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Au lieu de saisir l’occasion de cette réforme de la garde à vue par la loi n° 2011-‐392 du 14 avril 2011 pour introduire des avancées décisives, le législateur a opté dans l’urgence pour une réforme a minima, mal inspirée par ses anciens avant-‐projets de Code de procédure pénale. En effet, le législateur français n’a que partiellement réussi à relever le défi lancé par la Cour européenne des droits de l’homme de l’accroissement du niveau de protection de la personne placée en garde à vue grâce au renforcement du rôle de l’avocat et à la reconnaissance du droit de ne pas s’auto-‐incriminer. Pire, le législateur français fait preuve d’une certaine défiance envers l’avocat tout en consolidant les prérogatives du procureur de la République.
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Analyse de la réforme de la garde à vue du 14 avril 2011 Publié le : 18 avril 2011 Adresse de l’article original : http://www.village-‐justice.com/articles/analyse-‐reforme-‐garde-‐avril,10049.html Au lieu de saisir l’occasion de cette réforme de la garde à vue par la loi n° 2011-‐392 du 14 avril 2011 pour introduire des avancées décisives, le législateur a opté dans l’urgence pour une réforme a minima, mal inspirée par ses anciens avant-‐projets de Code de procédure pénale. En effet, le législateur français n’a que partiellement réussi à relever le défi lancé par la Cour européenne des droits de l’homme de l’accroissement du niveau de protection de la personne placée en garde à vue grâce au renforcement du rôle de l’avocat et à la reconnaissance du droit de ne pas s’auto-‐incriminer. Pire, le législateur français fait preuve d’une certaine défiance envers l’avocat tout en consolidant les prérogatives du procureur de la République. Il faut signaler que l’arrêt de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 15 avril 2011 entraîne une application immédiate de cette loi. C’est un constat : la procédure pénale française n’en fini plus de changer. Cette fois, la loi n° 2011-‐392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue doit rendre cette mesure conforme aux exigences européenne et constitutionnelle parce qu’elle n’assurait pas une conciliation équilibrée et conforme à l’État de droit entre la nécessaire efficacité de l’action répressive et la non moins nécessaire protection des droits de la défense. Atteinte à la liberté d’aller et venir, la garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, par laquelle une personne soupçonnée de son implication dans la commission ou la tentative de commission d’un crime ou d’un délit puni d’une peine d’emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs. La garde à vue vise la manifestation de la vérité : d’une part, en permettant de surveiller un individu dont on craint qu’il ne tente d’échapper à la justice, qu’il ne fasse disparaître des preuves ou qu’il ne suborne des témoins ; et d’autre part, en permettant aux enquêteurs de recueillir les aveux de l’individu, preuve souvent décisive dans le succès de l’action publique [1] . D’un point de vue historique, la garde à vue était une pratique policière officieuse née des nécessités de l’enquête et donc étrangère aux exigences du processualisme. La garde à vue ne fut légalisée qu’en 1958 avec l’édiction du Code de procédure pénale. Depuis cette date, la puissance coercitive policière s’est amenuisée progressivement au fur et à
mesure de la reconnaissance des droits de la défense accordés au suspect, principalement avec les lois des 4 janvier et 24 août 1993 [2] ainsi que celle du 15 juin 2000 [3]. Il faut préciser que le nombre de gardes à vue est passé de 276 000 en 1994 à 800 000 en 2009, soit une inflation de 290 % en l’espace de quinze ans. Mais la systématisation du recours au placement en garde à vue lors de l’enquête n’est pas la cause principale de la réforme ; en effet, jusqu’ici, en Europe occidentale, la France faisait quasiment figure d’exception en refusant à la personne gardée à vue le droit à l’assistance effective de l’avocat lors des interrogatoires et en ne garantissant pas de manière satisfaisante le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination [4]. La réforme devait y remédier. Malheureusement, elle ne tient pas compte de toutes les exigences posées par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (la « Convention ») telle qu’interprétée par la Cour européenne des droits de l’homme (la « CEDH ») [5]. Les présents développements proposent donc de s’intéresser au régime de la nouvelle garde à vue. Dans la mesure où les dispositions du Code de procédure pénale relatives à la garde à vue furent jugées illégales par les plus hautes juridictions, une réforme fut entreprise par le législateur dans l’urgence (I), laquelle a abouti au droit désormais applicable (II). I. LA GENÈSE DE LA REFORME Depuis longtemps, les avocats ont alerté le législateur sur l’impérieuse nécessité de renforcer leur rôle lors de la garde à vue. Le Bâtonnier Charrière-‐Bournazel rappelait ainsi que 97 % des affaires correctionnelles à Paris sont transmises au tribunal sans que la défense ait pu prendre part à l’enquête. Elle n’apparaissait qu’à l’audience où ne peut s’établir aucun véritable débat contradictoire, faute de temps pour recueillir des témoignages ou faire s’exprimer des experts que ni le Parquet ni les enquêteurs ne jugeaient nécessaire de solliciter, leur seule ambition étant de poursuivre et de voir condamner le suspect [6]. De plus, certains membres du Comité de réflexion sur la justice pénale, dit Comité Léger, ont pu affirmer la nécessité de la présence de l’avocat dès la première heure de garde à vue et lors de tous les interrogatoires sans que cette proposition ne soit finalement retenue [7]. Les juridictions du fond, à l’invitation des avocats, ont rendu plusieurs décisions au visa de l’article 6 de la Convention jugeant de la violation des droits de la défense concernant l’intervention de l’avocat au stade de la garde à vue et le problème du droit au silence [8]. Les plus hautes juridictions ont eu à connaître de la question : la Cour européenne des droits de l’homme d’abord, le Conseil constitutionnel ensuite et la Cour de cassation enfin ont jugé que la garde à vue française était illégale [9]. A. La jurisprudence de la CEDH C’est la CEDH qui, la première, a fulminé la garde à vue française pour violation des droits de la défense lesquels se déclinent en deux aspects : le droit à l’avocat et le droit au silence, le premier permettant de garantir le second. En effet, il revient traditionnellement à l’avocat dès qu’il peut s’entretenir avec son client de l’informer qu’il a le droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination.
D’une part, l’article 14, §3, g, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ratifié par la France et d’application directe en droit interne stipule que « Toute personne accusée d’une infraction pénale a droit, en pleine égalité, (...) à ne pas être forcée de témoigner contre elle-‐même ou de s’avouer coupable. » D’autre part, la Cour européenne des droits de l’homme a développé, par une interprétation extensive de l’article 6 de la Convention et de la notion du droit à un « procès équitable », des garanties qui s’inspirent de l’article 14 du Pacte de New York. C’est le cas du droit de toute personne de ne pas être forcée de témoigner contre soi-‐même ou de s’avouer coupable. L’arrêt Funke c/ France du 25 février 1993 a énoncé que « les particularités du droit douanier ne sauraient justifier une telle atteinte au droit, pour tout ‘accusé’ au sens autonome que l’article 6 attribue à ce terme, de se taire et de ne point contribuer à sa propre incrimination » [10]. Au demeurant, l’arrêt Murray c/ Royaume-‐Uni du 8 février 1996 a confirmé cette jurisprudence qui a ensuite prospéré : « le droit de se taire lors d’un interrogatoire de police et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination sont des normes internationales généralement reconnues qui sont au cœur de la notion de procès équitable consacrée par l’article 6. En mettant le prévenu à l’abri d’une coercition abusive de la part des autorités, ces immunités concourent à éviter des erreurs judiciaires et à garantir le résultat voulu par l’article 6 » [11]. Concernant le droit à l’avocat au stade de la garde à vue, si l’arrêt de la CEDH Imbrioscia c/ Suisse a posé que les garanties du procès équitable jouent y compris lors de l’enquête [12], le droit à l’avocat en garde à vue a été dégagé avec l’arrêt Murray c/ Royaume-‐Uni et confirmé dans les arrêts Magee c/ Royaume-‐Uni et Averill c/ Royaume-‐Uni. Dans l’arrêt Murray, parfois considéré ambigu par la doctrine, la Cour européenne a jugé qu’il y avait violation de l’article 6, §3, de la Convention au motif que la police avait refusé au gardé à vue l’accès à un avocat pendant une durée de 48 heures dans des conditions jugées psychologiquement coercitives dans le cadre d’une affaire de terrorisme : « la notion d’équité consacrée par l’article 6 exige que l’accusé ait le bénéfice de l’assistance d’un avocat dès les premiers stades de l’interrogatoire de police. Dénier cet accès pendant les quarante-‐huit premières heures de celui-‐ci, alors que les droits de la défense peuvent fort bien subir une atteinte irréparable, est -‐ quelle qu’en soit la justification -‐ incompatible avec les droits que l’article 6 reconnaît à l’accusé. » (Cf. §66 de l’arrêt). Dans l’arrêt Magee, la Cour estimait que le droit à un procès équitable implique l’accès à un avocat dès le début de l’interrogatoire qui agit comme un contrepoids à l’atmosphère intimidante spécifiquement entretenue par la police afin de saper la volonté du gardé à vue et le faire avouer (Cf. §43 de l’arrêt). Dans l’arrêt Averill, le juge européen a estimé que l’on doit toujours considérer le refus d’accéder à un avocat pendant les 24 premières heures de la mesure de garde à vue comme une violation de l’article 6 de la Convention (Cf. §60 de l’arrêt). Signalons également l’existence d’un Livre Vert édité par la Commission Européenne en 2003 intitulé « Garanties procédurales accordées aux suspects et aux personnes mises en cause dans des procédures pénales dans l’Union européenne » encourageant les Etats membres de l’Union à satisfaire à la jurisprudence de la CEDH : « Le droit à la représentation en justice naît dès l’instant où une personne est mise en état d’arrestation (que ce soit dans un commissariat ou un autre lieu), même s’il faut, naturellement, laisser à
l’avocat le temps d’arriver (…). Tout suspect a le droit de se faire assister d’un avocat pendant tout le déroulement des interrogatoires » [13]. Mais ça n’est que récemment que le sujet s’est imposé en France avec une intensité renouvelée compte tenu de l’augmentation significative du nombre de gardes à vue et de la dégradation de leurs conditions. En effet, l’épée de Damoclès des arrêts Salduz et Dayanan rendus contre la Turquie allait finalement s’abattre contre la France dans l’arrêt Brusco en octobre 2010. L’arrêt Salduz a rappelé qu’un tribunal viole l’article 6 de la Convention s’il fonde sa condamnation sur les déclarations auto-‐incriminantes faites en garde à vue sans l’assistance d’un avocat sous la pression des enquêteurs [14]. Solution héritière de l’arrêt Poitrimol c/ France de 1993 qui reconnaissait, de manière plus générale, sur le fondement de l’article 6 de la Convention européenne et donc du droit au procès équitable, le droit de tout accusé à être effectivement défendu par un avocat [15]. L’arrêt Dayanan a explicité la portée de l’arrêt Salduz en posant que « l’absence d’avocat lors de la garde à vue viole le droit de tout accusé à être défendu par un avocat » [16]. En effet, la Cour estimait que « l’équité de la procédure requiert que l’accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d’interventions qui sont propres aux conseils. A cet égard, la discussion de l’affaire, l’organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l’accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l’accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention sont des éléments fondamentaux de la défense que l’avocat doit librement exercer. » Jurisprudence confirmée dans un autre arrêt de la CEDH en date du 2 mars 2010 [17]. Moins médiatiques mais néanmoins significatifs ont été les arrêts Pishchalnikov c/ Russie [18] et Kolesnik c/ Ukraine [19] qui ont respectivement énoncé d’une part que l’absence d’avocat « aux premiers stades de son interrogatoire par la police a irréversiblement porté atteinte aux droits de la défense et amoindri les chances d’être jugé équitablement » et d’autre part que la prise en considération à titre principal, pour prononcer la condamnation du suspect, d’un aveu passé au cours de l’interrogatoire initial pratiqué hors la présence de l’avocat constitue une violation de l’article 6 de la Convention. Il est intéressant de rappeler que, du côté du gouvernement français, c’était non sans une certaine mauvaise foi que la Chancellerie publiait une note le 17 novembre 2009 destinée aux « parquetiers » qui estimait, à l’aune de la jurisprudence la plus récente rendue par la CEDH, que l’absence de l’avocat lors des interrogatoires n’entrainait pas la nullité de la garde à vue ou celle des procédures subséquentes [20]. En outre, cette note défendait l’idée fallacieuse que les arrêts Salduz et Dayanan ne concernaient pas la France [21]. Le juge Jean-‐Paul Costa de la Cour de Strasbourg, à sa lecture, avait mis en garde la France de « cesser de jouer à cache-‐cache avec la Convention » [22]. Il semble pourtant que le mal soit profond au sein des autorités françaises puisque le président de l’Assemblée nationale a récemment critiqué publiquement l’impact des décisions de la CEDH en considérant que les grands débats de société ne sauraient être tranchés par un juge mais par le seul Parlement [23] : propos qui démontrent une certaine ignorance de la définition même de l’Etat de droit théorisé par Hans Kelsen
