123
PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie du Travail et des Organisations Fondée en 1995 à l'initiative de Claude Lemoine et Michel Rousson, sous l'égide de l'Association Internationale de Psychologie du Travail de Langue Française, cette revue publie des articles originaux, des revues de questions, des comptes-rendus de recherches, y compris celles réalisées sur le terrain ou dans une perspective d'application. Elle présente également des comptes rendus d'ouvrages et des notes sur l'actualité du domaine. Audience Psychologie du Travail et des Organisations s’adresse aux enseignants, aux chercheurs et aux praticiens du domaine et à un plus vaste public : étudiants, responsables des ressources humaines, gestionnaires, ergonomes, médecins du travail… Objectifs Les thèmes principaux concernent les aspects individuels, psycho- sociaux et structurels du travail et des organisations. À titre d'exemples non exclusifs, on peut citer les questions portant sur : la gestion et le développement des ressources humaines (formation, compétences, innovation), l'organisation et l'évaluation des systèmes (changement, communication, climat), les articulations hommes-organisations- techniques (représentations, aspects culturels, négociation, coopération, style de direction), la santé (bien-être, conditions de travail, stress, risques, sécurité), l'environnement, les aspects psychologiques liés à l'emploi et au non emploi (sélection, orientation, évaluation des personnes, insertion, identité, implication), le rôle du psychologue (expertise, conseil, mode d'intervention), l'épistémologie, la méthodologie et la déontologie. La revue comporte environ 384 pages distribuées en 4 numéros par an. La revue publie régulièrement des numéros à thèmes. Les travaux doivent satisfaire aux critères de vérification scientifique.

PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

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Page 1: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

PTO – vol 15 – n°2 – Spécial recrutement n°2

Psychologie

du Travail

et des Organisations

Fondée en 1995 à l'initiative de Claude Lemoine et Michel Rousson,

sous l'égide de l'Association Internationale de Psychologie du Travail

de Langue Française, cette revue publie des articles originaux, des

revues de questions, des comptes-rendus de recherches, y compris

celles réalisées sur le terrain ou dans une perspective d'application.

Elle présente également des comptes rendus d'ouvrages et des notes

sur l'actualité du domaine.

Audience

Psychologie du Travail et des Organisations s’adresse aux

enseignants, aux chercheurs et aux praticiens du domaine et à un

plus vaste public : étudiants, responsables des ressources humaines,

gestionnaires, ergonomes, médecins du travail…

Objectifs

Les thèmes principaux concernent les aspects individuels, psycho-sociaux et structurels du travail et des organisations. À titre d'exemples non exclusifs, on peut citer les questions portant sur : la gestion et le développement des ressources humaines (formation, compétences, innovation), l'organisation et l'évaluation des systèmes (changement, communication, climat), les articulations hommes-organisations-techniques (représentations, aspects culturels, négociation, coopération, style de direction), la santé (bien-être, conditions de travail, stress, risques, sécurité), l'environnement, les aspects psychologiques liés à l'emploi et au non emploi (sélection, orientation, évaluation des personnes, insertion, identité, implication), le rôle du psychologue (expertise, conseil, mode d'intervention), l'épistémologie, la méthodologie et la déontologie. La revue comporte environ 384 pages distribuées en 4 numéros par an. La revue publie régulièrement des numéros à thèmes. Les travaux doivent satisfaire aux critères de vérification scientifique.

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PTO – vol 15 – n°2 – Spécial recrutement n°2

Comité de rédaction:

Directeur éditorial: Professeur Claude Lemoine

(Université de Lille 3) [email protected] ou [email protected]

Rédacteur en chef : Professeur Georges Masclet

[email protected] ou [email protected]

Assistante de rédaction: Lysiane Masclet

[email protected] ou [email protected]

Membres du comité de rédaction: Bernard Gangloff (Université de Rouen) Dongo-Rémi Kouabenan (Université de Grenoble)

André Savoie (Université de Montréal) Michel Rousson (Université de Neuchâtel) Christian Vandenberghe (HEC Montréal)

Anne Marie Vonthron (Université de Bordeaux 2) Comité scientifique:

A.Battistelli (Université de Vérone), J.-L. Bernaud (Université de Rouen), M. Depolo (Université de Bologne), P. Desrumaux

(Université de Lille 3), A. Di Fabio (Université de Florence), J. -E. Duplessis de Losada (Université de Buenos Aires), B. Fabi

(Université de Trois-Rivières), G. Fischer (Université de Metz), P. Gilbert (lAE, Paris), R. Jacob (Université de Trois-Rivières),

G. Karnas (Université libre de Bruxelles), R. Lescarbeau (Université de Sherbrooke), C. Louche (Université de Montpellier), A- Rondeau (Université de Montréal), M. Rousson

(Université de Neuchâtel). P. Salengros (Université de Bruxelles), N. Semmer (Université de Berne), R. Thionville

(Université de Rouen)

PTO est indexée

Thomson Reuter (Thomson Scientific - ISI) INIST CNRS

PsycINFO - American Psychological Association

© AIPTLF : Tous droits de traduction, de reproduction, et d’adaptation réservés

Page 3: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

PTO – vol 15 – n°2 – Spécial recrutement n°2

105

Editorial

La parution de notre revue rythme les saisons, l’aviez-vous remarqué ?

Nous sommes en été à 12 mois de notre prochain Congrès. Celui-ci se déroulera du 6 au 9 juillet 2010 à Lille, ville

européenne par excellence au carrefour du Bénélux, de l’Angleterre et de l’Allemagne.

Avec ce deuxième numéro 2009, réservé « Au Recrutement »,

quel hasard quand il s’agit de parler de Congrès, vous trouverez les premières informations relatives à cette manifestation qui avec la revue, constitue l’épine dorsale de

l’AIPTLF.

Bonne lecture…

Georges Masclet

Professeur Émérite des Universités Rédacteur en chef

Page 4: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

PTO – vol 15 – n°2 – Spécial recrutement n°2

106

CONTENTS

Éditorial

Éditorial de Sonia Laberon p 108

Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer p 111 The assessment practices of different

types of recruitment organizations : some determiners Philippe Chartier p 137

The Contribution of Aptitude Tests in Recruitment: the example of NV5-R

Audrey Pavard et Even Loarer p 151

Emotional intelligence in recruitment: a study of incremental validity on candidates for the entrance

to professional Master

Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin p 167 & Jean Phaneuf Clinical judgment in psychological assessment related

to work: What is the predictive value and can it be programmed?

Didier Desonnay, Georges Masclet p 185

& Catherine Demarey Towards a clinical approach to recruitment, integrating the context of the job offer: transforming

the initial request in a family company.

Philippe Wallon & Charles Mottier p 199 A rigorous method of recruitment for admission to the vocational schools.

XVIème Congrès de l’AIPTLF p 219 Le Travail dans tous ses États

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PTO – vol 15 – n°2 – Spécial recrutement n°2

107

SOMMAIRE Éditorial

Éditorial de Sonia Laberon p 108

Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer p 111 Les pratiques d’évaluations utilisées dans les structures

de conseil en recrutement : quelques déterminants

Philippe Chartier p 137

L’apport des tests d’aptitudes dans le recrutement: l’exemple de la NV5-R

Audrey Pavard et Even Loarer p 151 Intelligence émotionnelle en situation de recrutement: une étude de validité incrémentielle auprès

de candidats à l’entrée en Master professionnel

Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, p 167 Jean Phaneuf Le jugement clinique en contexte d’évaluation du potentiel

et des compétences au travail : Quelle est sa valeur prédictive et peut-il être formalisé ?

Didier Desonnay, Georges Masclet p 185 & Catherine Demarey Pour une approche contextuelle et clinique de la

demande de recrutement : la transformation d’une demande initiale dans une entreprise familiale.

Philippe Wallon & Charles Mottier p 199 Une méthode de recrutement rigoureuse pour l’admission en écoles professionnelles

XVIème Congrès de l’AIPTLF p 219 Le Travail dans tous ses États

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PTO – vol 15 – n°2 – Spécial recrutement n°2

108

Editorial de Sonia Labéron

Le recrutement - Numéro 2

Les pratiques de recrutement et leur validité.

Ce second numéro spécial consacré au recrutement porte sur les

pratiques de sélection des recruteurs et leur validité prédictive. Les

articles présentés rendent tous compte de préoccupations liées à la

capacité des procédures de sélection à prédire la réussite dans des

contextes professionnels ou de professionnalisation.

Nous proposons en introduction un premier article (Sonia

Laberon et Marilou Bruchon-Schweitzer) qui présente un état des lieux

des pratiques de recrutement en France et une étude sur l’identification de

quelques déterminants du choix des techniques de sélection.

Une place particulière est accordée ensuite à l’évaluation des

aptitudes et de l’intelligence émotionnelle. Les deux articles traitant de la

question renvoient à des résultats encourageants et incitent à développer

de telles mesures en contexte de sélection. Le premier proposé par

Philippe Chartier compare deux modalités de sélection. Il met en avant

des résultats assez similaires entre une procédure de recrutement

classique (CV, entretiens) effectuée par une organisation et les résultats

obtenus par les mêmes candidats à certaines dimensions de la NV5-R

(batterie d’aptitudes cognitives). De la même façon, l’article d’Audrey

Pavard et d’Even Loarer montre que la mesure de l’intelligence

émotionnelle contribue à augmenter la valeur de la prédiction de la

réussite des candidats au recrutement pour un master professionnel en

psychologie du travail. Bien qu’on ne puisse généraliser ces résultats

particuliers, ils démontrent la valeur incrémentielle de ce type de tests en

complément d’une procédure classique de sélection.

Au-delà de la qualité des prédicteurs de la réussite en emploi,

l’article de Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf

pose une difficulté supplémentaire : celle de l’intégration des données

psychométriques. Comment les recruteurs psychologues se servent de

telles données afin de poser un jugement sur des compétences d’un

individu ? Leur interprétation contribue t-elle à augmenter la validité du

processus de sélection ? C’est bien la validité du jugement des recruteurs

qui est au centre du questionnement et qui nous renvoie à reconsidérer

l’évaluation psychologique dans son intégralité. Les auteurs confrontent

Page 7: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

PTO – vol 15 – n°2 – Spécial recrutement n°2

109

une méthode d’intégration mécaniste de données psychométriques de

personnalité à une évaluation globale de ces mêmes données basée sur le

jugement clinique afin de mettre à l’épreuve leur capacité respective à

prédire deux critères de performance en emploi. Les résultats permettent

de valoriser le jugement clinique des psychologues du travail en contexte

d’évaluation professionnelle par rapport à des approches plus mécanistes

ou actuarielle.

Cette approche clinique est aussi mise en avant par Didier

Desonnay, Georges Masclet & Catherine Demarey dans le cadre de

l’analyse de la demande de recrutement. Leur étude d’un cas de

recrutement permet de poser clairement des indicateurs pratiques pour les

psychologues du travail afin de parvenir à répondre à des demandes

discriminatoires de recrutement, dans le plus grand respect du code de

déontologie. Le recadrage proposé permet de tenir compte des raisons de

ce type de demande sans d’emblée les exclure afin de les résoudre

différemment que par la discrimination. Ce type d’étude très appliquée, a

l’intérêt d’illustrer concrètement une situation qui est quotidienne dans

l’activité des consultants psychologues et de donner un cadre appliqué et

opératoire de réponse à une telle intervention.

Ce dossier sur le recrutement s’achève avec ce second numéro.

Nous avons tenté d’envisager ce thème sous deux angles différents mais

complémentaires, celui des approches normatives de l’évaluation

professionnelle et celui des approches psychométriques lié à la validité

des méthodes. Il reste encore beaucoup à faire dans le domaine de la

sélection professionnelle et de la réussite en emploi. L’intégration

professionnelle est encore peu envisagée dans le cadre des travaux sur le

recrutement. Elle constitue pourtant la dernière étape de la procédure de

recrutement et semble offrir de réelles perspectives quant à la prédiction

de la réussite professionnelle.

Je dédicace ces deux numéros à mes filles, Emma et Salomé.

S. Laberon

Laboratoire de Psychologie EA 4139, Université Victor Segalen

Bordeaux 2, 3ter, place de la Victoire-F-33076 Bordeaux Cedex –

[email protected]

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PTO – vol 15 – n°2 – Spécial recrutement n°2

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111

LES PRATIQUES D’EVALUATION UTILISEES

DANS LES STRUCTURES DE CONSEIL EN

RECRUTEMENT : QUELQUES DETERMINANTS

THE ASSESSMENT PRACTICES OF DIFFERENT

TYPES OF RECRUITMENT ORGANIZATIONS:

SOME DETERMINERS

Sonia Laberon* & Marilou Bruchon-Schweitzer**

Laboratoire « Santé et Qualité de Vie » EA 4139, Université Victor Segalen

Bordeaux 2, 3ter, place de la Victoire-F-33076 Bordeaux Cedex –

*[email protected] **[email protected]

Résumé

Dans la continuité des travaux de Bruchon-Schweitzer & Ferrieux (1991) et de

Balicco (1999), la présente étude décrit les pratiques de recrutement de différents

types de structures (N = 327, soit 134 cabinets conseil et 193 agences d’intérim).

Nous avons supposé que le niveau du poste à pourvoir et les caractéristiques du

recruteur (sexe, âge, niveau d’études, type d’études, statut, expérience du

recrutement) influençaient l’utilisation des techniques de sélection. Nos résultats

indiquent que le choix des techniques n’est pas fondé sur une approche

scientifique de l’évaluation des candidats. Le niveau du poste recruté semble

déterminer fortement l’emploi de techniques d’évaluation de la personnalité. En

outre, les caractéristiques des évaluateurs semblent contribuer uniquement au

choix d’utiliser les techniques les moins valides. La discussion propose une

modélisation théorique de ces choix des recruteurs (en tenant compte de

différentes logiques de pratiques) et quelques pistes d’action.

Abstract

Referring to the work of Bruchon-Schweitzer & Ferrieux (1991) and Balicco

(1999), the present study describes the recruitment practices of different types of

organizations (N=327, 134 consulting companies and 193 temporary placement

firms). We hypothesised that job position and recruiter characteristics (sex, age,

level and type of education, status, and recruitment experience) would influence

the use of selection techniques. Results revealed that choice of selection

techniques is not based on a scientific evaluation of applicants. Job position

seems to strongly determine use of personality assessment techniques. Further,

recruiter characteristics only seem to determine choice of less valid techniques.

In the discussion, a theoretical model of choices made by recruiters and some

courses of action are proposed.

Mots-clés : recrutement, techniques d’évaluation, conseil, niveau du poste,

caractéristiques des recruteurs.

