Upload
others
View
0
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
1
PROCÉDURE CIVILE
Fascicule de travaux dirigés
Cours de Mme Liza VEYRE (Maitre de conférences)
Licence 3
Année 2019/2020
2
Remarques générales
- La ponctualité en cours et en TD est obligatoire. Tout retard sera sanctionné. En cours, il
n’est pas possible de rentrer dans l’amphi avec plus de 10mn de retard. Il conviendra d’attendre
la pause à la fin de chaque heure.
- Un attention particulière devra être portée sur la syntaxe, la grammaire et l’orthographe.
Pour progresser, voici un lien vers des applications :
https://www.letudiant.fr/lycee/soutien-scolaire-soignez-votre-orthographe.html
Vous trouverez par ailleurs, en suivant les liens suivants, des conseils :
https://www.quartdheurededroit.com/post/les-fautes-d-orthographe
https://www.letudiant.fr/college/3e/5-conseils-pour-progresser-en-orthographe.html
- La présence aux TD est obligatoire. Au-delà de deux absences, l’étudiant est considéré
comme défaillant. Il est interdit de changer de groupe de TD.
- La préparation des TD est obligatoire. Environ 8h doivent être consacrées à la
préparation du TD. Le travail sera vérifié chaque semaine. Il convient d’apprendre son cours
avant de préparer son TD, et de préparer son TD à l’aide d’une recherche documentaire (ex. :
Précis Dalloz, bases de données Dalloz et LexisNexis). Tous les documents doivent être lus, et
les exercices rédigés. Il est préférable de rédiger de manière manuscrite.
3
Bibliographie indicative
- AMRANI-MEKKI (S.) et STRICKLER (Y.), Procédure civile, 1re éd., PUF, 2014.
- CADIET (L.) et JEULAND (E.), Droit judiciaire privé, 10e éd., LexisNexis, 2017.
- CADIET (L.), NORMAND (J.) et AMRANI-MEKKI (S.), Théorie générale du procès, 2e éd.,
PUF, 2013.
- CAYROL (N.), Procédure civile, Dalloz, 2017*.
- CHAINAIS (C.), FERRAND (F.), MAYER (L.) et GUINCHARD (S.), Procédure civile, 6e éd.
Dalloz, Hypercours, 2019*.
- CHAINAIS (C.), FERRAND (F.), MAYER (L.) et GUINCHARD (S.), Procédure civile – Droit
interne et européen du procès civil, 34e éd., Dalloz, Précis, 2018*.
- FRICERO (N.), Procédure civile, 15e éd., Gualino, 2018.
- Code de procédure civile annoté 2020 (l’acquisition de ce code est conseillée)**
*Les ouvrages accompagnés d’un * sont ligne à partir de la base de donnée sur dalloz
bibliothèque
** En ligne sur dalloz.fr et lexis360
4
Séance 1. Le droit d’agir
I. DOCUMENTS À LIRE (VOIR CI-DESSOUS)
Document 1. Civ. 2e, 27 mai 2004, n° 02-15700
Document 2 : Civ. 1re, 18 sept. 2008, n° 06-22038
II. EXERCICES
A. Définitions
Apprendre les définitions des termes suivants :
-Action en justice (ou droit d’agir) : « L’action est le droit, pour l'auteur d'une prétention,
d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée. Pour
l'adversaire, l'action est le droit de discuter le bien-fondé de cette prétention » (art. 30 CPC).
-Fin de non-recevoir : « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer
l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel
le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée » (art. 122
CPC).
-Action de groupe : L’étude d’impact qui accompagne le projet de loi du 18 novembre 2016
sur la justice du 21ème siècle définit ainsi l’action de groupe : « l’action de groupe peut être
définie comme une voie de droit permettant à une ou plusieurs personnes d’exercer une action
en justice au bénéfice d’un groupe de personnes non identifiées sans avoir reçu un mandat de
leur part au préalable ».
B. Recherche documentaire et commentaire d’arrêt
Rédiger le commentaire de l’arrêt suivant : Civ. 1re, 18 sept. 2008, n° 06-22038 (document 2).
Le travail doit être réalisé en respectant les règles suivantes :
-Lisez attentivement l’arrêt.
-apprenez la partie du cours sur l’action en justice. Au besoin, complétez par un ouvrage (précis
dalloz, Droit judiciaire privé chez LexisNexis, etc.).
-Étudiez la fiche méthodologique en ligne sur Moodle relative au commentaire d’arrêt.
-Commencez à réfléchir à l’arrêt : problème juridique, axes de réflexion : suivre les étapes
décrites dans la fiche méthodologique.
-Recherchez les notes relatives à cet arrêt sur les bases de données.
5
-Rédigez entièrement le commentaire. Si vous vous appuyez sur les notes que vous avez
trouvées, il faudra citer les auteurs entre parenthèses ou en notes de bas de page.
