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INSTITUT DE FORMATION DES CADRES DE SANTE DE TOULOUSE POURQUOI ECRIRE ? Le cadre de santé et la promotion de l’argument professionnel infirmier Mémoire professionnel en vue de l’obtention du diplôme d’état de cadre de santé Sophie DA COSTA Promotion 2016 / 2017 Sous la direction de Monsieur Christophe PACIFIC

POURQUOI ECRIRE ? Le cadre de santé et la promotion de l ... · a conduit à cibler cet axe dans notre travail de recherche. Dans la première partie de notre travail, nous traiterons

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INSTITUT DE FORMATION DES CADRES DE SANTE

DE TOULOUSE

POURQUOI ECRIRE ?

Le cadre de santé et la promotion de l’argument

professionnel infirmier

Mémoire professionnel en vue de l’obtention du diplôme d’état

de cadre de santé

Sophie DA COSTA Promotion 2016 / 2017

Sous la direction de Monsieur

Christophe PACIFIC

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SOMMAIRE

INTRODUCTION……………………………………………………………...2

PARTIE 1 : CONSTAT………………………………………………………...4

1. CONSTAT…………………………………………………………………………………..4

2. CADRE CONTEXTUEL……………………………………………………………………7

3. LES TRANSMISSIONS INFIRMIERES………………………………………………….12

PARTIE 2 : ETUDE…………………………………………………………...18

1. CADRE CONCEPTUEL…………………………………………………………………...18

2. ENQUETE EXPLORATOIRE……………………………………………………………..26

3. FINALISATION DU CADRE CONCEPTUEL……………………………………………37

PARTIE 3 : ENQUETE ET ANALYSE……………………………………...41

1. METHODOLOGIE DE L’ENQUETE……………………………………………………..41

2. ANALYSE…………………………………………………………………………………45

3. LIMITES…………………………………………………………………………………...68

4. REPERES POUR L’ACTION……………………………………………………………...69

PARTIE 4 : RETOUR D’EXPERIENCE « PROFESSIONNALISANT »…72

CONCLUSION………………………………………………………………..74

BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………75

LISTE DES SIGLES UTLISES………………………………………………78

ANNEXES……………………………………………………………………..79

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REMERCIEMENTS

Il m’est difficile d’exprimer en quelques lignes toute la reconnaissance que je ressens pour

ceux et celles qui ont participé à la construction de ce travail.

Je dédie ce travail à Frédéric pour sa patience, son aide et son indéfectible soutien.

Je tiens à remercier chaleureusement Dany et Luc pour leurs précieux conseils et leur grande

disponibilité à mon égard.

Je souhaite également remercier Monsieur Christophe PACIFIC pour sa bienveillance et son

authenticité tout au long de ce cheminement intellectuel.

A tous, MERCI.

Sophie

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« L’écriture est la peinture de la voix »

Voltaire

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INTRODUCTION

Depuis toujours, l’être humain a besoin de communiquer, de transmettre et d’échanger pour

pouvoir exister. Communiquer pour un individu c’est rentrer en relation, en interaction avec

autrui. L’écriture et le langage en sont les instruments privilégiés.

Dans le monde hospitalier, la communication est omniprésente du fait des relations entre les

usagers et les professionnels mais aussi entre les professionnels entre eux. C’est un dispositif

de soin à part entière au bénéfice et dans l’intérêt du patient.

Les transmissions orales et écrites en sont l’axe central et font partie du quotidien des soignants.

Leurs enjeux, au-delà de communiquer, sont de faire exister le patient en tant que personne, de

permettre une coopération interprofessionnelle et de valoriser le travail des infirmiers(ères)1.

Si la culture de l’oralité est ancrée depuis très longtemps dans la pratique infirmière, l’écrit lui

est plus récent et soumis à de nombreuses évolutions : l’informatique, l’apparition des

transmissions ciblées, la loi du 4 Mars 2002…

Comme l’énonce le proverbe : « les paroles s’envolent, les écrits restent2 », l’objectif des

transmissions écrites est d’assurer la continuité des soins et de mettre en relief l’activité

soignante et de faire vivre le rôle propre infirmier.

Alors que la profession infirmière essaye depuis plusieurs années d’exister par elle-même,

l’utilisation des transmissions écrites et de l’argument professionnel infirmiers doivent plus que

jamais être valorisés pour mettre en avant leur spécificité et leur compétence. Pour autant le

rapport à l’écrit ne semble pas être une actualité de terrain pour les cadres de santé. Ce qui nous

a conduit à cibler cet axe dans notre travail de recherche.

Dans la première partie de notre travail, nous traiterons de l’objet de recherche au travers du

constat et du cadre contextuel. Puis nous poursuivrons notre étude via le cadre conceptuel et la

1 Lire partout infirmiers, infirmières. 2 Proverbe récupéré le 12 Avril 2017 du site : https://fr.wiktionary.org/wiki/les_paroles_s%E2%80%99envolent,_les_%C3%A9crits_restent

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pré-enquête, nous permettant d’aborder des paradigmes couvrant notre questionnement.

Ensuite, nous exposerons l’enquête de terrain, l’analyse et les repères pour l’action en prenant

appui sur la recherche que nous avons menée. Dans notre dernière partie, nous proposerons un

retour réflexif et une analyse critique de l’ensemble de la démarche et du travail de recherche.

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PARTIE 1 : LE CONSTAT

1. CONSTAT

Le dossier patient est un élément de la qualité des soins apporté aux personnes et de nombreux

écrits lui sont consacrés.

C’est un support commun des personnels soignants (médecins, infirmiers, aide soignants,

kinésithérapeutes, assistantes sociales …) qui concourt à la prise en charge des patients.

Diplômée infirmière en 2004, j’exerce au sein d’un centre hospitalier psychiatrique depuis

l’obtention de mon diplôme.

Dans cet établissement, j’ai travaillé dans différents services. Cela m’a permis de voir et

expérimenter divers types de prise en charge. De ces expériences, il existe un thème transversal

(entre autres) les transmissions infirmières orales et écrites. Certains services m’ont permis de

me professionnaliser au niveau des écrits et d’autres au travers des transmissions orales.

Depuis le début de ma carrière, je porte une attention particulière aux transmissions écrites car

elles représentent pour moi :

- un moyen de « prendre soin » du patient au travers de la clinique qu’elles abordent,

démarches de soins, recueil d’information nécessaire à la prise en charge des

patients.

- un outil de communication et de continuité d’information permettant un discours

commun (un écrit durable) qui se montre rassurant pour les patients atteints de

troubles psychiques.

- un outil de relation et de partage inter-équipe (en plus des réunions cliniques, des

transmissions orales…) au sein des unités de soins permettant de développer la

cohérence et la cohésion de l’équipe pluridisciplinaire.

Depuis 2002, l’hôpital dans lequel j’exerce a fait le choix de mettre en place le dossier patient

informatisé. Le passage des transmissions écrites narratives aux transmissions ciblées s’est fait

en 2010. Cette démarche a été réalisée de façon rapide et avec peu d’implication du personnel

soignant. Au bout de quelques semaines, la direction des soins mettait fin au transmissions

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ciblées avec un retour aux transmissions écrites d’ordre narratif appelées « données du

quotidien » du fait du manque d’écrit et de la non appropriation de ce type d’écrit qui était un

changement majeur de pratique.

De 2010 à 2015, j’ai exercé en tant qu’infirmière dans un service d’urgences psychiatriques.

Dans cette unité la culture de l’écrit était présente car :

- Elle concourait à l’évaluation clinique du patient (les infirmiers réalisaient d’abord

un entretien avant la consultation avec le psychiatre).

- Elle palliait les transmissions orales qui pouvait parfois être complexes et difficiles

à réaliser (admissions de patients à tout moment, appels extérieurs, ligne SAMU...).

En octobre 2015, j’ai été nommée infirmière faisant fonction de cadre de proximité au sein de

l’un des deux services de l’Unité pour Malade Difficile (UMD) de l’hôpital dans lequel je

travaille.

Ce type d’unité accueille uniquement des patients hommes hospitalisés sous contrainte (SPDRE

= Soins Psychiatriques sur Demande d’un Représentant de l’Etat) souffrant de diverses

pathologies psychiatriques, avec une notion de dangerosité potentielle pour eux ou autrui. La

durée moyenne de séjour varie entre 12 et 18 mois.

L’ensemble de l’équipe soignante que je manageais était composée d’infirmiers et d’aides-

soignants avec une parité hommes/femmes importante. Cette équipe était assez jeune en

exercice professionnel (en moyenne 4/5 ans de diplôme) et pour une majorité, l’UMD comme

seule expérience professionnelle.

Au sein de l’équipe, nous étions amenés à travailler avec d’autres professionnels tel que : les

médecins psychiatres, la psychologue, l’éducateur sportif, l’assistante sociale, l’ergothérapeute

et le psychomotricien.

Après quelques semaines, j’ai été interpellée par le manque, voire l’absence de transmissions

écrites « données du quotidien » au sein des dossiers patients. Ceci de manière récurrente et

concernant l’ensemble des patients. Souvent les transmissions écrites ne faisant apparaitre que

certains types d’informations (agressivité, refus de traitement, opposition…).

Ces « données du quotidien » sont à élaborer. Elles sont spécifiques à la psychiatrie mais peu

ou pas traitées en Institut de Formation en Soins Infirmiers (IFSI).

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Les transmissions orales inter-équipes de 13h30 à 14h où j’étais présente de manière régulière,

n’étaient pas dépourvues d’informations mais peu centrées sur la clinique, exposant plus du

ressenti. Cela me conduisait à questionner les soignants, à tenter d’amener de la clinique et de

questionner les pratiques et actions de soins.

En contrepartie, les traçabilités soignantes (soins, traitement, évaluation de la douleur…) étaient

réalisées et la tenue du dossier patient respectait les exigences institutionnelles repérées lors des

audits internes réalisés par le service qualité.

Ces traçabilités sont à cocher, et communes à l’ensemble des unités de soins (soins généraux,

psychiatrie…). C’est un point appris en IFSI, lorsque sont abordées la qualité et la sécurité des

soins.

Lorsque j’abordais ce point avec les membres de l’équipe, ces derniers ne semblaient pas avoir

conscience de ce manque tant au niveau de :

- L’aspect responsabilité soignante (obligation professionnelle, risque de perte

d’information et de chance pour le patient, évaluation soignante…).

- La valorisation de leur travail au quotidien avec les patients.

- La communication avec l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire pour permettre un

travail en collaboration de qualité.

Cela nous amène à nous demander quelle représentation ont les infirmiers de leurs

transmissions écrites ?

Est-ce-que cette problématique est ancienne ou nouvelle dans les pratiques soignantes ?

Est-ce-que la réforme des études infirmières a eu un impact sur les transmissions écrites ?

L’outil informatique pourrait-il être un frein à la réalisation des transmissions libres ?

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des patients permettant à toute personne l’accès à son

dossier médical engendrerait-elle des craintes pour l’écriture chez les infirmiers ?

En tant que future cadre de santé, il me semblait important d’étudier cette situation car ce silence

dans les transmissions nuit au patient (en première intention) et les soignants se musèlent en ne

s’autorisant pas à écrire.

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Il me semble important en tant que future cadre de santé de m’interroger sur les items suivants :

- Des indicateurs sur le suivi des patients pour une meilleure continuité de leur prise

en charge.

- La parole infirmière, sa spécificité de langage et l’élaboration d’une pensée

spécifique soignante en psychiatrie.

- Une posture professionnelle digne de ce nom : une éthique de la parole infirmière

entre devoir moral et obligation juridique.

Ces observations et interrogations sur les transmissions écrites des infirmiers nous conduisent

à nous demander : L’absence de transmissions écrites a-t-elle une signification ? Comment le

cadre de santé peut-il valoriser la pratique des transmissions ? Comment peut-il évaluer la

qualité de la parole infirmière ? Comment peut-il aider à la valorisation de ce rôle propre des

transmissions infirmières ? En quoi est-il responsable de la disparition d’une parole

professionnelle ?

2. CADRE CONTEXTUEL

2.1 Historique de la psychiatrie

Jusqu’à la fin du 17ème siècle, le fou inquiète et fait peur. On considère durant ces périodes qu’il

trouble l’ordre public de la même manière que les mendiants et les vagabonds. Les fous sont

alors enfermés, isolés voire enchainés. M. FOUCAULT parle du « grand enfermement ».

A la fin du 18ème, le soin aux aliénés voit le jour par le biais de P. PINEL (médecin psychiatre

1745-1826) qui libère les aliénés de leurs chaines. Acte qui sera hautement symbolique et

fondateur de la psychiatrie moderne.

La folie devient dès lors une maladie, un traitement est développé et nommé « traitement

moral » et l’hôpital s’organise progressivement autour de la prise en charge des malades. « Pour

que le traitement moral soit efficace, il faut également que le médecin puisse s’appuyer sur une

institution organisée pour lui servir de support et de relai.3 »

3 COUPECHOUX, P (2006). Un monde de fous – Comment la société maltraite ses malades mentaux. Seuil, Paris, p 55.

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En 1838, J-E ESQUIROL (médecin psychiatre 1772-1840) est à l’origine de la loi du 30 juin

1838 qui instaure la création d’établissements/d’institutions pour les malades mais aussi traite

de leur prise en charge dont les conditions d’enfermement.

Les asiles deviennent des hôpitaux psychiatriques dès 1937 transformant ces structures en lieu

de soins.

Pendant la seconde guerre mondiale, de nombreux malades mentaux vont périr (oubliés dans

les hôpitaux ou exterminés par les nazis).

A partir des années 50, la prise en charge des malades se modifie et connait des évolutions

comme : l’apparition des neuroleptiques (1952), le développement de la psychiatrie

institutionnelle qui prône le respect de l’autre tant dans sa parole que dans sa folie, la création

de la sectorisation, avec le courant des désaliénistes, dont l’objectif est l’ouverture des hôpitaux

vers l’extérieur avec une proximité, une continuité des soins et de la prévention…

De 1968 à 1985, de nombreux textes de lois vont concerner la psychiatrie dont les principaux

sont : l’intégration de la psychiatrie dans le système hospitalier général (1968) et la création de

services de psychiatrie dans les hôpitaux généraux (1971).

Durant les années 80 de nombreux lits de psychiatrie sont supprimés. La spécificité de la

psychiatrie sera prônée, ce qui est toujours le cas de nos jours malgré l’instauration du diplôme

commun.

Au travers de cet historique nous avons pu voir l’évolution de la psychiatrie en France en

passant de la notion de fou à celle de patient souffrant de troubles mentaux mais aussi d’asile à

celle d’hôpital. Cette évolution de vocabulaire est le signe d’une amorce de

professionnalisation, avec une nosographie, qui va permettre de développer de nouveaux

savoirs permettant la naissance d’une discipline et créer un langage spécifique.

Cette notion d’hôpital introduit la notion de personnel soignant tel que les infirmiers, mais

comment a évolué la formation des infirmiers exerçant en psychiatrie ?

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2.2 Evolution de la formation infirmière en psychiatrie

Jusqu’en 1877, il n’existe pas de formation spécifique pour les personnes travaillant auprès des

aliénés. Dans un premier temps, le personnel est constitué de « gardiens des fous4 » dont le rôle

différait peu de celui des gardiens de prison.

Puis apparaissent les « surveillants et serviteurs5 » pour diminuer le risque de contagion, car la

maladie était perçue comme contagieuse. Ils doivent faire preuve de fermeté afin de pouvoir

contenir les individus tout en faisant preuve d’humanité et de douceur. PINEL et ESQUIROL

recommandent de choisir le personnel au sein des anciens malades et des convalescents car « ils

ont appris à compatir aux maux qu’ils ont connu, ils secondent mieux les efforts du médecin et

leur exemple ranime la confiance des malades6 » en parallèle les auxiliaires apparaissent car les

médecins souhaitaient des personnes « plus intelligentes7 » pour les seconder dans la prise de

décisions.

En 1878, les premières écoles d’infirmiers des asiles ouvrent et instituent un Certificat

d’Aptitude Professionnelle ou les médecins enseignent pendant une année : l’anatomie, la

physiologie et la pathologie. C’est le début de la professionnalisation. Durant cette période, la

médecine et les traitements évoluent et nécessitent de la part des soignants une connaissance

des pathologies, des traitements et de la relation soignant/soigné. C’est le début du langage

spécialisé en psychiatrie. Le diplôme d’infirmier psychiatrique départemental est créé en 1907

et constitue la première trace règlementaire de la profession. Cette évolution permet aux

infirmiers de participer et de contribuer à la prise en charge des patients mais aussi de prendre

des initiatives. La formation n’est pas obligatoire et chaque asile peut avoir une école.

La formation va évoluer :

- En 1955, création du diplôme pour les infirmiers des hôpitaux psychiatriques après

deux années de formation car la formation devient obligatoire pour le personnel

exerçant en psychiatrie.

- En 1969, création du titre d’Infirmier de Secteur Psychiatrique (ISP).

4 Historique récupéré du site infirmier.com publié en Mars 2009 et mis à jour en Décembre 2012 : http://www.infirmiers.com/votre-carriere/votre-carriere/historique-de-la-profession-des-infirmiers-en-psychiatrie.html. 5 Idem. 6 Ibid. 7 Ibid.

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- En 1979, la formation passe à trente-trois mois avec un champ de compétences qui

se limite aux lieux d’exercice de la psychiatrie. Cette réforme marque aussi le début

d’un rapprochement avec les soins généraux car le contenu de la première année de

formation est identique.

Le diplôme d’ISP disparait suite à la création du diplôme d’état infirmier en 1992. Le diplôme

commun a mis un terme à une identité soignante spécifique alors qu’elle avait mis plus d’un

siècle à se construire. Des questions peuvent se poser comme : qu’advient-il de ce savoir ? Du

langage ? Qui le transmet ? Existe-t-il toujours ?

La formation est axée sur la polyvalence et les connaissances en psychiatrie sont intégrées à la

formation unique des futurs professionnels. Lors de cette réforme l’enseignement théorique en

psychiatrie passe de 800 heures à 400 heures et le temps de stage de 32 semaines à 12 semaines

(avec la possibilité de réaliser des stages optionnels dans cette discipline).

Avec la nouvelle réforme des études en 2009, l’enseignement théorique diminue avec 248

heures (sciences humaines, sociologie, soins relationnel et psychopathologie) ainsi que le temps

de stage qui passe à 10 semaines.

Entre ces deux réformes, le Plan Psychiatrie et Santé Mentale (PPSM) met en avant la nécessité

pour les IDE exerçant en psychiatrie un approfondissement des connaissances pour développer

des compétences spécifiques.

Le PPSM permet la mise en œuvre d’une formation complémentaire ainsi qu’un tutorat

infirmier aux nouveaux IDE exerçant en psychiatrie afin de favoriser l’adaptation à la

spécificité de la psychiatrie, de permettre la construction de leur identité professionnelle et un

processus de professionnalisation.

Un autre paramètre important vient compléter l’ensemble de ces éléments : c’est la

reconnaissance du « rôle propre infirmier » avec la loi du 31 mai 1978. Elle a permis à l’IDE

de gagner en autonomie, en prise d’initiative et de ne pas dépendre en totalité des médecins.

Le code de la santé publique précise dans l’article R4311-3 : « relèvent du rôle propre de

l'infirmier ou de l'infirmière les soins liés aux fonctions d'entretien et de continuité de la vie et

visant à compenser partiellement ou totalement un manque ou une diminution d'autonomie

d'une personne ou d'un groupe de personnes. Dans ce cadre, l'infirmier ou l'infirmière a

compétence pour prendre les initiatives et accomplir les soins qu'il juge nécessaires

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conformément aux dispositions des articles R. 4311-5 et R. 4311-6. Il identifie les besoins de la

personne, pose un diagnostic infirmier, formule des objectifs de soins, met en œuvre les actions

appropriées et les évalue. Il peut élaborer, avec la participation des membres de l'équipe

soignante, des protocoles de soins infirmiers relevant de son initiative. Il est chargé de la

conception, de l'utilisation et de la gestion du dossier de soins infirmiers.8 »

L’article R4311-6 vient compléter le rôle propre pour l’infirmier exerçant en santé mentale :

« 1° Entretien d'accueil du patient et de son entourage ;

2° Activités à visée socio thérapeutique individuelle ou de groupe ;

3° Surveillance des personnes en chambre d'isolement ;

4° Surveillance et évaluation des engagements thérapeutiques qui associent le médecin,

l'infirmier ou l'infirmière et le patient9 ».

