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Projet de thèse Lorraine Feugère
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Projet de thèse - Lorraine Feugère
La mobilisation des réseaux sociaux par les jeunes dans la diffusion de contenus culturels :
Une analyse des nouvelles formes de sociabilités
Selon une étude intitulée l’Internet Culturel des 11-24 ans et publiée par
l’Observatoire des politiques culturelles (OPC)1, la part des jeunes qui utilise les réseaux
sociaux est en constante augmentation. Aujourd’hui, 75% des 20-24 ans déclarent surfer sur
Internet pendant leur temps de loisir et 85,9% d’entre eux sont inscrits sur au moins un réseau
social. La connexion journalière répétée à Internet croît particulièrement de 11 à 24 ans,
traduisant un investissement fort de cette tranche d’âge (20-24 ans). Les 20-24 ans sont les
utilisateurs qui privilégient en premier lieu un usage communicationnel de l’Internet (mail,
chat, Skype) puis, un usage culturel (musique, cinéma, spectacles etc.) et enfin, un usage lié à
la recherche d’informations sur les biens de consommation. Ainsi, Internet, équipement phare
des sociabilités chez les jeunes adultes, constitue un terrain propice à la compréhension de
leurs pratiques relationnelles telles qu’elles se déploient dans les réseaux sociaux, notamment
lorsque ces derniers sont détournés pour diffuser des contenus culturels permettant
l’émergence de nouvelles formes de sociabilités. Son analyse permet donc d’appréhender le
processus par lequel les jeunes adultes construisent leur propre « espace culturel » sur les
réseaux sociaux en plus d’étudier le rôle de ces dispositifs socio-techniques du Web dans la
configuration de dynamiques sociales.
Le projet de thèse présenté ici s’inscrit dans la continuité d’un mémoire de M2 en
sciences de l’information et de la communication ayant porté sur l’exposition de soi et les
pratiques de sociabilité des jeunes adultes dans les médias sociaux, dans lequel nous avons
procédé à une analyse comparative des blogs et des vlogs littéraires. Il vise à approfondir la
question de la mobilisation des réseaux sociaux par les jeunes adultes pour diffuser un
contenu culturel en vue de se constituer un réseau social. Plusieurs enjeux seront alors
soulevés. D’une part, les enjeux relatifs à la construction d’une culture par les jeunes adultes
et pour les jeunes adultes afin de voir comment ces derniers sont à la fois les producteurs et
les consommateurs de la culture qu’ils se définissent et dont l’unique médiation, désormais
technologique, rend possible la création et l’autonomisation d’un espace culturel inédit qui
leur est propre. Cette recherche s’intéressera donc plus particulièrement au détournement des
réseaux sociaux en vue de créer un « espace culturel » juvénile ainsi qu’à l’utilisation de
1 Hervé Glevarec, http://www.observatoireculture.net/fichiers/files/l_internet_culturel_des_11_24_ans_par_herve_glevarec.pdf
1
nouvelles formes d’écriture – en réseaux - pour parler de la culture. Plus largement, cela nous
permettra d’appréhender ce que les réseaux sociaux font à la culture (quels effets leur
mobilisation a-t-elle sur les contenus culturels qui y sont véhiculés ?) mais également aux
acteurs de ces formes d’écriture (auteurs et lecteurs). D’autre part, cette étude nous permettra
de replacer le rôle de la culture au cœur des pratiques de sociabilité des jeunes adultes dans les
réseaux sociaux. Cela afin de voir quel est le profil de ces auteurs et de ces lecteurs, de voir
quelle est leur motivation pour parler de culture (pourquoi et comment ?) et quels sont les
liens qu’ils tissent entre eux (les pratiques de sociabilité diffèrent-elles d’un dispositif à
l’autre ?). Ainsi, nous verrons si multiplier les réseaux sociaux permet d’emboîter des publics
différents et/ou de déployer un plus grand nombre de canaux de diffusions culturelles. En
effet, le détournement du réseau social comme canal de diffusion culturelle ne fait-il pas de ce
dernier moins un outil social qu’un « média » d’information culturelle ?
