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ARTICLE ORIGINAL Prise en charge des plaies aux urgences e´tudede pratique au CHU d’Angers Current management of wounds in Angers emergency department: Comparison of the practices to the recommendations of the French consensus conference of Clermont-Ferrand of december 2005 B. Vion * , J.-M. De Boisjolly-Bonnefoi, A.-S. Bordot, M. Delori, S. Dambrine, M. Sissoko, P.-M. Roy Service d’accueil et traitement des urgences, 4, rue Larrey, CHU d’Angers, 49000 Angers, France Accepte´ le 26 mai 2010 Disponible sur Internet le 16 septembre 2010 Journal Europe´en des Urgences (2010) 23, 59—64 MOTS CLE ´ S Plaies aux urgences ; Confe ´rence de consensus de 2005 ; E ´ valuation des pratiques professionnelles Re ´sume´ Introduction. — En 2005, la prise en charge des plaies aux urgences a fait l’objet d’une confe ´rence de consensus. Notre objectif e ´tait de comparer la prise en charge des plaies au SAU d’Angers aux recommandations de cette confe ´rence. Patientsetme´thodes. — E ´ tude prospective, descriptive, monocentrique rentrant dans le cadre d’une e ´tude de pratiques professionnelles. Les crite `res d’inclusion e ´taient : motif principal ou secondaire d’admission aux urgences pour « plaie ». Les donne ´es e ´taient recueillies par l’ope ´rateur a` partir d’un questionnaire de ´pose ´ dans le dossier du patient. Ce questionnaire permettait d’e ´valuer 13 e ´tapes de la prise en charge technique. Le crite `re de jugement principal de l’e ´tude e ´tait le pourcentage de non-conformite ´ des dossiers a` cette confe ´rence. Re ´sultats. — Cent quatre-vingt-cinq patients ont e ´te ´ inclus sur une pe ´riode de deux mois. Le pourcentage moyen de non-conformite ´ des dossiers a` la confe ´rence de consensus e ´tait de 32 16 %. Le lavage des plaies n’e ´tait pas conforme a` la confe ´rence dans plus de la moitie ´ des dossiers (94/185). Il e ´tait moins fre ´quemment re ´alise ´ sur la pe ´riode de garde ( p < 0,05). En cas d’indication, le parage e ´tait moins souvent re ´alise ´ par les e ´tudiants que par les internes et les seniors ( p < 0,01). Il n’e ´tait pas conforme a` la confe ´rence de consensus dans pre `s d’un quart des cas (39/169). L’anesthe ´sie locore ´gionale de la face e ´tait exceptionnellement utilise ´e. Conclusion. — La prise en charge des plaies au SAU d’Angers est parfois inade ´quate et justifie une intervention d’ame ´lioration des pratiques sur les items les moins maı ˆtrise ´s. L’effet de cette intervention devra ensuite e ˆtre e ´value ´. # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (B. Vion). 0993-9857/$ — see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.jeur.2010.06.002

Prise en charge des plaies aux urgences  étude de pratique au CHU d’Angers

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Page 1: Prise en charge des plaies aux urgences  étude de pratique au CHU d’Angers

ARTICLE ORIGINAL

Prise en charge des plaies aux urgences etude depratique au CHU d’Angers

Current management of wounds in Angers emergency department: Comparisonof the practices to the recommendations of the French consensus conference ofClermont-Ferrand of december 2005

B. Vion *, J.-M. De Boisjolly-Bonnefoi, A.-S. Bordot, M. Delori, S. Dambrine,M. Sissoko, P.-M. Roy

Service d’accueil et traitement des urgences, 4, rue Larrey, CHU d’Angers, 49000 Angers, France

Accepte le 26 mai 2010Disponible sur Internet le 16 septembre 2010

Journal Europeen des Urgences (2010) 23, 59—64

MOTS CLESPlaies aux urgences ;Conference deconsensus de 2005 ;Evaluation despratiquesprofessionnelles