La formation des IDE est délimitée dans le référentiel de compétence du diplôme d’Etat

infirmier (DE) dans l’arrêté du 31 juillet 2009 en vue de l’obtention du DE. Pour exercer le

métier d’IDE, le futur professionnel doit être capable de10 :

- Synthétiser les informations afin d’en assurer la traçabilité sur différents outils

(dossier de soins, résumé de soins, comptes rendus IDE, transmissions…).

- Argumenter le projet de soin et la démarche clinique lors de réunions

professionnelles et interprofessionnelles (transmissions, staff…).

- Formaliser et expliciter les éléments de sa pratique professionnelle.

- Rédiger et présenter des documents professionnels en vue d’une communication

orale et écrite.

- Choisir les outils de transmissions de l’information et en assurer la mise en place.

Tout ceci nous a permis de voir que le métier d’infirmier en psychiatrie a évolué au fil du temps,

tant au niveau du statut que dans ses missions. Le fait d’avoir un rôle propre témoigne aussi de

8 Ministère des affaires sociales et de la santé (2015). Profession infirmier. Recueil des principaux textes relatif à la formation préparant au diplôme d’Etat et à l’exercice de la profession. Berger-Levrault, p 29. 9 Idem p 199. 10 Diplôme d’Etat Infirmier – référentiel de compétences récupéré du site infirmier.com http://www.infirmiers.com/pdf/3annexe2competences.pdf

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la spécificité soignante et cela se traduit par le fait de pouvoir écrire, laisser une trace, de

communiquer afin d’être un acteur dans la prise en charge du patient.

Nous pouvons également dire que ce rôle propre est aussi une émancipation soignante. Cette

émancipation passe entre autres par la qualité des transmissions c’est-à-dire par la qualité des

arguments professionnels utilisés.

Nous pouvons aussi noter que depuis la fin du diplôme ISP et les réformes successives de la

formation IDE, il y a une baisse significative tant dans les apports théoriques que pratiques

(stages) comme abordé en amont provoquant par conséquent une diminution de la quantité et

de la qualité des savoirs car il y a moins de savoir enseigné en IFSI, moins de temps de

transmissions par le fait des organisations de travail mais aussi moins de temps de transmissions

intergénérationnelles quand une équipe se renouvelle trop vite.

Nous avons d’ailleurs pu constater que les transmissions et notamment écrites font partie de la

formation IDE en vue de l’obtention du DE.

Si les IDE sont formés aux transmissions, alors pourquoi l’absence de transmissions écrites

était-elle présente au sein du dossier patient ? Se peut-il que le manque de connaissances musèle

le professionnel qui resterait alors « interdit » quand il faut avancer un argument professionnel

pertinent ?

3. LES TRANSMISSIONS INFIRMIERES

Etymologiquement, le mot transmission vient du latin transmissio signifiant : « le trajet ou la

traversée. CICERON lui donne comme signification les liens, les rapports.11 ».

Ce mot est lié historiquement et étymologiquement au terme transmettre emprunté au latin

transmittere (francisé d’après mettre) qui signifie : « envoyer par-delà, transporter, faire

passer » complété du préfixe trans signifiant « au-delà » avec l’idée de traverser12. Ceci nous

permet de mieux appréhender le sens induit par la définition des transmissions infirmières.

11 Définition de transmission, Etymologie Français Latin Grec Sanskrit, récupérée du site le 11 Novembre 2016 https://sites.google.com/site/etymologielatingrec/home/t/transmettre-transmission 12 Définition de transmettre, CNRTL, récupérée du site le 11 Novembre 2016 http://www.cnrtl.fr/etymologie/transmettre

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Dans cette action de transmission, il y a le mot transmettre qui signifie « communiquer, faire

parvenir, donner quelque chose que l’on a reçu à quelqu’un.13 ».

Pour P. TOUZET (cadre de santé) « transmettre, c’est aussi et surtout réhabiliter une clinique

du quotidien.14 ».

L’objectif principal est d’assurer la continuité des soins du patient grâce à cet outil de

communication entre soignants. La nécessité des transmissions dans la prise en charge du

patient est de construire du soin. Elles peuvent être orales, écrites et définies comme : « les

informations orales et/ou écrites permettant à chaque membre de l’équipe soignante de

dispenser des soins infirmiers adaptés à l’évolution de l’état de santé de la personne soignée.

Elles sont indispensables à la continuité des soins.15 ».

3.1 Les transmissions écrites

Historiquement, l’écrit à longtemps été réservé au médecin dans la relation au patient mais aussi

du fait de la culture de l’oralité dans les pratiques de soin.

La professionnalisation du métier, l’instauration du rôle propre IDE et la création du dossier de

soins dans les années 70 ont contribué au développement de la pratique des transmissions écrites

IDE. L’ensemble de ces éléments concernent tout autant les soins généraux que la psychiatrie.

Au-delà de ces évolutions, les écrits IDE se sont souvent limités à la transcription d’écrits suite

aux actes prescrits par le médecin mais aussi par la difficulté qu’ont les IDE à s’approprier leur

rôle propre.

En psychiatrie, le cahier de rapport a longtemps été le support des transmissions écrites. Cet

outil permettait de recueillir l’histoire du patient, de noter le travail d’observations et d’écoute

réalisé par les soignants auprès du patient. Pour A. RIVALLAN (cadre supérieur de santé), il

s’agit d’une véritable bible qui était un lien entre les équipes, contribuait au diagnostic médical.

Cette traçabilité permettait de voir l’évolution des prises en charge mais aussi une mine clinique

13 Définition de transmission, récupérée du site L’Internaute le 11 Novembre 2016 http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/transmettre/ 14 RAHON, V. Ecriture à l’ancienne et écriture aseptisée. Soins Psychiatrie N°251. Juillet / Août 2007, p 33. 15 MAGNON, R. DECHANOZ, G. LEPESQEUX, M. (2000). Dictionnaire des soins infirmiers – 2ème éditions. AMIEC RECHERCHE, Lyon, p 335.

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ou tout soignant pouvait noter ses observations cliniques, ses ressentis, ses questionnements et

ses hypothèses16. Le cahier de rapport a ensuite pris le nom d’observations infirmières.

Dans les années 80 une nouvelle méthode d’écriture est arrivée « les transmissions ciblées »

dont Susan Lampe est à l’origine. Méthode qui révolutionne l’écrit en psychiatrie ou l’on passe

des longues proses à une écriture plus synthétique nommée Données Actions Résultats (DAR).

Cette méthode est organisée dans le but de comprendre, de mieux appréhender la personne

soignée qui est la cible et de mettre en évidence les problèmes ou risques présentés par la cible.

La finalité étant de permettre une compréhension rapide de l’état de santé du patient, de

structurer les écrits infirmiers et de garantir une traçabilité et une continuité des soins. Le risque

avec cette méthode est de ne pas avoir de transmissions écrites si le patient ne présente pas de

problème, de risque. Il y aura trace uniquement en cas de problématique. Ce type de

transmissions est basé sur de l’objectivable. Elle a donc induit une mutation et un

bouleversement dans les pratiques pour les soignants exerçant en psychiatrie du fait du travail

complexe d’observation et d’écoute et ne permet pas l’intuition, le non objectivable qui pourtant

peut avoir son importance.

L’objectif des transmissions écrites est de permettre la continuité, l’efficacité, la qualité et la

sécurité des soins donnés à la personne. Elles concernent l’ensemble de l’équipe

pluridisciplinaire qui participe à la prise en charge du patient. Elles deviennent alors un outil

essentiel de communication et de coopération dans l’intérêt de la personne soignée. Les écrits

infirmiers ont aussi une valeur d’ordre juridique lors de procédures judiciaires, administratives,

de contentieux, de demandes et/ou saisies de dossier patient : expertises, transfert de dossier

dans d’autres structures, auxquels les établissements de santé sont de plus en plus confrontés.

La loi hospitalière du 31 juillet 1991 (création du dossier patient) et celle du 4 mars 2002 (libre

accès au dossier médical) ont renforcé cet aspect juridique. Au-delà de l’obligation légale, écrire

dans le dossier patient permet à chaque soignant de justifier, de faire preuve de ses actes et de

se défendre en cas d’enquête judiciaire.

Ce travail quotidien de l’IDE auprès du patient et sa retranscription a deux intérêts : d’une part

faire exister le patient en tant que personne mais aussi valoriser le travail du soin IDE. La

difficulté pour les IDE exerçant en psychiatrie est de mettre des mots sur le travail non prescrit

qui est la relation aux malades et qui fait partie intégrante du soin. Ce travail quotidien d’écrit

16 RIVALLAN, A. Du cahier de rapport au dossier infirmier en psychiatrie. Soins Psychiatrie N°251. Juillet / Août 2007, p 25.

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15

est réalisé par les soignants pendant leur poste de travail et en fonction du lieu d’exercice

informatiquement ou pas. Il fait partie intégrante du travail quotidien des IDE exerçant en

psychiatrie mais la difficulté est de donner du sens à des actions qui ne sont pas prescrites.

Les transmissions écrites ne sont pas qu’un outil de communication mais aussi un outil de

coopération entre les différents intervenants d’un lieu de soin au bénéfice du patient. En

psychiatrie, mais aussi dans les autres disciplines, les IDE travaillent au sein d’une équipe

pluridisciplinaire. L’organisation des soins en UMD ainsi que ses acteurs de soins pourraient

être considérés, si nous portions un regard anthropologique comme une tribu fonctionnant sur

un mode tribal avec ses coutumes, son intellective partagé comme nous le suggère M.

MAFFESOLI (sociologue français).

Les transmissions écrites IDE sont de plus soumises à une obligation légale avec le décret du

17 juillet 1984 qui mentionne que l’IDE a l’obligation d’initiative et de mise en œuvre pour

élaborer le dossier de soins infirmiers17 et dont les transmissions écrites sont une des

composantes. Il constitue un outil fondamental de traçabilité, de continuité et de sécurité des

soins du patient, renforcé par la circulaire n°85 du 15 mars 1985 relative à la publication du

guide infirmier le présentant comme « un ensemble de moyens destinés à faire passer des

informations entre les différents membres de l’équipe soignante, pour assurer la continuité des

soins. Les informations écrites nous permettent de connaître, de transmettre et de conserver

une preuve des différents évènements survenus au cours de l’hospitalisation ».

De plus la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des patients et la qualité du système de santé

permet au patient le libre accès à son dossier médical. Les transmissions écrites ne sont plus à

la lecture seule des professionnels de santé mais aussi à celle du patient. Ceci induit un autre

changement culturel et des pratiques. Cette législation met aussi le soignant devant sa

responsabilité professionnelle car l’écrit devient dès lors un document légal, avec une valeur

juridique et donc l’absence de transmissions peut être perçue comme un défaut de soins et/ou

de surveillance.

17 BEAURAIN-FOY, F. Ecrire et transmettre : une question d’engagement ?. Objectif soins N°158. Août / Septembre 2007, p 21.

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16

Le cadre de santé est garant de la qualité et de la sécurité des soins. Il doit donc par son activité

permettre à son équipe de s’approprier cet outil et moyen de communication que sont les

transmissions écrites afin de garantir la qualité des soins au travers d’un discours soignant

élaboré.

Au travers de tous ces éléments, quel est le sens de ce silence d’écriture ? Que cache-t-il ? Est-

ce une rétention volontaire d’information ? Un pouvoir par le silence ? Lequel ? Le soignant

aurait-il peur de la responsabilité qu’induit la trace de son écrit dans le dossier patient ?

L’absence ou le manque de transmissions écrites serait-il le début de la fin de la parole

infirmière ?

3.2 Les transmissions orales

La tradition de l’oralité est ancrée depuis très longtemps dans la pratique infirmière. Elle est

source de communication et de partage d’information dans son quotidien.

Les transmissions orales ont pour objectif de diffuser des informations concernant la prise en

charge des patients entre soignants, d’élaborer et de partager autour du soin. Pour M.

GROSJEAN et M. LACOSTE l’oral permet d’apporter des précisions et des éclaircissements

au sujet de l’écrit. Les transmissions orales ont une fonction d’explicitation et permettent ainsi

à l’écrit de trouver sa validité pratique18. Ceci nous permet de dire qu’elles sont

complémentaires.

Le plus souvent, les transmissions orales ont lieu lors des changements d’équipe (matin, soir,

nuit) moment formalisé et programmé dans les unités de soin que l’on nomme « la relève ».

Des transmissions orales peuvent avoir lieu au cours des temps de travail entre les différents

professionnels intervenant auprès des patients. Comme pour les transmissions écrites, elles

concernent tous les acteurs du soin, mais le plus souvent dans ces temps de relèves ne sont

présent que les IDE, les aides-soignants et le cadre de santé.

Au contraire de l’écrit, les transmissions orales ne sont pas soumises à des lois, à des règles

institutionnelles. Elles ne laissent pas de trace, pour autant c’est un moment riche

d’informations et de partage. Le plus souvent, elles sont réalisées en totalité par les IDE qui

transmettent à leurs collègues prenant leur poste. Pour autant, tout soignants peut intervenir au

18 GROSJEAN, M. LACOSTE, M. L’oral et l’écrit dans les communications de travail ou les illusions de « tout écrit ». Sociologie du travail N°4/98. 1999, pp 447-448.

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cours de la relève soit pour amener des informations complémentaires, demander des précisions

ou questionner tout ceci dans l’intérêt de la prise en charge des personnes en soin.

Pour M. GROSJEAN, la place du cadre de santé dans les moments de relève est essentielle par

les informations complémentaires qu’il peut amener tant sur le patient en lui-même, sur sa

pathologie et son devenir19. Comme l’indique W. HESBEEN « la présence du cadre y est

primordiale20» et du fait de cette présence il va aider les soignants dans le choix des mots, du

vocabulaire, sur la manière d’évoquer les patients, d’élever leur réflexion, d’affiner leur regard

et donner des repères21. Ici aussi le cadre de santé est garant de la qualité et de la sécurité des

soins au travers de la parole soignante.

Dans notre constat, nous nous interrogions sur la pratique des transmissions écrites par les IDE

exerçant en UMD mais aussi comment le cadre peut-il valoriser la pratique des transmissions ?

Le cadre de santé par son rôle de garant de la qualité et de la sécurité des soins, est-il responsable

de la disparition de la parole infirmière, voire de l’argument professionnel ? Est-il responsable

de la qualité de cette même parole au travers de son management ? S’agit-il de la responsabilité

morale du manager ? Au travers de notre cheminement et réflexions nous nous posons les

questions de départ suivantes :

Quelle responsabilité pour le cadre de santé face au manque d’écrit dans les

transmissions ?

Le langage infirmier a-t-il disparu en même temps que les transmissions écrites ?

19 DARMON-TRUC, A. De la transmission orale à la qualité des soins (Travail de fin d’études – Diplôme d’Etat Infirmier). Récupéré le 31 Octobre 2016 du site infirmiers.com : http://www.infirmiers.com/pdf/tfe-infirmier-Darmon.pdf 20 HESBEEN, W (2011). Cadre de santé de proximité Un métier au cœur du soin. Elsevier Masson, Issy-les-Moulineaux, p 96. 21 Idem pp 96 – 97.

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18

PARTIE 2 : ETUDE

1. CADRE CONCEPTUEL

Suite à l’élaboration de notre question de départ, nous avons choisi d’étudier les concepts de

management, de responsabilité et de langage infirmier dans le sens d’argument professionnel.

Ils vont nous permettre d’élaborer un cadre conceptuel potentiellement modifiable en fonction

des entretiens exploratoires réalisés.

1.1 Le management

L’étymologie du terme management est construite par plusieurs sources du fait du voyage de

ce mot au cours des siècles.

Initialement il provient de l’italien «maneggiare » signifiant manier, avoir en main, faire tourner

un cheval dans un manège ; il possède une source anglicisme « manage » signifiant conduire,

s’occuper de ; quant à sa source française elle provient de «ménagère » correspondant à la

gestion du ménage, ménager22. Au travers de ces étymologies, nous pouvons voir que ce terme

montre un ancrage dans le quotidien. Il prendra une connotation de dirigeant vers la fin du 19ème

siècle.

De nombreuses définitions concernant ce terme existent. Le management peut être défini

comme « l’ensemble des processus d’organisation, de finalisation et d’animation visant une

production collective performante au regard du contexte et des organisations23 ». H.

MINTZBERG définit le management comme « un ensemble de processus par lequel ceux qui

ont la responsabilité formelle de tout ou partie de l’organisation essaient de la diriger ou du

moins de la guider dans ses activités24 ». Une autre définition le présente comme « une fonction

de pilotage dans laquelle interfèrent la planification, le contrôle, la mobilisation des ressources

et le jeu des acteurs sociaux qui composent cette organisation.25 ».

22 PACIFIC, C. Cours Ethique et management, IFCS de Toulouse le 28 Septembre 2016. 23 VALLEJO, M.C. Cours Introduction au management, IFCS de Toulouse le 24 Octobre 2016. 24 MINTZBERG, H. (1989). Le management, voyage au centre des organisations. EYROLLES, Editions d’Organisation. 25 BOUCHAUT-ROLNIN, M-E. (Février 2007). Ethique de management. Une des clés de réussite pour la qualité des soins à l’hôpital. Gestions hospitalières. N°463, p 105.

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Le management est composé de plusieurs niveaux singuliers mais qui s’articulent le plus

souvent : le management stratégique, le management intermédiaire et le management

opérationnel. Il se pratique dans 4 domaines qui sont : la stratégie, le système de pilotage et de

contrôle, l’organisation des activités et les hommes26. Il semble important de mesurer que le

management ne résulte pas uniquement à du « faire faire » mais qu’il s’exerce en animant une

équipe dans le but d’atteindre des objectifs permettant à chacun de progresser. Cela ne peut se

réaliser qu’au travers d’une proximité dans le quotidien.

Le cadre de santé, comme le précise le répertoire des métiers de la santé de la fonction publique

hospitalière, réalise un management des organisations des soins27. Le management qu’il réalise

définit les objectifs que doit atteindre son équipe. Il promeut aussi des valeurs en fonction de

ses convictions et de ses principes. Il accompagne les soignants à penser leurs soins, leurs actes,

leurs transmissions dont la finalité est de permettre une prise en charge de qualité pour le patient

mais aussi valoriser l’exercice professionnel. Cette action du cadre de santé doit s’exercer tant

de manière individuelle que collective.

Comme nous l’avions abordé dans le cadre contextuel le cadre de santé est garant de la qualité

et de la sécurité des soins. Au travers de cette action, il cherche à garantir un « prendre soin »

du patient dans sa globalité. Il doit pour cela rester en éveil face aux risques et/ou dérives et

tenter de les prévenir. Cela passe entre autres par un discours soignant élaboré au même titre

que la technique et les protocoles dont chaque soignant dispose.

Le cadre de santé par son rôle de « chef d’équipe » doit aider et accompagner les soignants :

dans la compréhension de leur mission en donnant du sens, à se situer au sein de l’équipe et

favoriser l’implication dans la vie de l’unité. Tout ceci afin de permettre une prise en charge de

qualité et accomplie des personnes prises en charge. Nous avions aussi noté que la présence du

cadre de santé pendant la relève était essentielle et permettait in fine de concourir à la qualité et

sécurité des soins. Par sa présence lors de ces moments, il régule les échanges, veille à

l’utilisation d’un vocabulaire professionnel et aide à la réflexion autour du soin.

26 VALLEJO, M.C. Cours Introduction au management, IFCS de Toulouse le 24 Octobre 2016. 27 Le répertoire des métiers de la santé et de l’autonomie. Fonction publique Hospitalière, récupérée du site le 18 Novembre 2016 : http://www.metiers-fonctionpubliquehospitaliere.sante.gouv.fr/spip.php?page=fiche-metier&idmet=27

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Comme nous avons pu le voir au travers des différents paradigmes, ainsi que dans les principes

énoncés dans le répertoire des métiers traitant de l’accompagnement des équipes, nous allons

tenter d’explorer la présence d’un lien entre ce rôle et cette responsabilité d’accompagnement

des soignants. Mais aussi de voir s’il s’étend à la promotion d’un langage IDE à travers la

qualité des transmissions écrites.