selon qui il s’agit d’un « État dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s’en trouve limitée » [24]. Bien plus, l’épouvantail du gouvernement des juges est un mauvais argument puisque ce n’est pas un juge qui engage la France mais un instrument conventionnel obligatoire. En effet, la Convention européenne traduit la volonté des États de s’engager de façon explicite dans le domaine des droits de l’homme et repose sur le consentement définitif de l’Etat, exprimé par la ratification, à être lié par elle [25]. Pour l’anecdote, il faut rappeler que l’institution de la garde à vue était apparue à l’époque comme un obstacle à la ratification de la Convention, ce qui explique en partie qu’elle ne fut signée tardivement qu’en 1974 [26]. Il faut aussi rappeler que la France, par des réserves, a décidé d’écarter les articles 5 et 6 de la Convention au profit des dispositions nationales relatives au régime disciplinaire dans les forces armées [27]. Clairement, les droits de la défense conventionnellement protégés semblent gêner les autorités françaises depuis toujours. Finalement, l’arrêt Brusco c/ France a eu le mérite de mettre l’Hexagone au pied du mur. En effet, la France fut condamnée pour violation de l’article 6 de la Convention lequel exige que l’avocat soit mis en mesure d’informer son client de son droit de garder le silence et de ne pas s’auto-‐incriminer avant son premier interrogatoire et qu’il l’assiste lors de toutes dépositions [28]. B. La jurisprudence du Conseil constitutionnel C’est ensuite le Conseil constitutionnel qui, à l’occasion de sa décision n° 2010-‐14/22 QPC du 30 juillet 2010, a considéré que plusieurs dispositions du Code de procédure pénale étaient contraires à la Constitution [29]. Au soutien de sa décision, le Conseil a estimé d’une part, qu’ « en vertu des articles 63 et 77 du code de procédure pénale, toute personne suspectée d’avoir commis une infraction peut être placée en garde à vue par un officier de police judiciaire pendant une durée de vingt-‐quatre heures quelle que soit la gravité des faits qui motivent une telle mesure ; que toute garde à vue peut faire l’objet d’une prolongation de vingt-‐quatre heures sans que cette faculté soit réservée à des infractions présentant une certaine gravité » (considérant 27) ; et d’autre part, « que les dispositions combinées des articles 62 et 63 du même code autorisent l’interrogatoire d’une personne gardée à vue ; que son article 63-‐4 ne permet pas à la personne ainsi interrogée, alors qu’elle est retenue contre sa volonté, de bénéficier de l’assistance effective d’un avocat ; qu’une telle restriction aux droits de la défense est imposée de façon générale, sans considération des circonstances particulières susceptibles de la justifier, pour rassembler ou conserver les preuves ou assurer la protection des personnes ; qu’au demeurant, la personne gardée à vue ne reçoit pas la notification de son droit de garder le silence » (considérant 28). Ce dont il résultait que « dans ces conditions, les articles 62, 63, 63-‐1, 63-‐4, alinéas 1er à 6, et 77 du Code de procédure pénale n’instituent pas les garanties appropriées à l’utilisation qui est faite de la garde à vue ; (...) qu’ainsi, la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions et, d’autre part, l’exercice des libertés constitutionnellement garanties ne peut plus être regardée comme équilibrée ; que, par suite, ces dispositions méconnaissent les articles 9 et 16 de la Déclaration de 1789 et doivent être déclarées contraires à la Constitution. » (considérant 29).
En outre, le Conseil constitutionnel a décidé de reporter au 1er juillet 2011 la date de l’abrogation effective, sanction de l’inconstitutionnalité des dispositions litigieuses conformément à l’article 62 de la Constitution ; les gardes à vue exécutées avant cette date ne pouvant être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité [30]. C. La jurisprudence de la Cour de cassation La Chambre criminelle de la Cour de cassation a, par trois arrêts du 19 octobre 2010 décidé que l’absence d’un avocat à l’occasion d’une mesure de garde à vue était contraire à l’article 6, §3, de la Convention [31]. En effet, la personne placée en garde à vue doit être informée de son droit à garder le silence et doit bénéficier de l’assistance d’un avocat dans des conditions lui permettant d’organiser sa défense et de préparer avec lui ses interrogatoires, auxquels l’avocat doit pouvoir prendre part. Par ailleurs, dans son rapport annuel pour l’année 2010, la Cour de cassation a rappelé laconiquement que l’application des règles en matière de garde à vue requiert que le législateur prenne des dispositions permettant la mise en œuvre des principes issus du droit conventionnel européen. Chacun des trois arrêts susmentionnés a énoncé que compte tenu du principe de sécurité juridique et de bonne administration de la justice, les arrêts de la Cour de cassation ne prendront effet que lors de l’entrée en vigueur de la loi devant, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, modifier le régime juridique de la garde à vue, ou, au plus tard, le 1er juillet 2011. Ce qui a pu laisser une certaine partie de la doctrine perplexe, l’inconventionnalité étant avérée en tout état de cause. Mais comme l’a remarqué un auteur, « l’effet rétroactif de la déclaration de non-‐conformité à la Convention européenne des droits de l’homme aurait nécessairement compromis un nombre considérable de procédures en cours, alors que les gardes à vue avaient été ordonnées et exécutées conformément aux textes législatifs alors en vigueur » [32]. Dans le même sens, un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 4 janvier 2011 énonce qu’en l’absence d’assistance effective d’un avocat, les éléments recueillis au cours de la garde à vue – s’ils ne peuvent être annulés avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi ou, par défaut, avant le 1er juillet 2011 – ne sauraient néanmoins constituer des éléments de preuve fondant la décision de culpabilité du prévenu [33]. C’était sans compter sur l’arrêt de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 15 avril 2011 qui exige, sous peine de nullité, que le droit au silence et le droit à l’assistance effective de l’avocat qui participent de l’article 6 de la Convention soient respectés sans attendre l’entrée en vigueur de la loi nouvelle. Dès lors, la loi du 14 avril 2011 doit être appliquée peu important que son article 26 prévoit son entrée en vigueur le 1er juin 2011. En effet, la Chancellerie a d’ores et déjà annoncé une entrée en vigueur anticipée du texte par voie de circulaire bien que la légalité de cette façon de procéder puisse paraître suspecte. Ce ne sont pourtant pas les juridictions nationales qui ont été décisives dans la nécessité d’une réforme de la garde à vue. Ainsi que le Professeur Didier Rebut a eu l’occasion de le rappeler lors de son audition devant la Commission des lois de l’Assemblée nationale :
« ni la Cour de cassation ni le Conseil constitutionnel n’ont joué un rôle moteur dans l’évolution de la jurisprudence relative à la garde à vue. Ces deux juridictions n’ont agi que sous la pression de la Cour européenne des droits de l’Homme. C’est vrai du Conseil constitutionnel, dont la décision ne peut être comprise qu’à la lumière de la jurisprudence européenne. C’est également vrai de la Cour de cassation qui, en matière de défense des droits de la personne gardée à vue, s’est contentée d’enregistrer les décisions de la Cour européenne et du Conseil constitutionnel, ce qui, évidemment, est très décevant de sa part. Elle n’a avancé sur la question que parce qu’elle n’avait plus le choix. » Il est vrai que la Cour de Strasbourg est le « chien de garde des droits de l’homme en Europe et parmi eux des droits de la défense » selon la formule du juge Jean-‐Paul Costa [34]. Quoi qu’il en soit, l’illégalité des règles encadrant la garde à vue de droit ayant été dénoncée par les plus importantes juridictions, une réforme ponctuelle et urgente était imposée sans attendre celle de l’ensemble du Code de procédure pénale voulue par le président de la République dans son discours du 7 janvier 2009. II. LES INNOVATIONS DE LA REFORME Les lignes ci-‐dessous traitent des différentes innovations apportées par la réforme de la garde à vue dont on doit surtout retenir le nouvel équilibre qui procède d’un renforcement a minima des droits de la défense et d’un renforcement a maxima des pouvoirs du parquet. A. Le périmètre de la garde à vue 1. Définitions et conditions de la garde à vue Le nouvel article 62-‐2 du Code de procédure pénale donne enfin une définition de la garde à vue : « La garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, par laquelle une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs. Cette mesure doit constituer l’unique moyen de parvenir à l’un au moins des objectifs suivants : 1° Permettre l’exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ; 2° Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l’enquête ; 3° Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;
4° Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches ; 5° Empêcher que la personne ne se concerte avec d’autres personnes susceptibles d’être ses coauteurs ou complices ; 6° Garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit. » Il faut noter qu’en raison de leur caractère subjectif, les critères énoncés par la loi sont à géométrie variable et donnent par conséquent aux officiers de police judiciaire un pouvoir d’appréciation quasi-‐discrétionnaire pour décider d’un placement en garde à vue. Bien que la définition ait été conçue dans l’idée de fixer des conditions pour recourir au placement en garde à vue, rien ne devrait finalement changer dans les faits par rapport à la pratique policière antérieure à la réforme. 2. L’audition libre n’a pas été retenue par le législateur La question de l’introduction dans le Code de procédure pénale d’une alternative à la mesure de la garde à vue avait été posée dans le projet de loi initial. En substance, le législateur prévoyait, non sans paradoxe, que « la personne à l’encontre de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction, présumée innocente, demeure libre lors de son audition par les enquêteurs ». Ainsi, en dehors des cas où la personne suspectée faisait l’objet d’un mandat de recherche ou était conduite par la force publique dans les locaux des services de police judiciaire, la nécessité de l’entendre sur les faits n’imposait pas son placement en garde à vue dès lors qu’elle consentait à être entendue librement. Ce consentement exprès devant alors être recueilli par un officier ou un agent de police judiciaire et être renouvelé à chaque nouvelle audition [35]. Voulue par la police, l’audition libre aurait été un moyen de faire échapper à la rigidité du régime de la garde à vue les suspects impliqués dans les « petits délits » (vol à l’étalage, infractions routières simples, usage de stupéfiants, petit recel). L’idée était d’accroître l’efficacité de la procédure pénale dans plusieurs centaines de milliers d’enquêtes chaque année tout en faisant baisser le nombre de gardes à vue pratiquées, ce qui était un des objectifs du législateur selon les travaux préparatoires [36]. La Commission des lois de l’Assemblée nationale a pourtant décidé de supprimer cette disposition du projet de loi. Le problème essentiel de cette mesure était l’incompatibilité de ce dispositif avec la Convention. Comme l’expliquait le Professeur Frédéric Sudre lors des auditions effectuées par cette Commission, l’audition libre n’était pas compatible avec les garanties posées par l’article 6 de la Convention tel qu’interprété par la CEDH. En effet, pour la jurisprudence européenne, toute mise en accusation en matière pénale entraîne l’application des garanties du procès équitable. La notion d’accusation au sens de la Cour européenne étant spécifique : selon elle, toute personne soupçonnée d’une infraction, à partir du moment où ce soupçon peut avoir des répercussions importantes sur sa liberté, doit être considérée comme accusée [37]. Or, la personne soupçonnée entre toujours dans le champ de la protection de l’article 6 de la Convention : par conséquent, l’audition libre qui empêchait l’application de cette protection était « assez radicalement contraire au droit européen ».
