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31 août 1839] Pour ma Didine bien-aimée. Merci de ta charmante petite lettre, ma Didine. Elle m’a été au fond du cœur. J’ai vu avec joie que tu aimes ton père comme il t’aime et que tu sens les belles choses comme lui. Tu as de mon sang dans les veines. Écris-moi le plus que tu pourras, mon cher petit ange. J’aurai peut-être besoin plus d’une fois de ce rayon de soleil. Tu as vu les bords de la Seine ; moi je vais voir les bords du Rhin. C’est encore plus beau. Quelque jour, je t’y conduirai. Pense à moi, chère enfant, et embrasse pour moi mon Charlot, mon Toto et ma Dédé. Vous êtes cinq là-bas qui remplissez mon cœur. Ton petit père, Victor H. J’ai été un peu malade, mais je suis rétabli. Mes amitiés les plus tendres à M Vacquerie. p. le 24 - av. le 27 août 1839] (1) Léopoldine à Victor Hugo Ms : ArVill. Don L.V., 1963. Inv. 629 Mon père chéri, Pardonne-moi de t'ennuyer quelquefois en t'écrivant, je sais bien que mes lettres ne peuvent t'intéresser et cependant j'espère que l'affection que tu me portes, me justifiera à tes yeux. J'éprouve le besoin de te parler de toutes les merveilles que j'ai vues, tu les as comprises si complètement, toi, que tu comprendras bien aussi l'admiration que j'ai ressentie (2). Toutes les rives de la Seine sont si belles que pendant la traversée nous n'avons pas eu un instant d'ennui ; nous regardions toujours, nous ne perdions aucun des magnifiques points de vue qui nous ont semblé à nous qui n'avions rien VU (3) encore plus superbes qu'à ceux qui voyagent [souvent]. Nous avons ensuite admiré Rouen et ses belles églises, sa cathédrale surtout que j'aurais voulu [visiter] complètement (4). Je t'ai remercié dans le fond de mon cœur, mon père chéri, car c'est toi qui nous as appris a apprécier et à jouir des belles choses. La Seine borde le jardin de Mr Vacquerie (5), nous voyons de petits navires stationnaires depuis plusieurs jours en cet endroit, le matin je regarde l'eau de mon lit ; c'est une bien charmante maison que celle-ci elle le serait bien davantage si tu l'habitais avec nous. Je ne te demande pas de me répondre avant que ta pièce ne soit finie (6), ne te déranges jamais pour moi, c'est la meilleure manière de me prouver que tu m'aimes comme je

Pour Ma Didine Bien

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Page 1: Pour Ma Didine Bien

31 août 1839]

Pour ma Didine bien-aimée. Merci de ta charmante petite lettre, ma Didine. Elle m’a été au fond du cœur. J’ai vu avec joie que tu

aimes ton père comme il t’aime et que tu sens les belles choses comme lui. Tu as de mon sang dans les veines. Écris-moi le plus que tu pourras, mon cher petit ange. J’aurai peut-être besoin plus d’une fois de ce rayon de soleil.

Tu as vu les bords de la Seine ; moi je vais voir les bords du Rhin. C’est encore plus beau. Quelque jour, je t’y conduirai. Pense à moi, chère enfant, et embrasse pour moi mon Charlot, mon Toto et ma Dédé. Vous êtes cinq là-bas qui remplissez mon cœur.

Ton petit père,Victor H.

J’ai été un peu malade, mais je suis rétabli. Mes amitiés les plus tendres à M Vacquerie.

p. le 24 - av. le 27 août 1839] (1)

Léopoldine à Victor Hugo

Ms : ArVill. Don L.V., 1963. Inv. 629

Mon père chéri,

Pardonne-moi de t'ennuyer quelquefois en t'écrivant, je sais bien que mes lettres ne peuvent t'intéresser et

cependant j'espère que l'affection que tu me portes, me justifiera à tes yeux. J'éprouve le besoin de te parler de

toutes les merveilles que j'ai vues, tu les as comprises si complètement, toi, que tu comprendras bien aussi

l'admiration que j'ai ressentie (2). Toutes les rives de la Seine sont si belles que pendant la traversée nous

n'avons pas eu un instant d'ennui ; nous regardions toujours, nous ne perdions aucun des magnifiques points de

vue qui nous ont semblé à nous qui n'avions rien VU (3) encore plus superbes qu'à ceux qui voyagent

[souvent]. Nous avons ensuite admiré Rouen et ses belles églises, sa cathédrale surtout que j'aurais voulu

[visiter] complètement (4). Je t'ai remercié dans le fond de mon cœur, mon père chéri, car c'est toi qui nous as

appris a apprécier et à jouir des belles choses. La Seine borde le jardin de Mr Vacquerie (5), nous voyons de

petits navires stationnaires depuis plusieurs jours en cet endroit, le matin je regarde l'eau de mon lit ; c'est une

bien charmante maison que celle-ci elle le serait bien davantage si tu l'habitais avec nous. Je ne te demande pas

de me répondre avant que ta pièce ne soit finie (6), ne te déranges jamais pour moi, c'est la meilleure manière

de me prouver que tu m'aimes comme je le désire. [ J'ai bien pensé] à ta pièce, mon bien-aimé père, je suis bien

fière et bien glorieuse de cette œuvre là (7), moi qui [portes] ton nom, [je sens] bien vivement combien je suis

heureuse de t'avoir pour père j'en remercie de tout mon cœur le bon Dieu qui me donne tant de bonheur et de

joie.

Je t'embrasse, mon père chéri, comme je t'aime, je regrette souvent de ne pouvoir te donner de ses bons baisers

qui défaisaient ta raie, qui me faisaient tant de bien (8)

Ta bien respectueuse et bien affectionnée fille.

Léopoldine Hugo.

27 août 1839.

V.H. à Madame Victor Hugo, à Villequier.

Paris,

Mardi.

J'ai fini mon troisième acte chère amie. Il est presque aussi long que le premier, ce qui fait que ma pièce a déjà

la longueur d'une pièce ordinaire.

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Je suis tellement souffrant et la solitude de la maison m'est si insupportable que je vais partir. Je ferai mon

dernier acte à mon retour. Il n'y perdra pas, car je suis épuisé de fatigue, et, si j'allais plus loin maintenant, je

crois que je tomberais malade. Quand je reviendrai, je serai refait et en huit jours j'aurai fini. Ainsi, tout est

pour le mieux.

J'espère que vous avez fait un bon et charmant voyage et je vous vois d'ici maintenant installés chez mon

excellent ami Vacquerie.

Repose-toi bien, mon Adèle, amuse-toi, et dis à tous mes petits bien-aimés de bien s'amuser et d'être bien

heureux. Je pense à vous tous constamment et je recommande votre joie au bon Dieu.

J'espère aussi que Charles et Toto travailleront bien, en conscience, comme il convient à des têtes couronnées.

Embrasse ma Didine bien-aimée, ma bonne petite Dédé, mon cher petit Toto, mon cher gros Charlot, et 

embrasse-toi toi même de ma part, bien tendrement.

Je t'aime.

Ton VICTOR.

(1) Il s'agit du drame les Jumeaux, qui ne fut jamais terminé. Voir le 23 août 1839 déjà l'auteur précisait d'un

trait de plume que cet abandon était jugé comme provisoire pour cause de maladie.

Correspondance 1836-1882 Paris Calmann Lévy, éditeur –1898- p.14.