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Rétine Images en Ophtalmologie Vol. VII n o 3 mai-juin 2013 45 Cas clinique Prise en charge chirurgicale d’un trou maculaire post-traumatique Vitreoretinal surgery in post-traumatic macular hole F. Babeau 1 , C. Rohart 1,2 , E. Mercé 1 , S. Allieu 1 ( 1 Clinique Beau-Soleil, Montpellier ; 2 Cabinet d’ophtalmologie de Castries) U ne femme de 55 ans consulte pour un trou maculaire de l’œil droit consé- cutif à un traumatisme contusif datant de 10 mois. Examen et prise en charge L’acuité visuelle de l’œil droit est à 1/10 P28, et le fond d’œil révèle un trou maculaire à bords soulevés, associé à une rupture de la membrane de Bruch verticale, juxta- fovéale, localisée en temporal. La tomographie par cohérence optique (OCT) montre un trou maculaire de 550 µm de diamètre à bords soulevés (figure 1, p. 46), et les clichés en autofluorescence, une hypo- densité rétrofovéolaire évocatrice d’une séquelle hémorragique ou contusive (figure 2, p. 46). L’angiographie à la fluorescéine montre une rupture de la membrane de Bruch et élimine une altération conséquente du tapis chorio-épithélial (figure 3, p. 46). Devant l’absence de fermeture spontanée à 1 an, une vitrectomie est réalisée avec vérification du caractère décollé de l’hyaloïde postérieure et dissection de la mem- brane limitante interne aidée de colorant. Pendant l’opération, une dialyse rétinienne sans soulèvement est mise en évidence et traitée par cryo-application. En fin d’inter- vention, un échange fluide air puis air-C2F6 à 17 % est réalisé. Un mois et demi après l’opération, l’acuité visuelle est mesurée à 1/20 P10, et le trou maculaire est fermé (figure 4, p. 46). La patiente décrit une disparition de son scotome et ressent une amélioration subjective. Discussion Les atteintes contusives du segment postérieur résultent de divers mécanismes : traumatisme direct ou indirect, expansion à l’équateur. Les trous maculaires après traumatisme sont secondaires à des contusions à globe fermé (1). Ils se ferment spontanément chez la moitié des patients en 1 semaine à 4 mois (2, 3). Des facteurs de bon pronostic de fermeture ont été décrits : petite taille (100 à 200 µm), bonne acuité visuelle initiale, attache du vitré postérieur, patient jeune. Une période de surveillance de 3 à 6 mois peut être proposée. Les taux de fermeture après chirurgie et l’amélioration de l’acuité visuelle sont élevés pour les trous maculaires post-traumatiques isolés (4-6). Le taux de fermeture semble augmenté par le pelage de la limitante interne (7, 8). Diverses atteintes rétiniennes peuvent s’associer au trou maculaire et menacer la récupération visuelle. Notre patiente présentait une rupture de la membrane de Bruch, une dialyse rétinienne, une séquelle probable d’hémorragie sous-rétinienne ou de contusion et une altération de la ligne des photorécepteurs. Le décollement de la rétine, consécutif à une déchirure rétinienne ou dialyse, est l’atteinte du segment postérieur la plus fréquente. Une dialyse peut passer inaperçue lors de l’évaluation initiale. Dans le cas de notre patiente, la chirurgie a permis de révéler une dialyse rétinienne passée inaperçue jusqu’alors. Trou maculaire post-trauma- tique • Chirurgie vitréo- rétinienne. Traumatic macular hole • Vitreoretinal surgery.

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Images en Ophtalmologie • Vol. VII • no 3 • mai-juin 201345

Cas clinique

Prise en charge chirurgicale d’un trou maculaire post-traumatiqueVitreoretinal surgery in post-traumatic macular holeF. Babeau1, C. Rohart1,2, E. Mercé1, S. Allieu1 (1 Clinique Beau-Soleil, Montpellier ; 2 Cabinet d’ophtalmologie de Castries)

U ne femme de 55 ans consulte pour un trou maculaire de l’œil droit consé-cutif à un traumatisme contusif datant de 10 mois.

