5
La Revue de médecine interne 34 (2013) 209–213 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Mise au point Prise en charge des angiœdèmes induits par les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine : recommandations du Centre de référence national des angiœdèmes Management of angiotensin-converting enzyme inhibitor-related angioedema: Recommendations from the French national centre for angioedema A. Nosbaum a , L. Bouillet b,, B. Floccard c , N. Javaud d,e , D. Launay f , I. Boccon-Gibod b , O. Fain g , Groupe d’experts du CREAK a Allergologie et immunologie clinique, centre hospitalier Lyon-Sud, hospices civils de Lyon, 69495 Pierre-Bénite, France b Clinique universitaire de médecine interne, Centre de référence des, angiœdèmes, CHU de Grenoble, BP 217, 38043 Grenoble, France c Département d’anesthésie-réanimation, service de réanimation, hôpital Édouard-Herriot, hospices civils de Lyon, 69003 Lyon, France d Urgences, CHU Jean-Verdier, 93143 Bondy, France e SAMU-SMUR 93, CHU d’Avicenne, 93000 Bobigny, France f Service de médecine interne, centre de référence des maladies auto-immunes et systémiques rares, université Lille Nord de France, hôpital Claude-Huriez, CHRU de Lille, 59037 Lille, France g Service de médecine interne, université Paris 13, hôpital Jean-Verdier, Assistance publique–Hôpitaux de Paris, 93000 Bondy, France i n f o a r t i c l e Historique de l’article : Disponible sur Internet le 4 evrier 2013 Mots clés : Angiœdème Bradykinine Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine Consensus r é s u m é Les angiœdèmes (AE) secondaires aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC) sont potentiellement fatals en l’absence de traitement spécifique. En l’absence actuelle de consensus, le Centre de référence des angiœdèmes (CREAK) a décidé d’établir des recommandations élaborées par un groupe d’expert. Un comité scientifique a réalisé une revue complète de la littérature et a émis des proposi- tions. Ces propositions ont été soumises au vote des experts du CREAK lors d’une réunion nationale. Les propositions qui avaient obtenu la majorité ont été retenues. Le diagnostic d’AE aux IEC repose sur un faisceau d’arguments cliniques. La gravité de la pathologie doit inciter à évoquer ce diagnostic chez tout patient traité par IEC ou en ayant rec ¸ u dans les six mois précédents. Le diagnostic est important car l’AE ne répond pas aux thérapeutiques habituellement utilisées dans les AE histaminiques (antihis- taminiques, corticoïdes, adrénaline) mais aux thérapeutiques spécifiques des AE bradykiniques comme les antagonistes des récepteurs de la bradykinine ou les concentrés de C1 inhibiteur. L’utilisation ulté- rieure des IEC est formellement contre-indiquée. Une déclaration aux centres de pharmacovigilance de chaque cas est indispensable. Une prise en charge standardisée des AE sous IEC est indispensable, et ces recommandations doivent y concourir. © 2013 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Keywords: Angioedema Bradykinin Angiotensin-converting enzyme inhibitors Consensus a b s t r a c t Angiotensin-converting enzyme (ACE) inhibitor-related angioedema (AE) may be fatal in the absence of specific treatment. No consensus for this side effect currently exists. Also, the French national refe- rence centre for angioedema (CREAK) decided to establish recommendations, developed by an expert group and proposed at a national meeting. A scientific committee conducted a comprehensive literature review and worked out with proposals. These proposals were submitted to a vote to the expert panel of CREAK at a national meeting. Proposals that had received the majority were retained. Diagnosis of ACE inhibitor-related AE is based on clinical events. Regarding the severity of the disease, this diagnosis has to be put forward in any patient currently treated with or who has been treated with ACE inhibitors in the previous 6 months. The diagnosis is important because AE does not respond to usual treatment of histamine-induced AE (antihistamines, corticosteroids, and epinephrine), but only to specific treatment of bradykinin-induced AE, as antagonists of bradykinin or concentrates of C1 inhibitor. The subsequent Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (L. Bouillet). 0248-8663/$ see front matter © 2013 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2012.12.017

Prise en charge des angiœdèmes induits par les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine : recommandations du Centre de référence national des angiœdèmes

  • Upload
    o

  • View
    215

  • Download
    1

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Prise en charge des angiœdèmes induits par les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine : recommandations du Centre de référence national des angiœdèmes