Il faut signaler que l’article 73, alinéa 2, du Code de procédure pénale dispose désormais que, dans l’hypothèse où une personne se retrouve dans un local de police sans que les forces de l’ordre l’aient placée en garde à vue, il doit lui être indiqué qu’elle peut quitter les lieux librement à tout moment. Pourtant, d’aucuns ont pu émettre des doutes sur l’absence d’alternative à la garde à vue dans l’hypothèse où des enquêteurs souhaiteraient s’entretenir avec une personne suspecte qui ne serait pas placée en garde à vue. En d’autres termes, il serait possible d’interroger des suspects en dehors de toute réglementation, dans le silence de la loi… Il semble en effet que rien ne l’empêche. Cette « zone grise » permettrait aux enquêteurs de priver la personne entendue de ses droits à l’avocat et au silence tout en obtenant de précieux renseignements voire des aveux. Il faut rappeler que l’histoire de la procédure pénale démontre que les pratiques policières officieuses sont monnaie courante comme en témoigne, par exemple, la genèse de la garde à vue. B. Le renforcement a minima des droits de la défense 1. Le droit à l’information du gardé à vue En droit américain, depuis l’arrêt de la Cour Suprême des Etats-‐Unis du 13 juin 1966, Miranda c/ Arizona, toute personne interpellée doit, préalablement à son interrogatoire, être clairement informée par la police qu’elle a le droit de garder le silence et que tout ce qu’elle dira sera utilisé contre elle devant les tribunaux ; elle doit être clairement informée qu’elle a le droit de consulter un avocat et qu’elle peut bénéficier de la présence de l’avocat avec elle durant l’interrogatoire, et que, si elle n’en a pas les moyens, un avocat lui sera désigné d’office. Tel est l’objet du nouvel article 63-‐1 du Code de procédure pénale qui s’inspire de cette célèbre liste de droits. Désormais, dès son placement en garde à vue, la personne interpellée est immédiatement informée par l’officier de police judiciaire, sous peine de nullité bien que le texte ne le précise pas [38] : 1° De son placement en garde à vue, de sa durée et des prolongations possibles ; 2° De la nature et de la date présumée de l’infraction dont elle est soupçonnée ; 3° Du fait qu’elle bénéficie de plusieurs droits : de prévenir à la fois un proche et son employeur, d’être examinée par un médecin, d’être assistée par un avocat, du droit de garder le silence une fois son identité déclinée. Il est intéressant de constater que l’officier de police judiciaire a pour obligation d’informer la personne faisant l’objet de la garde à vue de son droit de se taire après avoir décliné son identité [39]. Les travaux préparatoires précisent que le périmètre des informations relatives à l’identité du gardé à vue qui doivent être divulguées aux enquêteurs comprend : son nom, son prénom, sa date de naissance, son lieu de naissance, son domicile et, le cas échéant, sa résidence. Tous les droits précités doivent être portés à la connaissance de la personne gardée à vue dans une langue qu’elle comprend au moyen d’un interprète après remise d’un
formulaire rédigé dans sa langue pour son information immédiate [40]. Si la personne placée en garde à vue est atteinte de surdité et qu’elle ne sait ni lire, ni écrire, une personne qualifiée doit intervenir pour communiquer avec elle. En outre, tous les moyens techniques possibles doivent être mis en œuvre à cette fin [41]. Par ailleurs, la loi prévoit désormais que les diligences incombant aux enquêteurs relatives aux demandes du gardé à vue quant à l’exercice de ses droits, sauf circonstances insurmontables, doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures à compter du moment où la personne a formulé la demande [42]. 2. Un renforcement en demi-‐teinte du rôle de l’avocat Il ne sera pas fait état ici des modalités de désignation de l’avocat qui ne présentent que peu d’intérêt [43]. Le principal enjeu de la réforme de la garde à vue était sans doute le renforcement des droits de la défense en permettant à l’avocat d’assister son client lors de l’audition ou de la confrontation pendant la garde à vue. Selon les arrêts Dayanan et Adamkiewicz rendus par la CEDH, l’avocat doit pouvoir jouer son rôle (discussion de l’affaire, organisation de la défense, recherche des preuves favorables à l’accusé, préparation des interrogatoires, soutien de l’accusé en détresse et contrôle des conditions de détention), et non pas simplement être présent, dès la première seconde où l’individu est placé en garde à vue et auditionné. Les exigences de la Cour de Strasbourg sont donc très claires quant au rôle de l’avocat lors de l’interrogatoire. Sans doute l’article 63-‐4-‐2, alinéas 1 et 2, du Code de procédure pénale tire-‐t-‐il les enseignements du droit européen en énonçant que : Le principe du droit à l’assistance d’un avocat lors des auditions et confrontations est
désormais inscrit dans la loi. La première audition ne pouvant alors commencer sans lui pendant un « délai de carence » de deux heures : le temps que l’avocat arrive au local de police (alinéa 1er). Si l’avocat se présente après l’expiration du délai prévu au premier alinéa alors qu’une
audition ou une confrontation est en cours, celle-‐ci est interrompue à la demande de la personne gardée à vue afin de lui permettre de s’entretenir avec son avocat et que celui-‐ci prenne connaissance des documents utiles. Si la personne gardée à vue ne demande pas à s’entretenir avec son avocat, celui-‐ci peut assister à l’audition en cours dès son arrivée dans les locaux du service de police judiciaire ou à la confrontation (alinéa 2). La violation de ces règles sera logiquement sanctionnée par la nullité bien que le texte ne le prévoie pas expressément [44]. La loi du 4 janvier 1993 sanctionnait d’une nullité textuelle la violation du droit à l’intervention de l’avocat dans le cadre de la garde à vue mais cette disposition a disparu avec la loi du 24 août 1993. Le législateur a préféré s’abstenir de la ressusciter par crainte de la complexité du régime prétorien des nullités [45]. Toutefois, le législateur français a aménagé un important régime d’exception, véritable nid à contentieux, au droit à l’avocat au cours de la garde à vue avec les alinéas 3 et 4 du texte précité :
• L’alinéa 3 dispose que lorsque les nécessités de l’enquête exigent une audition immédiate de la personne, le procureur de la République peut autoriser, par décision écrite et motivée, sur demande de l’officier de police judiciaire, que l’audition débute sans attendre l’expiration du délai prévu au premier alinéa. Se pose alors la question sur le point de savoir ce que recouvrent les « nécessités de l’enquête »… Ce que ni les travaux préparatoires, ni les débats parlementaires ne permettent d’éclairer.
• L’alinéa 4 dispose que le procureur a le pouvoir d’autoriser l’audition sans que l’avocat soit présent soit pour permettre le bon déroulement d’investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes. Le garde des Sceaux a déjà avancé que le procureur de la République pourra notamment différer l’intervention de l’avocat « pendant une durée maximale de douze heures si des circonstances particulières tenant à la nécessité, en urgence, de rassembler ou conserver les preuves ou de prévenir une atteinte imminente aux personnes le justifient. Il s’agira donc en pratique d’hypothèses exceptionnelles, comme en cas d’arrestation d’une personne qui a enlevé et séquestré un enfant dans un lieu tenu secret et qu’il importe de découvrir au plus vite ».