1.2 La Responsabilité

Une de nos questions de départ mais aussi le concept que nous venons de traiter nous conduisent

à cette notion de responsabilité et plus particulièrement à celle du cadre de santé. Nous allons

maintenant tenter d’éclairer cette notion au travers de deux axes : la responsabilité juridique et

la responsabilité morale.

Etymologiquement, responsabilité vient du latin « respondere » signifiant : se porter garant,

répondre de ; et qui s’apparente à « sponsio » signifiant : engagement solennel, promesse,

assurance28. Ce nom commun confère une « obligation de répondre de ses actions ou

de celles des autres, d’être garant de quelque chose29 ».

La responsabilité juridique renvoie à des notions de droit qui concerne tout individu. Le code

civil dans l’article 1382 traite de l’obligation de réparer une faute causée à autrui « Tout fait

quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est

arrivé, à le réparer.30 » Les conséquences de ses actes devront alors être assumées soit devant

une juridiction ou une autorité hiérarchique.

La responsabilité du cadre de santé s’exerce dans différents domaines : les moyens matériels,

les moyens humains, l’organisation, le droit des patients et le dossier de soins. De ce fait,

plusieurs responsabilités juridiques peuvent être engagées et concerner le cadre de santé :

- La responsabilité civile ou administrative : elle nécessite trois éléments pour être

engagée : une faute, un préjudice et un lien de causalité.

- La responsabilité pénale : elle nécessite un élément légal, un élément matériel et un

élément moral correspondant à la conscience de la faute.

28 Définition de responsabilité, récupérée du site La Toupie le 20 Novembre 2016 : http://www.toupie.org/Dictionnaire/Responsabilite.htm 29 Extrait récupéré le 20 Novembre 2016 du site : https://fr.wiktionary.org/wiki/responsabilit%C3%A9 30 Extrait récupéré le 22 Novembre 2016 du site : http://mafr.fr/fr/article/1382/

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- La responsabilité disciplinaire : elle dépend de la compétence de l’employeur et

obéit à des règles en lien avec le statut notamment pour les fonctionnaires ou au code

du travail pour les agents du privé31.

Sa responsabilité est engagée de manière directe, si il est à l’origine de la faute ou infraction,

mais aussi de manière indirecte si commis par un agent sous sa responsabilité.

De par sa fonction et garant de la qualité des soins, la responsabilité morale du cadre de santé

est convoquée du fait « de rechercher le bien des bénéficiaires à travers la meilleure conduite

professionnelle.32 ».

La morale est définit comme « un ensemble de règles de conduites, considérées comme bonne

de façon absolue et découlant d’une certaine conception de la vie. Science du bien et du mal,

théorie des comportements humains, en tant qu’ils sont régis par des principes éthiques.33 ».

Son origine étymologique vient du latin « moralis » que CICERON a traduit du grec « ta

èthica » signifiant morale34. Ce terme d’origine grecque est issu de « éthos » qui signifie la

coutume, manière de vivre, habitudes, praxis et « èthos » exprimant le caractère, mœurs, état

d’esprit35.

Comme nous pouvons le constater, la morale et l’éthique sont étroitement liées, associées. La

morale est une notion qui est figée, s’imposant à tous, ne s’interroge pas. Elle pose les règles

de vie, détermine ce qui est bon ou mauvais pour permettre au groupe de vivre ensemble.

L’éthique est de l’ordre de l’individuel et concerne l’homme. Elle est en mouvement et

interroge les principes de la morale pour élaborer des actions visant le bien en soi36. Pour

ARISTOTE (philosophe grec), l’éthique « signifie à l’origine les mœurs, la manière d’être

habituelle qui caractérise un homme ou, plus précisément, les rapports qu’un homme entretient

31 PONTE, C. Pratiques professionnelles – La responsabilité du cadre de santé. Soins cadres de santé N° 64. Novembre 2007, p 25 32 DURAN, B. DESPLEBIN, M. Fonction cadre de santé infirmier et responsabilité éthique. Soins Cadres N°33. 1er trimestre 2000, p 36. 33 Définition de morale, récupérée du site Larousse le 26 Novembre 2016 : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/morale/52564 34 Etymologie récupérée le 26 Novembre 2016 du site : http://www.universalis.fr/encyclopedie/morale/ 35 PACIFIC, C. Cours Ethique et management, IFCS de Toulouse le 28 Septembre 2016. 36 Idem

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22

avec soi-même et avec les hommes qui l’entourent 37». Cette définition appuie l’idée que la

morale et l’éthique s’unissent.

Nous pouvons ainsi distinguer deux types de responsabilité morale. La première est

individuelle : elle correspond au fait de penser pour soi mais aussi pour les autres. Cela exige

un travail pensé autour de la morale mais aussi de prendre en compte autrui comme faisant

partie de soi-même. La deuxième est collective : elle correspond au fait de penser au bien

commun. Elle réside dans l’attention des comportements humains et permet ainsi d’assurer leur

propre pérennité38. La présence de l’individuel et du collectif est source de responsabilités

morales individuelles et de responsabilités morales collectives. Souvent l’individuel est fragile,

désarmé face à la réflexivité du collectif. Tout le travail du cadre de santé réside dans

l’accompagnement de l’équipe d’une éthique de conviction (individuelle) à une éthique de

responsabilité (collective).

Le cadre de santé doit :

- Tenter de conserver une position d’autoréflexion pour préserver le respect des

personnes, de l’équipe et de lui-même.

- Veiller à une éthique de la parole, de l’écrit in fine des transmissions dans lesquelles

le jugement n’est pas autorisé mais avec une préoccupation de tous les instants pour

une information objective.

Ainsi le manager incite à la réflexion et à la prise de conscience des personnes en équipe

pluridisciplinaire afin de permettre à chaque professionnel de considérer et penser son action et

voir si elle est de qualité pour le patient39. Pour cela, il devra promouvoir des valeurs issues de

ses convictions et principes. Pour autant, il doit se questionner, se méfier de ses propres

convictions avant de les appliquer, les transmettre comme vérité auprès de son équipe. Il devra

aussi réaliser un travail sur lui-même et concourir à une réflexion collective afin de passer d’une

éthique de conviction à une éthique de responsabilité. Cette responsabilité s’exerce au

quotidien, en proximité, dans les actes de soins et dans la parole soignante.

37 ARISTOTE. (1992). Ethique à Nicomaque. Paris : Le livre de poche. Collection les classiques de la Philosophie, p 17. 38 BOUCHAUT-ROLNIN, M-E. (Février 2007). Ethique de management. Une des clés de réussite pour la qualité des soins à l’hôpital. Gestions hospitalières. N°463, p 106. 39 DURAN, B. DESPLEBIN, M. Fonction cadre de santé infirmier et responsabilité éthique. Soins Cadres N°33. 1er trimestre 2000, p 39.

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Nous pouvons ainsi voir que la complémentarité de la responsabilité morale collective du

manager associée à celle de l’équipe soignante vise un but commun qui est de concourir au bien

de tous dont celle du patient.

Comme nous avons pu le voir précédemment, la pratique soignante interroge la responsabilité

tant juridique que morale. Le risque en communiquant des valeurs personnelles de mauvaise

« qualité » impose au cadre de santé de prendre conscience de son effet d’exemple, de modèle

face à son équipe. Pour cela, il doit être habité d’une responsabilité morale qui l’incite à vérifier

que ses convictions individuelles puissent être transférées en éthique collective. Pour ce faire,

il peut s’investir dans un travail objectif dépassant l’unité de soin ou il exerce mais être aidé par

une dynamique de pôle voire même institutionnelle. La présence de groupe, d’instance éthique

peut alors être une base dans la transmission d’un langage commun, élaboré et reconnu. Nous

allons alors tenter de voir en quoi le langage IDE permet de faire exister les transmissions écrites

en parcourant le concept d’argument professionnel.

1.3 L’argument professionnel infirmier

Etymologiquement, le terme d’argument vient du latin « argumentum » qui signifie : une

preuve, un raisonnement qui permet de démontrer ou d’appuyer une affirmation, un fait ou une

proposition.40.

Ce mécanisme argumentatif a été fondé il y a plusieurs siècles par ARISTOTE au travers de la

rhétorique. La rhétorique se définit comme : « Technique du discours, ensemble de règles, de

procédés constituant l'art de bien parler, de l'éloquence. Ensemble des moyens d'expression,

des procédés stylistiques propres à une personne ou à un groupe de personnes.41 ». Elle

comprend trois éléments essentiels qui vont permettre de construire un argument42 :

- L’éthos : la fin recherchée est de viser le bien.

- Le pathos : l’empathie avec l’interlocuteur.

40 Définition d’argument, récupérée du site La Toupie le 1er Décembre 2016 : http://www.toupie.org/Dictionnaire/Argument.htm 41 Définition de rhétorique, récupérée du site CNRTL le 1er Décembre 2016 : http://www.cnrtl.fr/definition/rh%C3%A9torique 42 PACIFIC, C. L’argument infirmier peut-il exister par lui-même ? Récupéré du site infirmiers.com le 25 Octobre 2016 : http://www.infirmiers.com/profession-infirmiere/ethique-et-soins/argument-infirmier-peut-il-exister-par-lui-meme.html

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- Le kaïros : le choix du bon moment, le moment opportun pour déposer, transmettre

au mieux l’argument.

L’argument professionnel peut alors être pensé comme la capacité à savoir combiner l’éthos, le

pathos et le kaïros pour permettre d’ancrer et fonder un discours professionnel.

Pour C. PERELMAN (philosophe), la rhétorique est un mode de communication, de pensée

courant et fondamental. Pour lui « l’argumentation est une forme de raisonnement sans laquelle

la vie de l’esprit et l’établissement d’une communauté humaine se relèvent impossible.43 ».

Nous pouvons ainsi voir que l’argument ne donne pas de preuve catégorique mais conduit à la

pertinence dans le discours. Elle permet « de défendre, d’utiliser ou de contester des valeurs

qui unissent ou opposent les individus. 44 ». Ce moyen discursif doit être distingué du sophisme

qui présente dans un premier temps un raisonnement logique qui au bout du compte ne l’est

pas. Le sophisme ne prend pas en compte l’éthos. Son seul but est de convaincre avec une

manipulation du langage sans éthique.

L’argument est partout, bien au-delà de ses applications classiques (sciences humaines,

littérature, justice…) et concerne tout un chacun quel que soit son lieu d’exercice du fait du

rapport entre les personnes. Pour autant, l’argument peut ne pas disposer d’éthique donc être

sans éthos. La rhétorique dispose de façon incontournable de l’éthos en opposition au sophisme,

à la démagogie et à la manipulation oratoire qui n’en disposent pas. L’enseignement de cette

rhétorique chez le soignant conduirait à la construction d’un discours professionnel,

responsable et éthique.

Si on se base d’un point de vue anthropologique, les infirmiers exerçant en UMD peuvent être

perçus comme une tribu avec ses rites, son langage ce qui contribue à la formation d’un

microgroupe social dont l’expression du « nous » fait naître un fort sentiment d’appartenance

collectif45. Elle partage un territoire (réel ou symbolique) avec d’autres professionnels. Ceci

entraine des rituels du groupe au travers du quotidien, de la répétition et instaure un sentiment

de sécurité dont la vocation est de conforter le sentiment d’appartenance du groupe à lui-même.

43 WEINBERG. A. (Novembre 2009). Aux sources de l’éloquence. Sciences Humaines. N° 209, p 33. 44 MEYER, C. (2009). Nous sommes tous des rhétoriciens. Sciences Humaines. N°209, p 46. 45 MAFFESOLI, M (2000). Le temps des tribus. La table ronde, p 26.

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25

Ainsi les rituels et le sentiment d’appartenance vont faire émerger une « forme de vivre

ensemble » qui va être « le ciment » si l’action du groupe est respectable.

Ce terme éthique doit être pris dans le sens ou le groupe a des habitudes et non dans son sens

noble et théorisé. M. MAFFESOLI met-en en évidence le terme de coutume ou d’habitus qui

fait écho à la vie de tous les jours et ainsi elle régit la vie sociale du groupe et de fait son

quotidien. D’un point de vue étymologique, le terme coutume vient du latin « consuetudo »

exprimant « l’ensemble des usages communs qui permet qu’un ensemble social se reconnaisse

pour ce qu’il est46 ». Dans la majorité des cas la coutume n’est pas énoncée mais elle fonde le

groupe et lui permet d’exister. M. MAFFESOLI appréhende la coutume comme un fait culturel

qu’il nomme l’aura (culture informelle) et qui va être à l’origine de valeurs qui peuvent être

étonnantes et/ou choquantes47. Le temps des transmissions est un moment où le groupe se

construit (tribu) ainsi que les rituels, le langage spécifique, les coutumes que l’on peut voir dans

les transmissions écrites. S’il existe des problématiques au sein des transmissions orales, elles

vont aussi apparaitre dans les transmissions écrites. Lors de ces temps d’échange il est important

d’utiliser un vocabulaire professionnel pour éviter de laisser place à l’interprétation qui induit

le risque de ne pas se comprendre au détriment du patient. L’autre risque est la non sauvegarde

de la parole infirmière et le retour du rôle d’auxiliaire du médecin.

En conséquence les transmissions écrites peuvent montrer les coutumes, les rituels rhétoriques

qu’ont les IDE au sein d’une équipe pluridisciplinaire dans une unité de soin le temps des

transmissions.

Le cadre de santé lui aussi possède une rhétorique qui se construit autour de son éthique, de son

parcours professionnel, des relations avec autrui, de son management. Tout l’art de sa mission

est soit de développer, de construire ou de faire vivre un argument rhétorique professionnel mais

aussi responsable.

46 Idem p 46 47 Idem p 50

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26

2. ENQUETE EXPLORATOIRE

Après avoir traité plusieurs concepts, nous avons choisi de réaliser une enquête exploratoire

afin de servir notre cadre théorique et d’expérimenter notre grille d’entretien pour réaliser

d’éventuelles corrections. Pour cela, nous avons réalisé deux entretiens semi-directifs auprès

de deux cadres de santé exerçant en psychiatrie, domaine dans lequel nous comptons réaliser

notre enquête de terrain. Notre grille d’entretien est consultable en annexe 1.

Les règles de confidentialités ont été précisées avant chaque entretien. Nous avons, avec

l’accord de nos interlocuteurs, enregistrés les entretiens qui seront par la suite effacés dès la

retranscription. La discussion s’est parfois prolongée une fois l’enregistrement arrêté, nous

laissant ainsi supposer l’intérêt des cadres de parler du sujet des transmissions.

Nous proposons à présent d’effectuer l’analyse de ces entretiens afin d’avoir un début de piste

de réflexion. Nous conduirons notre analyse en abordant les différentes thématiques de notre

grille d’entretien et des questions qui s’y rapportent pour faciliter la compréhension. Afin

d’amener une meilleure lisibilité et différencier le discours des deux cadres de santé

interviewés, nous proposons de nommer le cadre du premier entretien : C1 et le deuxième : C2.

2.1 L’analyse

Le premier thème aborde LES TRANSMISSIONS : Quels types de transmissions utilisez-

vous dans votre unité ? Utilisez-vous un modèle de transmissions écrites ? Est-il adapté à votre unité ? Le vocabulaire utilisé est-il dédié à la discipline, à l’unité ?

L’objectif est de repérer quelles sont les transmissions utilisées, sont-elles spécifiques et quelle place tiennent elles. Mais aussi de voir le positionnement et la représentation managériale.

Les deux cadres de santé distinguent deux types de transmissions : écrites et orales au sein de

leurs unités. Pour les transmissions écrites, elles spécifient qu’elles sont réalisées par le biais de

DAR (Données Actions résultats). En ce qui concerne les transmissions orales, elles font part

des temps de relèves qui rythment la journée. C2 évoque même « une grosse culture de l’oralité

en psychiatrie ». Toutes les deux évoquent un support supplémentaire au sein de leur unité,

qu’elles nomment de la même façon « feuille de relève ». Toutes les deux ont un regard critique

sur ce support, pour C1 « elles griffonnent du recopiages d’info….l’impression de tout cela »

et pour C2 « écrivent des fois trop de choses, des fois pas assez ». C2 relève aussi que lors de

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grands moments formalisés dans la semaine comme les réunions hebdomadaires, les IDE

prennent des notes sur « un cahier mais tout n’est pas retranscrit dans les dossiers ».

Les deux cadres annoncent que dans leurs unités, le modèle utilisé au niveau des transmissions

écrites est celui des transmissions ciblées avec le DAR. Toutes les deux disent avoir une

connaissance générale et minimale de son mode d’utilisation. Pour C1, ce modèle n’est pas

utilisé de manière optimale et pense que s’il y avait des cibles spécifiques à la psychiatrie,

l’utilisation serait optimisée. C2 expose le fait que les équipes ne s’en plaignent pas et se sont

appropriées l’outil. En même temps, C2 s’interroge si les cibles écrites sont celles attendues par

l’institution.

Quand on interroge les deux cadres si le vocabulaire utilisé est dédié à la discipline, C1 ne

donne pas de réponse affirmative alors que C2 dit que « globalement il est dédié ».

C1 et C2 expriment que cela dépend des personnes. Elles pointent qu’il y a des écrits très

professionnels, précis, avec une attention portée au vocabulaire pour parler de la

symptomatologie. C1 met en avant que les soignants « qui réalisent des transmissions

imprécises à l’oral le feront à l’écrit » et C2 expose le facteur personnel du soignant « histoire

de curiosité, de développement personnel ».

Les deux types de transmissions sont utilisés mais la place des transmissions orales s’avère plus

importante. L’utilisation des DAR semble complexe et pas totalement en adéquation avec la

discipline.

Les cadres de santé ont une connaissance générale de ce moyen de communication. Les cadres

ont une analyse critique des transmissions écrites au sein de leurs unités, notamment avec la

feuille de relève qu’ils font perdurer pour autant.

De leur analyse, ressort que la qualité des transmissions est liée à l’individu qui la pratique et

donc ne correspond à aucun schéma constructiviste.

Il semble alors possible que les transmissions ciblées font œuvre d’archétype en termes de

modèle. Modèle qui semble se déliter au fil des personnes qui transmettent une parole comme

ils pensent devoir le faire c’est-à-dire sans repère de méthode, d’évaluation en ce qui concerne

la qualité des résultats.

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Les cadres identifient simplement la qualité du vocabulaire comme dépendante des individus.

Ce constat nous laisse penser qu’une telle identification traduit une insuffisance sans pour

autant déclencher chez le cadre de santé un seuil de priorité pour y amener des mesures

correctives.

Le deuxième thème aborde le ROLE DU CADRE DE SANTE avec comme objectif d’investir l’implication du cadre dans les transmissions écrites et orales et voir son

incidence.

Lisez-vous les transmissions écrites de l’équipe ? Si oui dans quel but ? Y-a-t-il parfois des

retours réflexifs en équipe sur les transmissions écrites ? Si non pour quelles raisons ?

A la première question, nous pouvons constater une différence entre les deux cadres interrogés,

en effet C1 lit les transmissions écrites alors que C2 « pas assez à mon sens ». C1 invoque

qu’elle lit les transmissions afin d’évaluer si lorsque les infirmiers parlent d’un patient aux

transmissions orales ils ont été en capacité d’écrire à son sujet. Elle relève que « souvent pas le

cas », et permet aussi de voir que certains patients ne bénéficient pas d’écrits pendant plusieurs

jours si il n’y pas de problématique.

C1, s’interroge sur le fait qu’il y ait de nombreux temps de relèves et cela influence peut-être

sur la réalisation de transmissions écrites. Elle pointe aussi que la feuille de relève comme

support écrit fait défaut aux transmissions écrites. C2, invoque le fait que depuis qu’elle est

arrivée dans l’unité elle a eu de gros projets à mener, pour autant elle dit que c’est une

problématique qu’elle doit travailler.

C1 et C2 ne réalisent pas de retours réflexifs dans leur unité. C2 exprime de travailler la

réflexivité plutôt lors des temps de transmissions orales alors que C1 n’aborde ce sujet que suite

aux audits dossiers patients.

A la question : « Pensez-vous que votre lecture ou non lecture agisse sur l’élaboration des

transmissions écrites ? », les deux professionnelles répondent oui. C1 pense que si elle était

« plus incisive systématiquement sur le manque d’écrit » au fur et à mesure cela entraînerait

une « émulation ». C2 pense que si elle leur pointe ce qui est écrit, les soignants le prennent en

compte.

