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Cet article est disponible en ligne en format HTML à l’adresse : http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=RFG&ID_NUMPUBLIE=RFG_145&ID_ARTICLE=RFG_145_0175 Promotion des ventes et capital-marque par Pierre DESMET | Lavoisier | Revue française de gestion 2003/4 - n° 145 ISSN 0338-4551 | pages 175 à 185 Pour citer cet article : — Desmet P., Promotion des ventes et capital-marque, Revue française de gestion 2003/4, n° 145, p. 175-185. Distribution électronique Cairn pour Lavoisier. © Lavoisier. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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Promotion des ventes et capital-marque

par Pierre DESMET

| Lavoisier | Revue française de gestion2003/4 - n° 145ISSN 0338-4551 | pages 175 à 185

Pour citer cet article : — Desmet P., Promotion des ventes et capital-marque, Revue française de gestion 2003/4, n° 145, p. 175-185.

Distribution électronique Cairn pour Lavoisier.© Lavoisier. Tous droits réservés pour tous pays.La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

Assimilée à une réduction

de prix, la promotion des

ventes a souvent été vue

comme une technique

réduisant le capital-

marque. Une vue élargie

de cette question est

proposée avec la

présentation des effets

indirects qui peuvent

effectivement accroître

l’importance accordée

au prix et donc réduire

la rentabilité des

investissements

publicitaires. Mais

la promotion est aussi un

moyen de communication

original, plus impliquant,

qui peut contribuer

à l’image de la marque

et dont les effets

sont mesurables.

Soucieux de la préservation du capital représentépar leurs marques, les managers s’interrogentdepuis longtemps sur les effets de leurs actions

commerciales, en particulier les promotions. S’ils ont lesentiment d’un effet négatif, celui-ci n’a longtemps paspu être confirmé par les études scientifiques menées surle sujet.Cet article a pour but de présenter et d’expliquer leseffets négatifs observés tout en mettant en évidence lavision réductrice retenue tant dans la généralisation abu-sive de la promotion, assimilée uniquement à des réduc-tions de prix, que dans l’oubli de la prise en compte deseffets de communication de la promotion sur le capital-marque et le capital-client.La première partie présente les concepts de capital-marque et de capital-client ainsi que leurs mesures. Laseconde présente la richesse et la diversité des objectifs,des mécanismes et des effets de la promotion des ventesalors que les recommandations fournies dans la troi-sième partie ont pour but d’éclairer les décisions mana-gériales.

D O S S I E R

PAR PIERRE DESMET

Promotion des ventes

et capital-marque

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I. – CAPITAL-MARQUE ET CAPITAL-CLIENT

Développée surtout dans un contexte pro-duit, avec une séquence de choix spécifique(cognitif, affectif, conatif), l’approche mar-keting de masse privilégie la communica-tion publicitaire pour construire et entrete-nir la marque sur les deux premiersniveaux. Au-delà de cette communicationunidirectionnelle, la réflexion sur les ser-vices et la prise en compte d’une consom-mation plus expérientielle renforcent main-tenant le lien entre la mémorisation desexpériencesd’achat et de consommation etl’image de marque.Parallèlement au capital-marque, l’informa-tion précise détenue sur les clients, grâceaux bases de données, a amené la prise encompte d’un autre capital,le capital-client,qui représente le revenu net actualisé quedes actions marketing personnalisées per-mettent d’obtenir d’un client pendant ladurée de la relation. Tant pour l’entrepriseque pour le client, la valeur dépasse alors ladimension marque-produit.Pour l’entreprise, les questions de gestionconcernent la constitution, l’entretien etl’exploitation de ce capital. La segmenta-tion des clients entraîne la prolifération et ladifférenciation des produits, la diminutionde leur potentiel de vente alors même queles dépenses publicitaires nécessaires à lacréation de leur notoriété et de leur images’accroissent du fait de l’encombrementpublicitaire. D’où l’émergence d’interroga-tions managériales sur la gestion du porte-feuille de marques et sur la construction demarques plus générales, auxquelles sontrattachées plusieurs produits, qui permet-tent de préserver et d’amortir les investisse-ments publicitaires. La pression pour des

