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Nephrologie & Therapeutique xxx (2014) xxx–xxx
G Model
NEPHRO-687; No. of Pages 7
Cas clinique
Pre-eclampsie et troubles electrolytiques : a propos d’un cas
Electrolyte disorders in preeclampsia. A case report
Pauline Bodenmann Gobin a,*, Niels Gobin b, Julien Ducry c, Luc Portmann c,Yvan Vial a, Bruno Vogt b
a Departement de gynecologie, obstetrique et genetique, centre hospitalier universitaire Vaudois, avenue Pierre-Decker 2, 1011 Lausanne, Suisseb Service de nephrologie et consultation d’hypertension, departement de medecine, centre hospitalier universitaire Vaudois, rue du Bugnon 17, 1005
Lausanne, Suissec Service d’endocrinologie, diabetologie et metabolisme, departement de medecine interne, centre hospitalier universitaire Vaudois, batiment hospitalier, rue
du Bugnon 46, 1011 Lausanne, Suisse
I N F O A R T I C L E
Historique de l’article :
Recu le 22 fevrier 2013
Accepte le 13 octobre 2013
Disponible sur Internet le xxx
Mots cles :
Hypocalcemie
Hyponatremie
Pre-eclampsie
Sulfate de magnesium
Keywords:
Hypocalcemia
Hyponatremia
Magnesium sulfate
Preeclampsia
R E S U M E
L’apparition de troubles electrolytiques tels que l’hypocalcemie et/ou l’hyponatremie est un evenement
rare lors d’une pre-eclampsie, mais peut etre le temoin d’une situation clinique grave, avec des
consequences potentiellement defavorables pour la mere et le fœtus. L’hyponatremie survenant dans un
contexte de pre-eclampsie est un marqueur de gravite qui necessite une connaissance des mecanismes
etiologiques permettant de prescrire un traitement approprie, car la restriction hydrique souvent
envisagee n’est que rarement une option therapeutique a considerer chez la femme enceinte.
L’hypocalcemie est une complication a laquelle il faut etre attentif lors de l’instauration d’un traitement
par sulfate de magnesium intraveineux a haute dose. Dans ce contexte, l’hypocalcemie doit etre
recherchee, et sa presence motive l’exclusion d’autres etiologies : carence en vitamine D,
hypoparathyroıdisme ou perte calcique renale et extra-renale. Un traitement substitutif doit etre
envisage en cas d’hypocalcemie severe ou symptomatique, par voie intraveineuse ou orale selon les
circonstances.
� 2014 Publie par Elsevier Masson SAS pour I’Association Societe de nephrologie.
A B S T R A C T
The occurrence of electrolyte disorders as hypocalcemia and/or hyponatremia is an uncommon event in
preeclampsia, which can be the sign of serious situation, with potentially unfavourable consequences for
the mother and her fœtus. Hyponatremia in the setting of preeclampsia is an indicator of severity, and
requires the understanding of the etiologic mechanisms to initiate an appropriate treatment. Indeed the
often-considered fluid restriction is rarely a treatment option for pregnant women. Hypocalcemia is a
complication that must be monitored when a treatment with high doses of intravenous magnesium
sulphate is introduced. In this context, hypocalcemia must be sought, with the exclusion of other
etiologies as vitamin D deficiency, hypoparathyroidism or renal and extrarenal loss of calcium. A
replacement therapy, intravenous or oral according to circumstances, should be considered in case of
severe or symptomatic hypocalcemia.
� 2014 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of the Association Societe de nephrologie.
Disponible en ligne sur
ScienceDirectwww.sciencedirect.com
1. Introduction
Les troubles electrolytiques durant la pre-eclampsie sont peufrequents, mais leur presence temoigne de la gravite de differentsprocessus physiopathologiques sous-jacents.
* Auteur correspondant.
Adresses e-mail : [email protected], [email protected]
(P. Bodenmann Gobin).