M

Pcd

MR

AGa

b

c

d

e

f

Fg

i

HD

MABIlC

KABAC

0h

La Revue de médecine interne 34 (2013) 209–213

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

ise au point

rise en charge des angiœdèmes induits par les inhibiteurs de l’enzyme deonversion de l’angiotensine : recommandations du Centre de référence nationales angiœdèmes

anagement of angiotensin-converting enzyme inhibitor-related angioedema:ecommendations from the French national centre for angioedema

. Nosbauma, L. Bouilletb,∗, B. Floccardc, N. Javaudd,e, D. Launayf, I. Boccon-Gibodb, O. Faing,roupe d’experts du CREAK

Allergologie et immunologie clinique, centre hospitalier Lyon-Sud, hospices civils de Lyon, 69495 Pierre-Bénite, FranceClinique universitaire de médecine interne, Centre de référence des, angiœdèmes, CHU de Grenoble, BP 217, 38043 Grenoble, FranceDépartement d’anesthésie-réanimation, service de réanimation, hôpital Édouard-Herriot, hospices civils de Lyon, 69003 Lyon, FranceUrgences, CHU Jean-Verdier, 93143 Bondy, FranceSAMU-SMUR 93, CHU d’Avicenne, 93000 Bobigny, FranceService de médecine interne, centre de référence des maladies auto-immunes et systémiques rares, université Lille Nord de France, hôpital Claude-Huriez, CHRU de Lille, 59037 Lille,ranceService de médecine interne, université Paris 13, hôpital Jean-Verdier, Assistance publique–Hôpitaux de Paris, 93000 Bondy, France

n f o a r t i c l e

istorique de l’article :isponible sur Internet le 4 fevrier 2013

ots clés :ngiœdèmeradykinine

nhibiteurs de l’enzyme de conversion de’angiotensineonsensus

r é s u m é

Les angiœdèmes (AE) secondaires aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC) sontpotentiellement fatals en l’absence de traitement spécifique. En l’absence actuelle de consensus, le Centrede référence des angiœdèmes (CREAK) a décidé d’établir des recommandations élaborées par un grouped’expert. Un comité scientifique a réalisé une revue complète de la littérature et a émis des proposi-tions. Ces propositions ont été soumises au vote des experts du CREAK lors d’une réunion nationale.Les propositions qui avaient obtenu la majorité ont été retenues. Le diagnostic d’AE aux IEC repose surun faisceau d’arguments cliniques. La gravité de la pathologie doit inciter à évoquer ce diagnostic cheztout patient traité par IEC ou en ayant rec u dans les six mois précédents. Le diagnostic est importantcar l’AE ne répond pas aux thérapeutiques habituellement utilisées dans les AE histaminiques (antihis-taminiques, corticoïdes, adrénaline) mais aux thérapeutiques spécifiques des AE bradykiniques commeles antagonistes des récepteurs de la bradykinine ou les concentrés de C1 inhibiteur. L’utilisation ulté-rieure des IEC est formellement contre-indiquée. Une déclaration aux centres de pharmacovigilance dechaque cas est indispensable. Une prise en charge standardisée des AE sous IEC est indispensable, et cesrecommandations doivent y concourir.

© 2013 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS.Tous droits réservés.

eywords:ngioedemaradykininngiotensin-converting enzyme inhibitors

a b s t r a c t

Angiotensin-converting enzyme (ACE) inhibitor-related angioedema (AE) may be fatal in the absenceof specific treatment. No consensus for this side effect currently exists. Also, the French national refe-rence centre for angioedema (CREAK) decided to establish recommendations, developed by an expertgroup and proposed at a national meeting. A scientific committee conducted a comprehensive literature

onsensus

review and worked out with proposals. These proposals were submitted to a vote to the expert panel ofCREAK at a national meeting. Proposals that had received the majority were retained. Diagnosis of ACEinhibitor-related AE is based on clinical events. Regarding the severity of the disease, this diagnosis hasto be put forward in any patient currently treated with or who has been treated with ACE inhibitors inthe previous 6 months. The diagnosis is important because AE does not respond to usual treatment ofhistamine-induced AE (antihistamines, corticosteroids, and epinephrine), but only to specific treatmentof bradykinin-induced AE, as antagonists of bradykinin or concentrates of C1 inhibitor. The subsequent

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (L. Bouillet).

