2
Annales de pathologie (2009) 29S, S86—S87 SYMPOSIUM / Pathologie ostéoarticulaire non tumorale Prothèses : descellement mécanique ou septique ? Frédérique Larousserie Service d’anatomie et cytologie pathologiques, faculté de médecine Paris-Descartes, groupe hospitalier Cochin-Saint-Vincent-de-Paul, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75674 Paris cedex 14, France Accepté pour publication le 28 juillet 2009 Disponible sur Internet le 6 octobre 2009 Après dix ans, moins de 10 % des prothèses totales de hanche sont descellées et nécessitent un remplacement [1]. La cause la plus fréquente de descellement tardif est aseptique, par réaction inflammatoire aux débris d’usure prothétique. Les matériaux les plus couramment utilisés pour les prothèses sont des alliages métal- liques (acier inoxydable, chrome-cobalt, titane, pour la pièce fémorale), le polyéthylène (pour les cotyles artificiels) et les céramiques (tête fémorale ou cotyle), moins utilisées. Les prothèses peuvent être scellées à l’aide de ciment (polyméthylmétacrylate) ou non. Lors de la mise en place d’une prothèse, le tissu osseux dans lequel est inséré le corps étranger subit des modifications nécrotiques post-traumatiques. Il est secondairement résorbé et remplacé par un tissu fibreux dit « tissu d’interposition », situé entre la pro- thèse et l’os préexistant, ou entre le ciment et l’os préexistant. Dans un second temps, sous l’effet des contraintes mécaniques, le remodelage osseux va aboutir à une ostéo- intégration plus ou moins complète, dont la qualité dépend de la bonne fixation initiale et de l’existence de contraintes mécaniques minimales (absence d’ostéo-intégration des prothèses humérales). Lors du remplacement d’une prothèse descellée, le tissu d’interposition est rarement communiqué pour étude anatomopathologique. L’étude de la « néosynoviale », qui n’est pas responsable en elle-même du descellement, permet néanmoins de déterminer la cause de celui-ci : granulome aux débris d’usure prothétique et infection locale. Macroscopiquement, le tissu synovial normal est adipeux ou fibroadipeux ; le tissu capsulaire est dense, blanchâtre, parfois translucide. Les néosynoviales ou néocapsules correspondent le plus souvent à un tissu blanchâtre d’aspect fibreux. Leur surface est le plus souvent plane et lisse, sans franges synoviales visibles. Dans le cas d’une infection, la surface peut présenter un aspect irrégulier, brunâtre hémorragique. Des foyers jaunâtres en surface ou au sein du tissu fibreux évoquent un granulome aux débris d’usure prothé- tique. Dans le cas d’une métallose, le tissu est grisâtre ou noirâtre selon l’abondance des particules métalliques. L’échantillonnage des prélèvements doit être soigneux, car les lésions de la synoviale sont souvent hétérogènes d’un territoire à l’autre. Microscopiquement, le granulome aux débris d’usure prothétique correspond à des nappes de macrophages et de cellules géantes multinucléées, dont l’abondance relative dépend de la taille des corps étrangers [2]. Symposium présenté le mardi 17 novembre 2009, de 14 h 30 à 16 h 30 dans la salle 101. Adresse e-mail : [email protected]. 0242-6498/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annpat.2009.07.052

Prothèses : descellement mécanique ou septique ?

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Prothèses : descellement mécanique ou septique ?

A

S

P

0d

nnales de pathologie (2009) 29S, S86—S87

YMPOSIUM / Pathologie ostéoarticulaire non tumorale

rothèses : descellement mécanique ou septique ?�

Frédérique Larousserie

Service d’anatomie et cytologie pathologiques, faculté de médecine Paris-Descartes,groupe hospitalier Cochin-Saint-Vincent-de-Paul, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques,75674 Paris cedex 14, France

Accepté pour publication le 28 juillet 2009Disponible sur Internet le 6 octobre 2009

Après dix ans, moins de 10 % des prothèses totales de hanche sont descellées etnécessitent un remplacement [1]. La cause la plus fréquente de descellement tardif estaseptique, par réaction inflammatoire aux débris d’usure prothétique.

Les matériaux les plus couramment utilisés pour les prothèses sont des alliages métal-liques (acier inoxydable, chrome-cobalt, titane, pour la pièce fémorale), le polyéthylène

(pour les cotyles artificiels) et les céramiques (tête fémorale ou cotyle), moins utilisées.Les prothèses peuvent être scellées à l’aide de ciment (polyméthylmétacrylate) ou non.

Lors de la mise en place d’une prothèse, le tissu osseux dans lequel est inséré le corpsétranger subit des modifications nécrotiques post-traumatiques. Il est secondairementrésorbé et remplacé par un tissu fibreux dit « tissu d’interposition », situé entre la pro-thèse et l’os préexistant, ou entre le ciment et l’os préexistant. Dans un second temps,sous l’effet des contraintes mécaniques, le remodelage osseux va aboutir à une ostéo-intégration plus ou moins complète, dont la qualité dépend de la bonne fixation initialeet de l’existence de contraintes mécaniques minimales (absence d’ostéo-intégration desprothèses humérales).

Lors du remplacement d’une prothèse descellée, le tissu d’interposition est rarementcommuniqué pour étude anatomopathologique. L’étude de la « néosynoviale », qui n’estpas responsable en elle-même du descellement, permet néanmoins de déterminer la causede celui-ci : granulome aux débris d’usure prothétique et infection locale.

