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Psoriasis, syndrome métabolique et ses composants Psoriasis, metabolic syndrome and its components © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Annales de dermatologie (2008) 135, supplément 4, S235-S242 J.-P. Ortonne CHU de Nice, Service de Dermatologie, Hôpital l’Archet 2, Avenue St Antoine de Ginestière, 06100 Nice, France Résumé Le psoriasis est une dermatose chronique qui se caractérise par une inflammation. Des études récentes ont montré que l’inflammation chronique joue un rôle important dans la pathogénie de nombreuses maladies métaboliques et vasculaires. De plus, les maladies médiées par les lymphocytes TH1 ont été liées à l’infarctus du myocarde. Des enquêtes épidémiologiques ont montré que le psoriasis est associé à un risque accru de co-morbidités et de mortalité par comparaison à la population générale. Ainsi, les patients psoriasiques ont une prévalence élevée de pathologies métaboliques telles que le diabète, l’hypertension, l’obésité et l’hyperlipidémie. Ces affections concomitantes peuvent com- pliquer la prise en charge thérapeutique du psoriasis. Il est important que le dermatologue recherche systématiquement ces pathologies concomitantes chez les patients psoriasiques. Ces données suggèrent également que les traitements de ces patients améliorent non seule- ment les lésions cutanées, mais contrôlent également l’inflammation associée au psoriasis. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract The psoriasis is a chronic dermatosis which is characterized by strong inflammation. Recent studies showed that the chronic inflammation plays an important part in the pathogenesis of many metabolic and vascular diseases. Moreover, the diseases mediated by lymphocytes TH1 were related to the myocardial infarction. Epidemiologic investigations showed that psoriasis is associated at the increased risk of Co- morbidities and mortality per comparison to the general population. Thus, the psoriatic pa- tients have a high prevalence of metabolic pathologies such as the diabetes, hypertension, obesity and hyperlipidemy. These concomitant affections can complicate the treatment of psoriasis. It is important that the dermatologist systematically seeks these concomitant pathologies among psoriatic patients. These data also suggest that the treatments of these patients improve not only the skin lesions, but also control the inflammation associated with the psoriasis. © 2008 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] MOTS CLÉS Psoriasis ; Syndrome métabolique ; Obésité ; Diabète ; Risque cardio-vasculaire KEYWORDS Psoriasis; Metabolic syndrome; Obesity; Diabetes; Cardiovascular risk

Psoriasis, syndrome métabolique et ses composants

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Psoriasis, syndrome métabolique et ses composants

Psoriasis, metabolic syndrome and its components

© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Annales de dermatologie (2008) 135, supplément 4, S235-S242

J.-P. Ortonne

CHU de Nice, Service de Dermatologie, Hôpital l’Archet 2, Avenue St Antoine de Ginestière, 06100 Nice, France

RésuméLe psoriasis est une dermatose chronique qui se caractérise par une infl ammation. Des études récentes ont montré que l’infl ammation chronique joue un rôle important dans la pathogénie de nombreuses maladies métaboliques et vasculaires. De plus, les maladies médiées par les lymphocytes TH1 ont été liées à l’infarctus du myocarde. Des enquêtes épidémiologiques ont montré que le psoriasis est associé à un risque accru de co-morbidités et de mortalité par comparaison à la population générale. Ainsi, les patients psoriasiques ont une prévalence élevée de pathologies métaboliques telles que le diabète, l’hypertension, l’obésité et l’hyperlipidémie. Ces affections concomitantes peuvent com-pliquer la prise en charge thérapeutique du psoriasis. Il est important que le dermatologue recherche systématiquement ces pathologies concomitantes chez les patients psoriasiques. Ces données suggèrent également que les traitements de ces patients améliorent non seule-ment les lésions cutanées, mais contrôlent également l’infl ammation associée au psoriasis.© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