248-8663/$ – see front matter © 2013 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.ttp://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2012.12.017

Page 2: Prise en charge des angiœdèmes induits par les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine : recommandations du Centre de référence national des angiœdèmes

210 A. Nosbaum et al. / La Revue de médecine interne 34 (2013) 209–213

use of ACE is strictly contra-indicated. A report to pharmacovigilance centres of every case is essential.These recommendations should improve the standardization of the management of ACE inhibitor-relatedAE.

le fran

1

l0u[dl3inuIàdecafiedr

2

lesds–

2

cdo

•••

2

dLcda«li

© 2013 Société nationa

. Introduction

L’incidence des angiœdèmes (AE) secondaires aux inhibiteurs de’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC) est estimée entre,1 et 2,2 % des patients traités [1–3]. Un article récent évoquene épidémie silencieuse, suggérant un possible sous-diagnostic4]. Ces AE ont quelques particularités : il n’y a pas de prurit ni’urticaire associée et ils touchent préférentiellement le visage,

a langue et la sphère ORL avec un risque d’œdème laryngé (25 à9 %) pouvant être fatal (Fig. 1) [5,6]. Leur survenue est totalement

mprévisible : ni liée à la durée du traitement ni à la dose [7]. Ilse sont pas d’origine immunologique (allergique) mais sont liés àn excès de bradykinine, par défaut de catabolisme de celle-ci [8].

ls ne répondent ni aux antihistaminiques, ni aux corticoïdes, ni l’adrénaline. Les traitements utilisés pour les angiœdèmes bra-ykiniques, tel l’angiœdème héréditaire de type I ou II [9,10], sontfficaces dans l’AE aux IEC. Cette pathologie est souvent prise enharge par les différents spécialistes du Centre de référence desngiœdèmes à bradykinine (CREAK). Mais cette prise en charge neait l’objet d’aucun consensus ni de recommandations (nationale ounternationale), même si une ébauche a été proposée par les auteursspagnols en 2011 [11]. Il nous semblait donc important d’établires recommandations pour la prise en charge diagnostique et thé-apeutique des AE secondaires aux IEC en France.

. Méthodes

L’élaboration des recommandations a été réalisée avec la col-aboration d’un comité scientifique composé de sept médecinsxperts et de 75 médecins membres du CREAK, réunis lors d’uneéance de travail qui s’est déroulé à Lille lors de la réunion nationaleu CREAK, le 30 mars 2012. La méthode retenue était celle propo-ée par l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé

ANAES [12].

.1. Définition des questions à traiter

Au terme du recensement des interrogations des membres duomité scientifique sur les modalités pratiques de prise en chargees angiœdèmes induits par les IEC, les trois questions suivantesnt été retenues :

Comment diagnostiquer un angiœdème induit par les IEC ?Quelle prise en charge thérapeutique de la crise ?Quelle prise en charge thérapeutique lors du suivi des patientsporteurs d’un angiœdème induit par les IEC ?

.2. Revue systématique de la littérature

La recherche des articles a été réalisée à partir de l’interrogationes bases de données Medline, Embase et Cochrane Central.es termes de recherche étaient soit issus d’un thesaurus (des-ripteurs du MESH pour Medline, d’Emtree pour Embase), soites termes issus du texte du titre ou du résumé (mots libres),

vec, le cas échéant, des combinaisons logiques par « ET » « OU »

SAUF ». Les mots clés utilisés pour la revue systématique de laittérature étaient angiotensin-converting enzyme inhibitors, ACEnhibitors, angioedema, ACE inhibitor-induced angioedema, ACE

çaise de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tousdroits réservés.

inhibitor-related angieodema et chacun des IEC séparément. Lesarticles publiés en anglais et franc ais ont été inclus dans l’analysebibliographique après interrogation des bases de données, sanslimite de date et sans critère d’exclusion. Chaque article a été classé,quand cela était possible et pertinent, selon les niveaux de preuveadaptés de Clark et al. [13]. Les résultats de la revue systématiquede la littérature ont été présentés lors de la réunion nationale duCREAK.