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La lecture des transmissions écrites n’est pas investie de la même manière par les deux cadres

de santé. L’une l’utilise comme un moment d’évaluation et pointe des éléments qui peuvent

influer sur les écrits tandis que pour l’autre ce temps n’est pas encore investi.

Toutes les deux, ne réalisent pas de retours réflexifs sur les écrits. Pour autant, elles pensent

que leur lecture a un impact sur les écrits professionnels. De ce fait, il semble que la parole

infirmière, l’argument professionnel se perdent à mesure que la profession essaie d’exister par

elle-même (paradoxe qui mérite d’être exploré dans les entretiens suivants).

Nous pouvons ici traduire une forme de culpabilité dans ce qui est verbalisé par les cadres de

santé: elles semblent conscientes de leur influence sur la qualité des transmissions mais

n’investissent pas cette problématique. Nous pouvons en déduire qu’elles ne représentent pas

pour elles une priorité.

Etes-vous présente aux relèves ? Si oui, quel est votre rôle ? Si non, pourquoi ?

Il existe une différence entre les deux cadres de santé. C1 assiste « systématiquement », elle

perçoit son rôle comme quelqu’un qui permet de réguler, de donner des précisions

d’information concernant les patients en lien avec le fait qu’elle soit présente sur la semaine.

Pour C2, elle exprime le fait d’y être le plus « souvent possible mais certainement pas assez »

et privilégie celle du matin avec le médecin et tente 1 à 2 fois par semaine d’être présente à la

relève inter-équipe de 13 heures.

A la question : « Pensez-vous que votre présence ou absence agisse sur la qualité de la parole IDE ? »

Les deux professionnelles se retrouvent sur l’impact de la présence du cadre lors des

transmissions orales mais les raisons ne sont pas les mêmes. Pour C1, elle met en lien son

influence avec l’autonomie des soignants. C2 pense que sa présence influe sur les transmissions

car « devant le cadre ils ne disent pas exactement les mêmes choses qu’entre eux ». Pour cette

dernière c’est un moment intéressant qui permet de comprendre ce que vit l’équipe. A ce sujet

elle dit avoir « une culture managériale d’acceptation de l’émotion ».

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L’implication et la présence du cadre de santé peut influencer les transmissions tant orales

qu’écrites mais aussi en fonction des objectifs et du rôle attribué à ce moment professionnel.

Pour C1 l’autonomie soignante est questionnée alors que pour C2 cela permet de mieux

appréhender les émotions et le vécu de l’équipe.

La question de la qualité des transmissions n’est pas abordée.

La fonction « contrôle » du cadre de santé semble primer sur l’objectif du contrôle c’est-à-dire

à savoir la qualité des transmissions.

Le troisième thème aborde L’EVALUATION DES TRANSMISSIONS avec pour objectif

d’investiguer la représentation des cadres de santé sur la qualité des transmissions et voir si le langage spécifique perdure ou n’est pas présent. L’autre objectif est d’observer si le

cadre de santé nourrit ou pas le langage spécifique et comment.

Pour vous les transmissions orales et écrites de votre unité sont-elles de bonne ou mauvaise

qualité ? Le vocabulaire professionnel est-il utilisé ou pas utilisé ?

Pour C1, les transmissions sont de mauvaise qualité tant pour l’oral que l’écrit et donne des

explications différentes : pour l’écrit c’est « qu’il n’y a pas suffisamment » et pour l’oral cela

est lié au fait que les soignants s’attardent sur des détails qui selon elle, n’ont pas d’importance.

C2, ne donne pas de réponse générale. Pour elle, les transmissions orales sont de mauvaise

qualité dès lors qu’elles ne sont pas « factuelles » et si le soignant et/ou l’équipe « digresse »

sur un ressenti et quand « ils perdent du temps ou qu’ils cristallisent sur des choses que l’on

pourrait travailler en parallèle ». Elle met en avant que lorsque les soignants réalisent des

transmissions aux médecins, ils sont plus attentifs et ont tendance à être dans un questionnement

réflexif plus que dans une critique non constructive. Pour elle le rôle du cadre de santé est de

transformer leur ressenti en questionnement.

Pour les cadres, le vocabulaire professionnel est globalement utilisé. Pour elles, la qualité et

l’utilisation du vocabulaire professionnel dépend de la personne : « personne dépendant ».

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A la question : « Quel est le vocabulaire, champ lexical dédié à votre unité ? L’utilisez-vous

(de 0 à 10) ? Votre équipe l’utilise-t-il (de 0 à 10) ? »

Les deux cadres de santé ont repéré, connaissent et sont en capacité de donner des exemples du

champ lexical dédié à leur discipline. C1 s’évalue à 5 dans son utilisation au quotidien alors

que C2 s’évalue à 8. L’écart entre les deux peut se trouver dans le fait que C1 n’a pas exercé en

tant qu’IDE en psychiatrie avant d’y exercer en tant que cadre de santé alors que C2 a exercé

pendant plusieurs années en psychiatrie avant d’y exercer cette fonction Elles ont tout de même

une évaluation quasi-similaire de leur équipe : C1 évalue à 5/6 et C2 à 6.

Quand on leur pose la question « le vocabulaire dédié doit-il se conformer au vocabulaire

purement médical ou doit-il s’agrémenter, se compléter d’un vocabulaire soignant ? ».

C1 met en avant au travers de cette question le fait que la richesse des transmissions vient du

fait que chaque soignant soit en capacité d’amener des éléments concernant un patient « même

si le vocabulaire pourrait ne pas sembler être un vocabulaire très professionnel ». C2, expose

que le vocabulaire dédié ne doit pas être soumis totalement au vocabulaire médical et peut-être

agrémenter d’un vocabulaire IDE « du moment où il est factuel et non sur du ressenti ». Pour

cela l’IDE doit être en capacité selon elle de traduire ses ressentis en questionnements et non

en affirmations, elle expose que ceci nécessite « du temps ».

Au travers de ces questions, nous pouvons voir que le champ lexical est connu et repéré par les

cadres de santé.

L’évaluation est globale, comprend là aussi une notion de « personne dépendant » mais aussi

en fonction de l’interlocuteur.

La terminologie est prise en compte, semble présente. Les deux cadres exposent le fait que le

vocabulaire soignant infirmier a toute sa place dans les transmissions avec une fonction de

complémentarité.

Quand on interroge les cadres de santé sur « Comment évaluez-vous le langage de votre

équipe ? Vous diriez qu’il est familier, médiocre, élaboré, brillant ? Avez-vous des outils pour l’évaluer ? »

C1 évalue le langage utilisé entre professionnel (item qui n’était pas proposé) et élaboré « a

minima », ni familier ni médiocre car cela renvoie quelque chose de trop négatif et « ne le pense

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pas » dixit. Pour C2, il est familier et élaboré. Elle met en avant la notion de familier car évalue

que son équipe « est un peu trop dans la proximité affective avec les patients » et « tutoie et les

appelle par leur prénom ». Pour elle le positionnement que le soignant peut avoir vis-à-vis du

patient génère un vocabulaire particulier.

Les deux cadres disent ne pas disposer d’outils leur permettant d’évaluer les transmissions.

Nous constatons que les deux cadres établissent une évaluation similaire du langage IDE dans

leur unité de soin : élaboré. C2 amène l’élément du positionnement soignant comme facteur

influençant le vocabulaire IDE.

Pour les deux, l’évaluation repose uniquement sur leurs perceptions, ressentis et observations.

Au travers de ces questions, nous n’avons pas pu explorer si le cadre nourrissait ou pas le

langage spécifique.

Cela nous amène à nous questionner sur le rôle du cadre de santé en tant que personne garante

de la qualité et sécurité des soins mais aussi sur la non priorité de l’objectif de contrôle de la

qualité des transmissions.

Le dernier thème aborde L’EVOLUTION DU DISCOURS SOIGNANT. Le premier objectif était de voir s’il y a eu une évolution ou pas du langage et s’il diminue en même

temps que les transmissions écrites. Mais aussi d’en explorer les causes et les conséquences.

Avez-vous constaté une évolution du langage IDE tant dans les transmissions écrites que orales ? Avez-vous une explication par rapport à cette évolution ? Quelles en sont pour

vous les conséquences ?

Pour C1, il n’y « pas d’évolution dans le temps » mais plus liée aux soignants présents dans

l’unité. Pour cette dernière le niveau est « médiocre » si l’équipe est composée de soignants

novices ou sans culture psychiatrique. Pour elle le niveau évolue dès lors que l’équipe est

constituée de soignants avec de « l’expérience, de la bouteille » et complète ses éléments de

réponse avec le fait que le vocabulaire professionnel « ne s’acquiert pas à l’IFSI ». Pour C1,

l’explication de l’évolution des transmissions est à mettre en lien avec l’expérience

professionnelle.

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Pour C2, l’évolution du langage est variable en fonction de « la curiosité professionnelle » des

personnes mais aussi en fonction des services de soins dans lesquels le soignant est amené à

exercer : « aux urgences psychiatriques, il faut être hyper concis, et mettre l’essentiel et

beaucoup de vocabulaire médical pour être compris de suite par les médecins ». C2 expose

aussi le fait que les discussions avec les médecins, la lecture d’articles, la remise en question

vont être d’autres éléments permettant de faire évoluer le langage IDE tant dans les

transmissions écrites que orales.

Quand nous interrogeons les deux cadres sur les conséquences, C1 expose plusieurs

conséquences : amélioration de la qualité et prise en charge des patients, un discours plus adapté

et cohérent, une meilleure collaboration avec l’équipe médicale, un discours construit et

professionnel envers les familles des patients. C2 expose comme seule conséquence « la

crédibilité aux yeux des médecins ».

Nous constatons aux travers de ces questions que les deux cadres de santé n’ont pas explicité

les mêmes éléments dans l’évolution du langage IDE. Pour C1, l’évolution est liée à

l’expérience professionnelle et les années de culture psychiatrique que le soignant dispose

tandis que C2 le lie à la curiosité professionnelle du soignant mais aussi en fonction du lieu

d’exercice.

Il en est de même en ce qui concerne les conséquences de cette évolution. Nous pouvons

constater que pour C1 expose comme conséquence une amélioration de la qualité et de la prise

en charge et un discours professionnel adapté, construit et cohérent ; alors que C2 n’expose que

l’élément de crédibilité envers les équipes médicales.

Pour autant, nous n’avons pas pu avoir d’éléments nous permettant de voir si l’évolution du

langage avait un impact sur la diminution des transmissions écrites.

Dans ce même thème nous avons élaboré un deuxième objectif qui avait pour but :

d’explorer les outils promoteurs de l’argument soignant, quels leviers le cadre de santé

utilise-t-il ; d’explorer les freins au développement du langage soignant.

Pensez-vous qu’un indicateur mesurant la qualité des transmissions écrites serait utile à votre unité ? Si oui, lequel ? Pensez-vous qu’une rhétorique IDE spécialisée serait utile

dans le champ de la psychiatrie ? Comment le promouvoir ?

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Les deux cadres de santé interrogés répondent oui à un indicateur mesurant la qualité des

transmissions écrites mais n’ont pas d’indicateurs types. C1 propose comme solution d’établir

une liste de cibles prévalentes spécifiques au champ de la psychiatrie. C2 expose qu’une

transmission écrite de qualité comprend plusieurs indicateurs « la clarté, la concision et la

précision » avec une capacité de distanciation de l’IDE.

En ce qui concerne la rhétorique, C2 pense qu’il en existe déjà une en psychiatrie « il y a des

choses que l’on écrit en psychiatrie que l’on ne voit pas dans les autres services » alors que C1

pense qu’une rhétorique spécifique au champ de la psychiatrie serait nécessaire.

Pour promouvoir l’argument soignant, les cadres n’exposent pas les mêmes outils de

promotion. Pour C1, cela passe par des formations mais aussi par l’action et le suivi des cadres

de santé en ce qui concerne le sujet des transmissions. C1 amène la question de la légitimité

dans ce rôle de garant de l’argument professionnel. Pour C2, promouvoir l’écrit doit passer par

le repérage des actes importants en psychiatrie avec au minimum l’entretien infirmier formalisé

qui est un acte professionnel IDE en psychiatrie. Elle met en avant aussi la culture de l’oralité

dans le champ de la psychiatrie mais aussi le fait que « les médecins ne lisent pas beaucoup les

transmissions IDE ».

Un indicateur qui mesurerait la qualité des transmissions écrites semblerait utile selon les cadres

de santé.

Cette réflexion autour d’un indicateur type, nous a permis de mettre certains éléments en

évidences comme : des cibles prévalentes propres au champ de la psychiatrie, des critères de

qualité spécifiques aux écrits mais aussi la notion de distanciation soignante.

La notion d’argument professionnel n’est pas perçue de la même manière en fonction des cadres

mais aussi dans la manière de le promouvoir.

Nous avons pu repérer certains freins dans le développement de l’argument professionnel : la

culture de l’oralité, la non lecture des transmissions par certains acteurs du soin et la légitimité

du cadre de santé.

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2.2 La synthèse

L’analyse de nos entretiens exploratoires, nous a permis de mettre en axiome plusieurs points

que nous allons tenter de synthétiser.

Dans un premier temps, nous avons pu constater que le modèle des transmissions ciblées ne

s’avère pas être un modèle idéal dans le champ de la psychiatrie. Nous avons pu repérer que

pour les cadres de santé, la qualité des transmissions est essentiellement liée au soignant qui la

pratique plus qu’au modèle utilisé. Ce mode de pensée des cadres ne serait-il pas une manière

de mettre en deuxième plan l’utilisation d’un vocabulaire propre à la discipline ? En même

temps, nous avons constaté qu’il existe des supports annexes utilisés pour les transmissions

orales. Cela nous amène à nous interroger sur la non optimisation du support officiel mais aussi

pourquoi ces supports concourant à la transmission de la parole IDE ne se retrouvent pas dans

le dossier patient qui est le support officiel.

Ensuite nous avons pu mettre en évidence que les cadres de santé ne s’impliquent pas de la

même façon tant dans les transmissions écrites que orales. Pour autant nous avons pu déchiffrer

une forme de culpabilité dans leurs propos. Ils semblent lucides de leur influence en ce qui

concerne la qualité des transmissions pour autant ils n’investissent pas cette problématique.

Finalement nous pouvons en déduire qu’elles ne représentent pas une priorité dans leur pratique.

Cela nous amène à nous interroger sur la responsabilité du cadre de santé concernant le manque

d’écrit professionnel alors que la profession tente depuis plusieurs années d’exister par elle-

même.

Dans notre analyse, nous avons pu constater que les cadres ont une connaissance du champ

lexical dédié de la discipline dans laquelle ils exercent. Pour eux, le vocabulaire professionnel

est globalement utilisé par les soignants. Mais il est apparu que son utilisation dépendait d’une

part de la personne mais aussi de l’interlocuteur notamment avec les médecins. Donc nous

pouvons nous questionner sur : pourquoi face aux médecins, les IDE utilisent un langage

professionnel plus élaboré, plus réflexif pour agir en professionnel contrairement avec leurs

pairs ? L’utilité de partager un langage élaboré, construit ne parait pas profitable, ni nécessaire ?

Nous pouvons ainsi nous questionner si il n’y aurait pas un effet groupe dans la non utilisation

d’un langage soutenu entre pairs, mais aussi sur le risque pour certains d’être exclus ou

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catégorisés s’ils utilisent un langage appliqué et soutenu pour s’adresser aux médecins

uniquement.

De plus lors de nos entretiens, nous avons constaté que l’évaluation du langage ne reposait que

sur des éléments non objectivables et ainsi interrogé le rôle du cadre comme personne garante

de la qualité, de la sécurité et de la continuité des soins.

Egalement, nous avons remarqué que les cadres de santé n’avaient pas la même analyse en ce

qui concerne l’évolution du discours soignant. Pour C1, le vocabulaire professionnel « ne

s’acquiert pas en IFSI » mais par l’expérience tandis que C2 l’associe à la curiosité

professionnelle de l’individu. Il n’y aurait donc pas de lieu d’apprentissage pour une rhétorique

soignante et dépendrait de la propre motivation ou non du soignant à développer la qualité de

son argument professionnel.

En même temps, nous avons pu remarquer que la notion de rhétorique était assez abstraite pour

les cadres de santé. Pour autant, il semble nécessaire d’utiliser un langage construit et

intelligible pour être compris par le corps médical. Ce qui nous amène à nous questionner sur

le fait que la source rhétorique pourrait se trouver à l’aune du langage médical tout en constatant

qu’un langage construit une légitimité face aux différents interlocuteurs.

Au terme de notre analyse exploratoire, nous avons pu constater la méconnaissance voire le

désintérêt en terme de non priorité de la part de l’encadrement envers l’argument professionnel

infirmier. Finalement le cadre de santé ne serait-il pas lui-même éloigné de l’intérêt de la

mécanique argumentative des transmissions écrites ?

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3. FINALISATION DU CADRE CONCEPTUEL

Suite à l’analyse des entretiens exploratoires et de nos concepts développés en amont, il nous a

semblé opportun, au vue de notre problématique, de compléter le concept de l’argument

professionnel infirmier.

3.1 Argument professionnel infirmier complément

Dans notre première partie concernant l’argument professionnel nous avions constaté que ce

dernier permettait au soignant de construire et fonder un discours professionnel. Cela nécessite

le recours à une terminologie qui est définie comme un « ensemble des termes, rigoureusement

définis, qui sont spécifiques d’une science, d’une technique, d’un domaine particulier de

l’activité humaine.48 ». Les infirmiers, mais aussi l’ensemble des professionnels de santé,

utilisent une terminologie spécifique nommée « terminologie médicale » permettant d’utiliser

un vocabulaire spécifique mais aussi commun au bénéfice du patient. Pour autant les IDE

disposent d’une terminologie propre qui s’exprime au travers de l’élaboration des diagnostics

infirmiers et qui permet d’éviter le retour au rôle d’auxiliaire du médecin. Un des moyens

qu’offre la terminologie est d’utiliser une langue qui au sens linguiste signifie « qui permet la

communication entre les individus.49 ».Si on se base d’un point de vue linguistique la langue

est synonyme d’idiome qui lui est un « ensemble des moyens d'expression d'une communauté

considéré dans sa spécificité.50 ».

Pour le linguiste DE SAUSSURE, le terme d'idiome désigne, fort justement, la langue comme

reflétant les traits propres d'une communauté51. Le risque est de voir apparaitre aussi un jargon

qui se définit comme un « code linguistique particulier à un groupe socio-culturel ou

professionnel, à une activité, se caractérisant par un lexique spécialisé, qui peut être

incompréhensible ou difficilement compréhensible pour les non-initiés.52 ».

48 Définition de terminologie, récupérée du site Larousse le 20 Décembre 2016 : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/terminologie/77407 49 Définition de langue, récupérée du site Wikipédia le 20 Décembre 2016 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Langue 50 Définition d’idiome, récupérée du site CNRLT le 20 Décembre 2016 : http://www.cnrtl.fr/definition/idiome 51 Extrait récupéré le 20 décembre 2016 du site page 261 : http://centenaire-linguistique.org/uploads/medias/downloads/le-cours.pdf 52 Définition de jargon, récupérée du site CNRLT le 20 Décembre 2016 : http://www.cnrtl.fr/definition/jargon

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Au travers de ces éléments, le risque est de créer un isolement des infirmiers du fait que leur

langage professionnel ne soit compris que par leurs pairs. La dialectique peut alors venir

prendre sens.

Etymologiquement, dialectique vient du grec « dialektikê » signifiant : traverser de part en part

par le langage ou la raison, de « dia » signifiant : à travers et de « legein » qui désigne l’art de

la discussion et l’argumentation53.

Il semble opportun de percevoir la dialectique comme un outil, une méthodologie au service de

la profession. Il s’avère intéressant de se demander, si un idiome composé d’une terminologie

médicale et enrichi d’une mécanique dialectique permettrait aux IDE de se reconnaitre et de se

comprendre au sein même d’une communauté professionnelle.

De plus, cela offrirait aux IDE la possibilité de s’affirmer à l’aide d’une dialectique pratique

pour amener des arguments professionnels lors des échanges avec les médecins tout en

nourrissant une rhétorique empreinte d’éthos pour accompagner et prendre en charge les

patients.

