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Pourquoi il n’y a pas de pharyngalisations J-P. Angoujard Laboratoire de Linguistique de Nantes (LLING) B.A.A. - 2-4 mai 2012 J-P. Angoujard ( Laboratoire de Linguistique de Nantes (LLING) ) Pourquoi il n’y a pas de pharyngalisations B.A.A. - 2-4 mai 2012 1 / 24

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Pourquoi il n’y a pas de pharyngalisations

J-P. Angoujard

Laboratoire de Linguistique de Nantes (LLING)

B.A.A. - 2-4 mai 2012

J-P. Angoujard ( Laboratoire de Linguistique de Nantes (LLING) )Pourquoi il n’y a pas de pharyngalisations B.A.A. - 2-4 mai 2012 1 / 24

Introduction 1

Les consonnes pharyngales (1)

En arabe, deux pharyngales : [è], [Q]

Qu’est-ce qu’une consonne pharyngale ?

Une consonne realisee avec un recul de la racine de la langue vers laparoi posterieure du pharynx.

Representation sous forme de trait :

un trait de place [pharyngal] (McCarthy, 1991 etc.)et/ou un trait [RTR] (mais [RTR]/[sonorant], Shahin, 2002 –excursus :les quadriliteres de l’arabe) ?

Representation sous forme d’element (Kaye, Lowenstamm etVergnaud, 1985) :

⇒ element {A} (Angoujard, 1997 etc.)

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Introduction 1

Les consonnes pharyngales (2)

Petit rappel. . .

La geometrie des elements (Clements 1985 ; Angoujard, 2006).

Segment

Laryngal

H L

Supra-laryngal

Place

A I U R

Mode

h P l

Velum

N

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Introduction 1

Les consonnes pharyngales (3)

Representation en elements des pharyngales de l’arabe :

[è] = {A, h}

Soit, sous forme de structure de traits [attribut : valeur ] (Bird, 1995 ;Coleman, 1998 ;Angoujard, 2006) :

[è] =

seg :

lar : Lar

s-lar :

place : A 1

mode :⟨

h⟩

velum : Velum

tete : 1

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Introduction 1

Les consonnes pharyngales (3)

[Q] = {A, h, L}

[Q] =

seg :

lar : L

s-lar :

place : A 1

mode :⟨

h⟩

velum : Velum

tete : 1

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Introduction 2

Les consonnes � emphatiques � (1)

En arabe, quatre � emphatiques � :

[t˙], [s

˙], [d

˙], [z

˙] ([D

˙])

Qu’est-ce qu’une consonne � emphatique � ?

Une consonne dotee d’une articulation secondaire :

une consonne (coronale en arabe) dont la production estaccompagnee d’une retraction de la racine de la langueen direction de la paroi posterieure du pharynx.

Acoustiquement : abaissement de F2 (Ghazali, 1982 ; Yeou, 1997 ; Shahin,2002)

Pour les articulations secondaires, un trait [sc-place] :place :

[Place

sc-place : Sc-place

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Introduction 2

Les consonnes � emphatiques � (2)

Un exemple de representation en structure de traits, la consonne [t˙] :

seg :

lar : Lar

s-lar :

place :

[R 1

sc-place : A

]mode :

⟨h, P

⟩velum : Velum

tete : 1

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L’emphase

La � propagation � de l’emphase (1)

� [. . . ] les consonnes emphatiques (= pharyngalisees)exercent un effet considerable sur les consonnes et les voyellesavoisinantes. � Ghazeli, 1982

On comparera (la realisation avec retraction de la langue est notee par un

point souscrit) : [balas] �ÊK. vs [b˙Al˙l˙As˙] �C

��K.

Interpretation � classique � dans un cadre derivationnel (cf . Broselow,1976) :

Seules les emphatiques � independantes � sont des empha-tiques sous-jacentes (dans l’exemple ci-dessus, le [s

˙]) et

la presence de l’emphase dans les autres segments est laconsequence d’une ou plusieurs regles qui diffusent l’emphase.

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L’emphase

La � propagation � de l’emphase (2)

Exemple de regle de reecriture (Broselow, p. 40, ou CP = ConstrictedPharynx)

σ[([+seg]1 ) [+CP] ([+seg]1)]σ ⇒ 1 2 31 2 3 [+CP] [+CP]

Cette conception, exemplaire du cadre retenu par la phonologie generative,est largement partagee (interiorisee).

Ainsi, dans Ghazeli (1982, p. 256), on lit :

Generalement, toutes les voyelles sont posteriorisees quandelles sont au contact d’une consonne emphatique.

N.B. � posteriorisees � et non � posterieures �. . .