Examen et prise en chargeL’acuité visuelle de l’œil droit est à 1/10 P28, et le fond d’œil révèle un trou maculaire à bords soulevés, associé à une rupture de la membrane de Bruch verticale, juxta-fovéale, localisée en temporal.La tomographie par cohérence optique (OCT) montre un trou maculaire de 550 µm de diamètre à bords soulevés (fi gure 1, p. 46), et les clichés en autofl uorescence, une hypo-densité rétrofovéolaire évocatrice d’une séquelle hémorragique ou contusive (fi gure 2, p. 46). L’angiographie à la fl uorescéine montre une rupture de la membrane de Bruch et élimine une altération conséquente du tapis chorio-épithélial (fi gure 3, p. 46).Devant l’absence de fermeture spontanée à 1 an, une vitrectomie est réalisée avec vérifi cation du caractère décollé de l’hyaloïde postérieure et dissection de la mem-brane limitante interne aidée de colorant. Pendant l’opération, une dialyse rétinienne sans soulèvement est mise en évidence et traitée par cryo-application. En fi n d’inter-vention, un échange fl uide air puis air-C2F6 à 17 % est réalisé. Un mois et demi après l’opération, l’acuité visuelle est mesurée à 1/20 P10, et le trou maculaire est fermé (fi gure 4, p. 46). La patiente décrit une disparition de son scotome et ressent une amélioration subjective.

DiscussionLes atteintes contusives du segment postérieur résultent de divers mécanismes : trauma tisme direct ou indirect, expansion à l’équateur.Les trous maculaires après traumatisme sont secondaires à des contusions à globe fermé (1). Ils se ferment spontanément chez la moitié des patients en 1 semaine à 4 mois (2, 3). Des facteurs de bon pronostic de fermeture ont été décrits : petite taille (100 à 200 µm), bonne acuité visuelle initiale, attache du vitré postérieur, patient jeune. Une période de surveillance de 3 à 6 mois peut être proposée. Les taux de fermeture après chirurgie et l’amélioration de l’acuité visuelle sont élevés pour les trous maculaires post-traumatiques isolés  (4-6). Le taux de fermeture semble augmenté par le pelage de la limitante interne (7, 8).Diverses atteintes rétiniennes peuvent s’associer au trou maculaire et menacer la récupération visuelle. Notre patiente présentait une rupture de la membrane de Bruch, une dialyse rétinienne, une séquelle probable d’hémorragie sous-rétinienne ou de contusion et une altération de la ligne des photorécepteurs. Le décollement de la rétine, consécutif à une déchirure rétinienne ou dialyse, est l’atteinte du segment postérieur la plus fréquente. Une dialyse peut passer inaperçue lors de l’évaluation initiale. Dans le cas de notre patiente, la chirurgie a permis de révéler une dialyse rétinienne passée inaperçue jusqu’alors.

Trou maculaire post-trauma-tique • Chirurgie vitréo-rétinienne.

Traumatic macular hole • Vitreoretinal surgery.

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Les ruptures choroïdiennes, présentes dans 5 à 10 % des cas, peuvent associer une interruption de la membrane de Bruch, de la choroïde et de l’épithélium pig-mentaire (9). Elles se traduisent initialement par une ligne hypoautofl uorescente et peuvent se compliquer d’une néovascularisation choroïdienne (10). Le pronostic est mauvais lorsqu’elles bissectricent le trou ; la chirurgie est peu recommandée. Dans notre cas, la rupture était parafovéolaire. L’hémorragie sous-rétinienne accompagne souvent les ruptures choroïdiennes et se traduit, lorsqu’elle est récente, par une hypofl uorescence par effet masque. L’hémor-ragie sous-maculaire prolongée menace la vision en entraînant des dommages de l’épithélium pigmentaire et des photorécepteurs. L’œdème de Berlin correspond à une fragmentation des segments externes des photo-récepteurs (11). Des dommages importants de l’épithélium pigmentaire risquent de compromettre la récupération visuelle et la fermeture d’un éventuel trou macu-laire (12). Ils seront au mieux appréciés sur les clichés en autofl uorescence ; une diminution de celle-ci fera redouter une atrophie de l’épithélium pigmentaire (9). Une hyperfl uorescence inhomogène à la fl uorescéine signe une atteinte avérée et profonde de l’épithélium pigmentaire. Dans notre cas, l’angiographie ne montrait ni nécrose ni atrophie de l’épithélium pigmentaire. Cependant, l’autofl uorescence, refl et de l’état de l’épithélium pigmentaire, était anormale, avec hypo-autofl uorescence séquellaire d’une hémorragie ou d’un œdème contusif pouvant expliquer en partie la mauvaise récupération visuelle. Si la présence d’un œdème de Berlin ne doit pas être un frein au traitement chirurgical (12), les dommages pouvant être réversibles (11), une nécrose de l’épithélium pigmentaire doit quant à elle inciter à l’abstention.