AbstractThe psoriasis is a chronic dermatosis which is characterized by strong infl ammation. Recent studies showed that the chronic infl ammation plays an important part in the pathogenesis of many metabolic and vascular diseases. Moreover, the diseases mediated by lymphocytes TH1 were related to the myocardial infarction. Epidemiologic investigations showed that psoriasis is associated at the increased risk of Co-morbidities and mortality per comparison to the general population. Thus, the psoriatic pa-tients have a high prevalence of metabolic pathologies such as the diabetes, hypertension, obesity and hyperlipidemy. These concomitant affections can complicate the treatment of psoriasis. It is important that the dermatologist systematically seeks these concomitant pathologies among psoriatic patients. These data also suggest that the treatments of these patients improve not only the skin lesions, but also control the infl ammation associated with the psoriasis. © 2008 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Correspondance. Adresse e-mail : [email protected]

MOTS CLÉSPsoriasis ; Syndrome métabolique ; Obésité ; Diabète ; Risque cardio-vasculaire

KEYWORDSPsoriasis; Metabolic syndrome; Obesity; Diabetes; Cardiovascular risk

S236 J.-P. Ortonne

Le syndrome métabolique, encore appelé « syndrome X » ou « syndrome d’insulino-résistance », est un groupe de désordres cliniques fréquents comprenant l’obésité,

l’insulino-résistance, l’intolérance au glucose, l’hyperten-sion, la dyslipidémie (hypertriglycéridémie…). Ce syndrome est par ailleurs associé à un risque accru de maladies cardiovasculaires et de diabète de type 2. Le syndrome métabolique est actuellement en pleine expansion dans le monde et l’intérêt qui lui est dévolu est illustré par le grand nombre de publications scientifi ques qui lui sont consacrées (plus de 1 300 depuis le début de l’année 2007).

Il reste encore de nombreuses questions sans réponses concernant le syndrome métabolique. Le regroupement des pathologies qui le défi nissent correspond-il simplement à une construction artifi cielle ou à une réalité ? Ce concept a-t-il une utilité pour le diagnostic et le traitement de ce syndrome ? De nombreuses études suggèrent que le psoria-sis serait fréquemment associé au syndrome métabolique, au point que certains ont suggéré que le psoriasis pourrait être un des éléments du syndrome métabolique. Cette revue a pour but d’examiner les nombreuses publications concernant l’association du psoriasis et/ou de l’arthrite psoriasique avec le syndrome métabolique et/ou ses diffé-rents composants.

Psoriasis, et syndrome métabolique (Tableau 1)

Deux études ont recherché l’association entre le syndrome métabolique et le psoriasis. La première a porté sur 581 patients atteints de psoriasis et une population témoin non psoriasique de 1 044 personnes. Le diagnostic de syndrome métabolique a été établi à partir de critères de l’OMS. L’ana-lyse statistique montre très clairement la prévalence accrue du syndrome métabolique dans le groupe de patients psoriasiques (OR = 5, 92) [1]. La deuxième étude (cas contrôle) a porté sur un groupe de patients moins important (338 psoriasiques et 334 non-psoriasiques). Le syndrome métabolique était plus fréquent dans le groupe psoriasis que dans le groupe témoin. À noter l’absence de corrélation entre la sévérité du psoriasis et la prévalence du syndrome métabolique. De plus, les patients psoriasiques porteurs de syndrome métabolique étaient plus âgés avec un psoriasis plus ancien que les patients psoriasiques indemnes de syndrome métabolique [2].

Aucune de ces deux études ne permettait d’identifi er le facteur initiateur de cette association. Toutefois, l’absence

de corrélation entre la sévérité du psoriasis et la présence du syndrome métabolique pourrait suggérer que c’est l’obésité qui favorise l’éclosion du psoriasis. Toutefois cette question n’a actuellement pas de réponse, car certaines observations suggèrent que le psoriasis est l’initiateur de l’association.

Psoriasis et obésité (Tableau 2) [3,4]

Une étude scandinave ancienne a montré, en 1986, que la prévalence de l’obésité est élevée chez les femmes atteintes de psoriasis [5]. Depuis cette publication, quelques études seulement ont été réalisées à ce sujet, mais elles fournissent des informations très précises qui confortent l’hypothèse d’une association entre l’obésité et le psoriasis.

