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72 CHALLENGES N°244 - 17 FÉVRIER 2011 Portrait Sir Stelios Haji-Ioannou, fondateur d’easyGroup C omment finit-on million- naire dans l’aérien ? La blague est aussi nulle qu’éculée, mais la réponse fait toujours rire : en commençant milliardaire ! Sir Stelios Haji-Ioan- nou, héritier d’un riche armateur chypriote et fondateur d’easyJet, a fait mentir le dicton ; millionnaire à 28 ans, il a dépasse le seuil du mil- liard d’euros à 44 ans, et détient la 71 e fortune du Royaume-Uni. De quoi rendre quiconque heureux : un ticket, avec sa famille, de 38 % dans le capital de la quatrième compa- gnie aérienne européenne (50 mil- lions de passagers en 2010, un chiffre d’affaires de 3,5 milliards d’euros) ; un business qui a crû de 11,5 % au cours du dernier exercice ; une image low cost qui permet de décliner les services spartiates en orange d’easyGroup bien au-delà du seul territoire de l’aérien… Perte de contrôle Et pourtant, cet extraordinaire suc- cès tourne depuis deux ans au cau- chemar obsédant pour le principal actionnaire. « Vous croyez que les dirigeants d’une compagnie peu- vent dépenser l’argent des autres sans jamais de retour sur investis- sement », lance-t-il, mettant en cause ceux-là mêmes qu’il a placés aux commandes de la compagnie. Les premiers dividendes de l’his- toire d’easyJet ne seront en effet versés qu’à la fin de cette année, soit seize ans après sa création. En réa- lité, en l’introduisant en Bourse, en 2000, Stelios Haji-Ioannou a perdu le contrôle de sa création, dont le conseil d’administration s’obstine, sans l’écouter, à développer la flotte : tous les bénéfices sont, inlas- sablement, investis dans l’achat de nouveaux avions. Début janvier, en- core 15 Airbus ont été commandés. « Et quinze jours après, la compa- gnie a émis un profit warning », gronde son premier actionnaire. Et quand ce n’est pas son conseil d’administration qui l’irrite, c’est Michael O’Leary, de Ryanair, qui s’y met. Il y a tout juste un an, le patron irlandais fait publier dans les plus grands quotidiens anglais un por- trait de son concurrent d’easyJet affublé d’un nez de Pinocchio, le nommant « M. Encore en Retard », attaquant la compagnie aérienne sur son manque de ponctualité. O’Leary en rajoute dans la provocation, pro- posant aux passagers de voter pour départager qui a tort, qui a raison, soit par un combat de sumo, soit par une course autour de Trafalgar Square. Stelios Haji-Ioannou perd son calme, attaque en justice, gagne et obtient que l’impétueux O’Leary s’excuse publiquement. Rien à voir avec l’image de teddy bear, d’ours pataud, que lui dessine de temps en temps la presse britannique. Star européenne En Grèce, à Chypre, à Monaco où il habite, en Grande-Bretagne où est basé easyGroup, Stelios Haji-Ioan- nou est une star. Sa silhouette ronde et son sourire permanent sont connus de tous, depuis les paparaz- zis qui le traquent – le milliardaire fait partie des célibataires les plus convoités du royaume, mais aussi des plus discrets –, jusqu’à la reine Elisabeth II elle-même. Lors de la cérémonie où elle le fit chevalier, en novembre 2006, elle n’eut aucun mal à l’identifier comme le fondateur d’easyJet. La cravate orange vif qu’il portait ce jour-là l’aurait-elle aidée ? « Elle n’avait que quelques secondes à consacrer à chacun, le protocole est très strict là-dessus, raconte au- jourd’hui celui qui reste Stelios, sans se préoccuper du « sir » qui devrait lui être désormais accolé. Mais quand est arrivé mon tour, elle savait qui j’étais, ce que je faisais et où était basée la compagnie. » Quant à son nom de famille, Haji- Ioannou (Saint-Jean, en grec), il y a renoncé depuis longtemps. « C’est parce qu’il est imprononçable », assure-t-il. Echecs français En France, en revanche, Stelios est presque un inconnu. Le pays ne lui a pas porté chance : à part easyJet, les compagnies qu’il y a lancées ont toutes échoué. « Il a d’abord créé des easyInternetCafé à Paris, ra- conte Stéphane Fargette, qui fut son attaché de presse à ses débuts dans l’Hexagone. Quinze jours après l’ouverture, les employés faisaient grève. Ensuite, il a créé easyCar. Les gens rendaient les voitures complètement défoncées… » Si les easyInternetCafé ont vite dis- paru, easyCar continue à vivoter, se contentant de rediriger les clients attirés par son site Internet vers un autre loueur discount, Auto Escape. Mais Stelios n’a pas complètement renoncé. Après quelques années dis- crètes, le « serial entrepreneur », comme il aime se présenter sur sa carte de visite, envisage désormais de lancer des easyHotels à Paris, et ses easyBus entre les centres-villes et les aéroports. M. Kooren / Reuters Compulsif A peine 44 ans et plus de dix sociétés à son actif ! Pour le milliardaire chypriote à l’allure – trompeuse – de teddy bear, créer une entreprise est une irrésistible envie. Et la « lacher », une hérésie. UN CRÉATEUR EST NÉ 14 février 1967 Naissance à Athènes (Grèce). 1992 Création de Stelmar Shipping. 1995 Création d’easyJet. 1998 Création d’easyGroup. 2000 Introduction en Bourse d’easyJet. Mai 2010 Démission du conseil d’administration. Juin 2010 Poursuite d’easyJet en justice.