Les exceptions des alinéas 3 et 4 pourraient avoir un champ d’application assez large en fonction de l’interprétation des critères qui sera retenue et, partant, entrer en contradiction avec l’article 6 de la Convention : la jurisprudence européenne considère que le droit à l’avocat lors de l’interrogatoire doit être en principe observé, « sauf à démontrer, à la lumière des circonstances particulières de l’espèce, qu’il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit » (Cf. § 55 de l’arrêt Salduz). Un praticien partage cette crainte puisque, selon lui, l’exception tendrait en pratique à devenir le principe [46]… Il faut préciser que les décisions prises par le procureur de la République sont des mesures d’administration judiciaire et sont donc insusceptibles de recours. Le parquet ne peut différer la présence de l’avocat que pendant une durée maximale de douze heures. Lorsque la personne est gardée à vue pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans, le juge des libertés et de la détention peut, sur requête du procureur de la République, autoriser à différer la présence de l’avocat, au-‐delà de la douzième heure, jusqu’à la vingt-‐quatrième heure. Les autorisations du procureur de la République et du juge des libertés et de la détention sont écrites et motivées au regard des éléments précis et circonstanciés résultant des faits de l’espèce [47]. Il faut ajouter ici que le procès-‐verbal d’audition a été réformé et comprend désormais les mentions obligatoires suivantes : les motifs justifiant le placement en garde à vue ; la durée des auditions de la personne gardée à vue, du repos dont elle a bénéficié, les heures auxquelles elle a pu s’alimenter, le jour et l’heure du début et de la fin de la garde à vue ; le cas échéant, les auditions de la personne gardée à vue dans une autre procédure pendant la durée de la garde à vue ; les informations données, les demandes formulées et les suites qui leur ont été données ; le recours éventuel à une fouille intégrale ou à des investigations corporelles internes [48]. Deux nouvelles mentions ont donc fait leur apparition et figurent au procès-‐verbal le cas échéant : toutes ces mentions
doivent être spécialement émargées par la personne gardée à vue ; en cas de refus, il en est fait mention. Enfin, deux nouveautés en faveur des droits de la défense doivent également être mentionnées : en premier lieu, le Code de procédure pénale dispose désormais qu’à l’issue de chaque audition ou confrontation l’avocat peut formuler des remarques et poser des questions [49]. Il s’agit là, en quelque sorte, de l’introduction du « cross-‐examination » anglo-‐saxon dans les commissariats ; ce qui permet d’instaurer un débat contradictoire au stade de l’enquête. Toutefois, il ne peut pas demander aux enquêteurs que certains actes d’investigation qui lui paraitraient utiles à la défense de son client soient menés. En second lieu, pendant les auditions ou les confrontations pendant lesquelles il assiste son client, la loi reconnaît à l’avocat le droit de prendre des notes [50]. C’est heureux ! 3. L’introduction du principe de ne pas contribuer à sa propre incrimination dans le Code de procédure pénale L’article préliminaire du Code de procédure pénale est enrichi d’un nouvel alinéa qui dispose désormais qu’ « En matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu’elle a faites sans avoir pu s’entretenir avec un avocat et être assistée par lui. » La rédaction de cette disposition est ambiguë et révèle la volonté du législateur de ne pas respecter fidèlement les prescriptions de la CEDH. Rappelons que l’arrêt Salduz rendu par la Cour de Strasbourg énonçait qu’il « est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque des déclarations incriminantes faites lors d’un interrogatoire de police subi sans assistance possible d’un avocat, sont utilisées pour fonder une condamnation ». Il eut donc fallu écarter totalement l’usage des déclarations obtenues pour ne pas tomber sous le coup de la règle européenne qui devrait continuer à être invoquée devant les tribunaux par la défense. A la lecture des travaux préparatoires, on apprend que l’introduction de cette règle a été conçue par le législateur comme un contrepoids à la possibilité d’interroger le suspect hors la présence de son avocat en cas de raisons impérieuses. Le droit au silence aurait alors une fonction palliatrice à une carence programmée du droit à l’avocat : dans cette hypothèse, le suspect peut fournir des aveux aux enquêteurs sans que ces derniers permettent à eux seuls de fonder une condamnation ultérieure. En revanche, des aveux corroborés par des preuves ou des indices matériels peuvent fonder une condamnation. Techniquement, c’est parce que les conditions de l’entretien et de l’assistance sont cumulatives, ce qui n’était pas le cas dans le projet de loi initial, que les aveux obtenus pendant la garde à vue en l’absence de l’avocat ne peuvent fonder à eux seuls la preuve de la culpabilité de la personne suspectée. Quand bien même on admettrait que cette nouvelle règle est applicable en matière correctionnelle, tel n’est certainement pas le cas en matière criminelle : en effet, il est difficile de croire à un contrôle effectif des fondements de la condamnation criminelle dans la mesure où la motivation des arrêts d’assises n’existe pas en droit interne [51], contrairement au droit européen qui en fait une condition essentielle du droit à un
procès équitable [52] ! Il faut à ce sujet souligner que le Conseil constitutionnel, dans sa décision QPC du 1er avril 2011, a confirmé la solution de la Cour de cassation hostile à la jurisprudence européenne [53]… Solution qui confirme au demeurant l’ahurissante résistance souverainiste d’un ordre interne aux exigences internationales qui ont pourtant incontestablement vocation à s’appliquer en France. Observons que la formulation du nouvel alinéa de l’article préliminaire rejoint celle de la jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation rendue dans de récents arrêts en janvier 2011 selon laquelle de tels aveux, ne pouvant entrainer la nullité de la procédure, doivent nécessairement être corroborés par d’autres éléments de preuve afin d’être pris en compte par le juge [54]. Quoi qu’il en soit, les autorités de poursuite trouveront un intérêt à cette disposition : la présence de l’avocat permettra de conforter la valeur des déclarations faites lors de la garde à vue et d’éviter les discussions sur les conditions dans lesquelles les « aveux » de l’individu ont été obtenus. Il faut rappeler que cette règle avait été introduite par la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d’innocence avant d’être supprimée par la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. 4. La reconnaissance du droit à la dignité du gardé à vue Le nouvel article 63-‐5 du Code de procédure pénale dispose que, désormais, la garde à vue doit s’exécuter dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne. En effet, il n’est pas extravagant de considérer que les conditions indignes dans lesquelles se déroulent bien souvent les gardes à vue fragilisent les individus en les plaçant dans une position de sujétion pour les faire craquer psychologiquement et ainsi obtenir des aveux [55]. La vétusté et la saleté des locaux servant aux gardes à vue ainsi que les conditions de la garde à vue sont fréquemment dénoncées par les avocats [56], les ONG et bon nombre d’institutions nationales ou internationales [57]. Ainsi de l’impossibilité pour les gardés à vue de se laver, l’absence de mise à disposition de matelas pour dormir ou la seule mise à disposition de couvertures souillées, l’absence de chauffage l’hiver ou d’aération l’été, le retrait systématique des lunettes et du soutien-‐gorge pour les femmes, la présence d’excréments ou de vomissures dans les cellules, etc. La Commission nationale consultative des droits de l’homme postulait pour sa part que la dignité du gardé à vue est davantage une question de moyens [58]. Est-‐ce que la nouvelle disposition législative remédiera à cet état de fait ? Rien n’est moins sûr même s’il faut concéder que le Code de procédure pénale prévoit à présent que la personne gardée à vue dispose, au cours de son audition, des objets dont le port ou la détention sont nécessaires au respect de sa dignité, ainsi de ses lunettes, de ses vêtements et sous-‐vêtements, de sa canne, etc. [59]. En revanche, lorsque la personne n’est pas auditionnée et donc placée en cellule, les policiers ont le pouvoir de confisquer pendant cette période tout effet personnel en vertu de leur pouvoir de prendre des mesures de sécurité, lesquelles ont pour objet de s’assurer que la personne gardée à vue ne détient aucun objet dangereux pour elle-‐même ou pour autrui, ces dernières sont cependant soumises au principe de nécessité [60].
Le législateur a peut-‐être été sensible à un considérant du Conseil constitutionnel qui dans sa décision du 30 juin 2010 estimait qu’il appartient aux autorités judiciaires et aux autorités de police judiciaire compétentes de veiller à ce que la garde à vue soit, en toutes circonstances, mise en œuvre dans le respect de la dignité de la personne ; qu’il appartient, en outre, aux autorités judiciaires compétentes, dans le cadre des pouvoirs qui leur sont reconnus par le Code de procédure pénale et, le cas échéant, sur le fondement des infractions pénales prévues à cette fin, de prévenir et de réprimer les agissements portant atteinte à la dignité de la personne gardée à vue et d’ordonner la réparation des préjudices subis. Concernant les mesures de sécurité, la loi se contente de renvoyer à des arrêtés pour le détail. Selon un auteur, les arrêtés auxquels il est fait référence seront analogues à celui du 7 mai 1994 constituant le règlement intérieur d’emploi des gradés et gardiens de la police nationale qui prévoit les modalités de la palpation de sécurité dans son article 203 et intégreront les principes de nécessité et de proportionnalité [61]. La fouille intégrale, mesure par nature particulièrement humiliante, est en principe interdite [62]. Cependant, « lorsqu’il est indispensable pour les nécessités de l’enquête de procéder à une fouille intégrale d’une personne gardée à vue », l’officier de police judiciaire peut décider de l’effectuer si la fouille par palpation ou l’utilisation des moyens de détection électronique ne peuvent pas être réalisées [63]. Mais à vrai dire, le critère de « nécessités de l’enquête » est susceptible d’une interprétation tellement large et l’absence de matériel fonctionnel dans les locaux de garde à vue étant tellement courante qu’on peut se demander si l’interdiction de principe n’est pas, en réalité, vidée de sa substance et qu’une fouille intégrale peut de facto être décidée discrétionnairement par l’officier de police judiciaire. Enfin, il faut préciser que les fouilles menées lors de la garde à vue font dorénavant l’objet d’une mention spéciale dans le procès-‐verbal d’audition [64]. C. Le renforcement a maxima des pouvoirs du parquet Le rôle du parquet ne se limite pas au pouvoir de différer la présence de l’avocat lors des auditions et confrontations, le Code de procédure pénale lui confère de nombreuses prérogatives tant en ce qui concerne le contrôle de la garde à vue et sa prolongation qu’en ce qui concerne le pouvoir de veiller à ce que nous appelons la « bonne administration de l’enquête » [65]. 1. Le problématique contrôle de la garde à vue par le procureur de la République Le nouvel article 62-‐3 du Code de procédure pénale continue de confier le contrôle de proportionnalité et de nécessité de la garde à vue au procureur de la République… Que le législateur français continue de considérer comme une autorité judiciaire malgré la jurisprudence Moulin et Medvedyev de la CEDH qui lui dénie les caractères d’indépendance et d’impartialité lesquels conditionnent pourtant l’essence même de la garantie judiciaire. Il est donc permis de penser que cette disposition est en contrariété avec l’article 5 de la Convention. En effet, dans un premier arrêt Medvedyev du 10 juillet 2008, il a été jugé que le magistrat français du parquet n’est pas une autorité judiciaire dans la mesure où il lui
manque en particulier l’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif [66]. Puis dans un second arrêt Medvedyev, rendu par la Grande Chambre cette fois, il a été jugé que le magistrat doit présenter les garanties requises d’indépendance à l’égard de l’exécutif et des parties, ce qui exclut notamment qu’il puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale, à l’instar du ministère public français [67]. Ensuite et surtout, l’arrêt Moulin a posé sans ambages que « du fait de leur statut, les membres du ministère public, en France, ne remplissent pas l’exigence d’indépendance à l’égard de l’exécutif, qui, selon une jurisprudence constante, compte, au même titre que l’impartialité, parmi les garanties inhérentes à la notion autonome de "magistrat" au sens de l’article 5, § 3 (de la Convention) » [68]. Par ailleurs, la Chambre criminelle de la Cour de cassation s’est alignée sur la solution européenne en jugeant que « le ministère public n’est pas une autorité judiciaire au sens de l’article 5, § 3, de la Convention européenne des droits de l’homme » [69]. En vérité, la question du statut du parquet et de son indépendance, qui se pose avec une force particulière dans le cadre de la garde à vue, n’est absolument pas abordée dans la loi du 14 avril 2011. En outre et à défaut, le juge des libertés et de la détention ne se voit pas accorder toute la place qui aurait du être la sienne dans la mesure où le législateur français persiste à refuser l’indépendance des « parquetiers » alors qu’une doctrine autorisée l’exhorte à le faire depuis plus de vingt ans [70]. Plus récemment, la Commission nationale consultative des droits de l’homme estimait dans un avis très détaillé qu’ « il conviendrait en effet de subordonner, sous réserve que des moyens suffisants soient prévus, le placement en garde-‐à-‐vue, ou a minima, la prolongation de celle-‐ci, à l’autorisation d’un magistrat du siège » [71]. Pour le Professeur Frédéric Sudre, qui s’exprimait devant la Commission des lois de l’Assemblée nationale, « le contrôle de la garde à vue et de sa prolongation ne peut appartenir, aux termes de la Convention, qu’à un magistrat du siège ». Il est regrettable que la France continue de s’enferrer dans une conception erronée et archaïque de ce qu’est une autorité judiciaire. Pour mémoire, cette conception prend appui sur la décision du Conseil constitutionnel en date du 2 mars 2004, Evolution de la criminalité, aux termes de laquelle les rapports du garde des Sceaux avec le Parquet sont conformes à la Constitution : « Considérant qu’en vertu de l’article 20 de la Constitution, le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation, notamment dans le domaine de l’action publique ; que l’article 5 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée, portant loi organique relative au statut de la magistrature, place les magistrats du Parquet sous l’autorité du ministre de la Justice ; que l’article 30 nouveau du Code de procédure pénale, qui définit et limite les conditions dans lesquelles s’exerce cette autorité, ne méconnaît ni la conception française de la séparation des pouvoirs, ni le principe selon lequel l’autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et ceux du Parquet, ni aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle ». En tout état de cause, la France se verra certainement condamnée une fois de plus de ce chef par la CEDH compte tenu de l’absence d’indépendance du parquet à l’égard du pouvoir exécutif et de sa double qualité d’organe de contrôle et de partie poursuivante [72].