En l’absence de lésions contusives associées, la décision thérapeutique est assez bien codifi ée, et, après une surveillance de 3 à 6 mois, en cas de non-fermeture spontanée du trou maculaire, une chirurgie peut être proposée ; les résultats sont proches de ceux des trous maculaires spontanés.L’indication chirurgicale en cas de lésions contusives associées est beaucoup plus délicate.L’imagerie, et tout particulièrement les clichés en autofluorescence, permet d’ apprécier l’état du tapis chorio-épithélial, facteur pronostique d’importance. Ainsi, des troubles de l’autofl uorescence doivent faire craindre des dommages rétiniens et un mauvais pronostic visuel (9).L’acuité visuelle après l’opération est étroitement associée au niveau d’acuité visuelle avant la chirurgie et au type et à la sévérité des atteintes. Dans notre cas, la mauvaise acuité visuelle initiale et les lésions associées auraient rendu légitime l’abstention thérapeutique. Cependant, la chirurgie, motivée par l’absence de fer-meture spontanée, par la présence d’un scotome invalidant et par le souhait de la patiente, a permis une amélioration visuelle subjective ainsi que la découverte d’une dialyse.Dans ces cas de trou maculaire avec contusion rétinienne associée, en l’absence de fermeture spontanée du trou, l’indication chirurgicale doit être posée au cas par cas en accord avec le patient, qui sera informé du caractère aléatoire et partiel du bénéfi ce fonctionnel attendu. IIII

Références bibliographiques1. Chen YJ. Vitrectomy and internal limiting membrane peeling of a traumatic macular hole with retinal folds. Case Rep Ophtalmol 2011;2(1):78-83.2. Yamashita T, Uemara A, Uchino E, Doi N, Ohba N. Spontaneous closure of traumatic macular hole. Am J Ophthalmol 2002;133(2):230-5.3. Mitamura Y, Saito W, Ishida M, Yamamoto S, Takeuchi S. Spontaneous closure of traumatic macular hole. Retina 2001;21(4):385-9.4. García-Arumí J, Corcostegui B, Cavero L, Sararols L. The role of vitreoretinal surgery in the treat-ment of posttraumatic macular hole. Retina 1997;17(5):372-7.

5. Chow DR, Williams GA, Trese  MT et  al. Successful closure of traumatic macular hole. Retina 1999;19(5):405-9.6. Amari F, Ogino N, Matsumura M, Negi  A, Yoshimura  N. Vitreous surgery for traumatic macular holes. Retina 1999;19(5):410-3.7. Kuhn F, Morris R, Mester V, Witherspoon CD. Internal limiting membrane removal for trau-matic macular holes. Ophtalmic Surg Lasers 2001;32(4):308-15.8. Ikeda T, Sato K, Otani H, Yu S, Ikeda  N, Mimura  O. Vitreous surgery combined with internal limiting membrane peeling for trau-matic macular holes with severe retinal folds. Acta Ophtalmol 2002;80(1):88-90.9. Lavinsky D, Martins EN, Cardillo JA, Farah ME. Fundus autofl uorescence in patients with blunt ocular trauma. Acta Ophtalmol 2011;89(1):e89-94.10. Wood CM, Richardson  J. Chorioretinal neovascular membranes complicating contu-sional eye injuries with indirect choroidal ruptures. Br J Ophtamol 1990;74(2):93-6.11. Liem AT, Keunen JE, van Norren D. Rever-sible cone photoreceptor injury in commotio retinae of the macula. Retina 1995;15(1):58-61.12. Johnson RN, McDonald HR, Lewis H et al. Traumatic macular hole: observations, patho-genesis, and results of vitrectomy surgery. Ophtalmology 2001;108(5):853-7.

F. Babeau déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Légendes

Figure 1. Trou maculaire de grande taille (tomographie en cohérence optique) : cliché anérythre (a) ; coupe OCT verticale (b) .

Figure 2. Hyperautofl uorescence du trou maculaire, rupture choroïdienne parafovéo-laire en hypoautofl uorescence avec bords hyperautofl uorescents, plage d’hypoauto-fl uorescence probablement séquellaire d’une hémorragie sous-rétinienne (cliché en auto-fl uorescence).

Figure 3. Hyperfl uorescence du trou et de la rupture choroïdienne, petites altérations punctiformes du tapis chorioépithélial sans atteinte majeure (angiographie à la fl uores-céine).

Figure 4. Trou maculaire fermé (tomo-graphie en cohérence optique) : cliché ané-rythre (a) ; coupe OCT verticale (b) .

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