résultats à court terme entre alors en conflitavec la gestion à long terme du capital-marque. En effet, certains moyens d’action,notamment la promotion des ventes, ont deseffets très importants à court terme sur lesventes mais peuvent aussi avoir un effetnégatif sur le capital de la marque.L’intérêt pour le capital-client, plus récent,provient de l’observation que l’informationcollectée lors des interactions avec lesclients permet de réduire les coûts des opé-rations marketing par un meilleur ciblage,d’une part, et d’accroître la valeur de laprestation par une personnalisation decelle-ci aux besoins du client, d’autre part.Du fait de nouveaux modes de communica-tion personnalisés par le marketing direct,la marque est capable d’avoir une commu-nication intégrée qui dépasse les limitesd’une transaction commerciale et cherchela création d’une relation durable avec leclient. Dans le cadre de ce marketing rela-tionnel, la promotion donne, à la fois, lesraisons et les moyens de communiquer etcontribue à un enrichissement du capital-client.Ces deux perspectives, capital-client etcapital-marque, sont maintenant réintégréesdans une perspective globale de la gestiondes ressources marketing de l’entreprise.

1. La valeur d’une marque pour un client

La relation positive entre la valeur de lamarque et la rentabilité a été confirméeavec, cependant, la présence de rendementsdécroissants et une asymétrie : la baisse dela valeur de la marque ne se traduit pasdirectement par la baisse de rentabilité(Kerin et Sethuraman, 1998).La valeur économique apportée à l’entre-prise par une marque provient des ventes et

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d’une réduction des coûts. Le supplémentde ventes est dû à une valeur supérieurecréée par un produit marqué qui se traduitpar une préférence supérieure tant pour ledistributeur que pour le client final. Le dis-tributeur a l’assurance d’un produit connu,voire prévendu, capable d’attirer des clientset bénéficiant d’une forte rotation desstocks. La coopération permet au produc-teur de bénéficier d’un référencement plusfacile, d’une présence forte et d’une exposi-tion favorable en magasin, facteurs-clésd’une part de marché importante. Lamarque crée aussi une valeur pour le clientfinal ce qui, au-delà d’une préférenceaccrue, peut conduire à l’acceptation d’unprix plus élevé (price premium). L’adhésiondu client aux valeurs représentées par lamarque peut aussi réduire les coûts, parexemple les coûts d’acquisition d’un nou-veau client par les actions de parrainageeffectuées.

2. La marque est influencée par toutes les décisions de l’entreprise

Du point de vue du client, le capital-marqueest influencé par toutes les actions et com-munications, contrôlées ou non, dans les-quelles la marque est impliquée. Histori-quement, la communication publicitaire demasse a été privilégiée pour sa capacité àconstruire une notoriété, une image et unesignification symbolique socialement parta-gée. L’attitude envers la marque est influen-cée par l’attitude envers la communicationpublicitaire et par la réaction émotiveengendrée par celle-ci.Mais la marque est influencée par toutes lesdimensions du mix-marketing : la politiqueproduit par l’innovation et la largeur del’offre, la politique de prix par la primedemandée et la cherté perçue, la politique

de distribution par le service (vente etaprès-vente). Ces influences sont crééesdans différents contextes (achat, expositionà une publicité, participation à un jeu, etc.)et l’encombrement publicitaire conduit àrechercher des communications plusproches du contexte d’achat ou de consom-mation et plus originales. Au-delà de cesactions contrôlées par l’entreprise, lamarque est aussi touchée par le bouche àoreille, par le boycott et les autres actions(parrainage) que la personne peut entre-prendre ou par d’autres communicationsnon contrôlées.

II. – PROMOTION DES VENTES

Par une assimilation des objectifs (commu-nication publicitaire ou action commer-ciale) aux médias, la promotion des ventesa longtemps été cantonnée dans le « hors-média », regroupant tous les médias autresque les médias de communication demasse. Sa capacité à communiquer estmaintenant reconnue et elle est devenue unélément incontournable du mix-marketingpuisque le total médias représente 35 %,contre 65 % pour le hors-médias dont 16 %pour la promotion des ventes et 32 % pourle marketing direct (France-Pub Irep,2001).

