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© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Gastroentérologie clinique et biologique 32 (2008) S71–S73 Éditorial Prise en charge de l’hépatite C en 2008 Management of chronic hepatitis in 2008 S. Pol a,* , P. Marcellin b a Service d’Hépatologie, Hôpital Cochin, 27, rue du faubourg Saint Jacques, 75014 Paris, France ; Université René Descartes, Paris V, INSERM U567, 12, rue École de Médecine, 75006 Paris, France b Service d’Hépatologie, Hôpital Beaujon, 100, bd Général Leclerc, 92110 Clichy, France ; Université Denis Diderot, Paris VII, INSERM U773/CRB3, Clichy, France Au moment où l’on fête le 20 e anniversaire de la découverte du virus de l’hépatite C (VHC), on reste impressionné par les progrès qui ont été faits à la fois dans les aspects diagnostiques et thérapeutiques. Les progrès de la biologie moléculaire ont permis le développement de tests sérologiques sensibles et spécifiques, ceux de 3 e génération évitant les faux posi- tifs et réduisant la fréquence des faux négatifs, notamment la durée de la période fenêtre de séroconversion au moment de la rencontre avec le VHC. Ils ont surtout permis de développer des outils moléculaires sensibles permettant le génotypage et le sous-typage des virus et la mesure fiable et reproductible de la charge virale. Au-delà d’un intérêt virologique et socio-virologique (importation du génotype 3 par les voyageurs des années 70 vers l’Asie du Sud-Est, épidémiologie de l’infec- tion virale C par le génotype 4 au Moyen-Orient et particulièrement en Egypte pour les traitements collectifs de la shistosomiase, localisation de clusters viraux dans les populations telles que les homosexuels masculins infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH)), leur intérêt majeur est l’accompagnement de la prise en charge thérapeutique. Des consensus Ces progrès se sont concrétisés par une prise en charge optimisée et de mieux en mieux définie au cours de Conférences de Consensus Nationales (1997 et 2002 pour le VHC) [1] ou de Conférences d’experts internationaux (2005 pour la co-infection VIH-VHC) [2] . *Auteur correspondant. Service d’Hépatologie, Hôpital Cochin, 27, rue du faubourg Saint Jacques, 75014 Paris, France. Adresse e-mail : [email protected] (S. Pol) MOTS CLÉS Hépatite C ; Fibrose ; Cirrhose KEYWORDS Hepatitis C; Fibrosis; Cirrhosi

Prise en charge de l’hépatite C en 2008

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Page 1: Prise en charge de l’hépatite C en 2008

© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Gastroentérologie clinique et biologique 32 (2008) S71–S73

Éditorial

Prise en charge de l’hépatite C en 2008

Management of chronic hepatitis in 2008

S. Pol

a,*

, P. Marcellin

b

a

Service d’Hépatologie, Hôpital Cochin, 27, rue du faubourg Saint Jacques, 75014 Paris, France ; Université René Descartes, Paris V, INSERM U567, 12, rue École de Médecine, 75006 Paris, France

b

Service d’Hépatologie, Hôpital Beaujon, 100, bd Général Leclerc, 92110 Clichy, France ; Université Denis Diderot, Paris VII, INSERM U773/CRB3, Clichy, France

Au moment où l’on fête le 20

e

anniversaire de la découverte du virus de l’hépatiteC (VHC), on reste impressionné par les progrès qui ont été faits à la fois dans lesaspects diagnostiques et thérapeutiques.

Les progrès de la biologie moléculaire ont permis le développement de testssérologiques sensibles et spécifiques, ceux de 3

e

génération évitant les faux posi-tifs et réduisant la fréquence des faux négatifs, notamment la durée de la périodefenêtre de séroconversion au moment de la rencontre avec le VHC. Ils ont surtoutpermis de développer des outils moléculaires sensibles permettant le génotypageet le sous-typage des virus et la mesure fiable et reproductible de la charge virale.

