Possibilit e Et Existentiabilite Chez Leibniz

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    Possibilité et existentiabilité chez Leibniz

    Jean-Baptiste Jeangène Vilmer

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    Jean-Baptiste Jeangène Vilmer. Possibilité et existentiabilité chez Leibniz. Revuephilosophique de Louvain, Peeters Publishers, 2006, 104 (1), pp.23-45.  

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    JB Jeangne Vilmer, Ç PossibilitŽ et existentiabilitŽÉ È, Revue philosophique de Louvain, 2006

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    PossibilitŽ et existentiabilitŽ chez Leibniz

    Jean-Baptiste JEANGENE VILMER EHESS / UniversitŽ de MontrŽal 

    ! publiŽ dans Revue philosophique de Louvain, 104:1, 2006, p. 23-45.

    cet article est mis ˆ la disposition du lecteur mais il ne correspond pas ˆ la mise en page de la version dŽfinitive etpubliŽe ˆ laquelle il convient de se rŽfŽrer pour toute citation

    RƒSUMƒ - On sait que lÕontologie leibnizienne trace, pour ainsi dire, le plus court chemin de la possibilitŽ ˆlÕexistence. On mesure moins que cette ligne est parcourue dÕŽtapes dont la premire, assurŽment, est lÕexistentiabilitŽdes possibles. Cet article examine dÕabord la conception leibnizienne de la possibilitŽ, ˆ travers cinq dŽfinitions. Ilanalyse ensuite la nature et le r™le de cette existentiabilitŽ, dans ses rapports ˆ la possibilitŽ dÕune part et ˆ lÕexistenceelle-mme dÕautre part, pour finalement conclure sur lÕexistentialisme dÕun auteur dont on souligne habituellementlÕessentialisme. De cette manire, possibilitŽ et existentiabilitŽ permettent de redŽcouvrir ˆ nouveaux frais tout un pande la pensŽe de Leibniz.

    ABSTRACT - It is well-known that LeibnizÕs ontology as it were traces the shortest path from possibility to existence.The fact is measured less that this line is covered by stages, the first of which is assuredly the existentiability of

     possibles. This article first examines LeibnizÕs conception of possibility by means of five definitions. It then analysesthe nature and role of this existentiability in its relations to possibility, on the one hand, and existence, on the other, and

    concludes finally with the existentialism of an author whose essentialism is usually emphasized. In this way possibilityand existentiability make it possible to discover again a whole area of LeibnizÕs thought (translated by J. Dudley).

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    La mŽtaphysique leibnizienne est un rŽcit, une histoire : celle de la rŽalitŽ. LÕauteur, pournous la conter, emprunte un escalier. Sur lÕhorizon du nihil , il interpelle lÕaliquid  : pourquoi y a-t-il

    quelque chose plut™t que rien ? Puis, sur la marche de lÕaliquid , il somme lÕexistens : pourquoiexiste-t-il telle chose, plut™t que telle autre ?1 La mŽtaphysique leibnizienne est un itinŽraire, un

     parcours : celui de la possibilitŽ vers lÕexistence. Les Žgarements de lÕŽcriture et lÕinŽvitabledilution ˆ laquelle est soumise toute Ïuvre nÕont pas permis ˆ Leibniz de prŽsenter une thŽorieunifiŽe de la possibilitŽ et de lÕexistence, deux notions qui constituent respectivement le dŽpart etlÕarrivŽe de son ontologie. Les dŽfinitions sont ŽparpillŽes, les relations esquissŽes seulement. IlnÕest pas dÕŽdifice plus fragile et plus important ˆ la fois.

    Nous examinerons ici les deux premires Žtapes du chemin de la possibilitŽ vers lÕexistence.Quelle est la conception leibnizienne de la possibilitŽ ? Comment peut-on la dŽfinir ? Aprs avoirŽtudiŽ la possibilitŽ en tant que telle, nous verrons dans quelle mesure lÕexistence en fait dŽjˆpartie : cette possibilitŽ est dŽjˆ possibilitŽ dÕexister, tous les possibles tendent ˆ lÕexistence. CÕest

    ce que lÕon peut nommer lÕexistentiabilitŽ . PossibilitŽ et existentiabilitŽ posent ainsi les premirespierres dÕune ontologie leibnizienne qui peut tre dŽfinie comme le plus court chemin de lapossibilitŽ ˆ lÕexistence2.

    I- LA POSSIBILITE 

    Pourquoi commencer par la possibilitŽ ? Tout simplement parce quÕil sÕagit, de lÕaveu mmede Leibniz, dÕune notion primitive : Ç Ainsi de toutes les choses qui sont actuellement, la possibilitŽmme ou impossibilitŽ dÕtre est la premire È3. Ce qui, chronologiquement, se rencontre dÕabordnÕest certes pas la possibilitŽ ( possibilitas) mais les possibles ( possibilia) ; aussi faudra-t-il abstraire

    les dŽfinitions de la possibilitŽ du comportement des possibles. En ce sens nous pouvons dire avecS. Madouas que Ç Ce que Leibniz appelle la PossibilitŽ (Possibilitas) cÕest la possibilitŽ logique,cÕest la vŽritŽ des possibilia È4. Puisant sa raison dÕtre dans le divers, la possibilitŽ leibnizienne, sielle est une, se dŽcline en plusieurs modes, selon diffŽrents attributs : le concept est particulirementpolysŽmique. Leibniz lui-mme rappelle ˆ Spinoza que Ç les choses sont possibles en beaucoup demanires È5. De ces manires nous dŽduirons cinq dŽfinitions. La plupart des confusions naissent dece que lÕon veut rŽduire la possibilitŽ ˆ lÕune de ces dŽfinitions, quand au contraire ces dŽfinitionsne sont que des expressions, dans des modes diffŽrents, via des attributs diffŽrents, de la mmesubstance. Ainsi nÕest-il pas faux de dire, par exemple, que le critre de la possibilitŽ est un critrelogique6, mais il serait faux de nÕen faire quÕun critre logique.

    1  Il sÕagit de rŽpondre aux deux questions fondamentales posŽes dans les Principes de la Nature et de la Gr‰ce :Ç pourquoi il y a plut™t quelque chose que rien ?  (É) De plus, supposŽ que des choses doivent exister, il faut quÕonpuisse rendre raison, pourquoi elles doivent exister ainsi, et non autrement È (Principes de la Nature et de la Gr‰ce, ¤7,in Leibniz, 1996, p. 228).2  La dernire Žtape, lÕexistence elle-mme, fait lÕobjet dÕun article distinct, intitulŽ Ç LÕexistence leibnizienne È, ˆpara”tre dans les Archives de philosophie.3 Lettre ˆ Foucher de 1676 ; GP I 370, 12. GP est lÕabrŽviation usuelle des Ïuvres philosophiques, et GM celle desÏuvres mathŽmatiques, dans lÕŽdition Gehardt. Voir la bibliographie pour la rŽfŽrence exacte.4 S. Madouas, 1999, p. 364.5

     Leibniz, 1999, p. 31.6 F. B. DÕAgostino, 1994, p. 246 : Ç The criterion of possibility is, then, a logical one : all substances are possible whosecomplete individual concepts do not involve logical self-contradiction È.

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    DŽfinition 1 (crit•re logique) : la possibilitŽ est la non contradiction

    Leibniz Žtablit lÕŽquivalence de la possibilitŽ et de la non contradiction de deux manires : parla via positiva  (la possibilitŽ est ce qui nÕimplique pas contradiction) et par la via negativa 

    (lÕimpossibilitŽ est ce qui implique contradiction). Dans quel ordre les exposer ? La prioritŽchronologique de la via positiva nÕest pas suggŽrŽe que par le seul bon sens : cÕest, dans les faits, lamanire pratiquŽe par lÕauteur, qui souvent fait suivre la dŽfinition de la possibilitŽ de celle delÕimpossibilitŽ7. CÕest Žgalement, et surtout, un point de philosophie, car la racine de ce choix rŽsidedans la prŽsomption de possibilitŽ  : Ç toujours il y a prŽsomption du c™tŽ de la possibilitŽ : cÕest-ˆ-dire toute chose est tenue possible jusquÕˆ ce quÕon en prouve lÕimpossibilitŽ È ; Ç la possibilitŽ esttoujours prŽsumŽe et doit tre tenue pour vŽritable jusquÕˆ ce quÕon en prouve lÕimpossibilitŽ È 8.Commen•ons donc par la via  positiva, lÕŽquivalence positive de la possibilitŽ et de la noncontradiction.

