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Richard Laganier Professeur de Géographie Membre de l’UMR PRODIG 8586 CNRS Université Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité Tel : 01 44 27 98 80 / 06 10 42 51 49 [email protected] Rapport préalable sur le mémoire de Benoit AUBLET intitulé « Laction en situation durgence : facteurs defficacité dans la gestion du réseau routier en cas de crues rapides. Etude appliquée au département du Gard » présenté en vue de l’obtention du grade de docteur en Géographie et sciences du territoire de l’Université de Grenoble La thèse présentée par Benoit AUBLET constitue un regard original et novateur en géographie sur laction en situation durgence. La recherche sattache tout particulièrement à analyser les conditions de lefficacité de gestion et à comprendre les mécanismes et les processus qui régissent laction des gestionnaires des réseaux routiers dans la mise en sécurité du linéaire en situation de crise. Cette recherche de 366 p est décomposée en 3 parties équilibrées et bien agencées mettant l’accent successivement sur un cadrage théorique et méthodologique de la recherche, létude des discours sur la crise et lanalyse des marqueurs de laction en situation à travers les discours. La première partie, intitulée « Analyser lurgence : cadrage théorique et méthodologique de la recherche » met l’accent sur les fondements théorique et méthodologique de la thèse et donne des éléments de contextualisation de la recherche. L’auteure s’intéresse plus particulièrement aux concepts de risque, de vulnérabilité, de crise et durgence, les deux derniers concepts constituant des objets assez marginaux en géographie alors quils sont davantage mobilisés en dautres sciences humaines sociales (sciences de linformation et de la communication ; sciences de gestion ; sociologie ou psychologie). La méthodologie déployée par lauteur met laccent sur lanalyse lexicale, lanalyse des discours et le repérage des éléments dappréhension des réalités sociales dans lénonciation des acteurs. La deuxième partie, qui a pour titre « Les dispositifs de gestion de lurgence : étude des discours sur la crise », étudie deux types discours : (1) le discours du plan « codé, institutionnalisé, officialisé » que représentent les plans de crise du Conseil Général du Gard en matière de gestion des routes (2) le discours des acteurs. Les premières analyses mettent laccent sur la nature des prescriptions et sur la façon dont les acteurs sy prennent et sorganisent pour gérer les crises. Lapproche sur les discours dacteurs permet par ailleurs de faire émerger différents « mondes lexicaux » et certains marqueurs de la gestion de crise (information, spatialités, temporalités) et de les confronter au discours du plan. Le troisième et dernier volet de la thèse correspond à l« Analyse des marqueurs de laction en situation à travers les discours ». Trois entrées thématiques sont privilégiées. La première porte sur les relations entre information et confiance et leur rôle dans lefficacité de gestion. Elle se prolonge par des réflexions sur la construction du sens dans lorganisation et sur la façon dont le sens de laction permet ladaptation des pratiques en situation turbulente. La deuxième entrée se penche sur les relations à lespace en temps de crise et souligne à quel point les expériences spatiales et la connaissance du terrain offrent un certain nombre de prises sur lenvironnement et comment les acteurs y font souvent référence. Elle met aussi laccent sur limportance de la transmission de ces compétences nécessaire à une gestion des crises de qualité. La dernière entrée focalise sur lexamen de la place des temporalités dans les dynamiques de gestion des crises à partir des discours des acteurs et dans plusieurs organisations impliquées dans la gestion de crise. Elle souligne aussi la place et la dynamique de limprovisation en temps de crise comme vecteur dadaptation.