Portrait Sir Stelios Haji-Ioannou, fondateur d’easyGroup ...stelios.org/images/stories/pdf/Challenges.pdf · grève. Ensuite, il a créé easyCar. ... Easy Group IP Licensing Ltd

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Page 1: Portrait Sir Stelios Haji-Ioannou, fondateur d’easyGroup ...stelios.org/images/stories/pdf/Challenges.pdf · grève. Ensuite, il a créé easyCar. ... Easy Group IP Licensing Ltd

72 � CHALLENGES N°244 - 17 FÉVRIER 2011

Portrait Sir Stelios Haji-Ioannou, fondateur d’easyGroup

C omment fi nit-on million-naire dans l’aérien ? La blague est aussi nulle qu’éculée, mais la réponse

fait toujours rire : en commençant milliardaire ! Sir Stelios Haji-Ioan-nou, héritier d’un riche armateur chypriote et fondateur d’easyJet, a fait mentir le dicton ; millionnaire à 28 ans, il a dépasse le seuil du mil-liard d’euros à 44 ans, et détient la 71e fortune du Royaume-Uni. De quoi rendre quiconque heureux : un ticket, avec sa famille, de 38 % dans le capital de la quatrième compa-gnie aérienne européenne (50 mil-lions de passagers en 2010, un chiffre d’affaires de 3,5 milliards d’euros) ; un business qui a crû de 11,5 % au cours du dernier exercice ; une image low cost qui permet de décliner les services spartiates en orange d’easyGroup bien au-delà du seul territoire de l’aérien…

Perte de contrôleEt pourtant, cet extraordinaire suc-cès tourne depuis deux ans au cau-chemar obsédant pour le principal actionnaire. « Vous croyez que les

dirigeants d’une compagnie peu-

vent dépenser l’argent des autres

sans jamais de retour sur investis-

sement », lance-t-il, mettant en cause ceux-là mêmes qu’il a placés aux commandes de la compagnie. Les premiers dividendes de l’his-toire d’easyJet ne seront en effet versés qu’à la fi n de cette année, soit seize ans après sa création. En réa-lité, en l’introduisant en Bourse, en 2000, Stelios Haji-Ioannou a perdu le contrôle de sa création, dont le conseil d’administration s’obstine, sans l’écouter, à développer la

fl otte : tous les bénéfi ces sont, inlas-sablement, investis dans l’achat de nouveaux avions. Début janvier, en-core 15 Airbus ont été commandés. « Et quinze jours après, la compa-

gnie a émis un profit warning », gronde son premier actionnaire. Et quand ce n’est pas son conseil d’administration qui l’irrite, c’est Michael O’Leary, de Ryanair, qui s’y met. Il y a tout juste un an, le patron irlandais fait publier dans les plus grands quotidiens anglais un por-trait de son concurrent d’easyJet affublé d’un nez de Pinocchio, le nommant « M. Encore en Retard », attaquant la compagnie aérienne sur son man que de ponctualité. O’Leary en rajoute dans la provocation, pro-posant aux passagers de voter pour départager qui a tort, qui a raison, soit par un combat de sumo, soit par une course autour de Trafalgar Square. Stelios Haji-Ioannou perd son calme, attaque en justice, gagne et obtient que l’impétueux O’Leary s’excuse publiquement. Rien à voir avec l’image de teddy bear, d’ours pataud, que lui dessine de temps en temps la presse britannique.