***
DOCUMENTS
Document 1. Civ. 2, 27 mai 2004, n° 02-15700
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 26 juin 2001), que l'Association de sauvegarde église
de Castels et château de Fages (l'association) ayant pour objet social de "conserver et protéger
l'église du vieux Castels et le château de Fages, en même temps que le site qui leur sert d'écrin"
qui avait fait assigner M. et Mme X... pour les voir condamner sous astreinte à démolir une
maison qu'ils avaient construite dans les environs du château, a interjeté appel du jugement qui
avait déclaré son action irrecevable faute d'intérêt ;
Sur le second moyen, qui est préalable :
Attendu que l'association reproche à l'arrêt de l'avoir déclarée irrecevable en son action, faute
d'intérêt, alors, selon le moyen :
1 / que si l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une
prétention, l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de
l'action, l'existence du droit invoqué par le demandeur n'étant pas une condition de recevabilité
de celle-ci mais de son succès ; qu'en énonçant cependant que "l'immeuble litigieux est situé à
plus de 900 mètres à vol d'oiseau de ces sites", qu'il "n'est pas contesté qu'il n'est visible ni du
château ni de l'église" et qu'il ne pouvait être retenu "que la propriété de M. et Mme X..., même
si elle est située sur la voie d'accès à l'église et au château, se trouve dans leur "écrin " qui ne
peut être constitué que de leur abord immédiat", pour en déduire l'irrecevabilité de l'action
intentée par l'association, faute pour celle-ci d'intérêt à agir, la cour d'appel a manifestement
statué sur le bien-fondé de cette action et non sur sa recevabilité, en violation de l'article 31 du
nouveau Code de procédure civile ;
2 / que l'association ayant pour seul objet statutaire de "conserver et protéger l'église du vieux
Castels et le château de Fages, en même temps que le site qui leur sert d'écrin" elle a
nécessairement intérêt à obtenir en justice la démolition d'une construction dénaturant le site
qu'elle s'est donné pour objet de protéger, construction de surcroît édifiée en vertu de permis de
construire dont elle a obtenu l'annulation pour illégalité ; qu'en déclarant cependant l'action de
cette association irrecevable, faute d'intérêt à agir, la cour d'appel a derechef violé l'article 31
du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il résulte des articles 31 du nouveau Code de procédure civile et 1er de la loi
du 1er juillet 1901 que, hors habilitation législative, une association ne peut agir en justice au
nom d'intérêts collectifs qu'autant que ceux-ci entrent dans son objet social ;
6
Et attendu qu'après avoir précisé l'objet de l'association et constaté que la maison dont la
démolition était demandée, était éloignée du site à protéger et n'était visible ni du château ni de
l'église, la cour d'appel a apprécié souverainement le défaut d'intérêt à agir de l'association ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'association fait grief à l'arrêt d'avoir écarté des débats les pièces qu'elle avait
communiquées, alors, selon le moyen, que le constat selon lequel des pièces ont été
régulièrement communiquées à la partie adverse et versées aux débats implique qu'elles ont été
soumises à la libre discussion des parties ; qu'en rejetant néanmoins les pièces régulièrement
communiquées par l'association à M. et Mme X... au motif inopérant que le caractère
confidentiel de ces pièces n'aurait pas permis à leur conseil d'en débattre utilement, la cour
d'appel a violé l'article 132 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que le rejet du second moyen rend sans intérêt l'examen du premier moyen ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; (…)
Document 2 : Civ. 1, 18 sept. 2008, n° 06-22038
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 31 du code de procédure civile et 1 de la loi du 1er juillet 1901 ;
Attendu que l'association Le Saint-Nicolas accueil gérait un établissement recevant des malades
atteints de myopathie ; qu'en raison de graves dysfonctionnements ayant préjudicié à certains
résidents, M. Y..., son ancien président, et M. Z..., son liquidateur judiciaire, ont été assignés
en dommages-intérêts par l'Association française contre les myopathies, ci-après AFM ;
Attendu que pour écarter la demande, l'arrêt retient que les statuts de l'AFM ne prévoient
nullement qu'elle aurait pour but ou pour moyen d'action d'ester en justice pour la défense des
intérêts des malades, et qu'en conséquence son action n'est pas recevable ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, même hors habilitation législative, et en l'absence de prévision
statutaire expresse quant à l'emprunt des voies judiciaires, une association peut agir en justice
au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social, la cour d'appel a
violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 octobre 2006. (…)
7
Séance 2. Compétence et acte introductif
d’instance
I. DOCUMENTS À LIRE (VOIR CI-DESSOUS)
Document 1. Civ. 2e, 21 février 2019, n° 17-28857
Document 2. M. Guez, Le tribunal judiciaire, naissance d'une juridiction, Gaz. Pal. 23 avril
2019- n°16 - page 48
II. EXERCICES
A. Définitions
Apprendre la définition des termes suivants :
- compétence matérielle
- compétence territoriale
- assignation
B. Cas pratiques
Cas pratique 1.
Victoria est la secrétaire de Mme SOMMEIL, hypnothérapeute à Versailles. Cette dernière,
voulant embaucher sa petite nièce comme secrétaire, prétexte un retard de Victoria pour la
licencier. Victoria ne compte pas en rester là. Elle souhaite agir en justice contre elle. Sachant
que vous êtes étudiant en droit, Victoria vous demande conseil. À quelle juridiction doit-elle
s’adresser et selon quel mode introductif d’instance ? Et doit-elle prendre un avocat ?
Cas pratique 2.
Madame DANDURE, dentiste, est en conflit avec la société BOUTON, avec qui elle est liée
contractuellement par un contrat de maintenance de son matériel informatique. La société
BOUTON a assigné Madame DANDURE devant le tribunal de grande instance de Meaux, ville
où la société a son siège. Madame DANDURE, habitant et exerçant à Bobigny, souhaiterait que
l’affaire soit jugée dans cette ville, mais elle ne sait pas si cela est possible dans la mesure où
le contrat le liant à la société BOUTON stipule qu’en cas de litige relatif à ce contrat, les parties
devront saisir le tribunal de grande instance de Meaux. Madame DANDURE vous consulte
pour savoir s’il est possible que l’affaire soit portée devant le TGI de Bobigny.
8
C. Rédaction d’un acte introductif d’instance
Bernard MAGIK, qui habite Paris, souhaite construire une résidence secondaire sur un terrain
familial à Bandol. Il fait appel à l’entreprise DROITOBUT, entreprise de bâtiment située à
Marseille. Une fois la maison construite, Bernard estime que la maison comporte plusieurs
malfaçons. Il souhaite agir en justice contre DROITOBUT.
Préparez un projet d’acte introductif d’instance, sans développer le fond de l’affaire. Dans un
document distinct, indiquez les textes vous ayant permis de rédiger cet acte (textes relatifs à la
compétence et aux mentions obligatoires).