Key words: Recruitment, assessment methods, counselling, job position,

recruiters’ characteristics.

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Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

112

1. Introduction

Le recrutement est une activité partiellement légiférée et mal

définie, notamment en ce qui concerne les compétences requises pour

recruter. Les profils des recruteurs recherchés par les cabinets conseil

sont liés aux principales missions à exercer : la prospection de clients et

l’évaluation professionnelle des candidats. Compte tenu de la difficulté à

trouver des personnes ayant cette double compétence, les structures de

conseil s’orientent majoritairement vers des profils de commerciaux,

même s’ils ne sont pas spécialement formés à l’évaluation

professionnelle.

Les psychologues du travail en mettant en avant leur expertise en

matière d’évaluation des compétences et leur maîtrise des outils

psychométriques (au risque de passer pour des techniciens) commencent

à prendre une part importante du marché du recrutement sans y être

encore majoritaires. L’étude d’offres d’emploi élaborée par Bernaud

(2000) a permis d’établir une typologie des recruteurs. La formation

requise est assez variée : ressources humaines, puis écoles de commerce,

puis enfin la psychologie. Être recruteur ne correspond à aucun titre, c’est

une fonction que n’importe qui peut exercer. Si des regroupements

comme la fédération « SYNTEC recrutement » tentent de « baliser » la

profession et de définir les « bonnes pratiques »1, il n’en demeure pas

moins que les techniques d’évaluation utilisées par les recruteurs ne sont

pas choisies pour leur valeur scientifique (Bruchon-Schweitzer &

Ferrieux, 1991). Dès lors, on peut se demander quelles sont les raisons de

choisir certaines méthodes de sélection parmi d’autres.

Pour répondre à cette question, nous proposons dans un premier

temps, de faire une synthèse de la littérature sur les pratiques de

recrutement, sur leur validité prédictive et sur les déterminants du choix

des méthodes de sélection en France. Dans un second temps, nous

rendrons compte d’une étude menée auprès de recruteurs, étude dont

l’objectif était d’identifier l’influence de certaines variables sur le choix

des techniques de sélection

1 Charte de déontologie de Syntec conseil en recrutement : http://www.syntec-

recrutement.org/v3/pages/article.asp?numero=172

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Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

113

2. Cadre théorique

1.1 La validité des techniques d’évaluation professionnelle :

quels enjeux pour le recrutement ?

Les qualités métrologiques des outils d’évaluation

professionnelle devraient être une priorité quel que soit le contexte

(sélection, accompagnement…). Le code de déontologie des

psychologues praticiens2 est extrêmement clair sur ce point et l’article 18

stipule que « les techniques utilisées par le psychologue pour

l’évaluation, à des fins directes de diagnostic, d’orientation ou de

sélection, doivent avoir été scientifiquement validées ».

On comprend que les recruteurs non psychologues se sentent

moins concernés dans la mesure où la législation sur le sujet reste plus

vague. La loi sur le « recrutement et les libertés individuelles »3 précise

que « les méthodes et techniques d'aide au recrutement des candidats à un

emploi doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie ».

Cependant, elle n’établit ni la liste des méthodes légales ni le type de

preuves à avancer pour justifier de la pertinence de l’outil employé (la loi

n’impose pas de « principe de validité scientifique » mais exige « un

degré raisonnable de fiabilité »4). En outre, aucun candidat n’ayant pris le

risque de se retourner contre le recruteur, cette loi n’a fait à ce jour l’objet

d’aucune jurisprudence, ce qui aurait pu combler ses lacunes. Ainsi, la

méconnaissance de ce texte accompagnée d’une absence significative de

sanctions n’encourage pas les recruteurs, qu’ils soient en cabinet ou en

entreprise, à choisir des outils plus valides.

Nous pouvons noter néanmoins un effort notable de la fédération

des cabinets de recrutement la plus importante de France. Elle propose à

ses adhérents une charte sur le recrutement inspirée de quelques points de

la législation et respectant une certaine déontologie quant aux processus

d’évaluation des personnes. Cette charte ainsi que les textes et circulaires

de loi tentent de montrer les véritables enjeux du respect d’une procédure

de recrutement valide. Ils relèvent de la qualité du service rendu à

l’entreprise qui recrute et du respect dû aux candidats, qui doivent être

évalués par des procédures équitables et non discriminatoires. Martin

(2006, p.185) soutient que les recruteurs ont un « devoir de compétence »

qui leur impose de se tenir informés sur les débats concernant la validité

des méthodes et d’en tirer les conséquences pour leur pratique 2 Code de déontologie des psychologues praticiens : http://www.sfpsy.org/-Code-

de-deontologie-des-.html 3 Loi « relative au recrutement et aux libertés individuelles » (JO du 1.1.1993).

4 Circulaire du 15 mars 1993 (II.-A.-2.).

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Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

114

quotidienne. Malheureusement, il semble bien que les pratiques de

recrutement en France soient inspirées par des considérations étrangères à

la science et à la déontologie. 1.2 Les pratiques de recrutement en France : état et évolutions

Trois enquêtes à ce jour permettent de faire un état des lieux sur

les pratiques de recrutement en France de 1991 à 2001. L’enquête de

Bruchon-Schweitzer & Ferrieux en 1991, celle de Balicco en 1999 et

celle de Laberon en 2001. Bien que les effectifs des trois échantillons ne

soient pas de taille égale et que les types de structures concernées par ces

enquêtes soient sensiblement différentes, ces études permettent, à titre

indicatif, d’établir un état des lieux et de dessiner l’évolution des

pratiques de recrutement en France. La première enquête portait sur un

échantillon de 102 responsables de service de recrutement dont 60 en

cabinet conseil et 42 en entreprise (29 du secteur privé et 13 du secteur

public). La seconde portait sur 62 consultants de cabinet conseil en

Ressources Humaines. La troisième portait sur 327 professionnels du

recrutement dont 134 en cabinet conseil et 193 en agences d’intérim. Il

est important de noter que les recrutements effectués par les agences

d’intérim concernent des postes de bas niveau de qualification (ouvriers)

alors que les cabinets conseil recrutent plutôt des postes de niveau cadre.

Tableau 1 : Pratiques d’évaluation des recruteurs d’après les recherches de

Bruchon-Schweitzer & Ferrieux (1991), Balicco (1999) et Laberon (2001, 2005).

Techniques

utilisées

Utilisation

en 1991

% S** %O

Utilisation

en 1999

% S** %O

Utilisation

CC* en 2001

% S %O

Utilisation

AI* en 2001

% S %O

Entretien 95 4 100 0 99,3 0,7 98,5 1,5

Graphologie 55 38 50 45 22,4 60,4 0 11,4

Q. de

personnalité 35 26 19 26 40,3 33,6 12,4 33,2

Techn.

projectives 8,5 12 4,8 14,5 7,5 21,6 5,7 16,2

Techn.

irrationnelles 9 6 22 (en tout) 0,7 7,5 0,5 5,2

Tests

aptitudes 31 32 11 21 20,1 49,3 9,8 59,1

Mise en

situation 7,5 26,5 0 11 5,2 42,6 14,5 53,4

Centres

d’évaluation Faible Faible 0 1,6 2,2 26,9 7,8 30,6

Références 10,5 (en tout) 29 19,4 41 53 49,2 46,7 *CC = Cabinets Conseils ; AI = Agences d’Intérim **S=systématique; O=occasionnelle

Page 13: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

115

1.2.1 Stabilité

Ce tableau comparatif montre que l’entretien demeure la technique

favorite des recruteurs. Elle est systématiquement employée à toutes les

époques et par toutes les structures.

L’emploi des tests d’aptitudes semble relativement stable. Bien que

l’enquête de Balicco (1999) ait fait apparaître une baisse de leur

utilisation, celle-ci pourrait être liée à un nombre important de recruteurs

de son échantillon procédant par approche directe (« chasseurs de tête »),

mode de sélection bien particulier. L’utilisation des tests d’aptitudes était

aussi bien occasionnelle que systématique en 1991 (respectivement 32%

et 31%) ; elle semble moins systématique en 2001 dans les agences

d’intérim et dans les cabinets conseil (respectivement 59,1% et 49,3%

d’emploi occasionnel, contre 9,8% et 20,1% d’emploi systématique).

1.2.2 Augmentations légères

Les inventaires de personnalité semblent plus employés en 2001

qu’en 1991, ceci notamment par les cabinets conseil. Les structures

d’intérim s’en servent beaucoup moins. Cette utilisation des inventaires

de personnalité par les cabinets conseil paraît toujours plus systématique

(35% en 1991, 19% en 1999 et 40,3% en 2001) qu’occasionnelle (26% en

1991 et 1999, 33,6% en 2001).

Les techniques projectives sont assez peu employées mais leur

utilisation semble avoir légèrement augmenté depuis 1991 notamment

dans les cabinets conseil. Cette utilisation semble cependant de plus en

plus occasionnelle et de moins en moins systématique (respectivement

12% et 8,5% en 1991 pour les cabinets conseil, 14,5% et 4,8% en 1999,

21,6% et 7,5% en 2001 pour les cabinets conseil, 16,2% et 5,7% pour les

agences d’intérim).

1.2.3 Augmentations marquées

Les mises en situation se développent notamment pour le

recrutement de postes de bas niveau de qualification. Mais ce

développement correspond à un emploi occasionnel plus que

systématique (respectivement 26,5% et 7,5% en 1991, 11% et 0% en

1999, 42,6% et 5,2% en 2001 pour les cabinets conseil, 53,4% et 14,5%

pour les agences d’intérim).

Les centres d’évaluation sont dans l’ensemble peu utilisés mais

leur augmentation est remarquable en 2001. L’utilisation de cette

méthode reste néanmoins presque toujours occasionnelle (2,2% d’emploi

Page 14: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

116

systématique pour les cabinets conseils et 7,8% pour les agences

d’intérim en 2001, aucun en 1999).

L’utilisation occasionnelle et l’utilisation systématique des

références ont toutes deux augmenté ces dernières années

(respectivement 29% et 19,4% en 1999, 53% et 41% en 2001 pour les

cabinets conseil, 46,7% et 49,2% pour les agences d’intérim)5.

1.2.4 Diminutions légères

La graphologie arrive toujours en seconde position des pratiques,

sauf pour les structures d’intérim qui y ont très peu recours. Mais comme

le souligne Bruchon-Schweitzer (2006), on peut constater que son

utilisation diminue en 2001, celle-ci étant de plus en plus occasionnelle

(38% en 1991, 45% en 1999, 60,4% en 2001) et de moins en moins

systématique (55% en 1991, 50% en 1999, 22,4% en 2001).

1.2.5 Diminutions marquées

Les techniques irrationnelles comme la morphopsychologie,

l’astrologie, la numérologie, la gestuologie, la PNL… ont nettement

reculé. De plus, si leur emploi était souvent systématique en 1991 (9%), il

est quasi exclusivement occasionnel en 2001, tant dans les structures de

conseil (7,5%) que dans les agences d’intérim (5,2%).

Face à ces résultats, le bilan reste mitigé et la question des raisons

du choix de telle ou telle technique de sélection par les recruteurs

demeure entière. Si l’on peut se réjouir de constater que le recours à des

techniques irrationnelles ou non validées diminue (peu ou beaucoup) et

que l’utilisation de méthodes valides (tests d’aptitudes, mises en situation,

centres d’évaluation) augmente, on ne peut que continuer à s’alarmer face

à la persistance de l’utilisation de la graphologie dans les cabinets conseil

français.

1.3 Les déterminants du choix des méthodes de sélection en

France

Les motivations sous-tendant les pratiques de sélection sont

abordées sous plusieurs angles dans la littérature internationale. Un

premier groupe de travaux a trait aux qualités métrologiques des

5 Dans l’étude de 1991, le « premier tri » avait été éliminé de la procédure ce qui

explique que les références apparaissent si peu.

Page 15: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

117

techniques. Il s’agit d’études le plus souvent américaines et se présentant

sous la forme de synthèses qualitatives ou quantitatives (méta-analyses) :

Schmidt & Hunter, 1998 ; Robertson et Smith, 2001 ; Barrick, Mount &

Judge, 2001 ; Posthuma, Morgeson & Campion, 2002 ; Salgado et al.,

20036.

L’autre approche de ce problème est davantage psychosociale : il

s’agit de la perception que les recruteurs ont de la valeur des techniques

qu’ils emploient ; ces perceptions relèvent de croyances sans lien obligé

avec les qualités métriques des outils. Il s’agit donc d’une estimation

qualitative et subjective de la pertinence de ces techniques, que l’on

appelle validité de surface ou validité apparente (« face validity »), qui

n’a rien à voir avec tout ce qu’implique la notion scientifique de validité

(Anastasi, 1996).

La validité apparente est plus souvent étudiée chez les candidats

que chez les recruteurs. Elle a en effet un impact sur l’image que se font

les candidats de la structure qui recrute et probablement sur leur réussite

aux épreuves de sélection (Hausknecht et al., 2004). Elle correspond à

l’adéquation (perçue) entre le contenu du poste et celui des techniques de

sélection (Smither et al., 1993). Steiner (1996, 2000, 2004a) dans ses

travaux sur la perception de justice procédurale a élargi notablement les

connaissances relatives aux opinions des candidats et des recruteurs vis-

à-vis des techniques de sélection utilisées en France. Il a évalué en

particulier leur « acceptabilité », attitude globale en lien avec leurs

qualités apparentes.

Ces différents aspects, auxquels il faut ajouter le coût financier

des outils pourraient motiver le choix des techniques de sélection.

Le tableau 2 présente une comparaison de l’utilisation, de la

validité prédictive, du coût et de l’acceptabilité par les recruteurs et par

les candidats des différentes techniques d’évaluation

.

6 Les deux premières sont des méta-analyses sur les différentes méthodes de

sélection, les autres respectivement sur les Big Five, l’entretien de sélection, les

aptitudes.

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118

Tableau 2 : Utilisation, validité, coût et acceptabilité des techniques de

recrutement en France.

Techniques Emploi7

%

Validité

prédictive8 Coût9

Acceptabilité

recruteurs10

Acceptabilité

candidats11

Entretien

Traditionnel

Structuré

S* O*

Modeste12

(.20)

Elevée13

(.64**)

Moyen

Très bonne

Faible

Très bonne

Faible

99,3 0,7

Graphologie 22,4 60,4 Nulle14

(.04)

Moyen

à faible

Assez bonne

(si utilisée)

Très faible

(injuste

inefficace)

Q.

personnalité

40,3 33,6 Modeste15

(.10 à .30)

Faible Bonne Bonne

T. projectives 7,5

21,6 Faible16

(.15)

Faible - -

T.

irrationnelles

0,7 7,5 Nulle14

(.00)

Faible - -

Tests

d’aptitudes

20,1 49,3 Elevée17

(.51**)

Faible Bonne Bonne

Mises en

situation

5,2

42,6 Elevée15

(.54**)

Elevé Très bonne Très bonne

Centres

évaluation

2,2 26,9 Elevée18

(.37)

Elevé Très bonne Très bonne

Références 41 53 Modeste19

(.26)

Faible Bonne Bonne

*S= systématique ; O= occasionnel ** coefficients corrigés selon erreurs de mesure.