Star européenneEn Grèce, à Chypre, à Monaco où il habite, en Grande-Bretagne où est basé easyGroup, Stelios Haji-Ioan-nou est une star. Sa silhouette ronde et son sourire permanent sont connus de tous, depuis les paparaz-zis qui le traquent – le milliardaire fait partie des célibataires les plus convoités du royaume, mais aussi des plus discrets –, jusqu’à la reine Elisabeth II elle-même. Lors de la cérémonie où elle le fi t chevalier, en novembre 2006, elle n’eut aucun mal

à l’identifier comme le fondateur d’easyJet. La cravate orange vif qu’il portait ce jour-là l’aurait-elle aidée ? « Elle n’avait que quelques secondes

à consacrer à chacun, le protocole

est très strict là-dessus, raconte au-jourd’hui celui qui reste Stelios, sans se préoccuper du « sir » qui devrait lui être désormais accolé. Mais

quand est arrivé mon tour, elle

savait qui j’étais, ce que je faisais

et où était basée la compagnie. »

Quant à son nom de famille, Haji-Ioannou (Saint-Jean, en grec), il y a renoncé depuis longtemps. « C’est

parce qu’il est imprononçable », assure-t-il.

Echecs françaisEn France, en revanche, Stelios est presque un inconnu. Le pays ne lui a pas porté chance : à part easyJet, les compagnies qu’il y a lancées ont toutes échoué. « Il a d’abord créé

des easyInternetCafé à Paris, ra-conte Stéphane Fargette, qui fut son attaché de presse à ses débuts dans l’Hexagone. Quinze jours après

l’ouverture, les employés faisaient

grève. Ensuite, il a créé easyCar.

Les gens rendaient les voitures

complètement défoncées… » Si les easyInternetCafé ont vite dis-paru, easyCar continue à vivoter, se contentant de rediriger les clients attirés par son site Internet vers un autre loueur discount, Auto Escape. Mais Stelios n’a pas complètement renoncé. Après quelques années dis-crètes, le « serial entrepreneur », comme il aime se présenter sur sa carte de visite, envisage désormais de lancer des easyHotels à Paris, et ses easyBus entre les centres-villes et les aéroports. ���

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CompulsifA peine 44 ans et plus de dix sociétés à son actif ! Pour le milliardaire chypriote à l’allure – trompeuse – de teddy bear, créer une entreprise

est une irrésistible envie. Et la « lacher », une hérésie.

UN CRÉATEUR EST NÉ

14 février 1967 Naissance à

Athènes (Grèce).1992

Création de Stelmar Shipping.

1995 Création

d’easyJet.1998

Création d’easyGroup.

2000 Introduction en

Bourse d’easyJet. Mai 2010 Démission du conseil

d’administration. Juin 2010 Poursuite

d’easyJet en justice.

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Portrait

Malgré ses origines méditerra-néennes, Stelios est bien plus anglo-saxon que latin, ce qui explique son manque de réussite en France. Cer-tes, il est né en Grèce, à Athènes, de parents chypriotes. Son père, Lou-cas Haji-Ioannou, aujourd’hui décé-dé, fut l’un des armateurs les plus puissants des années 1970 et 1980. Son frère, Polys, resté dans le métier, possède toujours des super-tankers. Mais Stelios, lui, a quitté la maison familiale à l’âge de 17 ans pour faire ses études à la London School of Economics, et n’y est plus revenu que pour des périodes très courtes. Il s’est littéralement déra-ciné. « Désormais, je suis un étran-

ger professionnel, assure-t-il. En

Angleterre, je suis grec ; en Grèce, je

suis chypriote ; à Chypre, je suis

grec ; à Monaco, je suis anglais… »