Resume

Introduction. — En 2005, la prise en charge des plaies aux urgences a fait l’objet d’uneconference de consensus. Notre objectif etait de comparer la prise en charge des plaies auSAU d’Angers aux recommandations de cette conference.Patients et methodes. — Etude prospective, descriptive, monocentrique rentrant dans le cadred’une etude de pratiques professionnelles. Les criteres d’inclusion etaient : motif principal ousecondaire d’admission aux urgences pour « plaie ». Les donnees etaient recueillies parl’operateur a partir d’un questionnaire depose dans le dossier du patient. Ce questionnairepermettait d’evaluer 13 etapes de la prise en charge technique. Le critere de jugement principalde l’etude etait le pourcentage de non-conformite des dossiers a cette conference.Resultats. — Cent quatre-vingt-cinq patients ont ete inclus sur une periode de deux mois. Lepourcentage moyen de non-conformite des dossiers a la conference de consensus etait de32 � 16 %. Le lavage des plaies n’etait pas conforme a la conference dans plus de la moitiedes dossiers (94/185). Il etait moins frequemment realise sur la periode de garde (p < 0,05). Encas d’indication, le parage etait moins souvent realise par les etudiants que par les internes et lesseniors (p < 0,01). Il n’etait pas conforme a la conference de consensus dans pres d’un quart descas (39/169). L’anesthesie locoregionale de la face etait exceptionnellement utilisee.Conclusion. — La prise en charge des plaies au SAU d’Angers est parfois inadequate et justifie uneintervention d’amelioration des pratiques sur les items les moins maıtrises. L’effet de cetteintervention devra ensuite etre evalue.# 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (B. Vion).

0993-9857/$ — see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

doi:10.1016/j.jeur.2010.06.002
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KEYWORDSWounds;Emergencies;Practice study

Summary

Introduction. — In 2005, the management of facial wounds in the emergency ward was thesubject of a French consensus conference. Our objective was to compare the management ofwounds in the emergency ward of Angers hospital with the recommendations of the consensusconference (‘‘guidelines’’).Patients and methods. — Prospective, descriptive and monocentric professional practice eva-luation study. The inclusion criteria were: principal or secondary grounds for admission in theemergency ward for ‘‘wound’’. The data was gathered from a questionnaire included in thepatients file on admission to the emergency department. That questionnaire allowed evaluationof the different steps in the technical management of a wound. The main criterion of the studywas the percentage of non-conforming files in comparison to the consensus conference guide-lines.Results. — One hundred and eighty-five patients were included on a 2-month period. Theaverage percentage of non-conforming files in comparison to the consensus conference guide-lines was 32 � 16 %. The wound cleaning was not in accordance with the guidelines in more thanhalf of the files (94/185). It was less frequently performed during the night and weekend duty-periods (p < 0.05). When indicated, the debridement was less frequently performed by studentsthan by residents and senior physicians (p < 0.01). In almost a quarter of cases, it was not inaccordance with the consensus conference guidelines (39/169). Facial nerve block was excep-tionally used.Conclusion. — Wound management in the emergency ward of Angers hospital is sometimesinadequate. Therefore, it seems important to develop a training program aimed at improving theleast mastered skills. A second study will be lead after the implementation of these training aids.# 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

60 B. Vion et al.

1. Introduction

Les plaies sont desmotifs frequents d’admission aux urgences.On estime qu’elles representent 13 % des admissions d’unservice d’urgences traumatologiques [1]. L’objectif de la priseencharged’uneplaie,quandellenemetpasen jeu lepronosticvital, est d’optimiser le pronostic fonctionnel et/ou esthetiquedu patient et de diminuer le risque infectieux. Elle doit doncfaire l’objet d’une formation universitaire rigoureuse. Laconference de consensus (CC) de 2005 de Clermont-Ferranda mis au point des recommandations concernant l’accueilinitial et l’evaluation du patient, l’organisation et l’amenage-ment des locaux, les principes generaux et les specificites deprise en charge des plaies en fonction de leur localisation.

Notre objectif etait de comparer la prise en charge tech-nique des plaies dans un service d’urgences traumatologiquesuniversitaire aux recommandations de la CC.