3.2 Problématique et hypothèse de recherche

Au début de nos observations et réflexions, nous nous interrogions sur le sens du manque, voire

l’absence, de transmissions écrites au sein du dossier patient en psychiatrie.

Au sein de notre cadre contextuel, nous avons montré l’évolution du champ de la psychiatrie,

de la formation IDE en psychiatrie mais aussi du sens et de l’objectif des transmissions

infirmières.

Au regard de nos questionnements de départ, nous avons choisi de développer les concepts de

management, de responsabilité et d’argument professionnel, ceci dans le but de mieux percevoir

et éclaircir notre réflexion. En même temps, il nous a semblé opportun d’aller nous confronter

au terrain afin de s’assurer de la pertinence de notre recherche au sein du collectif cadre de

santé.

53 Définition de dialectique, récupérée du site La Toupie le 20 décembre 2016 : http://www.toupie.org/Dictionnaire/Dialectique.htm

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De part cette confrontation, nous avons pu vérifier que la qualité des écrits IDE serait liée à

l’individu, à l’expérience professionnelle et non pas en lien avec un schéma préétabli, ni à un

apprentissage initial en formation.

Nous avons vu que la lecture ou non lecture par les cadres de santé pouvait influer sur la

production des écrits professionnels. Pour autant, cela ne semble pas être un axe prioritaire dans

la mission quotidienne du cadre de proximité. Il nous a toutefois semblé percevoir une certaine

forme de culpabilité dans le non accomplissement de cet objectif de travail.

Il semble aussi nécessaire de prendre en compte que le groupe peut modifier sa posture, sa façon

de s’exprimer en fonction de l’interlocuteur et plus particulièrement avec les médecins pour

rendre leur discours plus intelligible.

A ce stade de notre travail, mais aussi au regard de notre cadre contextuel, de nos concepts et

de notre enquête exploratoire, il nous paraît nécessaire d’approfondir le rôle du cadre dans

l’élaboration et la qualité de l’argument professionnel IDE.

Ce qui nous conduit à nous enquérir sur la responsabilité du cadre de santé dans le délitement

du langage et des transmissions écrites IDE au sein des services de psychiatrie adulte. Toutefois

une recherche plus complète concernant le territoire général de la psychiatrie, voire des soins

généraux mériterait d’être plus amplement explorée.

Ce qui nous a conduit à élaborer la question de recherche suivante :

En quoi la responsabilité morale du cadre de santé est-elle engagée dans le délitement des

écrits infirmiers ?

Au regard de ce questionnement et de notre cadre théorique, nous pouvons énoncer les

hypothèses suivantes :

- Le cadre de santé serait impliqué directement dans le délitement des écrits

professionnels.

- La qualité des transmissions écrites serait proportionnelle à la qualité argumentative

professionnelle infirmière.

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- Le délitement, la dégradation, l’annihilation de l’argument professionnel infirmier

dépendrait de la responsabilité morale du cadre de santé en termes de priorité qu’il

se donne pour l’accompagner ou pas.

Pour tenter d’objectiver notre question de recherche, nous allons réaliser une enquête de terrain

auprès de cadres de santé afin de leur exposer nos questionnements autour de cette

problématique.

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PARTIE 3 : ENQUETE ET ANALYSE

1. METHODOLOGIE DE L’ENQUETE

Cette partie de notre travail va être pour nous le moment de mettre à l’épreuve notre question

de recherche ainsi que les hypothèses.

Nous allons d’abord réaliser des modifications mais aussi affiner l’outil de recherche afin de

permettre une analyse et exploration plus fines.

Ensuite nous allons déterminer le terrain d’enquête ainsi que la population cible.

Puis nous poursuivrons notre travail par une analyse des résultats et nous terminerons par des

propositions de repères pour l’action.

1.1 L’outil de recueil de données

Suite à la présentation du cadre contextuel et au travers des différents concepts abordés dans

l’étude, nous avons élaboré une question de recherche.

Le sujet de notre recherche est basé sur la vision, la perception des cadres de santé. Ainsi nous

avons fait le choix de nous centrer sur le discours de ces professionnels afin d’obtenir un

éclairage concernant cette catégorie socio-professionnelle.

Le choix de notre outil s’est porté, comme lors de notre pré-enquête, sur l’entretien semi-directif

permettant ainsi une liberté de parole à nos interlocuteurs. De plus, cette technique d’entretien

va nous permettre de recueillir des informations (verbales et non verbales) riches à exploiter et

à analyser autour des différents thèmes que nous avons prédéfinis dans notre grille d’entretien.

1.2 L’élaboration de la grille d’entretien

Nous avons opté pour la réalisation d’entretiens semi-directifs composés de 5 items comprenant

entre 3 et 7 questions ainsi que des questions de relances.

Les entretiens ont été enregistrés et retranscrits.

L’élaboration de notre grille d’entretien est basée au regard de notre cadre théorique mais aussi

en tenant compte de la pré-enquête qui nous a permis de voir les items méritant d’être explorés

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au sein de notre problématique. Ci-après, nous allons vous présenter les réajustements et

l’organisation de cette grille d’entretien.

Notre grille d’entretien d’enquête est consultable en annexe 2.

Réajustements :

Après l’analyse de nos entretiens exploratoires, il nous a semblé nécessaire de reformuler

plusieurs questions.

La première ayant nécessité une reformulation est : « Le vocabulaire dédié doit-il se conformer

au vocabulaire purement médical ou doit-il s’agrémenter et se compléter d’un vocabulaire

soignant ? ». Au cours des entretiens nous avons pu constater que la question était trop longue

et nous avions une évaluation plutôt globale et sans une réelle objectivation entre le langage

médical et le langage infirmier. Nous avons alors choisi de formuler la question de la manière

suivante : « Pensez-vous que le vocabulaire professionnel est le même que celui des

médecins ? » et « Est-ce un vocabulaire typiquement IDE ? Langage médical de 0 à 10 et

langage infirmier de 0 à 10 ». Par cette formulation nous souhaitons appréhender la proportion

du langage médical au sein du langage infirmier afin de pouvoir répondre aux objectifs de l’item

où se situe la question.

La deuxième question qui a nécessité une reformulation est : « Pensez-vous qu’une rhétorique

IDE spécialisée serait utile dans le champ de la psychiatrie ? ». Nous avons fait le choix de la

formuler différemment du fait de la difficulté à obtenir une réponse autour du terme rhétorique

dans le sens mécanique argumentative qui est un des concepts développé dans notre cadre

théorique. De ce fait nous avons formulé la question ainsi : « Pensez-vous qu’une mécanique

argumentative IDE spécialisée serait utile dans le champ de la psychiatrie ? ».

Organisation de la grille :

Dans le premier item nous avons cherché à recueillir des informations concernant le profil du

cadre de santé, connaitre son ancienneté tant dans la catégorie socio-professionnelle que dans

l’unité où il exerce mais aussi des variables illustratives.

Le deuxième item porte sur les transmissions utilisées dans les unités (type, spécifiques,

adaptées). Nous souhaitons observer la représentation et le positionnement managérial face aux

transmissions. En réalisant notre enquête dans différents services et structures nous pourrons

voir s’il existe des différences.

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Le troisième item traite de l’implication du cadre dans les transmissions écrites et orales. Les

réponses que nous allons recueillir nous permettront d’observer les représentations qu’ont les

cadres de proximité concernant leur rôle dans les transmissions et ce qui les anime à investir ou

non ce champ professionnel.

Le quatrième item concerne l’évaluation des transmissions par les cadres de santé. Ces

questions ont pour but de percevoir quelles représentations ont les cadres des transmissions

élaborées par leur équipe et comment ils l’évaluent.

Le dernier item a pour intérêt de voir l’évolution du discours soignant, d’en explorer les causes

mais aussi les conséquences. Nous cherchons par le biais de questions constituant cet item à

savoir s’il existe des outils ou indicateurs promoteurs du langage infirmier. Nous allons tenter

d’explorer la motivation des cadres de santé quant à la promotion du langage infirmier.

1.3 La population cible et le terrain d’enquête

Le choix de la population interviewée s’est porté sur les cadres de proximité titulaires du

diplôme cadre de santé délivré au sein des Instituts de Formation des Cadres de Santé et

exerçant dans un établissement de la région Occitanie/Pyrénées – Méditerranée. Nous avons

choisi d’exclure les faisant fonction cadres de santé du fait qu’ils n’aient pu bénéficier des

apports théoriques étudiés à l’IFCS.

Afin de pouvoir réaliser notre enquête, nous avons pris contact auprès de deux directeurs des

soins d’établissements de santé spécialisés afin d’obtenir l’autorisation à la réalisation de

l’enquête dans leur structure. Nous avons ensuite sollicité par mails les cadres supérieurs de

santé afin qu’ils nous orientent vers des cadres de santé répondant à nos critères. Suite aux

réponses obtenues nous avons contacté par téléphone quatre cadres de santé en expliquant notre

démarche et organisé un entretien. Les cadres contactés ont donné leur accord pour concourir à

notre enquête.

Les entretiens ont été réalisés entre le 26 janvier et le 14 février 2017, leur durée a varié entre

18 minutes 58 secondes et 31 minutes 57 secondes. En début d’entretien, nous avons demandé

l’autorisation de pouvoir enregistrer l’entretien aux cadres de santé, et nous leurs avons assuré

l’anonymat dans le but d’instaurer un climat de confiance.

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Tableau des variables illustratives :

Age Sexe Ancienneté

dans la profession

Ancienneté

dans l’unité

Exercice

IDE en psychiatrie

Filière d’origine

CDS 1 36 ans F 6 ans 1 an OUI IDE

CDS 2 49 ans F 7 ans 4 ans NON IDE

CDS 3 52 ans F 14 ans 6 mois NON IDE

CDS 4 41 ans H 8 mois 8 mois OUI IDE

1.4 Le choix du type d’analyse

Tous nos entretiens ont été retranscrits dans leur intégralité.

La méthode d’analyse des données, que nous avons choisie, sera une analyse de contenu textuel

(retranscrit à partir d’enregistrements audio) d’ordre qualitatif avec un repérage conceptuel et

thématique mais aussi d’ordre quantitatif par le repérage des récurrences entre les différents

entretiens.

Le but au travers de cette méthode est de faire apparaitre les éléments utiles et nécessaires à

notre travail d’analyse.

Les citations d’entretiens utilisées seront accompagnées de CDS pour cadre de santé et du

numéro de l’interview de 1 à 4 (exemple CDS1).

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2. ANALYSE

2.1 L’analyse des résultats

Nous débutons notre analyse par les questions concernant l’item DES TRANSMISSIONS.

Quels types de transmissions utilisez-vous dans votre unité ? Utilisez-vous un modèle de transmissions écrites ? Est-il adapté à votre unité ?

Ces questions ont pour but de repérer :

- Les transmissions utilisées, si elles sont spécifiques et la place qu’elles tiennent.

- Le positionnement et la représentation du CDS face aux transmissions.

Lorsque nous avons demandé aux cadres de santé de nous énoncer le type de transmissions

utilisé, spontanément ils nous énonçaient les transmissions écrites et orales.

Pour l’ensemble de ces professionnels, les transmissions écrites concernent les observations

infirmières. Deux cadres de santé complètent leurs propos. CDS2 évoque en complément un

support propre à son unité « une planification journalière…c’est une planification des soins,

des RDV, de l’organisation du travail ». CDS3 inclus dans les transmissions écrites le travail

de synthèse en équipe pluridisciplinaire mais aussi les informations contenues dans le dossier

patient (correspondants et l’identito-vigilance) ainsi que « les données nécessaires et utiles à la

continuité des soins, à la prise en charge du patient ».

Concernant le modèle de transmission, pour CDS1, 2 et 3 les transmissions narratives sont

utilisées dans leur unité alors que pour CDS4 ceux sont les transmissions ciblées. Lorsque nous

demandons au CDS4 de nous expliquer le mode d’utilisation de ce type de transmissions, ce

dernier nous renvoie au fait que les infirmiers sont formés aux transmissions ciblées « je me

base sur la formation principale des infirmières…elles ont une formation sur les transmissions

ciblées » mais il ne nous expose pas le mode de fonctionnement et d’utilisation. Pour autant il

a choisi en 2017 de travailler sur les transmissions avec son équipe.

L’ensemble des cadres interviewés expliquent que globalement le modèle de transmissions

utilisé est adapté à leur unité. Seuls deux cadres de santé amènent des éléments explicatifs à

leur propos sur ce sujet. CDS1 verbalise que « c’est compliqué de faire rentrer nos patients de

psychiatrie dans des transmissions ciblées…les items de transmissions concernant la

psychiatrie ne sont pas suffisamment fins en analyse de situation et de cas » et que la qualité de

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l’écrit dépend du soignant. CDS3, quant à elle, se base sur un audit dossier patient traceur qui

note que les transmissions réalisées par les soignants au sein de son service sont adaptées.

Pour autant un bémol est amené par plusieurs cadres concernant le terme adapté. Selon CDS1

«il faut lire tout ce qui est narratif et on ne va pas au plus vite et au plus pressé dans

l’information qui nous intéresse » et ajoute « nos transmissions sont en fonction des soignants

pas suffisamment denses et pas suffisamment précises…plus précis à l’oral que dans ce qu’ils

notent » et souhaiterait une utilisation plus importante de la terminologie psychiatrique. CDS2

exprime qu’une utilisation des transmissions ciblées serait plus « pertinente » et permettrait de

suivre l’évolution clinique du patient et être plus synthétique tout en ajoutant « je crois que

c’est propre à la psychiatrie, il y a besoin d’être sur du narratif, sur de la terminologie plus

que sur la synthèse ». Pour CDS3, une amélioration serait à envisager car elle verbalise « des

manquent existes » dans les transmissions écrites notamment en lien avec les habitudes de vie

des patients et aux rôles propres soignants. Quant au CDS4, ce dernier à une représentation sur

le fait que le modèle soit adapté avec une maitrise de celui-ci « j’ai tendance à penser que si on

le maîtrise un petit peu mieux il sera adapté » et ajoute que le modèle des transmissions ciblées :

« ce système là il a besoin d’être un peu approfondi et d’être un peu plus défini ».

Pour N.JOURNET (docteur en éthologie), la maîtrise de composer un texte n’est pas garantie

à tout le monde même pour un professionnel bien entraîné. De plus, il constate que l’écrit

contraint les hommes à plus de cohérence, de rationalité et de précision54. Il note que la rigueur

et l’exigence de l’écrit « rendent la formulation d’un texte écrit plus coûteuse en réflexion qu’un

propos oral55 ».

Ici nous pouvons constater que les cadres de santé connaissent les transmissions utilisées au

sein de leur unité mais aussi une similitude des réponses.

Cette similarité ne se retrouve pas dans le modèle employé pour les transmissions écrites. Nous

pouvons faire le constat que l’utilisation des DAR est minoritaire ce qui n’était pas le cas dans

notre pré-enquête.

Nous notons également, que majoritairement les cadres de santé ont une analyse critique des

transmissions écrites tant sur la pertinence que sur la qualité de l’écrit soignant. Elément que

54 JOURNET, N. (2013). Pourquoi est-il si difficile d’écrire ? Récupéré du site scienceshumaines.com le 14 janvier 2017 : https://www.scienceshumaines.com/pourquoi-est-il-si-difficile-d-ecrire_fr_31491.html 55 Idem

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nous avions relevé lors de notre pré-enquête. Les propositions d’action et/ou d’amélioration

sont différentes en fonction des cadres de santé. En parallèle, le mode d’utilisation est peu

explicité par ces professionnels.

De plus, de leur analyse, nous observons que leurs représentations face aux écrits semblent être

influencées par des représentations qu’ils ont sur la psychiatrie, la culture, la formation

infirmière mais aussi de par leur parcours professionnel.

Nous nous demandons si le fait que les cadres de santé n’aient pas une appropriation du mode

d’utilisation et de leur contenu, ne serait pas un frein à la satisfaction des transmissions écrites ?

Les questions suivantes traitent du ROLE DU CADRE. L’objectif est d’analyser

l’implication du cadre de santé dans les transmissions écrites et orales et son incidence.

Lisez-vous les transmissions écrites de l’équipe ? Dans quel but ?

Y-a-t-il des retours réflexifs en équipe sur les transmissions écrites ? Si non pour quelles

raisons ?

A la première question, nous pouvons constater que l’ensemble des cadres interrogés ne

verbalisent pas une réponse similaire.

Pour CDS1, 2 et 4 répondent par l’affirmative. Tandis que CDS3 exprime ne pas réaliser une

lecture régulière « je ne lis pas assez » et ajoute que ce manque de lecture à une influence sur

son quotidien professionnel « je me rends compte que je manque d’information ». CDS3

invoque ne pas réussir à trouver des temps de lecture « je suis phagocytée par l’activité » et à

conscience que c’est une problématique qu’elle doit travailler « je prends conscience là que je

dois faire un effort pour trouver le temps de lire les transmissions ».

Un paradoxe entre en jeu avec le CDS3 car au sein de son activité journalière, elle réalise une

lecture quotidienne et ritualisée « le matin quand j’arrive » d’informations institutionnelles « je

prends le temps de lire les transmissions cadre de la régulation, de regarder les différents

messages ».

Au regard de cette question, nous pouvons noter que la lecture des transmissions écrites n’est

pas investie de la même manière par les cadres de santé. Elément que nous avions pu percevoir

lors de notre pré-enquête.

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Nous remarquons également, dans les propos de CDS3 une certaine forme de culpabilité. Nous

avions déjà constaté ce sentiment auprès des cadres interrogés lors de notre pré-enquête. Cette

culpabilité peut traduire un sentiment perçu par les cadres de santé, de l’importance d’investir

cet axe de travail. Pour autant, il ne semble pas priorisé.

Concernant le but, CDS1, 2 et 4 expriment utiliser ce temps de lecture comme un moment

essentiellement évaluatif du personnel soignant. CDS1 apprécie, au travers de sa lecture, la

qualité des écrits et l’évaluation clinique réalisée par les soignants. Elle repère « les lacunes »

dixit. Cela lui permet, dans la posture managériale de sa fonction, d’accompagner, d’aider le

soignant à identifier cette difficulté et proposer des axes, des moyens pour s’améliorer et gagner

en compétences. Elle ajoute que c’est aussi un moyen de faire circuler, et corriger des

informations auprès de l’équipe en exposant « le soignant lit la transmission du jour ».

CDS2 l’utilise avec plusieurs focales. La première à des fins cliniques pour les patients « voir

l’évolution clinique » puis à des fins d’évaluation des professionnels « voir la capacité

d’élaboration et de réflexion des soignants ». CDS1 et 2 se rejoignent sur un autre intérêt de

cette lecture qui est de percevoir « l’ambiance » de l’unité mais aussi ce qui se passe en leur

absence. CDS4 a un regard centré sur la compétence soignante et apprécie dans son évaluation,

le fond mais aussi la forme de l’écrit « la compétence d’analyse infirmière…la façon qu’on a

de retranscrire le travail…la façon de communiquer les informations ».

Nous pouvons constater que le but principal de la lecture des transmissions par les cadres est

de réaliser une évaluation professionnelle du soignant. Il nous semble aussi que la fonction

« contrôle » s’avère être un autre élément qui incite les cadres de santé à lire les transmissions.

La perception par les infirmiers de cette forme évaluative et de contrôle par les cadres, ne les

éloignent-ils pas de l’écriture et de l’argument professionnel lui-même ?

Lorsque nous demandons aux cadres de santé s’ils réalisent des retours réflexifs, ce sont

uniquement les 3 professionnels lisant les transmissions écrites qui accomplissent ce type

d’action.

Pour CDS1 et 4, ce moment s’effectue lors des réunions d’équipe et clinique. CDS1 exprime

que lors de ces temps, les manques en termes quantitatif et qualitatif sont abordés et donne

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comme exemple « cf observations médicales » et trouve cela dommageable car pour elle, le

soignant à une expertise clinique « le soignant a aussi son propre regard, sa perception, son

ressenti ».

CDS4 voit ce temps réflexif, comme un moment qui permet d’évaluer et de situer le patient au

sein de son hospitalisation en demandant « où on en est de cet écrit-là ». De plus, il joint à sa

réponse, que ce moment peut être utile afin d’amener le soignant à recontextualiser l’écrit et

permettre ainsi une réflexibilité soignante.