1. La diversité et la richesse des techniques promotionnelles

La promotion est définie comme « une offreconditionnelle visant à stimuler le compor-tement de cibles du processus d’achat pouraccroître la demande à court ou moyenterme » (Desmet, 2002). Elle vise, directe-ment ou indirectement, plusieurs cibles,comme les distributeurs et intermédiaires,la force de vente, ou le client final. Les pro-

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motions vers les intermédiaires ou lescontributions aux opérations qu’ils mettenten œuvre (trade) constituent une partimportante des dépenses mais ne sont pasabordées dans cet article.Le contenu d’une offre promotionnelle esttrès varié et donne lieu à un grand nombrede mécanismes souvent regroupés en quatregrandes catégories : les techniques de prixet de produit, les techniques de primes, lesjeux-concours et les techniques d’essai.D’autres classifications existent dont cer-taines offrent des visions plus pertinentesdes caractéristiques des techniques : lanature de l’offre (du produit, du prix, durisque, etc.), son caractère certain/incertain,immédiat/différé et son destinataire (ache-teur/autrui). Les techniques économiquesreprésentent cependant la part la plusimportante en nombre des opérations pro-motionnelles sur les produits grand publicet en magasin (BIPP, 56 % en 2000).Aux opérations promotionnelles indépen-dantes, dont certaines offraient déjà desbénéfices différés, il faut maintenant ajouterles programmes de fidélisation qui récom-pensent de manière permanente des com-portements. Ces programmes collectent desinformations individuelles et permettent la

mise en place d’une communication bidi-rectionnelle ciblée de nature transaction-nelle, pour des réductions de prix différées,ou de nature plus relationnelleou affective.

2. Les effets promotionnels

Les effets promotionnels sont de différentesnatures car la promotion est, à la fois, uneoffre communiquée, induisant donc deseffets comparables aux effets d’une publi-cité, et une décision-action de la part durécepteur, une expérience qui génère unesatisfaction intrinsèque et des effets tantcognitifs qu’affectifs.Les conséquences de la promotion sur lechoix et les ventes proviennent de différentseffets :– L’effet de visibilité et détournement del’attention: la promotion est saillante,c’est-à-dire très visible au moment duchoix. Ceci peut conduire à lui donner plusd’importance aux dépens des attributs duproduit, notamment lorsque le client estfaiblement impliqué, et à simplifier le pro-cessus de choix. L’effet immédiat sur lesventes est positif mais le poids accordé à ladifférenciation artificiellement créée par lapublicité est plus faible, réduisant le ren-dement de cet investissement publicitaire.

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Tableau 1LES PRINCIPALES CATÉGORIES D’EFFETS PROMOTIONNELS

Les effets directs

Effet de visibilitéEffet de valeurEffet d’imageEffet de garantieEffet de stimulation-déceptionEffet d’expositionEffet sur l’univers de concurrence

Les effets indirects

Effet d’auto-perceptionEffet d’inférenceEffet d’apprentissageEffet de qualité perçueEffet du prix de référenceEffet sur l’équité

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– L’effet de valeur: la promotion offre unevaleur, éventuellement additionnelle, encontrepartie du comportement. Cette valeurtouche le prix (prix réduit, remboursement),le produit vendu (produit gratuit, produit enplus), un autre produit (cadeau, prime), leservice (parking remboursé, livraison gra-tuite). Cet effet est cependant complexe carl’adjonction d’une offre promotionnelledont la valeur perçue est faible semble avoirun effet non pas nul mais même négatif surla valeur globale perçue.– L’effet d’image: par la dotation ou par ladestination de la promotion (promotionscaritatives), l’entreprise peut véhiculer desassociations qui renforcent des attributs oudes bénéfices du produit et influencent glo-balement la marque. Dans certainscontextes législatifs (tabac, alcools), la pro-motion constitue la dimension majeure dela communication.– L’effet de garantie: en présence d’unniveau élevé de risque perçu, la promotionpeut offrir des réducteurs d’incertitude surle prix comme la garantie de rembourse-ment de la différence, sur le produit ou lechoix avec la garantie « satisfait ou rem-boursé ».– L’effet de stimulation: par la surprise etl’excitation, il correspond à la satisfactioninduite par la réception (publipostage pourun anniversaire) ou la participation à uneopération de type loterie. A contrario, uneffet de déception est aussi créé quand lesbénéfices anticipés ne sont pas obtenus(jeux).– L’effet d’exposition: la communicationpromotionnelle entraîne une exposition à lamarque qui conforte sa notoriété. Bien plusla promotion par l’objet (prime, boutique,club) permet une exposition répétée, éven-tuellement dans un contexte proche de la