2. Patients et methodes

Il s’agissait d’une etude prospective descriptive monocen-trique de cohorte, sur une periode de deux mois (fevrier etmars 2008). Les patients etaient selectionnes a leur admis-sion aux urgences s’ils repondaient aux criteres d’inclusion,c’est-a-dire si leur motif principal ou secondaire de recoursetait « plaie ». Les criteres de non-inclusion dans l’etudeetaient les plaies chroniques, les brulures, les plaies neces-sitant une prise en charge reanimatoire et les dermabrasionsminimes. Les donnees etaient recueillies a partir d’un ques-tionnaire depose dans le dossier source du patient a sonadmission. L’anonymat des patients etait strictement res-pecte, un numero etant attribue a chaque questionnaire. Ce

questionnaire permettait d’evaluer pour chaque patient cinqa 13 etapes de la prise en charge de la plaie, selon la situationrencontree, puis de les comparer aux recommandations de laCC. (1 point = conformite, 0 point = non-conformite). Nousavons ainsi defini pour chaque dossier un pourcentage de non-conformite a la CC. Le critere de jugement principal del’etude etait la moyenne de ces pourcentages de non-confor-mite. Nous avons ensuite compare les donnees en fonction dumoment de prise en charge (en distinguant plaies suturees etnon suturees), puis en fonction de l’operateur.

Les donnees etaient analysees avec le logiciel Epi infoTM

version 3.3.2, fevrier 2005. Les donnees quantitatives ont etecomparees par le test t parametrique de Student si lesdistributions etaient normales et les variances egales etpar le test non parametrique de Mann-Whitney dans lesautres cas. Les donnees qualitatives ont ete analysees parle test du Khi2 ou le test exact de Fisher. Tous les tests etaientbilateraux. Le seuil de significativite etait de 5 %.

Les donnees non renseignees dans les questionnairesetaient jugees non conformes.

3. Resultats

3.1. Caracteristiques des patients de la cohorte

Cent quatre-vingt-cinq patients etaient inclus. Les caracte-ristiques de ces patients sont detaillees dans le Tableau I.L’age moyen des patients etait de 42 � 22 ans. Le sexe ratioH/F etait de 2,6. Le delai median de prise en charge d’uneplaie etait de deux heures. Les plaies se localisaient majo-ritairement au niveau de la tete (101/185, 55 %). Le type« coupure » representait la majorite des plaies (70 %). Elles

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Tableau I Caracteristiques des patients de la cohorte.

Age moyen � DS 42 � 22 ans(Extremes 15—101 ans)

Sexe : n/182 (%) H : 131 (72), F : 51 (28)

Localisation de la plaie : n/185 (%) Tete : 101 (55)Membre superieur : 65 (35)Membre inferieur : 19 (10)

Type de plaie : n/184 (%) Coupure : 129 (70)Dechirement cutane : 22 (12)Contusion : 20 (11)Autres : morsure : 3 (2) perte de substance :5 (2) Punctiforme : 3 (2) ecrasement : 2 (1)

Aspect de la plaie : n/183 (%) Propre : 158 (86)Souillee : 23 (13) Inflammatoire 2 (1) Purulente : 0

Moment de prise en charge : n/185 (%) Journee en semaine (8 h 30—18 h 30) : 71 (38)Journee le week-end (8 h 30—18 h 30) : 31 (17)Garde (18 h 30—8 h 30) : 83 (45)

Delai median de prise en charge (h) 2 h(quartiles : 1 h 10—3 h 30 ; extremes : 20 min—3 j)

Operateur : n/185 (%) Etudiant : 91 (49)Interne : 61 (33)Senior : 33 (18)

DS : deviation standard ; h : heure ; min : minute ; j : jour ; n : effectif.La variabilite du denominateur (182 a 185) est liee a la presence de donnees manquantes dans certains dossiers.

Prise en charge des plaies aux urgences : etude de pratique au CHU d’Angers 61

etaient decrites comme propres dans la tres grande majoritedes cas (86 %).

4. Evaluation des items par rapport a laconference de consensus

Le pourcentage moyen de non-conformite a la conference deconsensus de l’ensemble des dossiers etait de 32 � 16 %.Seuls six dossiers sur 185 (3 %) etaient parfaitement confor-mes aux recommandations de la CC. Les pourcentages denon-conformite en fonction des items etudies sont resumesdans le Tableau II.

Tableau II Pourcentages de non-conformite en fonction des item

Item etudie Pourc

Asepsie de l’operateur : n/185 46 (2Lavage de la plaie : n/185 94 (5Desinfection de la plaie : n/185 20 (1Technique anesthesique : n/185 93 (5Produit anesthesique utilise : n/134 92 (6Lieu d’injection de l’anesthesique : n/134 55 (4Parage : n/169 39 (2Antibiotherapie n/185 15 (8

La variabilite du denominateur (134 a 185) est liee aux differentes situatsuturees ou n’ont pas ete anesthesiees). Nous ne presentons pas cinq dcheveux avant suture en cas de plaie du scalp, modalites de suture, dedonnees non renseignees etaient jugees non conformes.