CDS2, quant à elle, accomplit ce type d’action lors de la relève inter équipe matin/soir. Elle

verbalise tenter « de les faire analyser le pourquoi ils ont écrit ça ». De par sa lecture, elle note

un certain manque de professionnalisme au travers d’écrits empreints « d’interprétations, de

commentaires ». Elle utilise ainsi la relève pour informer les soignants que le dossier patient

n’est plus à la seule lecture des équipes (patients, familles, justice). Il est intéressant de noter

que CDS2, par cette action, resitue la responsabilité juridique et morale des infirmiers.

CDS3 ne réalise pas de retour réflexif en justifiant « dans l’immédiat je n’ai pas eu la

nécessité ». Pour autant dans son discours, elle complète la question sur la lecture des

transmissions en exprimant « dans l’évolution de notre métier on est moins dans la clinique…il

faut quand même que l’on consacre une part de notre temps à ce travail-là ».

A la question : « Pensez-vous que votre lecture ou non lecture agisse sur l’élaboration des

transmissions écrites ? », les cadres interviewés répondent unanimement oui.

CDS1, 2 et 4 considèrent que leur lecture ne va pas impacter tous les soignants de la même

manière, CDS2 l’énonce « pour certains oui, pour d’autres non ». CDS4 pense que si les

soignants perçoivent l’intérêt du cadre pour leur écrit cela peut générer « une quête de précision

un petit peu plus ou d’élaboration…Ce n’est pas vrai pour tous les agents ». CDS1 considère

que sa lecture suscite une vigilance chez les soignants car ses derniers ont connaissance de sa

lecture des écrits professionnels « ils savent que je les lis ». Elle pense que l’éventualité d’être

« sanctionné » autour d’un écrit suite à la lecture d’une transmission peu agir sur l’élaboration

des transmissions.

Quant au CDS3, elle envisage la lecture comme un moyen de pouvoir « réinterroger les

soignants sur la prise en charge, sur le sens du soin, sur la continuité ».

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Nous pouvons remarquer que la réalisation de retour réflexif en équipe n’est pas uniquement

utilisée à des fins évaluatives pour les infirmiers. L’objectif est aussi de conduire les

professionnels à une réflexivité sur leur pratique, sur le sens du soin au service du patient et de

sa prise en charge.

Nous constatons aussi que la responsabilité juridique est peu explicitée, peu mise en avant lors

de ces temps.

Nous retrouvons ici, comme lors de notre pré-enquête, que les cadres de santé pensent que leur

lecture a un impact sur l’élaboration des transmissions écrites.

Pour autant, la question de l’aspect qualitatif et le rôle propre semblent peu questionnés alors

que la profession essaie d’exister par elle-même.

Etes-vous présent aux relèves ? Quel est votre rôle ? Pensez-vous que votre présence ou absence agisse sur la qualité de la parole IDE ?

Tous les cadres interviewés expriment être présents aux relèves inter-équipes de leur unité.

Concernant le rôle du cadre de santé lors de ce temps de transmissions, CDS1, CDS2, CDS3 et

CDS4 se rejoignent sur la fonction de garant du soin, de l’organisation, de la qualité des

échanges et des informations transmises. CDS3 verbalise être « garante d’un cadre de soin ».

Pour CDS1, CDS2 et CDS3 c’est un moment qui leur permet d’observer et d’évaluer la qualité

de l’oral et des échanges entre les soignants. CDS1 ajoute que par le biais des relèves cela

permet « d’évaluer la dynamique d’équipe ».

D’autres rôles sont exprimés par les cadres de santé du fait de leur présence. CDS1 explique

avoir une fonction de médiateur entre les soignants lors de « situations compliquées de patients,

chacun va exprimer son point de vue…qu’ils ne sont pas d’accord…ça part un petit peu à

l’énervement…j’ai un rôle de médiateur entre les uns et les autres ».

CDS2 parle d’un rôle de coordinateur par la transmission d’informations complémentaires

nécessaires pour la prise en charge des patients du fait de sa présence en continue sur la semaine.

Elle relate aussi que par cette présence elle tend à « montrer à mes soignants que je suis

présente, que je fais partie de l’équipe ».

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CDS2 et CDS4 expriment avoir un rôle de soutien et de personne ressource pour les soignants

concernant les prises en charges des patients. CDS2 verbalise « je peux soutenir l’équipe face

à des situations, argumenter des prises en charge, sur des évolutions cliniques notamment sur

des réunions de synthèses ».

CDS3 estime « je suis sur ces temps de relève pas vraiment pour la clinique mais plutôt

comment ils s’organisent…s’ils se coordonnent ».

Nous voyons bien que la présence du cadre de santé lors des temps de transmissions orales lui

permet d’investir de nombreux rôles. Par cette présence, il assure une mission de garant de la

continuité et de la qualité des informations transmisses nécessaires à la prise en charge des

patients.

Il semble important de souligner qu’au travers de cette présence, les cadres de proximité

investissent la mission de management opérationnel s’exerçant par leur présence dans cette

activité du quotidien.

De plus, nous pouvons constater que l’objectif évaluatif du cadre semble s’exprimer sur la

qualité de l’oral, des échanges par son rôle de modérateur, de régulateur. Mais aussi de pouvoir

examiner la démarche de soin. Ici, nous pouvons remarquer que les transmissions sont un outil

de continuité fonctionnel. Ce qui est positif pour la prise en charge et le suivi du patient.

Pour autant, n’utiliser les transmissions qu’avec cette vision, c’est prendre le risque de

s’éloigner de leur position « méta » : faire exister la personne en tant que personne, valoriser le

travail du soin IDE et travailler en coopération. Elle concerne tout soignant dès lors qu’il est

dans une posture de transmettre.

Nous pouvons alors déduire, que le cadre de santé peut trouver des pistes d’évaluation relative

à la posture et la pertinence de l’argument professionnel infirmier.

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L’ensemble des cadres interrogés se retrouve sur l’impact de leur présence lors des

transmissions orales mais les raisons de cette influence ne sont pas totalement les mêmes

Il semble intéressant de noter que ces raisons ne font pas l’objet forcement d’analyse, ni de

consensus dans l’encadrement ; ni investiguées d’un point de vue institutionnel ; ni utilisées

pour valoriser la qualité de l’argument professionnel.

CDS1 tend par sa présence à amener les infirmiers à être dans leurs transmissions orales « clairs,

précis et efficaces ». CDS2, quant à elle pense que sa présence va agir sur la posture

professionnelle des agents « moins de dérives et d’interprétations, ça met un cadre et une

professionnalisation ».

A partir de ces propos, nous pouvons déduire que l’intention de la valorisation de l’argument

professionnel dépend de l’investissement que le cadre se donne.

En même temps, CDS1 exprime « ils arrivent à faire des digressions, à chambrer même quand

je suis là, ça n’est pas gênant…le temps de relève est aussi un outil pour expulser tout ce qu’on

a sur le cœur. Les blagues et choses comme ça, c’est salvateur pour l’équipe. Ça veut dire que

c’est une équipe qui est en bonne santé ».

Cela nous amène à supposer que les digressions orales ne se retrouvent pas dans les écrits

soignants. Pour autant, elles seraient nécessaires à la cohésion d’équipe et à la démarche

collective.

Cette théorie fait lien avec notre pré-enquête, ou nous avions fait le constat que les

professionnels faisaient l’effort d’utiliser un langage plus élaboré et réflexif quand ils

échangeaient avec le corps médical qu’entre pairs.

CDS3 pense aussi que sa présence à un impact « qui est difficilement évaluable », et ajoute

« c’est subjectif ». Quant à CDS4, il pense que l’impact existe mais nuance « quand je suis là

c’est peut être un petit peu plus cadré». Il expose qu’il aimerait que cela n’impacte pas la qualité

de la parole infirmière car son but de cadre « est justement d’amener à de l’autonomie…de

prendre vraiment toute la mesure dans la qualité des soins et de l’importance que ça a d’être

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professionnel dans tous les sens du terme…que ce soit la posture soignante mais aussi la façon

de retranscrire le travail… de communiquer avec ses pairs, avec l’équipe pluri

professionnelle ».

Nous pouvons remarquer que l’implication et la présence des cadres de proximité peut

influencer tant sur les transmissions orales que écrites. Mais cela tient compte des objectifs et

de la mission attribuée à ces temps professionnels par les cadres de santé. Nous pouvons alors

présager que sans axe institutionnel, la posture écrire soignante va dépendre de l’investissement

individuel du cadre de santé.

Nous poursuivons notre analyse en abordant l’item concernant L’EVALUATION DES

TRANSMISSIONS par les cadres de santé.

Nos objectifs sont :

- Investiguer la représentation des cadres de santé sur la qualité des

transmissions.

- Voir si le langage spécifique est présent ou pas.

- Observer si le cadre nourrit ou pas le langage spécifique.

Pour vous, les transmissions écrites et orales de votre unité sont-elles de bonne ou de

mauvaise qualité ? Le vocabulaire professionnel est utilisé, peu utilisé ou pas utilisé ?

En ce qui concerne CDS1 et CDS3, les transmissions réalisées au sein de leur unité sont

globalement de bonne qualité. CDS1 expose « en fonction des agents, elles sont l’un ou

l’autre…c’est personne dépendant ». Pour CDS2 et CDS4, ne se positionnent pas. CDS2 ne

répond pas à la question et CDS4 verbalise « je le trancherai pas ni avec bonne ou mauvaise,

elles sont en développement ». Ils énoncent eux aussi, comme CDS1, que c’est « personne

dépendant » dixit. Par contre CDS4 constate « je ne crois pas que l’on puisse arriver à une

perfection des transmissions orales et écrites ».

Concernant l’utilisation du vocabulaire professionnel, CDS1 et CDS3 déclarent qu’il est utilisé.

CDS1 complète sa réponse en disant « ça pourrait être mieux » et le met en lien avec le fait

qu’il y a des jeunes professionnels au sein de son équipe « qui n’ont jamais connu des vrais

termes psychiatriques employés avec la terminologie exacte ». Ce qui s’oppose aux propos de

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CDS3 qui énonce « c’est une équipe jeune et je trouve que justement ils ont les termes

professionnels ».

CDS4, lui expose que le langage professionnel est relativement utilisé. Il induit cette nuance

par « en psychiatrie c’est parfois compliqué d’avoir une cible très particulière comme on

pourrait avoir en somatique ». La difficulté pourrait se situer pour le soignant dans la

formulation d’une cible adaptée à la clinique en psychiatrie.

Quant à la CDS2, elle n’attribue pas un des termes proposés. Pour elle, l’utilisation du

vocabulaire professionnel dépend de la personne « c’est très individu dépendant » et non du

groupe, mais aussi de sa formation initiale « le langage des ISP est plus pertinent parfois que

d’autres infirmiers ».

Nous pouvons constater que tous les cadres ne réalisent pas la même évaluation de la qualité

des transmissions au sein de leur unité.

Il est intéressant de constater que cela peut s’avérer difficile de donner une évaluation

qualitative. Nous pouvons alors supposer qu’il est délicat pour les cadres d’attribuer une

évaluation négative aux transmissions réalisées dans leur service. De ce fait, nous pouvons alors

pousser notre questionnement, à savoir si les cadres de santé sont-ils eux-mêmes aptes à évaluer

la qualité d’un vocabulaire et d’une rhétorique infirmière.

Ils se retrouvent autour de la qualité et de l’utilisation du vocabulaire professionnel comme

étant un élément qui dépend du soignant et donc de l’individu. Comme lors de notre pré-enquête

la notion de « personne dépendant » intervient. Pour autant les sources de ce constat, fait par

les cadres n’ont pas les mêmes origines mais il semble que leurs représentations peuvent

impacter.

Comment ce vocabulaire est-il construit ?

Pensez-vous que le vocabulaire professionnel est le même que celui des médecins ? Ou

pas ? Si non en quoi il diffère ?

Pour tous les cadres interrogés le vocabulaire professionnel est construit autour de la clinique

et de la terminologie. Deux cadres complètent leur propos. CDS1 évoque que le lieu d’exercice

peut rentrer dans cette construction « c’est un service d’admission et c’est effectivement un peu

toujours les mêmes thématiques et les mêmes problèmes qui sont mis en exergues ». CDS2

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expose que le profil du soignant peut intervenir « J’ai des ISP et notamment un qui est très

pointu, sur tout ce qui est étymologie, sémiologie…du coup cette dynamique-là est impulsée au

sein du service ».

Cela nous laisse alors supposer, que les forces internes d’un groupe vont être valorisées et mises

en avant par le cadre de santé dans le but de faire grandir le groupe.

A la deuxième question, les quatre cadres s’accordent sur la proximité entre le vocabulaire

professionnel infirmier et celui des médecins. Les cadres développent des nuances entre ces

vocabulaires de ces deux catégories professionnelles.

Pour CDS1, la différence se situe dans la manière d’aborder le soin « au niveau médical, ils

sont plus succincts…le soignant lui, il va aller plus loin puisqu’il est dans les habitudes de

vie et dans toutes les habitudes du patient ». Par contre il est intéressant de noter qu’elle estime

que les médecins ont besoin des soignants, car ces derniers n’observent et n’évaluent pas le

quotidien ni la vie de groupe « ce sont des choses que les médecins ne vont pas aller évaluer,

mais dont ils ont besoin eux pour ce faire leur propre idée ».

Pour CDS2, la divergence se situe dans l’argumentation de la terminologie par les infirmiers

« ils l’argumenteront, alors que le médecin lui, ne va pas forcément l’argumenter ».

CDS3 considère que la différence se situe du fait de la catégorie professionnelle « les médecins

ont un langage plus riche évidemment ».

CDS4 rejoint CDS3 sur la richesse du langage des médecins mais il ajoute que « les psychiatres

peuvent parfois avoir un discours tellement compliqué…c’est compliqué de comprendre où ils

veulent en venir ». Il note que cela nécessite une adaptation mutuelle des deux catégories

professionnelles dans un but de compréhension commune entre ces professionnels car pour lui

« le langage professionnel n’est pas égal néanmoins les aménagements qui ont été mis en place

entre les 2 parties sont assez bonnes pour que chacun puissent comprendre exactement de quoi

on parle ».

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A la question : Est-ce un vocabulaire typiquement infirmier ? La part du langage médical

de 0 à 10 et celle du langage infirmier de 0 à 10 ?

L’ensemble des cadres ne considèrent pas ce vocabulaire professionnel utilisé par les soignants

comme un langage typiquement infirmier. Pour eux, les infirmiers vont utiliser tant dans leur

discours que dans leur écrit du langage médical pour s’exprimer.

LANGAGE

MEDICAL

LANGAGE

INFIRMIER

ELEMENTS EXPLICATIFS

CDS1 5/10 5/10 Pour cette dernière, il y existe une égalité

dans l’utilisation du vocabulaire dans le

langage des soignants « ils vont reprendre

des éléments médicaux et étayer avec leur

observations »

CDS2 4-5/10 7-8/10 Elle considère que les infirmiers ont une

construction et un langage qui leur est

propre. Ce qui nous renvoie à la notion du

rôle propre infirmier.

CDS3 6-7/10 8/10 Pour cette dernière, l’écart se situe dans la

jeunesse professionnelle de ces agents « je

pense que c’est parce qu’ils sont jeunes. Et

du coup globalement il y a ce décalage ».

Ceci nous laisse supposer que par leur

jeunesse ils ne sont pas encore totalement

imprégnés et/ou appropriés le langage

médical.

Elle note tout de même que pour elle « c’est

difficile d’objectiver » la part du langage

médical.

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CDS4 5/10 6/10 Pour lui, les deux types de langage sont

proches et se complètent. Il considère que

certains termes sont redondants. Des termes

sont repris à partir des mêmes bases et du

coup, le paramédical se l’approprie. Ce qui

permet à chacun de comprendre de quoi on

parle et donne comme exemple le terme de

« clinophilie ». Ce terme, nous permet de

constater une acculturation ou la culture

médicale c’est glissée dans la culture

infirmière

Nous pouvons constater que les cadres de santé ne donnent pas les mêmes proportions entre le

langage médical et infirmier. Pour autant, le langage médical ne dépasse chez aucun le langage

infirmier au sein du vocabulaire infirmier.

Par les éléments de réponse amenés ici par les cadres de santé, nous pouvons observer qu’ils ne

considèrent pas que les IDE disposent d’un vocabulaire professionnel propre. Ils s’accordent à

dire qu’il existe une proximité de langage entre celui des infirmiers et celui des médecins. Pour

eux, ils sembleraient que le langage professionnel IDE est en lien avec le lieu d’exercice et non

dans l’identité professionnelle. Elément qu’ils n’attribuent pas au corps médical.

Pour autant, il apparait que la parole et l’écrit infirmier aient une importance et toute sa place

du fait de sa fonction de complémentarité qui semble nécessaire pour une prise en charge de

qualité du patient. Ce qui nous amène à penser que l’utilisation d’un idiome professionnel

infirmier permettrait d’enrichir la prise en charge du patient.

En parallèle, à ce stade de notre analyse, nous pouvons observer une acculturation des langages

entre le corps médical et infirmier. En établir une différence n’est pas simple à déterminer. Dans

ce type d’acculturation, il existe une culture que l’on peut qualifier de « dominante » (médicale)

qui a infiltré une culture « latente » (IDE). Nous pouvons nous interroger si l’inverse existe, ce

qui permettrait une acculturation équilibrée.

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Ce qui nous interpelle aussi, au travers des réponses amenées par les cadres de proximité, c’est

qu’à aucun moment ils ne se situent dans la construction, ni dans l’évaluation linguistique. Nous

pouvons alors nous interroger à savoir si le cadre participe ou non à nourrir le langage

professionnel chez les infirmiers.

Quand on interroge les cadres de santé sur :

- Comment évaluez-vous le langage de votre équipe ? Vous diriez qu’il est

familier, médiocre, élaboré, brillant ?

- Avez-vous des outils pour l’évaluer ?

CDS1 et 3 évaluent le langage de leur équipe comme étant élaboré. Ces deux cadres de santé

s’étaient déjà rejointes en amont en qualifiant de bonne qualité les transmissions réalisées dans

leur unité. CDS1 explique « à une époque un chef de service était un peu plus sévère sur les

termes, il leur a appris la rigueur ». Elle précise « quand le soignant va en réunion clinique…il

faut être précis car les médecins vont vous poser des questions précises ».

D’après cette réponse, il est intéressant de noter que face aux médecins les infirmiers utilisent

un langage plus précis, élaboré, professionnel ce qui sous-tend qu’entre pairs cela ne parait pas

forcément utilisé voire nécessaire.

Pour CDS2 et 4, comme lors de la question sur la qualité des transmissions, il est complexe

pour eux d’attribuer un qualificatif au langage utilisé par leur équipe. CDS2 revient sur la notion

de « personne dépendante » et pour CDS4 « entre médiocre et élaboré ».

Concernant les outils permettant d’évaluer le langage, tous les cadres disent n’avoir pas d’outils

spécifiques. Ils se basent sur leur observation, l’écoute, la posture professionnelle pour réaliser

cette évaluation et donc sur une appréciation qui leur est personnelle. CDS3 verbalise « c’est

assez subjectif ». CDS1 ajoute même « des outils sur la qualité des écrits, non je n’en ai pas

monté. Je suis sur autre chose ».

Nous constatons ici aussi que tous les cadres de santé ne réalisent pas la même évaluation du

langage de leur équipe. Pour autant les cadres qui avaient réalisé des évaluations similaires sur

la qualité des transmissions se rejoignent sur l’évaluation du langage de leur équipe.

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Pour tous les cadres interviewés, comme lors de notre enquête, l’évaluation repose uniquement

sur des perceptions, des ressentis, des observations. Sans axe institutionnel, elle ne dépend que

du cadre de santé. Cela nous laisse supposer que si la qualité des transmissions et l’utilisation

d’un langage professionnel ne représentent pas une priorité, nous pouvons supposer que la

qualité des transmissions orales et écrites peut être impactée.

A ce stade, rien ne nous permet d’affirmer que les cadres de santé disposent d’équipement leur

permettant de valoriser la qualité des transmissions. Malgré tout, certains sont capables de

prendre appuis sur des infirmiers « performants » d’une part en les gratifiant et aussi en leur

permettant d’accompagner leurs pairs dans une dynamique de progression au bénéfice de la

profession et des patients. Ce qui peut nous laisser craindre, qu’en l’absence d’outils et

d’expertise au sein de l’équipe le discours aura peu de chance d’évoluer d’une manière positive.