***
Document 1. Civ. 2e, 21 février 2019, n° 17-28857
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches :
Vu l'article 75 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-891
du 6 mai 2017 ;
Attendu que l'interdiction faite à la juridiction, saisie d'une exception d'incompétence au profit
du juge administratif de désigner la juridiction administrative à saisir, n'est pas de nature à
écarter l'obligation faite, par l'article 75 du code de procédure civile, à la partie qui soulève
l'exception, d'indiquer dans tous les cas, sous peine d'irrecevabilité de cette exception, devant
quelle juridiction administrative l'affaire doit être portée ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Actilor s'est portée acquéreur d'un terrain
appartenant à la société des Forges de Valenciennes (la société Forgeval) ; que, par une décision
du 20 juillet 2005, la communauté d'agglomération Valenciennes métropole (la communauté
d'agglomération), a exercé par délégation le droit de préemption urbain ; que par une décision
du 23 juin 2006, le Conseil d'Etat a prononcé la suspension de la décision de préemption,
laquelle a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Lille statuant au fond du 31
janvier 2007 ; qu'entre-temps, la société Forgeval avait vendu le terrain à la communauté
d'agglomération ; que la société Actilor a fait assigner la communauté d'agglomération, la
société Forgeval et Mme D..., prise en qualité de liquidateur judiciaire de cette société, devant
le tribunal de grande instance de Valenciennes aux fins d'annulation de la vente et de
condamnation au paiement de dommages-intérêts ; que la société Val des Forges, qui s'était fait
substituer dans les droits de la société Actilor, est intervenue volontairement à l'instance ; que
la société Actilor a relevé appel d'une ordonnance du juge de la mise en état qui a constaté
l'incompétence de la juridiction judiciaire au profit de la juridiction administrative ;
Attendu que, pour constater l'incompétence du tribunal de grande instance de Valenciennes au
profit du tribunal administratif et renvoyer les parties à mieux se pourvoir, l'arrêt retient que la
référence faite dans les motifs des écritures de l'intimée à la compétence exclusive de la
9
juridiction administrative et au juge administratif désigne avec une clarté suffisante le tribunal
administratif, juge naturel au premier degré des juridictions de l'ordre administratif, à
l'exclusion de la cour administrative d'appel et du Conseil d'Etat et que les indications factuelles
exposées dans le déclinatoire de compétence renvoient toutes au département du Nord de sorte
que la mention de la compétence du juge administratif désigne avec suffisamment de précision
le tribunal administratif de Lille ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la communauté d'agglomération, qui soulevait l'exception, n'avait
pas donné, dans son déclinatoire de compétence, de précisions suffisamment claires pour que
la désignation de la juridiction soit certaine, la cour d'appel a violé le texte le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de
l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 octobre 2017, entre les
parties, par la cour d'appel de Douai ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Infirme l'ordonnance entreprise ;
Déclare l'exception d'incompétence soulevée par la communauté d'agglomération Valenciennes
métropole irrecevable ;
Dit que l'instance se poursuivra devant le tribunal de grande instance de Valenciennes ; (…).
Document 2. M. Guez, Le tribunal judiciaire, naissance d'une juridiction, Gaz. Pal. 23 avril
2019- n°16 - page 48
La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice concrétise
l’unification du premier degré de juridiction en matière civile (TI et TGI) à compter du 1er janvier 2020. De la
fusion des tribunaux d’instance avec ceux de grande instance naît une nouvelle juridiction dénommée « tribunal
judiciaire », dont la compétence, l’éventuelle spécialisation et certaines règles de procédure sont d’ores et déjà
fixées.
La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice consacre la
proposition d’unification des juridictions de première instance en matière civile (TI et TGI). L’objectif est de
simplifier la saisine et de rationnaliser le fonctionnement des juridictions.
L’unification du premier degré de juridiction s’appuie sur des propositions anciennes, débattues et qui n’ont pas
toujours envisagé une unification d’une même ampleur. Si le rapport Guinchard avait rejeté l’idée d’une « fusion
des trois juridictions civiles de première instance (TGI, TI et juridictions de proximité) dans un tribunal unique de
première instance »1, d’autres se sont prononcés pour l’unification2. Le rapport d’information du Sénat sur la
justice de première instance3 et le rapport Marshall sur les juridictions du XXIe siècle4 ont préconisé une
juridiction de première instance unifiée. En octobre 2017, le premier président Louvel a confié sa vision de la
Justice dans quatre tribunes successives, publiées sur le site internet de la Cour de cassation, dont la dernière
s’intitule « Pour l’unité de tribunal »5.
Institution du tribunal judiciaire. Mesure emblématique de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, l’unification du
premier degré de juridiction en matière civile6 cristallise les craintes des élus et des professions judiciaires, pour
10
lesquels la fusion des tribunaux d’instance et de grande instance ouvrirait la voie à une réforme de la carte judiciaire
et à une évaporation des lieux de justice. De son côté, la garde des Sceaux évoque une « fusion administrative de
clarification »7, sans fermeture des tribunaux. L’unification est portée par des justifications8 rationnelles, à la fois
d’ordre processuel – l’exception d’incompétence matérielle n’est pas une fatalité inhérente à la procédure civile –
et managérial, qui doivent aller dans le sens d’une valorisation des ressources humaines et matérielles de la
juridiction.
La loi fixe la compétence d’attribution du nouveau tribunal judiciaire (I). Elle met en place un dispositif de
spécialisation de certains tribunaux judiciaires au niveau départemental (II). Elle esquisse, en outre, les règles de
procédure qui seront applicables devant la nouvelle juridiction (III).
I – La compétence d’attribution du nouveau tribunal judiciaire
Disparition du taux de ressort. La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 réforme le livre II de la partie législative du
Code de l’organisation judiciaire relatif aux juridictions du premier degré et en abroge l’entier titre II relatif au
tribunal d’instance. La fusion est réalisée par absorption du tribunal d’instance par le tribunal de grande instance.
Les dispositions du Code de l’organisation judiciaire jusque-là consacrées au TGI9 sont en conséquence
modifiées10. À compter du 1er janvier 2020, seule y figurera la référence au nouveau tribunal judiciaire. Sauf
exceptions, la compétence d’attribution des tribunaux d’instance et de grande instance lui sera transférée. L’article
L. 211-3 du Code de l’organisation judiciaire, qui a trait à la compétence matérielle de l’actuel TGI, précisera que
« le tribunal judiciaire connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n’est pas
attribuée, en raison de la nature de la demande, à une autre juridiction ». La référence au taux de ressort est
supprimée. Le tribunal judiciaire sera compétent en matière civile indépendamment du montant réclamé, à
l’exception des litiges qui relèvent par nature d’une autre juridiction11.
Institution d’un « juge des contentieux de la protection ». Les juges d’instance seront remplacés, poste par poste,
par des « juges des contentieux de la protection » dont les fonctions seront exercées par un ou plusieurs juges du
tribunal judiciaire12. Techniquement, ces fonctions13 s’ajoutent aux fonctions particulières exercées par le juge
en matière civile14, à côté de la juridiction du président15, des fonctions du JAF16, du JEX17 et du JLD18. Le
juge des contentieux de la protection connaîtra essentiellement des contentieux liés à des situations de vulnérabilité
personnelle ou économique et sociale, par nature intimement liées à un ordre public de protection du justiciable.