4.1. Asepsie de l’operateur

Elle n’etait pas jugee conforme dans un quart des dossiers(46/185) : lavage des mains a l’eau et au savon (20 %),absence de lavage demains (2 %), friction desmains a l’alcool(3 %).

4.2. Lavage de la plaie

Il n’etait pas juge conforme dans plus de la moitie des cas(94/185). Dans plus d’un tiers des dossiers (72/185, 39 %),aucun lavage n’etait realise.

s etudies.

entage de dossiers non conformes n (%) NR

5) 11) 00) 00) 08) 01) 113) 0) 1

ions cliniques rencontrees (exemple : toutes les plaies n’ont pas etees 13 etapes etudiees (delai moyen de prise en charge, rasage deslai d’ablation des fils et suivi du patient). NR : non renseigne. Les

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Tableau III Plaies suturees : pourcentages de non-conformite en fonction de l’item et du moment de prise en charge..

Journee semaine (%) Journee week-end (%) Nuit garde (18 h 30—8 h 30) (%) p

Asepsie de l’operateur 23 21 22 1Lavage de la plaie 39 37 59 < 0,05Desinfection de la plaie 9 8 7 0,9Technique anesthesique 32 42 43 0,5Produit anesthesique utilise 72 81 65 0,36Lieu d’injection de l’anesthesique 30 52 47 0,11Parage 14 17 28 0,1Antibiotherapie 4 8 3 0,5

62 B. Vion et al.

4.3. Desinfection de la plaie

Elle n’etait pas jugee conforme dans 10 % des dossiers (20/185) : pas de desinfection (4 %), melange d’antiseptiquesutilises (5 %) et utilisation d’eau oxygenee (1 %).

4.4. Modalites de realisation de l’anesthesie

Elle n’etait pas jugee conforme dans la moitie des dossiers(93/185). Dans 27 % des cas (51/185), aucune anesthesien’etait realisee. Dans 9 % des cas (17/185), une anesthesielocale etait effectuee alors que la plaie etait inflammatoire,souillee, importante, ou en cas de plaies multiples dans lememe territoire. Une seule anesthesie locoregionale (ALR)de la face etait realisee quand la situation l’indiquait.

4.5. Le produit injecte lors de l’anesthesie

Dans 68 % des cas, l’anesthesique utilise etait la xylocaınenon adrenalinee alors que la xylocaıne adrenalinee n’etaitpas contre-indiquee.

4.6. Le lieu d’injection de l’anesthesique en casd’anesthesie locale

Dans pres d’un tiers des dossiers (31 %), l’injection du produitetait effectuee en peau saine, a distance de la plaie, enl’absence d’infection ou de dechirement cutane chez unepersonne agee. Dans 10 % des dossiers l’injection etaitintradermique dans les berges de la plaie alors qu’elle etaitmanifestement contaminee ou associee a un dechirementcutane chez une personne agee.

4.7. Parage

Il etait juge non conforme dans pres d’un quart des dossiers(39/169). Il etait neglige dans 19 % des plaies le necessitant(plaies contuses, souillees, vues tardivement, a plus de12 heures de leur survenue, ou morsures). A contrario, 4 %des plaies beneficiaient d’un parage sans indication evi-dente.

4.8. Suture

Elle etait jugee non conforme dans 8 % des dossiers (14/169) :suture cutanee au fil resorbable (3 %), dechirement cutane

non important chez une personne agee (1 %), plaie a risqueinfectieux (2 %), morsure sans prejudice esthetique (1 %),petite perte de substance cutanee sans mise a nu d’elementnoble (1 %).

4.9. Delai d’ablation des fils

Le delai d’ablation des fils prescrit etait juge non conformedans 29 % des dossiers de plaies suturees (43/148). Pres d’uneerreur sur deux concernait le visage.

4.10. Antibiotherapie

Une antibiotherapie etait prescrite dans 17 % des plaies decette etude (32/185). Dans un cas sur deux, la prescriptiond’antibiotiques reposait sur l’evaluation de la balance bene-fice/risque par l’operateur. La decision prise par l’operateuretait jugee non conforme dans 8 % des plaies (15/185). Lessituations d’inadequation etaient les suivantes : pas de pre-scription d’antibiotherapie en cas de plaie punctiforme sansparage realise (1 %), de fracture ouverte du nez (1 %) oud’exposition articulaire/tendineuse au niveau de la main(3 %), et prescription d’une antibiotherapie pour une plaiesans facteur de risque infectieux (3 %).