    Les occurrences dÕune telle Žquivalence peuvent se regrouper en trois formulationsgŽnŽriques : Ç Possibilis quae non est   impossibilis È9, Ç Possibilia sunt, quae non implicant  contradictionem È10, et Ç Possibile est quod non continet   contradictiorum È11. La relationdÕŽquivalence est alors signifiŽe par trois verbes diffŽrents : Ç est È, Ç implicant È ou Ç continet È.La possibilitŽ est , implique ou contient  la non contradiction.

    Le terme dÕimplication doit nous alarmer sur un point. LÕŽquivalence est logiquement dŽfiniepar la double implication : (A " B) # $x, (x%A ! x%B) &  (x%B ! x%A)12. Si donc lÕon veutmontrer que lÕimplication dont il est question (la possibilitŽ implique la non contradiction) dŽsigneune Žquivalence, il faut pouvoir montrer lÕimplication rŽciproque : la non contradiction implique lapossibilitŽ, ou tout ce qui nÕest pas contradictoire est possible. Le peut-on ? Oui, Leibniz useŽgalement de lÕimplication rŽciproque : Ç Je demeure dÕaccord du principe de M. Bayle, et cÕestaussi le mien, que tout ce qui nÕimplique point de contradiction est possible È 13. Aussi pouvons-

    nous conclure que les diffŽrentes formulations utilisŽes par lÕauteur (la possibilitŽ est , implique oucontient  la non contradiction) sont Žquivalentes entre elles, ce qui dÕailleurs conforte lÕinterprŽtationselon laquelle lÕimplication leibnizienne doit tre interprŽtŽe en termes dÕinclusion, plusprŽcisŽment dÕinclusion du prŽdicat dans le sujet14. De cette manire la possibilitŽ est ce quinÕimplique pas contradiction, et cÕest la raison pour laquelle lÕauteur peut dŽfinir les Ç mondespossibles È comme Žtant des Ç sŽries de choses15 qui nÕimpliquent pas contradiction È : Ç Autant de

    7 Par exemple en ThŽodicŽe, II, ¤174, en reprenant Bayle.8 Lettre ˆ la princesse Elisabeth (?) de fin 1678, in Leibniz, 1940, p. 58 ; et Lettre ˆ Jacquelot du 20 novembre 1702( Raisons que M. Jacquelot mÕa envoyŽes pour justifier lÕArgument contestŽ de des-Cartes qui doit prouver lÕexistence

    de Dieu, avec mes rŽponses), GP III 444.9 Leibniz, 1903, p. 387, soulignŽ par nous (spn). Voir aussi Generales Inquisitiones, 2.10 GM III 574, spn. Formulations similaires en Generales Inquisitiones, 2 ; en A VI-1 514 et 540 et A VI-2 495 ; Lettreˆ Bernoulli du 21 fŽvrier 1699, GM III 574. A est lÕabrŽviation usuelle pour les SŠmtliche Schriften und Briefe  delÕAkademie. Voir la bibliographie pour la rŽfŽrence exacte.11 Generales Inquisitiones, 2, in Leibniz, 1903, p. 364, spn.12 A est Žquivalent ˆ B si et seulement si, quelque soit x, si x appartient ˆ A, alors x appartient ˆ B, et si x appartient ˆB, alors x appartient ˆ A.13 GP VI 252.14 Comme le note G. Roncaglia, 1988, p. 45, aprs avoir remarquŽ que Leibniz prŽfre mme utiliser Ç continet È ˆÇ implicat È.15 LÕexpression Ç systmes de choses È in Leibniz, 1948, p. 315. Notre but ici nÕest pas de pŽnŽtrer le dŽbat qui sÕest

    trs largement construit dans la littŽrature anglo-saxonne autour de la notion de Ç monde possible È et qui a conduit ˆlÕŽlaboration de vŽritables Ç Possible Worlds Semantics È. Comme le montre G. Kalinowski, 1983, ces sŽmantiques quise rŽclament de la notion leibnizienne de Ç monde possible È surinterprtent Leibniz plus quÕelles nÕen suivent le texte.

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    sŽries de choses nÕimpliquant pas de contradiction peut-on fabriquer ( fingere), autant y a-t-il demondes possibles È16.

    Notons sans y consacrer de dŽveloppement quÕil en va de mme pour la via negativa, cÕest-ˆ-dire lÕŽquivalence nŽgative de lÕimpossibilitŽ et de la contradiction, pour laquelle lÕon retrouve les

    formulations habituelles : Ç Impossibile est quod involvit contradictionem È, Ç Si A explicandoprodit B non B, A est impossibile È, ou encore Ç Quod continet B non B, idem est quodimpossibile È17.

    Aprs avoir citŽ ce que Bayle prŽsente comme une maxime (Ç Tout ce qui impliquecontradiction est impossible, et tout ce qui nÕimplique point contradiction est possible È), Leibnizajoute : Ç ce quÕon vient de marquer comme une maxime est mme la dŽfinition du  possible et delÕimpossible È18. De cette dŽfinition du possible, il va dŽduire, ˆ la fin de la ThŽodicŽe (¤413), leconcept des mondes possibles, ˆ travers le mythe de Sextus.

    DŽfinition 2 (crit•re mŽtaphysique) : la possibilitŽ est lÕessence

    Equivalence fondamentale, que lÕauteur Žtablit gŽnŽralement par la dŽfinition de lÕessence.LÕessence est la possibilitŽ : Ç LÕessence dans le fond nÕest autre chose que la possibilitŽ de cequÕon propose È19. LÕens  est le  possibile : Ç Etre, cÕest-ˆ-dire possible È20 ; Ç æTRE : termepossible È21. Nombreuses, effectivement, sont les occurrences o lÕon trouve soit lÕessence dŽfinieen terme de possibilitŽ, soit Ç essence È et Ç possibilitŽ È simplement utilisŽs comme synonymes(par exemple : Ç les essences ou possibilitŽs È en Monadologie, ¤44)22. Dire de la possibilitŽ quÕelleest lÕessence, cÕest du mme coup dire quÕelle est la positivitŽ, car lÕauteur Žtablit une secondeŽquivalence entre tre et positif : Ç Le positif est identique ˆ lÕæTRE È23.

    On a donc la ligne suivante : possible " tre " positif. Et lÕon pourrait y joindre la rŽalitŽ de lamanire suivante : le rŽel est tout ce qui est positif, Ç Realitas est praedicatum positivum È 24, cÕest-

    ˆ-dire tout ce qui est, donc tout ce qui est possible.

    DŽfinition 3 (crit•re ŽpistŽmologique) : la possibilitŽ est lÕintelligibilitŽ distincte

    Il nÕest pas, dans les textes, question de Ç lÕintelligibilitŽ distincte È, mais duÇ pensable distinctement È. Le choix, qui est le n™tre, du substantif Ç intelligibilitŽ È plut™t queÇ pensabilitŽ È est motivŽ par des raisons purement esthŽtiques, et ne dŽnote en rien une diffŽrenceentre les deux termes. CÕest donc bien de la dŽmonstration de ce que la possibilitŽ est lÕintelligibilitŽ

    16 Conversation avec Wagner, mars 1698, in Leibniz, 1948, p. 389.17  Respectivement Leibniz, 1903, p. 253 ; Leibniz, 1970, p. 56 et Leibniz, 1903, p. 368. Voir Žgalement : Ç Je dis

    nŽcessairement, cÕest-ˆ-dire en sorte que le contraire implique contradiction, ce qui est le vŽritable et unique caractrede lÕimpossibilitŽ. En outre, de mme quÕˆ lÕimpossible rŽpond le nŽcessaire, ˆ la proposition impliquant contradictionrŽpond la proposition identique, car dans les propositions, lÕimpossible premier est :  A nÕest pas A, de mme que lepremier nŽcessaire est : A est A È (Lettre ˆ Conring du 19 mars 1678, in Leibniz, 2001a, pp. 138-139).18 ThŽodicŽe, II, ¤174 (la citation de Bayle cl™t le ¤173).19  Nouveaux Essais, III, III, 15 ; GP V 272, orthographe corrigŽe par nous (ocpn).20  Recherches gŽnŽrales sur lÕanalyse des notions et des vŽritŽs, in Leibniz, 1998, p. 211.21  DŽfinitions (1679-1686), in Leibniz, 1998, p. 108.22 Voir Lettre ˆ Simon Foucher, GP I 370 ; Definitiones, in Leibniz, 1948, I, p. 324 ;  De iis, quae per se concipiuntur ,GP I 271 ; Leibniz, 1903, pp. 259, 360, 259, 271, 376, 392 ; Leibniz, 1948, pp. 325, 326 ; Jagodinski, 1913, p. 8.23 Leibniz, 1998, p. 201. LÕtre est littŽralement ce dont le concept enveloppe quelque chose de positif : Ç  Ens est, cujusconceptus aliquid positivi involvit sive quod a nobis concipi potest, modo id quod concipimus sit possibile nec involvat

    contradictionem (É) È (GP VII 319). Voir aussi : Ç Ens, seu pure positivum È (Leibniz, 1948, p. 325) ; Ç Positivumidem est quod Ens È (Leibniz, 1903, p. 356).24 Note sur une lettre dÕEckhard, GP I 226.