Une première étude américaine (Utah) a montré que la prévalence de l’obésité dans une cohorte de patients atteints de psoriasis est plus élevée que dans la population générale (34 p. cent versus 18 p. cent, p < 0,01). D’après les auteurs, l’obésité paraît plus être la conséquence du psoriasis qu’un facteur de risque du psoriasis [6]. En effet, dans cette cohorte, le surpoids et l’obésité se manifestaient après le début du psoriasis. Une deuxième étude américaine [7], portant sur une cohorte de 78 826 femmes suivies pen-dant 14 ans, met en évidence une association positive entre l’IMC (indice de masse corporelle) et le risque de psoriasis. Les conclusions de cette étude diffèrent de celles de la précédente. En effet, les mesures multiples (tous les 2 ans) de l’IMC, du tour de taille, du rapport des circonférences taille/hanches depuis l’âge de 18 ans, ont permis de montrer que ces facteurs augmentent le risque de survenue du psoria-sis. Selon les auteurs, l’augmentation du risque de psoriasis augmente avec l’augmentation de l’adiposité, démontrant une forte et conséquente dose-réponse. À l’inverse, un IMC ≤ 21 est associé à un risque faible de psoriasis [7]. Cette étude mérite toutefois d’être confi rmée car elle comporte certaines faiblesses (pas de confi rmation par un diagnostic clinique du diagnostic de psoriasis rapporté par les patients). S’il s’avère exact que l’obésité est un facteur de risque, les régimes diététiques pourraient être une stratégie effi cace de prévention et de prise en charge chez les patients avec une prédisposition pour le surpoids.

Seule une étude récente cas-témoin, portant sur 200 patients psoriasiques dont la dermatose avait moins de 1 an, ne met pas en évidence de différence de la préva-lence de l’obésité entre les deux groupes (psoriasis versus

Tableau 1 Syndrome métabolique et psoriasis.

Références Protocole Cohorte population Risque relatif

Sommer et al. 2006 [1] Rétrospectif Ps 581

C 1044

OR : 5,92 (CI : 2,78 – 1,28)

Gisondi et al. 2007 [2] Cas-contrôle Ps 338

C 334

OR : 1,65 (CI : 1,16 – 2,35)

Abréviations : OR = Odd ratio ; CI = intervalle de confi ance ; Ps = patient psoriasique ; C = patient témoin

Psoriasis, syndrome métabolique et ses composants S237

contrôle). Ce résultat peut s’expliquer par le fait que le psoriasis précéderait la survenue de l’obésité [8]. Une autre publication portant sur deux banques de données ne montre pas de différence pour la prévalence de l’obésité entre le groupe de patients psoriasiques et la population générale [9]. Il faut souligner que le nombre de patients atteints de psoriasis était restreint dans ces deux banques, respectivement 69 et 331.

Enfi n, les très nombreuses études internationales réali-sées au cours du développement des biothérapies incluant des patients atteints de psoriasis modérés à sévères ont montré la grande fréquence de l’obésité dans cette popu-lation [10].

Au total, l’association obésité-psoriasis parait très probable. Il reste à déterminer quel est le rôle respectif de chacune des deux affections.

Dyslipidémie et psoriasis (Tableau 3) [11]

L’association du psoriasis à une dyslipidémie est évoquée depuis de très nombreuses années. Ces différentes études qui ont porté sur des enfants ou des adultes atteints de psoriasis ont conclu à la présence d’une dyslipidémie athérogène chez les patients atteints de psoriasis. La majorité de ces études mentionnait une hypertriglycéri-démie, une élévation du cholestérol total ou des very low density lipoproteins du cholestérol (VLDLc), et des low

density lipoproteins (LDL), ainsi qu’une diminution des taux de high density lipoproteins du cholestérol (HDLc). Le rôle des traitements systémiques, en particulier des rétinoïdes, a été évoqué, de même que le tabagisme et l’obésité.

Toutefois, des études plus récentes ont mis en évidence dès le début du psoriasis un profi l lipidique particulier associant une concentration élevée de cholestérol dans les fractions VLDL qui est indépendant des facteurs suivants : âge, sexe, IMC, tabagisme, tension artérielle, activité physique et alcoolisme). Cette indépendance suggère que cette dyslipoprotéinémie athérogène pourrait être d’origine génétique plutôt qu’acquise [12,13].