Pré Rapports

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  • Richard Laganier Professeur de Gographie

    Membre de lUMR PRODIG 8586 CNRS Universit Paris Diderot, Sorbonne Paris Cit

    Tel : 01 44 27 98 80 / 06 10 42 51 49 [email protected]

    Rapport pralable sur le mmoire de Benoit AUBLET intitul

    Laction en situation durgence : facteurs defficacit dans la gestion du rseau routier en cas de crues rapides. Etude applique au dpartement du Gard

    prsent en vue de lobtention du grade de docteur en Gographie et sciences du territoire de lUniversit de Grenoble

    La thse prsente par Benoit AUBLET constitue un regard original et novateur en gographie sur laction en situation durgence. La recherche sattache tout particulirement analyser les conditions de lefficacit de gestion et comprendre les mcanismes et les processus qui rgissent laction des gestionnaires des rseaux routiers dans la mise en scurit du linaire en situation de crise. Cette recherche de 366 p est dcompose en 3 parties quilibres et bien agences mettant laccent successivement sur un cadrage thorique et mthodologique de la recherche, ltude des discours sur la crise et lanalyse des marqueurs de laction en situation travers les discours. La premire partie, intitule Analyser lurgence : cadrage thorique et mthodologique de la recherche met laccent sur les fondements thorique et mthodologique de la thse et donne des lments de contextualisation de la recherche. Lauteure sintresse plus particulirement aux concepts de risque, de vulnrabilit, de crise et durgence, les deux derniers concepts constituant des objets assez marginaux en gographie alors quils sont davantage mobiliss en dautres sciences humaines sociales (sciences de linformation et de la communication ; sciences de gestion ; sociologie ou psychologie). La mthodologie dploye par lauteur met laccent sur lanalyse lexicale, lanalyse des discours et le reprage des lments dapprhension des ralits sociales dans lnonciation des acteurs. La deuxime partie, qui a pour titre Les dispositifs de gestion de lurgence : tude des discours sur la crise , tudie deux types discours : (1) le discours du plan cod, institutionnalis, officialis que reprsentent les plans de crise du Conseil Gnral du Gard en matire de gestion des routes (2) le discours des acteurs. Les premires analyses mettent laccent sur la nature des prescriptions et sur la faon dont les acteurs sy prennent et sorganisent pour grer les crises. Lapproche sur les discours dacteurs permet par ailleurs de faire merger diffrents mondes lexicaux et certains marqueurs de la gestion de crise (information, spatialits, temporalits) et de les confronter au discours du plan. Le troisime et dernier volet de la thse correspond l Analyse des marqueurs de laction en situation travers les discours . Trois entres thmatiques sont privilgies. La premire porte sur les relations entre information et confiance et leur rle dans lefficacit de gestion. Elle se prolonge par des rflexions sur la construction du sens dans lorganisation et sur la faon dont le sens de laction permet ladaptation des pratiques en situation turbulente. La deuxime entre se penche sur les relations lespace en temps de crise et souligne quel point les expriences spatiales et la connaissance du terrain offrent un certain nombre de prises sur lenvironnement et comment les acteurs y font souvent rfrence. Elle met aussi laccent sur limportance de la transmission de ces comptences ncessaire une gestion des crises de qualit. La dernire entre focalise sur lexamen de la place des temporalits dans les dynamiques de gestion des crises partir des discours des acteurs et dans plusieurs organisations impliques dans la gestion de crise. Elle souligne aussi la place et la dynamique de limprovisation en temps de crise comme vecteur dadaptation.