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    distincte quÕil sÕagit en montrant que le possible est le pensable de manire distincte. Pour ce faire,nous procŽderons en deux temps, en dŽcoupant lÕexpression Ç pensable de manire distincte È enson genre (le pensable) et sa diffŽrence spŽcifique (de manire distincte).

    1. Le possible nÕest pas seulement le pensable. Ce qui est possible est certes pensable :ÇPossibile est quicquid potest intelligi È25. LÕensemble Ç possible È est inclu dans lÕensembleÇ pensable È, cÕest-ˆ-dire que le genre  du possible est le pensable. Mais cela suffit-il pour lecaractŽriser ? Oui, si le possible nÕest que le pensable, si donc il Žpuise son genre, en se confondantavec lui. Non, sÕil ne sÕy rŽduit pas. Pour le savoir, examinons la question suivante : Tout ce qui estpensable est-il possible ? La rŽponse de Leibniz est clairement nŽgative : Ç non omnia, de quibuscogitamus, esse possibilia È26, et la raison en est que Ç Oui sans doute on pense quelques fois ˆ deschoses impossibles È27 Ð ˆ des choses  impossibles, ˆ travers les expressions classiques de lÕinfinipar exemple (la vitesse la plus grande, le nombre de tous les nombres), et non ˆ lÕimpossible  lui-mme : Ç Cependant, au premier abord, il peut sembler que nous possŽdons lÕidŽe du mouvement leplus rapide ; car nous comprenons parfaitement ce que nous disons, et nŽanmoins de chosesimpossibles nous ne possŽdons absolument aucune idŽe È28.

    Par cette Žtape que tout ce qui est pensable nÕest pas possible, Leibniz Žcarte la rŽduction dela possibilitŽ ˆ la simple pensabilitŽ. Putnam fait de mme lorsquÕil Žcrit : Ç it is conceivable thatwater isnÕt H2O. It is conceivable but it isnÕt possible ! Conceivability is no proof of possibility È29.Ainsi le possible nÕest-il pas seulement le pensable : il faut complŽter le genre par une diffŽrencespŽcifique.

    2.  Le possible est le pensable de mani•re distincte. La diffŽrence spŽcifique en question estque le pensable, pour tre le possible, doit tre un pensable de mani•re distincte. Il y a deux fa•onsde sÕen apercevoir. La premire est directe. Leibniz utilise diffŽrents adjectifs qualificatifs,

    notamment Ç parfaitement È ou Ç distinctement È, pour la manifester : Ç JÕappelle possible tout cequi est  parfaitement   concevable È30  ; Ç Possibile est quicquid clare distincteque  cogitabile est*.Impossible contra È31 ; Ç que ces Mondes soient possibles ou, ce qui est la mme chose, intelligiblesdistinctement  È32 ; Ç distincte cogitabile est, sive possibilis È33. Et cette clartŽ et distinction impliquevŽritŽ et certitude, car Ç Verum est quicquid clare distincteque est. ((Certum) est quicquid claredistincteque sentitur. Seu certitudo est claritas veritatis) È34.

    25 Et Ç Impossibile est quod intelligi non potest, sive quod contradictionem involvit, ut Triangulum quadrilaterum È( Definitiones : aliquid, nihil, opposita, possibile, aožt 1688 Ð janvier 1689 ?, A VI-4-A 937).26 Colloquium cum Dno. Eccardo Professore Rintelensi Cartesiano, praesente Dni. Abbatis Molani fratre, 5 avril 1677,GP I 213.

    27 Lettre ˆ la princesse Sophie, GP IV 293, ocpn. Voir Lettres ˆ Malebranche, 22 juin 1679, GP I 331 sq. ;  Meditationesde Cognitione, Veritate et Ideis, GP IV 424 ; Lettre ˆ Heinrich Oldenburg, 16/26 avril 1673, GP VII 9, 28 dŽcembre1675, GM I 85 ;  De Synthesi et Analysi universali seu Arte inveniendi et judicandi, GP VII 294 ; Lettre ˆ Bernouilli,GM III 535 ; Jagodinski, 1913, p. 8.28  Meditationes de Cognitione, Veritate et Ideis, GP IV 424, in Leibniz, 2001b, pp. 21-23. 29 H. Putnam, 1973, p. 709. Par opposition ˆ Wittgenstein qui, dans le Tractatus, 3.02, Žcrit : Ç La pensŽe contient lapossibilitŽ de lÕŽtat de choses quÕelle pense. Ce qui est pensable est Žgalement possible È (1961, p. 36).30 Lettre ˆ Bourguet de dŽcembre 1714, GP III 573-574, spn.31 Vorarbeiten zur Characteristica Universalis. Definitionentafel, 1671-1672, A VI-2 494, spn. * en note est rappelŽe ladŽfinition 1 : Ç Possibile est quod non implicat contradictionem È (n. 46).32 GP V 246, spn.33 Leibniz, 1903, p. 77, spn. Voir Žgalement Lettre ˆ Louis Bourguet, dŽcembre 1714, GP III 573 ;  Meditationes de

    Cognitione, Veritate et Ideis, GP IV 424 ;  Discours de mŽtaphysique, XXIV sq., GP IV 449 sq. ;  Essais de ThŽodicŽe,26, GP VI 432.34 Vorarbeiten zur Characteristica Universalis. Definitionentafel, 1671-1672, A VI-2 493.

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    La seconde fa•on de mettre en Žvidence cette diffŽrence spŽcifique est indirecte, elle consisteˆ transiter par la dŽfinition de lÕtre, dans le syllogisme suivant : on sait que le possible est lÕtre(dŽfinition 2), or Ç LÕæTRE est le pensable de manire distincte È35, donc le possible est le pensablede manire distincte. Quelle est cette manire distincte ? Lˆ encore, transiter par lÕtre sÕavre utile.

    LÕtre (comme le possible) est ce qui peut tre con•u : Ç LÕtre est ce qui peut tre con•u ˆ proposde a, b, c, quels quÕils soient È. Mais plus prŽcisŽment, ce qui peut tre con•u sans contradiction :Ç LÕtre est ce qui est con•u consentienter, cÕest-ˆ-dire en tant quÕil nÕimplique pascontradiction È36. Ainsi se recoupent les trois dŽfinitions de la possibilitŽ : le possible est lÕtre(dŽfinition 2), ce qui peut tre con•u distinctement (dŽfinition 3), cÕest-ˆ-dire ce qui nÕimplique pascontradiction (dŽfinition 1). Ç Possibile est quicquid distincte cogitari potest, seu cujus notio noninvolvit contradictionem È37.

    Nous pouvons donc conclure, avec H. H. Knecht, que Ç ce qui caractŽrise le possible, ce nÕestpas le fait de pouvoir tre pensŽ, (É) mais de pouvoir tre con•u de manire adŽquate È38.

    DŽfinition 4 (crit•re physique) : la possibilitŽ est-elle la probabilitŽ ?

    Concernant la question de savoir si la possibilitŽ peut tre dŽfinie comme probabilitŽ, il est undŽbat fameux qui a opposŽ, en 1971, I. Hacking et M. Wilson. LÕun comme lÕautre, cependant, ontassimilŽ la faisabilitŽ (makeability) ou facilitŽ et la probabilitŽ ( probability, doctrine of chances) :pris comme synonymes chez Wilson (Ç probability or makeability È39), ils ne sont distinguŽs chezHacking que pour montrer comment Ç What is  facile in re  corresponds to what is probable inmente È40. Or, il nous semble prŽfŽrable, au moins mŽthodologiquement, de les considŽrerdistinctement, car le rŽsultat ne sera pas le mme pour lÕun et lÕautre : la faisabilitŽ est indiscutable,la probabilitŽ lÕest beaucoup moins.