Le dernier item aborde L’EVOLUTION DU DISCOURS SOIGNANT. Au travers des

questions qui vont suivre, notre objectif est de :

- Voir l’évolution du discours soignant.

- Tenter d’explorer les causes et conséquences.

Avez-vous constaté une évolution du langage IDE tant dans les transmissions écrites que

orales ? Avez-vous une explication par rapport à cette évolution ? Quelles en sont pour vous les conséquences ?

Les quatre cadres interrogés lors de notre enquête s’accordent sur le fait qu’il y a une évolution

du langage infirmier dans les deux types de transmissions. Les raisons de cette évolution n’ont

pas les mêmes sources pour l’ensemble de ces professionnels.

Pour CDS1, cela est fonction du lieu d’exercice et de l’intérêt porté par les médecins au travail

infirmier « les médecins poussent énormément le questionnement des équipes pour pouvoir être

plus précis pour eux en termes de thérapeutique et d’accompagnement du patient…Or, je ne

connaissais pas ça auparavant ». Elle mentionne aussi que « les médecins tirent les soignants

vers une précision des propos, ils obligent à la rigueur ». En parallèle, elle considère que ce ne

sont pas uniquement les médecins qui influent sur l’évolution du langage infirmier mais aussi

« individu dépendant » et « le rôle propre est aussi une chose importante ».

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CDS4 rejoint CDS1 sur l’impact des médecins dans l’évolution du discours soignant « la

puissance de la présence médicale forte dans un service va influencer évidemment et le travail

et le discours infirmier ».

Nous pouvons constater, au regard de ces réponses, que la qualité de l’argument professionnel

infirmier serait dépendant du corps médical qui lui permettrait de grandir, d’évoluer. Mais aussi

de la motivation individuelle de chaque soignant. Cette notion d’individualité avait été

constatée lors de notre pré-enquête.

De plus, en dehors de ces 2 inférences qui sont aléatoires, il semble qu’aucune autre source

n’intervienne, ni dans la formation initiale, ni dans la formation continue, dans la construction

de l’argument professionnel infirmier.

Il convient de penser que l’infirmier progressera en fonction du matériel disponible : ce qu’il

est en tant que soignant, en tant que personne et en fonction de la richesse de son environnement

pour construire l’argument professionnel infirmier.

Une des autres raisons de l’évolution amenée par CDS2, CDS3 et CDS4 est en lien avec

l’évolution de la formation infirmière. CDS2 verbalise que les ISP « ont une posture et un

langage qui leur est propre » et la disparition de cette formation spécifique impacte les

nouveaux professionnels. Pour elle, les professionnels qui ne sont pas issus de cette formation

« essayent de s’y calquer, mais pas à la même hauteur…moins dans une posture d’analyse ».

Pour CDS3 « les anciens infirmiers de psychiatrie, ils étaient dans de grandes histoires, il y

avait beaucoup d’écrits, beaucoup de mots », avec la nouvelle formation et notamment avec

l’apparition des DAR cela a généré chez le soignant « une pensée plus pragmatique...un

symptôme un mot, un signe clinique une symptomatologie ». Elle expose aussi que la pathologie

mentale n’est plus abordée de la même manière par les médecins qui « utilisent des échelles

d’évaluation, ils objectivent ». De ce fait le langage infirmier et les transmissions en sont

impactés, elle considère cela « plutôt positif ».

CDS4 expose « la part de la psychiatrie parfois chez les nouveaux arrivants elle n’est pas très

forte » et pour ce dernier « la richesse du discours psychiatrique infirmier a légèrement

diminué » mais aussi du fait de la présence médicale qui est « bien moins forte ».

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Quand nous interrogeons l’ensemble des cadres sur les conséquences de cette évolution, les

réponses ne sont pas totalement similaires. Pour CDS1, le fait de pouvoir réaliser des

transmissions de qualité « va lui donner la reconnaissance de ce qu’il fait et de ce qu’il est ».

CDS3 pense que l’objectivation des faits impulsés par le corps médical mais aussi au travers

des transmissions ciblées va avoir « un impact positif » car « la psychiatrie est complexe, ces

prises en charges sont complexes ». Pour autant, elle considère qu’être uniquement sur de

l’objectivé conduit au risque ne pas prendre en compte le patient dans sa globalité « on ne va

pas soigner un symptôme, aussi on soigne un être humain ».

CDS2 et 4 ont un regard plus critique mais tout de même modéré sur cette évolution. CDS2

pense que « le discours sera peut-être moins fin, moins affiné dans l’analyse » en ce qui

concerne les nouveaux professionnels. Pour CDS4, l’impact de l’évolution se situe dans le

dossier patient « dans le sens suivi des informations…sur la précision de ce qui va être fait… »,

mais il précise « la qualité de la prise en charge je crois que ça dépend quand même beaucoup

de la personne et de sa posture soignante ».

Nous observons au travers de ces questions que les quatre cadres de santé font le constat d’une

évolution du langage infirmier avec comme origine différents facteurs : disparition des ISP, lieu

d’exercice, influence médicale. Mais le rôle du cadre ne semble pas être questionné.

Il en est de même en ce qui concerne les conséquences de cette évolution. Pour les cadres

interrogés, la répercussion aura pour effet d’agir sur la qualité de la prise en charge du patient.

Nous remarquons qu’aucun cadre de santé n’a une vision négative de cette évolution. Ces

derniers n’expriment pas de frustration, ni de culpabilité sur l’évolution du langage. Cette

dimension ne semble pas les interpeller.

Comme dans notre pré-enquête, nous ne recueillons pas d’éléments nous permettant de

constater si l’évolution du langage avait des conséquences sur la diminution des transmissions

écrites.

Le deuxième objectif de cet item a pour but d’explorer :

- Les outils promoteurs et indicateurs de l’argument professionnel infirmier.

- La ou les motivations du cadre de santé concernant la promotion de cet

argument.

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Pensez-vous qu’un indicateur mesurant la qualité des transmissions écrites serait utile à

votre unité ? Pensez-vous qu’une mécanique argumentative IDE spécialisée serait utile

dans le champ de la psychiatrie ? Comment la promouvoir ?

A la première question, CDS1, CDS2 et CDS3 répondent oui à un indicateur mesurant la qualité

des transmissions écrites.

CDS2 pense que cela pourrait permettre de questionner l’intérêt de certaines transmissions et

donne comme exemple « a bien dormi, a bien mangé. Des éléments certes importants mais

pour lesquels s’il n’y a pas d’évolution est-ce toujours intéressant de les marquer ». CDS3

considère que « le nerf de la guerre c’est la qualité du soin auprès du patient ».

CDS4, lui ne répond pas à cette question et suggère plutôt de créer, initier la mise en place

d’outils permettant à chaque soignant « aller piocher dans ses outils, s’aider, avoir des repères,

une banque de données ».

Quand nous demandons au cadres interviewés, quels indicateurs ou quels types d’indicateurs

pourraient être utilisés pour mesurer la qualité des écrits tous ne verbalisent pas les mêmes

éléments. Deux cadres (CDS1 et 2) répondent ne pas avoir d’idée d’indicateur. CDS1 explique

ne pas avoir identifié ce qui pourrait être significatif à analyser au travers d’un indicateur mais

aussi « ce n’est pas mon cheval de bataille pour l’instant ». Tandis que pour CDS2 la difficulté

se trouve dans l’aspect « subjectif » que pourrait recouvrir l’indicateur.

CDS3 évoque comme indicateur « le patient traceur » mais aussi l’utilisation des transmissions

ciblées tout en exposant qu’il y avait eu une tentative de mise en place mais cela n’avait pas

fonctionné « les gens ne sont pas reconnus à travers ces transmissions ciblées ».

Pour CDS4, c’est la cohésion d’équipe qui va améliorer le travail réalisé au sein d’une équipe

« si la cohésion est bonne...du coup derrière des choses peut-être plus techniques comme les

transmissions vont être elles aussi impactées et améliorées ».

Majoritairement (3 sur 4), les cadres de santé semblent d’accord sur l’utilité d’un indicateur

mesurant la qualité des transmissions écrites.

Pour autant, la réflexion autour du type d’indicateur nous laisse penser que s’il n’est pas

envisagé sur un plan institutionnel, encadrement, équipe, il peut s’avérer alors difficile de

développer la qualité de l’argument professionnel infirmier.

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En ce qui concerne la rhétorique, CDS1, CDS2 et CDS4 pensent qu’une mécanique

argumentative IDE spécialisée serait utile dans le champ de la psychiatrie. CDS4 explique

qu’elle permettrait pour tous soignants « pour pourvoir mieux communiquer, pour pouvoir

mieux se comprendre et pour se former aussi, pour augmenter ses compétences » car selon ce

dernier « c’est compliqué le langage infirmier…ça nécessite effectivement un vocabulaire assez

précis pour qu’il n’y est pas de confusion dans les transmissions ».

Quant au CDS3, elle pense que la mécanique argumentative infirmière existe mais qu’elle s’est

modifiée avec l’informatisation du dossier patient « les anciens avaient déjà du mal avec l’outil.

Et à partir de là, ils ont perdu en rhétorique. Ce qu’ils écrivaient sur le papier, ils ne l’écrivaient

plus sur l’informatique. Et les nouveaux IDE qui arrivent ils sont plus dans cette rhétorique ».

Par ces propos, l’aspect générationnel peut être aussi souligné.

Pour promouvoir l’argument professionnel infirmier, l’ensemble des cadres n’exposent pas les

mêmes outils. CDS1 et 2 misent sur la formation mais elles diffèrent sur le type de formation.

CDS1 pense qu’il faudrait agir au niveau de la formation initiale pour que « les nouveaux

infirmiers puissent l’injecter dans nos services » et pour permettre aux autres professionnels

cette appropriation utiliser « les groupes de travail ». Tandis que CDS2 investirait dans la

formation continue pour promouvoir avec des thématiques différentes comme « des formations

sur les écrits, des formations sur les transmissions, sur le vocabulaire, sur la sémiologie ».

Pour CDS4, cela passe par « la présence du cadre aux transmissions » dans le but de maintenir

un discours et une posture professionnelle « ça m’arrive de leur rappeler qu’on n’est pas au

café du commerce ». En même temps il propose de réaliser des binômes pour partager

l’expérience entre générations pour gagner en compétences et donne un exemple

d’anciens/nouveaux « je veux me servir de son expérience et de son analyse…dans le sens de

la formation des plus jeunes et dans l’augmentation des compétences de ces gens-là…mais je

veux que ces nouveaux qui ont une nouvelle façon de communiquer, une nouvelle façon d’écrire

soit pour lui de monter aussi, de coller plus aux compétences que je demande dans le service

et les transmissions ciblées en font parties ».

Par contre CDS3, se questionne sur l’intérêt et l’utilité de promouvoir une mécanique

argumentative infirmière spécialisée « je ne sais pas s’il faut la promouvoir…cette rhétorique,

est-ce qu’elle est vraiment utile ». Elle considère que l’importance se situe dans les éléments

nécessaires à une prise en charge de qualité pour le patient « j’ai le souvenir de grandes

rhétoriques orales et pourtant il n’y avait pas d’efficacité sur les patients…ce qui est important,

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c’est que l’on arrive à bien prendre en charge un patient dans sa globalité ». Elle considère

« le soin est un art, il faut laisser ce champ des possibles ».

Finalement, nous pouvons remarquer que la promotion d’une rhétorique infirmière n’est pas

perçue de la même manière en fonction des cadres de santé. Si cette mécanique argumentative

n’est pas pensée au sein des programmes de formation, dans les institutions, elle va dépendre

de l’investissement individuel du cadre et donc être « cadre dépendant ».

2.2 La synthèse

Suite à notre travail d’analyse, nous avons choisi de réaliser une synthèse afin de mettre en

évidence certains éléments repérés dans cet exercice.

En premier lieu, nous avons pu observer que les cadres de santé ont tous une analyse critique

de la qualité et de la pertinence des écrits infirmiers réalisés dans les services de psychiatrie.

Les représentations qu’ils ont concernant la psychiatrie, la culture soignante, la formation

initiale mais aussi leur parcours professionnel sont autant d’éléments qui peuvent influencer

leur regard sur les transmissions écrites.

En parallèle, nous avons mis en évidence que les cadres de santé sont en capacité d’exposer le

type de transmissions utilisé par les soignants. Pour autant le mode d’utilisation et

l’appropriation du contenu sont peu explicités par ces professionnels. Nous nous sommes alors

demandés si cela ne serait pas un des obstacles à la satisfaction des cadres face aux

transmissions écrites.

Dans un deuxième temps, nous nous sommes questionnés sur l’implication du cadre de santé

dans les transmissions orales et écrites. Nous avons pu voir qu’ils ont conscience que leur

lecture et écoute des transmissions impactent l’élaboration des transmissions. De surcroit, nous

avons remarqué qu’un sentiment de culpabilité pouvait naître dès lors que les cadres ont

conscience de l’importance à investir cet axe de travail sans le prioriser pour autant. Ainsi nous

avons constaté que sans axe institutionnel, la valorisation de la qualité de l’argument et de la

parole infirmière va dépendre de l’investissement propre du cadre de santé.

De plus, nous avons pu mettre en évidence qu’en traitant le sujet des transmissions, les cadres

de santé revêtent de nombreux rôles permettant de garantir la continuité et la qualité des soins

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nécessaires à la prise en charge des patients. Mais aussi en travaillant l’axe des transmissions,

le cadre investit sa mission de proximité et de management opérationnel.

En ce qui concerne l’évaluation des transmissions, nous avons remarqué que sans axe

institutionnel elle ne reposait que sur les représentations du cadre de santé et serait ainsi très

dépendante de la représentation propre du cadre. Alors, nous avons présumé que le niveau

rhétorique du cadre de santé faisait œuvre de modélisation. En conséquence, sa responsabilité

est engagée dans la qualité des transmissions de son équipe. Par ailleurs, il est intéressant de

noter que lors de nos entretiens, les cadres de santé prennent conscience de leur propre

responsabilité concernant la qualité de l’argument professionnel. Ce qui a pu faire apparaître

un sentiment de culpabilité et le travail qu’ils doivent mener sans pour autant en faire une

priorité.

Au travers de leur évaluation, les cadres de santé considèrent que la parole et l’écrit infirmiers

tiennent un rôle complémentaire (au médecin) et essentiel dans la qualité de la prise en charge

des patients. Pour cela, des cadres vont s’appuyer sur des infirmiers « performants » afin de

construire une dynamique d’accompagnement, de progression des transmissions et cherchent à

faire grandir le groupe au bénéfice des patients.

Paradoxalement, nous avons remarqué que les cadres s’accordent sur la proximité de langage

entre des médecins et celui des infirmiers. Ce qui nous a conduits à la notion d’acculturation

des langages entre ces deux corps professionnels avec une tendance dominante pour le corps

médical envers celui des infirmiers.

Concernant l’évolution du discours soignant, tous les cadres valident l’existence d’une

évolution du langage infirmier au sein des transmissions mais n’en donnent pas les mêmes

origines. Par ailleurs, nous avons pu voir que les cadres de santé pensent que le corps médical

aide à le faire grandir, évoluer tout comme la motivation propre du soignant. Nous avons aussi

remarqué que les cadres ne questionnaient pas leur rôle dans ce changement et cette évolution.

Nous avons également constaté que la disparition des ISP, ainsi que l’écart générationnel sont

des inférences importantes dans la modification de la qualité de l’argument professionnel

infirmier. Pour autant, les cadres de proximité interrogés ne considèrent pas cette évolution

comme négative.

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De plus, nous notons que les cadres de santé valident l’utilité d’un indicateur mesurant la qualité

des transmissions écrites. En même temps nous observons que sans plan collectif et

pluridisciplinaire il peut être difficile de développer la qualité de l’argument professionnel.

Pour finir, nous notons que la promotion de la rhétorique IDE va dépendre de la responsabilité

du cadre pour une part très signifiante si cette mécanique argumentative n’est pas soutenue dans

les programmes de formation et dans les établissements. Ainsi, nous nous interrogeons sur la

responsabilité des cadres sur le risque d’effacement de la voix et de l’écriture infirmières. En

cas de distanciation de la part des cadres de santé envers le discours professionnel, nous

pouvons craindre une perte ou du moins un délitement de la parole et de l’argument

professionnel infirmier. Si la promotion de la qualité de cet argument est cadre « dépendant »,

il nous appartient de faire progresser cette mécanique argumentative professionnelle au sein des

équipes.

En même temps, nous avons constaté une impression de normalisation et d’adaptation du

discours infirmier à de nouveaux modèles de transmissions avec les DAR, les nouveaux outils

tels que l’outil informatique. Il peut alors y avoir une inférence dans la diminution voire

l’effacement de l’écriture avec l’arrivée de nouveaux modes de transmissions. Il convient alors

de se les approprier pour continuer à penser correctement.

Ainsi au regard de la question de recherche : « En quoi la responsabilité morale du cadre de

santé est-elle engagée dans le délitement des écrits infirmiers ? ».

Nous avions par la suite réalisé trois hypothèses, que nous avons tenté d’explorer dans le cadre

de notre enquête de terrain.

Suite à l’analyse de nos entretiens effectués dans le cadre de notre recherche, nous pouvons

amenés quelques éléments de réponses aux hypothèses suivantes :

- Le cadre de santé serait impliqué directement dans le délitement des écrits

infirmiers.

A cette hypothèse, nous pouvons affirmer que le cadre est directement impliqué dans le

délitement des écrits professionnels infirmiers pour autant il n’est pas le seul facteur

responsable. En effet nous avons pu constater que la valorisation des écrits infirmiers dépendait

de l’investissement personnel de chaque cadre concernant cet axe professionnel.

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De par notre enquête, il semblerait que d’autres facteurs participent à cette hypothèse.

L’absence de démarche institutionnelle et de consensus d’encadrement font reposer

l’investissement de cette thématique au cadre de santé seul.

- La qualité des transmissions écrites serait proportionnelle à la qualité argumentative

professionnelle infirmière.

Concernant cette hypothèse, nous ne pouvons pas affirmer en l’état que la qualité des écrits

serait proportionnelle à la qualité argumentative infirmière. Nous n’avons pas pu mettre en

évidence d’éléments permettant de constater si l’évolution du langage infirmier avait des

conséquences sur la diminution des transmissions écrites.

Pour autant, nous avons constaté une évolution du langage infirmier avec des origines variées :

la modification de la formation infirmière, l’acculturation entre le langage médical et soignant,

les nouveaux outils et méthodes de transmissions.

Nous pouvons tout de même affirmer que sans plan institutionnel, d’encadrement et d’équipe

il peut être difficile de développer la qualité argumentative professionnelle infirmière.

- La disparition, la dégradation, l’annihilation de l’argument professionnel infirmier

dépendrait de la responsabilité morale du cadre de santé en termes de priorité qu’il

se donne pour l’accompagner ou pas.

Pour notre dernière hypothèse, nous pouvons répondre par l’affirmative. En effet nous avons

pu remarquer que la plupart des cadres de santé sont conscients que leur implication va avoir

une incidence dans l’élaboration des transmissions. Ce constat est générateur d’une forme de

culpabilité chez certains cadres, mais étonnamment ils ne priorisent pas pour autant cet axe de

travail auprès des équipes.

Ce constat, nous a amené à nous interroger sur « qu’est-ce- qui ferait que cet axe puisse devenir

une priorité ? ». Nous aurions pu demander aux cadres quels sont les 10 axes qu’ils priorisent

et voir si la qualité de l’argument professionnel en fait partie.

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Nous avons également noté que la responsabilité du cadre était engagée du fait que le niveau

rhétorique de ce dernier pouvait faire « œuvre de modélisation » en l’absence

d’accompagnement institutionnel et de formation.

Peut-être que l’absence de conscientisation de l’importance de l’argument professionnel

infirmier de la part des établissements et des IFSI concours aussi à la dégradation de l’argument

professionnel infirmier.

3 LIMITES

A la fin de ce travail d’enquête et d’analyse nous pouvons avancer plusieurs limites que nous

proposons d’objecter.

De par le temps qui nous était alloué, nous avons axé notre travail sur le discours d’une seule

catégorie socio-professionnelle : les cadres de santé exerçant dans des unités d’hospitalisation

de psychiatrie adulte.