Les nouveaux articles L. 213-4-2 et suivants du Code de l’organisation judiciaire précisent son champ d’action,
qui tient pour l’essentiel à :
la protection juridique des majeurs (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle des majeurs et mesure
d’accompagnement judiciaire ; mandat de protection future ; habilitation familiale) ;
la constatation de la présomption d’absence ;
l’expulsion des occupants sans droit ni titre des immeubles bâtis ;
les baux d’habitation (actions dont l’objet, la cause ou l’occasion est un contrat de louage d’immeubles à
usage d’habitation ou un contrat portant sur l’occupation d’un logement ; actions relatives à la loi n° 48-1360 du
1er septembre 1948) ;
les actions relatives à l’inscription et à la radiation sur le fichier national recensant les informations sur les
incidents de paiement ;
le surendettement des particuliers et la procédure de rétablissement personnel.
Création, dans des ressorts déterminés par décret, d’une chambre détachée nommée « tribunal de proximité ». Pour
maintenir une proximité avec les justiciables, les tribunaux d’instance, qui sont implantés dans une commune
différente du TGI, seront maintenus sur site et transformés en chambres détachées du tribunal judiciaire. Les
magistrats et fonctionnaires du greffe devraient y être spécialement affectés par leur arrêté d’affectation, ce qui est
de nature à garantir leur présence sur site. À cet égard, l’article L. 212-8 du Code de l’organisation judiciaire
précise que le tribunal judiciaire peut comprendre, en dehors de son siège, des chambres de proximité dénommées
« tribunaux de proximité », dont le siège et le ressort ainsi que les compétences matérielles seront fixés
nationalement par décret. Ces chambres devraient connaître notamment des litiges d’un montant inférieur à 10 000
€ que la Chancellerie n’a pas souhaité confier au juge des contentieux de la protection19. Des compétences
matérielles supplémentaires pourront leur être attribuées, dans les limites de leur ressort, sur décision conjointe du
premier président de la cour d’appel et du procureur général près cette cour, après avis des chefs de juridiction et
consultation du conseil de juridiction concerné. À défaut d’une chambre de proximité détachée – à savoir lorsque
11
le TI et le TGI sont situés dans la même commune –, les litiges d’un montant inférieur à 10 000 €, qui ont leurs
spécificités, pourraient être confiés à une chambre désignée au siège du tribunal judiciaire, à l’exclusion des actions
en réparation des préjudices corporels qui relèvent actuellement de la compétence matérielle du TGI,
indépendamment du montant réclamé20.
Procédure européenne de règlement des petits litiges. La connaissance des demandes formées en application du
règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure
européenne de règlement des petits litiges, initialement de la compétence du tribunal d’instance, sera également
confiée au tribunal judiciaire. Ce contentieux pourrait être utilement attribué à la chambre de proximité détachée
ou à la chambre au siège du tribunal judiciaire qui serait en charge des litiges d’un montant inférieur à 10 000 €.
Saisie des rémunérations. La saisie des rémunérations, à l’exception des demandes ou moyens de défense qui
échappent aux juridictions de l’ordre judiciaire, actuellement de la compétence du tribunal d’instance, sera confiée
au juge de l’exécution du tribunal judiciaire. Ce transfert au profit d’un magistrat spécialisé rationalise les règles
de la compétence d’attribution du contentieux de l’exécution forcée21. À cet égard, l’Association nationale des
juges d’instance fait remarquer avec justesse que la compétence ne doit pas occulter l’importance du maintien, au
seuil de la procédure, de l’audience de conciliation où un simple échéancier suffit parfois à débloquer la situation.
En faveur de la conciliation, l’association ajoute que « certains débiteurs sont même prêts à faire une proposition
de paiement échelonné, pour un montant mensuel supérieur à la quotité saisissable, afin d’éviter d’être stigmatisés
par leur employeur en raison de leurs difficultés financières personnelles et des complications que toute saisie
entraîne chez le tiers saisi »22. L’argument doit être pris avec prudence.
Dans toutes procédures d’exécution, chaque fois qu’il intervient pour une conciliation ou un incident, le juge23
doit veiller au respect de l’ordre public. Il s’assure que le débiteur ne renonce pas, par des concessions
inconsidérées, à la protection que lui confère la loi24. Or les dispositions quant à la quotité saisissable sont d’ordre
public : pas question de laisser un débiteur y renoncer, ni de permettre à un créancier d’exploiter une situation de
faiblesse économique pour accélérer le recouvrement. L’audience de conciliation doit laisser au débiteur une
dernière opportunité, avant l’exécution, de préserver sa vie privée et ses relations de travail, en s’engageant à
reverser à échéance périodique une fraction de son salaire qui ne saurait excéder la quotité saisissable25.
Exclusion de l’injonction de payer. Exception au transfert de compétence du tribunal d’instance vers le nouveau
tribunal judiciaire, la procédure d’injonction de payer – 500 000 dossiers par an – sera confiée à une juridiction
nationale spécialement désignée par décret26. Cette nouvelle juridiction centralisera les demandes de l’ensemble
du territoire, à l’exception de celles relevant de la compétence d’attribution du tribunal de commerce, ainsi que
des demandes formées en application de la procédure européenne d’injonction de payer27 (COJ, art. L. 211-17).
La juridiction nationale sera en activité à compter d’une date fixée par décret en Conseil d’État et au plus tard le
1er janvier 2021.
Les demandes d’injonction de payer seront formées par voie dématérialisée, à l’exception des demandes des
personnes physiques qui n’agissent pas à titre professionnel et ne sont pas représentées, ainsi que des demandes
formées en application de la procédure européenne d’injonction de payer. L’éventuelle opposition à l’ordonnance
sera formée devant la juridiction nationale des injonctions de payer. Cette dernière devrait connaître des
oppositions qui tendent exclusivement à l’obtention de délais de paiement, tandis que les autres seraient transmises
par le greffe aux tribunaux territorialement compétents (COJ, art. L. 211-18).
L’opposition qui porte sur une demande initiale n’excédant pas un montant défini par décret en Conseil d’État
pourra, à l’initiative des parties et lorsqu’elles en sont expressément d’accord, être traitée dans le cadre d’une
procédure dématérialisée28. Dans ce cas, la procédure se déroulera sans audience. Le tribunal pourra décider de
tenir une audience au regard de l’insuffisance des preuves écrites ou si l’une des parties en fait la demande.
L’audience demandée pourra être refusée par une décision motivée insusceptible de recours indépendamment du
jugement sur le fond, si elle n’est pas nécessaire à garantir le déroulement équitable de la procédure (COJ, art. L.
212-5-2).