Il semblerait que ce soit plutôt l’acceptabilité de ces techniques par

les recruteurs et leur coût financier qui déterminent leur utilisation. La

validité scientifique des techniques et leur acceptabilité par les candidats

ne semblent pas, en revanche, influencer les choix des recruteurs. On doit

7 D’après l’enquête de Laberon (2001, 2005) auprès des cabinets conseil. 8 Coefficients moyens selon une synthèse d’études citées en notes ci-dessous. 9 D’après Steiner et al., (2004b) ; Vom Hofe al., (1993) ; Bruchon-Schweitzer (2003). 10 D’après Steiner (2000) et Bruchon-Schweitzer (2006). 11 D’après Steiner (1996, 2000, 2004a) et Stinglhamber et al., (1999). 12 Robertson & Smith (2001), McDaniel et al., (1994), Huffcut & Arthur (1994). 13 Salgado et Moscoso (2006), McDaniel et al., (1994), Huffcut & Arthur (1994). 14 Neter & Ben Shakhar (1989), Dean (1994), Schmidt & Hunter (1998). 15 Hogan, De Fryyt & Rolland (2006) : coefficients très variables selon les inventaires. 16 Robertson & Smith (1989). 17 Robertson & Smiths (2001) et Schmidt & Hunter (1998). 18 Gaugler et al., (1987), Salgado (1999), Arthur, Day, McNelly & Edens (2003). 19 Hunter & Hunter (1984), Schmidt & Hunter (1998) et Robertson & Smith (2001).

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119

donc reconnaître que la capacité démontrée de certaines méthodes pour

prédire la réussite professionnelle ultérieure, qui garantit pourtant l’équité

et l’efficacité de la sélection, n’est pas perçue (ou reconnue) comme un

motif pour les choisir.

En outre, les recruteurs sont plus sensibles à la validité apparente

des techniques qu’à leur validité scientifique. Bruchon-Schweitzer (2006)

avait déjà indiqué que les choix des recruteurs dépendaient selon eux du

coût des méthodes, de leur applicabilité par les consultants et de leur

acceptabilité par les candidats, la pertinence scientifique de ces

techniques n’étant même pas évoquée.

Steiner (1996) notait que l’évaluation de l’efficacité des méthodes

de sélection par les recruteurs, dépend davantage de leur propre capacité

(perçue) à détecter les points forts des candidats, de leur logique par

rapport au poste et de leur pratique, que des qualités scientifiques de ces

méthodes. Enfin, bien que leur acceptabilité par les recruteurs et par les

candidats soit proche, l’opinion de ces derniers ne semble pas avoir

beaucoup d’impact sur les choix des recruteurs. C’est le cas pour la

graphologie (les recruteurs qui l’utilisent encore la jugent pertinente alors

que les candidats la trouvent injuste et inefficace).

Le fait que des techniques d’une faible acceptabilité soient utilisées

pourrait traduire une méconnaissance des effets bénéfiques de l’équité

perçue d’une procédure de recrutement sur l’intégration d’un nouveau

salarié dans une organisation. Ces effets ont pourtant été mis en évidence

à maintes reprises dans les travaux de Steiner ou encore décrits dans la

littérature sur la socialisation organisationnelle et l’intégration (Lacaze,

2005 ; Ménard, 2004). Quant à l’utilisation récurrente de techniques

d’une validité douteuse, le constat de Bruchon-Schweitzer et Ferrieux

(1991) paraît malheureusement toujours d’actualité : « les techniques les

plus utilisées sont en même temps les moins valides ».

1.4 Croyances et pratiques de l’évaluation

Cette situation nous incite à penser que les pratiques des recruteurs

sont influencées par des croyances « naïves » et par le fait qu’ils ignorent

les recherches ayant trait à la valeur prédictive des outils de sélection

professionnelle. Il est vrai que ces études, publiées le plus souvent dans

des revues anglophones, restent peu accessibles pour les professionnels

du recrutement. En outre, il faudrait pour comprendre ces travaux, une

certaine expertise sur le sujet, qui ne peut être acquise que grâce à une

formation universitaire en psychologie du travail.

Les études décrites précédemment montrent que les praticiens ne

semblent pas se soucier de leurs lacunes éventuelles à ce niveau (apports

des recherches scientifiques), et que seuls, des problèmes pragmatiques,

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120

comme par exemple le lien perçu entre les outils utilisés et le poste à pourvoir,

les préoccupent. Mais hélas, il s’agit d’une relation perçue (entre

caractéristiques du poste et caractéristiques du candidat) et pas du tout d’une

relation objective, établie par exemple, en calculant des corrélations entre des

prédicteurs (résultats obtenus par des candidats selon les différentes méthodes

d’évaluation) et des critères ultérieurs de réussite professionnelle.

Dès lors, la question des déterminants de ces perceptions (de leurs

fondements « quotidiens » versus « scientifiques » mérite d’être posée. On

peut supposer que certaines variables contextuelles, comme le type de poste à

pourvoir par exemple, ou encore certaines caractéristiques personnelles des

recruteurs, pourraient alors jouer un rôle non négligeable. Une étude de

l’APEC menée en 1992 a montré que certaines variables comme l’âge des

recruteurs ou bien leur formation expliquaient partiellement l’emploi de

techniques irrationnelles comme la graphologie.

L’étude que nous avons menée propose d’identifier l’effet de deux types

de déterminants (contextuels et personnels) sur l’utilisation de certains outils

d’évaluation par les recruteurs professionnels.

1.5. Hypothèses

L’utilisation des techniques d’évaluation est en partie déterminée par

des facteurs situationnels comme le niveau des postes à pourvoir (H1) mais

aussi par des facteurs personnels comme les caractéristiques des recruteurs

(H2). Figure 1 : Modèle d’analyse

2. Méthodologie

2.1. Population d’enquête

Elle est constituée de 327 sujets dont 134 recruteurs en cabinet

H1

H2

Utilisation des outils d’évaluation

Entretien

Questionnaires de personnalité

Tests d’aptitudes spécifiques

Tests de facteur G

Mises en situation

Centres d’évaluation

Références

Techniques projectives

Graphologie

Pseudo-sciences

Caractéristiques

des recruteurs

Sexe

Age

Niveau d’études

Type d’études

Statut

Expérience

Niveau des postes

Haut niveau

Bas niveau

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121

conseil (41%) qui recrutent des candidats à des postes de cadre et de 193

recruteurs en agence d’intérim (59%) qui recrutent pour des postes

subalternes. Sur les 134 recruteurs en cabinet conseil, 60 sont des

directeurs de cabinet et 74 sont des consultants. Sur les 193 recruteurs en

agence d’intérim, 46 sont responsables d’agence, 81 sont chargés de

recrutement et 66 sont assistants de recrutement. Notre échantillon n’est

pas représentatif de la population des recruteurs français.

Tableau 3 : Caractéristiques des recruteurs selon leur statut et

le type de structure

Statut des recruteurs et type de structure

Directeurs

Cabinet

conseil

N=60

Consultants

Cabinet

conseil

N=74

Responsables

d’agence

Intérim

N=46

Chargés de

recrutement

Intérim

N=81

Assistants

recrutement

Intérim

N=66

Caractéristiques

des recruteurs N % N % N % N % N %

Sexe

Femmes

Hommes

22

38

37

63

42

32

57

43

18

28

39

61

53

28

65

35

59

7

89

11

Age

21-30 ans

31-45 ans

46-64 ans

1

18

41

2

30

68

19

28

27

26

38

36

12

29

5

26

63

11

54

25

2

67

31

2

59

7

0

89

11

0

Années études

Bac à Bac+2

Bac+3 à Bac+4

Bac+5 et +

2

10

48

3

17

80

5

19

50

7

26

68

26

15

5

56

33

11

27

37

17

33

46

21

27

21

18

41

32

27

Type d’étude

Commerce

Sciences humaines20

Sciences sociales21

Technique22

Divers23

Néant

16

13

16

9

5

1

27

22

27

15

8

1

21

36

6

8

3

0

28

49

8

11

4

0

13

1

3

1

14

14

28

2

7

2

31

30

23

17

11

3

23

4

28

21

14

4

28

5

27

18

4

0

16

1

41

27

6

0

24

2

Années d’expérience

1 à 3 ans

4 à 14 ans

15 à 35 ans

7

19

34

11

32

57

20

40

14

27

54

19

7

31

8

15

68

17

49

32

0

60

40

0

54

11

1

82

17

1

20 Psychologie, sociologie, gestion des ressources humaines. 21 Droit, économie, sciences politiques. 22 Ingénieur, technique, productique. 23 Comptabilité, graphologie, lettres, histoire, creps, langues, gestion, paramédicales,

agroalimentaire, travail temporaire, communication, géologie, informatique, construction,

secrétariat, tourisme, assistante de direction, documentaire.

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122

Ces données montrent le statut inégal des hommes et les femmes.

On trouve plus d’hommes que de femmes dans les postes de directeur

(63% d’hommes) et de responsable (61%), ceci quelle que soit la

structure considérée (cabinet conseil ou agence d’intérim). Inversement,

il y a plus de femmes que d’hommes dans les postes de statut moindre, et

ceci dans toutes les structures (57% de consultantes en cabinet conseil,

65% de chargées de recrutement et 89% d’assistantes de recrutement en

agence d’intérim).

En outre, il est intéressant de constater que l’âge des recruteurs

varie également en fonction de leur statut mais aussi du type de structure.

Les recruteurs les plus âgés sont dans l’ensemble ceux qui ont le statut le

plus élevé et dirigent les cabinets conseil (68% d’entre eux ont entre 46 et

64 ans). Il est assez surprenant de voir que les agences d’intérim

emploient des recruteurs très jeunes notamment en ce qui concerne les

postes d’assistants (89% ont entre 21 et 30 ans). Ce sont probablement

des stagiaires.

Il ne semble pas y avoir de relation entre le nombre d’années

d’études des recruteurs et leur statut. Les dirigeants ne sont pas forcément

diplômés. Dans les cabinets conseil, le niveau de formation des directeurs

et des consultants est sensiblement le même (minimum de 4 ans d’études

après le Bac). Dans les agences d’intérim, la durée de formation des

responsables est restreinte (de 0 à 2 ans pour 56% d’entre eux), formation

d’une durée inférieure à celle des chargés et des assistants de recrutement

(de 3 à 4 ans). Les exigences des cabinets conseil en termes de durée de

formation de leurs recruteurs semblent plus fortes que celles des agences

d’intérim.

Si l’on considère la formation reçue par l’ensemble des recruteurs

concernés par notre étude, on ne peut que constater leur grande disparité.

Cette hétérogénéité concerne surtout les agences d’intérim où quasiment

1/3 des recruteurs n’ont pas fait les mêmes études. Certaines des

formations reçues par les personnels de ces agences (histoire,

informatique, tourisme, lettres,…) sont en outre très éloignées de ce que

l’on peut attendre d’une formation au recrutement.

C’est la formation commerciale (30,6%) qui est la plus fréquente

parmi les recruteurs de notre échantillon, quels que soient leur statut et le

type de structure concernés. Les psychologues (et ceux qui ont suivi une

formation en psychologie) viennent ensuite (15,6%) et sont

particulièrement présents parmi les consultants en cabinet conseil (35%).

Les recruteurs ayant reçu une formation en psychologie sont plus rares

(7%) dans les agences d’intérim. En ce qui concerne celles-ci, on peut

noter que 30% des responsables d’agence n’ont reçu aucune formation

post-baccalauréat. Enfin, 7,6% des recruteurs ont suivi des études en

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123

gestion des ressources humaines. Si les ingénieurs peuvent aussi assumer

ces fonctions, c’est, semble-t-il, uniquement dans les cabinets conseil.

Enfin, les recruteurs de notre échantillon ont des expériences

professionnelles disparates. Globalement, on peut dire que ce sont les

cabinets conseil qui bénéficient des recruteurs les plus expérimentés. En

revanche, les responsables d’agence ont en majorité une expérience

inférieure à 10 ans, expérience encore moindre chez les chargés de

recrutement (60% de primo-entrants24

) et les assistant de recrutement

(82% de primo-entrants dont 41% qui ont une expérience d’un an).

Ces données descriptives montrent que les recruteurs de cabinets

conseil et d’agences d’intérim ont des caractéristiques fort différentes :

âge, durée et type de formation reçue, expérience professionnelle. Les

pré-requis pour exercer la fonction de recruteur sont moins exigeants

dans l’intérim que dans les cabinets conseil en ce qui concerne

l’expérience professionnelle, le niveau et le type de formation.

2.2. Procédure et méthode utilisées

Nous avons donc collecté (Laberon, 2001) diverses informations

auprès des 327 recruteurs ayant participé à notre enquête (134 en cabinet

conseil, 193 en agence d’intérim). Il leur a été demandé d’indiquer sur

une échelle en trois degrés (1 = jamais utilisée ; 2 = emploi occasionnel ;

3 = emploi systématique) s’ils utilisent certains outils d’évaluation au

cours de leurs pratique de sélection. Grâce à une fiche signalétique, nous

avons pu recueillir les données relatives aux caractéristiques des

recruteurs (sexe, âge, niveau d’études, type d’études, statut, expérience

du recrutement).

2.3. Traitement des données

Nous avons cherché dans un premier temps explorer les

regroupements éventuels de techniques sélection par le biais d’une

analyse factorielle. Ce traitement permet d’identifier les associations

faites par les recruteurs des outils qu’ils emploient.

Dans un deuxième temps, afin de mettre nos hypothèses à

l’épreuve, nous avons choisi de procéder à des régressions multiples

hiérarchiques entre l’utilisation moyenne de chaque technique de

sélection (critère), le niveau du poste à pourvoir et les différentes

caractéristiques des recruteurs (prédicteurs), exception faite de leur sexe

24

Les primo-entrants sont des salariés de moins de 3 ans d’expérience

professionnelle.

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124

et de leur type de formation. Ces dernières données catégorielles seront

traitées grâce à des analyses de variance.