  • Le travail produit est incontestablement de grande qualit. On peut toutefois stonner que la notion defficacit nait pas trouv un plus long dveloppement thorique dans le premier volet de la thse puisquelle constitue un objet central de lanalyse. Par ailleurs quelques rfrences des travaux portant sur la rsilience des rseaux techniques (ceux de S. Lhomme et B. Robert par exemple) ou sur la mortalit lies aux crues dans le midi mditerranen franais (L. Boissier) avaient galement toute leur place dans ltat de lart. Certains propos pourraient tre plus nuancs. Ainsi lorsque B. Aublet indique que les spcialistes de la crise cherchent trop souvent dmontrer () que cette dstabilisation na pas lieu dtre si lon respecte un certain nombre de rgles lmentaires (p. 59), il eut t opportun de rappeler que dautres spcialistes des crises (Lagadec par exemple) insistent depuis plusieurs annes sur lenjeu de prparer les responsables de la gestion des crises limprvu et limpensable. De mme lorsquil est question de lvnement du Var des 15 et 16 juin 2010, qualifi d ampleur exceptionnelle , il conviendrait de relativiser ce classement fond sur le seul critre de frquence en examinant la dynamique atmosphrique (processus assez communs) ou lampleur des impacts comme ly invite Pierre Pagney dans son ouvrage sur Les risques climatiques. De faon plus gnrale, une prsentation synthtique du terrain dtude et des enjeux aurait pu tre plus riche (bilan spatialis sur les lieux et routes interdits daccs durant les crises hydrologiques passes ; bilan sur le nombre de dcs li la mobilit dans le dpartement du Gard). Il aurait t aussi intressant davoir une discussion sur certaines propositions lies des REX rcents (Sandy notamment) qui recommande de dvelopper les TICE pour recueillir des informations terrain manant de la population, et qui permette de sortir de la logique de la distinction de mondes (prvision, dcideurs, populations) alors mme que les acteurs de terrain semblent ne pas considrer ces informations comme fiables. Toujours sur la question de la fiabilit des informations, il parait sans doute un peu exagr de prsenter le principe de fiabilit de linformation comme un rsultat inattendu (p.191) alors mme que la littrature sur la gestion des crises place la question de la circulation et de la fiabilit de linformation comme un lment structurant du systme de gestion de crise et une source importante de dfaillance. Le bilan de la deuxime partie fait ressortir trois lments principaux de lanalyse des discours (information ; marqueurs spatiaux ; questions temporelles). Ces trois catgories, de porte trs gnrale, ne sont-elles pas pour partie influences par la formulation des questions formules lors des entretiens, questions qui reviennent plusieurs reprises sur les sources et le type dinformation ou encore sur les pratiques au cur de la gestion de crises qui par essence sont en lien avec les espaces dintervention et selon les diffrentes temporalits de la crise ? Alors que le dernier chapitre discours sur lurgence : dlais daction et dimprovisation distingue les discours des divers intervenants et rend particulirement visible la distinction entre le PC dexploitation et les units territoriales tout en proposant galement des nuances en fonction de la position hirarchique occupe dans ces institutions, pourquoi le chapitre qui prcde sur le rapport lespace ne suit pas le mme type de grille danalyse par catgorie dacteur ou dinstitution ? La thse met juste titre en avant le rle de lexprience spatiale et celui de la transmission des comptences ou encore de la fiabilit de linformation comme gage defficacit dans laction. Quelles leons et recommandations pourrait-on tirer de ces analyses sur les mtiers tudis, la construction des normes et pratiques locales et leur diffusion ? Autrement dit quel transfert rel vers les acteurs en charge de la gestion des crises peut-on envisager lissue de la recherche ? La soutenance ne manquera pas de revenir sur lensemble des remarques et des questions souleves. Nanmoins, soulignons nouveau le fait que ces quelques remarques nenlvent en rien la qualit de la dmonstration. Jmets par consquent un avis trs favorable pour la soutenance de la thse de Benoit AUBLET.

    Richard Laganier

    Paris, le 27 dcembre 2013

  • Universit Paul-Valry Montpellier III, UFR 3, Gographie, Route de Mende, 34 199 Montpellier Cedex 5 [email protected]

    RAPPORT En vue de la soutenance de thse de

    M. Benoit AUBLET (universit de Grenoble)

    Laction en situation durgence : facteurs defficacit dans la gestion du rseau routier en cas de crues rapides.