En réalité, bien que de nombreuses études sur les pratiques culturelles des jeunes aient
été réalisées (Dominique Pasquier, Olivier Galland, Sylvie Octobre, Monique Dagnaud,
Michel Fize etc.) nous constatons qu’il n’existe que peu de recherches sur la manière même
dont les jeunes parlent de culture entre eux, et plus précisément sur la manière dont les jeunes
en parlent sur les réseaux sociaux. Ce travail permettra donc d’étudier :
La logique des acteurs : qui parle de culture et pourquoi ? Pourquoi de telle ou telle
manière ? Comment et pourquoi se saisissent-ils des réseaux sociaux en vue de
diffuser de l’information culturelle et, en vue de sociabiliser ? Quelle information
culturelle privilégient-ils ? Quel(s) effet(s) cela a-t-il sur leurs pratiques
relationnelles et sur la constitution de réseaux sociaux ? Pourquoi les internautes
recherchent-ils ce genre d’information culturelle ? Et, quel « genre » de médiation
culturelle et de sociabilités émerge de cette appropriation des réseaux sociaux ?
La circulation des valeurs culturelles et les représentations que les jeunes construisent
autour de ces éléments culturels : comment cette culture circule-t-elle dans les
réseaux sociaux, et sous quelles formes ? Quels sont les mécanismes et les enjeux
sous-tendus par l’utilisation des réseaux sociaux dans la diffusion de contenus
culturels ? Quel rôle les réseaux sociaux jouent-ils dans la circulation et la
construction d’un sentiment d’appartenance à une/des culture(s) ? Et, quelles sont les
représentations construites et véhiculées de la culture par les jeunes adultes ?
2
Pour mener à bien cette recherche, nous envisageons d’inscrire notre travail dans trois
principaux cadres théoriques :
Les études sur les écritures numériques : afin de porter un regard attentif sur ce que le
numérique fait à l’écriture, notamment par le prisme des travaux de Serge Bouchardon,
Etienne Candel, Jean Clément, Oriane Deseilligny, Emmanuel Souchier et la notion
d’ « énonciation éditoriale », traduisant le déploiement d’une « écriture contrainte » sur le
numérique. Cela nous permettra d’appréhender les questions de mise en forme de l’écrit
par le biais des réseaux sociaux et de pointer le rôle central de ces dispositifs techniques
dans les manières qu’ont les jeunes de concevoir la communication, la sociabilité et la
culture.
Les études sur la culture et les processus de circulation des contenus culturels : afin de
procéder, d’une part, à une réflexion sur la définition de la/les culture(s) et, plus
particulièrement, de la culture jeune (quelle culture ? quelle place pour le numérique ?
quelle pratiques ? etc.) grâce au travail de Jean-François Hersent (sociologie de la lecture,
des publics, de la jeunesse), d’Olivier Galland (sociologie de la jeunesse), de Sylvie
Octobre (sociologie de la jeunesse) et de Dominique Pasquier (pratiques de sociabilité,
pratiques de communication et pratiques culturelles, notamment chez les jeunes). D’autre
part, afin de voir comment s’envisage la circulation des contenus culturels dans l’espace
amateur et numérique à travers une attention particulière portée aux notions de
« vulgarisation », « médiation des savoirs » mais aussi de « trivialité » telle qu’elle est
principalement présentée par Yves Jeanneret.
Les études sur les réseaux sociaux et les processus d’exposition de soi et de sociabilité
numériques : les réseaux sociaux engendrent des jeux subtils entre exposition de soi (Anne
Cauquelin), projection de soi (Dominique Cardon) et reconnaissance par autrui
(Dominique Cardon, Hélène Delauney-Téterel) et, de fait, soulèvent plusieurs enjeux à
prendre en compte concernant l’articulation « individuel/collectif », « privé/public », en
plus du processus de « clusterisation » (Dominique Cardon) qui traduit le phénomène par
lequel les jeunes vont avoir tendance à constituer des groupes « blocs », impropres à la
discussion publique, et donc impropres à une certaine forme d’échanges des savoirs.
Finalement, ce projet de thèse en science de l’information et de la communication s’inscrit
directement dans les problématiques du LERASS (équipe Médiapolis-Grecom) et du Labex
3
SMS (auquel nous avons eu l’opportunité de participer par le biais du Réseau de Master
SMS), et cela à plusieurs titres :
D’une part, parce qu’il s’inscrit dans l’étude des dynamiques relationnelles et des
réseaux sociaux en lien avec les technologies de l’information et de la communication
tel que cela est notamment évoqué dans l’opération « TIC et Réseaux Sociaux » et
dans le regroupement de recherche « ComUniTIC ».