Nous aurions aimé étendre ce travail en premier lieu sur différents secteurs tel que les soins

généraux mais aussi les services de psychiatrie extrahospitalier. Nous aurions ainsi pu effectuer

une comparaison entre spécialités, lieux d’exercice et voir quelle place tiennent les écrits

infirmiers dans ces structures.

D’autre part, nous aurions souhaité interroger des infirmiers de secteur psychiatrique et

infirmiers diplômés d’état pour voir leurs discours et représentations sur les transmissions, leurs

évolutions, les éléments de divergences et la place qu’ils donnent aux cadres de santé dans ce

travail quotidien. Ils nous apparaissaient intéressants de voir si un gap existe entre leur

représentation et celle des cadres de santé.

De plus, le fait d’avoir réalisé un nombre restreint d’entretiens auprès des cadres et l’absence

d’observation de terrain, ne nous permet pas de fonder une vérité en soi. Néanmoins ce travail

ouvre des perspectives sur un doute préoccupant.

En parallèle, le manque d’expérience dans la réalisation d’entretiens semi-directifs, nous a

renvoyé la difficulté de leur réalisation. Le fait d’être concentrés uniquement sur les discours

des cadres de santé et sur la grille d’entretien, nous avons peu observé le non verbal et oublié

certaines relances qui auraient pu amener des éléments précieux.

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Nous avons aussi pris conscience de la possibilité d’avoir induit des réponses de par notre non

verbal mais aussi certaines reformulation afin d’obtenir des réponses au plus près de nos

hypothèses.

4 REPERES POUR L’ACTION

Suite aux résultats apportés par l’analyse de notre travail de recherche, nous avons choisi de

soumettre des pistes d’actions dont l’objectif est de promouvoir l’argument professionnel

infirmier et d’une manière plus globale les transmissions écrites en psychiatrie.

Ces repères pour l’action peuvent se décliner sur deux axes :

- Opérationnel, de terrain par le biais d’outils de management et de

professionnalisation.

- Stratégique incluant les établissements de santé et les instituts de formation.

D’un point de vue opérationnel, une des premières pistes que nous proposons serait de

systématiser une attention particulière du cadre de santé à la qualité des transmissions lors des

temps de relève inter-équipe. Le but n’est pas que le cadre de santé assiste à toutes les relèves

mais plutôt d’y participer de manière régulière avec des critères d’évaluation concernant la

qualité des transmissions orales. Cette action est à associer à une lecture régulière des

transmissions écrites. Ce travail de présence et de lecture permettrait au cadre de proximité

d’observer, d’analyser et repérer la qualité et le niveau argumentatif de son équipe.

Une autre piste à envisager pourrait être de faire réaliser, à tout nouvel arrivant dans l’unité, un

rapport d’étonnement concernant les transmissions écrites infirmières. Cette démarche

permettrait de bénéficier d’un regard neuf (observation critique) mais aussi de pouvoir intégrer

les nouveaux arrivants dans une dynamique de travail. L’objectif final de ce type de démarche

est de permettre au cadre de santé de proposer des actions collectives ou individuelles dans le

but d’améliorer la qualité des transmissions infirmières et valoriser le travail soignant.

Ainsi, le cadre de santé pourrait proposer la mise en place d’un groupe de travail afin de

concevoir un lexique de sémiologie spécifique en lien avec les pathologies prévalentes de

l’unité par exemple ou autres outils pouvant favoriser l’argument professionnel infirmier. Cette

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démarche a pour intérêt de faire partager des connaissances, des expériences, de rendre le

soignant acteur de l’amélioration de la qualité des soins mais aussi trouver des solutions

potentiellement novatrices.

De plus, il serait intéressant d’élaborer un audit dossier interne à l’unité, réalisé en collaboration

avec les infirmiers pour mieux les impliquer dans cette démarche collaborative mais aussi

travailler l’esprit critique et l’auto-évaluation des soignants. La création d’indicateurs pourrait

être inspirée et modélisée à partir d’un outil déjà présent que sont les IPAQSS (courrier de

sortie). Ces indicateurs pourraient être : la présence d’écrit ou pas, la fréquence, l’utilisation de

termes cliniques par exemple. Des indicateurs plus spécifiques pourraient être envisagés

nécessitant un travail en équipe pluridisciplinaire. En parallèle il semble important de faire des

retours de ces audits aux soignants afin de donner du sens au travail accompli et pointer les axes

d’amélioration.

En même temps, il nous semble important que les infirmiers se positionnent en tant que référent

dossier pour renforcer le rôle propre et la culture qualité au travers de la traçabilité soignante

dont l’écrit est une composante essentielle. Le but de cette démarche est de responsabiliser les

soignants concernant la prise en charge des patients.

Il nous apparait, comme indispensable, que le cadre de santé expose ses attentes et ses objectifs

aux soignants en ce qui concerne les transmissions écrites afin d’avoir des critères d’évaluation

mesurables, clairs et précis. Pour cela, le cadre de santé peut utiliser l’entretien annuel

d’activité. C’est un moment privilégié qui va permettre de faire un bilan sur le travail de l’année

qui vient de s’écouler, de donner les objectifs et les thèmes de travail à venir. Par ce biais, le

cadre de santé va pouvoir fixer les axes de progressions individuels et collectifs et

responsabiliser les agents dans l’action à venir.

De plus, il serait intéressant de mettre œuvre un coaching dit « croisé » entre des soignants

ayant développé une expertise en psychiatrie et les nouveaux arrivants. Par l’intermédiaire des

infirmiers expérimentés (dont l’expérience et les compétences permettent à ces soignants de

faire autorité en termes d’expertise) les nouveaux arrivants vont gagner en compétence, en

partage d’expérience et dans la transmission des savoirs. Les nouveaux professionnels vont eux,

amener un regard neuf, des apports sur les pratiques actuelles, aider à l’appropriation d’outils

comme l’informatique et ainsi permettre de nouvelles dynamiques de travail. Ce type d’action

pourrait permettre aux soignants d’entrer d’avantage dans l’action et dans l’atteinte des

objectifs. Ce moyen a pour intérêt de faire grandir le groupe, de gagner en autonomie et donner

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du sens au travail infirmier au bénéfice de la prise en charge du patient. Ce qui permet d’être

sur du « gagnant-gagnant » en terme de management.

Si on se situe d’un point de vue stratégique, il nous parait important d’inclure les établissements

dans cette démarche de sensibilisation aux transmissions par le biais de la formation continue.

Le fait d’inscrire les transmissions écrites et l’argument professionnel infirmier dans le plan de

formation continue va permettre aux agents de consolider les apports obtenus lors de la

formation initiale. Certains établissements disposent actuellement d’une formation interne

intitulée « consolidation des savoirs en psychiatrie », comme le préconise le plan psychiatrie et

santé mentale 2005/2008 soulignant la nécessité d’optimiser la professionnalisation des

infirmiers débutant en psychiatrie. Une formation sur les transmissions infirmières en

psychiatrie pourrait venir compléter ce dispositif de formation.

Là aussi des indicateurs peuvent être élaborés comme le nombre de soignants formés, à quel

rythme par exemple. Cette démarche de professionnalisation des soignants pourrait ainsi

s’inscrire dans la reconnaissance d’une « pratique remarquable » comme le préconise la Haute

Autorité de Santé dans le cadre de la certification V2014.

De plus, il nous semble utile de plaider, auprès des Instituts de Formations en Soin Infirmiers,

pour le développement de modules spécifiques autour de la rhétorique infirmière (promouvoir

un mécanisme de positionnement professionnel oral et écrit simple mais efficace) reprenant les

trois piliers de la rhétorique (l’éthos, le pathos et le kaïros) et d’en proposer une application à

la science infirmière.

Pour terminer, il nous parait intéressant d’accompagner les infirmiers à participer à des

recherches en soins infirmiers, à des publications d’articles pour encourager et valoriser cette

pratique infirmière et ainsi promouvoir l’argument professionnel infirmier.

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PARTIE 4 : RETOUR D’EXPERIENCE

« PROFESSIONNALISANT »

Cette année de scolarité au sein de l’IFCS, a été rythmée par ce travail d’initiation à la recherche

me permettant d’aboutir à l’écriture de ce mémoire professionnel.

Ce travail n’a pas toujours été aisé, je me suis souvent confrontée à de nombreuses émotions,

doutes et un sentiment d’inutilité face à un sujet peu d’actualité. Pour autant ce que je retiens,

c’est la découverte d’auteurs, de concepts, de questionnements qui sont venus m’enrichir, me

faire grandir et me procurer un réel sentiment de satisfaction.

Ce travail n’aurait pas la même saveur, sans la rencontre avec mon directeur de recherche. Il a

fait preuve d’écoute, de patience, de bienveillance pour m’aider à prendre confiance dans ce

travail de recherche.

Par cet accompagnement, j’ai pu m’ouvrir au travail d’analyse et d’écriture qui au départ ne me

semblait pas être des plus simples.

De plus, au fil des semaines je me suis rendu compte qu’il me permettait de :

- Mobiliser l’ensemble des enseignements dispensés par l’IFCS.

- Prendre le recul nécessaire dans l’approche de problématique.

- Concourir à la construction de ma nouvelle identité professionnelle.

Même si ce travail de recherche m’a ouvert à de nouvelles connaissances, il demeure chez moi

une légère frustration liée aux limites auxquelles j’ai dû faire face (temps alloué, un seul secteur

d’activité, nombre restreints d’entretiens…) qui me laisse avec des questionnements me

taraudant.

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Au travers de ce mémoire, j’ai pris conscience de l’importance du travail de proximité du cadre,

de sa responsabilité morale dans le fait de faire vivre l’argument professionnel infirmier.

Pour autant, je sais que la tâche ne sera pas tous les jours facile du fait des organisations mais

aussi du travail de management qui peut s’avérer complexe.

Une de mes convictions est que je chercherai le plus possible à faire au mieux pour la

profession, pour les soignants et in fine pour les patients. Pour m’astreindre et garder cet objectif

de travail, je reprendrai les mots de mon directeur de mémoire « il incombe à tous responsables

de structures de soins, d’enseignements, de professionnels du soin de rechercher l’excellence

plutôt que normaliser la médiocrité56 ».

Pour finir et avec modestie, je suis assez satisfaite du travail réalisé au fil de ce mémoire qui

marque ma motivation, mes valeurs et l’investissement dont j’ai fait preuve au cours de cette

année de formation.

56 PACIFIC, C. (2011). CONSENSUS / DISSENSUS Principe du conflit nécessaire. L’Harmattan, p33.

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CONCLUSION

Nous arrivons ici au terme de notre travail de recherche. Il nous a permis d’avoir un éclairage

intellectuel sur un constat de terrain. Au gré des étapes, nous avons fait cheminer notre

réflexion, nos questionnements et nos connaissances concernant l’objet de notre étude.

Nous avons d’abord réalisé de nombreuses recherches théoriques, nous permettant de construire

notre cadre contextuel et conceptuel. Mais bien au-delà de cet apport, cela nous a permis

d’enrichir nos connaissances et de pouvoir prendre de la hauteur face à notre situation de départ.

Puis au travers de notre travail d’enquête et d’analyse, nous sommes sortis de notre cadre

théorique pour le soumettre au terrain.

Nous avons ainsi pu mettre en évidence que le cadre de santé est directement impliqué dans le

délitement des transmissions écrites infirmières, pour autant il n’est pas le seul facteur

responsable. Même s’il existe une évolution du langage infirmier avec des origines variées,

nous ne pouvons pas affirmer quel est le fondement de la diminution des transmissions écrites

infirmières.

Par ailleurs, ce travail nous a aussi permis de constater que les cadres de santé ne priorisent pas

cet axe de travail au sein de leur équipe tout en ayant pourtant conscience de l’importance à

l’investir.

Par ce travail, notre souhait le plus simple est de convier les cadres de santé à s’interroger pour

pouvoir faire vivre un argument professionnel digne de la profession infirmière et au service du

patient.

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BIBLIOGRAPHIE

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Extrait récupéré le 20 Novembre 2016 du site : https://fr.wiktionary.org/wiki/responsabilit%C3%A9 Définition de morale, récupérée du site Larousse le 26 Novembre 2016 : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/morale/52564 Etymologie récupérée le 26 Novembre 2016 du site : http://www.universalis.fr/encyclopedie/morale/ Définition d’argument, récupérée du site La Toupie le 1er Décembre 2016 : http://www.toupie.org/Dictionnaire/Argument.htm Définition de rhétorique, récupérée du site CNRTL le 1er Décembre 2016 : http://www.cnrtl.fr/definition/rh%C3%A9torique PACIFIC, C. L’argument infirmier peut-il exister par lui-même ? Récupéré du site infirmiers.com le 25 Octobre 2016 : http://www.infirmiers.com/profession-infirmiere/ethique-et-soins/argument-infirmier-peut-il-exister-par-lui-meme.html Définition de terminologie, récupérée du site Larousse le 20 Décembre 2016 : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/terminologie/77407 Définition de langue, récupérée du site Wikipédia le 20 Décembre 2016 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Langue Définition d’idiome, récupérée du site CNRLT le 20 Décembre 2016 : http://www.cnrtl.fr/definition/idiome Définition de jargon, récupérée du site CNRLT le 20 Décembre 2016 : http://www.cnrtl.fr/definition/jargon Définition de dialectique, récupérée du site La Toupie le 20 Décembre 2016 : http://www.toupie.org/Dictionnaire/Dialectique.htm JOURNET, N. (2013). Pourquoi est-il si difficile d’écrire ? Récupéré du site scienceshumaines.com le 14 Janvier 2017 : https://www.scienceshumaines.com/pourquoi-est-il-si-difficile-d-ecrire_fr_31491.html

Texte de lois :

Article R4311-3 du code de la santé publique relatif au rôle propre infirmier.

Article R4311-6 du code de la santé publique relatif au rôle propre infirmier exerçant en santé

mentale.

Cours :

PACIFIC, C. Cours Ethique et management, IFCS de Toulouse le 28 Septembre 2016.

VALLEJO, M.C. Cours Introduction au management, IFCS de Toulouse le 24 Octobre 2016.

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LISTE DES SIGLES UTILISES

SAMU : Service d’Aide Médicale Urgente

UMD : Unité pour Malades Difficiles

SPDRE : Soins Psychiatriques sur Décision du Représentant de l’Etat

IFSI : Instituts de Formation en Soins Infirmiers

ISP : Infirmier de Secteur Psychiatrique

PPSM : Plan Psychiatrie et Santé Mentale

IDE : Infirmier Diplômé d’Etat

DE : Diplôme d’Etat

DAR : Données Actions Résultats

CDS : Cadre de Santé

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ANNEXES

1. ANNEXE 1 : GRILLE D’ENTRETIEN EXPLORATOIRE…………………………...80

2. ANNEXE 2 : GRILLE D’ENTRETIEN D’ENQUETE…………………………………82

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1. ANNEXE 1 : GRILLE D’ENTRETIEN EXPLORATOIRE

PRESENTATION

¾ Depuis combien de temps êtes-vous cadre de santé ?

¾ Depuis combien de temps exercez-vous dans cette unité ?

¾ Avez-vous toujours exercé en psychiatrie ?

TRANSMISSIONS ¾ Quels types de transmissions vous utilisez dans votre unité ?

¾ Utilisez-vous un modèle de transmissions écrites ?

Lequel ? Connaissez-vous son mode d’utilisation ?

¾ Est-il adapté à votre unité ? Oui / Non ? Pourquoi ? Si non comment souhaiteriez-vous les transmissions dans votre unité ?

¾ Le vocabulaire utilisé est-il dédié à la discipline, à l’unité ? ROLE DU CADRE DE SANTE ¾ Lisez-vous les transmissions écrites de l’équipe ?

Si oui : pourquoi, dans quel but ? Y-a-t-il parfois des retours réflexifs en équipe sur les transmissions écrites ? Si non : pour quelles raisons ?

¾ Pensez-vous que votre lecture ou non lecture agisse sur l’élaboration des transmissions écrites ?

¾ Etes-vous présent aux relèves ? Si oui : quel est votre rôle ? Y-a- t-il parfois des retours réflexifs en équipe sur les transmissions écrites ? Si non : pourquoi ?

¾ Pensez-vous que votre présence ou absence agisse sur la qualité de la parole IDE ? (Voir la dimension « responsabilité » du cadre face à la qualité des transmissions)

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EVALUATION DES TRANSMISSIONS ¾ Pour vous, les transmissions écrites et orales de votre unité sont-elles de bonne ou

mauvaise qualité ?

¾ Le vocabulaire professionnel est-il utilisé, peu utilisé ou pas utilisé ?

¾ Quel est le vocabulaire, champ lexical dédié à votre unité ? des exemples… Le vocabulaire dédié doit-il se conformer au vocabulaire purement médical ou doit-il s’agrémenter et se compléter d’un vocabulaire soignant ? L’utilisez-vous ? (de 0 à 10) Votre équipe l’utilise-t-il ? (de 0 à 10)

¾ Comment vous évaluez le langage de votre équipe ? Vous diriez qu’il est familier, médiocre, élaboré, brillant ?

¾ Avez-vous des outils pour l’évaluer ?

EVOLUTION DU DISCOURS SOIGNANT

¾ Avez-vous constaté une évolution du langage IDE tant dans les transmissions écrites

que orales ?

¾ Avez-vous une explication par rapport à cette évolution ?

¾ Quels en sont pour vous les conséquences ?

¾ Pensez-vous qu’un indicateur mesurant la qualité des transmissions écrites serait utile à votre unité ? Si oui lequel ?

¾ Pensez-vous qu’une rhétorique (discours, argument) IDE spécialisée serait utile dans un champ de la psychiatrie ? Comment le promouvoir ?

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2. ANNEXE 2 : GRILLE D’ENTRETIEN D’ENQUETE

PRESENTATION

¾ Depuis combien de temps êtes-vous cadre de santé ?

¾ Depuis combien de temps exercez-vous dans cette unité ?

¾ Avez-vous toujours exercé en psychiatrie ?

TRANSMISSIONS ¾ Quels types de transmissions vous utilisez dans votre unité ?

¾ Utilisez-vous un modèle de transmissions écrites ?

Lequel ? Connaissez-vous son mode d’utilisation ?

¾ Est-il adapté à votre unité ? Oui / Non ? Pourquoi ? Si non comment souhaiteriez-vous les transmissions dans votre unité ?

ROLE DU CADRE DE SANTE ¾ Lisez-vous les transmissions écrites de l’équipe ?

Si oui : pourquoi, dans quel but ? Y-a-t-il parfois des retours réflexifs en équipe sur les transmissions écrites ? Si non : pour quelles raisons ?

¾ Pensez-vous que votre lecture ou non lecture agisse sur l’élaboration des transmissions écrites ?

¾ Etes-vous présent aux relèves ? Si oui : quel est votre rôle ?

¾ Pensez-vous que votre présence ou absence agisse sur la qualité de la parole IDE ? (Voir la dimension « responsabilité » du cadre face à la qualité des transmissions)

EVALUATION DES TRANSMISSIONS ¾ Pour vous, les transmissions écrites et orales de votre unité sont-elles de bonne ou

mauvaise qualité ?

¾ Le vocabulaire professionnel est-il utilisé, peu utilisé ou pas utilisé ?

¾ Comment ce vocabulaire est-il construit ? dédié à votre unité ? des exemples…

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¾ Pensez-vous que le vocabulaire professionnel est le même que celui des médecins ? ou pas ? sinon en quoi il diffère ?

¾ Est un vocabulaire typiquement infirmier ? Langage médical (de 0 à 10) Langage infirmier (de 0 à 10)

¾ Comment vous évaluez le langage de votre équipe ? Vous diriez qu’il est familier, médiocre, élaboré, brillant ?

¾ Avez-vous des outils pour l’évaluer ?

EVOLUTION DU DISCOURS SOIGNANT

¾ Avez-vous constaté une évolution du langage IDE tant dans les transmissions écrites

que orales ?

¾ Avez-vous une explication par rapport à cette évolution ?

¾ Quels en sont pour vous les conséquences ?

¾ Pensez-vous qu’un indicateur mesurant la qualité des transmissions écrites serait utile à votre unité ? Si oui lequel ?

¾ Pensez-vous qu’une mécanique argumentative IDE spécialisée serait utile dans un champ de la psychiatrie ? Comment le promouvoir ?