Pour citer cet article : Bodenmann Gobin P, et al. Pre-eclampsie et thttp://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2013.10.005
1769-7255/$ – see front matter � 2014 Publie par Elsevier Masson SAS pour I’Associa
http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2013.10.005
Le sulfate de magnesium est le traitement de choix dans laprevention et le traitement des crises convulsives intervenantdans un contexte de pre-eclampsie, toujours utilise en associa-tion avec des agents antihypertenseurs. En plus des effetssecondaires couramment decrits, le sulfate de magnesiumadministre a haute dose peut entraıner une hypocalcemiesevere dans certaines circonstances particulieres, dont lessymptomes peuvent se confondre avec ceux de la pre-eclampsieelle-meme.
roubles electrolytiques : a propos d’un cas. Nephrol ther (2014),
tion Societe de nephrologie.
Tableau 1Diagnostic de pre-eclampsie severe (d’apres [2]).
La pre-eclampsie severe est diagnostiquee si un ou plusieurs des criteres suivants
sont presents
pression sanguine : tension arterielle systolique (TAS) > 160 mmHg/tension
arterielle diastolique (TAD) > 110 mmHg a deux occasions, a plus
de 6 heures d’intervalle, chez une patiente au repos
proteinurie > 5 g dans une recolte de 24 heures ou > 3+ dans
deux prelevements effectues a 4 heures d’intervalle
oligurie < 500 mL/24 heures
trouble neurologique (par exemple visuel)
œdeme pulmonaire ou cyanose
douleur epigastrique ou de l’hypochondre droit
alteration des tests hepatiques
thrombocytopenie
retard de croissance intra-uterin
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L’hyponatremie durant la grossesse peut etre liee a de multiplesmecanismes, tant physiologiques que pathologiques. L’evaluationde sa gravite et des traitements a envisager constitue souvent undefi en pratique clinique.
Le but de cet article est de passer en revue les mecanismesphysiopathologiques, le diagnostic et les options therapeutiquesde ces troubles electrolytiques presents lors de pre-eclampsie, ense basant sur une situation clinique que nous avons rencontreedans notre pratique.
2. Quelques rappels
2.1. La pre-eclampsie severe
La pre-eclampsie est une pathologie qui survient dans 2 a 8 %des grossesses, evoluant, dans pres de 25 % des cas, en pre-eclampsie severe.
La pre-eclampsie se definit par une hypertension nouvelleapparaissant apres 20 semaines d’amenorrhee (SA), associee a uneproteinurie de plus de 300 mg/24 heures. La pre-eclampsie severeest diagnostiquee selon les criteres definis dans le Tableau 1.Actuellement, le seul traitement curatif de la pre-eclampsie estl’accouchement. Neanmoins, en fonction du terme de la grossesseet du contexte clinique, il est possible d’instaurer un traitement desoutien visant a diminuer l’atteinte d’organes cibles chez la mere etpermettre ainsi de prolonger la grossesse. La prise en chargeconsiste a traiter l’hypertension (Tableau 2) et a prevenir lasurvenue de convulsions par l’instauration d’un traitement parsulfate de magnesium intraveineux.
La survenue de complications maternelles lors de pre-eclampsie depend essentiellement de l’age de la mere, de sonethnie et de la presence de pathologies preexistantes (diabete,vasculites, etc.). La mortalite globale est estimee a environ 7 pour100 000 cas et le risque de developper une hypertension arteriellepar la suite est de l’ordre de 20 % dans les 7 ans qui suivent [1]. Lamorbidite et la mortalite fœtales sont egalement augmentees, lieesessentiellement a la prematurite et au retard de croissance, et sontde ce fait conditionnees par l’age gestationnel au moment du debutde la pre-eclampsie.
2.2. Le sulfate de magnesium intraveineux
Le sulfate de magnesium agit principalement dans ce contexteaux niveaux cerebral et vasculaire :
� en bloquant le relargage d’acetylcholine au niveau neuronal ainsiqu’au niveau de la jonction neuromusculaire, stabilisant ainsi laplaque motrice ;� en diminuant globalement le potentiel de membrane et, de ce
fait, l’excitabilite neuronale ;
Pour citer cet article : Bodenmann Gobin P, et al. Pre-eclampsie et thttp://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2013.10.005
� en favorisant une vasodilatation peripherique par un effet « anti-calcique ».