    La  faisabilitŽ , ˆ condition quÕelle soit entendue comme  facilitŽ , peut sans aucun doute tre

    considŽrŽe comme une dŽfinition leibnizienne de la possibilitŽ, tout simplement parce que quelquechose de possible arrive plus facilement quÕune chose impossible : Ç Quia facilius evenit aliquidpossibile quam impossibile esse È41. Ainsi lÕauteur peut-il prendre facilitŽ et possibilitŽ commesynonymes : Ç Si les ŽventualitŽs sont dÕŽgale facilitŽ, cÕest-ˆ-dire dÕŽgale possibilitŽ È 42. Et M.Parmentier, qui explique quÕÇ est possible ce qui comporte moins de rŽquisits que son contraire È,note : Ç Cette Žquation entre le possible et le faisable ou le rŽalisable ( facilis) montre bien que ladŽfinition leibnizienne du probable nÕa que peu de rapport avec le possible mŽtaphysique. Enrempla•ant ŽventualitŽ par condition, cette formule pourrait Žnoncer un principe du droitconstitutionnel È43.

    La probabilitŽ , quant ˆ elle, fait davantage problme. Certains interprtes, et en tout premierlieu I. Hacking, dŽfinissent purement et simplement la possibilitŽ leibnizienne en terme de

    probabilitŽ, et en font la preuve dÕun lien Žtroit entre ontologie et physique : Ç I am glad to find that

    35  DŽfinitions (1679-1686), in Leibniz, 1998, p. 110.36 Leibniz, 1998, p. 189.37  Definitiones : aliquid, nihil, possibile, positivum, aožt 1688 Ð janvier 1689 ?, A VI-4-A 938.38 H. H. Knecht, 1981, p. 228.39 M. Wilson, 1971, pp. 615-616.40 I. Hacking, 1971, p. 603, qui sÕappuie sur Ç Facile est valde possibile, seu cujus pauca sunt requisita. Quod  facile estin re, id probabile est in mente È (A VI-2 492).41

      Elementa Juris Naturalis, 1671 (?), A VI-1 471.42  De incerti Aestimatione, sept. 1678, in Leibniz, 1995, p. 164.43 Leibniz, 1995, respectivement p. 11 et p. 164, n. 88.

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    Mahnke44  anticipated my interpretation, and took the probability-possibility-facility-creatibilitynexus as a final proof of the way that Leibniz linked ontology and physics È45. Ce qui poseproblme nÕest pas tant le lien, indiscutable, que lÕunitŽ interne du concept de possibilitŽ-probabilitŽ. Hacking sÕappuie sur une seule expression tirŽe du  De incerti aestimatione de Leibniz,

    qui dŽfinit la probabilitŽ en terme de possibilitŽ : Ç Probabilitas est gradus possibilitatis È46. Aussila probabilitŽ implique-t-elle effectivement la possibilitŽ, et Hacking a raison de montrer commentLeibniz, de cette manire, est ˆ lÕorigine de la tradition qui dŽfinira la probabilitŽ en termesdÕŽquipossibilitŽ47. Mais pour obtenir une Žquivalence, qui nous permettrait de parler dÕun conceptde Ç possibilitŽ-probabilitŽ È ayant une unitŽ interne, une seule implication ne suffit pas : commenous lÕavons vu tout ˆ lÕheure, lÕimplication rŽciproque est nŽcessaire. Il faudrait donc montrer quenon seulement la probabilitŽ implique la (est dŽfinie en terme de) possibilitŽ, mais encore que lapossibilitŽ ˆ son tour implique la (est dŽfinie en terme de) probabilitŽ, et cette seconde propositionest loin dÕtre Žtablie. Il est mme un argument que Wilson objecte ˆ Hacking et qui montre demanire frappante comment cette implication rŽciproque ne peut tre satisfaite : le combat de tous

    les possibles pour lÕexistence nÕimpliquant aucun degrŽ de Ç chance È ou dÕindŽterminisme(puisquÕil est rŽglŽ par Dieu), il ne saurait en aucune manire y tre question de probabilitŽ48. Aussisuivons-nous la conclusion de Wilson, contre Hacking : Ç I do not wish to deny that there may havebeen some connection in LeibnizÕs mind between the two realms of discourse. I do however doubtthat the metaphysical Ç propensities È of LeibnizÕs possibles can be either an underpinning or areflection of weights assigned to various alternatives in probable reasoning È49. Tout enreconnaissant lÕexistence dÕun lien Žtroit entre la possibilitŽ mŽtaphysique et la probabilitŽ (laprobabilitŽ implique la possibilitŽ), en lÕabsence dÕimplication rŽciproque donc dÕŽquivalence nousrefusons lÕunitŽ interne que Hacking semble suggŽrer.

    II- LÕEXISTENTIABILITE 

    DŽfinition 5 : la possibilitŽ est possibilitŽ dÕexister

    Le mot mme de Ç possible È, lorsquÕil est ˆ la suite de lÕauxiliaire Ç tre È, semble appelerdŽjˆ en lui lÕexistence50, car tre possible, dira-t-on, nÕest autre quÕavoir la possibilitŽ dÕexister . Arigoureusement parler, cependant, tre possible est (nÕ) avoir la possibilitŽ (que) dÕtre. CÕest doncun point de doctrine, et non une Žvidence grammaticale, si, chez Leibniz, tre possible, ce nÕest pasavoir la possibilitŽ dÕtre, mais bien dÕexister. Et lÕon en peut rendre raison en deux Žtapes.

    DÕune part, il ne peut en tre autrement dans un systme qui identifie la possibilitŽ ˆlÕessence, cÕest-ˆ-dire dans lequel tre possible  est la mme chose quÕtre  (dŽfinition 2). CarlÕexpression Ç tre possible È est alors redondante en ce quÕelle ne signifie rien dÕautre quÕ Ç tre È :

    la possibilitŽ ne sÕajoute pas ˆ lÕtre, elle lÕ est. De la mme manire, lÕexpression Ç avoir la possibilitŽ dÕtre È nÕa absolument aucun sens, puisquÕelle prŽsuppose un Žtat dans lequel ce qui a

    44 I. Hacking, 1971, p. 604, n. 4, renvoie ˆ Ç Dietrich Mahnke, Ç Leibnizens Synthese von Universalmathematik undIndividualmetaphysik È,  Jahrbuch fŸr Philosophie une phŠnomenologische Forschung, VII (1925) : 305-611, esp. P.384. È45 I. Hacking, 1971, pp. 602-604.46 Notons quÕon retrouve la mme formule chez B. Van Fraassen, 1977, p. 159 : Ç What is probable is a gradation of thepossible È.47 I. Hacking, 1975.48 M. Wilson, 1971, p. 612.49

     M. Wilson, 1971, pp. 615-616. CÕest la position Žgalement adoptŽe par L. KrŸger, 1981, pp. 58-59.50  M. GuŽroult, 1947, p. 63 : Ç le possible, dont le nom mme implique dŽjˆ une rŽfŽrence, si tŽnue quÕelle soit, ˆlÕexistence È.

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    la possibilitŽ dÕtre nÕest pas encore, Žtat prŽ-ontologique exclu par lÕontologie leibnizienne dont ledonnŽ, le premier niveau, qui donc nÕen conna”t pas dÕantŽrieur, est celui de lÕtre possible, en tantquÕtre-possible, cÕest-ˆ-dire en tant que lÕtre et le possible ne font quÕun, ne sont quÕune seule etmme chose. Ainsi Ç tre possible È, chez Leibniz, ne peut-il se traduire par Ç avoir la possibilitŽ

    dÕtre È, comme le voudrait pourtant la grammaire.DÕautre part, donc, et plut™t que de se rendre ˆ lÕŽvidence grammaticale qui traduit

    directement Ç tre possible È en Ç avoir la possibilitŽ dÕtre È, il faut pour comprendre Leibniz passer par une Žtape intermŽdiaire : tre possible, cÕest avoir la possibilitŽ de. Dire quÕun possibleest possible, est donc dire quÕil a la possibilitŽ de. Or, de quoi, prŽcisŽment, a-t-il la possibilitŽ ?DÕexister. Dans la doctrine leibnizienne, le possible est possible en ce quÕil a la possibilitŽdÕexister . CÕest ainsi quÕtre possible, pour Leibniz, nÕest pas autre chose quÕavoir la possibilitŽdÕexister.