Paix arméeUne seule chose lui échappe encore pour être vraiment britannique : le fl egme. L’homme est terriblement impatient, les dirigeants d’easyJet l’ont appris à leurs dépens. Depuis 2008, Stelios réclamait avec de plus en plus d’insistance des dividendes, toujours refusés. Le 14 mai dernier, il craque, démissionne avec fracas du conseil d’administration, « afi n

d’exercer plus librement mes droits

d’actionnaire », explique-t-il sur le site Internet d’easyGroup. Dans la foulée, il porte plainte contre la compagnie, qui ne respecte pas la stratégie d’origine ! « Je ne me dis-

pute pas avec le conseil dans son

ensemble, mais avec des personnes

en particulier, corrige-t-il. Andy

Harrison, le précédent directeur

général, pensait qu’il pouvait refu-

ser des dividendes aux actionnai-

res ad vitam, puis verser tout l’ar-

gent de la compagnie à Airbus en

achetant toujours plus d’avions. »

Andy Harrison a fini par quitter easyJet en juillet 2010, alors que la haute cour de justice de Londres ne fait qu’entamer l’étude du dossier. A la tête de la compagnie, Harrison est remplacé par Carolyn McCall, l’ancienne PDG du quotidien The

Guardian, qui comprend vite l’ur-gence d’une paix armée. Fin octo-bre, un accord est trouvé avec Ste-lios, qui recevra désormais 0,25 % du chiffre d’affaires annuel d’easyJet pendant les cinquante prochaines

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Stelios Haji-Ioannou, « serial entrepreneur »

3. En juillet 2010, page de publicité achetée par Ryanair. Une provocation de Michael O’Leary, son ennemi juré.

2. En novembre 2005, avec le directeur général Ray Webster et des employés, pour les 10 ans d’easyJet. Sa grande réussite : 50 millions de passagers en 2010.

4. En octobre 2010, lors de la cérémonie des Awards pour les projets greco-turcs, à Nicosie. En 2002, le fondateur d’easyGroup a créé la Stelios Philanthropic Foundation : « A Chypre, mon pays d’origine, j’aurais pu passer mes vacances… Ou y créer quelque chose d’intéressant. »

1. En juin 1995, lors du lancement d’easyJet sur le tarmac de Londres Luton. Depuis, il a créé easyCar, easyHotel, easyBus, easyPizza, etc.

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années. Soit près de 10 millions d’euros de royalties, en se basant sur les revenus 2010. Le dossier est clos en justice. « Je suis satisfait de

cet accord, se félicite l’actionnaire.

Reste le problème des bénéfi ces : la

compagnie n’en fait pas assez. Sa

croissance est trop rapide, il n’y a

plus de lignes nouvelles vraiment

rentables en Europe. Il faut ralen-

tir. » Ce 17 février, il comptait en-core guerroyer en assemblée géné-rale à propos du package octroyé au directeur général partant. Faire preuve d’un tel achar nement contre l’objet de sa création pourrait faire croire qu’il regrette d’avoir renoncé à la direction opérationnelle quel-ques années après son lancement.

Expérience amèreStelios promet qu’il n’en est rien. Né dans une famille richissime, il aurait pu passer sa vie à cultiver ses rentes. Mais, un peu à la manière d’un Ri-chard Branson – une idole pour lui, et pas seulement pour ce qu’il a fait avec le transporteur Virgin Atlan-tic –, l’héritier grec est avant tout un créateur d’entreprise. Dès qu’il s’en-nuie – « et il s’ennuie très facile-

ment… », dit un collaborateur –, il lance un projet, dont il confie la direction à un manager un fois que sa viabilité est acquise. Lui, il passe à autre chose, sans jamais s’atta-cher. Peut-être parce qu’il sait qu’il ne faut pas s’investir trop dans une seule entreprise : il en a fait l’amère expérience très jeune, à 24 ans. A cette époque, il dirige avec son père Troodos Shipping, compagnie qui possède une puissante fl otte de pétroliers. Mais le 11 avril 1991, le navire MT Haven explose à une di-zaine de kilomètres de Gênes. Six marins sont tués et 40 000 tonnes de pétrole se répandent dans la mer, causant une marée noire dont l’Ita-lie et la France ne sont venues à bout que douze ans plus tard. Stelios et son père se retrouvent au tribu-nal, embarqués dans plus de dix ans de procédure. Ils fi niront par être acquittés des accusations d’homi-cide, pression et subornation de té-moin, mais la réputation familiale est entachée, Loucas Haji-Ioannou irrémédiablement affaibli, et la com-pagnie peu à peu démantelée. A 25 ans, un an après le drame, Ste-lios emprunte 5 millions de livres à

son père et crée Stelmar Shipping, une compagnie aux navires neufs et de très grande qualité. C’est la der-nière marche avant un changement radical de métier. Trois ans après, il lance easyJet : « J’ai dû changer de