Il faut aussi signaler que le législateur a osé affirmer que le procureur de la République assure la sauvegarde des droits reconnus par la loi à la personne gardée à vue [73]. Une fois encore, le législateur a frappé sa loi au coin de la schizophrénie : comment peut-‐on seulement croire que l’autorité de poursuite veillera à protéger celui qu’elle cherche à faire condamner, celui qu’elle cherche à priver de sa liberté et à mettre au ban de la société ? Cette disposition a quelque chose de surréaliste. Enfin, il faut préciser sur un terrain plus pratique que la loi énonce désormais que le procureur compétent pour contrôler la mesure est soit celui qui dirige l’enquête, soit celui dans le ressort duquel la mesure a lieu [74]. 2. La prolongation de la garde à vue par le procureur et ses garanties sans consistance juridique pour la personne faisant l’objet de la mesure Le procureur de la République décide s’il est nécessaire et proportionné de prolonger la mesure de garde à vue [75]. Au delà, deux garanties auraient été formulées par le législateur à l’endroit du gardé à vue à l’article 63 du Code de procédure pénale. Première innovation de l’article 63-‐II : en cas de prolongation de la garde à vue, le procureur de la République doit motiver par écrit son autorisation. Aucun praticien ne sera trompé par cette nouvelle « garantie »… En effet, la loi indique au magistrat du parquet qu’il doit motiver sa décision sur le fondement d’un des six objectifs prévus par l’article 62-‐2 du Code précité. Il lui suffit donc de s’inspirer de ce texte pour s’acquitter de cette tâche en un temps record. Mais s’agit-‐il encore d’une motivation ? Cette dernière est censée expliquer au justiciable les raisons particulières de fait et de droit qui justifient la décision prise afin de pouvoir la contester le cas échéant ; mais, précisément, il est impossible de le faire puisque les décisions de ce magistrat sont des mesures d’administration judiciaire insusceptibles de recours. Seconde innovation de l’article 63-‐II : afin de réhumaniser la procédure et toujours en cas de prolongation, la personne faisant l’objet de la garde à vue doit « en principe » être présentée in personam au magistrat ou à défaut par visioconférence. Mais une « exception » a été glissée dans le texte qui permet de façon tout à fait discrétionnaire pour le procureur de ne pas respecter l’obligation de présentation : par conséquent, aussi absurde que cela puisse paraître à la lecture de la loi, il n’y a pas en réalité d’obligation de présentation au procureur… C’est là méconnaître l’article 5, §3, de la Convention qui prévoit que la personne « doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires ». Depuis l’arrêt Assenov c/ Bulgarie du 28 octobre 1998, la CEDH affirme que « le magistrat doit entendre personnellement l’individu traduit devant lui » (§ 146 de l’arrêt). Plus récemment, cette exigence a été rappelée dans l’arrêt Medvedyev du 29 mars 2010 (§ 124 de l’arrêt). Or, en vérité, la France n’a aucunement consacré cette règle dans sa procédure pénale, s’exposant une fois de plus à la vindicte de la Cour de Strasbourg. En définitive, on comprend que les nouvelles garanties venant encadrer l’action du procureur lors de la prolongation de la garde à vue n’ont aucune consistance juridique… Il s’agit de normes qui mettent une obligation à la charge du procureur pour la vider de sa substance aussitôt et que l’on pourrait résumer par la formule mathématique suivante : 1 – 1 = 0.
3. La soumission de l’avocat au procureur de la République au nom de la « bonne administration de l’enquête » * Une innovation malsaine est introduite par l’alinéa 5 du nouvel article 63-‐3-‐1 du Code de procédure pénale qui dispose que si l’avocat désigné assiste déjà une autre personne concomitamment gardée à vue dans la même enquête et que cette situation est susceptible de nuire au bon déroulement des investigations ou de rendre impossible l’audition simultanée de plusieurs suspects, le procureur de la République, d’office ou saisi par un officier de police judiciaire, peut demander au bâtonnier de désigner un autre défenseur. Jusqu’ici, la seule disposition applicable à cette situation était l’article 7 du décret n° 2005-‐790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat qui dispose que « L’avocat ne peut être ni le conseil ni le représentant ou le défenseur de plus d’un client dans une même affaire s’il y a conflit entre les intérêts de ses clients ou, sauf accord des parties, s’il existe un risque sérieux d’un tel conflit ». Règle déontologique qui suffisait à encadrer la problématique du conflit d’intérêts selon nous. En réalité, c’est par défiance envers les avocats et leur déontologie que le législateur a introduit cette nouvelle disposition en droit positif : au nom d’une « bonne administration de l’enquête » placée sous la vigilance du ministère public, il s’agit d’empêcher un avocat de révéler à ses autres clients des informations dont il a eu connaissance en consultant les procès-‐verbaux d’audition ou en assistant aux auditions des autres mis en cause ! Il ne s’agit de rien d’autre que d’une immixtion de l’Etat dans le rapport intime et confidentiel qui doit exister entre l’avocat et son client. Cette disposition est d’autant plus scandaleuse qu’elle est attentatoire au principe selon lequel toute personne a le droit de choisir librement son avocat. De quel droit le procureur de la République ou l’officier de police judiciaire vient-‐il s’immiscer dans la relation particulière qui existe entre une personne et son défenseur ? Bien plus, cette disposition semble difficilement applicable : que se passera-‐t-‐il si le bâtonnier refuse d’obéir au parquet ? Situation qui risque fort de se produire en pratique ! Rien, serait-‐on tenté de dire, la loi n’ayant prévu aucune sanction. * Autre bizarrerie : l’article 63-‐4-‐3, alinéa 1er, du Code de procédure pénale dispose désormais que si l’officier de police judiciaire estime que l’avocat perturbe un interrogatoire ou une confrontation, il en informe le procureur de la République qui peut en aviser le bâtonnier aux fins de désignation d’un nouvel avocat choisi ou commis d’office. Là encore, c’est une bien curieuse opinion de l’avocat qu’a le législateur pour prévoir pareil dispositif : l’avocat serait un personnage nuisible à l’enquête qu’il faut pouvoir neutraliser selon le bon vouloir du ministère public. Là encore on peut s’interroger : est-‐ce qu’au nom d’une « bonne administration de l’enquête » le procureur pourra arracher un individu à son défenseur ? Il semble que non, et c’est heureux, faute de sanction prévue par la loi ici aussi. * Par ailleurs, l’avocat se voit entraver dans son rapport à l’information par le parquet.
