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ACADEMIE CHORALE CHARPENTIER ET SCHÜTZ DEUX DES COMPOSITEURS MAJEURS DU XVIIEME SIECLE PROGRAMME 2012

Programme Académie Chorale 2012

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Présentation et traduction des œuvres de l'Académie Chorale du Capriccio Français

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Page 1: Programme Académie Chorale 2012

ACADEMIE CHORALE

CHARPENTIER ET SCHÜTZ DEUX DES COMPOSITEURS MAJEURS DU XVIIEME SIECLE

PROGRAMME

2012

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Marc-Antoine Charpentier (1643 diocèse de Paris – 1704 Paris) Rien ne semblait destiner Marc-Antoine Charpentier à la musique. Il passe son enfance et son adolescence à Paris, dans le quartier Saint-Séverin où sa famille s'installe peu après sa naissance. Où et avec qui apprit-il les rudiments de la musique ? Nous l'ignorons toujours.

Agé d'une vingtaine d'années, Charpentier part à Rome. Il y côtoie Giacomo Carissimi, reconnu comme le plus grand musicien romain de l'époque. Charpentier retiendra la leçon puisqu'il composera de nombreuses histoires sacrées et oratorios en latin et sera d'ailleurs le seul français de cette période à s'être attaché au genre avec autant d'assiduité.

Après son séjour en Italie, Charpentier revient à Paris à la fin des années 1660. Il s'installe chez Marie de Lorraine, dite Mademoiselle de Guise, qui adore la musique et a à cœur d'entretenir dans son hôtel un ensemble de musiciens et de chanteurs d'une telle qualité que, selon le Mercure galant, "celle de plusieurs grands souverains n'en approche pas".

En 1672, Molière demande à Charpentier de remplacer Lully pour assurer la partie musicale de ses comédies-ballets (La Comtesse d'Escarbagnas, Le Mariage forcé, Les Fâcheux, Psyché). Mais c'est avec une nouvelle pièce de Molière, Le Malade imaginaire, créée le 10 février 1673, que le musicien peut donner la pleine mesure de son talent. Malheureusement, Molière meurt à la quatrième représentation, ce qui met une fin prématurée à la collaboration des deux artistes.

Au cours des années 1680, des couvents de religieuses comme l'Abbaye-aux-Bois ou Port-Royal de Paris commandent des pièces à Charpentier.

Charpentier est sollicité, à diverses occasions, à prendre part au cérémonial royal ou princier, ce qui montre que Louis XIV le tenait en haute estime. Le 30 juillet 1683, la reine de France Marie-Thérèse meurt. Pour célébrer sa mémoire, Charpentier est invité à écrire trois superbes pièces : In obitum augustissimæ nec non piissimæ Gallorum Reginæ Lamentum, De profundis, Luctus de morte augustissimæ Mariæ Theresiæ reginæ Galliæ. Le compositeur est encore musicalement présent auprès de la famille royale pour fêter la guérison de la fistule de Louis XIV : en février 1687, il reçoit en effet une commande d’un Te Deum et un Exaudiat afin de "rendre grâces à Dieu du rétablissement de la santé du roi".

À la mort de Mademoiselle de Guise en 1688, Charpentier est employé par les Jésuites dans leurs établissements parisiens. Il devient maître de musique du collège Louis-le-Grand, puis de l'église Saint-Louis, rue Saint-Antoine. C'est à cette époque qu'il compose la majeure partie de son œuvre sacrée. En 1698, Charpentier est nommé maître de musique des enfants de la Sainte-Chapelle du Palais, l'une des institutions les plus importantes de la capitale avec Notre-Dame de Paris.

C'est dans sa maison de la Sainte-Chapelle que, le 24 février 1704, Charpentier, âgé de soixante ans, s'éteint.

Prononciation du latin à la française

Pour ceux d'entre vous qui ne sont pas familiers de cet exercice et pour qui dominus ne peut se prononcer que dominousse, voici quelques éléments.

Tout d'abord, sachez que dans 90 % des cas, il suffit de lire comme si on lisait du français. Et donc pour notre exemple de départ dominus se prononce avec le son U.