3. Résultats

3.1 Les associations de techniques utilisées par les recruteurs

Les données recueillies concernent le degré25

d’utilisation par les

recruteurs des 10 techniques de sélection présentées dans notre modèle

d’analyse (figure 1). Afin de regrouper les techniques utilisées

conjointement, ces 10 variables ont été soumises à une analyse

factorielle, suivie de rotations varimax (nombre d’axes fixé grâce au

scree-test). Cette analyse nous donne des indications sur la façon dont les

recruteurs associent ces outils dans leur pratique de sélection. Elle a

abouti à une structure à trois facteurs qui exclut les techniques projectives

et les pseudo-sciences (voir tableau 4).

Tableau 4 : Résultats d’une analyse factorielle (suivie de rotations varimax)

menée sur l’utilisation des diverses techniques par 327 recruteurs

F1 F2 F3

% de variance expliquée 26,8 18,1 14,2

Tests d’intelligence générale .889

Tests d’aptitudes spécifiques .834

Questionnaire de personnalité .739

Centres d’évaluation .697

Mises en situation .688

Graphologie -.608

Entretien .693

Références .688

Le premier facteur rend compte de 26,8 % de la variance totale. Il

regroupe les « techniques psychométriques » classiques permettant

d’évaluer l’intelligence, les aptitudes et la personnalité. Ces techniques

seraient employées conjointement par les recruteurs. Le deuxième facteur

explique 18,1 % de la variance totale. Il est bipolaire et oppose les centres

d’évaluation et les mises en situation à la graphologie. Cet axe discrimine

les recruteurs choisissant des techniques d’une excellente validité26

à

ceux qui utilisent la graphologie, technique non valide. Il sera nommé:

« techniques valides versus non-valides ». Le troisième facteur explique

14,2 % de la variance totale. Nous y retrouvons deux techniques

25

1 = jamais utilisée ; 2 = emploi occasionnel ; 3 = emploi systématique. 26

Qui prédisent la réussite professionnelle.

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125

d’évaluation qui impliquent une recherche d’informations socio-

biographiques variées sur le candidat : l’entretien et les références. Nous

avons nommé ce facteur « techniques centrées sur l’histoire des

candidats».

3.2 Effets des caractéristiques du contexte et des caractéristiques

personnelles des recruteurs sur leurs choix des outils d’évaluation

Pour estimer les relations entre le niveau du poste à pourvoir, les

caractéristiques des recruteurs et les outils de sélection choisis, nous

avons procédé à un certain nombre de calculs d’inférences. Les

techniques projectives et les pseudo-sciences, employées plus rarement

par les recruteurs, n’ont pu être incluses dans ces analyses. Pour les

scores obtenus aux 8 autres techniques de sélection et pour les scores

calculés des trois facteurs mis en évidence par analyse factorielle, nous

avons effectué des régressions multiples hiérarchiques. Nous avons

intégré en tant que prédicteurs les variables niveau du poste à pourvoir

(de 1 faible à 2 élevé), âge des recruteur (de 21 à 64 ans), niveau d’étude

des recruteur (de Bac+0 à Bac+9), statut des recruteurs (de 1 faible à 3

élevé) et expérience de la pratique du recrutement (de 1 à 35 ans). Ces

analyses peuvent mettre en évidence la contribution de chaque prédicteur

à l’explication de l’utilisation de chacune des techniques de sélection

(« Techniques psychométriques » avec les tests de facteur G, d’aptitudes

spécifiques et les inventaires de personnalité ; « techniques valides versus

non valides » avec les mises en situation, les centres d’évaluation et la

graphologie et « techniques centrées sur l’histoire du candidat » avec

l’entretien et la prise de références).

En ce qui concerne les variables catégorielles sexe et type de

formation des recruteurs, nous avons procédé à des analyses de variances

avec comparaisons a posteriori par la méthode de Sheffé. Elles nous ont

permis de savoir si ces dernières caractéristiques des recruteurs exerçaient

une influence sur leurs choix d’outils.

3.2.1 Les déterminants de l’utilisation des « techniques

psychométriques »

En ce qui concerne les caractéristiques des recruteurs, nous

n’avons pas observé (ANOVA) d’effet de leur sexe sur l’utilisation des

techniques psychométriques. Les hommes les utilisent autant que les

femmes (respectivement M=1,96 et M=1,92 pour les postes de haut

niveau ; M=1,73 et M=1,62 pour les postes de bas niveau). En outre,

d’après des analyses en régressions multiples hiérarchiques, l’âge des

recruteurs, leur niveau de formation, leur statut et leur expérience de la

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126

pratique n’ont pas d’effet significatif sur le recours aux techniques

psychométriques. La seule variable ayant un effet significatif sur

l’utilisation de ces techniques est le niveau du poste à pourvoir (β = .24, p

<.01). L’ajout simultané des caractéristiques des recruteurs (âge, niveau

d’étude, fonction et expérience) ne contribue qu’à diminuer la qualité du

modèle de prédiction.

Tableau 5 : Coefficients de régression multiple hiérarchique entre le niveau du

poste, les caractéristiques des recruteurs et l’emploi des « techniques

psychométriques »

Variables Pas R2 ΔR

2 F β

Niveau du poste 1 .057 .055 19,801 .24**

Caractéristiques des recruteurs* 2 .063 .048 4,298 NS * âge, niveau d’études, statut et expérience

** p<.01

Plus précisément, si l’on considère seulement les

questionnaires de personnalité, alors le niveau du poste à pourvoir a

un effet significatif sur leur utilisation (12,1% de variance expliquée).

Plus le poste à pourvoir est de niveau hiérarchique élevé, plus l’utilisation

de ces inventaires est fréquente.

Tableau 6 : Coefficient de régression entre le niveau du poste et l’emploi des

inventaires de personnalité

Variables R2 ΔR

2 F β

Niveau du poste .121 .118 44,693 .348** ** p<.01

En revanche, l’emploi des tests d’intelligence générale et des

tests d’aptitudes spécifiques, ne dépend ni des caractéristiques des

recruteurs, ni du niveau du poste recruté.

Si le type de formation des recruteurs n’a pas d’effet sur le

recours à ces techniques pour les postes de bas niveau, nous observons en

revanche un effet significatif du type de formation des recruteurs sur

l’utilisation de tests d’intelligence et d’aptitudes pour les postes de haut

niveau (F=3,982, p=.01). Dans les cabinets conseils seulement, les

recruteurs utilisent plus souvent les « techniques psychologiques » s’ils

ont été formés en sciences humaines (M=2,14) et en sciences sociales

(M=2,01). Ils les utilisent moins lorsqu’ils ont une formation technique

(M=1,76) et encore moins lorsqu’ils ont une formation commerciale

(M=1,69). Les comparaisons de moyennes a posteriori par la méthode de

Sheffé indiquent que la différence entre les recruteurs issus de formations

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127

commerciales et les recruteurs issus de formations en sciences humaines est

significative (p<.01).

En ce qui concerne plus particulièrement les inventaires de

personnalité et les tests d’intelligence générale, la différence d’utilisation

moyenne entre recruteurs formés en sciences humaines (respectivement

M=2,36 et M=2,12) et recruteurs de formation commerciale (respectivement

M=1,81 et M=1,67) est elle-aussi significative (respectivement p<.01 et

p<.05).

Si l’on dissocie les formations en sciences humaines afin de

discerner les psychologues du travail, on remarque que ces derniers

emploient toujours plus les « techniques psychologiques » (M=2,35) que les

commerciaux (M=1,69) (p<.007). Entre ces deux catégories, on trouve des

psychologues venant d’autres filières (M=2,25) et des gestionnaires des

ressources humaines (M=1,92). Cette différence va dans le même sens que ce

soit pour les tests d’intelligence générale (p<.01) ou pour les inventaires de

personnalité (p<.02).

3.2.2 Les déterminants de l’utilisation des « techniques

valides versus non valides »

Les régressions multiples hiérarchiques montrent que les variables

ayant un effet significatif sur l’utilisation de techniques valides/non valides

sont : le niveau du poste à pourvoir, ainsi que deux caractéristiques des

recruteurs, leur âge et leur statut. L’ajout du niveau d’étude et de l’expérience

des recruteurs diminue la qualité du modèle de prédiction qui n’est plus

significatif lorsqu’il les inclut.

Tableau 7 : Coefficients de régression multiple hiérarchique entre le niveau du

poste, les caractéristiques des recruteurs et l’emploi des « techniques valides

versus non valides »

Variables Pas R

2 ΔR

2 F β

Niveau du poste 1 .278 .276 125,020 -.527**

Age des recruteurs 2 .294 .290 67,417 -.164**

Statut des recruteurs 3 .303 .297 46,841 -.117*

Niveau d’études des recruteurs 4 .303 .295 35,034 -.010

Expérience des recruteurs 5 .304 .293 28,035 .046 * p<.05 ; ** p<.01

Plus précisément, le recours à la graphologie est corrélé

positivement au type de poste à pourvoir et à l’âge des recruteurs (54,6% de

variance expliquée). L’emploi de techniques valides (mises en situation

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128

notamment) est lié faiblement et négativement avec le niveau du poste

(R2=.049, F=16,907, β=-.222**) mais pas aux caractéristiques des recruteurs.

Ainsi, c’est le niveau du poste à pourvoir qui prédit le mieux

l’utilisation de la graphologie. L’ajout de l’âge des recruteurs contribue à

améliorer le modèle de prédiction : plus les sujets recrutent pour des postes

de niveau élevé et plus ils sont âgés, plus ils emploient la graphologie.

Tableau 8 : Coefficients de régression multiple hiérarchique entre le niveau du

poste, les caractéristiques des recruteurs et l’emploi de la graphologie

Variables Pas R2 ΔR

2 F β

Niveau du poste 1 .491 .490 313,718 .701**

Age des recruteurs 2 .546 .543 194,828 .302**

Statut des recruteurs 3 .547 .543 129,971 .037

Niveau d’études des recruteurs 4 .549 .543 97,832 .048

Expérience des recruteurs 5 .549 .542 78,114 .029 ** p<.01

Si l’on considère séparément les postes de haut et de bas niveau, en

calculant dans chaque sous-groupe les corrélations entre les caractéristiques

des recruteurs et l’utilisation de la graphologie, on voit en effet que ces

caractéristiques ont un effet plus marqué pour les postes de haut niveau.

Tableau 9 : Corrélations entre les caractéristiques des recruteurs et l’utilisation

de la graphologie pour chaque niveau de poste

Emploi de la graphologie

pour :

Age Statut Expérience Niveau

d’étude

Poste de haut niveau .391** .236** .324** .017

Poste de bas niveau .176* .200** .089 .053 * p<.05 ; ** p<.01

Des régressions linéaires simples permettent de confirmer le fait que

l’âge (R2=.153, F=23,817, β=.391**), l’expérience (R

2=.105, F=15,458,

β=.324**), et le statut (R2=.056, F=7,802, β=.236**) des recruteurs de postes

de haut niveau permettent de prédire de façon indépendante pour chaque

caractéristique, l’emploi de la graphologie pour les postes de haut niveau.

Une relation similaire est retrouvée entre l’âge (R2=.031, F=6,099, β=.176*)

et le statut (R2=.040, F=7,998, β=.200**) des recruteurs et l’utilisation de la

graphologie pour les postes de bas niveau. Autrement dit, plus les recruteurs

sont âgés et ont un statut élevé, plus ils utilisent la graphologie.

Les ANOVAS qui ont été effectuées ne montrent pas de différence

significative d’utilisation de la graphologie entre des recruteurs de

formation initiale différente, et cela quel que soit le niveau de poste

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Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

129

recruté. L’utilisation de la graphologie ne semble dépendre ni du type de

formation reçue, ni du niveau d’études des recruteurs. La seule différence

observée quant à l’utilisation de la graphologie concerne les postes de

haut niveau : les recruteurs ayant suivi des études en sciences humaines

sont ceux qui l’utilisent le moins (M=1,93). Viennent ensuite les

formations techniques (M=2,0), commerciales (M=2,05) et en sciences

sociales (M=2,27).

Ce sont les recruteurs ayant reçu une formation en psychologie du

travail qui utilisent le moins la graphologie (M=1,82), ainsi que ceux

ayant suivi une filière de GRH (M=1,92) ; en revanche, les psychologues

d’autres filières (M=2,08) l’utilisent autant que les commerciaux

(M=2,05). On peut remarquer que 18% des psychologues du travail

l’emploient encore systématiquement et 47% occasionnellement (ce qui

est beaucoup si leur formation comprend une sensibilisation à la validité

des techniques d’évaluation). En ce qui concerne les psychologues des

autres filières, la situation est pire, avec 25% d’utilisations systématiques

(contre 19% pour les commerciaux et 15% pour les GRH) et 58%

d’utilisations occasionnelles (67,6% chez les commerciaux et 61,5% chez

les GRH).

L’utilisation des techniques les plus valides (mises en situation et

centres d’évaluation) ne dépend pas non plus de la formation reçue par

les recruteurs. Si l’on ne considère que les postes de haut niveau, alors ce

sont les recruteurs formés en sciences humaines et en GRH qui utilisent

le plus ces techniques (respectivement M=1,51 et M=1,50), suivis des

recruteurs issus de filières commerciales (M=1,36) puis techniques

(M=1,26). Parmi les recruteurs formés en sciences humaines, ce sont les

psychologues du travail (M=1,55) puis ceux formés en GRH (M=1,46)

qui utilisent davantage ces techniques, plus que les psychologues issus

d’autres filières (M=1,37) et les commerciaux (M=1,36) ; ceci va dans le

même sens que ce qui a été observé plus haut à propos de l’utilisation de

techniques psychométriques et de la non-utilisation de la graphologie.

Enfin, le sexe des recruteurs n’a pas d’effet sur l’utilisation de la

graphologie, ni sur l’emploi des mises en situation et des centres

d’évaluation.

3.2.3 Les déterminants de l’utilisation des « techniques

centrées sur l’histoire des candidats »

L’usage des « techniques centrées sur l’histoire des candidats »

(entretiens, références) ne semble pas lié aux variables personnelles

(caractéristiques des recruteurs) et situationnelles (caractéristiques du poste)

mesurées dans notre étude. Ni le niveau du poste à pourvoir, ni l’âge des

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recruteurs, ni leur statut, ni leur expérience ne prédisent l’utilisation de

l’entretien et des références.