D’autre part, car il recoupe la question de la circulation et de la médiation des savoirs
notamment du point de vue de la production amateur qui connaît aujourd’hui une
certaine ampleur du fait de la multiplication des médias d’expression dont font partie
les réseaux sociaux (Flichy, 2010) recoupant les recherches présentées lors du
séminaire « Savoir, Réseaux et Médiations ».
Corpus
Pour réaliser ce travail, nous envisageons de concentrer notre regard sur plusieurs médias
sociaux de type plateforme d’auto-publication comme les blogs et les vlogs (de la même
manière que nous l’avons fait dans notre travail de M2) et d’élargir cette analyse à d’autres
réseaux sociaux, notamment Facebook, Twitter et Instagram qui constituent les principaux
outils sociaux déployés sur la toile. Cela afin de procéder à une étude comparative entre ces
différents supports et de voir si les processus de circulation des savoirs et des modes de
sociabilités qu’ils génèrent, diffèrent ou se rejoignent d’un support à l’autre. Nous proposons
également de nous concentrer sur des médias sociaux dont l’objet central portera
exclusivement sur la culture littéraire, d’une part afin de prolonger le travail que nous avons
débuté lors de notre M2 et d’autre part, parce que trop peu d’études se sont saisies du
phénomène de « médiation littéraire » entre les jeunes qui semblent moins attirés par la
littérature que leurs aînés. En effet, selon les chiffres publiés par une étude du Centre National
du Livre et de l’Ipsos, seulement 40% de jeunes de 15 à 24 ans déclarent lire essentiellement
pour les loisirs contre 74% pour leurs aînés2. En réalité, les réseaux sociaux nous parlent de la
manière qu’ont les jeunes amateurs de littérature de se saisir de ces outils afin de promouvoir
leur goût littéraire auprès d’autres jeunes amateurs permettant de rendre légitimes des
pratiques culturelles aujourd’hui marginalisées chez cette population. Finalement, la culture
littéraire chez les jeunes évoque pour nous un paradoxe qui nous semble être à même d’être
2 http://www.ipsos.fr/communiquer/2015-03-16-francais-apprecient-lecture-qui-leur-procure-plaisir-evasion-et-detente-mais-lisent-moins-par-manque
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saisi et appréhendé plus précisément grâce à une analyse des réseaux sociaux dédiés à la
littérature et aux pratiques de sociabilité des jeunes amateurs littéraires.
Méthodologie
Du point de vue méthodologique, nous souhaitons mobiliser deux approches
complémentaires :
D’un part une analyse sémiotique des dispositifs socio-techniques qui nous permettra
d’appréhender la « matérialité » du support, son aspect « physique » (design,
fonctionnalités, les prérequis etc.) et symbolique (c’est-à-dire le sens qui s’immisce
dans les formes).
D’autre part, des entretiens compréhensifs (interviews/entretiens semi-directifs) - à la
manière qu’ils se déploient en sociologie et comme l’envisage Jean-Claude Kaufmann
-avec plusieurs producteurs de contenus littéraires âgés de 20 à 25 ans et ayant une
activité régulière de production de contenus sur différents médias sociaux. Nous
privilégierons donc des jeunes internautes ayant à la fois un blog, un vlog, Facebook,
Twitter et Instagram.
Déroulement du projet sur les trois ans
- De septembre 2015 à mars 2016 : recherches bibliographiques, travail de lecture sur le
sujet et de recherche d’information afin d’effectuer un premier travail de définition d’une
problématique générale précisée.
- D’avril 2016 à août 2016 : affiner la première problématique, les hypothèses ainsi que le
plan de travail. Travail de lecture, élaboration de notre double approche méthodologique
(guide d’entretiens, grille d’analyse sémiotique) et constitution du terrain (identification
des sites analysés notamment) puis début de terrain.
- De septembre 2016 à février 2017 : travail de terrain et analyses des données. Premières
productions de données théoriques voire empiriques nous permettant de rectifier, si besoin
est, la problématique générale et de fournir un plan détaillé.
- De mars 2017à janvier 2018 : analyse des données empiriques et travail de rédaction.
- De février 2018 à octobre 2018 : rédaction finale.
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