situation d’utilisation (cuisine, salle debain), difficilement accessible avec les sup-ports publicitaires classiques.– L’effet sur l’univers de concurrence: lors-qu’elle est présente, la promotion est unsignal dont la valeur dépasse celle desautres informations disponibles (les attri-buts notamment) ce qui étend le champ deconcurrence en réduisant les barrières per-çues entre les segments et en donnant uneforce intégratrice à la marque.Au-delà de ces effets directement recher-chés par l’entreprise, la promotion a aussides effets plus complexes et plus difficile-ment maîtrisables. Différents mécanismespeuvent conduire à une influence de la pro-motion des ventes sur le capital-marque. Lafigure 1 présente un modèle simplifié neprenant en compte que le prix, la promotionet la publicité. Deux groupes sont à distin-guer : les effets promotionnels directssur lesperceptions et sur les choix et les effets indi-rects, modérateurs, sur les sensibilités auprix ou à la publicité.1. L’effet d’auto-perception: deux réactionsopposées sont mises en avant chez l’ache-teur, soit la satisfaction au vu de la capacitéà profiter d’une bonne affaire (l’acheteuravisé), soit le refus de se laisser manipuler.Dans les cas où l’acheteur donne beaucoupd’importance à l’interprétation que lesautres personnes vont faire de son choix,ces effets peuvent être déterminants(Simonson et al., 1994).2. L’effet sur l’équité: selon l’approcheéconomique, les promotions sélectives surles clients peu fidèles, en réduisant la taillede la cible, limitent le budget. Unerecherche selon une perspective behavio-riste montre les effets négatifs sur la per-ception de la marque par les consomma-teurs fidèles qui s’estiment lésés par la

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marque qui ne respecte plus un contratd’équité. L’offre de prix réduits aux clientsinfidèles ne serait pas une pratique tenablepour la marque sur le long terme.3. L’effet d’inférence: selon la théorie del’attribution, une personne analyse l’infor-mation disponible sur une situation pour endéduire les raisons des comportementsobservés. Face à une promotion dont la rai-son d’être est faiblement justifiée, le clientpeut en déduire une moindre qualité du pro-duit, d’où une attitude moins favorable pourle rachat. De plus, en réfléchissant aprèscoup à son achat, la présence d’une promo-tion lui sert de justification principale et nele conduit pas à former une attitude favo-rable vis-à-vis de la marque (Raghubir etCorfman, 1999).4. L’effet sur la qualité et la valeur per-çues: en situation d’information incomplète(attributs internes d’expérience), le clientutilise les informations disponibles

(marque, prix, labels, etc.) pour inférer laqualité du produit. Réciproquement, leprincipal déterminant de la prime de prixqu’une marque peut demander est la diffé-rence de qualité perçue. Si la promotionréduit le prix, la qualité inférée sera plusfaible (Sethuraman et Cole, 1999).5. L’effet sur le prix de référence: le clientévalue l’intérêt d’un achat en fonction d’unprix de référence constitué à partir desinformations externes qui lui sont acces-sibles et d’informations qu’il a mémorisées.Synthèse mémorisée des prix observés oupayés, le prix de référence interne est réduitpar l’exposition à des prix promotionnelsconduisant le client à plus de réticences àl’achat lors du retour au prix normal (Slo-nim et Garbarino, 1999).6. L’effet sur l’élasticité-prix. Comme pourla communication publicitaire, l’effet de lapromotion sur l’élasticité-prix est com-plexe : lorsque la promotion met en avant le