Diabète et insulino-résistance (Tableau 4) [14,15]

Plusieurs études épidémiologiques ont suggéré l’association entre le psoriasis et le diabète [5,16-18]. L’étude de Hense-ler et Christophers [19] est particulièrement convaincante sur la base d’un rapport O/E (O = nombre de sujets observés sur E = nombre de sujets attendus). Ces auteurs ont montré un rapport supérieur à 1 (1,47 p < 0,05) qui suggère for-tement l’association psoriasis et diabète. Ultérieurement, plusieurs études ont rapporté des observations similaires, suggérant très fortement l’association psoriasis -diabète de type 2.

Tableau 2 Obésité et Psoriasis

Références Protocole Cohorte population Risque relatif

Naldi et al.

2005 [3]

Cas contrôle Ps 560

C 690

IMC > 30 vs IMC < 26 ;

O.R. : 1,9 (CI : 1,2 - 2,8)

Herron et al.

2005 [6]

Cas contrôle prospectif

UPI « Ps »= 557

UTAH « C » = 4080

Prévalence Ob : UPI « Ps » vs UTAH « C »: 34 % vs 18 %

UPI « Ps » vs UTAH « C »: OR : 2,39 (CI : 1,98 - 2,9)

Setty et al.

2007 [7]

Prospectif Cohorte de 78.626 femmes

de 1991 à 2005

Ps 892

IMC : 29,9 – 25 vs 22,9 – 21

RR : 1,4 (CI: 1,13 – 1,73)

IMC : 34,9 – 30 vs 22,9 – 21

RR : 1,48 (CI : 1,15 – 1,91)

IMC : > 35 21

RR : 2,69 (CI: 2,3 - 3,4)

Mallbris et al.

2006 [12]

Prospectif Ps 200

C 285

IMC, Aucune différence entre psoriasis et témoins

Sato R. et al.

2006 [4]

Observationnel Ps 2884 IMC ≥ 30 : RR : 1,19 (CI : 0,91 – 1,55)

Ob (dg clinique) RR : 1,38 (CI : 1,11 – 1,71)

Abréviations : IMC = Index de masse corporelle ; Ob = obésité ; OR = odd ratio ; Ps = patient psoriasique ; UPI « Ps » = Utah Psoriasis Initiative ; UTAH « C » = Utah General Population

S238 J.-P. Ortonne

Une étude récente, portant sur 44 patients (22 atteints de psoriasis et 22 témoins) a évalué la sécrétion d’insuline et la sensibilité à l’insuline dans ces deux groupes. Aucune différence entre les psoriasiques et les témoins n’a été observée. L’impact de cette étude est cependant limité par le faible nombre des patients étudiés [20]. Les auteurs ont

toutefois observé une corrélation positive entre la sensibi-lité à l’insuline et la durée du psoriasis. Une seconde étude [21], incluant 70 patients psoriasiques et 110 témoins, a montré que les patients psoriasiques ont plus fréquemment une insulino-résistance que les témoins. Ils ont par ailleurs observé que les patients atteints de psoriasis de type 2

Tableau 3 Dyslipidémie et psoriasis

Références Protocole Cohorte population Risque relatif

Neimann A et al. (DII) 2006 [11] Banque de données Ps 131 560

C 556 995

OR : 1,21 (CI : 1,17 – 1,25)

Sommer et al. 2006 [1] Rétrospectif Ps 581

C 1044

OR : 2,09 (CI : 1,23 – 3,53)

Gelfand JM et al. 2006 [25] Prospectif

Cohorte

Psm 127.139

Pss 3.837

C 556 – 995

Prévalence

Psm 4,58 %

Pss 5,92 %

C 3,33

Abréviations : OR= odd ratio ; CI = intervalle de confi ance ; Ps = patient psoriasique ; C= patient témoin ; Psm= psoriasis mineur ; Pss= psoriasis sévère

Tableau 4 Diabète insulino-résistant et psoriasis

Références Protocole Cohorte population Risque relatif

Gelfand JM et al. 2006 [25]

Prospectif

Cohorte

Psm 127.139

Pss 3.837

C 556 – 995

p ≤ 0,001

p = 0,001

Neimann A et al. (DII) 2006 [11]

Banque de données Ps 131 560

C 556 995

OR: 1,21 (1,17 – 1,25)

Sato R et al.