Ce traitement permet ainsi de reduire l’apparition de crisesconvulsives de plus de 90 %. Classiquement, le sulfate demagnesium intraveineux est administre dans cette indicationsous la forme de bolus (4,0–6,0 g en 15 a 20 minutes), suivi d’uneperfusion d’entretien de 1,0 a 2,0 g/h [2], sous surveillancecontinue sur les plans cardiaque, respiratoire et neurologique. Lesprincipaux effets secondaires que l’on peut observer lors de ce typed’administration sont rappeles sur la Fig. 1.
Cas clinique (Fig. 2)
� Jour 1
Une patiente agee de 37 ans, primigeste, a 24 semaines
d’amenorrhee (SA) et 1 jour, connue pour une poly-
arthrose non inflammatoire, consulte pour des cepha-
lees d’apparition rapide associees a une pression
arterielle mesuree, a domicile, a 180/110 mmHg. Il
s’agit d’une grossesse issue d’une fecondation in vitro,
d’evolution favorable et harmonieuse jusqu’a ce
moment.
A l’admission, la patiente presente des œdemes des
membres inferieurs et une hyperreflexie musculo-
tendineuse generalisee. Les examens de laboratoire
revelent la presence d’une proteinurie mesuree a 1,5 g/
24 heures, sans hematurie ; le reste du bilan biologique
est dans les limites de la norme, en particulier la fonction
renale et les tests hepatiques. Le diagnostic de pre-
eclampsie severe est alors evoque.
L’evaluation echographique montre un fœtus avec un
poids estime a 500 g (< P10). L’etude des flux sanguins
fœtaux objective une augmentation des resistances
peripheriques et une diminution des resistances cere-
brales (doppler ombilical en classe 2), congruente avec
une adaptation au retard de croissance intra-uterin par
redistribution cerebro-placentaire. Le doppler des
arteres uterines revele egalement des resistances
elevees. La patiente beneficie alors d’un traitement
intraveineux par labetalol (20 mg/h) et sulfate de
magnesium intraveineux (4 g en bolus puis 1 g/h),
permettant une disparition quasi complete des symp-
tomes neurologiques et de l’hypertension. Une cure de
maturation pulmonaire fœtale par corticosteroıdes est
egalement realisee (betamethasone 12 mg par voie
intramusculaire a 2 reprises, a 24 heures d’intervalle).
� Jours 2–4
Des le deuxieme jour d’hospitalisation, une hypona-
tremie (129 mmol/L) hypo-osmolaire (262 mOsm/
kg H2O) apparaıt chez une patiente normo-natremique
a l’admission, ainsi qu’une nouvelle baisse du calcium
corrige a 1,89 mmol/L (calcium ionise a 1,07 mmol/L)
asymptomatique (Tableau 3). Les examens d’urine
montrent alors une creatininurie a 15 000 mM, un
rapport proteine/creatinine a 71 g/mol, un
Na < 20 mmol/L avec K a 54 mmol/L, et une osmolalite
a 644 mmol/kg H2O, parametres evocateurs d’un volume
circulant efficace abaisse.
roubles electrolytiques : a propos d’un cas. Nephrol ther (2014),
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Au troisieme jour d’hospitalisation, une oligurie appa-
raıt progressivement, avec aggravation de la fonction
renale, de l’hyponatremie et de l’hypocalcemie.
Au quatrieme jour, les symptomes neurologiques
reapparaissent sous la forme de cephalees et de
photophobie. Du point de vue biologique, la fonction
renale s’aggrave avec nouvelle apparition d’une pertur-
bation des tests hepatiques. Cette situation motive une
cesarienne en urgence pour pre-eclampsie severe a
24 SA et 4 jours, realisee sous rachianesthesie, perfusion
transitoire d’ocytocique et perfusion d’un total d’environ
1000 mL de NaCl 0,9 %. La patiente donne naissance a un
garcon mesurant 30 cm et pesant 490 g. La delivrance
placentaire est complete et les pertes sanguines sont
estimees a moins de 500 mL.
� Jours 5–6
Dans le post-partum, l’evolution maternelle est tres
rapidement favorable sur le plan neurologique, avec
disparition complete des symptomes presents imme-
diatement avant l’accouchement. La fonction renale se
normalise aussi rapidement, de meme que les tests
hepatiques. Sur le plan electrolytique, la natremie se
corrige egalement.