L'autre piste vient des mots latins qui sont utilisés sans modification d'orthographe en français :

– Aquarium vous donne par exemple deux indications : le « qua » se prononce coua et le « um » final ôme, comme le ôme final de minimum, maximum, erratum... (voire tartopum ou babaorum pour les amateurs d'Astérix !)

– Quitus vous montre que le « qui » se prononce ki et non pas koui

– Un pensum ou un agenda vous indiquent que le « en » se prononce in.

– Incognito ou infarctus que le « in » du début se prononce in et non pas ine

– placenta et calcium que le c devant un e ou i se prononce ss et non pas tch

– Secundo que le « un » en milieu de mot se prononce on et que le c devant o (comme devant a ou devant u dans cumulus) se prononce k

En bref, quand vous arriverez à prononcer correctement usquequo (ussequécouo), tout le reste sera facile !

Vous pouvez pour en savoir plus lire les extraits du traité ci-dessous (un peu tardif par rapport à Charpentier si on veut être puriste...) :

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Pipoulain-De Launay

Méthode pour apprendre à lire le François & le Latin (Paris: Ch. Moette, 1741).

1) Il n'y a qu'un seul E, en latin, qu'il faut prononcer comme l'É masculin françois excepté lorsqu'il est devant une consonne, pour ne faire qu'une silabe avec elle. "Il faut lire ces mots comme s'il y avoit en françois 'èxamène,' 'èxcèptio,' etc."

2) "Pour bien prononcer le latin, il faut faire parler généralement toutes les consonnes, les appuyant fortement, excepté la lettre N, qu'on adoucit comme en François, lorsqu'elle est suivie d'une consonne, & qui ne doit former qu'un son avec la voyelle qui la précède. Exemple induco, intelligo, ante, nunc, etc.". Pour me rendre plus intelligible, il faut prononcer la première silabe de ces mots d'un seulle voix, et dire IN, sans former deux sons, il ne faut pas faire parler l'I et le N séparément, mais les prononcer ensemble, & comme dans ces mots françois: incurable, inconcevable, etc.

"On observera la même chose pour la lettre M; exemple impono, impiger, amplector, implico, & non pas 'ime-pono,' 'ime-piger,' 'ame-plector,' 'ime-plico,' etc."

3) "Les deux lettres ES finissant un mot se prononcent comme s'il y avoit 'êsse,' exemple dicentes, arbores, etc."

4) "les deux lettres EM ou EN se prononcent séparément & comme s'il y avoit en François 'ème' ou 'ène', exemple: autem, innocentem, etc."

5) "L'U faisant une syllabe avec les lettres M ou N, se prononce comme l'O, exemple on écrit punctum, exemplum, & on prononce comme s'il y avoit 'ponctome,' 'exinplome' ; excepté nunc, tunc, etc., où les lettres U & N se prononcent comme le mot un".

6) "Les deux lettres EM ou EN font 'in' en certains mots; comme en ceux-ci, exemplum, innocentum, etc., qu'on prononce comme s'il y avoit en François 'èxinplome,' 'ine-no-cintème,' etc. "

7) "Les deux lettres CH se prononcent comme la lettre K. On écrit charitas, Archangelum, & on prononce comme s'il y avoit 'karitasse,' 'Arkangèlome,' etc."

8) "Les deux lettres G & N qui ensemble font GNE en François, comme dans ces mots agneau, digne, en Latin forment deux sons séparés, ainsi pour lire agnus, dignus, il faut prononcer comme s'il y avoit en François 'a-gue-nusse' & 'di-gue-nusse,' etc.

"Quoique ces deux lettres GN se prononcent presque d'une seule voix, on ne laisse pas de faire sentir un peu chaque lettre séparée en lisant."

9) "Le T suivi de plusieurs voyelles suit la règle du François, & se prononce comme ce, exemple gratia, actio, Latium, etc. Il faut prononcer comme s'il y avoit en François 'gracia,' 'accio,' 'Laciome,' etc."

10) "Les relatifs qui, quæ, quod, & leurs composés font quelquefois entendre l'U après le Q, & d'autres fois ne le font point sentir, mais cette voyelle se prononce comme la voyelle O ou comme la conjonction ou. Exemple: On écrit qui, quæ, quod, quem, quibus, quam, quoruom, quos, quas on prononce 'qui,' 'qué,' 'code,' 'cuème,' 'cuibusse,' 'couame,' 'côrome,' 'côsse,' 'couasse,' etc."