D’une part, la loi prévoit que le procureur peut décider que l’avocat ne pourra, pour une certaine durée, consulter les procès-‐verbaux d’audition de la personne gardée à vue [76]. Cette disposition, en écartant l’avocat de l’accès au dossier, fragilise la défense : en effet, il est impossible d’assurer une défense efficace et conseiller utilement son client en ignorant les éléments les plus primaires du dossier de la procédure. D’autant que la décision du procureur est ici aussi une mesure d’administration judiciaire non susceptible de recours. Il faut rappeler que l’arrêt Dayanan de la CEDH évoque le droit à l’assistance « effective » de l’avocat, or, celle-‐ci suppose que l’avocat puisse prendre connaissance du dossier. Au nom de la « bonne administration de l’enquête », les droits de la défense sont de nouveau bafoués en contrariété avec l’article 6 de la Convention. D’autre part, l’avocat ne peut faire état auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue ni des entretiens avec la personne qu’il assiste, ni des informations qu’il a recueillies en consultant les procès-‐verbaux et en assistant aux auditions et aux confrontations [77]. Véritable geste de défiance à l’encontre des avocats qui va plus loin que la rédaction de l’ancien article 63-‐4, alinéa 5, du Code de procédure pénale qui interdisait à l’avocat de faire état de ses entretiens à quiconque pendant la durée de la garde à vue. La Chancellerie estimait que la nouvelle disposition constitue la déclinaison du principe posé par l’article 11 du Code de procédure pénale selon lequel « sauf dans le cas où la loi en dispose autrement, et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète ». Il faut rappeler que la violation de ces règles peut entraîner pour l’avocat deux types de sanctions, pénales et disciplinaires, où le parquet tient un rôle particulier dans le déclenchement des poursuites : Sur le plan pénal, l’avocat peut être poursuivi et condamné à des peines
d’emprisonnement et des amendes pour violation du secret professionnel [78] ou pour délit d’entrave à la justice [79] ; Sur le plan disciplinaire, l’avocat risque des peines disciplinaires pouvant aller de
l’avertissement à l’interdiction d’exercer pendant une durée de trois ans ou plus, voire à la radiation [80]. * Enfin, certaines prérogatives de l’avocat sont bridées dans la nouvelle garde à vue : l’avocat ne pourra s’entretenir avec le gardé à vue que 30 minutes, ce qui est peu pour les affaires complexes [81]. Il ne pourra pas non plus demander ou réaliser par ses propres moyens une copie des procès-‐verbaux du dossier ; il pourra seulement prendre des notes [82]. Tout juste le législateur lui concède-‐t-‐il la confidentialité des entretiens avec son client [83]… Autant d’éléments pénibles qui viennent s’ajouter aux précédents pour l’exercice par l’avocat de sa mission : à telle enseigne qu’on peut s’interroger sur le point de savoir si la loi ne sape pas, par ces multiples dispositions qui entravent le travail du défenseur, le droit à l’assistance effective de l’avocat tel qu’il s’infère de l’article 6 de la Convention ? D. Les régimes dérogatoires et la retenue douanière 1. La garde à vue pour les infractions visées à l’article 706-‐73 du Code de procédure pénale
Le législateur semble avoir assimilé la jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation rendue dans ses décisions précitées du 19 octobre 2010. Dans deux de ces décisions rendues dans des affaires d’infractions à la législation sur les stupéfiants, la haute juridiction a jugé que le régime dérogatoire prévu par le septième alinéa de l’article 63-‐4 et l’article 706-‐88 du Code de procédure pénale était contraire à l’article 6 de la Convention. Désormais, l’intervention de l’avocat au cours de la garde à vue peut être reportée jusqu’à la 48ème heure pour toutes les infractions visées à l’article 706-‐73 du Code de procédure pénale, à l’exception du trafic de stupéfiants et du terrorisme pour lesquels elle peut être reportée à la 72ème heure. Ce report est assorti d’une double condition : Sur le fond, le report est subordonné à l’existence de « raisons impérieuses tenant aux
circonstances particulières de l’enquête » et avoir pour objet soit de permettre le recueil ou la conservation des preuves, soit de prévenir une atteinte aux personnes ; Sur la compétence, le report est décidé, en enquête préliminaire ou de flagrance, par le
procureur de la République jusqu’à la 24ème heure, par le juge des libertés et de la détention au-‐delà. Si une information judiciaire est ouverte, la décision relève du juge d’instruction. La décision du magistrat devant être écrite et motivée. Par ailleurs, en matière de terrorisme, le juge des libertés et de la détention peut décider que la personne doit être assistée par un avocat désigné par le bâtonnier sur une liste d’avocats spécialement habilités à intervenir dans ce domaine, laquelle est établie par le bureau du Conseil national des barreaux sur propositions des conseils de l’ordre de chaque barreau. 2. La retenue douanière Concernant le régime de la retenue douanière : rappelons que le Conseil constitutionnel statuant sur une question prioritaire de constitutionnalité l’a déclaré contraire à la Constitution [84]. De nouveaux articles 323-‐1 à 323-‐10 du Code des douanes remplacent le 3° de l’article 323 jugé moins précis : par conséquent, le législateur tire toutes les conséquences de la décision précitée du Conseil constitutionnel en alignant le régime de la retenue douanière sur celui de la garde à vue de droit commun. Sont notamment prévus le droit à l’assistance effective d’un avocat et la notification du droit de garder le silence. 3. L’audition des témoins de l’article 78 du Code de procédure pénale L’article 78 du Code de procédure pénale dispose désormais, en cohérence avec les dispositions relatives aux contrôles d’identité, que la rétention des témoins, strictement limitée au temps nécessaire à leur audition, ne peut en toute hypothèse excéder quatre heures. En outre, dès lors que l’audition du témoin fait apparaître des indices permettant de soupçonner qu’il a commis ou tenté de commettre une infraction, celui-‐ci
ne peut être maintenu à la disposition des enquêteurs que sous le régime de la garde à vue. 4. Le « petit dépôt » de l’article 803-‐3 du Code de procédure pénale Le législateur consacre dans la loi la décision du Conseil constitutionnel n° 2010/80 du 17 décembre 2010 qui imposait de prévoir : d’une part, qu’en cas de dépôt faisant suite à une garde à vue, le magistrat devant lequel l’intéressé est appelé à comparaître doit être informé sans délai de l’arrivée de la personne dans les locaux de la juridiction ; et d’autre part, que dans le cas où la garde à vue a été prolongée par le procureur de la République, la personne déférée doit être présentée dans un délai de 20 heures à la juridiction saisie ou, à défaut, au JLD. 5. Les modalités d’exécution d’un mandat d’amener ou d’arrêt lorsque la personne recherchée est interpellée à plus de 200 kilomètres du juge mandant Conformément à l’arrêt de la CEDH du 23 novembre 2010, Moulin c/ France, la personne interpellée dans de telles conditions doit être présentée au JLD avant son transfèrement et non plus au procureur de la République comme le prévoyait jusqu’alors le Code de procédure pénale. 6. La garde à vue des mineurs L’article 4 de l’ordonnance n° 45-‐174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante est modifié et encadre de façon plus rigoureuse les conditions dans lesquelles un mineur peut être retenu (mineurs de 10 à 13 ans) ou placé en garde à vue (mineurs de 13 à 18 ans). 7. Le placement en cellule de dégrisement L’article L. 3341-‐2 du Code de la santé publique prévoit désormais que, dès lors qu’il n’est pas nécessaire de procéder à l’audition de la personne trouvée en état d’ivresse dans un lieu public immédiatement après qu’elle a recouvré la raison, elle peut être confiée à un tiers qui se porte garant d’elle. E. Le renforcement des droits de la victime lors de la garde à vue Un mot enfin sur la consécration par la loi d’un droit pour la victime d’une infraction à être assistée par un avocat si elle est confrontée avec une personne gardée à vue qui est elle-‐même assistée. La victime étant logiquement informée de ce droit avant la confrontation [85]. C’est sans doute dans un souci d’équilibre des droits des parties que l’avocat de la victime disposera pendant l’audition des mêmes prérogatives que l’avocat de la personne gardée à vue : consultation des procès-‐verbaux d’audition de la personne qu’il assiste, possibilité de poser des questions et de formuler des observations écrites à l’issue de l’audition.
CONCLUSION. LA NOUVELLE GARDE A VUE, UN DÉFI POUR LES AVOCATS ET LA POLICE Deux remarques peuvent être faites à propos des deux acteurs principaux de la garde à vue que sont l’avocat et l’enquêteur avant de porter un jugement final sur cette réforme. Du côté des avocats, cette réforme est un défi pour la profession. Jusqu’à aujourd’hui, 25 à 30 % seulement des personnes gardées à vue demandaient à s’entretenir avec un avocat. Cette proportion va s’accroître considérablement avec la réforme du 14 avril 2011 puisque le recours à l’avocat est systématisé. En outre, l’avocat monopolisera davantage son temps sur place auprès de son client dans la mesure où il est désormais autorisé à assister et à participer aux auditions et confrontations. Il devra aussi s’organiser en fonction du rythme des auditions pouvant s’échelonner sur 48 heures avec des temps d’interruption plus ou moins longs en se coordonnant avec le service enquêteur. Surtout, la question va se poser de savoir si les effectifs d’avocats seront suffisants ailleurs qu’à Paris pour répondre à la « demande » [86]. Enfin, il faut espérer que l’aide juridictionnelle, souvent jugée trop faible par les praticiens, dont dépend l’effectivité du droit à l’avocat suivra en conséquence [87]. Précisément, la Chancellerie, le 14 avril 2011, a décidé de rémunérer forfaitairement à 300 euros hors taxes les 24 premières heures de prestation plus 150 euros hors taxes en cas de prolongation (la même rémunération sera attribuée pour l’assistance de l’avocat à la victime lors de la confrontation) ; l’entretien d’une demi-‐heure restera indemnisé à hauteur de 61 euros. Dans ces conditions, nous