3. Interpretation du cas clinique
3.1. Hyponatremie hypo-osmolaire durant la pre-eclampsie
Les hyponatremies pathologiques sont rares pendant lagrossesse et resultent d’un ensemble de modifications dumetabolisme hydro-sode, en partie physiologique et en partiepathologique. Ses manifestations cliniques dependent de sa gravite(cephalees, lethargie, crampes musculaires, etat confusionnel,convulsions ou coma) et peuvent etre confondues avec celles d’uneeclampsie.
Chez la femme enceinte, un abaissement physiologiquede la natremie (de l’ordre de 5 mmol/L) et de l’osmolalite(10 mOsm/kg H2O) est observe. Ces changements apparaissent
Fig. 1. Effets secondaires en fonction
Tableau 2Exemples de traitement de l’hypertension pendant la grossesse.
Substance active Labetalol Atenolo
Classe a et b-bloquant b-bloqu
Categorie C D
Posologie 100–400 mg/j
Max 2400 mg/j
50–100
Effets secondaires Tremor, cephalees, bronchospasme Peut ma
Pour citer cet article : Bodenmann Gobin P, et al. Pre-eclampsie et thttp://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2013.10.005
des la cinquieme semaine d’amenorrhee, et se stabilisent vers ladixieme semaine, avec un retour rapide a la norme apresl’accouchement. Les etudes observationnelles ont permis d’objec-tiver plusieurs modifications du metabolisme hydro-sode [3].
3.1.1. Le seuil osmotique de secretion de la vasopressine
Le seuil osmotique de secretion de la vasopressine (ADH)s’abaisse d’environ 10 mOsm/kg H2O. Ainsi, a osmolalite egale, letaux de vasopressine chez une femme enceinte est plus eleve,conduisant a une reabsorption plus importante d’eau libre auniveau renal. Parallelement, le seuil osmotique de la soif s’abaisseegalement, permettant d’adapter les apports liquidiens a ce nouvelequilibre. Ce phenomene est connu sous la denominationanglophone de reset osmostat. Les mecanismes physiologiquesimpliques dans ces modifications ne sont pas encore elucides al’heure actuelle ; l’hormone chorionique gonadotrope (HCG) et larelaxine d’origine placentaire pourraient etre impliquees [4].
3.1.2. Le metabolisme de l’ADH
Le metabolisme de l’ADH est egalement modifie durant lagrossesse [4]. Bien que sa production augmente jusqu’a quatre foispendant les deuxieme et troisieme trimestres, sa concentrationplasmatique reste inchangee, en raison d’une augmentationconcomitante de la production placentaire de vasopressinase.Cette enzyme est synthetisee par le syncytiotrophoblaste. Saconcentration augmente environ mille fois pendant la gestation etson activite s’accroıt graduellement pour atteindre un pic autroisieme trimestre. La vasopressinase placentaire est cataboliseedans le foie. Sa degradation peut etre alteree lors de dysfonctionshepatiques, comme la pre-eclampsie ou le syndrome hemolysis,
elevated liver enzymes, low platelet (HELLP).Apres l’accouchement, la concentration de vasopressinase
diminue d’environ 25 % par jour et devient indetectable apresdeux a quatre semaines post-partum. Ainsi, une alteration del’equilibre entre la production et l’elimination d’ADH mene [5] :
� soit a une diminution de sa concentration engendrant un diabeteinsipide transitoire (decrit dans le troisieme trimestre degrossesse) ;� soit a une elevation de sa concentration menant, theoriquement
du moins, a un syndrome de secretion inappropriee d’ADH(SIADH).
Dans un cas decrit de SIADH chez une patiente presentant unepre-eclampsie severe, Sutton et al. ont postule que l’insuffisance
du degre d’hypermagnesemie.
l Nifedipine
ant Bloqueur des canaux calciques
C
mg/j 10–30 mg 2 �/j
Max 180 mg/j
squer hypoglycemie, bronchospasme Cephalees, constipation
roubles electrolytiques : a propos d’un cas. Nephrol ther (2014),
Tableau 3Recapitulatifs des valeurs de laboratoires.