     Nous suivons sur ce point lÕexcellente analyse que fait M. Heidegger dans son brefcommentaire des 24 Th•ses mŽtaphysiques51 :

    La possibilitŽ dÕun possible est, en tant quÕtre, dŽjˆ un Ç exister È, cÕest-ˆ-dire se rapportant paressence ˆ lÕexistentia. Le possible est dŽjˆ, parce quÕil nÕ Ç est È quÕen tant que tel absolument cequÕil est, quelque chose se pouvant vouloir [ Mšgendes], une propension ˆ sÕessayer soi-mme[vorgeneigtes Sichversuchen] et ainsi un fonder et un effectuer. LÕtre-possible con•u etconcevable seulement ˆ partir de lÕessence de lÕætre provoque en soi lÕappŽtition re-prŽsentante etcela de telle sorte que ce provoquer est dŽjˆ un pro-duire au-dehors [ HerausfŸhren] et un exŽcuter

    (ex-sequi), effectuer [ AusfŸhren] de lÕexistentia52.

    LÕanalyticitŽ de lÕexistence (lÕinternalitŽ)

    CÕest en ce sens, parce quÕtre possible nÕest autre quÕavoir la possibilitŽ dÕexister, quesÕaffirme la tendance ou la prŽtention du possible vers lÕexistence53. CÕest effectivement en vertu de

    ce quÕils contiennent dŽjˆ  en eux, mus par une force interne, que tous les possibles tendent ˆlÕexistence, quÕÇ il y a, dans les choses possibles ou dans la possibilitŽ mme, cÕest-ˆ-dire danslÕessence, une certaine exigence dÕexistence, ou bien, pour ainsi dire, une prŽtention ˆ lÕexistence,en un mot, que lÕessence tend par elle-mme ˆ lÕexistence È54. Si cÕest par elle-mme que lÕessencetend ˆ lÕexistence, cÕest que lÕexistence est dŽjˆ contenue55 dans la dŽfinition mme de lÕessence

    51 M. Heidegger, 1971, pp. 350-365.52 M. Heidegger, 1971, pp. 357-358.53 Vers lÕexistence et non vers lÕtre, bien entendu. Il semble donc nÕy avoir aucun sens, dÕun point de vue leibnizien, ˆ

     parler, comme le fait J .-P. Sartre, 1943, II, I, 4, p. 136, de Ç donner une tendance vers lÕtre aux possibles È (spn). CÕestquÕˆ cet instant lÕauteur ne parle sans doute plus au nom de Leibniz mais, sans prŽvenir, en son sien propre. Si le possible leibnizien tend vers lÕexistence et non vers lÕtre, cÕest parce que Leibniz ne distingue pas le possible de lÕtre.Mais il ne faut pas pour autant en dŽduire que, si le possible sartrien peut tendre, lui, vers lÕtre et non vers lÕexistence,cÕest parce que Sartre distinguerait, lui, le possible de lÕtre, car la position sartrienne est sur ce point bien plus prochede Leibniz quÕelle nÕen a lÕair, comme en tŽmoigne cette explication qui, sans identifier franchement comme le faitLeibniz le possible et lÕtre, nie la rŽalitŽ du possible ˆ prŽcŽder lÕtre, et affirme du mme coup leur coexistence, sinonchronologique (Ç lÕŽtat possible nÕest pas encore È), au moins ontologique : Ç Ainsi, le possible ne saurait se rŽduire ˆune rŽalitŽ subjective. Il nÕest pas non plus antŽrieur au rŽel ou au vrai. Mais il est une propriŽtŽ concrte de rŽalitŽs dŽjˆexistantes. Pour que la pluie soit possible, il faut quÕil y ait des nuages au ciel. Supprimer lÕtre pour Žtablir le possibledans sa puretŽ est une tentative absurde ; la procession souvent citŽe qui va du non-tre ˆ lÕtre en passant par le

     possible ne correspond pas au rŽel. Certes, lÕŽtat possible nÕest pas encore ; mais cÕest lÕŽtat possible dÕun certainexistant qui soutient par son tre la possibilitŽ et le non-tre de son Žtat futur È (ibid ., p. 137).54

      De Rerum originatione radicali, GP VII 303, in Leibniz, 2001b, p. 173, spn.55 L. Couturat, p. 14 : Ç En un mot, on peut dire que son existence est inscrite dÕavance dans son essence, quÕelle faitpartie de sa comprŽhension È.

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    comme possibilitŽ, qui est possibilitŽ dÕexister. On peut donc parler de lÕanalyticitŽ de lÕexistenceau sens kantien dÕinclusion du prŽdicat (lÕexistence) dans le sujet (lÕessence)56. 

    Vis, praetensio, exigentia et conatus ad existentiam (la nature de cette internalitŽ)

    Cette force interne se manifeste dans diffŽrents mots : Leibniz parle de tendance (vis), de prŽtention ( praetensio) et dÕexigence (exigentia) dÕexister (ad existentiam). La Ç prŽtention È pourrait tout aussi bien sÕŽcrire Ç prŽ-tension È car, dÕune part, elle nÕa de raison dÕtre quÕen tantquÕelle est un prŽ-alable (ˆ lÕexistence en acte) et, dÕautre part, cet Žtat par dŽfinition provisoire esteffectivement un tension, tension de lÕtre vers lÕexistence : la praetensio ad existentiam du possibleest une prŽ-tension.

    La question qui se pose dÕemblŽe, pour le lecteur spinoziste, est de savoir si cet effort delÕtre pour persŽvŽrer non dans lÕtre mais dans ou vers lÕexistence peut tre nommŽ conatus. LarŽponse doit tre affirmative, sous rŽserve dÕune condition. On trouve effectivement que Leibnizlui-mme utilise lÕexpression Ç conatus ad existentiam  È pour dŽsigner cette tendance, dans la

    cinquime de ses 24 th•ses mŽtaphysiques Ð ce qui nÕa pas ŽchappŽ ˆ M. Heidegger qui en conclutque Ç La vis a le caractre du conatus, de lÕentreprise tendant dŽjˆ ˆ tenter une possibilitŽ È57. LarŽserve rŽside en ce quÕun tel conatus ne doit pas tre entendu en un sens strictement spinoziste, carLeibniz sÕoppose tout aussi expressŽment ˆ Spinoza sur ce point : Ç CÕest ˆ tort que lÕauteur appellela volontŽ lÕeffort de chaque chose pour persister dans son tre ; car la volontŽ a des fins plus

     particulires et tend ˆ un mode plus parfait dÕexistence. I1 a tort aussi de dire que lÕeffort estidentique ˆ lÕessence, tandis que lÕessence est toujours la mme et que les efforts varient. Je nesaurais admettre que lÕaffirmation soit lÕeffort de la raison pour persŽvŽrer dans son tre, cÕest-ˆ-dire pour conserver ses idŽes. Nous avons cet effort mme sans rien affirmer È58. Le conatus adexistentiam, sÕil est, est donc proprement leibnizien. On peut dire de lÕessence quÕelle est unconatus enveloppŽ, et de lÕexistence quÕelle est un conatus dŽveloppŽ : lÕtre, chez Leibniz, nÕest

     pas immobile, il est dynamique.

    LÕexistentiabilitŽ. Le possible existe dŽjˆ, dÕune certaine mani•re. Cette manire dÕexister du possible, qui nÕest pas encore lÕexistence, est lÕexistentiabilitŽ.

    Cette prŽtention vers lÕexistence est si forte quÕelle signifie que le possible existe dŽjˆ, dÕunecertaine mani•re, comme le prŽsuppose Leibniz dans cet extrait : Ç A quoi je rŽponds que ni lesessences ni ce que lÕon appelle les vŽritŽs Žternelles, qui sÕy rapportent, ne sont fictives, maisquÕelles existent, pour ainsi dire, dans une rŽgion des idŽes, ˆ savoir en Dieu lui-mme qui est lasource de toute essence et de lÕexistence de tous les autres tres È59. Les essences Ç existent (É)pour ainsi dire È. Or, lÕon peut substituer Ç possibles È ˆ Ç essences È puisque le possible et lÕtre ne

    font quÕun. Donc lÕauteur affirme ici que les possibles Ç existent (É) pour ainsi dire È. Voilˆ qui, ˆpremire vue, semble contradictoire si lÕon tient, et cÕest le cas, ˆ la distinction irrŽductible entretre et exister, entre possibilitŽ et existence. Mais la difficultŽ sÕefface, la contradiction se rŽduit ensimple paradoxe, si lÕon comprend que lÕexistence-pour-ainsi-dire de tous les possibles dont il estici question nÕest pas lÕexistence ˆ laquelle accdent seulement certains dÕentre eux. On distingueradonc dŽsormais lÕexistentiable de lÕexistant .