2006 [4]

Observationnel Ps. 2884 OR: 1,53 (1,05 – 2,25)

Sommer DM et al. (DII) [1]

Rétrospectif Ps. 581

T. 1044

OR: 2.48 (1,7 – 3,61)

Sommer DM et al.

2006 [1]

Rétrospectif Ps 581 OR : 5,92 (2,78 – 12,8)

Gisondi P et al. [2] Cas-contrôle Ps 338

C 334

OR : 1,65 (1,16 – 2,35)

Robinson D Jr.

2006 [14]

Banque de données Ps Dataset A 23 897

Ps Dataset B 30 558

Dataset A : OR : 1,17 (CI : 1,12 – 1,23)

Dataset B : OR : 1,22 (CI : 1,17 – 1,28)

Shapiro J et al.

2007 [15]

Cohorte

Database

Ps 46 095

C 1 579 037

OR : 1,27 (CI : 1,1 – 1,48)

Abréviations : OR = odd ratio ; Ps = patient psoriasique ; C = patient témoin ; Psm = psoriasis mineur ; Pss = psoriasis sévère

Psoriasis, syndrome métabolique et ses composants S239

(tardif) ont plus fréquemment une intolérance au glucose que ceux qui ont un psoriasis de type 1 (psoriasis précoce).

Cette étude n’a pas mis en évidence de corrélation entre la survenue d’une insulino-résistance et la durée et la sévérité du psoriasis. Il faut souligner que le PASI des sujets inclus dans cette étude à varié de 1 à 18, ce qui signifi e que l’étude a porté sur des psoriasis mineurs et modérés. Par ailleurs, aucun obèse n’a été inclus dans cette étude.

Au total, même si de nombreuses études ont montré une corrélation entre le diabète et le psoriasis, l’ampleur de cette association mérite d’être précisée en intégrant dans

les études futures des paramètres importants, tels que la durée et la sévérité du psoriasis, ainsi que l’infl uence du tabagisme et de l’obésité (IMC).

Hypertension artérielle (HTA) et psoriasis (Tableau 5)

La première observation d’une association entre le psoriasis et l’HTA date de 1977 [22]. Elle a été suivie et confi rmée par

Tableau 5 Affections cardiovasculaires et psoriasis

Références Protocole Cohorte population Risque relatif

Hypertension artérielle

Robinson D Jr. 2006 [14] Banque de données Ps Dataset A 23.897Ps Dataset B 30.558

OR 1,12 (CI : 1,08 – 1,15)OR 1,17 (CI : 1,12 – 1,23)

Neimann et al. 2006 [11] Banque de données Ps 131 560C 556 995

OR : 1,18 (CI : 1,15 – 1,21)OR : 1,21 (CI : 1,27 - 1,25)

Sato R. et al. 2006 [4] Observationnel Ps 2884 OR : 1,36 (CI : 1,07 – 1,73)

Sommer DM et al. 2006 [1] Rétrospectif Ps 581C 1044

OR : 3,27 (CI : 2,41 – 4,43)

Athérosclérosis

Robinson D Jr. 2006 [14] Banque de données Ps Dataset A 23 897Ps Dataset B 30 558

OR 1,24 (CI : 1,12 – 1,36)OR 1,34 (CI : 1,18 – 1,52)

Shapiro J et al. 2007 [15] CohorteDatabase

Ps 46 095C 1 579 037

OR : 1,28 (CI : 1,04 – 1,59)

Coronarite

Infarctus du myocarde

Sommer DM et al. 2006 [1] Rétrospectif Ps 581C 1044

OR: 1,77 (CI : 1,07 – 2,93)

Gelfand JM et al. 2006 [25] ProspectifCohorte

Psm 127139Pss 3837C 556 – 995

Ps âge 30 ansPsm : 1,29 (CI : 1,14 – 1,45)Pss : 3,10 (CI : 1,98 – 4,86)

Ps âge 60 ansPsm : 1,08 (CI : 1,03 – 1,13)Pss : 1,36 (CI : 1,13 – 1,64)