2.3. Avis d’experts et élaboration des recommandations

Les experts invités à participer à ces recommandations étaientdes médecins franc ais (internistes, urgentistes-réanimateurs,dermato-allergologues) ayant une expertise particulière dans laprise en charge des angiœdèmes induits par les IEC. Les résultatsde la revue de la littérature ont été présentés par le responsablede la bibliographie (AN) au cours d’une séance plénière modéréepar quatre membres du comité scientifique (L. B., B. F., O. F., N. J.). Laprésentation de la littérature a été réalisée question par question.Au terme de la séance, les experts devaient élaborer des recom-mandations en réponse, si possible, aux trois questions proposées.Chaque libellé était ajusté et sélectionné par l’ensemble des experts,puis proposé au vote lors de la session plénière. Les réponses ayantobtenu la majorité étaient retenues.

3. Résultats

La recherche bibliographique a permis de retrouver 511 articlesrépondant aux questions posées. Chaque article était évalué enfonction de son niveau de preuve : 494 avaient un niveau faible(niveau 5), quatre un niveau 4, 12 un niveau 3 et un un niveau 1(niveau fort) [13].

3.1. Recommandation 1

Le diagnostic d’un AE induit par les IEC est clinique.Le diagnostic d’AE aux IEC doit être suspecté devant tout AE chez

un patient prenant un IEC ou ayant pris un IEC dans les six mois quiprécèdent l’AE [14], surtout si le patient a présenté une toux sousIEC [5]. Les AE bradykiniques sont beaucoup plus rares que ceuxd’origine histaminique, même chez les patients recevant ou ayantrec u un IEC. Cependant, des éléments cliniques permettent de sus-pecter un AE bradykinique : absence d’exposition à un allergènepotentiel, absence d’atteinte systémique évocatrice d’anaphylaxie,absence d’urticaire superficielle et de prurit, inefficacité des anti-histaminiques, de l’adrénaline et des corticoïdes. La localisationpréférentielle au niveau du visage, de la langue (macroglossie) etdu secteur ORL est très évocatrice d’un AE sous IEC. Les AE sousIEC sont reconnaissables par leur caractère très déformant parrapport aux AE histaminiques [6]. Les atteintes abdominales sontpossibles et probablement sous-évaluées. Les populations à risqued’AE aux IEC sont : les sujets noirs, de sexe féminin, âgé de plus de65 ans, et fumeurs [15]. La prise concomitante d’inhibiteurs de ladipeptidylpeptidase-4 (famille des gliptines) [16] ou d’inhibiteurs

de mTOR [17] augmente le risque d’AE sous IEC.

Dans le contexte de l’urgence, le diagnostic étant uniquementclinique, aucun bilan biologique spécifique n’est indispensablepour retenir le diagnostic d’AE sous IEC. Tout au plus, un bilan

Page 3: Prise en charge des angiœdèmes induits par les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine : recommandations du Centre de référence national des angiœdèmes

A. Nosbaum et al. / La Revue de médecine interne 34 (2013) 209–213 211

ème a

inptdolCrlcl

•••

3

qdt

dsBado

Fig. 1. Macroglossie au cours d’un angiœd

nflammatoire minimal peut être proposé afin d’éliminer les diag-ostics différentiels. Nous recommandons d’éviter l’examen ORL,articulièrement la laryngoscopie qui peut aggraver l’AE. À dis-ance, le dosage pondéral et fonctionnel du C1 inhibiteur et leosage du C4 sont indispensables afin d’éliminer un AE héréditaireu acquis car la prise d’un IEC peut en effet le révéler. Lorsque’AE est uniquement lié à l’IEC, tous ces dosages sont normaux.es dosages se feront lors de la consultation spécialisée que nousecommandons pour tout patient ayant fait un AE sous IEC. Sie patient est traité par du concentré de C1 inhibiteur lors de larise, ces explorations devront être faites plus de 15 jours après’administration.

Au total, un AE aux IEC est suspecté devant :

un AE d’allure bradykinique ;chez un patient sous IEC ou ayant pris un IEC dans les six mois ;les arguments suivants renforcent la suspicion :◦ toux sous IEC,◦ localisation préférentielle au niveau du visage, de la langue

(macroglossie) et de la sphère ORL,◦ caractère très déformant ;les facteurs de risque sont les suivants : sujets noirs, sexe fémi-nin, âge supérieur à 65 ans, tabagisme, traitement concomitantpar inhibiteurs de la dipeptidylpeptidase-4 ou par inhibiteurs demTOR.

.2. Recommandation 2

En cas de crise, une surveillance en milieu hospitalier deuelques heures (supérieure à six heures) est préconisée. L’usagees traitements spécifiques des angiœdèmes bradykiniques est jus-ifié en cas de crise grave.