5. Comparaison des items en fonction dumoment de prise en charge

En analysant les sous-groupes plaies suturees et plaies nonsuturees, nous avons montre que les plaies suturees etaitmoins bien prises en charge sur les periodes de garde, enparticulier sur l’item « lavage » ( p < 0,05) (Tableau III).

6. Comparaison des items en fonction del’operateur

Les etudiants etaient plus rigoureux dans le lavage des mainsque les internes et les seniors (seulement 9 % de non-confor-mite vs. respectivement 43 et 36 %) ( p < 0,001). L’etapeparage etait, en revanche, mieux abordee par les seniors etles internes (respectivement 7 et 15 % de non-conformite)que par les etudiants (33 % de non-conformite) ( p < 0,01).Enfin, la conduite a tenir face a l’antibiotherapie etait plusadequate chez les etudiants (2 % de non-conformite) quechez les internes (13 %) et les seniors (15 %) ( p = 0,01)(Tableau IV).

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Tableau IV Pourcentages de non-conformite en fonction de l’item et de l’operateur.

Etudiant (n = 91) (%) Interne (n = 61) (%) Senior (n = 33) (%) p

Asepsie de l’operateur 9 43 36 0,001Lavage de la plaie 56 47 42 0,3Desinfection de la plaie 14 11 0 0,07Technique anesthesique 47 59 42 0,2Produit anesthesique utilise 64 74 76 0,4Lieu d’injection de l’anesthesique 40 51 29 0,2Parage 32 15 7 < 0,01Antibiotherapie 2 13 15 0,01

Prise en charge des plaies aux urgences : etude de pratique au CHU d’Angers 63

7. Discussion

Cent quatre-vingt-cinq prises en charge de plaie ont eteetudiees. Le pourcentage moyen de non-conformite a laconference de consensus etait de 32 � 16 %. Le lavage desplaies n’etait pas conforme a la conference dans plus de lamoitie des dossiers (94/185). Il etait moins frequemmentrealise sur la periode de garde ( p < 0,05). En cas d’indica-tion, le parage etait moins souvent realise par les etudiantsque par les internes et les seniors ( p < 0,01). Nos resultatsconfirment un certain nombre de donnees epidemiologiquesconnues. Les plaies affectaient preferentiellement les hom-mes jeunes [2—4] et se localisaient principalement au niveaude la tete et du membre superieur [2,3,5]. Elles etaientdecrites comme « coupures » dans plus de 70 % des dossiers(taux probablement surestime par des erreurs de descrip-tion). Le delai median de prise en charge technique des plaiesetait de deux heures. L’estimation de ce delai est importantecar elle permet d’evaluer le risque infectieux d’une plaie etde l’interet de la suturer [6,7]. La CC recommande de ne passuturer apres un delai de 6 heures les plaies localisees ailleursqu’au niveau du visage ou du cuir chevelu, et de ne pasdepasser un delai de 24 heures pour ces deux topographies[1,2,8,9]. Concernant l’asepsie de l’operateur, la friction desmains avec un solute hydro- alcoolique (SHA) est la methodede reference et etait realisee dans 3/4 de nos dossiers. Unlavage simple des mains semble en effet insuffisant [10,11],alors que les SHA ont montre leur superiorite en termesd’efficacite, de tolerance, d’observance et de rapidited’usage [11—13]. Dans notre etude, pres de 40 % des plaiesn’etaient pas lavees. Le lavage etait moins souvent conformeaux recommandations de la CC sur les periodes de garde( p < 0,05). Or, il doit etre systematique et de preferencerealise au serum physiologique [1] car il contribue a prevenirle risque infectieux [2,14]. En revanche, la majorite desplaies etaient correctement desinfectees (90 %), ce quimontre que la desinfection est nettement privilegiee aulavage. Nous avons observe que les differentes modalitesde l’anesthesie d’une plaie n’etaient pas bien connues desoperateurs. Ainsi plus d’un quart des plaies prises en chargetechniquement (51/185) n’etaient pas anesthesiees alorsqu’elles auraient pu beneficier de techniques anesthesiquesalternatives non invasives (creme EMLA [15,16], xylocaıne enspray ou protoxyde d’azote). De meme une seule plaie duvisage beneficiait d’une ALR qui devrait supplanter l’anes-thesie locale dans cette localisation [1,17]. En effet, l’ALRest tres efficace, simple a acquerir et facilement utilisable en