    56 Sans dire pour autant que lÕexistence est un prŽdicat ou, du moins, un vŽritable prŽdicat, comme nous lÕavons montrŽailleurs (voir notre article Ç LÕexistence leibnizienne È, ˆ para”tre dans les Archives de philosophie).57

     M. Heidegger, 1971, t. II, p. 356. Voir Žgalement J. Moreau, 1956, p. 77.58  RŽfutation inŽdite de Spinoza, in Leibniz, 1999, p. 35.59  De Rerum originatione radicali, GP VII 305, in Leibniz, 2001b, p. 179.

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    LÕexistentiabilitŽ   est lÕexistence-pour-ainsi-dire des possibles, elle est la manire pour lepossible dÕexister par sa simple possibilitŽ : Ç Car lÕessence de la chose nÕŽtant que ce qui fait sapossibilitŽ en particulier, il est bien manifeste quÕexister par son essence, est exister par sapossibilitŽ È60. LÕexistentiabilitŽ est, en somme, et pour reprendre les mots de Heidegger, Ç le

    caractre dÕexistence de la possibilitŽ È61. Tous les possibles sont existentiables, tous existent dÕunecertaine manire. La question de la nature de cette manire (comment existent-ils ?) revient ˆ celledu lieu : o existent-ils ? Leibniz, en effet, ne reconna”t lÕexistentiabilitŽ des possibles quÕen tantquÕelle est localisŽe : Ç dans une rŽgion des idŽes, ˆ savoir en Dieu lui-mme È62. CÕest parce quelÕentendement divin est la rŽgion des essences et des vŽritŽs Žternelles63, quÕil est Žgalement le lieude la prŽtention ˆ lÕexistence de ces essences, et du mme coup la condition de lÕexistentiabilitŽ :lÕexistentiable est un possible qui existe en tant et en tant seulement quÕil est dans lÕentendement deDieu. Voilˆ qui rŽpond ˆ la deuxime des trois objections que J. Hostler formule en 1973 ˆlÕencontre de lÕ Ç omne possibile exigit existere  È et qui consistait ˆ demander : si les mondespossibles sont seulement possibles, comment peuvent-ils avoir une exigence actuelle ?64  Les

    possibles ont une rŽelle existence Ç in quadam ut sic dicam regione idearum, nempe in ipso Deo È65

    ,ce qui revient ˆ interprŽter le Ç omne possibile exigit existere È comme une descriptionmŽtaphorique du choix divin66.

    La question se pose alors de savoir si lÕon doit considŽrer lÕexistentiabilitŽ comme unintermŽdiaire entre  potentia  et actus, entre le possible et lÕexistant. LÕobjection devrait treimmŽdiate : lÕexistentiabilitŽ ne peut en aucun cas constituer un intermŽdiaire entre la possibilitŽ etlÕexistence, puisquÕelle nÕest autre que la possibilitŽ elle-mme, et rien de plus. Il en vaeffectivement ainsi dans le rŽfŽrentiel leibnizien. On notera que les interprtes qui en font unintermŽdiaire, tel Heidegger qui Žcrit Ç La vis, eu Žgard ˆ la traditionnelle distinction de potentia etactus, y est caractŽrisŽe pour ainsi dire en tant quÕune essence intermŽdiaire entre lÕune et lÕautreÈ67, le font dans le rŽfŽrentiel aristotŽlicien de Ç la traditionnelle distinction de  potentia et actu È68.

    En somme, lÕexistentiabilitŽ nÕest pas un intermŽdiaire entre les notions leibniziennes de possibilitŽet dÕexistence, pour la bonne raison quÕelle est  cette possibilitŽ, mais peut tre entendue comme unintermŽdiaire entre les notions aristotŽliciennes de potentia et actus.

    LÕexistentiabilitŽ est proportionnelle ˆ la perfection

    Les possibles, on le sait, sont divers : Ç les choses sont possibles en beaucoup de manires È69 aime ˆ rappeler lÕauteur. Que dire, ds lors, de leur prŽtention ˆ lÕexistence ? Est-elle la mme enchacun dÕeux ? Tous les possibles tendent ˆ lÕexistence : Ç prŽtendre que certaines essencespossdent cette inclination alors que dÕautres ne la possdent pas, cÕest avancer quelque chose sansraison, puisquÕil semble quÕen gŽnŽral on rapporte lÕexistence ˆ toutes les essences de la mme

    60 Sans-titre, sur Descartes ; GP IV 406, 1.61 M. Heidegger, 1971, t. II, p. 358.62 ibid .63 Ç Pour appeler quelque chose possible, ce mÕest assez quÕon en puisse former une notion, quand elle ne serait quedans lÕentendement divin, qui est pour ainsi dire le pays des rŽalitŽs possibles È (Lettre ˆ Arnauld, du 1er  juillet 1686,GP II 55) ; Ç lÕentendement de Dieu est la rŽgion des vŽritŽs Žternelles È ( Monadologie, ¤43). 64 J. Hostler, 1973, p. 282.65  De Rerum originatione radicali, GP VII 305.66 Voir J. Hostler, 1973, p. 284.67 M. Heidegger, 1971, t. II, p. 356.68

     CÕest moins clair chez M. de Gaudemar, 1994, p. 48, qui parle dÕ Ç intermŽdiaire entre la possibilitŽ et lÕexistence enacte È, mme si elle fait aussit™t rŽfŽrence ˆ la dynamis aristotŽlicienne.69  RŽfutation inŽdite de Spinoza, in Leibniz, 1999, p. 31.

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    manire È70 ; mais y tendent-ils Žgalement  ?  En droit , oui : Ç tous les possibles tendent dÕun droitŽgal ˆ exister È71. Mais en fait , non : Ç chaque possible ayant droit de prŽtendre ˆ lÕexistence ˆmesure de la perfection quÕil enveloppe È72, leur tendance est  proportionnelle  ˆ leur perfectionrespective. Le Ç ˆ mesure È signifie effectivement Ç  proportionnellement ˆ È, comme en tŽmoigne

    la traduction latine de 1721, qui dira Ç pro ratione perfectionis quam involvit  È. Ç quÕil enveloppe Èsignifie quant ˆ lui, comme le note E. Boutroux, Ç quÕil contient ˆ lÕŽtat dÕenveloppement. Lespossibles, avant le fiat  divin, sont comparables ˆ des germes, o est entirement prŽformŽ lÕtre quiest susceptible dÕen na”tre. LÕexistence nÕest que le dŽveloppement de ces germes È73.

    Chaque possible, donc, enveloppe, cÕest-ˆ-dire contient, une perfection qui lui est propre. Quedire de cette perfection ? QuÕelle est chez Leibniz comme chez de nombreux autres rationalistes deson sicle la quantitŽ dÕessence ou de rŽalitŽ : Ç la perfection nÕest autre chose que la quantitŽdÕessence È74. Spinoza, aprs Descartes, Žcrit la mme chose : Ç puisque pouvoir exister, cÕestpuissance, il sÕensuit que plus il y a de rŽalitŽ dans la nature dÕune chose, plus elle a par elle-mmede forces pour exister È75. La perfection, en somme, est le principe de lÕexistence : Ç de mme que

    la possibilitŽ est le principe de lÕessence, de mme la perfection ou le degrŽ de lÕessence (dŽfini parle maximum de compossibles) est le principe de lÕexistence È76.RŽcapitulons : Ç tous les possibles, cÕest-ˆ-dire tout ce qui exprime une essence ou rŽalitŽ

    possibles, tendent dÕun droit Žgal ˆ lÕexistence, en proportion de la quantitŽ dÕessence ou de rŽalitŽ,cÕest-ˆ-dire du degrŽ de perfection quÕils impliquent. Car la perfection nÕest autre chose que laquantitŽ dÕessence È77.