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L’emphase

La � propagation � de l’emphase (3)

Ainsi (toujours dans Ghazeli, p. 261, a propos d’un exemple comparable) :

La posteriorisation tres marquee de la consonne [b] pourraitnous suggerer que [b] n’est pas emphatise par coarticulation maisqu’elle est un phoneme emphatique sous-jacent : [b

˙].

Pour Ghazeli, la reponse est clairement ”non” : � La consonne [b] n’estjamais emphatisee sauf [. . . ] dans l’entourage d’un segmentemphatique. � (id .)

⇒ cela laisserait penser que, dans [b˙Al˙l˙As˙], le phoneme initial sous-jacent

est [b] et que quelque potion magique l’a transforme en [b˙] ?

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L’emphase

La � propagation � de l’emphase (4)

La question, c’est quoi ?

• Le locuteur qui realise un [b˙] dans [b

˙Al˙l˙As˙] commence-t-il par realiser un

[b] ? Et si oui, ou cela ?

• L’auditeur qui � recoit � le signal correspondant a [b˙] le decode-t-il en

[b] ?(� J’entends [b

˙], mais. . . attention, c’est [b] ! �)

Pour resumer :

L’objet [ballas˙] existe-t-il ?

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Emphase et contraintes

Une lecture � temporelle �

Representation temporelle avec recouvrement (simplifiee)(temporal overlap, cf . Ohmann, 1966 ; Browman and Goldstein, 1990 ;Coleman, 1998).

t0 t1 t2 t3 t4 t5 t6 t7

<b> <l>

<a>

<s>

Seg

<A >

[ b˙Al˙l˙As˙]

= ω[mod 1 ∧ (<b>(t0,t1), <l>(t2,t3), <a>(t0,t3), <A>(t0,t3)) ℘

mod 2 ∧ (<l>(t3,t4), <a>(t3,t6), <A>(t3,t6)) ℘

mod 3 ∧ (<s>(t6,t7), <Seg>(t6,t7), <A>(t6,t7))]

Representation partielle (contrainte) :h ∧ A(t(n−1),tn) ⇒ A(t0,tn)

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Emphase et contraintes

Les variantes et leurs � domaines � (1)

[l˙A˙t˙i˙f˙]

[l˙A˙t˙i˙/fa]

[s˙A˙l˙/èin]

(Le Caire, ex. tires de Broselow,1976)

Les auteurs s’accordent sur :

il existe des variations dialectales,

si la consonne emphatique est la derniere (propagation regressive) :l’emphase peut porter sur tout le mot,

si la consonne emphatique est la premiere (propagation progressive) :l’emphase peut etre bloquee par un segment palatal

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Emphase et contraintes

Les variantes et leurs � domaines � (2)

Nous ferons usage (Angoujard, 2004 et 2006) :

d’un domaine prosodique δ emphase

d’un trait mod [dom : (emphase ∨ Dom)]

Rappel (Angoujard, 2006, p. 122) :

� Si au sein d’un domaine δ i un trait dom a la valeur i , alorscette valeur est propagee dans l’ensemble du domaine δ i (tousles traits dom inclus dans ce domaine ont la valeur i). �

Usages precedents (Angoujard, 2004) :mutation (breton). δ mut (det, nom, (adj))liaison (francais). δ liaison (det, nom)harmonie vocalique (francais) δ harm (mot)

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Emphase et contraintes

Les variantes et leurs � domaines � (3)

Nous admettrons : [sc-place : A] ⇒ [dom : emphase]et, provisoirement et pour exemple, : δ emphase ≡ ω

Soit, representation en structure de traits simplifiee pour [b˙Al˙l˙As˙] �C

��K. ≡

δ emphase

mod

init

[seg : <b

˙>]som

[seg : <A>

]fin

[seg : 2

]dom : 1

mod

init

[seg : <l

˙ 2>]som

[seg : <A 3>

]fin

[seg : 3

]dom : 1

mod

init

[seg : <s

˙>]som

[seg : Seg

]dom : emphase 1

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Emphase et contraintes

Les variantes et leurs � domaines � (4)

Une representation lexicale.

Rappel : en DP la representation lexicale est une representation partielle,i .e une contrainte !

Soit, pour [b˙Al˙l˙As˙] :⟨

b, a, l 1 , a 2 , s˙

⟩∧ r nom ∧ gem( 1 ) ∧ long( 2 )

Attention !L’objet <b, a, l, a, s

˙> est une representation partielle de [b

˙Al˙l˙As˙] (on le

voit aisement dans la representation en structure de traits precedente).