tendons à croire que la célèbre phrase du Bâtonnier Louis-‐Edmond Pettiti, selon laquelle « l’avocat est auxiliaire de justice, mais pour l’épanouissement de celle-‐ci et non pour la fonctionnarisation de la défense et de la profession », est de moins en moins vraie [88]. Du côté de la police, la réforme va rendre ses investigations plus laborieuses. Les nouvelles règles de la garde à vue imposant la présence de l’avocat à tout instant de la procédure devraient faire baisser le nombre d’aveux recueillis. Jusqu’ici, le succès de l’enquête reposait souvent sur l’aveu et non sur d’autres preuves pénales issues, notamment, du travail de la police technique et scientifique ou du recours systématique à des investigations de terrain approfondies, faute de moyens, d’hommes et de temps. Ainsi, face à l’accroissement prévisible de la difficulté pour les policiers de mener leurs investigations, il pourrait s’avérer nécessaire de réformer la pratique de l’enquête si l’on souhaite maintenir l’efficacité de la procédure pénale. Soulignons que la mesure de l’audition libre appelée de leurs vœux par les syndicats des forces de l’ordre n’a pas été retenue par le parlement et qu’un risque de dérives existe. Il appartiendra donc à l’administration de modifier profondément la culture et la formation des enquêteurs et de veiller à ce qu’ils respectent la procédure sous peine de voir des interrogatoires clandestins et virils se multiplier au détriment des personnes suspectées. Finalement, le législateur a réformé la garde à vue avant la date butoir du 1er juillet 2011 mais il a bâclé son travail puisqu’il a partiellement omis de respecter ses engagements conventionnels, tant en ce qui concerne le respect des droits de la défense que le statut du parquet français. En effet, c’est davantage sous la pression des sages de la rue de Montpensier que par la volonté de se conformer à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg qu’il a opté pour une réforme tronçonnée du Code de procédure pénale. Cette réforme est en réalité largement inspirée d’un des avant-‐projets de Code de
procédure pénale, à l’époque très critiqué pour son manque de conformité avec les exigences posées par la Convention européenne des droits de l’homme, dont le législateur a implémenté la partie sur la garde à vue dans la procédure pénale actuelle pourtant promise à être radicalement transformée selon les plans de la Chancellerie. Le Professeur Mireille Delmas-‐Marty dénonçait déjà en 1990 les effets pervers des réformes partielles de la procédure pénale, ajoutant des règles qui n’ont été que trop rarement accompagnées des moyens adéquats et d’une réflexion d’ensemble sur la cohérence du système pénal : « Ce rapiéçage, parfois même ce bégaiement législatif, paraît irréaliste et néfaste » écrivait-‐elle [89]. En 2011, son propos n’a rien perdu de sa justesse [90]. Ce choix plus ou moins consenti du législateur français démontre clairement une absence de politique pénale conçue dans sa globalité qui satisfasse aux standards de protection des droits fondamentaux européens. Il s’agit pourtant de la seule matrice qui permettra à la France de se doter de règles enfin conformes aux exigences de l’Etat de droit. En attendant les prochaines condamnations de la France par la CEDH, à quand la prochaine réforme ? Jonathan Quiroga-‐Galdo Doctorant [1] Le Bâtonnier Charrière-‐Bournazel a cependant affirmé, non sans malice, que « la garde à vue n’est pas faite pour établir la vérité, mais pour empêcher toute entrave à cette recherche » : D. 2010, p. 1928 [2] Cf. loi n° 93-‐2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale : J. Boyer, « Présentation de la loi du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale », JCP, 10 février 1993. Cf. loi n° 93-‐1013 du 24 août 1993 modifiant la loi n° 93-‐2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale : F. Le Gunehec, JCP 1993.I.3720 et JCP 1993.III.66356 ; J. Pradel, D. 1993, chron. p. 299 et 307 ; G. Fournier, « L’enquête de police dans les nouvelles dispositions du Code de procédure pénale », Revue juridique de l’Ouest, novembre 1994, p. 13 [3] Cf. J. Buisson, « La garde à vue dans la loi du 15 juin 2000 », Rev. sc. crim. 2001, p. 25 ; H. Leclerc, Gaz. Pal., 29 et 30 septembre 2000 ; F. Le Gunehec, JCP 2000, p. 1223, 1299 et 1351 [4] Sur la singularité de la législation française à la lumière des textes étrangers : cf. Rapport du Sénat, Législation comparée n° 204, 31 décembre 2009 ; Procédures 2010, n° 3, comm. 81 par J. Buisson [5] Inter alia : O. Bachelet, « La réforme de la garde à vue ou l’art du faux-‐semblant », Gaz. Pal., 14 septembre 2010, p. 5 ; V. Nioré, « Énième projet de réforme de la garde à vue : l’imposture des mots et le poids des sophismes », Gaz. Pal., 9 novembre 2010, p. 11 ; V. Sizaire, « Garde à vue : risques et faux-‐semblants d’une réforme annoncée », AJ Pénal 2010, p. 480 ; D. Chemla, « Réforme de la garde à vue : de qui se moque-‐t-‐on ? », Gaz. Pal., 1er février 2011, p. 15 ; D. Fayolle et J.-‐B. Perrier, « Regards croisés sur la réforme de la garde à vue : un projet insuffisant et des attentes insatisfaites », Gaz. Pal., 8 février 2011, p. 8 ; Y. Muller, « La réforme de la garde à vue ou la figure brisée de la procédure pénale française », Dr. pénal 2011, étude 2 ; voir aussi le point de vue des avocats : Résolution des 19 et 20 novembre 2010 du Conseil National des Barreaux ; Bulletin du Barreau de Paris n° 42, 21 décembre 2010, p. 550 [6] Cf. Bulletin du Barreau de Paris n° 29, 25 septembre 2009, éditorial du Bâtonnier Charrière-‐Bournazel [7] Cf. Rapport du Comité de réflexion sur la justice pénale, 1er septembre 2009, p. 18 [8] En ce sens : ordonnance du JLD du TGI de Bobigny du 30 novembre 2009, n° minute : 2568/09 ; ordonnance du premier président de la Cour d’appel de Rennes, 18 décembre 2009 qui infirmait une ordonnance de prolongation de rétention d’un étranger, au motif d’une nullité de garde à vue consistant à ce que l’étranger avait demandé un avocat, et que sa première audition avait eu lieu immédiatement, sans que l’avocat ait eu le temps de venir s’entretenir avec son client ; TGI Bobigny, 17e ch., 30 décembre 2009
qui considérait que « la garde à vue, le défèrement, la retenue et la saisine du tribunal par procès-‐verbal de comparution immédiate constituent une suite d’actes où chacun est le support nécessaire du suivant. La nullité de l’un d’entre eux entraîne la nullité des suivants. (…) La juridiction doit donc se déclarer non valablement saisie. » ; Cour d’appel de Nancy, ch. corr., 19 janvier 2010 ; ordonnance du JLD du TGI de Marseille du 22 janvier 2010 ; Cour d’appel d’Agen, ch. corr., 18 février 2010, n° 10/00009-‐A, qui a constaté l’absence de notification du prévenu, lors de son placement en garde à vue, de son droit de garder le silence, et annulé en conséquence le procès-‐verbal de garde à vue ainsi que les procès-‐verbaux subséquents : Gaz. Pal., 23 mars 2010, p. 16, note L. Bruneau ; D. 2010, p. 1850, note F. Fournié [9] Cf. inter alia : Dr. pén. 2010, n° 11, repère 10 par A. Maron ; Gaz. Pal., 23 novembre 2010, n° 327, p. 17, note Robert et Gagnoud ; Petites Affiches, 28 janvier 2011, n° 20, p. 5, note Chaltiel [10] CEDH, 25 février 1993, Funke c/ France : JCP 1993.II.22073, note R. et A. Gournon ; D. 1993, p. 457, note J. Pannier ; Justices 1996/3, p. 244, obs. Cohen-‐Jonathan et Flauss [11] CEDH, 8 février 1996, John Murray c/ Royaume-‐Uni : Procédures 1996, n° 194, obs. J. Buisson ; Rev. sc. crim. 1997, p. 476, obs. R. Koering-‐Joulin ; voir aussi : CEDH, 17 décembre 1996, Saunders c/ Royaume-‐Uni : JCP 1997.I.4000, n° 18, obs. F. Sudre ; Rev. sc. crim. 1997, p. 478, obs. R. Koering-‐Joulin ; CEDH, 20 octobre 1997, Serves c/ France : JCP 1998.I.107, n° 23, obs. F. Sudre ; CEDH, 2 mai 2000, Condron c/ Royaume-‐Uni : JDI 2001, p. 177, obs. O. Bachelet [12] CEDH, 24 novembre 1993, Imbrioscia c/Suisse : JCP G 1994, I, 3742, chron. F. Sudre [13] Livre Vert de la Commission européenne du 19 février 2003, COM(2003) 75 final, section 4.3.a [14] CEDH, 27 novembre 2008, Salduz c/ Turquie, n° 36391/02 : JCP G 2009, I, 104, obs. F. Sudre [15] CEDH, 23 novembre 1993, Poitrimol c/ France, n° 14032/88 : D. 1994, p. 187, obs. J. Pradel ; RSC 1994, p. 362, obs. Koering-‐Joulin ; Dr. pén. 1994. Comm. 16, obs. A. Maron [16] CEDH, 13 octobre 2009, n° 7377/03, Dayanan c/ Turquie : AJ Pénal 2010, p. 27, étude C. Saas ; D. 2009, p. 2897, note J.-‐F. Renucci ; RSC 2010, p. 231, obs. Roets ; Rev. pénit. 2009, p. 837, note Verges ; communiqué CNB du 20 octobre 2009 publié dans JCP 2009, 382, n° 44 [17] CEDH, 2 mars 2010, n° 54729/00, Adamkiewicz c/ Pologne : JCP G 2010, doctr. 859, obs. F. Sudre [18] CEDH, 24 septembre 2009, n° 7025/04 [19] CEDH, 19 novembre 2009, n° 17551/02 [20] Cf. Note DACG-‐SDJPG-‐BPJ du 17 novembre 2009 intitulée « Argumentaire sur l’absence de l’avocat en garde à vue : conséquences procédurales » [21] P. Spinosi, « Qui a peur de la CEDH ? », entretien D. 2011, p. 864 [22] J.-‐P. Costa, entretien publié dans La Croix, 24 janvier 2010 [23] B. Accoyer, tribune publiée dans Le Figaro, 21 mars 2011 [24] Cf. H. Kelsen, Théorie pure du droit, traduit par Ch. Eisenmann, Dalloz, 1962 [25] Article 59 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales [26] G. Levasseur, « L’influence de la convention européenne des droits de l’homme sur les privations et restrictions de liberté antérieures au jugement répressif », VII° Congrès de l’Association Française de Droit Pénal, 1984, p. 77 [27] F. Sudre, La convention européenne des droits de l’homme, PUF, 2007, p. 23