    Le caract•re mŽcanique de lÕexistentiabilitŽ

    Dans plusieurs textes, Leibniz insiste sur lÕaspect mŽcanique de la prŽtention des possibles ˆlÕexistence, en recourant ˆ ce quÕil appelle lui-mme une Ç comparaison dÕun mŽcanisme

    mŽtaphysique dŽterminant avec le mŽcanisme physique des corps graves È78

    . En voici deuxmorceaux :

    toute essence ou rŽalitŽ exige lÕexistence comme tout effort exige le mouvement ou lÕeffet, si bien sžrrien ne lÕempche. (É) Ainsi, de mme que sur une balance chaque poids sÕefforce et tend sur son brasen fonction de sa pesanteur, et exige de descendre, si rien nÕempche, et que le plus pesant lÕemporte, demme chaque chose aspire ˆ lÕexistence en fonction de sa perfection, et la plus parfaite lÕobtient. Par

    suite, tout possible existe, si un plus parfait nÕen empche lÕexistence.79 

    Ainsi encore et surtout en mŽcanique ordinaire, de lÕaction de plusieurs graves concourant entre euxrŽsulte le mouvement par lequel en fin de compte se rŽalise la plus grande descente. Et de mme que tousles possibles tendent dÕun droit Žgal ˆ exister, en proportion de leur rŽalitŽ, ainsi tous les poids tendent

    aussi dÕun droit Žgal ˆ descendre, en proportion de leur gravitŽ ; de mme quÕici se produit le mouvement

    70 Sur les vŽritŽs premi•res, in Leibniz, 1998, pp. 447-448.71  De Rerum originatione radicali, GP VII 304, in Leibniz, 2001b, pp. 177-179. Voir aussi GP VII 303, p. 173.72  Monadologie, ¤54.73 E. Boutroux, notes ˆ Leibniz, 1880, p. 172, n. 3.74  De rerum originatione radicali, GP VII 303, in  Leibniz, 2001b, p. 173. Voir aussi Ç Perfectio  est gradus < seuquantitas > realitatis È (Leibniz, 1948, p. 11).75  Ethique, I, prop. 11, scolie, in Spinoza, 1954, p. 319. Voir Žgalement et avant lui Descartes,  MŽditation  III, AT IX32-33.76  De Rerum originatione radicali, GP VII 304, in Leibniz, 2001b, p. 179.77

      De Rerum originatione radicali, GP VII 303, in Leibniz, 2001b, p. 173.78  De Rerum originatione radicali, GP VII 304, in Leibniz, 2001b, p. 179.79  Remarques gŽnŽrales, in Leibniz, 1998, p. 455.

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    dans lequel se remarque le maximum de descente des graves, de mme le monde qui se rŽalise est celui

    qui rŽalise le maximum de possibles.80 

    LÕauteur lui-mme introduit une objection pour lÕŽcarter aussit™t et aisŽment : cette

    comparaison Ç pche cependant en ceci que les corps graves pourvus de force existentvŽritablement, tandis que les possibilitŽs ou essences, antŽrieurement ˆ lÕexistence ou hors dÕelle,sont imaginaires ou fictives, et que par suite on ne saurait en tirer aucune raison de lÕexistence È 81.ConformŽment ˆ la nature existentiable des possibles en question, Leibniz rŽpond en niant leurficticitŽ, puisquÕils Ç existent, pour ainsi dire È, dans lÕentendement divin.

    Les possibles tendent-ils rŽellement  vers lÕexistence ? Literalist view vs. Figurative view

    Pour certains commentateurs, les possibles leibniziens ne tendent pas rŽellement   verslÕexistence, mais seulement mŽtaphoriquement Ð stratagme que lÕauteur utiliserait pour signifierplus abstraitement que lÕessence tend vers lÕexistence. CÕest ce que lÕon nomme la Figurative view.

    Nicolas Grimaldi lÕexprime ainsi :

    En effet, ce ne sont pas les pures essences ou les purs possibles qui tendent   en soi ˆ lÕexistence.CÕest seulement la volontŽ de Dieu qui tend   ˆ faire exister chacun dÕeux ˆ proportion de laperfection quÕil renferme. Le rŽsultat Žtant dÕailleurs le mme, Leibniz peut bienmŽtonymiquement attribuer ˆ lÕeffet les caractres de la cause ; comme se passe finalementcomme si Ç lÕessence (tendait) par elle-mme ˆ lÕexistence È. Leibniz prend soin cependant deprŽciser le caractre mŽtaphorique de ce dŽplacement : Ç il y a, dans les choses possibles ou dansla possibilitŽ mme, cÕest-ˆ-dire dans lÕessence, une certaine exigence dÕexistence, ou bien,  pourainsi dire, une prŽtention ˆ lÕexistenceÉ È ( De rerum originatione radicali, trad. P. Schrecker, p.85). Cf. aussi ThŽodicŽe, ¤201, G. vi.236 : Ç il y a un combat entre tous les possiblesÉ Il est vraique tout ce combat ne peut tre quÕidŽal, cÕest-ˆ-dire il ne peut tre quÕun conflit de raisons dans

    lÕentendement le plus parfait È.82

     

    La premire citation (de rerum) ne prouve rien : le Ç pour ainsi dire È de Leibniz nesÕapplique pas ˆ lÕexigence, ou la prŽtention, elle-mme, mais ˆ lÕusage du mot Ç prŽtention È pourdŽsigner cette exigence. La seconde (ThŽodicŽe) ne porte pas sur lÕexigence, mais sur la somme dela pluralitŽ et de la rivalitŽ de ces exigences, qui donc forment un combat ; et lÕidŽalitŽ du combatne signifie pas que lÕexigence est mŽtaphorique, mais seulement quÕelle nÕest, elle aussi, quÕidŽale.

    La Figurative view semble ainsi faire deux confusions, qui ne sont pas dŽnuŽes dÕintŽrt car,malgrŽ tout, la faussetŽ de sa conclusion est dŽrivŽe de deux vŽritŽs. Elle tire la non-rŽalitŽ de latendance des possibles vers lÕexistence (son caractre mŽtaphorique), dÕune part, du fait que lespossibles ne tendent pas en soi et par eux-mmes vers lÕexistence mais par Dieu, si lÕon peut dire,

    ce qui est exact mais nÕimplique pas que ces possibles ne tendent pas rŽellement vers lÕexistence, ˆmoins de confondre Ç tendre en soi È et Ç tendre rŽellement È, cÕest-ˆ-dire insŽitŽ  et rŽalitŽ . DÕautrepart, elle tire sa conclusion du fait que cette tendance, du mme coup, nÕest quÕidŽale, ce qui estaussi exact, mais qui nÕimplique pas davantage sa non rŽalitŽ, ˆ moins de confondre idŽalitŽ  et non-rŽalitŽ . Or, cÕest prŽcisŽment de cela que se dŽfend Leibniz dans la rŽponse quÕil fait ˆ Arnauldconcernant la question de Ç la rŽalitŽ des substances simplement possibles È : tre idŽal, cÕest-ˆ-diretre dans lÕentendement de Dieu, nÕest pas pour autant nÕtre quÕune chimre, comme nous lÕavons

    80

      De Rerum originatione radicali, GP VII 304, in Leibniz, 2001b, pp. 177-179.81  De Rerum originatione radicali, GP VII 304-305, in Leibniz, 2001b, p. 179.82 N. Grimaldi, 1980, p. 182, n. 31.

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    vu prŽcŽdemment ; ce nÕest pas davantage nÕtre quÕune mŽtaphore. On peut donc sÕen tenir ˆ unelecture littŽrale, dite Literalist view83.

    CONCLUSION.De lÕexistentiabilitŽ ˆ lÕexistentialisme

    LÕexistentiabilitŽ est le moyen terme dÕun syllogisme implicite qui identifie dÕune certainemanire lÕessence ˆ lÕexistence : (1) lÕessence est identifiŽe ˆ lÕexistentiabilitŽ . LÕexistentiabilitŽ esttellement essentielle ˆ lÕessence quÕelle lÕest   : Ç la nature de la possibilitŽ ou de lÕessence est deprŽtendre ˆ lÕexistence È84. (2)  Or, lÕexistence est identifiŽe ˆ lÕexistentiabilitŽ . A propos de laproposition Ç que tout possible prŽtend exister È, Leibniz note effectivement en marge : Ç SilÕexistence Žtait autre chose quÕune prŽtention de lÕessence, alors elle aurait elle-mme une essenceet quelque chose de nouveau viendrait sÕajouter aux choses, ˆ propos de quoi on pourrait ˆ nouveau

    se demander si cette essence existe ou nÕexiste pas et pourquoi celle-ci plut™t que celle-lˆ È85

    . (3) Donc, dÕune certaine mani•re, lÕessence et lÕexistence sont identifiŽes lÕune ˆ lÕautre. Et cettemanire est le moyen terme qui sÕefface dans le syllogisme : lÕexistentiabilitŽ.

    Ce rŽsultat nÕa rien dÕexceptionnel : il est bien connu de la plupart des interprtes. AinsiJalabert interprte-t-il la tendance des possibles vers lÕexistence comme Ç une certaine identitŽ delÕessence et de lÕexistence È, totale en Dieu, partielle chez les crŽatures : Ç Le possible logique estun existant virtuel ; il enveloppe une certaine exigence dÕexistence. On peut parler dÕune certaineidentitŽ de lÕessence et de lÕexistence. En Dieu, cette identitŽ est absolue ; son essence est existence.Chez les tres contingents lÕessence est existence virtuelle et tendance ˆ exister en acte. CÕest ladynamique des essences qui est la source des existences. Si lÕessence nÕŽtait pas existence ˆ quelquetitre, elle ne serait pas ÔlÕorigine radicale des chosesÕ È86.