Analyses j1 j2 j3 j4 j4 j5 j6 j7
Creatinine
(44–80 mM)
52 63 62 81 74 68 60 51
Sodium
(135–145 mM)
136 129 127 125 136 138 139 141
Potassium
(3,5–4,6 mM)
4,1 4,2 4,3 4,7 4,8 4,6 4,3 4,4
Magnesium total
(0,6–1,0 mM)
� 1,77 2,18 2,19 2,16 2,09 0,93 0,79
Calcium total
(2,15–2,55 mM)
� 1,92 1,87 1,78 � 1,74 2,06 2,37
Calcium corrige
(2,10–2,50 mM)
2,42 1,89 1,84 1,74 1,72 1,70 2,01 2,32
Calcium ionise
(1,12–1,32 mM)
� 1,07 � 1,00 � 0,98 � �
Phosphate
(0,8–1,40 mM)
1,11 1,15 1,22 1,45 1,61 1,77 1,53 1,06
Parathormone
(10–70 ng/L)
� � � 65 � � � 35
Vitamine D
(8,4–52,3 mg/L)
� � � 22 � � � 20
Osmolalite calculee
(270–295 mmol/kg H2O)
� 262 259 257 275 280 279 �
Osmolalite urinaire
(50–1400 mM/kg H2O)
� 644 524 � 193 � � �
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placentaire pourrait engendrer une diminution de la production devasopressinase et ainsi conduire a un SIADH secondaire [6].Pratiquement, la mise en evidence d’un SIADH lors d’une grossessedoit conduire a la recherche d’une pre-eclampsie.
Dans le cas particulier de la pre-eclampsie, un phenomene defuite capillaire est observe, provoquant une diminution du volumecirculant efficace. Cette perturbation a pour consequence :
� une activation du systeme renine-angiotensine-aldosterone(RAA), conduisant a une retention de sel ;� une activation des baro- et volo-recepteurs, augmentant la
secretion d’ADH, avec reabsorption d’eau libre au niveau renal.
Fig. 2. Chronologie d
Pour citer cet article : Bodenmann Gobin P, et al. Pre-eclampsie et thttp://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2013.10.005
3.1.3. Consequence clinique de ces deux phenomenes
La consequence clinique de ces deux phenomenes se manifestepar un sodium urinaire effondre contextuel d’un hyperaldoster-onisme secondaire, et d’une hyponatremie hypo-osmolaire con-secutive a la retention d’eau libre.
Ainsi, dans la situation de notre patiente, plusieurs mecanismespeuvent expliquer l’hyponatremie hypo-osmolaire : en effet, au vude la cinetique des evenements, l’abaissement du volume circulantdans un contexte d’insuffisance placentaire est probablement lefacteur determinant le plus important. Neanmoins, il est probableque les autres mecanismes evoques plus haut participentegalement a l’aggravation de cette hyponatremie.
es evenements.
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D’un point de vue therapeutique, la correction de la natremien’est probablement pas un objectif en soi dans ce contexte, pourautant que les symptomes neurologiques mis en evidence ne sontpas consecutifs a l’abaissement de la natremie. Il s’agit surtout decontroler le ou les facteur(s) dont ce trouble electrolytique est letemoin. L’abaissement du volume circulant efficace et le risqueteratogene limitent considerablement l’utilisation des optionstherapeutiques habituellement usitees, comme la restrictionhydrique ou plus rarement le recours a un antagoniste de l’ADH(tolvaptan par exemple). Dans l’attente du moment le plusopportun pour declencher l’accouchement, et/ou en presence desymptome(s) neurologique(s), une perfusion transitoire de NaClhypertonique (3 %) pourrait prudemment etre envisage (parexemple : 1 a 5 mL/kg par heure, avec une vitesse maximale decorrection de la natremie de 0,5 a 1,0 mmol/L par heure), jusqu’adisparition des symptomes, avec un suivi clinique et biologiquetres rapproche. Dans la situation de notre patiente, seull’accouchement avec la delivrance placentaire est salvateur,comme l’evolution dans la periode du post-partum immediattend a le montrer.
Suite du cas clinique
Toutefois, les examens sanguins mettent en e vidence une
aggravation de l’hypocalce mie (asymptomatique) apre s la
ce sarienne, avec une diminution continue des valeurs
jusqu’a j5 (calcium corrige a 1,70 mmol/L et calcium ionise a
0,98 mmol/L).