L’Ouïe, d’après une eau-forte d’Abraham Bosse, v. 1638

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USQUEQUO DOMINE H.196 (1687)

Ce psaume magnifiquement construit forme une transition entre l’oppression du psaume 11 et les notes joyeuses du psaume 15. Toute bonne prière doit comporter trois degrés : la crise, le plaidoyer venu du cœur, l’espoir confiant.

• Crise :

Usquequo, Domine, oblivisceris me in finem ? Jusques à quand, Éternel, m’oublieras-tu sans cesse ?

Usquequo avertis faciem tuam a me ? Jusques à quand me cacheras-tu ta face ?

Quamdiu ponam consilia in anima mea, Jusques à quand aurai-je des soucis dans mon âme,

Dolorem in corde meo per diem? Et chaque jour des chagrins dans mon cœur ?

Usquequo exaltabitur inimicus meus super me ? Jusques à quand mon ennemi s'attaquera-t-il à moi ?

Respice, et exaudi me, Domine Deus meus ! Regarde, réponds-moi, Éternel, mon Dieu !

• Plaidoyer :

Illumina oculos meos, Donne la lumière à mes yeux,

Ne umquam obdormiam in morte ! Afin que je ne m’endorme pas du sommeil de la mort !

Nequando dicat inimicus meus : « Prævalui adversus eum », En effet, mon ennemi pourrait dire: «Je l'ai vaincu»,

Qui tribulant me exsultabunt si motus fuero. Et mes adversaires se réjouir en me voyant ébranlé.

Ego autem in misericordia tua speravi. Moi, j'ai confiance en ta bonté.

• Espoir confiant :

Exsultabit cor meum in salutari tuo. J’ai de la joie dans le coeur à cause de ton salut.

Cantabo Domino qui bona tribuit mihi et psallam nomini Domini altissimi. Je veux chanter en l'honneur de l'Eternel, car il m'a fait du bien.

Illustration : Simon Vouet (1590–1649), La Sainte Famille avec sainte Elisabeth et le petit saint Jean (1625-1650)

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DIXIT DOMINUS H.197 (1688-90)

Dixit Dominus Domino meo : « Sede a dextris meis Donec ponam inimicos tuos Scabellum pedum tuorum.”

Oracle du Seigneur à mon seigneur : « Siège à ma droite Jusqu’à ce que j’aie placé tes ennemis En escabeau pour tes pieds. »

Ce psaume nous fait participer à une cérémonie au cours de laquelle un roi accède au trône d’Israël, le couronnement d’un roi dirions-nous aujourd’hui. Le psaume commence par un oracle divin, une parole prononcée par un prophète au nom de Dieu. Le prophète dit : Oracle de YHWH (Seigneur) à mon seigneur.

Les deux « seigneur » de la traduction n’ont pas le même sens, le premier ‘’Seigneur’’ traduit l’hébreu ‘’Adonaï’’ (littéralement un pluriel de majesté : ‘’Mes Seigneurs’’) qui remplace, par respect, le Nom divin, le tétragramme YHWH, le second seigneur est une manière déférente de s’adresser au roi humain, le prophète s’adresse donc de la part du Seigneur Dieu, au roi, son seigneur.

Et voici le début de l’oracle que transmet le prophète : Siège ou Trône à ma droite. Dieu invite le roi à s’asseoir à sa droite, à la place d’honneur, car le roi est son lieutenant, celui qui agit en son nom. Certains y voient une indication topographique car si, à Jérusalem, on regarde vers l’est (on s’orientait par rapport à l’est et non, comme nous, par rapport au nord) le palais du roi était sur la colline de Sion, à la droite du Temple. Puis le prophète poursuit : jusqu’à ce

que j’aie placé tes ennemis en escabeau pour tes pieds. Cet escabeau a peut-être un sens matériel car on a retrouvé en orient des sièges royaux sur les marches desquels sont sculptés des guerriers ennemis gisant au sol ; c’est en tout cas un rite de victoire comme on le voit quand Josué, après avoir vaincu cinq rois, dit aux commandants de ses soldats : «Approchez, posez votre pied sur le cou de ces rois. »

Virgam virtutis tuae emittet Dominus ex Sion : Dominare in medio inimicorum tuorum!