Une exception remarquable concerne le recrutement de postes de bas

niveau, pour lesquels la corrélation entre l’utilisation des références et le

niveau d’étude des recruteurs est négative (r=-.242, p<.01). Le fait d’utiliser

les références est significativement plus fréquent (F=2,816, p=.027) chez les

recruteurs n’ayant eu aucune formation après le baccalauréat (M=2,84) que

chez les recruteurs formés en sciences humaines (M=2,36), ceci pour le

recrutement de postes de bas niveau. Les recruteurs non formés utilisent les

références de façon systématique (84%) plutôt qu’occasionnelle (16%), ce

qui n’est pas le cas des recruteurs formés en sciences humaines (51%

d’emploi systématique et 46% d’emploi occasionnel). Cette différence

d’utilisation des références selon la formation des recruteurs n’apparaît plus

pour les postes de haut niveau, pour lesquels c’est l’entretien qui est utilisé de

façon systématique, ceci quelle que soit la formation des recruteurs.

Le sexe des recruteurs n’a pas d’effet sur l’usage de l’entretien, ceci

quel que soit le niveau du poste. En revanche, les références sont plus

souvent utilisées par les hommes (M=2,61) que par les femmes (M=2,36) et

plus souvent de façon systématique (hommes, 68% ; femmes, 41%). Mais

cette différence dans l’utilisation des références ne concerne que les postes

de bas niveau (F=8,274, p=.004).

4. Discussion

Nous avons pu observer que les recruteurs contactés pour notre étude

classent (et regroupent) les diverses techniques d’évaluation de trois façons.

Le premier facteur regroupe toutes les techniques psychométriques,

qui sont utilisées conjointement. Les recruteurs qui utilisent des tests

d’aptitudes ont tendance à employer également des questionnaires de

personnalité. L’objectif des recruteurs serait alors ici d’obtenir, à l’aide de

ces outils, des informations spécifiques sur les candidats (des scores sur

différentes échelles de personnalité et d’aptitudes).

Un second regroupement des techniques semble concerner leur

validité. Les recruteurs qui utilisent les mises en situation et les centres

d’évaluation rejettent la graphologie (et inversement). Les outils les plus

valides sont en réalité des techniques complexes et coûteuses, qui exigent des

compétences particulières pour les construire et du personnel pour les

utiliser. Ces techniques sont spécifiques vis-à-vis du poste à pourvoir : elles

permettent d’estimer les capacités des candidats à réussir dans des tâches et

fonctions similaires à celles qu’ils auront à assumer dans le poste proposé

(grâce à un échantillonnage des situations de travail). Ces outils pourraient

être choisis, par certains recruteurs, malgré leur coût, en raison de leur bonne

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validité prédictive. Rien d’étonnant alors à ce que ceux qui prennent la peine

d’utiliser des techniques aussi sophistiquées n’emploient pas la graphologie,

dont la validité prédictive est nulle. Il est possible, à l’inverse, que les

utilisateurs de la graphologie (peu coûteuse) répugnent à utiliser des

techniques nécessitant un investissement assez lourd et des connaissances

méthodologiques approfondies.

Le troisième facteur regroupe les techniques permettant de recueillir

des informations sur l’histoire des candidats (entretiens, références). Ces

méthodes ont d’autres points communs, comme leur facilité d’utilisation sans

formation particulière et leur coût raisonnable. Ces techniques sont

abordables, quelles que soient les formations suivies par les recruteurs, mais

leur validité prédictive est médiocre, sans doute parce qu’elles laissent une

place importante à l’intuition (entretiens non structurés et utilisation des

références notamment).

Nous avons vu que certaines caractéristiques du poste à pourvoir ont

un effet significatif sur l’utilisation différentielle des techniques de sélection.

Nos résultats ont montré que c’est le niveau du poste qui correspond aux

meilleurs modèles de prédiction, notamment en ce qui concerne l’utilisation

des techniques d’évaluation de la personnalité (inventaires de personnalité et

graphologie). Pour évaluer la personnalité des candidats, les cabinets conseils

utilisent plutôt la graphologie, les agences d’intérim plutôt les inventaires de

personnalité. Au-delà des techniques particulières qui sont utilisées, c’est

bien la personnalité des candidats que les recruteurs veulent évaluer, en tout

cas pour les postes d’encadrement. On ne retrouve pas ce souci d’évaluer la

personnalité des candidats pour les postes subalternes. Ce résultat va dans le

sens des travaux sur l’appréciation de l’efficacité des encadrants dans les

organisations. Elle dépend davantage de dimensions de la performance

« contextuelle » que de dimensions de la performance « aux tâches »,

contrairement à l’appréciation des personnels subalternes. Or la personnalité

est explicative de la performance « contextuelle » (Motowidlo et Van

Scotter, 1994). Ceci peut expliquer aussi que recruter pour des postes de bas

niveau augmente la probabilité d’utiliser des mises en situation puisqu’elles

évaluent des compétences liées aux tâches à accomplir. Cela nous renvoie

probablement aussi à des modèles implicites selon lesquels la réussite des

personnels d’exécution serait plutôt liée à des compétences

comportementales et à des aptitudes, alors que la réussite professionnelle des

cadres serait davantage déterminée par la personnalité des individus

(Laberon & Vonthron, 2008).

Les caractéristiques des recruteurs semblent avoir, d’après notre étude,

des effets beaucoup plus modestes que les caractéristiques des postes sur leur

utilisation différentielle des techniques d’évaluation.

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Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

132

En fait, si certaines caractéristiques des évaluateurs (âge, expérience)

ont un effet, c’est surtout sur le choix des techniques les moins valides

(graphologie et références). Le recours à la graphologie serait le fait des

recruteurs les plus âgés, ayant le statut le plus élevé (dirigeants) et le plus

d’expérience, notamment dans les cabinets conseil.

L’utilisation de la graphologie décroît depuis les années 90. De plus ce

sont les recruteurs formés en psychologie du travail et en GRH qui l’utilisent

le moins. Cependant il est étonnant que 18% des recruteurs formés en

psychologie du travail l’utilisent encore de façon systématique. On peut

supposer tout d’abord qu’ils y sont contraints par les dirigeants des structures

qui les emploient, par les recruteurs les plus âgés et les plus expérimentés

(formés « à l’ancienne »). On peut aussi supposer, hélas, que leurs études de

psychologie ne les ont pas suffisamment sensibilisés à la validité douteuse de

certaines techniques.

Le type de formation reçue semble cependant avoir un effet incitatif

sur l’utilisation des techniques psychométriques (inventaires de personnalité

notamment). L’utilisation de ces questionnaires différencie les psychologues

et les commerciaux notamment.

Enfin, un faible niveau d’études chez les recruteurs (niveau

baccalauréat) est associé à l’utilisation plus importante des références des

candidats, pour les postes de bas niveau. Ceci peut s’expliquer par le fait que

la prise de références soit une méthode accessible et simple, ne nécessitant

aucune connaissance particulière.

Ces résultats montrent que les pratiques de recrutement sont sous-

tendues par des logiques différentes. Une logique « pragmatique »

correspondrait à l’utilisation conjointe de techniques comme l’entretien et les

références, techniques que tout recruteur peut penser maîtriser. On comprend

le lien entre le recours à ces techniques et le niveau de formation des

recruteurs. Une autre logique pourrait être « économique » et correspondre

au choix des méthodes les moins coûteuses. Ces deux logiques semblent

relativement indépendantes des contextes du recrutement et du type de

recruteur. Elles constituent sans doute les déterminants principaux des

méthodes de sélection, quels que soient les postes et les structures qui

recrutent. Elles se situent à l’antithèse d’un raisonnement scientifique

(Bruchon-Schweitzer, 2006) ou de justice procédurale (Steiner, 1996).

D’autres stratégies pourraient relever davantage d’un « modèle

d’adéquation » (Heilman, 1983) ou d’une « logique par rapport au poste »

(Steiner, 1996). Selon ces auteurs, la méthode utilisée par les recruteurs doit

leur permettre d’évaluer des caractéristiques qu’ils perçoivent comme

prédisant la réussite professionnelle future des candidats (leurs « points

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Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

133

forts »). Cette perception d’adéquation de la méthode peut relever de

croyances (l’emploi de la graphologie n’est pas lié à la formation des

recruteurs mais à leurs caractéristiques personnelles : âge, statut et

expérience) comme de connaissances (les tests psychologiques sont surtout

employés par les psychologues).

Enfin, comparé à des méthodes comme l’entretien ou la prise de

références, le recours à des techniques psychométriques pourrait servir à

montrer ostensiblement le niveau d’expertise des recruteurs (logique sociale

de justification). L’aspect métrique, quantifiable des scores et des

étalonnages fournis par les outils psychométriques renvoie sans doute à

certains recruteurs (et clients) une image rassurante et socialement valorisée

de scientificité.

Les tests sont-ils choisis pour leurs qualités psychométriques

(validité notamment) ? Une logique « scientifique » affecte-t-elle le choix des

outils pour le recrutement ? Le premier facteur obtenu à partir des scores

moyens d’utilisation de chaque technique (regroupant tous les tests) et le

second surtout (opposant les techniques les plus valides aux techniques les

moins valides) plaident en fonction d’une telle hiérarchisation des méthodes

selon leurs qualités scientifiques. Malgré tout, notre étude montre que les

caractéristiques des recruteurs (type et niveau d’étude) affectent peu la

préférence pour les méthodes valides.

On peut se réjouir de l’utilisation de techniques comme les mises en

situation pour les postes subalternes. Il faut bien reconnaître que « la

méthode de recrutement par simulation » utilisée pour ces postes s’est

beaucoup développée dans les structures de l’ANPE sous l’impulsion de

Lemoine (2003).

En conclusion, aucun de nos résultats ne permet d’affirmer que les

recruteurs fondent leur procédure d’évaluation des compétences des

candidats sur une logique scientifique. Une modélisation renvoyant à des

logiques de pratiques semble plus pertinente pour expliquer nos résultats. Les

choix que nous avons observés semblent découler d’une combinaison de

logiques diverses (pragmatique, économique, sociale), sans oublier une

logique d’adéquation. En effet, nos résultats montrent que les recruteurs

emploient des techniques d’utilisation aisées (en apparence) comme

l’entretien et les références (logique pragmatique), des techniques qu’ils

perçoivent comme adaptées au repérage des meilleurs candidats (logique

d’adéquation) et des techniques peu onéreuses (logique économique)

fournissant éventuellement des évaluations quantifiées (logique sociale de

justification).

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Sonia Laberon & Marilou Bruchon-Schweitzer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

134

Comment améliorer nos pratiques de sélection ? Une approche par la

connaissance reste certes indispensable et utile. Néanmoins, elle peut être en

conflit avec des logiques plus subjectives (représentations, habitudes,

convictions, croyances) permettant de faire face à la complexité de l’activité

de sélection. Les actions pertinentes pour développer des techniques de

quantification plus valides, mais plus coûteuses, comme les mises en

situation, les centres d’évaluation ou même les entretiens situationnels,

passent nécessairement par la formation des évaluateurs mais aussi par un

travail de communication auprès des recruteurs actuels et futurs. Il s’agit de

les convaincre de la capacité de ces techniques (au-delà de leur efficacité) à

développer leur image d’experts de l’évaluation. March (1991) indiquait que

les différentes méthodes de quantification encouragent les décideurs à penser

que la scientificité des techniques qu’ils utilisent rend leur décision

rationnelle et leur garantit une certaine expertise en matière de science de la

décision. Pourquoi les psychologues du travail ne s’appuieraient-ils pas aussi

sur cette logique sociale dans leurs efforts pour améliorer la qualité

scientifique des procédures de sélection.

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PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

137

L’apport des tests d’aptitudes dans le recrutement :

l’exemple de la NV5-R

The Contribution of Aptitude Tests in Recruitment :

the example of NV5-R

Philippe Chartier*

*Institut National d’Etude du Travail et d’Orientation Professionnelle

Centre de Recherche sur le Travail et le Développement (EA 4132),

Equipe Psychologie de l’Orientation,

Conservatoire National des Arts et Métiers, 41, rue Gay Lussac, 75005 Paris

[email protected]

Résumé

A partir du constat d’une utilisation limitée des tests d’aptitudes dans les

procédures de recrutement, cet article tente d’illustrer la pertinence de telles

épreuves à partir d’une recherche appliquée portant sur le recrutement de

commerciaux. Ainsi, 32 candidats ont participé à la procédure de recrutement

habituellement pratiquée par l’organisation à laquelle nous avons rajouté trois

des subtests de la batterie NV5-R. La comparaison des scores obtenus à cette

dernière épreuve et des résultats de la procédure classique de recrutement pour

chacun des sujets montre qu’une information assez semblable est obtenue par les

ces deux modalités de sélection. L’apport des tests d’aptitudes dans les

procédures de sélection professionnelle est discuté au regard de ces résultats tout

en posant les limites de la présente étude.

Abstract

From the observation of a limited use of aptitude tests in the recruitment process,

this article attempts to illustrate the relevance of such tests from applied research

on the recruitment of sales persons. Thus, 32 candidates have participated in the

recruitment process that is traditionally practiced by the organization, to which

we have added three of the subtests of the battery NV5-R. The comparison of the

scores at this test and the results of the classical procedure of recruitment for

each subject shows that similar information is obtained by these two methods of

selection. The contribution of aptitude tests in selection procedures has been

discussed in terms of these results while laying the limitations of this study.

Mots clés : Recrutement ; Évaluation ; Aptitudes cognitives ; Validité prédictive

Keywords : Recruitment ; Assessment ; Cognitive abilities ; Predictive validity

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1. Introduction

Si la pertinence de l’utilisation des tests d’aptitudes dans les

procédures de recrutement a été largement démontrée (Salgado, 2001 ;

Chartier et Loarer, 2008…), leur utilisation est cependant loin d’être

systématique en France avec une fréquence moyenne d’utilisation autour

de 60 % (Bruchon-Schweitzer, M. et Ferrieux, D., 1991 ; Laberon et al.,

2005). Par ailleurs, l’analyse des différents manuels de tests d’aptitudes

révèle d’importantes lacunes concernant les études de validité critérielle

de ces outils de sélection. Ainsi, le présent article propose dans un

premier temps de rappeler les principaux atouts des épreuves d’aptitude

dans le champ de la sélection professionnelle tout en essayant d’envisager

quelques pistes explicatives concernant leur faible utilisation. Dans un

second temps, et pour pallier aux carences relevées, nous proposons

d’établir une étude de validité critérielle de la batterie NV5 R en

l’intégrant dans une procédure de recrutement de commerciaux. Nous

discuterons enfin, de la portée de nos résultats.

2. Cadre théorique

2.1 La validité critérielle des tests d’aptitudes dans les procédures

de recrutement

Rappelons que la validité critérielle consiste à rendre compte des

relations entre les résultats de tests et des critères telles que la réussite

scolaire et/ou professionnelle (Laveault et Grégoire, 2002). Cette relation

entre les prédicteurs et les critères peut s’établir soit simultanément

(validité concourante) soit de façon différée dans le temps (validité

prédictive) Dickes et al. (1994). L’utilisation des tests d’aptitudes dans

les procédures de sélection est ancienne, presque aussi ancienne que les

tests eux-même (Vrignaud et Loarer, 2008). Leur validité a toujours été

vérifiée : « les aptitudes intellectuelles ont montré depuis fort longtemps

leur intérêt dans la sélection du personnel » (Bernaud, 2000b, p.116).