Dans ce contexte, un bilan phosphocalcique est effectue :
PTH a 65 ng/L (normale 10–60) et 25-hydroxy-vitamine-D a
22 mg/L (normale 20–50) avant le de but d’une substitution de
calcium intraveineux.
Fig. 3. Mecanismes potentiellement impliq
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3.2. Hypocalcemie dans un contexte de traitement par sulfate de
magnesium
Dans la situation de notre patiente ou il n’existe a priori pas dedysfonction primaire au niveau intestinal, des glandes parathyr-oıdes ou encore au niveau du metabolisme osseux et de lavitamine D pouvant expliquer l’hypocalcemie mise en evidence, ilconvient de rappeler les elements suivants concernant la regula-tion de la calcemie plasmatique au niveau renal [7] :
� la regulation renale de la calcemie plasmatique est essentielle-ment dependante de la filtration glomerulaire et de lareabsorption tubulaire ;� 50 a 60 % du calcium filtre au niveau glomerulaire sont
reabsorbes au niveau du tubule contourne proximal par lemecanisme des flux convectifs ;� 20 a 25 % du calcium filtre restant sont reabsorbes au niveau de la
branche large de l’anse de Henle, par voie para-cellulaire(passive), en respectant le gradient electrique genere notammentpar le transporteur Na-K-2Cl. Cette voie para-cellulaire estmodulee par les jonctions serrees, dont la famille des claudins estla composante principale, notamment Claudin-16, impliqueegalement pour la reabsorption de magnesium.
Dans le cas du magnesium, la regulation au niveau renal estcaracterisee par deux elements [7] :
� 65 % du magnesium filtre sont reabsorbes au niveau de labranche large de l’anse de Henle, par voie para-cellulaire(passive), en suivant egalement le gradient electrique modulenotamment par les proteines claudins ;
ues dans la genese de l’hypocalcemie.
roubles electrolytiques : a propos d’un cas. Nephrol ther (2014),
Fig. 4. Diminution de la reabsorption du calcium au niveau du tubule contourne distal par inhibition de TRVP5 en milieu acide. L’hypermagnesiurie associee a un pH urinaire
acide (favorise par l’administration de sulfate de magnesium lui-meme) diminue la reabsorption de calcium au niveau du tubule contourne distal en inhibant le transport
TRPV5. TRVP5 : transient receptor potential cation channel subfamily V member 5 NCX1 sodium-calcium exchanger ; PMCA1b : plasma membrane Ca-ATPase.
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� 25 % sont reabsorbes au niveau du tubule contourne proximal parle mecanisme des flux convectifs.
Dans la situation de notre patiente ou l’on observe uneaugmentation rapide du magnesium plasmatique et urinaireassociee a un volume circulant efficace abaisse, plusieursmecanismes complexes sont a l’origine de l’hypocalcemie observee(Fig. 3) :
� l’hypermagnesemie plasmatique entraıne une diminution de lareabsorption globale des ions au niveau du tubule contourneproximal, dont le mecanisme d’inhibition reste a ce jour nonelucide ;� Cruikshank et al. [8] ont montre en 1981 que le sulfate de
magnesium intraveineux a haute dose engendre une hypocalce-mie en augmentant l’excretion urinaire du calcium. Les memesauteurs ont egalement observe chez les fœtus de ces patientesune reduction de la concentration de calcium total et ionise ainsiqu’une elevation de la vitamine D et de la PTH [9]. Le mecanismeimplique n’est pas unanimement explique, mais l’on suspecteque l’hypermagnesiurie associee a un pH urinaire acide (favorisepar l’administration de sulfate de magnesium lui-meme)diminue la reabsorption de calcium au niveau du tubulecontourne distal en inhibant le transport TRPV5 (Fig. 4) [10] ;� Cholst et al. [11] ont aussi suggere en 1984 que l’hypermagne-
semie pourrait etre a l’origine d’une diminution de la secretion dePTH au niveau des glandes parathyroıdes, et que son action
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peripherique pourrait egalement etre diminuee en presenced’une hypermagnesemie. Ceci contribuerait aussi a la non-correction de l’hypocalcemie.