Que depuis Sion le Seigneur étende le bâton de ta puissance : Domine au milieu de tes ennemis !

Le prophète s’adresse maintenant au roi en ‘’tu’’ ; le roi tient à la main un bâton, symbole de sa puissance. On peut aussi traduire le mot hébreu par ‘’sceptre’’ mais le sceptre évoque un roi rendant la justice, comme notre saint Louis sous son chêne, alors que l’accent est mis dans ces versets sur le rôle du roi comme guerrier ; le bâton est un bâton de commandement. Le prophète souhaite que Dieu étende la puissance du roi, que son bâton atteigne au loin ses adversaires et il poursuit en lui disant : Domine au milieu de tes ennemis !

Tecum principium in die virtutis tuae in splendoribus sanctorum ex utero ante luciferum genui te.

Ceux de ton peuple seront volontaires le jour où tu déploieras ton armée Dans sa sainte splendeur, Eux, les aimés depuis le sein maternel, sur toi (ô roi) repose la rosée de ta jeunesse.

Le jour où le roi mobilisera son armée, littéralement ‘’sa force’’, son peuple sera volontaire. Son armée paraîtra dans sa sainte splendeur, ainsi qu’il convient à l’armée d’Israël au milieu de laquelle réside la Shékhina, la Présence divine, comme il est dit en Deutéronome 22,15 : Car le Seigneur ton Dieu marche au milieu de ton camp pour te sauver, te livrer tes ennemis et ton camp sera saint.

Pour souligner la sainteté des soldats d’Israël, le poète ajoute qu’ils sont aimés par Dieu depuis le sein maternel. Il dit ensuite au roi qui marche en tête de ces saints guerriers, que la rosée descendue du ciel, symbole de verdeur, de force et de bénédiction, demeurera sur lui et lui conservera la vigueur de sa jeunesse.

Juravit Dominus et non poenitebit eum, Tu es sacerdos in aeternum secundum ordinem Melchisedech

Le Seigneur l’a juré et il ne changera pas, Tu es prêtre pour toujours à la manière de Melkisédeq

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Le prophète rapporte un nouvel oracle du Seigneur ; celui-ci a fait au roi une promesse par serment et sa décision est irrévocable : Tu es prêtre à la manière de Melkisédeq.

Le nom de Melkisédeq associe les mots roi, melek, et justice, tsédeq. Ce roi juste apparaît en Genèse après une victoire que vient de remporter Abraham. Les vainqueurs offrent un sacrifice et c’est Melkisédeq, roi de Salem, qui fournit du pain et du vin. Il était prêtre de Dieu, le Très-Haut et il bénit Abram en disant : « Béni soit Abram par le Dieu Très-Haut qui crée ciel et terre ! Béni soit le Dieu Très-Haut qui a livré tes adversaires entre tes mains ! »

Le roi du psaume lui aussi devient un roi-prêtre. Il reçoit cette dignité de prêtre par une décision divine. On peut comprendre que le roi est prêtre au sens métaphorique car il a un rôle analogue à celui d’un prêtre dans la mesure où il est placé entre Dieu et le peuple, présentant à Dieu les demandes et les louanges de son peuple, conduisant le peuple dans les voies du service de Dieu et de l’accomplissement de la justice. Mais le psaume veut sans doute dire davantage ; le roi qui monte sur le trône ne sera pas seulement un intermédiaire mais il va exercer vraiment les fonctions rituelles des prêtres.

Les premiers rois accomplissaient parfois des actes sacerdotaux. Plus tard, les deux fonctions de roi et de prêtre furent totalement séparées et empiéter sur les prérogatives sacerdotales était une faute grave. Le roi du psaume reçoit une faveur dont nous comprenons à présent le caractère exceptionnel : il lui est dit «Tu es prêtre à jamais ». Ce roi réunit donc comme le firent parfois ses lointains ancêtres David, successeur de Melkisédeq à Jérusalem, et Salomon, bâtisseur du Temple, les deux fonctions de roi et de prêtre.