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Figure 1EFFETS POTENTIELS DE LA PROMOTION SUR LA MARQUE

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prix, elle accroît la sensibilité au prix etinversement. Cependant, même lorsque leprix n’est pas mis en avant, la promotionpeut quand même augmenter la sensibilitéau prix par un autre mécanisme, l’accrois-sement de l’ensemble de considération.L’importance relative de ce dernier effetdépend du lieu où se forme l’ensemble deconsidération : plus le choix se fait sur lepoint de vente, moins la communicationpubli-promotionnelle non monétaire a d’ef-fets positifs.7. L’effet d’apprentissage: selon la théoriedu conditionnement, un comportement estrenforcé par l’obtention de bénéfices, lerenforcement étant d’autant plus fort que lebénéfice est directement et immédiatementrelié à l’effort effectué. Or le bénéfice pro-motionnel est un renforçateur immédiatalors que la consommation du produit n’estqu’un renforçateur différé ; l’achat en pro-motion renforce donc plutôt la recherchedes promotions que l’achat de la marque etrend les ventes de la marque dépendantesde la poursuite de la promotion.En conclusion, les effets promotionnelsdirects, recherchés, sont riches et permet-tent une communication complémentairede la communication publicitaire, plusorientée vers l’expérience et associée àune plus forte implication. Mais elleengendre des effets complexes, à la foisdirects et médiateurs, dont le plus impor-tant est l’accroissement de l’importancerelative accordée au prix. Malgré le grandnombre d’études effectuées, les résultatssont encore très incomplets et comportentdes biais importants : ils ne traitent sou-vent que des produits de grande consom-mation, du point de vue des industriels ets’occupent principalement des techniquespromotionnelles par réduction de prix

directe ou différée, de plus les recherchesconcernent presque exclusivement le mar-ché américain.

III. – UNE APPROCHEMANAGÉRIALE DES DÉCISIONS

PROMOTIONNELLES

Pour que la politique promotionnelle, tantau niveau stratégique qu’au niveau tactique,n’ait pas trop d’effets négatifs sur la marqueet contribue même à son développement,plusieurs points doivent être gardés enmémoire.

1. Place de la promotion dans la stratégie marketing

Le recours intensif à la promotion et aumarketing opérationnel est justifié plusdans une approche distribution (push) quedans une approche client (pull) pourlaquelle les dépenses de communicationsont indispensables. Plus l’échange avec ledistributeur est relationnel (transactionnel),plus l’industriel utilise la publicité (la pro-motion), la part de marché amplifiant ceteffet (Anselmi, 2000). Le linéaire exerçantune influence prépondérante sur la valeurd’une marque de produits de grandeconsommation (Tourtoulou et Dietsch,2002), la promotion consommateur contri-bue donc au capital-marque par un gaind’espace en magasin (tête de gondole) et devisibilité (prospectus, stop-rayon) alors quela promotion distributeur augmente legoodwill de la marque auprès de celui-ci.L’interrogation sur la valeur ajoutée de lamarque pour le client doit être la premièrequestion posée. Car la promotion est utili-sée dans deux contextes différents : le pre-mier correspond à un contexte où la marqueest forte, avec les promotions d’attaque

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(augmentant le référencement, favorisantl’essai), le second à une situation de fai-blesse (promotions de défense) où le sup-plément de prix demandé ne semble plusjustifié par la valeur apportée par la marque,l’objectif est alors le maintien du niveau desventes à court terme. Loin d’être la sourcede la baisse de valeur de la marque, les pro-motions pratiquées (plus de produit, prixplus faible) ne sont alors que le constat del’incapacité de la marque à apporter unevaleur spécifique.La politique promotionnelle doit intégrer lapolitique de prix. Au capital-marque estassocié un prix de référence que le clientutilise comme point de référence pour éva-luer une offre. Le niveau de ce prix de réfé-rence évolue en fonction des prix observéset des promotions fréquentes le réduisent.Bien plus, les élasticités de la demande auprix et à la publicité sont, elles aussi,influencées : l’élasticité de la demande auprix s’accroît lorsque la publicité décroît etlorsque la pression promotionnelle estaccrue. Si la publicité a un effet positif surle capital-marque, les réductions de prixpromotionnelles ont un effet négatif (Jedidiet al.,1999).L’arbitrage entre publicité et promotionpour le développement du capital-marquedépend des circonstances. Il est à l’avantagede la promotion lorsque le produit est enphase de maturité de son cycle de vie oulorsque le prix relatif ou la part de marchéde la marque sont plus faibles. Au contraire,il est à l’avantage de la publicité s’il s’agitd’un produit nouveau. D’autres facteurscomme la pression des résultats à courtterme, le poids important des distributeurset la faible expérience des décideurs,conduisent les managers à privilégier lapromotion (Low et Mohr, 2000).