Lors d’une crise, tous les patients présentant un AE aux IECoivent être gardés sous surveillance hospitalière d’au moinsix heures. Dans une série de 175 AE aux IEC vus aux urgences,

anerji et al. rapportent un retour à domicile après surveillanceux urgences dans 58 % des cas, une hospitalisation en unité’hospitalisation de courte durée (UHCD), en service de médecineu en réanimation dans respectivement 18, 12 et 11 % des cas. Les

ux inhibiteurs de l’enzyme de conversion.

indications en étaient la présence d’un œdème laryngé dans 59 %des cas et d’une détresse respiratoire dans 13,5 % des cas ayantnécessité une intubation, une trachéotomie, ou ventilation noninvasive [18]. De même, dans leur série récente, Roberts et al., sur91 AE aux IEC, rapportent une hospitalisation en réanimation dans35 % des cas, en service de médecine dans 31 % des cas et un retourau domicile après une surveillance aux urgences dans 31 % des cas[4].

Ainsi, nous préconisons une surveillance pendant au moinssix heures. En cas de forme grave, nous recommandons que lepatient soit pris en charge dans un service possédant du matériel deréanimation et des médecins seniors immédiatement disponibles(unité d’hospitalisation de courte durée, unité de soins continusou réanimation selon l’état clinique du patient). Un retour à domi-cile peut être envisagé après six heures de surveillance en cas deréponse favorable au traitement spécifique.

Dès lors que le diagnostic d’AE aux IEC est suspecté, le patientdoit bénéficier d’une prise en charge adaptée, l’atteinte ORL pou-vant conduire à une asphyxie aiguë dans 25 % des cas en l’absence detraitement spécifique [1]. À l’instar des AE héréditaires, toute crised’AE sous IEC doit être considérée comme grave en cas d’atteinteORL, de la langue et du visage, ainsi qu’en cas d’atteinte digestiveavec une EVA de la douleur supérieure à 5. La localisation au visageest en effet un facteur de risque d’extension aux voies aériennessupérieures dont l’évolution est imprévisible [1]. La gravité d’un AEest donc liée uniquement à sa localisation, et non pas à la présenceou non de signes de détresse respiratoire.

Dans l’état actuel des connaissances et pour des raisons phy-siopathologiques, bloquer le récepteur B2 de la bradykinique parl’icatibant (Firazyr®) est la stratégie à utiliser en première intentiondans le traitement des AE aux IEC (en l’absence de contre-indication). Cette utilisation se fait hors autorisation de misesur le marché (AMM actuelle pour les AEH) mais son effica-cité et sa tolérance dans cette indication se fondent sur desobservations cliniques et une étude ouverte [19]. Une étude cli-

nique de phase II randomisée en double insu contre placeboest actuellement en cours (ClinicalTrials.gov NCT01154361). Baset al. ont comparé l’évolution de huit patients traités par icati-bant avec les données rétrospectives de 47 patients traités par
Page 4: Prise en charge des angiœdèmes induits par les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine : recommandations du Centre de référence national des angiœdèmes

2 médec

ci5qtlrmpm

dtrlnit

3

upg

3

aml

12 A. Nosbaum et al. / La Revue de

orticoïdes/antihistaminiques [20]. Les huit patients traités parcatibant ont vu une amélioration de leur symptôme dès la0e minute et une disparition complète en 4,4 heures, tandisue la durée moyenne de l’AE des patients traités par cor-icoïdes/antihistaminiques était de 33 heures. La posologie de’icatibant est de 30 mg par voie sous-cutanée, l’injection peut êtreépétée six heures après (maximum trois par 24 heures, huit parois). Cette administration doit être réalisée la plus rapidement

ossible. Ces recommandations du Centre de référence doivent per-ettre également de justifier plus facilement cette prescription.En cas de contre-indication (hypersensibilité au produit) ou

’indisponibilité de l’icatibant, le traitement substitutif par concen-ré de C1 inhibiteur semble également efficace. Deux cas ont étéapportés dans la littérature avec le Berinert® et le CREAK a’expérience de son efficacité à la dose de 20 UI/kg par voie intravei-euse [21,22]. L’acide tranexamique n’a pas été évalué dans cette

ndication. Son utilisation ne doit pas retarder l’administration deraitement spécifique.