L’idée d’une procédure entièrement dématérialisée et sans audience a été critiquée. Certes, la délivrance d’une
ordonnance portant injonction de payer, tant que le débiteur n’y fait pas opposition, ne justifie pas nécessairement
la comparution des parties. L’ordonnance est aujourd’hui obtenue au terme d’une procédure écrite, non
contradictoire ; peu importe donc la dématérialisation de la procédure et l’absence de juridiction physiquement
présente sur le territoire pour prononcer ces ordonnances. Sous les réserves liées au « tout numérique »29, il suffit
que le Service d’accueil unique du justiciable (SAUJ) présent dans les lieux de justice soit en mesure de renseigner
les justiciables sur la procédure à suivre pour obtenir ou s’opposer à une ordonnance portant injonction de payer.
12
En revanche, le rétablissement de la contradiction justifie, à notre sens, le maintien d’une audience, en particulier
lorsqu’elle est demandée par l’une des parties.
Par ailleurs, si l’article L. 211-17, qui institue et précise la compétence d’attribution de la nouvelle juridiction, a
pleinement sa place dans la partie législative du Code de l’organisation judiciaire, l’article L. 211-18, qui règle la
procédure applicable devant cette juridiction (mode de saisine, opposition à l’ordonnance d’injonction de payer),
n’a semble-t-il rien à y faire. Cette disposition devrait figurer dans le livre II du Code de procédure civile, au sein
des dispositions particulières applicables à chaque juridiction, dans un nouveau titre réunissant les dispositions
particulières applicables à la nouvelle juridiction nationale des injonctions de payer.
II – La spécialisation des tribunaux judiciaires au niveau départemental
Présentation du dispositif. Le nouvel article L. 211-9-3, inséré au début d’une sous-section du Code de
l’organisation judiciaire30, consacrée à la compétence particulière à certains tribunaux judiciaires, précise que
lorsqu’il existe plusieurs tribunaux judiciaires dans un même département, ils peuvent être spécialement désignés
par décret pour connaître seuls, dans l’ensemble de ce département, de certaines matières civiles ou de certains
délits, contraventions et infractions connexes, dont la liste sera déterminée par décret en Conseil d’État, « en tenant
compte du volume des affaires concernées et de la technicité de ces matières »31. À titre exceptionnel, des
tribunaux judiciaires situés dans des départements différents pourront être spécialement désignés lorsque leur
proximité géographique et les spécificités territoriales le justifient.
Le Conseil constitutionnel a été saisi de la rédaction de cette disposition au motif, d’une part, que les critères liés
au volume des affaires et à la technicité des matières civiles et pénales seraient insuffisamment précis,
méconnaissant l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi et, d’autre part, que
la spécialisation éloignerait les juridictions des justiciables et contreviendrait ainsi au droit à un recours
juridictionnel effectif et au principe d’égalité d’accès au service public de la justice32.
Le Conseil constitutionnel a rejeté ces critiques, estimant que les deux critères, objectifs et rationnels, n’étaient
pas « inintelligibles ». Les Sages sont pourtant contraints, dans leur décision, de se référer à l’intention du
législateur extérieure à la rédaction de l’article L. 211-9-3 du Code de l’organisation judiciaire pour en expliciter
la portée. D’abord, le volume des affaires renverrait aux contentieux représentant un « faible volume d’activité »
par juridiction. La Chancellerie a, effet, indiqué que seraient concernés uniquement des contentieux ne représentant
pas plus de 10 % de l’activité des tribunaux mais, dans la rédaction du texte, rien ne quantifie dans un sens ou
l’autre le volume des affaires. Ensuite, la technicité des matières civiles et pénales renverrait aux « compétences
particulières » attendues de la part des magistrats, ce qui reste susceptible d’interprétations divergentes. En
pratique, la technicité renvoie autant à l’expertise juridique qu’à l’expertise scientifique, par exemple d’ingénierie
financière ou médicale, qui définit l’enjeu ou le contexte du dossier.
Mise en œuvre du dispositif. Les tribunaux judiciaires spécialisés seront spécialement désignés par décret, sur
proposition conjointe du premier président et du procureur général près la cour d’appel pour les tribunaux du
ressort, après avis des chefs de juridiction et consultation des conseils de juridiction concernés. Lorsque la
désignation intervient dans un ressort où les tribunaux judiciaires sont situés dans deux départements différents, la
proposition devra, en outre, identifier les spécificités territoriales qui la justifient.
L’avis préalable des conseils de juridiction, seulement consultatif, pose la question des élus et professions
judiciaires qui seront associés à la proposition de spécialisation33. Créé par décret n° 2016-514 du 26 avril 201634,
le conseil de juridiction35, « lieu d’échanges et de communication entre la juridiction et la cité », se réunit au
moins une fois par an et a une composition différente selon l’ordre du jour, qui associe aux magistrats et
fonctionnaires désignés au sein de la juridiction : des représentants de l’administration pénitentiaire et de la
protection judiciaire de la jeunesse ; des représentants locaux de l’État ou des collectivités territoriales ; des
parlementaires élus du ressort ; des personnes exerçant une mission de service public auprès des juridictions ; des
représentants du barreau et des autres professions du droit ; ou encore des représentants d’associations.
La composition du conseil de juridiction qui, en principe, diffère selon l’ordre du jour, sera cette fois précisée par
décret pour émettre un avis sur la spécialisation du tribunal judiciaire. La garde des Sceaux s’est engagée à ce que
les barreaux soient associés à cette décision par le biais des conseils de juridiction, et à ce que le décret prévoie
explicitement leur présence dans ces conseils36. Des personnalités extérieures seront donc associées au
fonctionnement des tribunaux judiciaires, ce qui reste une innovation, mais il faut rappeler que le conseil de
13
juridiction n’exerce aucun contrôle sur l’activité juridictionnelle ou l’organisation de la juridiction et n’évoque pas
les affaires individuelles dont la juridiction est saisie37.
Conçue et présentée comme une initiative de terrain émanant des acteurs directement concernés, la désignation
des tribunaux judiciaires spécialisés ne devrait pas être imposée par décret en l’absence de proposition. Reste que
la rédaction de la loi laisse une certaine souplesse à la Chancellerie : dans le texte, rien n’indique que la proposition
– simple faculté laissée au premier président et au procureur général près la cour d’appel « qui peuvent proposer
» – soit indispensable à la mise en œuvre du dispositif, ni qu’elle doive être suivie.