Même si la force de la liaison entre tests d’aptitudes et critère de réussite

professionnelle peut dépendre des métiers (Ree et Earles, 1991 ; Hunter,

1986) et des types d’indicateurs pris en compte tant au niveau du test

étudié (prédicteur) qu’au niveau des critères de réussite professionnelle

(Laveault et Grégoire, 2002), le pouvoir prédictif des tests d’aptitudes est,

en moyenne, toujours plus élevé que celui obtenu à l’aide d’autres

prédicteurs comme les variables de personnalité, les résultats d’entretiens

ou encore les bilans graphologiques (voir par exemple : Schmidt et

Hunter, 1998 ; Bernaud, 2000 ; Salgado, 2001). Ainsi les liaisons entre

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tests d’aptitudes cognitives et réussite professionnelle, ou réussite en

formation, varient entre .24 et .70 selon les professions, ou les types de

formation, avec une valeur moyenne de .50 (Bernaud, 2000b ; Salgado et

al., 2003 ; Thiébaut et Richoux, 2005), ce qui est élevé et pourrait

justifier leur utilisation accrue. Toutefois, ces épreuves restent peu

utilisées.

2.2 Des épreuves trop rares dans les procédures de recrutement

Face à ce paradoxe qui perdure, quelques pistes explicatives

peuvent être envisagées. Tout d’abord, si l’on s’en réfère à l’étude de

Laberon et al. (2005), on remarque que les tests d’aptitudes sont utilisés

plus fréquemment par les recruteurs ayant suivi une formation en

psychologie (dans 82,7 % des recrutements contre 66,5 %). Comme les

psychologues ne représentent qu’une minorité des professionnels de ce

secteur d’activité27

, l’utilisation des épreuves d’aptitudes dans les

procédures de recrutement est de ce fait limitée. Ensuite, d’autres

pratiques de recrutement comme l’entretien et la graphologie sont très

appréciées des recruteurs et/ou des employeurs (Bernaud, 2000b ; Caroff

et Rogard, 2006) et prennent le pas sur les épreuves d’aptitudes alors

même que leur validité scientifique n’est pas comparable. En effet,

l’entretien lorsqu’il n’est pas structuré obtient un coefficient de prédiction

de la réussite professionnelle assez faible (.14 à .23 selon Robertson et

Smith, 1989) ; celui de la graphologie est quasi nulle (Huteau, 2004). Ce

dernier constat permet de comprendre que les recruteurs sont plus

sensibles à la validité apparente des méthodes de sélection qu’à leurs

qualités métrologiques. D’ailleurs, les situations items des tests

d’aptitudes ne présentent pas, en première analyse, et pour un non

psychologue, de liens étroits avec des situations réelles d’activité

professionnelle. Ceci renforce sans doute la difficulté des recruteurs

psychologues à justifier l’utilisation de ce type d’outil dans une procédure

de recrutement dont les modalités peuvent être définies, en totalité ou en

partie, par un non-psychologue. Cet aspect peut sans doute partiellement

expliquer l’intérêt actuel croissant pour les « Assessment Center » qui

présentent des liens plus visibles entre situations d’évaluation et

situations de travail (voir par exemple Borteyrou, X., Rascle, N.,

Bruchon-Schweitzer, M. & Collomb, P., 2006 ou Lievens, F., Van Keer,

E., De Witte et Morel, 2005). Enfin, lorsqu’on connaît l’intérêt porté par

les recruteurs aux qualités métrologiques des outils de sélection, on ne

27

Par exemple seulement 16% des recruteurs ont une formation en psychologie

dans l’étude de Laberon et al. (2005).

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peut que déplorer l’accès souvent difficile à ce type d’information. En

effet, les études de prédiction existent mais sont pour la plupart en langue

anglaise et peu accessibles aux professionnels car dans des revues

scientifiques spécialisés. Lorsqu’on analyse les données figurant dans les

manuels des tests d’aptitudes, on peut être surpris par leur faiblesse à ce

niveau. Par exemple, dans une rénovation assez récente du test des

dominos (la version D2000) et largement utilisé dans des procédures de

recrutement (au moins dans ses versions plus anciennes D48 et D70),

aucune information précise n’est fournie au sujet de la valeur prédictive

des épreuves et aucune étude ne figure dans le manuel. Il est vrai que la

réalisation de ce type d’étude est extrêmement coûteuse ce qui peut

expliquer, mais non excuser, sa rareté.

2.3 L’exemple de la NV5 R

La batterie factorielle NV5-R, éditée en 1987 et révisée en 2003

(Thiébaut & Bidan-Fortier, 2003) présente les caractéristiques classiques

d’une batterie d’aptitudes cognitives : une série d’épreuves indépendantes

(subtests) les unes des autres, permettant d’évaluer une large gamme

d’aptitudes28

. Elle repose cependant, sur un modèle théorique assez peu

fréquent : le modèle en radex29

. Elle est assez utilisée dans les pratiques

de bilan. Bien que le manuel comporte quelques informations générales

concernant la validité critérielle des tests d’intelligence aussi bien dans le

domaine des acquisitions scolaires que dans le domaine professionnel, il

ne comporte aucune étude expérimentale, donc aucune donnée précise,

dans ces domaines. On retrouve ici le constat que nous avons évoqué plus

haut concernant l’absence d’information précise sur la validité critérielle

d’un test particulier dans une pratique de sélection de personnel.

Pour tenter de combler cette lacune, on peut relever une étude

assez récente (Thiébaut & Richoux, 2005) centrée sur la validité

prédictive de la NV5-R dans une procédure de sélection de vendeurs.

Plus précisément il s’est agit dans cette recherche d’estimer les qualités

de différents subtests dans la prédiction du niveau de réussite à une

formation commerciale (formation proposée à l’issue du recrutement). A

partir du calcul de coefficients de régression, il s’avère que, parmi les

sept scores de la NV5-R30

, les prédicteurs les plus pertinents sont les

28

Il existe neuf subtests dans la batterie NV5-R. 29

Le lecteur peu familier avec ce modèle pourra consulter le manuel de la NV5-

R (Thiébaut & Bidan-Fortier, 2003) qui comporte une large introduction sur ce

modèle théorique. 30

Raisonnement général, Compréhension verbale, Calcul, Raisonnement

inductif, Attention, Vocabulaire, Orthographe.

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scores aux trois épreuves suivantes (dans l’ordre d’importance) :

Raisonnement général, Compréhension verbale et Orthographe. Pour la

première épreuve, que l’on peut rapprocher de la notion d’intelligence

générale (facteur g), le constat n’est guère surprenant. Pour la deuxième,

on retrouve ici l’importance de la composante verbale, surtout dans le

type d’activité professionnelle préparée (activité commerciale). Le poids

de l’épreuve d’orthographe est moins attendu et s’explique, pour les

auteurs, au-delà des connaissances dans ce domaine, par le fait qu’elle

reflète également les capacités d’apprentissage du sujet : « l’épreuve

d’orthographe n’est donc pas un prédicteur désuet du résultat

d’apprentissage » (Thiébaut et al., 2005, p.415).

Pour appuyer les résultats de cette étude et contribuer à fournir de

la connaissance en matière de prédiction de la réussite professionnelle,

nous avons procédé à une étude de validité critérielle de cette même

batterie.

3. Méthode

3.1 Cadre de la recherche

Nous sommes partis des principaux résultats de cette étude pour

répondre à une demande d’une entreprise qui souhaitait questionner ses

procédures de recrutement. Afin de compléter la procédure actuelle de

recrutement de cette entreprise nous avons proposé la passation des trois

subtests pré-cités de la NV5-R en supplément de la procédure habituelle

de sélection. Cette démarche nous permettra de mettre à l’épreuve notre

hypothèse concernant l’existence d’un lien entre les aptitudes évaluées

par la NV5-R (prédicteur) et les résultats des candidats à la procédure

actuelle de sélection (critère). Plus précisément nous nous demanderons :

dans quelle mesure les scores aux subtests NV5-R sont-ils liés

aux décisions finales de recrutement (validité critérielle) ?

si l’utilisation de scores composites (prenant en compte plusieurs

subtests) permet d’améliorer cette liaison ?

si une approche plus qualitative de la validité de la NV5-R en

situation de recrutement peut être envisagée ?

3.2 Population

L’étude porte sur 33 personnes, 21 femmes et 12 hommes, âgés

de 21 à 25 ans. Les niveaux d’études sont au minimum Bac + 2. Ces

personnes sont candidates pour un emploi de commercial, comprenant

une période de neuf mois de formation dans une école de vente

(formation en alternance).

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3. 3 Procédure

Les trois étapes habituelles du recrutement ont été

réalisées auprès des sujets de l’échantillon : analyse de C.V, participation

à une session collective d’information31

(destinée à présenter de façon

exhaustive les emplois proposés et à répondre aux interrogations

éventuelles des candidats) et enfin, une série d’entretiens de sélection

assez faiblement structurés (3 entretiens sont prévus par candidat). La

décision finale s’effectue à l’issue des entretiens de sélection. La

passation des subtests de la NV5-R est une étape supplémentaire

effectuée en début de session collective d’information32

. Les résultats de

ces épreuves d’aptitudes ne seront pas connus des recruteurs afin de ne

pas influencer leur décision finale de recrutement et les candidats en

seront informés.

3. 4 Le matériel : Les subtests de la NV5-R

Pour des raisons de temps de passation limité, et à partir des

résultats de Thiébaut et Richoux (2005), seuls trois subtests ont été

utilisés :

Le subtest Raisonnement général, sensiblement similaire au test

BV9 de Bonnardel, comporte 45 items à résoudre en 20 minutes.

Les situations sont variées (proverbes, complètement de séries de

nombres…) et reposent sur du raisonnement inductif ou déductif.

Le subtest Compréhension Verbale qui correspond au test BV51

de Bonnardel. Il comporte 12 items à résoudre en 8 minutes. Il

s’agit de sélectionner les deux phrases qui se rapprochent le plus

d’une pensée.

Le subtest Orthographe est également un test de Bonnardel (le

BOR 18) dans lequel le sujet doit indiquer si le mot présenté est

correctement orthographié. 52 items sont présentés avec un temps

de passation de 3 minutes.

3. Résultats

Sur les 33 candidats, 32 protocoles ont été exploitables33

, et 19

candidats ont finalement été retenus à l’issue de la procédure de sélection.

31

Il s’agit plus d’une étape d’auto-sélection. 32

Nous remercions Melle Laloum pour le recueil des données effectué dans le

cadre d’un mémoire de Master. 33

Un candidat a démissionné en cours de procédure.

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Nous distinguerons donc le groupe de sujets sélectionnés à l’issue de la

procédure habituelle de recrutement (N = 19) et le groupe de sujets non

retenus (N = 13). Nous présenterons nos résultats en fonction des trois

questions que nous avons formulées.

3.1 Dans quelle mesure les scores aux subtests NV5-R sont-ils

liés aux décisions finales de recrutement ?

On s’attend à observer des valeurs moyennes supérieures aux

subtests de la NV5-R pour le groupe des sujets sélectionnés.

Tableau 1 : Moyennes (et écart type) des subtests de la NV5-R.

N NV5

Raisonnement

NV5

Comp. Verbale

NV5

Orthographe

Sujets non

retenus 13

23,3

4,1

59,2

11,3

26,5

9,4

Sujets

retenus 19

24,9

4,5

70,5

9,7

29

6,8

Les valeurs moyennes des subtests de la NV5-R sont bien

supérieures pour le groupe des sujets sélectionnés, mais seule la

différence au niveau du subtest Compréhension Verbale est

statistiquement significative (t = 2,2 ; p = .04). Contrairement à l’étude

de Thiébaut & Richoux (2005), et à nos attentes, c’est le subtest

Compréhension Verbale, et non pas le subtest Raisonnement, qui se

montre le meilleur prédicteur pour distinguer les deux groupes de sujets.

3.2 L’utilisation de scores composites (prenant en compte

plusieurs subtests) permet-elle d’améliorer cette liaison ?

Si l’on cherche maintenant à conjuguer les informations

apportées par des subtests différents, afin de prendre en compte les trois

dimensions en même temps, il est possible de créer des indicateurs

composites. Pour pouvoir effectuer ces transformations, les variables

considérées ne doivent pas être indépendantes. Pour nous en assurer,

observons les valeurs de corrélation présentées dans le tableau 2.

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Tableau 2 : Corrélations entre les subtests de la NV5-R.

NV5

Raisonnement

NV5

Comp. Verbale

NV5

Orthographe .49** .27

NV5

Comp. Verbale .42*

* corrélation significative à .05 ** corrélation significative à .01

Sur les trois valeurs de corrélations, deux sont significatives à .01, et l’on

observe une tendance pour la troisième (significative à .10). On ne peut

donc pas considérer ces aptitudes comme indépendantes, ce qui nous

autorise le calcul de scores composites34

. Compte tenu des différences des

échelles de cotation, nous avons transformé les scores des sujets aux

subtests de la NV5-R en notes centrées réduites avant de calculer ces

scores composites. A partir de trois variables, il est possible de calculer

quatre scores composites (trois composés de deux subtests et un composé

des trois subtests). On s’attend à ce que le score composite qui porte sur

les trois subtests, et qui prend donc en compte un ensemble plus large

d’aptitudes, soit le plus prédictif de la réussite au recrutement. Les

données figurent dans le tableau suivant.

34

La valeur de corrélation de .27 même si elle n’est pas statistiquement

significative (ce qui peut s’expliquer par la faiblesse numérique de notre

échantillon) n’est pas, pour autant, une valeur négligeable.

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Tableau 3 : Moyennes des scores composites de la NV5-R (à partir des notes

des subtests en notes z), et écart entre les groupes.

NV5 Scores Composites

Raisonnement

+

Comp.Verbale

Raisonnement

+

Orthographe

Comp.

Verbale

+

Orthographe

Raisonnement

+

Comp.