Dominus a dextris tuis confregit

Le Seigneur est à ta droite.

Le Seigneur (en hébreu le pluriel de majesté qui ne peut nommer que le Seigneur Dieu) est à ta droite. Au début du poème, le Seigneur disait au roi : Siège à ma droite et le roi participait à la puissance divine.

Maintenant c’est le Seigneur qui se tient à la droite du roi pour le protéger ce qui, dans le contexte guerrier que nous allons retrouver, évoque l’écuyer qui accompagnait le roi au combat en le couvrant de son bouclier.

In die irae suae reges Judicabit in nationibus implebit ruinas Conquassabit capita in terra multorum

Il écrase les rois au jour de sa colère, Il juge les nations : les cadavres s’entassent. Partout sur la terre, il écrase les chefs.

Le roi frappe ou écrase les rois païens, il frappe les têtes ou plutôt, car le mot hébreu ‘’rosh’’ peut aussi désigner les puissants, il frappe les chefs sur toute la terre. Cette guerre n’est pas une guerre de conquête ou de vengeance mais elle est accomplie par le roi en vertu de ses pouvoirs de justice.

De torrente in via bibet Propterea exaltabit caput.

Au torrent, il s’abreuve en chemin, C’est pourquoi il redresse la tête.

Ce verset ne pose aucun problème de syntaxe ou de vocabulaire mais demeure énigmatique : pourquoi le poète nous dit-il que le roi a eu soif, a bu au torrent et, désaltéré, a relevé la tête ? Certains lisent le psaume au sens littéral en évoquant un guerrier assoiffé et pensent, entre autres, à Samson : Comme il avait très soif, il invoqua le Seigneur en disant : « C’est toi qui as accordé par ton serviteur cette grande victoire. Et maintenant vais-je mourir de soif et tomber aux mains des incirconcis ? » Alors Dieu fendit la cavité qui est à Léhi et de l’eau en sortit. Mais d’autres comprennent ce verset au sens spirituel. Au cours de son combat, le roi trouve auprès de son Seigneur une source d’eau vive pour y refaire ses forces.

Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto Sicut erat in principio Et nunc et semper Et in saecula saeculorum.

Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit Comme il était au commencement Maintenant et à jamais Dans les siècles des siècles. Illustration : Simon Vouet (1590–1649), Anges portant les Instruments de la Passion (1626)

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Heinrich Schütz (1585 Köstritz – 1672 Dresden) Fils d’aubergistes* assez aisés, qui le font profiter d’une excellente éducation générale : il apprend le droit mais aussi la musique en tant que choriste.

En 1609, Schütz est à Venise où il étudie avec Giovanni Gabrieli. Mais, quand ce dernier décède, en 1612, il part à Kassel, où il exerce la fonction d’organiste du Landgrave. En 1617, il devient Maître de Chapelle de l’électeur de Saxe, à Dresde. En 1627, son opéra Dafne est créé à Torgau à l’occasion du mariage d’une fille de son employeur.

En 1628, Schütz effectue un nouveau voyage en Italie, dans le but de se perfectionner dans le nouveau style monodique et afin surtout d’étudier la technique du célèbre Claudio Monteverdi. Il rencontre ce dernier à Venise et en restera très influencé. De 1633 à 1645, la guerre de Trente ans faisant rage en Saxe, Schütz s’exile au Danemark mais retourne de temps en temps à Dresde. Puis, il réorganise la chapelle de Dresde, en faisant augmenter les salaires de ses musiciens. Il tenta plusieurs fois de démissionner, mais on refusa toujours.

Schütz meurt d’une attaque d’apoplexie le 6 novembre 1672, à 87 ans. Il fut l’auteur du premier opéra allemand, malheureusement perdu aujourd’hui, mais il est toujours considéré comme le plus grand compositeur allemand avant Johann Sebastian Bach.

Sa musique fut profondément influencée par l'Italie dans sa polychoralité. Ses compositions devinrent plus austères avec le temps, probablement en partie du fait des conséquences économiques de la guerre de Trente Ans qui ne permettaient plus de jouer des œuvres de grande ampleur.

Il ne semble subsister aucune de ses pièces instrumentales alors que sa réputation d'organiste était grande à son époque.