    Etude applique au dpartement du Gard

    Etabli par Nancy MESCHINET DE RICHEMOND Matre de confrences HDR, dpartement de Gographie, Universit Paul Valry Montpellier III

    Le travail que prsente M. Benoit AUBLET pour obtenir le grade de docteur en Gographie se compose dun volume intitul Laction en situation durgence : facteurs defficacit dans la gestion du rseau routier en cas de crues rapides. Etude applique au dpartement du Gard . Ce volume de 366 pages, la prsentation soigne, comporte 312 pages de texte, 296 rfrences bibliographiques (27 pages), 88 illustrations (77 figures et 11 tableaux) et 8 pages dannexes. Disons demble que M. Benoit Aublet livre ici un travail de qualit, rpondant aux exigences attendues dune thse de doctorat, tout en prsentant une intressante dimension applique et oprationnelle. 1) Cet ouvrage, riche dune abondante bibliographie francophone et anglophone jour, prsente une recherche dans le domaine des risques, champ dinvestigation maintenant bien tabli en gographie. Ce travail sinscrit la fois dans une continuit personnelle de recherche amorce en master et dans un axe de recherche rcent sur les risques : les vulnrabilits structurelles et surtout fonctionnelles (mise en danger des personnes qui se dplacent et accessibilit des secours maintenir). Axe de recherche caractris par lessor de programme de recherche largement pluridisciplinaires comme le projet ANR Prediflood qui a en partie financ cette thse. Aprs une introduction de 18 pages, qui prcise la problmatique gnrale, le cadre, les objectifs et les hypothses de la recherche, la rflexion et les rsultats de lauteur sorganisent en 3 parties et 7 chapitres assez quilibrs (une premire partie de 85 pages, une deuxime partie de 64 pages et une troisime partie de 102 pages ; les chapitres faisant entre 28 et 46 pages). La premire partie sappuie sur un tat de lart bibliographique pour justifier le thme, les hypothses de travail et les mthodes choisies (approche qualitative du discours des acteurs par lenqute comprhensive et le recours la sociologie de la traduction ). Nous souhaitons identifier la faon dont les acteurs vivent ces priodes de crise [], interagissent avec des humains et non-humains, sorganisent pour [y] rpondre, crent des dispositifs spatiaux pour agir, et font appel lexprience pour dcider (p. 82). Le rapport des acteurs lespace et au territoire est analys travers lenjeu, les besoins dune golocalisation prcise des informations sur les coupures du rseau routier. B. Aublet propose une argumentation convaincante (p. 59, 68, 75-79, 219-222, 228-230, 258-261) en sappuyant sur des citations et des rfrences bibliographiques mobilises de manire pertinente pour justifier ses choix (J. Kaufmann et B. Latour sont particulirement cits). Le travail denqute, central dans la recherche propose, sarticule essentiellement autour de 64 entretiens (p. 72, 76, 85-87, 95, 162-185, partie 3 et annexes) raliss dans le Gard (et secondairement dans le Var). Ce corpus consquent fait ensuite lobjet dune analyse automatique du discours avec le logiciel Alceste (Analyse des Lexmes Coocurrents