La conclusion d’un surinvestissement pro-motionnel et la mise en œuvre d’une réduc-tion des moyens promotionnels ne consti-tuent pas une garantie de l’amélioration dela rentabilité car l’efficacité de ce change-ment de stratégie dépend des réactions desconcurrents et des partenaires distributeurs.La réduction et la réallocation des budgetsmarketing d’un groupe lessivier internatio-nal aux dépens de la promotion n’a pasconduit à une amélioration de la rentabilité(Ailawadi et al.,2001).

2. Place de la promotion dans le mix-marketing

Sur le plan tactique, les promotions offrentdes avantages spécifiques pour le dévelop-pement du capital de la marque. Les pers-pectives récentes soulignent la contributionde l’expérience, notamment le service, àl’enrichissement de l’image de marque. Orla force de la promotion est de mettre lerécepteur en action et de lui offrir uncontact direct, ce qui permet une expériencede consommation qui informe sur certainsattributs (essai, dégustation, etc.) et élargitainsi l’ensemble des marques acceptables.Au-delà de cette expérience marque-client,d’autres expériences non commercialesentre les clients peuvent aussi être stimuléespar des opérations promotionnelles au seinde clubs ou de communautés.Si les promotions prix peuvent réduire àmoyen terme le prix de référence, à courtterme elles constituent une alternative à labaisse de prix et permettent de maintenir, aumoins momentanément, un prix tarif stable.Cependant du fait de l’effet négatif à moyenterme et lorsque les prix de référence sontperturbés, comme actuellement avec l’euro,il est préférable d’utiliser d’autres tech-niques économiques comme le produit en

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plus et, surtout, le produit gratuit qui al’avantage de ne pas générer de coûts indus-triels spécifiques.Conditionnelle, et éventuellement person-nalisée, la promotion est un instrument decommunication souple, ciblé et à l’effica-cité contrôlable. Par opposition à une com-munication publicitaire souvent perçuedans un contexte de faible écoute et impli-cation, la promotion est toujours impli-quante car elle exige un comportement departicipation. De plus, dans une approchecapital-client, elle offre des échanges spéci-fiques et donc des possibilités d’accumula-tion d’informations et constitue un vecteurincontournable dans le cadre des pro-grammes de fidélisation et des bases dedonnées clients tant des industriels que desdistributeurs.Pour amplifier les effets positifs et limiterles effets négatifs de la promotion sur lamarque, une attention particulière doit êtreportée à deux points de l’offre promotion-nelle. Les offres doivent être adaptées auproduit et aux attentes des clients. Unecohérence entre les bénéfices (hédoniquesou utilitaires) de la promotion et ceux duproduit permet d’obtenir une plus grandeefficacité (Chandon et al., 2000). Une offrepromotionnelle doit toujours avoir unecontrepartie ou, au moins, une justificationplausible. Lorsque le client s’interroge surles raisons de l’opération ou lorsqu’aucuneffort particulier ne lui est demandé, l’effetnégatif sur l’attitude vis-à-vis de la marqueest d’autant plus probable que l’attitudeactuelle est faible, comme c’est le cas pourles nouveaux produits.