.3. Recommandation 3

Les IEC sont contre-indiqués chez des patients ayant présentésn AE aux IEC, et certains traitements nécessitent une vigilancearticulière (antagonistes des récepteurs de l’angiotensine (ARA2),liptines et immunosuppresseurs) lors du suivi.

.3.1. Suivi des patients

Le traitement par IEC doit être interrompu. Un contact rapide

vec le spécialiste qui a prescrit l’IEC permettra de trouver laeilleure alternative thérapeutique. En cas de poursuite de l’IEC,

’aggravation des crises est possible et le risque d’atteinte laryngée

Devant un

Traitement par IEC actuel ou daPrésence de facteurs de r

Présence de signes cli nique

Oui

Crise sévère ?

Oui

Hospi tali sa�onPas de geste invasif

Ica�bant(si contre ind ica�on ou

ind isponibili té: concentré de C1inh )

Suspici on d’AE aux IEC

Fig. 2. Algorithme de prise en charge des angiœdèm

ine interne 34 (2013) 209–213

non négligeable. Son arrêt réduit le risque de récidive d’AE dans aumoins 50 % des cas [23]. Le patient devra être orienté rapidementvers un Centre de référence ou de compétence du CREAK pour lapoursuite de la prise en charge.

En effet, l’arrêt de l’IEC ne fait pas disparaître immédiatement lerisque de récidive d’AE, car un patient sur deux récidives. Ce risquede récidive est maximal dans le mois qui suit l’arrêt de l’IEC. Maisce risque peut persister plus de six mois après l’arrêt [14]. Il estdonc nécessaire, pour le patient et son médecin, de pouvoir gérerce risque. La consultation doit mettre en place :

• l’éducation thérapeutique du patient (explication de la maladie,des protocoles de soins) et de ses médecins, avec la remise d’uncertificat attestant de la pathologie et du traitement à administreren cas de récidive et d’un courrier pour le médecin traitant etle cardiologue précisant les molécules antihypertensives contre-indiquées ;

• l’information du centre Samu du patient, afin d’anticiper la dis-ponibilité des molécules spécifiques en cas de besoin ;

• la consultation devra permettre aussi la déclaration du cas auprèsdu centre de pharmacovigilance local.

3.3.2. Choix d’un nouvel antihypertenseurL’alternative aux IEC serait logiquement les sartans (antago-

nistes des récepteurs de l’angiotensine II – ARA2). Leur place estsujette à polémique. Les premières études montraient que la pres-cription de sartans après un IEC s’accompagnait d’un risque de

récidive de 9,2 à 10 % d’AE [24,25].

Les études plus récentes amènent des éléments rassurants quantau risque d’AE associé aux sartans. Une étude italienne a montré quele risque de récidive d’AE après l’arrêt d’un IEC était identique que

AE

ns les 6 mois précédents ?isque d’AE aux IEC?s d’AE bradyki nique?

Non

Pas d’AE aux IEC

Non

Consulta�on spéci ali sée avec: Contre ind ica�on défini�ve des IEC

Edu ca�on thérapeu�queInforma�on du centre SAM U du pa�entPrescrip�on d’ica�bant cas de récidive

Déclara�on en ph armacovigil ance

es aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion.

Page 5: Prise en charge des angiœdèmes induits par les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine : recommandations du Centre de référence national des angiœdèmes

médec

luIl

dpé

3s3(4grsLldp

3nrsiqmte

4

mnéeàcrtctCucp

D

ddSrlpDcpdp

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[25] Beavers CJ, Dunn SP, Macaulay TE. The role of angiotensin receptor blockers inpatients with angiotensin-converting enzyme inhibitor-induced angioedema.

A. Nosbaum et al. / La Revue de

’on prescrive un sartan, un bêtabloquant, un inhibiteur calcique, oun diurétique. Mais il a été montré par Toh et al. que la prise d’un

EC exposait à un risque d’AE avec un RR de 3,04 contre 1,16 poures sartans [26].

De ce fait, il n’est pas conseillé d’utiliser un sartan comme relaise l’IEC. En cas d’indication absolue d’un traitement par sartans, leatient doit avoir à disposition à domicile de l’icatibant et avoir étéduqué.