Verbale

+

Orthographe

Sujets non

retenus - 0,51 - 0,46 - 0,51 - 0,46

Sujets retenus 0,26 0,23 0,28 0,24

Ecart moyen

(significativité)

0,77

(t = 2,4 ;

p = .02)

0,69

(N.S à .05)

0,79

(t = 2,4 ;

p = .02)

0,70

(t = 2,1 ;

p = .045)

Pour les quatre scores composites, la valeur moyenne des

candidats sélectionnés est bien supérieure à celle des candidats rejetés,

avec des écarts moyens sensiblement équivalents entre ces deux groupes

de sujets (ils varient entre 0,69 et 0,79). Seule une différence, la plus

faible, n’est pas statistiquement significative (celle du score composite

Raisonnement+ Orthographe). Avec ici 3 différences significatives, on

peut considérer que la prise en compte de plusieurs aptitudes au sein d’un

score composite permet bien d’améliorer la qualité de la liaison entre les

résultats des tests et les décisions de recrutement, mais à condition d’y

inclure le subtest Compréhension Verbale 35

. Par contre et contrairement à

nos attentes, le score composite qui discrimine le mieux les deux groupes

de sujets repose sur seulement 2 subtests, Compréhension Verbale +

Orthographe, et non pas sur les 3.

3.3 Une approche plus qualitative de la validité de la NV5-R en

situation de recrutement peut-elle être envisagée ?

Cette approche plus qualitative consiste à prendre en compte le

nombre de sujets pour lequel on observe un accord entre les deux

méthodes de sélection (NV5-R vs procédure classique). Cette approche

peut se formuler ainsi : si l’on sélectionnait les sujets uniquement à partir

35

On retrouve ici l’importance de ce subtest qui avait été repéré précédemment.

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de leurs scores aux subtests de la NV5-R quelle serait la marge d’erreur

(comparativement aux sujets réellement sélectionnés) ?

A défaut de seuil défini a priori pour chaque subtest (seuil qui

distinguerait les sujets à sélectionner des sujets à rejeter), nous prendrons

comme valeur de référence le nombre de sujets finalement retenus (N=

19) pour sélectionner les 19 meilleurs scores de chaque subtest et

comparer cette liste aux 19 candidats réellement sélectionnés par la

procédure habituelle de recrutement. Les données du tableau 4

correspondent au nombre (et taux) de sujets communs aux deux modes de

sélection.

Tableau 4 : Nombre (et pourcentage) de sujets retenus (par la procédure

classique) parmi les 19 meilleurs scores de chaque subtest de la NV5-R

NV5

Raisonnement

NV5

Comp. Verbale

NV5

Orthographe

13

68%

15

78%

13

68%

Nous retrouvons ici le constat de la validité supérieure du subtest

Compréhension Verbale. Ce subtest permet de repérer quasiment 80 %

des sujets qui ont été finalement sélectionnés. Autrement dit, en utilisant

uniquement ce subtest comme procédure de sélection on obtiendrait un

résultat assez conforme au résultat final, avec une marge d’erreur

relativement modérée : seulement 4 sujets ne seraient pas retenus si on ne

prenait en compte que les résultats à ce subtest et, inversement, 4 sujets

seraient sélectionnés, alors qu’ils n’ont finalement pas été retenus. Pour

les deux autres subtests, la marge d’erreur est plus importante mais ils

permettent néanmoins de repérer près de 70 % des candidats finalement

admis.

Qu’apporteraient ici les scores composites ? En appliquant la même

logique de comparaison nous obtenons les résultats suivants :

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Tableau 5 : Nombre (et pourcentage) de sujets retenus parmi les 19 meilleurs

scores de chaque score composite de la NV5-R

Raisonnement

+ Comp.Verbale

Raisonnement

+ Orthographe

Comp. Verbale

+ Orthographe

Raisonnement

+ Comp. Verbale

+ Orthographe

15

78%

14

74%

14

74%

15

78%

Deux constats ici, par rapport au tableau précédent :

on observe une légère augmentation du nombre de sujets

communs lorsque les subtests sont associés au subtest

Compréhension Verbale dans un score composite. Par exemple,

en n’utilisant que le subtest Raisonnement, on repère 13 sujets

(voir tableau 4), mais si on associe Raisonnement à

Compréhension Verbale dans un score composite, le nombre de

sujets repérés s’élève à 15 ;

aucun des scores composites n’améliore la qualité de la

congruence qui a été observée pour le seul subtest

Compréhension Verbale (15 sujets repérés).

4. Discussion

Nous sommes bien conscients de certaines limites de notre étude,

et tout particulièrement la faiblesse numérique de notre échantillon qui ne

nous permet pas de généraliser avec assurance nos résultats. Notre

recherche présente donc un caractère assez exploratoire, dont les résultats

seraient à confirmer sur un échantillon plus large de sujets, voire sur un

échantillon plus large de subtests. Rappelons que nous ne cherchions pas

ici à analyser la validité de la procédure actuelle de recrutement menée

par l’entreprise mais, ambition plus modeste, notre objectif était de

questionner les apports éventuels de trois subtests de la NV5-R dans cette

procédure. Nos résultats montrent que les subtests, et principalement ici

la Compréhension Verbale, apportent une information assez conforme

aux résultats terminaux de la procédure habituelle de sélection.

Finalement, cette étude montre, premièrement, que l’utilisation

d’un seul subtest (Compréhension Verbale) permet de repérer près de

80% des candidats finalement sélectionnés, alors même que cette épreuve

ne demande que 8 minutes de passation (à comparer au temps passé dans

les différentes phases actuelles de recrutement).

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Deuxièmement, elle suggère que l’utilisation combinée de

subtests de la NV5-R et de certaines phases de la procédure actuelle de

sélection (phases qui restent à définir) permettrait très probablement

d’obtenir une sélection des candidats de même qualité tout en réduisant

fortement le temps total du processus de recrutement. Si l’entreprise

souhaite exploiter les résultats de cette étude, il conviendrait de raisonner

en terme de gain (et en particulier de gain de temps...) et de risque

(acceptation d’erreur) avant d’apporter éventuellement des modifications

à sa procédure de recrutement. Des recherches complémentaires seraient

à mener, notamment par des études prédictives prenant en compte le

niveau de réussite de la phase de formation, afin de pouvoir minimiser ce

risque. En effet, cette étude ne porte que sur les liaisons entre les résultats

aux subtests de la NV5 et la procédure actuelle de sélection et ne nous dit

rien sur la réussite ultérieure en formation.

Troisièmement, elle permet de s’interroger sur la nature des tests

à utiliser en recrutement. Comme nous l’avons déjà indiqué, dans une

recherche précédente portant sur la NV5-R (Thiébaut et Richoux, 2005),

le subtest le plus prédictif de la réussite en formation était le subtest

Raisonnement Général. D’après nos résultats, et nos critères, le subtest

qui semble ici le plus en adéquation avec les résultats de la sélection des

candidats est le subtest Compréhension Verbale, subtest qui apparaissait

en seconde position dans la recherche pré citée. Une première explication

de cette différence entre les deux études repose sur le type de prédiction

opérée, réussite en formation pour Thibaut et al., (2005), congruence

avec une procédure de sélection pour notre étude. La seconde explication

prend en compte des différences plus générales entre ces deux recherches

(nombre de sujets, nombre de subtests…). Reste que ce résultat est

étonnant car nous nous attendions à retrouver le subtest Raisonnement

Général, proche de la notion de facteur g, et qui de plus comporte un

nombre conséquent d’item (ce qui, théoriquement, devrait augmenter la

fiabilité de la mesure), avant le subtest Compréhension Verbal, plus

spécifique, et comportant un nombre restreint d’items. Il faudrait alors

rechercher une explication au niveau du contenu même des épreuves ? Le

fait que le processus actuel de sélection repose en grande partie sur une

série d’entretiens, dans lesquels intervient fortement le facteur verbal,

pourrait expliquer ces résultats. La question qui se pose ici rejoint alors

l’une des question fondamentale dans l’utilisation de tests dans une

procédure de sélection : utiliser un (ou des) tests oui, mais le(s)quel(s) ?

Un test d’aptitude générale (facteur g ?) ou une batterie de tests

d’aptitudes ? Et/ou des épreuves encore plus spécifiques destinées à

évaluer des compétences plus étroitement liées aux spécificités du poste à

pourvoir ? En fait les réponses sont variées selon les chercheurs mais

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aussi selon le type de poste, et principalement selon son niveau de

complexité (voir par exemple Chartier et Loarer, 2008 ; Ree et al., 1994 ;

Salgado, 2001 ; Salgado, et al., 2003). La réponse à cette question reste

donc toujours d’actualité.

Références

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Page 49: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

151

Intelligence émotionnelle en situation de recrutement :

une étude de validité incrémentielle auprès de

candidats à l’entrée en Master professionnel

Emotional intelligence in recruitment: a study of

incremental validity on candidates for the entrance to

professional Master

Audrey Pavard et Even Loarer

Université Paris X-Nanterre, EA 3984 « Processus cognitifs et conduites

interactives ». Equipe « Travail et évolution professionnelle (TEP) »

200 avenue de la République – 92001 Nanterre Cedex

[email protected]; [email protected]

Résumé

L’étude porte sur la validité incrémentielle d’une mesure d’intelligence

émotionnelle en complément de tests cognitifs et de personnalité, dans la

prédiction de la réussite de candidats en situation de recrutement en Master

professionnel. Un test de personnalité (NEOPI-R), un test d’aptitudes cognitives

(DAT-5) et un test d’intelligence émotionnelle (QPE) ont été administrés à 175

candidats. La validité a été analysée à l’aide d’un modèle de régression multiple

ascendante incrémentielle, au regard des résultats de l’entretien de recrutement et

de la décision finale d’admission. Les résultats montrent que la mesure

d’intelligence émotionnelle apporte une contribution propre à la prédiction de la

réussite à la sélection.

Summary

The study has for subject the incremental validity of emotional intelligence

measurement as a supplement to cognitive and personality tests, in the prediction

of candidates' success in situation of recruitment in professional Master. A

personality test (NEOPI-R), a test of cognitive capacities (DAT-5) and a test of

emotional intelligence (QPE) were administered to 175 candidates. The validity

was analyzed with a model of ascending multiple incremental regression, in

relation to the results of the admission interview and the definitive decision of

admittance. Results show that the measure of emotional intelligence makes a

specific contribution to the prediction of the success in the selection.

Mots clés : Intelligence émotionnelle, personnalité, aptitudes cognitives,

recrutement.

Keywords: Emotional intelligence, personality, cognitive abilities, recruitment.

Page 50: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

Audrey Pavard et Even Loarer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

152

1. Introduction

Depuis les années 1990, le concept d’intelligence émotionnelle est

apparu dans le champ de la psychologie du travail et des organisations

pour désigner la capacité à percevoir, exprimer, comprendre et gérer ses

propres émotions et celles d’autrui (Mayer et Salovey, 1997).

L’intelligence émotionnelle est également décrite comme un facteur

important dans la différenciation des conduites humaines et comme

prédicteur du succès au travail (Bar-On, 2000). Des études ont cependant

mis en évidence des corrélations non négligeables entre des mesures

d’intelligence émotionnelle et des mesures de personnalité ou encore des

mesures d’intelligences logico-mathématiques. Ces résultats, interprétés

en termes de redondance entre les mesures ont amené certains auteurs (cf.

Mathiews, Zeiner & Roberts, 2002) à conclure au faible intérêt de cette

notion. Pourtant, d’autres auteurs (par exemple, Loarer, 2005 ; Wong &

Law, 2002, 2004) soulignent l’intérêt de tester la validité prédictive

incrémentielle de l’intelligence émotionnelle et avancent l’hypothèse que

l’intelligence émotionnelle pourrait apporter un supplément d'explication

de variance de la performance au travail, par rapport aux épreuves de

personnalité et aux épreuves cognitives. Avant donc de conclure à

l'inutilité du concept d'intelligence émotionnelle, il convient de comparer

les validités prédictives d'épreuves relevant de ces trois domaines.

La recherche présentée dans le présent article, porte sur la validité

prédictive de l’intelligence émotionnelle dans une situation particulière

qui est celle du recrutement. La première partie de cet article sera

consacrée à l’approche théorique et pratique de la notion d’intelligence

émotionnelle. La deuxième, à la présentation de notre recherche

expérimentale en précisant nos objectifs de recherche et la méthodologie

retenue. La troisième partie sera consacrée à la restitution et à la

discussion des principaux résultats.

2. Cadre théorique : le concept d’intelligence émotionnelle

Apparu dans les années 1990 (Mayer, DiPaolo & Salovey, 1990 ;

Salovey & Mayer, 1990) et popularisée par Goleman dès 1995, le concept

d’intelligence émotionnelle a déclenché un vaste engouement auprès du

grand public. Il s’en est suivi de nombreux développements et

opérationnalisations plus ou moins fantaisistes qui ont souvent contribués

à rendre le concept suspect aux yeux de certains scientifiques. Concept

heuristique pour les uns, chimère pour les autres (cf. Mathiews et al.,

Page 51: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

Audrey Pavard et Even Loarer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

153

2002), il mérite d’être examiné avec soins tant du point de vue de sa

définition que de celui de sa validité empirique.

2.1 Définitions du concept d’intelligence émotionnelle

Les conceptions des auteurs diffèrent passablement quant à sa

définition.

Mayer et Salovey, premiers auteurs à utiliser la notion d’intelligence

émotionnelle, la définissent comme « une forme d’intelligence qui

suppose la capacité à contrôler ses sentiments et émotions et ceux des

autres, à les distinguer entre eux et à utiliser ces informations pour

orienter ses pensées et ses gestes » (Salovey & Mayer, 1990).

L’intelligence émotionnelle repose sur quatre compétences : la capacité à

percevoir, exprimer, comprendre et gérer ses propres émotions et celles

d’autrui (Salovey & Mayer, 1990).

Pour Goleman, il s’agit plus largement de notre « capacité à

reconnaître nos propres sentiments et ceux des autres, à nous motiver

nous-mêmes et à bien gérer nos émotions en nous-mêmes et dans nos

relations avec autrui » (1999, p. 368). L’intelligence émotionnelle

recouvre 25 compétences émotionnelles regroupées en cinq facettes : la

conscience de soi, la maîtrise de soi, la motivation, l’empathie et les

aptitudes sociales.

Un peu plus tard, Bar-On (1997) introduit l’expression de « quotient

émotionnel » et développe une vision également très extensive de

l’intelligence émotionnelle. Il la définit comme une capacité générale,

nécessaire à l’adaptation émotionnelle et sociale. Pour cet auteur,

l’intelligence émotionnelle est plus qu’un ensemble d’habiletés mentales

permettant de percevoir, assimiler, comprendre et réguler les émotions ;

c’est, selon ses propres termes (Bar-On, 1997), « un ensemble

impressionnant de capacités non cognitives » qui influence les

comportements des individus face aux pressions environnementales. Son

modèle identifie cinq grands domaines de compétences, chacun couvrant

des habiletés spécifiques qui contribuent au succès. Il s’agit des

compétences intra personnelles (considération pour soi, conscience de ses

propres émotions, affirmation de soi, indépendance et réalisation de soi),

des compétences interpersonnelles (empathie, responsabilité sociale et

relations interpersonnelles), de l’adaptabilité (résolution de problèmes,

flexibilité et test de la réalité), de la gestion du stress (tolérance au stress

et contrôle de l’impulsivité) et de l’humeur générale (optimisme et joie

de vivre).