* Son surnom, le Sagittaire, est un jeu de mot sur son nom : ce terme, qui signifie “l’archer“, évoque en effet le nom de l’auberge familiale “Zum Schützen“ (à l’Archer).

O LIEBER HERRE GOTT SWV 287 (1636)

O lieber Herr, wecke uns auf, dass wir bereit sein, wenn dein Sohn kömmt, ihn mit Freuden zu empfangen

O aimable Seigneur, éveille-nous, afin que nous soyons prêts lorsque ton Fils viendra, A l’accueillir dans la joie,

Und dir mit reinem Herzen zu dienen, durch den selbigen deinen lieben Sohn Jesum Christum, unsern Herren.

Et que nous puissions te servir d’un cœur pur, grâce à celui-là même qui est ton Fils bien-aimé, Jésus Christ, notre Seigneur.

Illustration : Johann Karl Loth (1632–1698), La Sainte Famille et Dieu le Père (1681)

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HERR, AUF DICH TRAUE ICH SWV 377 (1648) Herr, auf dich traue ich, Lass mich nimmermehr zuschanden werden!

Seigneur, j’ai confiance en toi, Fais que jamais je ne sois déçu !

Errette mich nach deiner Barmherzigkeit und hilf mir aus! Neige deine Ohren zu mir und hilf mir!

Dans ta justice, secours-moi et sauve-moi ! Tends ton oreille vers moi et sauve-moi!

Sei mir ein starker Hort, dahin ich immer fliehen möge, Der du hast zugesaget mir zu helfen.

Sois pour moi un rocher où je trouve refuge, Où je puisse toujours me retirer! Tu as accepté de me sauver.

Trophime Bigot (1579-1650), Le repas d'Emmaüs (1ère moitié 17e siècle)

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Michael Praetorius (1571 Creuzburg – 1621 Wolfenbüttel) Né à Creuzburg an der Werra, en Thuringe (nord de l’Allemagne), le 15 février 1571, Michael Schultze (plus tard, Praetorius, version latinisée de son nom de famille) est le fils d’un pasteur luthérien. Son père l’envoie à Francfort-sur-l’Oder pour étudier théologie et philosophie à l’Université.

Puis il devient organiste, Maître de chapelle (Kapellmeister) et secrétaire du duc Henri-Jules de Brunswick-Wolfenbüttel. C’est de cette époque que proviennent ses premières compositions. Ce poste le force à beaucoup voyager en Allemagne et le compositeur se forge une renommée

de chef d’orchestre, d’organiste et d’expert en musique et en instruments.

Praetorius est considéré comme l'un des meilleurs compositeurs luthériens, et il a laissé une œuvre très importante. Pour la seule musique religieuse, il laisse plus de mille pièces vocales et instrumentales1. De plus, Praetorius transcrivit de nombreuses œuvres dites « populaires » qui provenaient du folklore allemand depuis des siècles.

Il fut largement inspiré par la musique italienne, plus particulièrement l'école vénitienne. C'est d'ailleurs à ce courant qu'il emprunta la forme du grand motet à double chœur avec accompagnement de cuivres, qu'il employa régulièrement pendant sa carrière. Mais il est également célèbre pour avoir écrit une remarquable encyclopédie, le Syntagma musicum, un traité de musique qui traite très précisément des genres musicaux utilisés depuis l'Antiquité, ainsi que des instruments de musique, étude quasi exhaustive qui est encore aujourd'hui d'un intérêt considérable. Son œuvre et son style unique se transmit également à travers les centaines d'élèves qu'il forma à l'orgue et au chant au cours de sa vie.

Michael Praetorius s'éteint à Wolfenbüttel, à l'âge exact de 50 ans, le 15 février de l'année 1621.

VOM HIMMEL HOCH (1617)

Vom Himmel hoch da komm ich her, Ich bring euch gute neue Mär, Der guten Mär bring ich soviel, Davon ich sing'n und sagen will! Je viens du plus haut des cieux, Je vous apporte une bonne nouvelle, Cette nouvelle est si bonne Qu’il faut que je la chante et vous la raconte !

Nicolas Tournier (1590-1639), Le Concert (1630-35)

Illustration page de couverture : Trophime Bigot (1579-1650), Le jeune chanteur (1650), détail