.3.3. Traitements associés augmentant le risque d’angiœdèmesous IEC.3.3.1. Les gliptines. En l’absence d’IEC, la poursuite des gliptinesantidiabétique oral de type inhibiteur de la dipeptidylpeptidase-) semble possible car seule la coadministration d’un IEC et d’uneliptine accroît significativement le risque d’AE avec un oddsatio de 9,29, contrairement aux gliptines seules et à l’associationartans–gliptines qui ne semble pas augmenter le risque d’AE [16].e risque d’AE aux IEC persistant jusqu’à six mois après l’arrêt de’IEC et dans l’état actuel des connaissances, il est recommandé’arrêter aussi les gliptines pendant ce délai de six mois. La repriseourra ensuite être faite en cas d’indication forte.

.3.3.2. Les immunosuppresseurs. Les immunosuppresseurs dimi-uent l’expression de la dipeptidylpeptidase-4 et augmentent leisque d’AE sous IEC. Cela a été décrit avec tous les immunosuppres-eurs (inhibiteurs de mTOR principalement mais aussi prednisone,nhibiteurs de calcineurine, mycophénolate mofétil). En consé-uence, la prescription d’IEC, de sartans, de gliptines devra êtreûrement réfléchie, principalement chez les malades transplan-

és. L’association concomitante de ces trois classes thérapeutiquesst à déconseiller.

. Conclusion

Les AE sont considérés comme une complication rare des IECais la large prescription de cette classe thérapeutique, fait que le

ombre d’AE sous IEC est très important et probablement sous-valué. Si l’on considère qu’il existe 11 millions d’hypertendusn France, et que 24 % prennent un IEC, on peut s’attendre

6000 patient-épisodes d’AE en France par an. Cependant, ceshiffres restent faibles pour entreprendre des études contrôléesandomisées qui permettraient de construire des recommanda-ions robustes. Toutes les publications concernent des séries deas plus ou moins importantes. La revue de littérature exhaus-ive, la confrontation des expériences de chacun des membres duREAK, les discussions nécessaires pour obtenir l’unanimité donnene valeur importante à ces recommandations (Fig. 2). Leur publi-ation devrait permettre une meilleure prise en charge de cetteathologie et un meilleur dépistage.

éclaration d’intérêts

A. Nosbaum a rec u des honoraires pour des activités d’experte la part de Viropharma ; L. Bouillet a rec u des honoraires poures activités d’expert, et de conférences de la part des laboratoireshire, CSL Behring et Viropharma ; B. Floccard a rec u des hono-aires pour des activités d’expert et de conférences de la part desaboratoires Shire et CSL Behring ; N. Javaud a rec u des honorairesour des activités de conférence de la part des laboratoires Shire ;. Launay a rec u des honoraires pour des activités d’expert, et de

onférences de la part des laboratoires Shire, CSL Behring et Viro-harma ; O. Fain a rec u des honoraires pour des activités d’expert, ete conférences de la part des laboratoires Shire, CSL Behring et Viro-harma ; I. Boccon-Gibod a rec u des honoraires pour des activités

[

ine interne 34 (2013) 209–213 213

d’expert, et de conférences de la part des laboratoires Shire, CSLBehring et Viropharma.

Références

[1] Bouillet L. Bradykinin mediated laryngeal oedema due to angiotensin conver-ting enzyme inhibitor. Rev Fr Allergol 2012;52:157–9.

[2] Miller D, Oliveria S, Berlowitz D, Fincke B, Stang P, Lillienfeld D. Angioedemaincidence in US veterans initiating angiotensin converting enzyme inhibitors.Hypertension 2008;51:1–2.

[3] Makani H, Messerli FH, Romero J, Wever-Pinzon O, Korniyenko A, Ber-rios RS, et al. Meta-analysis of randomized trials of angioedema as anadverse event of renin-angiotensin system inhibitors. Am J Cardiol 2012;110:383–91.

[4] Roberts J, Lee J, Marthers D. Angiotensin-converting enzyme (ACE) inhibitorAngioedema: the silent epidemic. Am J Cardiol 2012;109:774–7.

[5] Hoover T, Lippmann M, Grouzmann E, Marceau F, Herscu P. Angiotensin conver-ting enzyme inhibitor-induced angioedema: a review of the pathophysiologyand risk factors. Clin Exp Allergy 2009;103:502–7.

[6] Cicardi M, Cicardi M, Zingale LC, Bergamaschini L, Agostoni A. Angioe-dema associated with angiotensin-converting enzyme inhibitor use: outcomeafter switching to a different treatment. Arch Intern Med 2004;164:910–3.