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    dans les Enoncs Simples dun Texte, prsent p. 90-96 et p.159-161) et dune analyse dtaille de contenu manuelle et non automatise . La deuxime partie dcrit le plan de crise du Conseil gnral du Gard en matire de gestion des routes afin de prciser les modalits dexpression (processus et logiques daction) des dcalages entre prescriptions et pratiques relles des acteurs. Ces dcalages sorganisent autour de 3 dimensions (ou marqueurs de laction ) : le rapport linformation en temps de crise, le rapport lespace et le rapport aux temporalits (p. 6, 67, 186-187). Le logiciel Alceste a notamment t utilis pour caractriser ces trois dimensions, 82% du corpus denqute ayant pu tre analys (p. 95). La troisime partie prsente de manire plus fine les rsultats et analyses de lenqute de terrain mene au sein du CG30 et auprs dautres acteurs concerns par la gestion des routes en cas de crise. Ce travail dinterprtation et danalyse est, logiquement, organis en 3 chapitres reprenant les 3 dimensions identifies prcdemment. 2) Il convient tout dabord de remarquer le soin apport par lauteur la prsentation de ce volume, dont la lecture est aise et agrable. Cette qualit tmoigne de la capacit de lauteur exposer clairement ses ides et les diffuser au sein de la communaut scientifique contemporaine. Des conclusions partielles (qui sont plutt des transitions ou tapes de rflexion dont la qualit doit tre souligne) et des rsums de chapitre facilitent la lecture, de mme que des schmas comme ceux des pages 70 et 97 qui synthtisent les mthodes et dmarches suivies (et synthses des p. 290, 298, 306). La mise en page et la typographie sont claires, les illustrations sont bien rfrences et leur(s) source(s) identifies, les annexes sont utilises dans la dmonstration. A 5 ou 6 exceptions prs (Mainar, p. 34 ; Darron, p. 52, Shrivastava, p. 58, Soubeyran 2009, p. 121), toutes les rfrences cites dans le texte sont en bibliographie finale, laquelle prcise les pages des citations. Quelques remarques peuvent toutefois tre mentionns, sans pour autant remettre en cause la qualit densemble que nous venons de souligner. Par exemple, on pourra regretter de ne pas trouver mobilis dans la dmonstration des ressources bibliographiques comme le rapport du projet VMCS-SCAMPEI (Leone, dir., 2011, Risk quantification of network interruption by debris flows), des travaux/rapports de lAFPCN (le vivre avec la rivire des bateliers de lArdche), une mobilisation plus importante des retours dexprience (inondation de Nmes ou accident industriel de Ble) ou des travaux de R. dErcole et P. Metzger sur les transmissions de vulnrabilits territoriales lies aux rseaux. Le respect des normes de prsentation et de renvoi bibliographique nest pas toujours suffisant. Enfin, nous regrettons quelques lourdeurs de style ou de syntaxe, notamment en premire partie (les variations opres dans le registre de langue utilis par lauteur ne sont pas toujours heureuses, p. 4, 15, 41, 52, 54). Lemploi parfois abusif et trop systmatique de mots en italique ou entre guillemets (sans quil sagisse explicitement dune citation) ne renforce pas la dmonstration (p. 51, 56, 66, 109, 117, 153). Lillustration est soigne, les cartes proposes (p. 40, 106, 107, 110, 182, 183) tmoignent de la matrise des logiciel SIG aujourdhui indispensables en gographie. Quelques rserves doivent cependant tre signales : absence de toponymie (106-107), mauvaise lisibilit lie une taille trop petite (p. 131, 144, 213), certains schmas auraient pu tre refaits et adapts davantage au dpartement tudi (p. 102, 104). On peut galement stonner de labsence de photos (celle p. 206 est tire de Google Image) alors quun corpus de 200 clichs pris lors de diffrents REX a t utilis (p. 87). Enfin, le chapitre 6 en particulier, consacr au rapport lespace en temps de crise, aurait du tre loccasion dinsrer des cartes et photos pour tayer la dmonstration (mme si la question de lanonymat des entretiens, voque p. 76-77, pouvait compliquer ce travail de cartographie). 3) Tout en souscrivant une forme dsormais classique de prsentation des travaux de recherche (Etat de lart - problmatique et hypothses - mthodologie et validation rsultats, en dernire partie), le plan adopt pour la thse est plus complexe quil ny parat. Ainsi, par exemple la prsentation des rsultats commence ds la fin du chapitre 3 (p. 153-154) avec deux belles pages sur ce qui ressort de lanalyse lexicale du plan de crise du CG30, savoir une absence assez claire du facteur humain, [un] caractre englobant [] qui laisse supposer quil est possible de caractriser lavance une situation de