III – La procédure devant le tribunal judiciaire
Quid de la procédure ? La fusion des tribunaux d’instance et des tribunaux de grande instance, qui connaissent des
règles de procédure différentes, interroge quant à la procédure qui sera applicable devant le nouveau tribunal
judiciaire. La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 en esquisse les premières lignes. Le Code de procédure civile sera
modifié pour adapter la procédure actuellement suivie devant le TGI. Précisé dans le rapport annexé à la loi,
l’objectif rationnel du législateur consiste à maintenir « une procédure orale sans représentation obligatoire pour
les contentieux les plus simples, une procédure écrite avec représentation obligatoire pour les autres contentieux
». Le degré de complexité du litige doit, en effet, dicter la manière de procéder en vue de sa résolution. À côté de
la procédure ordinaire écrite avec représentation obligatoire et des procédures spéciales de référés et sur requête,
le tribunal judiciaire devrait donc connaître une procédure simplifiée orale et sans représentation obligatoire pour
les litiges d’un montant inférieur à 10 000 €, même si, en vérité, le montant du litige n’est pas nécessairement
corrélé à son degré complexité quant à l’application des règles de droit.
Extension du périmètre de la représentation obligatoire. Dans le but de simplifier la procédure civile et d’accroître
l’efficacité de l’action des juridictions, la loi prévoit une extension du périmètre de la représentation obligatoire
par ministère d’avocat. L’idée est que les justiciables soient défendus par des avocats, dès la première instance,
dans les matières les plus complexes juridiquement. La représentation par avocat sera ainsi obligatoire devant le
juge de l’exécution. À cette fin, l’article L. 121-4 du Code des procédures civiles d’exécution est modifié pour les
instances introduites à compter du 1er janvier 2020. Par exception, le ministère d’avocat reste facultatif devant le
JEX lorsque la demande est relative à l’expulsion ou lorsqu’elle a pour origine une créance ou tend au paiement
d’une somme qui n’excède pas un montant déterminé par décret en Conseil d’État38. L’extension de la
représentation obligatoire par avocat en première instance en fonction de la technicité juridique du litige se situe
dans la droite ligne du rapport Delmas-Goyon39. En revanche, la représentation par avocat devant le tribunal
paritaire des baux ruraux, qui fut un temps évoquée, n’est pas consacrée par la nouvelle loi40.
Saisine dématérialisée. Ces évolutions devraient s’accompagner de la mise en place d’un acte de saisine unifié et
dématérialisé des juridictions de première instance. À lire le rapport annexé au projet de loi, « la procédure civile
reste[rait] inaccessible pour la plupart des justiciables du fait de sa complexité et de l’absence de dématérialisation
». L’affirmation doit être relativisée et prise avec précaution. Si la justice civile gagne en lisibilité et en accessibilité
par la simplification des règles de procédure, en particulier des règles de la compétence d’attribution, la
dématérialisation est une question sensible. Les enjeux, qui dépassent le seul accès au droit et à la justice, relèvent
de la question plus globale de l’accès aux services publics.
Là où elle est présentée comme un remède à l’inaccessibilité du service public de la justice, la dématérialisation
est, paradoxalement, un obstacle infranchissable pour les justiciables qui n’ont pas accès à internet, qui ne savent
pas ou craignent de ne pas savoir s’en servir. La saisine dématérialisée des juridictions civiles constitue une
avancée qui permettra de saisir la justice de façon rapide et simplifiée, depuis n’importe où en France ou à
l’étranger, mais les modes traditionnels de saisine ne sont pas totalement substituables. La déclaration au greffe de
la juridiction, qui est le mode de saisine ordinaire du tribunal d’instance, doit être conservée41. Le Défenseur des
droits a déjà alerté à maintes reprises sur la fracture sociale liée à l’accès et à l’utilisation du numérique42. Son
rapport de janvier 2019 intitulé « Dématérialisation et inégalités d’accès aux services publics » révèle que l’accès
numérique aux services publics est une préoccupation, à l’image du processus de dématérialisation de la délivrance
des permis de conduire et certificats d’immatriculation qui est l’un des premiers motifs de saisine de l’institution.
Procédure avec ou sans audience. Le nouvel article L. 212-5-1 du Code de l’organisation judiciaire précise déjà
que, devant l’actuel tribunal de grande instance, la procédure peut, à l’initiative des parties lorsqu’elles en sont
expressément d’accord, se dérouler sans audience. En ce cas, elle est exclusivement écrite (al. 1er). Le tribunal
peut, toutefois, décider de tenir une audience s’il estime qu’il n’est pas possible de rendre une décision au regard
14
des preuves écrites ou si l’une des parties en fait la demande (al. 2nd). Déjà en vigueur, le nouvel article L. 212-5-
1 du Code de l’organisation judiciaire sera nécessairement complété par un décret d’application. L’ambiguïté du
texte43, révélée à la lecture des deux alinéas, devra être levée : la nécessité d’une initiative et d’un accord exprès
des parties quant à la dispense d’audience (al. 1er) excluent, par définition, que le tribunal puisse refuser la tenue
de l’audience si l’une des parties en fait la demande (al. 2nd).
Accueillie avec réserves44, la simple faculté du juge de convoquer les parties aux audiences de mise en état et
surtout de plaidoirie, sans limite quant à son champ d’application et alors même que l’une des parties demanderait
à être entendue, nous semble empiéter démesurément sur le sens de l’intervention juridictionnelle et les droits de
la défense. Si la résolution purement technique du litige peut être indifférente à la comparution des parties, parfois,
ce que le justiciable attend de la justice, seul l’humain peut le lui donner. Au-delà du droit d’être entendu, c’est
peut-être le sentiment d’avoir été écouté qui apaise le conflit et améliore in fine l’acceptation de la décision de
justice.
Notes de bas de page 1 – V. Guinchard S. (dir.), L’ambition raisonnée d’une justice apaisée, 2008, La Documentation Française.
2 – V. sur ce « souhait longtemps formulé » : Fricero N., « La fusion des juridictions civiles du premier degré en question », in Ginestet C.
(dir.), La spécialisation des juges, 2012, LGDJ, p. 107-113. ; Adde Cadiet L. et Jeuland E., Droit judiciaire privé, 10e éd., 2017, LexisNexis.
3 – V. Klès V. et Y. Détraigne Y., Pour une réforme pragmatique de la justice de première instance, rapp. d'information n° 54, déposé au Sénat
le 9 oct. 2013.