3. Les effets promotionnels

La question de la mesure des effets promo-tionnels est complexe car, au-delà des effets

immédiats, ils doivent être pris en comptetant au niveau dynamique qu’à différentsniveaux d’agrégation.Pour les produits de grande consommation,les effets promotionnels à court terme surles ventes sont souvent importants maisdépendent de la communication promotion-nelle : l’effet d’une réduction de prix est trèsnettement accru avec sa mise en avant pro-motionnelle en magasin (tête de gondole)ou hors magasin (prospectus). Les effetsdes promotions économiques sont trèsimportants, l’élasticité des ventes au prixest d’un ordre de grandeur 10 à 20 foissupérieur à l’élasticité à la publicité (– 1,7contre 0,1 à 0,2) (Sethuraman et Tellis,1991).On ne doit cependant pas se contenter de ceconstat car ces effets à court terme doiventêtre minorés. En effet la valeur de référenceutilisée pour le calcul du volume incrémen-tal est sous-estimée: du fait de la pressionpromotionnelle, une partie des volumesvenant de l’anticipation d’un achat ou dustockage par les clients ayant adapté leurcomportement (Mela et al., 1997).Pour les techniques de prix, les effets diffé-rés sont, au mieux, nuls et au pire significa-tivement négatifs, de l’ordre des deux cin-quième de l’effet immédiat. À titre decomparaison, les effets publicitaires diffé-rés sont positifs et du même ordre de gran-deur que l’effet observé la première année(Lodish et al., 1995).Un effet net et positif sur les ventes ne suf-fit pas pour garantir la rentabilité de l’opé-ration car les coûts de communication pro-motionnelle sont très importants qu’ilssoient industriels pour les promotions on-pack ou d’achat d’espace. Ce coût impor-tant conduit à des coopérations internes(méga-promotion des marques d’un même

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groupe) ou externes. Dans ce cas, qu’ellessoient horizontales (copromotion) ou verti-cales avec un distributeur (trade-promotion), les contributions réelles aucapital de la marque sont alors plus incer-taines et plus difficiles à évaluer.La promotion influence la composition dela clientèle. La communication publicitaireaccroît la part du segment des clients fidèleset réduit l’élasticité-prix. Pour la promotionles effets sont plus complexes, différentselon la technique, et dépendent de la fidé-lité des clients : la promotion-prix accroîtl’élasticité-prix, surtout pour le segment desnon-fidèles, les autres promotions ont deseffets inverses selon les segments : commepour la publicité, la promotion réduitl’élasticité-prix du segment des clientsfidèles mais elle l’accroît fortement pour lesegment des non-fidèles (Mela et al.,1997).

CONCLUSION

Les managers s’interrogent sur l’effet de lapromotion sur le capital-marque, cet effetserait double, par la baisse de la qualité per-çue de la marque et par la réduction de l’ef-ficacité des investissements publicitaires.Ces deux politiques ont en effet des actionscomplémentaires mais aussi parfois contra-dictoires : la publicité cherche à créer ou àmettre en valeur une marque pour différen-

cier l’offre et réduire l’élasticité-prix or leseffets positifs des promotions prix surl’élasticité-prix sont avérés. Cette relationn’est cependant pas une relation de causa-lité et l’emploi des promotions prix estrévélateur d’une incapacité de la marque àcréer un supplément de valeur pour leclient.Au-delà des techniques économiques, deréduction de prix et de supplément produit,la promotion offre aussi de nombreux avan-tages tant sur le plan de la communicationque sur celui de la gestion de l’échange.Associée à une plus forte implication de lapart du destinataire, permettant de faire res-sortir un produit en linéaire, stimulant lescomportements de manière conditionnelleet personnalisée, la promotion est aussi unformidable outil de communication. Desmédias diversifiés, des offres on-pack aumarketing direct, permettent une communi-cation au plus près de l’acte d’achat (enmagasin) ou de consommation (cuisine,salle de bain). La promotion est aussi l’ex-pression d’un échange de plus en plus per-sonnalisé qui a amené de nombreuses entre-prises à prendre conscience de la nécessitéde gérer une interaction avec leurs clientsassociant ainsi la notion de capital-client àcelle de capital-marque et passant d’unmarketing de masse à une gestion de la rela-tion client.

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BIBLIOGRAPHIE

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