportion se retrouve au sein duconseil municipal, comme si ce dernier sevoulait l’exacte représentation de lapopulation, sorte de « parité » avantl’heure. En effet sur 12 membres duconseil, 6 sont illettrés, certainsprobablement analphabètes. Cet état dechose est maintenu après les élections dejanvier 1881, où lors de l’installation dunouveau conseil on peut noter troisnouveaux conseillers : deux « lettrés » etun illettré, qui remplacent…deux lettrés etun illettré !A la fin de cette même année, l’un desconseillers (nouvellement élu)

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n’apparaît plus : démission, décès ?Aucune explication, mais il est clair qu’ils’est passé quelque chose. Le secrétaireécrit en effet, après avoir nommé les onzeautres membres : «. Les conseillersprésents formant la totalité des membresen exercice…. ». Et comme notre hommeétait parmi les lettrés, la majorité au seindu conseil passe à ceux pour lesquels laplume « sergent-major » n’évoque que levague souvenir d’ une lointaine époquemilitaire…

Les mutations patronymiques,souvent dues à l’illettrisme, étaientfréquentes à l’époque. Les erreurs lors desinscriptions de déclarations de naissances,notamment, commises par les secrétairesde mairie, étaient monnaie courante. Ainsides noms de famille se sont complètementtrans-formés avec le temps, des particulesont disparu, d’autres ont vu le jour, desquantités de « e », « s », « t », « d » ou« x » se sont volatilisés. Plus grave, lesaccents ont fait disparaître avec eux lasonorité du nom ; mais les points onttoujours été remis sur les « i ».

De 1880 à 1883, dans lesdélibérations du conseil, on peut remarquercomme un jeu entre le secrétaire de séanceet un conseiller que je vais désigner d’unpseudonyme, « Brun ». Lors de l’appelnominal de début de séance, on lit :« Étaient présents : MM…Brun... etc… » ;en fin de séance : « Ont approuvé et signé :

MM… Brun… etc …», et notreconseiller de signer « Le Brun ».

Pendant près de trois ans, onobserve cette insidieuse manœuvre de prisede particule. Jusqu’au jour où de guerrelasse, ou par erreur, le secrétaireécrit : « Le Brun ».Victoire de notre élu !Par la suite, à quelques rares exceptions

près, son nom sera toujours orthographiéainsi. Et il y a fort à parier que l’intriguedépassait le cadre du conseil municipal.

Voilà comment un nom pouvait setransformer, par écrit, mais certainementaussi oralement ; à la longue le nouveaunom devenait habituel pour tout le monde,état civil compris….

Rééquilibrage : après lesélections de mai 1884, toujours 12membres. A nouveau 6 partout, aucunchangement dans l’équipe des sanssignature.

Rien ne semble devoir rompre cettecontinuité dans l’égalité, comme lemontrent les retours aux urnes de 1886 et1892. Mais ici l’on peut déjà noter que lecritère de l’instruction entre en ligne decompte pour trouver un travail, mêmemanuel. La commune procédant àl’embauche d’un cantonnier, le mairepropose « un jeune de Clohars, qui a unebonne conduite », et en plus, « qui sait lireet écrire ». Ce jeune homme aprobablement dû décrocher la place….d’autant plus, fait amusant, qu’il n’est pasfait mention d ‘autre candidat, et qu’ilportait le même nom que le maire….

Une extension de l’écolecommunale des garçons devient urgente,cette même année 1892 : le conseil vote unemprunt pour pouvoir entreprendre lestravaux. Cinquante élèves la fréquentent, «et ce nombre doit encore s’accroître, lesparents comprenant d’avantageaujourd’hui les bienfaits de l’instruction. »Mais il faudra attendre mai 1896 pour quela proportion passe à 7 contre 5 en faveurdes lettrés au conseil. Le mouvement estirréversible et la courbe ne s’inverseraplus.

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Toujours à propos de l’école, ennovembre 1897 il est fait mention de courspour adultes à l’école des garçons : il auraitété intéressant d’en connaître le taux defréquentation. C’est le début des « cours dusoir », l’instituteur public se voit accorder2 lampes par la mairie.

Collant toujours à la moyennenationale, en décembre 1902, on passe à 9« plumitifs » contre 3 « primitifs » ;novembre 1903, seuls changent le maire etl’adjoint, pris dans le même groupe ; mai1908, on reprend les mêmes et onrecommence…

Clohars-Fouesnant entre dansl’ère moderne, malgré une certainestagnation au sein de l’équipe municipale(de là l ‘expression : on ne change pas uneéquipe qui stagne !) L’installation d’uneboîte aux lettres au Drennec va avoir poureffet de diminuer de moitié le tempsd’acheminement du courrier vers le cheflieu du département : 24 heures au lieu de48 ! Tout en économisant sur le budgetchaussures du facteur, celui-ci gagnantprès de 3 km sur sa tournée !

Autre intérêt d’une boîte aux lettresau Drennec, (passé complètement inaperçuà l’époque), la fréquentation touristique del’endroit : en effet, c’est en 1908 que lafontaine et son calvaire ont été classésmonument historique….