Au-delà d’un intérêt virologique et socio-virologique (importation du génotype3 par les voyageurs des années 70 vers l’Asie du Sud-Est, épidémiologie de l’infec-tion virale C par le génotype 4 au Moyen-Orient et particulièrement en Egyptepour les traitements collectifs de la shistosomiase, localisation de clusters virauxdans les populations telles que les homosexuels masculins infectés par le virus del’immunodéficience humaine (VIH)), leur intérêt majeur est l’accompagnementde la prise en charge thérapeutique.

Des consensus

Ces progrès se sont concrétisés par une prise en charge optimisée et de mieux enmieux définie au cours de Conférences de Consensus Nationales (1997 et 2002 pourle VHC)

[1]

ou de Conférences d’experts internationaux (2005 pour la co-infectionVIH-VHC)

[2]

.

*Auteur correspondant. Service d’Hépatologie, Hôpital Cochin, 27, rue du faubourg Saint Jacques, 75014 Paris, France.

Adresse e-mail :

[email protected] (S. Pol)

MOTS CLÉS

Hépatite C ;Fibrose ;Cirrhose

KEYWORDS

Hepatitis C;Fibrosis;Cirrhosi

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Prise en charge de l’hépatite C en 2008 S72

On a ainsi pu presque décupler l’efficacité du trai-tement de l’hépatite C sur ces 20 dernières années.A l’Interféron en monothérapie administré 3 fois parsemaine et permettant d’espérer chez les patientsinfectés par les génotypes 1, moins de 10 % d’effica-cité virologique prolongée, s’est substituée la bithé-rapie pégylée en association avec la Ribavirine per-mettant d’espérer plus de 50 % d’éradication viralecomplète

[3-6]

. Là encore le recul d’une part et lasensibilité croissante des tests virologiques d’autrepart, permettent de parler de guérison complète.Par opposition au virus de l’hépatite B (VHB), le modede réplication ARN polymérase-ARN dépendant sanspossibilité d’intégration génomique et la sensibilitédes tests les plus récents, aux alentours de 5 à 10 UI/mL (PCR en temps réel ou TMA), ont permis de con-clure des nombreuses études de suivi de patientsayant une réponse virologique prolongée que :

- la guérison virologique complète est durable enl’absence de réexposition au virus

[7-8]

 ;- l’amélioration histologique est constante en

l’absence de co-morbidité

[7,9]

.Ainsi, et par opposition à l’infection virale B, les

prises en charge diagnostiques et thérapeutiques del’infection virale C sont consensuelles et simples.L’indication du traitement est réservée aux situa-tions significatives, que ce soit au niveau hépatique(activité > 1 et/ou fibrose > 1) ou extra-hépatique(vascularite cryoglobulinémique)

[10]

, sans oublierl’importance du traitement chez les patients ayantles maladies les plus fibrosantes, et aux hépatitesaiguës où la monothérapie par l’Interféron pégyléou la bithérapie permet d’espérer, avec seulement24 semaines de traitement, une éradication viralechez plus de 90 % des patients

[1,11]

.Les durées de traitement et les doses de Ribavi-

rine utilisées sont bien établies. Dans les situationsfaciles à traiter (génotype 2 ou 3, charge virale fai-ble, fibrose modérée), le traitement est de 24semaines, ce d’autant que l’ARN viral C est indé-tectable à la 4

e

semaine de traitement

[12]

. Dansles situations intermédiaires, la durée de traite-ment est plutôt de 48 semaines. Enfin, dans lessituations de réponse lente, avec un ARN viraldétectable à la 4

e

semaine mais indétectable ouproche de l’indétectabilité à la 12

e

semaine de trai-tement, le bénéfice d’un traitement de 72 semainesfait peu de doute

[13]

. Ainsi, l’analyse sensible dela cinétique virale précoce permet au mieux l’infor-mation précoce du patient, l’optimisation de laprise en charge et la prédiction de l’efficacité thé-rapeutique en fonction de la durée du traitement