[7] Weber M, Messerli F. Angiotensin converting enzyme inhibitors and angioe-dema estimating the risk. Hypertension 2008;51:1465–7.

[8] Agostoni A, Cicardi M, Cugno M, Zingale L, Gioffre D, Nussberger J. Angioe-dema due to angiotensin converting enzyme inhibitors. Immunopharmacol1999;44:21–5.

[9] Bouillet L, Boccon-Gibod I, Massot C. Les angiœdèmes bradykiniques hérédi-taires ou acquis. Rev Med Interne 2011;32:225–31.

10] Bouillet L. L’angiœdème héréditaire : une révolution thérapeutique. Rev MedInterne 2012;33:150–4.

11] Caballero T, Baeza ML, Cabanas R, Campos A, Cimbollek S, Gómez-Traseira C,et al. Consensus statement on the diagnosis, management, and treatment ofangioedema mediated by bradykinin. Part II. Treatment, follow-up, and specialsituations. J Investig Allergol Clin Immunol 2011;21:422–41.

12] Guide d’analyse de la littérature et graduation des recommandations ANAES,2010.

13] Clark W, Mucklow J. Gathering and weighing the evidence. In: Panton R,Chapman S, editors. Medicines Management. London: BMJ Books and Phar-maceutical Press; 1998.

14] Beltrami L, Zanichelli A, Zingale L, Vacchinib R, Carugo S, Cicardi M. Long-termfollow-up of 111 patients with angiotensin converting enzyme inhibitor-related angioedema. J Hypertension 2011;29:2273–7.

15] Kostis J, Packer M, Black H, Schmieder R, Henry D, Levy E. Omapatrilat and enala-pril in patients with hypertension: the omapatrilat cardiovascular treatmentvs. enalapril (OCTAVE) trial. Am J Hypertens 2004;17:103–11.

16] Brown N, Byiers S, Carr D, Maldonado M, Warner B. Dipeptidyl peptidase IVinhibitor use associated with increased risk of ACE inhibitor-associated angioe-dema. Hypertension 2009;54:516–23.

17] Duerr M, Glander P, Diekmann F, Dragun D, Neumayer H, Budde K. Increa-sed Incidence of angioedema with ACE inhibitors in combination with mTORinhibitors in kidney transplant recipients. Clin J Am Soc Nephrol 2010;5:703–8.

18] Banerji A, Clark S, Blanda M, LoVecchio F, Snyder B, Camargo Jr CA. Multicen-ter study of patients with angiotensin-converting enzyme inhibitor-inducedangioedema who present to the emergency department. Ann Allergy AsthmaImmunol 2008;100:327–32.

19] Schmidt PW, Hirschl MM, Trautinger F. Treatment of angiotensin-convertingenzyme inhibitor-related angioedema with the bradykinin B2 receptor antago-nist icatibant. J Am Acad Dermatol 2010;63:913–4.

20] Bas M, Greve J, Stelter K, Bier H, Stark T, Hoffmann T, et al. Therapeutic efficacy oficatibant in angioedema induced by angiotensin converting enzyme inhibitors:a case series. Ann Emerg Med 2010;56:278–82.

21] Gelée B, Michel P, Haas P, Boishardy F. Angiotensin converting enzymeinhibitor-related angioedema: treatment in an emergency room with comple-ment C1 inhibitor concentrate. Rev Med Intern 2007;29:516–9.

22] Nielsen EW, Gramstad S. Angioedema from angiotensin-converting enzyme(ACE) inhibitor treated with complement 1 (C1) inhibitor concentrate. ActaAnaesthesiol Scand 2006;50:120–2.

23] Beltrami L, Zingale LC, Carugo S, Cicardi M. Angiotensin-converting enzymeinhibitor-related angioedema: how to deal with it. Expert Opin Drug Saf2006;5:643–9.

24] Haymore BR, Yoon J, Mikita CP, Klote MM, DeZee KJ. Risk of angioedema withangiotensin receptor blockers in patients with prior angioedema associatedwith angiotensin converting enzyme inhibitors: a meta-analysis. Ann AllergyAsthma Immunol 2008;101:495–9.

Ann Pharmacother 2011;45:520–4.26] Toh S, Reichman M, Houstoun M, Southworth MR, Ding X, Hernandez A, et al.

Comparative risk for angioedema associated with the use of drugs that tar-get the renin-angiotensin-aldosterone system. Arch Intern Med 2012;172:1582–9.