routine [4]. Elle est par ailleurs plus confortable pour lepatient et optimise le resultat esthetique en evitant ladistorsion des berges [4,17,18]. Par ailleurs, l’operateurdeclarait avoir utilise de la xylocaıne adrenalinee dans seu-lement 6 % des cas (12/185) alors que la CC recommande del’utiliser en premiere intention en l’absence de contre-indi-cations (injections dans les extremites, association aux IMAO)[1]. Elle comporte en effet plusieurs avantages : quantite deproduit necessaire faible, action prolongee et diminution dusaignement local par vasoconstriction [2,6,17]. L’une desraisons de cette sous-utilisation est que la xylocaıne adre-nalinee est stockee loin de la salle de soins de l’accueilchirurgical ce qui rend plus difficile son utilisation. Enfin,pour limiter la douleur de l’injection [19,20], l’infiltrationdoit etre effectuee dans les berges de la plaie en l’absence decontre-indications (plaie souillee ou dechirement cutanechez une personne agee), ce qui n’etait pas le cas dans untiers des anesthesies locales realisees (42/134).

Nous avonsmontre que le parage des plaies, qui diminue lerisque infectieux [6] et ameliore le resultat esthetique[6,21], n’etait pas suffisamment maıtrise par les etudiantspar rapport aux internes et aux seniors ( p < 0,01). Enfin,dans notre etude, plus d’un tiers des prescriptions d’anti-biotherapies (11/32) constituaient une indication absolue :morsures profondes de chien [22] ou de chat [23,24], frac-tures ouvertes et expositions articulaires ou tendineuses[25,26]. La moitie de ces prescriptions (16/32) resultaitd’une reflexion sur la balance benefices/risques du malade,en tenant compte de facteurs de risque infectieux bienconnus (age du patient, diabete, immunodepression, pro-fondeur et localisation de la plaie, presence de corps etran-gers ou souillure, delai de prise en charge [2,3,8] et plaiescontuses [6,27]). Dans ces situations, nous n’etions donc pasen mesure de juger de l’adequation aux recommandations dela CC, qui laisse l’operateur seul juge. Enfin, 16 % desprescriptions (5/32) n’etaient pas justifiees. Nous avonsmontre que les prescriptions d’antibiotiques etaient plusconformes a la CC chez les etudiants que chez les interneset les seniors ( p = 0,01). Ce resultat doit cependant etreinterprete prudemment car les etudiants n’ont pas le droit deprescription.

Malgre differentes limites (absence d’observateur exte-rieur, differents intervenants possibles pour un patient),cette etude prospective est a notre connaissance la premierea evaluer des pratiques professionnelles concernant la priseen charge technique des plaies aux urgences. En effet, lalitterature sur les plaies aux urgences est exhaustive, mais il

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s’agit essentiellement de travaux s’interessant a une etapede la prise en charge ou a un type de plaie.

8. Conclusion

Nous avons observe que les differentes etapes de la prise encharge d’une plaie ne sont pas toujours realisees conforme-ment aux recommandations de la CC. Deux de ces etapesdoivent en particulier faire l’objet d’une mise au point : lelavage et le parage. Le lavage doit etre realise systemati-quement, avec une vigilance accrue pendant les periodes degarde. Le parage doit etre realise seulement en cas d’indica-tion, en insistant notamment aupres des etudiants. L’orga-nisation de cours adaptes aux internes et aux etudiantspermettrait de souligner les differents elements de non-conformite observes dans ce travail. Par ailleurs, sur le plananesthesique, l’utilisation plus frequente de la xylocaıneadrenalinee et la mise en place d’ateliers de formation al’ALR de la face doivent etre discutees.

Afin d’uniformiser les pratiques et d’ameliorer la forma-tion des etudiants, nous avons realise une aide informatiquesur la conference de consensus, disponible dans le service.Celle-ci associe une observation standardisee, une fiche deconseils a remettre au patient a sa sortie et un menu« recommandations ».

Notre travail doit etre complete par une seconde etudeprospective dont l’objectif sera d’apprecier si les interven-tions realisees ont permis d’ameliorer les pratiques.

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