[13]

. De la même façon, en dehors des situationsfaciles à traiter, plus la posologie de Ribavirine estélevée, plus les risques de rechute ou d’échappe-

ment sont faibles. Cette prise en charge s’inscritdans une approche multidisciplinaire pour la prépa-ration au traitement, la déclinaison du traitementen étapes successives grâce à la valeur prédictivede la réponse virologique précoce favorisant l’adhé-sion au traitement. Une formation à l’hépatite Cdestinée aux médecins généralistes permet de sui-vre efficacement les patients traités en trio hépa-tologue-médecin généraliste-infirmière et d’impli-quer concrètement les médecins généralistes,acteurs importants, comme les autres intervenantsde santé, dans l’éducation et l’observance théra-peutiques, indispensables à la réussite

[14,15]

.Plusieurs points méritent d’être pris en compte

et améliorés : la qualité de vie des patients soustraitement afin d’anticiper les ruptures d’obser-vance, la promotion de l’éducation thérapeutiquepar des infirmières spécialisées, la standardisationdu diagnostic de dépression au cours du traite-ment et la réactualisation régulière des connaissan-ces des médecins généralistes sur le traitementantiviral C.

Aux questions non résolues

Au-delà de ces aspects très consensuels, noussavons par nos pratiques quotidiennes, que la priseen charge de l’hépatite C reste parfois difficile carcertaines situations ou questions sont non résolues.Les situations de co-morbidités (surconsommationd’alcool mais aussi de tabac ou de cannabis, stéato-hépatite métabolique génératrice d’insulino-résis-tance aggravant la fibrose et réduisant l’efficacitéthérapeutique), les infections associées par le VIHou le VHB viennent compliquer la prise en chargedes patients

[16-19]

.L’évaluation de la fibrose par des tests invasifs ou

non invasifs est certes aujourd’hui bien standardi-sée par les recommandations de la Haute Autoritéde Santé mais la pertinence de ces tests dans la sur-veillance des hépatites, qu’elles soient ou non trai-tées, reste à déterminer

[20]

.La prise en charge des malades non-répondeurs,

qui représentent près de la moitié des patients quenous sommes amenés à traiter, reste aujourd’huidécevante

[21]

. Ces non-répondeurs se recrutentprincipalement parmi les patients ayant les fibrosesles plus significatives et le dépistage et le traite-ment du carcinome hépatocellulaire sur la cirrhosevirale C reste encore aujourd’hui un challenge.Même si le pourcentage de patients opérables aug-mente (que ce soit chirurgicalement ou par la radio-logie interventionnelle) il reste insuffisant (30 %environ) et les récents espoirs des chimiothérapies

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S73 S. Pol et al.

trop modestes pour considérer que tous les problè-mes sont réglés.

Conclusion

L’ensemble de ces questions non résolues justifie laréunion fréquente de groupes multidisciplinaires oùse retrouvent certes hépatologues, infectiologueset internistes mais aussi anatomo-pathologistes,virologues, infirmières, travailleurs de santé pourpouvoir progresser dans la prise en charge del’hépatite C et répondre aux questions non résolues.

Ce supplément de Gastroentérologie Clinique etBiologique tente d’apporter quelques éléments deréponse à ces questions non résolues grâce à la par-ticipation d’experts.

Conflits d’intérêts :

Le Pr Stanislas Pol déclare être orateur et mem-bre des board de Schering Ploug, Roche, Gilead,BMS, Idenix-Novartis, Tibotec et Boehringer Ingel-heim.

Le Pr Patrick Marcellin déclare être investiga-teur, orateur et consultant pour les laboratoiresRoche, Schering Plough, Gilead, BMS, GSK, Vertexet Idenix-Novartis ; investigateur et consultant pourles laboratoires Valeant, HGS, Cytheris, Intermune,Wyeth et Tibotec ; consultant pour les laboratoiresColey Pharma.

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