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    crise ( laction adquate est sense tre connue lavance ) et un plan qui met assez peu laccent sur les communications vers lextrieur . A juste titre nous semble-t-il (et dans la ligne pragmatique et oprationnelle de gographes des risques comme B. Martin dans les Alpes du sud), lauteur dfend de manire convaincante (chapitre 2) une dmarche de recherche qui souligne combien le cheminement intellectuel et mthodologique dune thse est aussi, en soi, un rsultat et pas seulement un moyen (p. 65). On ne peut qutre sensible lattachement de B. Aublet linterpellation du terrain et aux remises en cause que cela induit (prise en compte dacteurs non prvus, largissement au Var), au lien dynamique et constant faire entre cheminement, mthodes et rsultats. Ainsi, les pages prsentant les apports et limites du logiciel Alceste (p. 91-95) ont effectivement leur place dans le texte (p. 85) et non en annexe et proposent une rflexion nuance, appuye sur des citations dont la longueur se justifie par souci dviter la caricature. La longueur des citations tires de rfrences bibliographiques ou des entretiens de terrain (p. 245-246) traduit donc la rigueur de B. Aublet dans la mise en uvre de sa mthodologie de recherche. Ce souci de la finesse danalyse et de limportance des nuances est galement bien exprim pages 224 234, par exemple travers la notion d enactment de Weick (p. 230). Une importante qualit du travail de B. Aublet rside galement dans sa capacit mobiliser, en relation avec sa dmarche, un grand nombre de rfrences bibliographiques issues de champs disciplinaires varis (gographie, conomie, sociologie). Effort quil convient de saluer quand on connat limpermabilit des corpus bibliographiques disciplinaires. En contrepoint de cette qualit, quelques raccourcis ou anachronismes (surtout dans le chapitre 1) dtonnent parfois (p. 25, 29, 30-31, 33). La qualit du raisonnement sexprime travers le lien entre travail de terrain, lectures et remises en perspective des apports de lenqute pour formuler, affiner de nouveaux questionnements et mieux cerner ce qui se joue, par exemple, dans la confiance entre acteurs (confiance qui permet de rduire le temps de collecte et dobjectivation des informations, gage de rapidit et de meilleure efficacit en cas de crise : en cela, la confiance relve bien dun processus rationnel et pas seulement motionnel, p. 219-221). Ainsi, les pages 231-234 proposent une remise en perspective de la notion de rsilience bien meilleure que les pages qui y sont consacres dans le chapitre 1. De mme, il convient de souligner la finesse de rflexion propose autour des questions de vocabulaire, entre anticipation et vigilance (p. 59 et 251-261) ou entre vulnrabilit/rsilience et accompagnement/adaptation (p. 26 et 222-234). La rigueur du travail sexprime aussi dans le recours systmatique ltymologie en premire partie. Lauteur relve les ambigit de certaines dfinitions du mot crise, ou de formules communment utilises comme gestion de crise (p. 58-59). Lambivalence de lurgence (vcue tantt positivement et tantt ngativement selon les acteurs), limportance du faire avec plutt que du lutter contre , limportance et la dimension positive de limprovisation , de lexprience personnelle des acteurs rejoignent tout fait nos propres rsultats de recherche (chapitre 7). On regrettera cependant, ici ou l, notamment en premire partie, quelques choix malheureux de formulation franaise, ou quelques ambiguts de dfinition (crue, crue clair, inondation, vnement pluvieux violent en introduction). 4) Les 4 derniers chapitres prsentent des rsultats riches, clairs et nuancs. On note par exemple de belles pages lorsque lauteur, au cur de son sujet, prend quelques distances avec la bibliographie (p. 258-259), comme en troisime partie. Les 4 derniers chapitres sont en cohrence avec la posture de recherche de B. Latour dont se rclame principalement (mais pas exclusivement) B. Aublet : les bonnes descriptions en sciences sociales ne ncessitent pas dexplication (p. 84). En effet, le caractre dlibrment descriptif de ces chapitres est en fait dynamique et correspond une dmonstration rigoureuse et nuance dont les justifications ont t bien poses en introduction et dans la mthodologie. Chemin faisant, lauteur mentionne des questions fondamentales de recherche ( comment peut-il y avoir une possibilit de modle dans le cas des situations contingentes telles que dcrites par les acteurs ? p. 214) en laissant au lecteur la libert de forger sa rponse la lecture des extraits dentretiens cits. Cependant, nous regrettons que B. Aublet reste un peu en retrait et ne dveloppe pas toujours suffisamment sa propre position (lexemple voqu ci-dessus p. 84 sur la bonne description est explicit en 9 lignes en note de bas de page). Ainsi, alors quil se justifie plusieurs reprises de ne pas avoir conduit des entretiens directifs ou par questionnaires (chapitre 2), ce qui ne soulve pas dobjection,