Mortalité cardiovasculaire

Mallbris L et al. 2004 [8] Banque de données Psh 8.991Psa 19.757

SMR Psa : 0,94 (CI : 0,89 – 0,99)SMR Psh : 1,52 (CI : 1,44 – 1,60)SMR Psh jeune: 2,62 (CI: 1,91 – 3,49)

Abréviations : OR = odd ratio ; Ps = patient psoriasique ; C = patient témoin ; Psm = psoriasis mineur ; Pss = psoriasis sévère ; SMR = standardized mortality ratio ; Psa = patient psoriasique ambulatoire ; Psh = patient psoriasique hospitalisé

S240 J.-P. Ortonne

quelques autres études [5,23]. Plus récemment, l’intérêt grandissant pour les co-morbidités du psoriasis a rouvert ce dossier.

Une étude suédoise portant sur 200 patients psoriasiques et 600 témoins ne montre pas de différence de la tension artérielle dans les deux groupes [12]. Toutefois les patients psoriasiques inclus dans cette étude souffraient de psoriasis depuis moins de 1 an, et les traitements systémiques du psoriasis, telle que la ciclosporine qui a un impact bien connu sur la tension artérielle, n’étaient utilisés qu’en 2e ou 3e intention pour les psoriasis sévères, résistants et très souvent anciens. Une étude japonaise conclut que l’HTA n’est pas un facteur pronostique pour le psoriasis en plaques [24]. Plusieurs études récentes concluent à une association entre HTA et psoriasis. Ainsi, une publication allemande note une HTA chez 21,9 p. cent des 581 pso-riasiques et 10,2 p. cent chez les témoins résultant en un Odd ratio de 3,27 (2,41-4,43) [1]. Il en est de même dans une étude anglaise récente avec une prévalence de l’HTA de 11,92 p. cent chez 556 995 témoins, versus 14,57 p. cent chez 127 139 patients atteints de psoriasis mineur et 19,86 p. cent chez 3 837 patients atteints de psoriasis sévère [25].

Au total, l’association psoriasis – HTA parait très probable.

Affections cardiovasculaires et psoriasis (Tableau 5)

Plusieurs publications des années 1970 à 1985 soulignent la prévalence élevée des maladies cardiovasculaires, y com-pris l’infarctus du myocarde, chez les patients atteints de psoriasis [23,26]. Les premières études des co-morbidités du psoriasis ont confi rmé ces observations [19].

Une étude suédoise, portant sur une cohorte de 19 757 patients ambulatoires atteints de psoriasis, n’a pas montré d’augmentation de la mortalité d’origine cardio-vasculaire [8]. Par contre, le risque de mortalité d’origine vasculaire est augmenté de 50 p. cent chez les patients qui

ont été hospitalisés (même pour ceux qui n’ont été hos-pitalisés qu’une seule fois). Ce risque augmente avec le nombre de séjours hospitaliers. La mortalité par maladies cardiovasculaires est plus élevée chez les sujets hospitali-sés les plus jeunes (20 à 39 ans). Les auteurs concluent que le diagnostic de psoriasis ne signifi e pas que le patient a un risque accru de mortalité par maladie cardiovasculaire. Par contre, il n’en est pas de même pour les patients atteints de psoriasis sévères qui ont été hospitalisés fréquemment dès leur jeune âge.

L’étude de Gelfand a montré en plus que le risque d’infarctus du myocarde est plus élevé chez les patients atteints de psoriasis mineur ou modéré que dans la population générale. Le risque d’infarctus du myocarde est surtout très élevé chez les jeunes atteints de psoriasis sévère [25].

Une étude polonaise [27] a montré que le rythme cardiaque est plus rapide le jour et la nuit chez les sujets psoriasiques que dans la population générale. Il y a une corrélation positive entre la sévérité du psoriasis et l’augmentation du rythme cardiaque. De plus, l’arythmie cardiaque est plus fréquente chez les psoriasiques que dans la population générale.

Arthrite psoriasique et syndrome métabolique (Tableau 6)

Une recherche portant sur la polyarthrite rhumatoïde (PR) et sur l’arthrite psoriasique (AP) a montré que les patients AP ont en moyenne 17 livres de plus que les patients PR [28]. Cette observation suggère que le surpoids et l’obésité sont plus fréquents dans l’AP que dans la PR.