Cet objet n’est pas l’objet [ballas˙] . . . qui n’existe nulle part.

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Emphase et contraintes

Les variantes et leurs � domaines � (5)

Description de [l˙A˙t˙i˙/fa] ou δ 6≡ ω (Le Caire, cf . Broselow, 1976) :

ω

(l˙At˙i)fa

)Description de [s

˙A/jjad] ou δ 6≡ ω et δ < mod (palestinien, cf . Davis,

1995) :

ω

(s˙A)jjad)

Probleme : le trait dom appartient au type mod ⇒ l’extension minimaledu domaine de l’emphase est le modele rythmique (la syllabe) ?

On peut legitimement supposer :

A j a d

Volume Cav. Pharyngale

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Conclusion et perspectives

Et plus encore. . .

Description de l’emphase associee a [s˙] et [A] : [sc-place : A] ?

Et pour [j] ?

Pourquoi pas : [s˙] → [sc-place : F2=1500Hz],

[A] → [sc-place : F2=1150Hz] ?Et une valeur croissante de F2 pour [j :] ?

Contra phonologie declarative + interpretation phonetique (Coleman,1998)

Strictement, un niveau unique de representation (qui ne peut donc etredistinct d’un quelconque niveau � phonetique �, i .e. de la structure desurface).

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Conclusion et perspectives

Conclusion sous forme rappel

L’objet [ballas˙] n’existe nulle part.

Ce qui existe :

{b, a, l[1], a[2], s˙} ∧ gem[1] ∧ long [2] ∧ C mod

∧ emphase(ω) ∧ C dom

[b˙Al˙l˙As˙]

Time (s)0.8082 2.095

-0.2259

0.2999

0

ballas

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Conclusion et perspectives

Conclusion poetique (1)

Un haiku.

L’herbe d’eteVoila tout ce qui resteDes reves des guerriers d’autrefois.

Basho (1680)

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Conclusion et perspectives

Conclusion poetique (2)

Un haiku apocryphe.

La structure de surfaceVoila tout ce qui resteDes reves des linguistes d’autrefois.

Nisho (1980)(alias Nicolas Ruwet)

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programme python

Exemple de sortie du programme phono.py

(forme [b˙Al˙As˙])

jpa@kyoto3:~$ cd PHONO-pyjpa@kyoto3:~/PHONO-py$ python phono.pyLangue (français/arabe/gallo) ? arabedomaine de l'emphase (syllabe/mot) ? motEntrée_lex : bala$

[['mod_L', ['init', ['b', [['LAR', ['L']], ['S-LAR', [['PLACE', ['U(i)', ['S-PLACE', ['A']]]], ['MODE', ['h, ?']], ['VELUM', ['Velum']]]], ['TETE', ['(i)']]]], ['POS', 1], ['PC', 'i']], ['som', ['a', [['LAR', ['Lar']], ['S-LAR', [['PLACE', ['A(i)', ['Sc-PLACE', ['A']]]], ['MODE', ['Mode']], ['VELUM', ['Velum']]]], ['TETE', ['(i)']]]], ['POS', 2], ['PC', 's']], ['VAL', 'val'], ['POIDS', 0], ['DOM', 'emphase']], ['mod_L', ['init', ['l', [['LAR', ['Lar']], ['S-LAR', [['PLACE', ['R(i)', ['S-PLACE', ['A']]]], ['MODE', ['l']], ['VELUM', ['Velum']]]], ['TETE', ['(i)']]]], ['POS', 1], ['PC', 'i']], ['som', ['a', [['LAR', ['Lar']], ['S-LAR', [['PLACE', ['A(i)', ['Sc-PLACE', ['A']]]], ['MODE', ['Mode']], ['VELUM', ['Velum']]]], ['TETE', ['(i)']]]], ['POS', 2], ['PC', 's']], ['VAL', 'val'], ['POIDS', 0], ['DOM', 'emphase']], ['mod_L', ['init', ['$', [['LAR', ['Lar']], ['S-LAR', [['PLACE', ['R', ['S-PLACE', ['A']]]], ['MODE', ['h(i)']], ['VELUM', ['Velum']]]], ['TETE', ['(i)']]]], ['POS', 1], ['PC', 'i']], ['som', ['0', [['LAR', ['Lar']], ['S-LAR', [['PLACE', ['Place', ['Sc-PLACE', ['A']]]], ['MODE', ['Mode']], ['VELUM', ['Velum']]]], ['TETE', ['Tete']]]], ['POS', 2], ['PC', 'Pc']], ['VAL', 'val'], ['POIDS', 0], ['DOM', 'emphase']]]

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bibliographie

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