secteur, parce que dans le mari-

time, quoi que je fasse, j’étais le fi ls

à papa que son père appelait la nuit

pour lui dire quoi faire. Et le pire,

c’est que c’est ce qu’il faisait ! » Ensuite, les « easy compagnies » commencent à fl eurir, regroupées sous l’ombrelle d’easyGroup : easy-Value, easyMoney, easyCinema, easy4men, easyJobs, easyPizza, easyMusic, easyWatch… Quatre sont dirigées par easyGroup : easyHotel, easyBus, easyCar et easyOffi ce. Toutes les autres sont des licences. Là encore, le modèle de Richard Branson a été répliqué.

Homme invisibleA force de décliner sa marque, l’homme devient invisible. Il passe son temps à courir entre Athènes, où vit sa famille, Monaco, où il ha-bite pour des raisons fiscales, et Londres, où il travaille, dans un hô-tel particulier tranquille de South Kensington. Il ne fréquente pas les milieux patronaux, n’a aucun lien dans les administrations, et reçoit très rarement la presse. « C’est un

indépendant, témoigne Noël For-geard, l’ex-PDG d’Airbus qui a ven-du 240 avions à sa compagnie en

2002, l’une des plus grosses com-mandes de l’histoire de l’avionneur. Il n’apprécie pas les rituels, les

grandes réunions, les symposiums.

Il reste volontairement en marge. » Les deux hommes s’apprécient, di-sent le plus grand bien l’un de l’autre… mais ne se voient jamais.

Actions philanthropiquesEt pourtant, le quadragénaire n’a pas la réputation d’être un misan-thrope. Il est au contraire au cœur de la vie de la société, et pas seule-ment du business. A 35 ans, fortune faite, il crée la Stelios Philanthropic Foundation, qui occupe un quart de son temps. D’où vient cette volonté, qui s’exprime généralement à un âge plus avancé ? « Rendre est une

obligation. Un devoir. » Le plus symbolique de ses multiples engage-ments est certainement l’aide aux projets entrepreneuriaux gréco-turcs à Chypre. « J’ai été élevé dans

l’idée que les Turcs, c’est l’ennemi.

Et puis un jour, j’ai regardé des

photos de Chypriotes. Pour aucun

d’entre eux, je n’ai pu dire qui était

grec, qui était turc. Génétiquement,

nous sommes un seul peuple. » Et puis, de toute façon, l’entrepreneur s’ennuie vite : « Chypre est le pays

d’origine de ma famille. J’aurais

pu aller à l’hôtel, y passer mes va-

cances, aller à la plage… Ou y créer

quelque chose d’intéressant. » Chas-sez le naturel… Anna Rousseau

Sir Richard Branson, président-fondateur de Virgin Group : « Je connais bien Stelios Haji-Ioannou et je l’aime énormément.

Les fils de pères riches implosent souvent, d’une façon ou d’une autre, mais lui, c’est fantastique de voir comment il a utilisé l’argent de son père. My God, il l’a vraiment bien utilisé. »

Carolyn McCall, CEO d’easyJet : « Stelios est très ouvert, très constructif. Il ne met jamais les mains dans le cambouis, mais il ne peut pas lâcher la compagnie.»

Tony Fernandes, PDG d’Air Asia : « Il ressemble à Richard Branson : il a bâti un empire et est resté très humble. »

Francis Vallat, président du Cluster maritime français : « Quand il m’a annoncé qu’il lançait easyJet, alors qu’il venait d’un milieu qui ne connaît rien à l’aérien… j’étais sidéré. »

Michael O’Leary, PDG de Ryanair : « Stelios ? I don’t give a shit. »

Noël Forgeard, ex-PDG d’Airbus : « C’est avec moi, notamment, que Stelios a négocié la première commande d’easyJet à Airbus. J’avais été frappé par sa personnalité, la cohérence de son projet. »

Giancarlo Bonifai, avocat italien du WWF : « Il était très jeune au moment de son procès, et je ne l’y ai jamais vu. Mais j’ai le sentiment qu’il a compris sa faute. »

Sip

a

Ce qu’ils disent de lui

IL AIME

La mer.Le beau temps et la chaleur.

Faire du bateau à voile (le

dimanche).La nourriture française (par

politesse).IL N’AIME PAS

La neige.Le ski.

La politique.Michael O’Leary.

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