Plusieurs études ont été réalisées pour évaluer la pré-valence des maladies vasculaires et de leurs facteurs de risque chez les patients atteints d’arthrites infl ammatoires. L’une d’entre elles a évalué la prévalence des facteurs de risque chez 3 066 patients atteints d’AP, par comparaison à la population générale (2 769 935). Les résultats de cette

Tableau 6 Arthrite psoriasique

Maladies cardiovasculaires et facteurs de risque Prévalence

Cardiopathie ischémique RR : 1,3 (CI : 1,1 – 1,5)

Athérosclérose RR : 1,4 (CI : 1,0 – 2,1)

Insuffi sance cardiaque RR : 1,5 (CI : 1,1 – 2)

Ischémie périphérique RR : 1,6 (CI : 1,2 – 2)

Accident cérébrovasculaire RR : 1,3 (CI : 1,1 – 1,7)

Diabète de type 2 RR : 1,5 (CI : 1,4 – 1,7)

Hyperlipidémie RR : 1,2 (CI : 1,1 – 1,3)

Hypertension RR : 1,3 (CI : 1,2 – 1,4)

Abréviation : RR = risque relatif ; CI = intervalle de confi ance

Psoriasis, syndrome métabolique et ses composants S241

étude ont montré que les maladies cardiovasculaires et leurs facteurs de risque sont plus fréquents chez les patients porteurs d’une AP que dans la population générale [29]. Des résultats similaires pour la PR et la spondylarth-rite ankylosante ont été observés dans cette même étude, démontrant que la survenue plus fréquente des maladies cardiovasculaires et leur facteurs de risque n’est pas une spécifi cité de l’AP.

Plusieurs études ont démontré par échographie carotidienne ou brachiale que les patients AP ont plus fréquemment une athérosclérose et/ou une dysfonction endothéliale que les sujets contrôlés [30-32]. Une étude hollandaise [33] a montré que l’AP est associée à une dyslipidémie, une hypertension, une augmentation du nombre des plaquettes, ce qui peut expliquer le risque cardiovasculaire de ces patients. Enfi n, l’observation que l’inhibition du TNF-α chez des patients atteints d’AP entraîne une diminution de la lipoprotéine-α, de l’homocystéine et augmente l’apoprotéine A-1 et la SHBG (sex hormon binding globuline) ce qui est bénéfi que. Par contre, selon les auteurs le traitement anti-TNF-α augmenterait les triglycérides et l’ApoB, ce qui ne va pas dans la cardioprotection [34]. Des études complémen-taires seront nécessaires pour évaluer l’impact réel des stratégies anti-TNF-alpha sur les profi les lipidiques des malades traités.

Conclusions

Cette revue montre qu’il reste encore beaucoup de ques-tions sans réponses concernant le psoriasis et le syndrome métabolique et ses composants.

Y a-t-il réellement un lien entre les différentes affec-tions ? Ou s’agit-il d’une concomitance fortuite ? Le pso-riasis fait-il partie d’un syndrome qui intègre la peau, les articulations, le tissu adipeux, le cœur et les vaisseaux ? On peut aussi penser que le psoriasis altère sévèrement la qualité de vie, ce qui va entraîner des troubles psycho-logiques et entraîner des conduites à risque (alcoolisme, tabagisme, troubles de l’alimentation) qui vont aboutir à un syndrome métabolique ou à ses composants.

La présence des co-morbidités doit être prise en compte par le dermatologue, bien que l’on ne connaisse pas encore l’impact du traitement des affections associées sur l’évolution du psoriasis. À l’inverse, de nombreuses observations suggèrent que des traitements du psoriasis amélioreraient certains des composants du syndrome métabolique. En effet, l’étanercept réduit le niveau de la protéine C réactive et améliore le risque cardiovasculaire chez les patients atteints de syndrome métabolique [35]. Il reste donc beaucoup d’informations à recueillir pour que la prise en charge globale du psoriasis soit complète.

Le Pr Jean-Paul Ortonne est investigateur principal national d’un essai de l’industrie pharmaceutique et intervient comme membre de comités scientifi ques et comme orateur pour le laboratoire Wyeth.

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