Revenons à nos conseillers : enmai 1912, un changement dans le clan desneuf, mais statu-quo de l’autre côté, oùnotre trio d’irréductibles se maintient,persiste et ne signe toujours pas !…

En 1913, le conseil, résolumenttourné vers l’avenir, vote le rattachementde la commune au réseau téléphonique

départemental. Le forfait choisi coûtera 50F par an, plus 20 F en cas d’imprévus(dépassements ?) et ce pour 20 ansincompressibles ! Bien sûr il ne s’agit làque d’un seul appareil à la disposition dupublic. Mais en plus, pour la municipalité,cela veut dire « mise à disposition del’administration des Postes et Télégraphes,gratuitement, d’un local où sera installé lenouveau service, ainsi que d’assurer lesalaire du gérant du téléphone, et celui duporteur des appels téléphoniques et desmessages téléphonés. »L’arrivée au bourg de Clohars del’invention de Graham Bell, allaitreprésenter une charge assez lourde pour lacommune ; d’où l’intérêt de ne pas payertrop d’annuités au département, mais onpouvait compter sur nos élus pour ne passe laisser faire….

Malgré la présence avérée de nostrois rebelles, à partir de ce moment là, lamention « ont déclaré ne savoir le faire »où « ne sachant le faire » disparaît aux basdes délibérations.

Pourtant ce n’est qu’après la guerrede 14-18, aux élections de décembre 1919,qu’apparaîtra le premier conseil composéde 12 signataires.Même s’il est vrai que je n’ai pas poussémes recherches au-delà de 1995, (sans voirde rechute) il est pratiquement sûr que ledépart de nos trois derniers réfractaires asigné (une fois n’est pas coutume !) la finde l’illettrisme dans l’assembléemunicipale cloharsienne.

L’après guerre verra le réel déclin del’analphabétisme, partout en France. Celava être un peu plus long à s’installer encampagne qu’en ville, on ne conçoit plusde rentrer dans la vie

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active sans un minimum d’instruction.Même les familles les plus pauvres devrontamener leurs enfants jusqu’au certificatd‘études primaires. Pour les plus vieux,hommes et femmes, qui avaient très bienfait sans jusqu’alors, ils continueront àfaire sans, mais pousseront généralement

leurs enfants, ou petits enfants, à aller àl’école. Quand aux élus, qui ne voyaientdans l’encyclopédie qu’un vélorévolutionnaire, et pour qui Diderot n’étaitqu’un bricoleur de génie, ils disparaîtronttotalement des conseils municipaux…

Suivre, à travers les délibérations duconseil, la carrière, le parcours d’un élu,entre 1850 et 1925 relève du casse têtechinois. L’absence de renseignements telsque date de naissance, âge, qualité, etc...,le fait, pour certains, de se succéder depère en fils, parfois pendant 3 ou 4générations, et en plus avec le mêmeprénom rend, pour employer un termemoderne, toute « traçabilité » difficile. Avoir revenir sans arrêt les mêmes noms, onfinit par croire que certains élus en sont àleur 90ème année de mandat ! Seul unrecoupement des archives municipales etdépartemen-tales avec les registres d’étatcivil permet d’y voir un peu plus clair.

Cette répétition des patronymes, surune longue période, peut également laisserpenser que quelques-uns, au départ sansaucun bagage scolaire, se seraientalphabétisés en cours de route. au fil desdélibérations apparaissent des signaturesnouvelles ; des gens qui, au précédentconseil, se déclaraient « illettrés », soudainse retrouvent secrétaire de séance . De quoiperdre son latin ! Le père laisse la placeau fils, sans crier gare ! Seuls les quelquesbulletins de vote conservés de l’époqueprouvent ce passage de relais, car il est

noté, entre parenthèses, à la suite du nom,« père » ou « fils ». Idem pour ceux ayanttenu le rôle de secrétaire de séance : lacomparaison graphologique ne permet pasde certitude (certains procès-verbauxcomportent deux, voire trois écrituresdifférentes !) car le secrétaire désignén’était pas toujours le rédacteur. Ce rôleétait souvent tenu par le secrétaire demairie, qui officiait de sa belle écriture, entermes choisis, le secrétaire de séanceapposant juste son paraphe, un peumaladroit, au bas à droite du texte.

Et ceci est valable également pourle courrier officiel du maire ou de sonadjoint : ces derniers, s’ils savaient certeslire et écrire, n’étaient pas pour autant desdocteurs ès lettres, comme le montrent lesdocuments conservés aux archivesdépartementales. Les rares fois où l’ontrouve une missive émanant réellement dela main d’un élu, elle est cousue de fautesd’orthographe, raturée, et laisse voir uneécriture qui n’a rien à voir avec les liés etdéliés du secrétaire de mairie, qui biensouvent n’était autre que l’instituteur duvillage….

LA TRACABILITÉde nos

Élus Sans Bagage…

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Extraits de 2 procès-verbaux signés de la même personne….cherchez l’erreur !

Aujourd’hui, nous ne pouvons que rendre hommage à nos ancêtres, et particulièrement à cesélus du peuple, qui n’avaient que rarement voix au chapitre. Souvent hommes de paille, àdéfaut d’être hommes de plumes, mais ils ont gagné, avec le temps, leur lettres de noblesse,car même « s’ils ne savaient le faire », ils ont contribué à l’écriture de quelques pages denotre histoire locale….

Cette carte postale ancienne deséditions Villard est intitulée :« le maire de Comfort » (la petitecommune de Meilars-Comfortdans le Cap Sizun doit surtout sanotoriété à la roue à carillon deson église du XV e siècle).Quant au personnage, s’agit-ilréellement du maire de lacommune ou d’une mise en scènepour touristes en mal de couleurlocale.

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