    Il nous semble nŽanmoins important dÕinsister sur la consŽquence que lÕessence (lapossibilitŽ) nÕest du mme coup chez Leibniz absolument pas indŽpendante de lÕexistence : saprŽtention ˆ lÕexistence (son existentiabilitŽ) lui est trop essentielle pour que lÕon puisse lÕendŽtacher87. CÕest donc ˆ juste titre que J.-L. Marion critique sur ce point la lecture de Cassirer, quidŽfend lÕindŽpendance : Ç Cette cŽsure peut surprendre dÕabord parce que toute la thŽorieleibnizienne de la possibilitŽ vise ˆ rendre pensable le passage ˆ lÕeffectivitŽ en vertu de lÕÇ exigence dÕexistence È ; car cÕest ˆ partir de soi seule que Ç possibilitas exig[i]t existentiam È 88.En dŽtachant ˆ ce point lÕessence de son exigence dÕexistence, Cassirer ne dŽforme-t-il pas la

    83  C. Shields, 1994, p. 18, rŽpond ˆ Blumenfeld en lui montrant que sa critique de lÕinterprŽtation littŽrale est touteentire basŽe sur une prŽmisse (Ç The literalist interpretation implies necessitarianism È), qui assimile fallacieusementinterprŽtation littŽrale et interprŽtation nŽcessitariste. Or, selon Shields, la  Literalist view  nÕest pas forcŽmentnŽcessitariste. Le nŽcessitarisme est la thse selon laquelle chaque existence est nŽcessaire (voir L. Pe–a, 1997, p. 429 :Ç According to Leibniz existence, every existence, is necessary. That is why he defines (É) ens as ÔpossibleÕ È), paropposition au contingentisme (voir par exemple Robinet et J. Skosnik, 1980).84 Note en marge de Sur les vŽritŽs premi•res, in Leibniz, 1998, pp. 447-448.85 Sur les vŽritŽs premi•res, in Leibniz, 1998, p. 447.86 J. Jalabert, 1968, p. 13, renvoie ˆ Ç Deus est Ens, de cujus essentia est existentia È, GP I 212, pour lÕidentitŽ totale enDieu et ˆ De rerum originatione radicali, GP VII 302, pour lÕidentitŽ partielle chez les crŽatures. Voir aussi, p. 14 : Ç Ily a identitŽ de lÕtre  et de lÕagir ; mais, dans lÕtre et lÕagir, il y a des formes et des degrŽs. LÕexistence proprementdite, cÕest la forme supŽrieure de lÕagir, celui o lÕexigence dÕexistence sÕŽpanouit en acte plein È.87

     L. Pe–a, 1997, p. 427 : Ç In summary, for Leibniz, essence grounds existence, but essence itself needs an existentialsupport È.88 Marion cite Ç XXIV Propositiones È, in Leibniz, 1903, p. 534, et renvoie en note ˆ GP VII 195 et 303.

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    doctrine de lÕessence elle-mme ? È89. CÕest effectivement dŽformer la thŽorie leibnizienne de lapossibilitŽ que de la concevoir indŽpendante de lÕexistence. Et nous allons plus loin : non seulementlÕessence (la possibilitŽ) est dŽpendante de lÕexistence, mais encore elle lui est dÕune certainemanire (lÕexistentiabilitŽ) identifiŽe.

    Plus gŽnŽralement, lÕexistentiabilitŽ leibnizienne, cÕest-ˆ-dire la part dÕexistence danslÕessence, parce quÕelle est la manifestation dÕune continuitŽ  entre lÕessence et lÕexistence, appelle ˆrefuser, avec J.-P. Paccioni et avant lui J.-F. Courtine90, le dualisme simpliste qui voudrait quÕonoppose, ˆ la suite de  LÕtre et lÕessence  dÕE. Gilson, les Ç philosophies de lÕessence È(essentialisme) aux Ç philosophies de lÕexistence È (existentialisme). LÕexistentiabilitŽ est la preuvequÕil nÕest pas dÕessentialisme leibnizien sans existentialisme.

    Au sein mme des Žtudes leibniziennes, maintenant, il convient pour les mmes raisons derejeter le dualisme que certains interprtes Žtablissent entre  possibilisme  et actualisme. F. Nefoppose le domaine possibiliste, dans lequel Ç les possibles ne sont classŽs que par leur prŽtention ˆlÕexistence È, et le domaine actualiste, dans lequel Ç le possible nÕest pensŽ ou dŽcrit que

    relativement ˆ de lÕactuel È, pour finalement conclure que Ç LÕespace logique des possibles a doncune structure possibiliste AVANT la crŽation et actualiste APRES È91. LÕobjection est simple : ˆmoins de prŽsupposer que Ç lÕexistence È ŽvoquŽe dans le domaine possibiliste nÕest pas la mmechose que Ç lÕactualitŽ È ŽvoquŽe dans le domaine actualiste, dans les deux cas le possible nÕestpensŽ que relativement ˆ lÕexistence-actualitŽ. Le soi-disant possibilisme, tel quÕil est dŽcrit ici, estdonc absorbŽ par lÕactualisme. On peut mme aller plus loin, et mettre au dŽfi lÕauteur de dŽfendreun Ç possibilisme È pur, pur comme la coupure quÕil Žvoque entre un AVANT la crŽation et unAPRES. Car ˆ aucun moment le possible nÕest pensŽ indŽpendamment de lÕactuel  Ð cÕest-ˆ-direindŽpendamment de lÕexistence : Ç Je trouve aussi fort solide ce que vous dites ensuite, quÕon necon•oit jamais aucune substance purement possible que sous lÕidŽe de quelquÕune (ou par les idŽescomprises dans quelquÕune) de celles que Dieu a crŽŽes È92. CÕest la raison pour laquelle la

    possibilitŽ peut se dŽmontrer a posteriori par lÕexpŽrience, cÕest-ˆ-dire par lÕactualitŽ : Ç Tout ce quiest actuel, peut tre con•u comme possible È ; Ç ce qui existe actuellement ne saurait manquerdÕtre possible È93. Ainsi le possible est-il apprŽhendŽ par rapport ˆ lÕactuel. Avant la crŽation, sonrapport ˆ lÕactuel est virtuel, cÕest lÕexistentiabilitŽ (existence en puissance). Aprs la crŽation, sonrapport ˆ lÕactuel est actuel, cÕest lÕexistence (existence en acte). Mais dans les deux cas, donctoujours, il a un rapport ˆ lÕactuel. Autrement dit : il nÕy a chez Leibniz que de lÕactualisme94.

    89 J.-L. Marion, 1990, p. 40.90 Voir notamment J.-P. Paccioni, 2002, p. 65, et J.-F. Courtine, 1990, p. 9.91 F. Nef, 1999, pp. 292-293.92 Lettre ˆ Arnauld du 14 juillet 1686, GP II 55.93 Respectivement Lettre ˆ Arnauld du 14 juillet 1686, GP II 55 et Lettre ˆ Thomas Burnett de Kemney, 1699, GP III257 (ocpn). Notons que la possibilitŽ peut Žgalement se dŽmontrer a priori. Le texte complet de cette dernire citationest : Ç la marque dÕune idŽe vraie et rŽelle est lorsquÕon en peut dŽmontrer la possibilitŽ, soit a priori en donnant sesrŽquisits, soit a posteriori par lÕexpŽrience : car ce qui existe actuellement ne saurait manquer dÕtre possible È. Voiraussi Ç Je tiens que la marque dÕune idŽe vŽritable est quÕon puisse prouver la possibilitŽ, soit a priori en concevant sacause ou sa raison, soit a posteriori, lorsque lÕexpŽrience fait conna”tre quÕelle se trouve effectivement dans la nature È(GP II 63). La dŽmonstration a priori  de la possibilitŽ de lÕidŽe vraie et rŽelle ne constitue en rien une objection ˆlÕactualisme car lÕon ne peut jamais partir que dÕune idŽe Ç vraie et rŽelle È, donc en un sens actuelle, pour chercher Ç sa

    cause ou sa raison È. LÕactuel prŽcde toujours chronologiquement le possible : il en est la condition dÕaccs. Voir aussiGP IV 403, GP IV 425 et GP V 272. 94 S. Madouas, 1999, p. 386 : Ç Leibniz est actualiste et non pas possibiliste È.

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