4 – V. Marshall D. (dir.), Les juridictions du XXIe siècle : une institution qui, en améliorant qualité et proximité, s’adapte à l’attente des
citoyens et aux métiers de la justice, 2013, Ministère de la Justice.
5 – Louvel B., « Pour l’unité de tribunal », 31 oct. 2017, v.
https://www.courdecassation.fr/publications_26/prises_parole_2039/tribunes_8215/bertrand_louvel_37963.html.
6 – Qui figure au sein du chapitre I intitulé « Améliorer l’efficacité en première instance » du titre VI « Renforcer l’organisation des juridictions
» de la loi.
7 – Interview de Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice, avec LCI le 21 nov. 2018, sur la contestation concernant le
prix des carburants et sur la réforme de la Justice.
8 –
V. Amrani Mekki S., « Le tribunal d’instance est mort, vive le juge d’instance ! », Gaz. Pal. 27 nov. 2018, n° 337y3, p. 44.
9 – COJ, livre II, titre I.
10 – De même que les innombrables dispositions du Code de l’organisation judiciaire qui mentionnent le tribunal d’instance ou de grande
instance.
11 – Comme jusqu’à présent, par exemple pour les litiges qui relèvent de la compétence d’attribution du tribunal de commerce (C. com., art.
L. 721-3 et s.) ou du conseil de prud’hommes (C. trav., art. L. 1411-1 et s.)
12 – Comp. Cadiet L., « Réforme de la justice. Tribunal d’instance, juge d’instance, même combat ? », Procédures 2018, repère 9.
13 – Qui fera l’objet d’une nouvelle sous-section 3 bis du chapitre III du titre I du livre II du Code de l’organisation judiciaire.
14 – COJ, art. L. 213-1 à COJ, art. L. 213-8.
15 – COJ, art. L. 213-1 à COJ, art. L. 213-2.
16 – COJ, art. L. 213-3 à COJ, art. L. 213-4.
17 – COJ, art. L. 213-5 à COJ, art. L. 213-7.
18 – COJ, art. L. 213-8.
19 – V. Session ordinaire de 2018-2019, Assemblée nationale, compte-rendu intégral, 2e séance du 5 déc. 2018 : JOAN, 6 déc. 2018, p. 13276.
20 – COJ, art. L.211-4-1.
21 – V. Amrani S., « Le tribunal d’instance est mort, vive le juge d’instance ! », Gaz. Pal. 27 nov. 2018, n° 337y3, p. 44.
22 – Barincou P. et Pecqueur E., « Le successeur du juge d’instance », Gaz. Pal. 27 nov. 2018, n° 337x4, p. 46.
23 – Peu important, à cet égard, qu’il s’agisse du juge de l’exécution ou du juge d’instance.
24 – Brenner C., Procédures civiles d’exécution, 2017, Dalloz, p. 13, n° 20 : « L’exécution ne doit pas dégénérer en oppression : summum
jus, summa injuria ! Or, par faiblesse ou détresse, le débiteur pourrait renoncer aux garanties que lui offre la loi. Les voies d’exécution sont
donc traditionnellement d’ordre public en ce sens que les intéressés ne peuvent aménager à leur convenance l’exécution forcée ».
25 – Pour un accord portant sur une somme à échéance périodique à reverser au créancier d’un montant supérieur à la quotité saisissable,
l’origine des fonds qui l’excèdent devra être clairement identifiée comme ne provenant pas des salaires.
26 – Donc unique sur l’ensemble du territoire.
27 – Règl. (CE) n° 1896/2006, du PE et du Cons., 12 déc. 2006.
28 – COJ, art. L. 212-5-2.
29 – V. infra.
30 – À cet égard, le nouvel article L. 211-9-3 aurait dû être numéroté L. 211-10, quitte à ce que cette dernière disposition devienne à tour
l’article L. 211-10-1.
31 – À titre expérimental, un dispositif identique est prévu uniquement en matière civile pour les cours d’appel dont le ressort est situé dans
une même région, pour « améliorer la cohérence du service public de la justice au niveau des cours d’appel ».
32 – Cons. const., 21 mars 2019, n° 2019-778 DC, relative à la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, p. 84.
33 – COJ, art. L. 211-9-3.
15
34 – D. n° 2016-514, 26 avr. 2016, relatif à l’organisation judiciaire, aux modes alternatifs de résolution des litiges et à la déontologie des
juges consulaires.
35 – COJ, art. R. 212-64 (TGI) et COJ, art. R. 312-85 (cour d’appel). Et expérimentée par la Direction des services judiciaires depuis janv.
2015 dans 3 cours d’appel et 17 tribunaux de grande instance.
36 – V. Session ordinaire 2018-2019, Assemblée nationale, compte-rendu intégral, 2e séance du 5 déc. 2018 : JOAN, 6 déc. 2018, p. 13266.
37 – COJ, art. R. 212-64, al. 4.
38 – Sans préjudice des dispositions particulières applicables à la saisie des immeubles, navires, aéronefs et bateaux de navigation intérieure
d’un tonnage égal ou supérieur à 20 tonnes.
39 – Delmas-Goyon P. (dir.), « Le juge du 21e siècle ». Un citoyen acteur, une équipe de justice, 2013, Ministère de la Justice.
40 – Pour lequel les parties sont assistées par leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ou par un
membre ou un salarié d’une organisation professionnelle agricole.
41 – En ce sens égal., v. Barincou P. et Pecqueur E., « Le successeur du juge d’instance », Gaz. Pal. 27 nov. 2018, n° 337x4, p. 46.
42 – Défenseur des droits, rapp. Dématérialisation et inégalités d’accès aux services publics, 2019.
43 – La même remarque doit être faite sur la rédaction du nouvel article L. 212-5-2 du COJ.
44 – Bléry C., « Le projet de loi de programmation prévoit un règlement des litiges sans audience », Dalloz actualité, 27 mars 2018.
16
Séance 3. Les principes directeurs du procès
I. DOCUMENTS À LIRE (VOIR CI-DESSOUS)
Document 1. Ch. mixte, 3 févr. 2006, n° 04-30.592
Document 2. Civ. 2e, 11 janv. 2006, n° 04-14.305
Document 3. Cass. ass. plén., 21 déc. 2007, n° 06-11.343
II. EXERCICES
A. Définitions
Apprendre les définitions des termes suivants :
-délai de comparution : apprendre la définition « comparution (procédure civile ) » du lexique
des termes juridiques de S. Guichard et Th. Debard, accessible sur dalloz bibliothèque.