[28] CEDH, 14 octobre 2010, Brusco c/ France, n° 1466/07 : D. 2010, p. 1324, note P. Bonfils ; JCP 2010, 1064, n° 43, note F. Sudre [29] Cf. AJDA 2010, p. 1556, obs. Brondel ; D. 2010, p. 1928, entretien Ch. Charrière-‐Bournazel, p. 1949, obs. P. Cassia, p. 2254, obs. J. Pradel, p. 2696, entretien Y. Mayaud et p. 2783, chron. J. Pradel ; Gaz. Pal. 4-‐5 août 2010, p. 14, note O. Bachelet ; Petites Affiches, 9 novembre 2010, n° 223, p. 3, note Chaltiel ; Procédures 2010, n° 10, comm. 356 par J. Buisson et n° 11, comm. 382 par A.-‐S. Chavent-‐Leclere ; RTD civ. 2010, p. 517, obs. Puig [30] Cf. Procédures 2010, n° 10, repère 9 par H. Croze ; voir aussi la décision du Conseil constitutionnel du 6 août 2010, n° 2010-‐30/34/35/47/48/49/50 QPC [31] Cass. crim., 19 octobre 2010, pourvois n° 10-‐82.306, 10-‐82.902 et 10-‐85.051, FP-‐P+B+R+I : D. 2010, p. 2696, entretien Y. Mayaud et p. 2783, chron. J. Pradel ; D. 2011, p. 124, chron. Lazerges-‐Cousquer, Leprieur et Degorce ; Gaz. Pal. 26 octobre 2010, n° 299, p. 15, note O. Bachelet et 1er février 2011, n° 32, p. 19, note Bougain ; JCP 2010, 1104, n° 45, note H. Matsopoulou ; Procédures 2010, n° 12, comm. 422 par J. Buisson [32] V. Georget, Dr. pénal, novembre 2010, étude n° 12 [33] Cass. crim., 4 janvier 2011, n° 10-‐85.520, F-‐P+B+I, Procédures 2011, comm. 110, note A.-‐S. Chavent-‐Leclere ; D. 2011, p. 242, note Léna ; également en ce sens : Cass. crim., 18 janvier 2011, n° 10-‐83.750, F-‐P+B+I [34] J.-‐P. Costa, « Les droits de la défense selon la jurisprudence de la CEDH », Gaz. Pal., 5 octobre 2002, p. 4 [35] Pour une critique du dispositif de l’audition libre tel qu’il figurait dans le projet de loi : V. Nioré, « Énième projet de garde à vue : l’imposture des mots et le poids des sophismes », Gaz. Pal., 9 novembre 2010, p. 11 [36] Cf. Rapport AN n° 3040 de Ph. Gosselin, 15 décembre 2010 ; voir aussi l’entretien avec O. Boisteaux, président du Syndicat indépendant des commissaires de police, LePoint.fr, 10 février 2011 [37] Pour une illustration de la notion d’accusé au sens européen, nous pensons à l’arrêt de la CEDH Funke c/ France du 25 février 1993 précité [38] Voir pour le retard de l’information sur les droits : Crim., 3 décembre 1996, Bull. n° 443 ; 29 avril 1998, Bull. n° 145 ; 18 juin 1998, Bull. n° 200 ; 11 octobre 2000, Bull. n° 296 ; 6 décembre 2000, Bull. n° 367 ; solutions dégagées sur le fondement de l’article 171 du Code de procédure pénale [39] Article 63-‐1 du Code de procédure pénale [40] Article 63-‐1, alinéa 3, du Code de procédure pénale [41] Article 63-‐1, alinéa 2, du Code de procédure pénale [42] Article 63-‐2 du Code de procédure pénale [43] Article 63-‐3-‐1 du Code de procédure pénale [44] Cf. par exemple : pour une audition poursuivie sans que l’avocat n’ait pu intervenir : Crim., 10 mai 2001, Bull. n° 118 [45] Argument invoqué par le garde des Sceaux lors des débats parlementaires au Sénat [46] Cf. V. Nioré, précité [47] Article 63-‐4-‐2, alinéa 5, du Code de procédure pénale
[48] Article 64 du Code de procédure pénale [49] Article 63-‐4-‐3 du Code de procédure pénale [50] Article 63-‐4-‐2, alinéa 1er, du Code de procédure pénale [51] Crim., 14 octobre 2009, n° 08-‐86.480 : JCP G, 16 novembre 2009, 456, note H. Matsopulou ; Gaz. Pal., 10 novembre 2009, p. 8, note J.-‐F. Renucci ; 20 janvier 2010, n° 09-‐82.186, 09-‐80.652, 08-‐88.301, 09-‐80.009 : Procédures, avril 2010, comm. 129 par A.-‐S. Chavent-‐Leclere ; 27 octobre 2010, n° 09-‐88.666, Dalloz actualité, 4 janvier 2011 [52] CEDH, 9 décembre 1994, Ruiz Torija c/ Espagne, n° 18390/91 ; 13 janvier 2009, Taxquet c/ Belgique, n° 926/05 : D. 2009, p. 1058, note J.-‐F. Renucci ; RFDA 2009, p. 677, étude L. Berthier et A.-‐B. Caire ; RSC 2009, p. 657, obs. J.-‐P. Marguénaud ; et surtout : CEDH, Gde. ch., 16 novembre 2010, Taxquet c/ Belgique, n° 926/05 : Dalloz actualité, 25 novembre 2010, obs. O. Bachelet ; D. 2011, p. 47, note J.-‐F. Renucci, et p. 48, note J. Pradel ; AJ Pénal 2011, p. 35, obs. C. Renaud-‐Duparc [53] Décision du Conseil constitutionnel n° 2011-‐113/115 QPC du 1er avril 2011 ; voir aussi : Crim., 19 janvier 2011, n° 10-‐85.305 et 10-‐85.159 : D. 2011, p. 800, note J.-‐B. Perrier [54] Crim., 18 janvier 2011 : D. 2011, p. 381 ; 4 janvier 2011 : D. 2011, p. 242, obs. Léna ; AJ Pénal 2011, p. 83, obs. Danet ; D. 2011, p. 753, note E. Allain [55] O. Bachelet, « La réforme de la garde à vue : un jeu d’ombre et de lumière », Gaz. Pal., 1er février 2010, p. 10, qui rappelait que dans le Traité théorique et pratique de police judiciaire de Louis Lambert, cet auteur décrivait la garde à vue comme une mesure visant à provoquer « le vertige mental entraînant l’aveu » [56] Cf. l’excellent ouvrage de J.-‐Y. Leborgne, La garde à vue : un résidu de barbarie, éd. Le Cherche Midi, 2011 ; voir aussi : P. Klugman, Le livre noir de la garde à vue, éd. Nova, 2010 [57] Cf. Rapport d’activité 2008 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, p. 16 ; Rapport du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) relatif à la visite effectuée en France, 2009, p. 36 ; Avis n° 2009-‐66 de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS) ; Rapport d’Amnesty International, « Des policiers au-‐dessus des lois », avril 2009 [58] Avis du CNCDH du 6 janvier 2011 sur le projet de loi relatif à la garde à vue [59] Article 63-‐6, alinéa 2, du Code de procédure pénale ; les objets mentionnés ont été cités lors des débats parlementaires [60] Article 63-‐6, alinéa 1er, première phrase, du Code de procédure pénale [61] Cf. H. Vlamynck, « Approche policière pratique du projet de loi relatif à la garde à vue », AJ Pénal 2010, p. 474 [62] Article 63-‐6, alinéa 1er, seconde phrase, du Code de procédure pénale ; voir aussi le point de vue de la Commission nationale de déontologie de la sécurité sur la question : S. Enderlin, AJ Pénal 2010, p. 473 [63] Article 63-‐7 du Code de procédure pénale [64] Article 64 du Code de procédure pénale [65] Cf. J. Lelieur, « L’accroissement du rôle du parquet dans la garde à vue », AJ Pénal 2010, p. 483 [66] CEDH, 5e ch., 10 juillet 2008, Medvedyev c/ France ; D. 2008, p. 3055, note Hennion-‐Jacquet ; D. 2009, p. 660, note J.-‐F. Renucci ; Dr. Pén. 2009, chron. 4, n° 15, obs. E. Dreyer ; Gaz. Pal. 28 octobre 2008, p. 13,
note G. Poissonnier ; JCP G 2009, I, 104, n° 5, obs. F. Sudre ; Procédures 2008, comm. 343, obs. J. Buisson ; RSC 2009, p. 176, obs. J.-‐P. Marguénaud [67] CEDH, Grande ch., 29 mars 2010, Medvedyev c/ France ; D. 2010, p. 970, obs. D. Rebut ; D. 2010, p. 1386, note J.-‐F. Renucci ; Dr. Pénal 2010, n° 6, étude 12, note Thierry ; Gaz. Pal., 27 avril 2010, n° 117, p. 15, note H. Matsopoulou ; RSC 2010, p. 685, obs. J.-‐P. Marguénaud [68] CEDH, 5e ch., 23 novembre 2010, Moulin c/ France ; D. 2011, p. 26, obs. Fourment ; p. 277, note J.-‐F. Renucci ; p. 338, note J. Pradel ; Gaz. Pal., 30 novembre 2010, n° 334, p. 12, obs. Ch. Charrière-‐Bournazel ; Dr. pén. 2011, comm. 26, note Maron et Haas ; Procédures 2011, comm. 30, note A.-‐S. Chavent-‐Leclere [69] Cass. crim., 15 décembre 2010, n° 10-‐83.674, FP-‐P+B+R+I ; D. 2011, p. 338, note J. Pradel ; D. 2011, p. 26, obs. Fourment ; Gaz. Pal., 4 janvier 2011, n° 4, p. 21, note Roets ; JCP G, 21 février 2011, 214, note Leroy ; Procédures 2011, comm. 67, note A.-‐S. Chavent-‐Leclere [70] En ce sens : M. Delmas-‐Marty et alii, Rapport de la Commission justice pénale et droits de l’Homme, juin 1990 [71] Avis du CNCDH du 10 juin 2010 sur la réforme de la procédure pénale [72] En ce sens : O. Bachelet, « La France, le parquet et les droits de l’homme : l’importune opiniâtreté de la Cour européenne », Gaz. Pal., 9 décembre 2010, p. 6 ; voir aussi : JCP G, 21 février 2011, 214, note Leroy ; Gaz. Pal., 1er février 2011, n° 32, p. 15, note D. Chemla ; H. Matsopoulou, « Plaidoyer pour l’indépendance fonctionnelle des magistrats du parquet », Gaz. Pal., 27 avril 2010, p. 15 ; M. Delmas-‐Marty, « Le parquet, enjeu de la réforme pénale », Le Monde, 26 mai 2009. Pour une doctrine en sens contraire : Y. Gaudemet et alii, Dr. pénal, juin 2010, étude n° 11 ; D. Rebut, « L’arrêt Medvedyev et la réforme de la procédure pénale », Lettre Omnidroit, 21 avril 2010 [73] Article 62-‐5, alinéa 3, du Code de procédure pénale [74] Article 63-‐9 du Code de procédure pénale [75] Article 62-‐3, alinéa 2, du Code de procédure pénale ; voir sur la question de la prolongation de la garde à vue : D. Roets, « Le pouvoir du procureur de la République de prolonger la garde à vue à l’aune de l’article 5, §3, de la Convention européenne des droits de l’homme », Gaz. Pal., 4 janvier 2011, p. 21 [76] Article 63-‐4-‐2, alinéa 6, du Code de procédure pénale [77] Article 63-‐4-‐4 du Code de procédure pénale [78] L’article 226-‐13 du Code pénal prévoit et réprime ce délit par une peine d’un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende [79] L’article 434-‐7-‐2 du Code pénal prévoit et réprime ce délit par une peine de deux ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende ; ces peines étant portées à cinq ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende si l’enquête concerne un crime ou un délit puni de dix ans d’emprisonnement relevant des dispositions de l’article 706-‐73 du code de procédure pénale [80] Article 5 du décret n° 2005-‐790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat [81] Article 63-‐4, alinéa 2, du Code de procédure pénale [82] Article 63-‐4-‐1 du Code de procédure pénale [83] Article 63-‐4, alinéa 1er, du Code de procédure pénale [84] Décision du Conseil constitutionnel n° 2010/32 QPC du 22 septembre 2010
[85] Article 63-‐4-‐5 du Code de procédure pénale [86] Selon l’étude d’impact du projet de loi publiée sur le site Légifrance, le nombre de gardes à vue devrait baisser de 150 000 et se stabiliser autour de 500 000 par an grâce à cette réforme mais c’était sans compter avec la suppression de l’audition libre lors des débats parlementaires… Pour sa part, Hervé Vlamynck, Commissaire principal de police, estime que la réforme risque d’entrainer une augmentation du nombre de placements en garde à vue : H. Vlamynck, précité, AJ Pénal 2010, p. 474 [87] Selon une réponse ministérielle du Ministère de la Justice publiée au JO Sénat du 13 janvier 2011, p. 97, « afin d’assurer la rétribution des avocats commis d’office intervenant dans le cadre de la garde à vue, le Gouvernement a (…) prévu d’y consacrer en année pleine 65 M€ supplémentaires. Cette somme, arrêtée sur la base des nouveaux besoins d’assistance découlant du projet de loi transmis au Parlement, permettra de porter à 80 M€ l’enveloppe annuelle consacrée à l’indemnisation des avocats commis d’office intervenant au cours de la garde à vue. » [88] Gaz. Pal., 20 novembre 1977, repris in Mélanges Pettiti, Bruylant, 1998, p. 60 ; sur la question, voir les propositions du Professeur C. Saas, AJ Pénal 2010, p. 27 [89] M. Delmas-‐Marty et alii, Rapport de la Commission justice pénale et droits de l’Homme, juin 1990 [90] Cf. à propos des futures réformes décousues de la procédure pénale en cours de préparation à la Chancellerie : JCP G, 7 mars 2011, 267