L’on observerait ainsi une diminution globale de la calcemiesuite a une diminution de la reabsorption renale au niveau destubules proximaux et distaux, et par une augmentation insuffi-sante de la PTH en raison de l’hypermagnesemie. En pratiqueclinique, l’hypocalcemie consecutive a la perfusion de hautes dosesde sulfate de magnesium n’est pas souvent retrouvee, et il estpossible que la diminution du volume circulant efficace chez notrepatiente ait pu aggraver l’hypocalcemie en diminuant la reabsorp-tion au niveau de la branche large de l’anse de Henle.
Fin du cas clinique
� Jours 5–6
Apres l’arret du sulfate de magnesium au deuxieme jour
post-operatoire, les valeurs de calcemie se normalisent
rapidement et la PTH diminue. La patiente presente
toujours une hypertension qui est traitee par labetalol
par voie orale et peut quitter l’hopital au 7e jour post-
partum.
Quant au nouveau-ne, il presente egalement une
hypocalcemie avec un nadir du calcium ionise a
1,09 mmol/L, necessitant une substitution de calcium
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des son premier jour de vie. L’evolution est malheur-
eusement defavorable avec un deces a 13 jours de vie,
suite a des complications liees a sa grande prematurite.
4. Options therapeutiques
Le sulfate de magnesium est un traitement cardinal de la priseen charge de la pre-eclampsie severe, et il est tres difficilementimaginable de renoncer a son utilisation lors d’une hypocalcemieconcomitante, meme si cette derniere a un impact clinique.
Lors d’une hypocalcemie corrigee inferieure a 1,9 mmol/L (oucalcium ionise inferieur a 1,0 mmol/L), il est necessaire de la traiterafin d’eviter des complications serieuses pouvant survenir chez lafemme enceinte. Le gluconate de calcium est alors la formeintraveineuse de choix : 100–300 mg sont perfuses lentement, sur10 minutes, sous surveillance cardiaque continue, car desarythmies peuvent survenir si la correction est trop rapide.Par la suite, une perfusion d’entretien de calcium, a raison de1–2 mg/kg par heure, peut s’averer necessaire, en visant unecalcemie a la limite inferieure de la norme (� 2,0 mmol/L). Dans lememe temps, une supplementation orale de calcium (2–3 g/j)associee a de la vitamine D (400 UI/j) est egalement introduite.
Finalement, l’administration concomitante de sulfate demagnesium intraveineux a haute dose et d’antihypertenseurs detype bloqueur des canaux calciques necessite une prudenceparticuliere en raison du risque d’hypotension severe [12].
5. Conclusion
L’apparition de troubles electrolytiques comme l’hypocalcemieet/ou l’hyponatremie sont des evenements rares lors de pre-eclampsie. Lorsqu’ils sont presents, ils peuvent neanmoins etre lestemoins de situations cliniques graves avec consequences poten-tiellement defavorables pour la mere et le fœtus.
L’hyponatremie hypo-osmolaire durant la grossesse est souventle reflet de plusieurs mecanismes physiopathologiques qui sesurajoutent les uns aux autres. Elle temoigne le plus souvent de lagravite de la situation et sa correction n’est que rarement une cibleen soi. Les options therapeutiques utilisees hors grossesse sont tresrarement applicables en cours de grossesse, et seule la perfusion deNaCl hypertonique peut etre prudemment envisagee dans des
Pour citer cet article : Bodenmann Gobin P, et al. Pre-eclampsie et thttp://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2013.10.005
circonstances bien choisies, en attendant l’accouchement et ladelivrance placentaire.
L’hypocalcemie est une complication a laquelle il faut etreattentif lors de l’instauration d’un traitement par sulfate demagnesium intraveineux a haute dose. Le diagnostic d’hypocalce-mie induite par l’hypermagnesemie doit etre evoque dans cecontexte apres avoir ecarte une eventuelle carence en vitamine D,un hypoparathyroıdisme ou une perte calcique renale ou extra-renale. Il est ainsi important de surveiller systematiquement lacalcemie lors de ces traitements et d’envisager une substitution encas d’hypocalcemie severe ou symptomatique, afin de prevenir lescomplications cardiaques et neuromusculaires.
Declaration d’interets
Les auteurs declarent ne pas avoir de conflits d’interets enrelation avec cet article.
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roubles electrolytiques : a propos d’un cas. Nephrol ther (2014),