-moyen : « raisonnement tendant à faire reconnaître le bien-fondé de la prétention de son
auteur »1.
B. Dissertation
Sujet : Les règles de procédure assurant le respect du principe du contradictoire
L’objet de cet exercice est de voir quelles sont les règles assurant le respect du principe du
contradictoire devant les tribunaux. Il faudra aborder les règles générales mais aussi celles
propres aux procédures avec mise en état. Il est donc nécessaire de lire dans un ouvrage la partie
correspondant à la procédure devant le TGI. Voici quelques exemples d’éléments devant figurer
dans la dissertation (cette liste n’est donc absolument pas exhaustive !) : délais de comparution ;
clôture de l’instruction ; moyen relevé d’office après la clôture des débats.
***
Document 1. Ch. mixte, 3 févr. 2006, n° 04-30592
Sur le premier moyen du pourvoi principal formé par la société Exacod :
1 J. HÉRON et T. LE BARS, Droit judiciaire privé, 6e éd, LGDJ, 2015 n° 276, p. 224.
17
Attendu que la société Exacod fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 9 juin 2004) d'avoir écarté des
débats les pièces communiquées par elle sous les numéros 30 et 31, alors, selon le moyen :
1 / qu'en écartant des débats, en raison de sa communication tardive à la société L'Inventoriste,
trois jours avant l'ordonnance de clôture, la disquette contenant le répertoire du logiciel saisi
lors de la saisie-contrefaçon opérée à l'initiative de la société L'Inventoriste, disquette dont la
production constituait le fondement de l'action en contrefaçon exercée par la société
L'Inventoriste dont les droits de la défense n'avaient pu être méconnus, la cour d'appel a violé
les articles 15, 16 et 783 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / qu'en écartant des débats l'autre pièce communiquée par la société Exacod trois jours avant
l'ordonnance de clôture sans caractériser les circonstances particulières qui auraient empêché le
respect du principe de la contradiction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au
regard des mêmes textes ;
Mais attendu qu'il résulte des constatations souveraines de l'arrêt que les pièces n'avaient pas
été communiquées en temps utile au sens des articles 15 et 135 du nouveau Code de procédure
civile ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois principal et incident,
qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ; Condamne la société Exacod et M. X... aux dépens ;
Document 2. Civ. 2e, 11 janv. 2006, n° 04-14305
Sur le second moyen :
Vu les articles 15, 16 et 135 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que le juge ne peut écarter des débats des conclusions et pièces communiquées par les
parties sans préciser les circonstances particulières qui ont empêché de respecter le principe de
la contradiction ou caractériser un comportement de leur part contraire à la loyauté des débats;
Attendu que le véhicule appartenant à Mme X... ayant été endommagé alors qu'il se trouvait en
stationnement, celle-ci a été indemnisée par son assureur, la société Matmut, laquelle a assigné
en remboursement devant un tribunal d'instance M. Y... qu'elle estimait être l'auteur des
dommages ;
Attendu que, pour écarter des débats les pièces et conclusions déposées par M. Y..., le jugement
se borne à relever que, l'audience ayant été fixée au 11 septembre 2003, le défendeur a attendu
le 28 août 2003 pour communiquer à son adversaire ses prétentions et pièces alors qu'il s'était
engagé à le faire en temps utile ;
18
Qu'en statuant ainsi, sans préciser les circonstances particulières qui avaient empêché le respect
du principe de la contradiction, le tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 2 octobre 2003, entre
les parties, par le tribunal d'instance de Cannes ; remet, en conséquence, la cause et les parties
dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant
le tribunal d'instance d'Antibes ;
Document 3. Cass. ass. plén., 21 déc. 2007, n° 06-11.343
Sur le premier moyen pris en sa première branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 17 mars 2005), qu'ayant acquis, le 22 février 2003, un
véhicule d'occasion vendu par la société Carteret automobiles avec une garantie
conventionnelle de trois mois, M. X... a assigné son vendeur, le 20 août 2003, en réclamant le
coût d'une remise en état du véhicule, la réduction du prix de vente, et des dommages-intérêts ;
que, débouté de ses demandes, il s'est prévalu devant la cour d'appel de l'application de la
garantie contractuelle et de l'existence d'un vice caché ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en réduction du prix de
vente du véhicule, alors, selon le moyen, que le juge doit donner ou restituer leur exacte
qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en
auraient proposée ; qu'en la présente espèce, où M. X... fondait sa demande en réduction du prix
de vente sur le fait que le véhicule était censé être en parfait état lors de la vente puisque le
contrôle technique ne faisait apparaître aucun défaut, le prix fixé étant en outre nettement
supérieur à la cote Argus, ce qui impliquait un véhicule en excellent état, de sorte qu'il pouvait
s'attendre à rouler sans aucune difficulté pendant un certain temps, ce qui n'avait pas été le cas,
des travaux ayant été nécessaires dans le cadre de la garantie contractuelle de trois mois, la cour
d'appel se devait de rechercher si son action n'était pas plutôt fondée sur le manquement du
vendeur à son obligation de délivrance d'un véhicule d'occasion en excellent état général plutôt
que sur la garantie des vices cachés de l'article 1641 du code civil ; qu'en le déboutant de sa
demande en réduction du prix au motif que la circonstance que la pompe à eau et le radiateur
aient été changés au titre de la garantie conventionnelle et que les remplacements de joints se
soient avérés nécessaires pendant la même période ne suffisait pas à établir l'existence de vices
cachés antérieurs à la vente, sans rechercher si les doléances de l'acquéreur ne devaient pas
plutôt s'analyser en un défaut de conformité, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa
décision au regard des articles 12 du nouveau code de procédure civile, 1603 et 1604 du code
civil ;
Mais attendu que si, parmi les principes directeurs du procès, l'article 12 du nouveau code de
procédure civile oblige le juge à donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes
19
litigieux invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions, il ne lui fait pas obligation,
sauf règles particulières, de changer la dénomination ou le fondement juridique de leurs
demandes; qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, qu'elle était saisie d'une demande
fondée sur l'existence d'un vice caché dont la preuve n'était pas rapportée, la cour d'appel, qui
n'était pas tenue de rechercher si cette action pouvait être fondée sur un manquement du vendeur
à son obligation de délivrance d'un véhicule conforme aux stipulations contractuelles, a
légalement justifié sa décision de ce chef ;
Et attendu que les autres griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;