Macroscopiquement, le tissu synovial normal est adipeux ou fibroadipeux ; le tissucapsulaire est dense, blanchâtre, parfois translucide. Les néosynoviales ou néocapsulescorrespondent le plus souvent à un tissu blanchâtre d’aspect fibreux. Leur surface est leplus souvent plane et lisse, sans franges synoviales visibles. Dans le cas d’une infection, lasurface peut présenter un aspect irrégulier, brunâtre hémorragique. Des foyers jaunâtresen surface ou au sein du tissu fibreux évoquent un granulome aux débris d’usure prothé-tique. Dans le cas d’une métallose, le tissu est grisâtre ou noirâtre selon l’abondance desparticules métalliques.

L’échantillonnage des prélèvements doit être soigneux, car les lésions de la synovialesont souvent hétérogènes d’un territoire à l’autre. Microscopiquement, le granulome auxdébris d’usure prothétique correspond à des nappes de macrophages et de cellules géantesmultinucléées, dont l’abondance relative dépend de la taille des corps étrangers [2].

� Symposium présenté le mardi 17 novembre 2009, de 14 h 30 à 16 h 30 dans la salle 101.Adresse e-mail : [email protected].

242-6498/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.annpat.2009.07.052

Page 2: Prothèses : descellement mécanique ou septique ?

Prothèses : descellement mécanique ou septique ?

Les particules de grande taille (> 25 �m), comme lesgrands débris de polyéthylène ou le ciment, sont entouréspar des cellules géantes multinucléées. Les débris de poly-éthylène, qui peuvent mesurer plus de 100 �m de grand axe,sont faciles à identifier : ils sont arciformes, avec des extré-mités effilées et des limites nettes, transparents en lumièreblanche et fortement biréfringents en lumière polarisée.Le ciment se présente sous la forme d’amas optiquementvides à contours polycycliques, de taille variée, souventtrès grande, parfois millimétrique. Ces amas renferment

des grains de petit calibre (0,5 à 2 �m), souvent regroupésen amas, de répartition hétérogène. Ces grains légèrementbrunâtres en lumière blanche et à centre clair sont faible-ment biréfringents en lumière polarisée. Ils correspondentà l’opacifiant du ciment, le sulfate de baryum ou le dioxydede zirconium.

Les débris prothétiques de petite taille (petits débrisde polyéthylène, métal et opacifiant du ciment) sont pha-gocytés par les macrophages. Les petits fragments depolyéthylène, souvent invisibles en lumière blanche, sontfacilement détectés en lumière polarisée en raison deleur forte biréfringence. Les particules métalliques sont deforme et de taille variées, à contour irrégulier, anguleux, enaiguille ou en bâtonnet, de coloration noire dense. Les céra-miques sont des matériaux peu utilisés. Leur usure aboutità la formation de grains jaunâtres ou brunâtres à contoursirréguliers et à centre clair de 0,5 à 10 �m de diamètre.

Une infection locale est affirmée devant des imagesde synovite aiguë érosive, avec une ulcération focale durevêtement synoviocytaire, qui est remplacé par un bour-geon charnu inflammatoire et recouvert par un exsudatfibrinoleucocytaire. La présence de quelques polynucléairesneutrophiles au sein du tissu sous-synoviocytaire, sans éro-sion associée, est plus délicate à interpréter. De nombreusesétudes ont cherché à déterminer la sensibilité, la spécificité,les valeurs prédictives positive et négative de la numéra-

S87

tion des polynucléaires neutrophiles pour le diagnostic d’uneinfection locale évolutive. Selon les études, le seuil choisivarie d’un [3] à cinq [4], voire à dix polynucléaires neutro-philes [5] par champ à fort grandissement. Les conclusionsde ces études diffèrent : certaines montrent une valeur pré-dictive positive élevée pour un nombre de polynucléairesneutrophiles supérieur à 5 par grand champ [5] ; d’autresconcluent à une valeur prédictive négative élevée : uneinfection serait peu probable en l’absence d’infiltrat à poly-nucléaires neutrophiles [4].

Un infiltrat inflammatoire particulièrement riche en plas-

mocytes pourrait orienter vers une infection chronique [6].Une inflammation granulomateuse épithélioïde ou giganto-cellulaire fait suspecter une arthrite à mycobactéries.

Références

[1] Berry DJ, Harmsen WS, Cabanela ME, Morrey BF. Twenty-five-year survivorship of two thousand consecutive primaryCharnley total hip replacements: factors affecting survivorshipof acetabular and femoral components. J Bone Joint Surg Am2002;84:171—7.

[2] Cordonnier C, Sevestre H, Gontier MF. Les corps étrangers aprèsprothèse totale de hanche. Ann Pathol 1997;17:100—8.

[3] Pandey R, Berenst AR, Athanasou NA. Histological and micro-biological findings in non-infected and infected revisionarthroplasty tissues. Arch Orthop Trauma Sur 2000;120:570—4.

[4] Wong YC, Lee QJ, Wai YL, Ng WF. Intraoperative frozen sectionsfor detecting active infection in failed hip and knee arthroplas-ties. J Arthroplasty 2005;20:1015—20.

[5] Kataoka M, Torisu T, Tsumura H, Yoshida S, Takashita M.An assessment of histopathological criteria for infection injoint arthroplasty in rhumatoid synovium. Clin Rheumatol2002;21:159—63.

[6] Pandey R, Drakoulakis E, Athanasou NA. An assessment of thehistological criteria used to diagnose infection in hip revisionarthroplasty tissues. J Clin Pathol 1999;52:118—23.