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    lhumilit du chercheur ne devrait pas empcher B. Aublet de prciser davantage quels ont t les apports/modifications issus des entretiens prparatoires (p. 76), comment sa pratique denquteur a volue, sest enrichie au cours des annes de travail. Enfin, la dimension descriptive du plan choisi peut galement tre interroge car revtant plusieurs reprises un caractre trop statique (chapitre 1, chapitre 3 en particulier), procdant par pauses, renvois et retours en arrire qui sarticulent moins bien avec les choix mthodologiques oprs. Cela se traduit par un manque de liant dans la rdaction et notamment dans les introductions/transitions entre les sous-parties (nombreuses occurrences de propos tels que revenons dabord sur , [cela] oblige un lger dtour , listes ditem plutt que paragraphe rdig). La progression de la pense est parfois considre comme vidente ou dcoulant de la juxtaposition des paragraphes, mais une rdaction plus fluide peut tre prfrable une liste ditem afin de nuancer le propos (p. 6-7). Le dcoupage du plan choisi oblige ainsi des va-et-vient parfois inconfortables (par exemple pour la notion despace/territoire, rencontre p. 37-39 et p. 239) et rend le premier chapitre moins convaincant. Au-del de larticulation pertinente avec un programme de recherche (ANR Prediflood) dont ce travail tmoigne, demeure un certain flou sur la justification hydrologique (crues, crues clairs, inondation, vnement pluvieux violent) et territoriale (un dpartement, par dfinition dbord par les rseaux routiers et hydrographique comme le signale lauteur dans une note de bas de page) des bornes du sujet. Les propos de la p. 79 sur la mobilit des cadres socio-spatiaux aurait pu tre loccasion de rassembler plusieurs remarques parses dans la thse et de proposer un recul rflexif sur limportance/la difficult des limites territoriales choisies pour traiter le sujet. Mais ce recul rflexif ne peut gure tre demand un jeune chercheur et il sagit plutt ici de souligner, travers des pistes de discussion, la qualit du travail prsent. Dautres questions pourront tre abordes lors de la soutenance, notamment de dbat disciplinaire (diffrence en espace et territoire par exemple) ou de perspectives et douverture ( conditionnement dune pense (p. 34) et fabrication de comportements attendus (p. 121) en relation avec les hritages culturels issus de lpoque moderne au cours de laquelle se forgent les disciplines et lobjectivit scientifique ; recul rflexif sur les transformations contemporaines du travail de recherche en relation avec lessor des NTIC et la diffusion du vocabulaire du management de lentreprise dans le langage commun). Conclusion et avis : A la lecture de ce travail consquent, le haut niveau scientifique et la rigueur de M. Benoit Aublet apparaissent clairement, de mme que le caractre original de sa dmarche. Cette recherche constitue un apport significatif dans le domaine de ltude des risques en gographie, et contribue au changement de regard port sur les acteurs de terrain, en abordant la thmatique encore peu explore de laction et des relations entre acteurs en temps de crise. Enfin, les modalits de ralisation de ce travail, adoss au projet ANR Prediflood et ralis au sein de lUMR PACTE-Territoires, souligne la capacit de M. Benoit Aublet sinsrer dans le monde de la recherche contemporaine.

    Cest donc pour lensemble de ces raisons que mon avis est favorable pour la soutenance de thse de M. Benoit AUBLET.

    Fait Montpellier, le 10 janvier 2014

    Nancy MESCHINET DE RICHEMOND