Ces auteurs ont développé des outils d’évaluation en rapport avec

leur modèle : le MEIS puis le MSCEIT (Mayer, Salovey et Caruso

Page 52: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

Audrey Pavard et Even Loarer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

154

Emotional Intelligence Test) pour Mayer et Salovey, l’Inventaire de

Quotient Emotionnel (EQ-I, Emotional Quotient Inventory) pour Bar-On

(1997).

La comparaison de ces différents modèles fait apparaître des visions

très différentes de ce construit, contradictoires pour les uns mais

complémentaires pour d’autres (cf. Ciarrochi et al., 2000). Cependant,

comme le souligne Austin (2004), tous se réfèrent à des capacités de

perception, de compréhension, d’utilisation et de contrôle des émotions,

et cela tant dans le registre intra individuel que dans le registre

interpersonnel. C’est ce constat qui a amené Loarer & Loss (2005) à

concevoir un test d’intelligence émotionnelle (le QPE) qui se focalise sur

ces dimensions essentielles.

2.2 L’intelligence émotionnelle en milieu professionnel

L’intérêt croissant porté à la notion d’intelligence émotionnelle en

psychologie du travail n’est pas sans relation avec celui porté au sein des

organisations aux interactions sociales, aux collectifs de travail et à

l’efficacité des relations avec la clientèle, ainsi qu’à la nécessité de mieux

comprendre ce qu’il est aujourd’hui courant d’appeler les « compétences

comportementales ». Pourtant, dans le cadre du travail, les émotions ont

longtemps été reléguées au second plan au profit des capacités

intellectuelles considérées comme garantes du succès professionnel. Ce

n’est que depuis cette dernière décennie que, notamment sous l’influence

des travaux de Damasio (1995) mais aussi des publications de Goleman

(1997, 1999), que l’on assiste à la réhabilitation de l’émotion dans le

cadre professionnel. L’engouement pour la notion d’intelligence

émotionnelle s’explique également par le fait que les prédicteurs cognitifs

traditionnels laissent une grande part de variance non expliquée de la

réussite et de la performance au travail que la prise en compte des traits

de personnalité ne permet pas, loin s’en faut, de combler. Les épreuves

d’aptitudes cognitives et de personnalité sont considérées comme de bons

prédicteurs de la réussite professionnelle mais ne contribuent

respectivement qu’à 25% et 16% dans l’explication des comportements et

de la réussite professionnelle (Hogan, De Fruyt & Rolland, 2005, Hunter

& Hunter, 1984 ; Robertson & Smith, 2001 ; Salgado, 1997 ; Schmidt &

Hunter, 1998). Plusieurs auteurs (Austin, 2004 ; Bar-on, 2000 ; Goleman,

1997) affirment que l’intelligence émotionnelle est un meilleur prédicteur

de certains comportements professionnels que le facteur général

d’intelligence.

Plusieurs études ont testé la validité prédictive de différentes

épreuves d’intelligence émotionnelle. Ainsi, par exemple, concernant les

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Audrey Pavard et Even Loarer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

155

épreuves de Mayer et Salovey, Rice (1999, cité par Brackett et Salovey,

2006) a mené une étude sur les dirigeants du service des réclamations

d’une compagnie d’assurance. Il a constaté que les dirigeants évalués

comme étant les plus efficaces dans leur travail par leurs responsables

étaient ceux qui avaient les scores au MEIS les plus élevés. Les résultats

commerciaux de l’équipe du service des réclamations de l’entreprise se

sont également avérés corréler fortement avec la moyenne des scores de

l’équipe obtenus au MEIS. Concernant le MSCEIT, Barchard (2003)

constate, à capacités cognitives et traits de personnalité constants, une

relation significative entre le score d’intelligence émotionnelle et le

niveau de fin d’études atteint par des étudiants. Bar-On (1977, 2000)

fournit également de nombreux exemples de prédiction par l’EQ-I du

statut professionnel, de la réussite académique ou encore de la façon de

gérer son stress.

2.3 L’intelligence émotionnelle, la personnalité et les aptitudes

cognitives

Diverses études de validité convergentes et divergentes ont comparé

les mesures d’intelligence émotionnelle avec d’autres construits

psychologiques scientifiquement bien établis tels que l’intelligence

logique ou la personnalité. Les résultats de ces études attestent de certains

liens entre ces dimensions. Ainsi, certaines études font apparaître que les

mesures d’intelligence émotionnelle entretiennent des corrélations

significatives avec des mesures de la personnalité (Petrides & Furnham,

2001 ; Brackett & Mayer, 2003) ou encore avec des mesures

d’intelligence générale (Van Rooy & Wiswersanc, 2004 ; O’Connor &

Little, 2003).

Il est d’ailleurs à noter que les corrélations qu’entretient l’intelligence

émotionnelle avec ces différents construits diffèrent selon les épreuves

d’intelligence émotionnelle utilisées. Les résultats des épreuves inspirés

du modèle de Mayer et Salovey ont tendance à corréler avec des épreuves

de raisonnement et de facteur G, alors que des mesures d’intelligence

émotionnelle réalisées à l’aide d’épreuves inspirées du modèle de Bar-On

ont tendance à corréler avec les épreuves de personnalité. Compte tenu de

la nature des modèles d’intelligence émotionnelle concernés, cela peut ne

pas surprendre. Ainsi par exemple, Bar-On (1997) rapporte que certaines

sous-échelles de son épreuve l’EQ-I corrèlent significativement avec

l’inventaire des seize facteurs de personnalité, le 16PF de Catell (1933) ;

et notamment avec le facteur « stabilité émotionnelle ». Les données

obtenues pour évaluer la validité de construit de l’EQ-I, rendent compte

de corrélations entre le facteur de stabilité émotionnelle et le score de

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Audrey Pavard et Even Loarer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

156

l’EQ-I comprises entre .51 et .72 (cité par Newsome, Day & Catano,

2000). Cela est confirmé par Dawda & Hart (2000) qui observent que

l’épreuve de Bar-On présente des corrélations non négligeables avec

l’ensemble des dimensions de la personnalité selon le modèle des Big

Five. Ces corrélations sont en moyenne de .50 et vont même pour

certaines jusqu’à .70.

Par ailleurs, Van Rooy et Viswesvaranc (2004) ont mis en évidence

par une méta-analyse que le MEIS de Mayer et Salovey, corrélait

significativement (.30) avec l’intelligence générale (facteur g). Brackett

et Mayer (2003) observe pour sa part un lien significatif de .32 (p<.001)

entre le MSCEIT et une mesure de l’intelligence verbale et O’Connor et

Little (2003) observent également une corrélation entre le MSCEIT et

une mesure d’aptitudes cognitives de .35.

Certains auteurs interprètent ces résultats comme témoignant d’une

redondance entre les dimensions évaluées et se posent la question de

l’utilité du concept d’intelligence émotionnelle (cf. Matthews et al.

2002). De fait, les corrélations observées avec les comportements

professionnels dans le cadre des études de validité prédictives peuvent

être simplement dues au recouvrement de la mesure d’intelligence

émotionnelle avec les dimensions de la personnalité ou encore avec les

aptitudes cognitives. Or, les études citées ne fournissent pas d’indications

sur ce que deviennent ces coefficients de prédiction lorsque l’on maintien

constant la personnalité ou les aptitudes cognitives. C’est ce que nous

avons souhaité faire dans l’étude que nous présentons dans cet article.

Elle consiste à examiner les valeurs prédictives de différentes épreuves

évaluant la personnalité, les aptitudes cognitives et l’intelligence

émotionnelle relativement au comportement et à la réussite des candidats

en situation de recrutement et à tester l’hypothèse que la mesure

d’intelligence émotionnelle apporte un surcroît d’explication par rapport

aux épreuves de personnalité et d’aptitudes cognitives.

3. Méthode

3.1 Echantillon

L’étude a porté sur 157 candidats postulant à l’entrée en Master

professionnel de psychologie du travail. Il s’agit de l’ensemble des

candidats admis à concourir, après une présélection sur dossier qui

élimine environ 1 candidat sur 2 pour résultats insuffisants ou candidature

inappropriée. Les candidats (22 hommes et 135 Femmes) ont en moyenne

24,4 ans (avec un écart-type de 2,5 ans).

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Audrey Pavard et Even Loarer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

157

3.2 Procédure

Les 157 candidats ont passé des tests psychométriques : un test

factoriel d’aptitudes cognitives (DAT-5), un test de personnalité (NEO

PI-R) et un test d’intelligence émotionnelle (QPE). Dans la semaine qui a

suivi, les candidats ont passé un entretien devant un jury composé d’un

enseignant de psychologie du Master et d’un professionnel psychologue

du travail. L’admission en Master a été ensuite prononcée sur la base de

l’analyse du dossier de candidature et de l’évaluation du candidat lors de

l’entretien. 25 candidats ont été finalement admis.

3.3 Epreuves psychométriques

La DAT-5 (Tests Différentiels d’Aptitudes, 5ème édition) est une

batterie de tests standardisés qui a eu pour premier objectif de mesurer les

aptitudes des élèves en milieu scolaire. Par la suite, l’utilisation de la

DAT-5 s’est développée dans le domaine de l’orientation professionnelle

des jeunes adultes, de la formation et de la sélection. Cette batterie de

tests comprend sept épreuves. Pour notre part, nous en avons uniquement

utilisé deux : l’épreuve de Raisonnement Verbal (RV) et celle de

Raisonnement Abstrait (RA).

Le NEO PI-R est un inventaire qui permet de mesurer les cinq

dimensions principales de la personnalité selon le modèle des « big

five ». Les cinq dimensions évaluées sont le Névrosisme (N),

l’Extraversion (E), l’Ouverture (O), l’Agréabilité (A) et le Caractère

Consciencieux (C). Chacune des dimensions est décomposée en six

facettes. Cet outil a été créé par Costa et McCrae en 1985 aux Etats-Unis

et a été révisé dans les années 1990. Il a été adapté en français par

Rolland et Petot en 1994. Questionnaire auto-évaluatif, il comprend 240

items avec cinq possibilités de réponses allant de « fortement en

désaccord » à « fortement d’accord ».

Le QPE est un Questionnaire de Profil Emotionnel destiné à donner

une description structurée du profil émotionnel d’une personne. Il a été

créé par Loarer et Loss en 2001 et a été révisé en 2005 (Loarer & Loss,

2005). Ce test, comprend 75 items. Il évalue trois dimensions : la

sensibilité émotionnelle, la compréhension émotionnelle et la gestion

émotionnelle, et cela dans les deux sphères intra personnelle et

interpersonnelle. Les items se présentent sous forme d’affirmation avec

quatre modalités de réponse allant de « non jamais » à « oui toujours ». Il

donne lieu au calcul de 8 scores correspondants aux dimensions décrites

dans le tableau 1.

Page 56: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

Audrey Pavard et Even Loarer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

158

Tableau 1 : Dimensions du QPE (Loarer & Loss, 2005)

Sphère intrapersonnelle

(individuelle)

Sphère interpersonnelle

(sociale)

Sensibilité et

perception des

émotions

(SEI) Sensibilité

émotionnelle

(STA) Stabilité

émotionnelle

(SES) Sensibilité et

perception des émotions

des autres

Compréhension

des émotions

(COEI) Compréhension de

ses propres émotions

(COES) Compréhension

des émotions des autres

Gestion des

émotions

(CTE) Contrôle émotionnel

(GEI) Gestion de ses

propres émotions

(GES) Gestion des

émotions interpersonnelles

3.4 L’entretien de sélection

Les entretiens de sélections durent 20 mn. Ils suivent un protocole

précis et donnent lieu à une observation structurée des comportements

des candidats. A l’issue de l’entretien, chaque membre du jury remplit de

façon indépendante une grille d’évaluation selon 26 critères. Chaque

critère est à évaluer selon une échelle de Likert en six points (de 1 = pas

du tout / très mauvais à 6 = tout à fait / très bon). Ensuite, les membres du

jury comparent leurs évaluations sur chacun des 26 critères et discutent

des écarts supérieurs à 2 points. Ils peuvent décider à l’issue de cet

échange de modifier ou de confirmer leur note initiale. La moyenne des 2

évaluations est ensuite retenue.

Une analyse en composantes principales réalisées sur ces scores a

révélé une structure oblique composée de trois facteurs. Le premier

facteur regroupe des critères de qualités techniques du candidat, le second

facteur des caractéristiques comportementales et émotionnelles du

candidat durant l’entretien et le troisième, la qualité de la prestation du

candidat. L’analyse de cohérence interne effectuée pour chacune des

dimensions se révèle satisfaisante et indique des alphas de Cronbach de

.98 pour le facteur 1, de .91 pour le facteur 2 et de .77 pour le facteur 3.

L’analyse de régression multiple révèle pour les trois facteurs des poids

explicatifs respectifs de .53 (soit 28,43% de la variance), de .276 (soit

7,6% de la variance) et de .246 (soit 6% de la variance) dans l’explication

de la décision d’admission.

Page 57: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

Audrey Pavard et Even Loarer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

159

3.5 Méthode d’analyse des données

Pour tester nos hypothèses, nous avons défini comme variables

explicatives les scores obtenus aux différentes dimensions des tests

administrés. Nous avons ainsi retenu 15 variables : cinq du test de

personnalité (N, E, O, A et C), deux du test d’aptitudes cognitives (RV et

RA) et huit du test d’intelligence émotionnelle (SEI, STA, COEI, CTE,

GEI, SES, COES et GES). Ces variables constituent nos prédicteurs. Les

dimensions évaluées lors de l’entretien ainsi que le résultat de la décision

d’admission constituent nos critères36

. Les données ont été analysées par

régression multiple pas à pas ascendante.

4. Résultats

4.1 Résultats de l’analyse incrémentielle relativement aux critères de

la grille d’évaluation.

Les tableaux 2a et 2b indiquent les valeurs prédictives des

dimensions des tests lorsqu’ils sont combinés ensemble sur les différents

critères établis de la grille « évaluation entretien ». Sont reportés les

résultats significatifs37

au seuil p<.05. Les résultats concernant les scores

de facteurs ne sont pas présentés, l’analyse n’ayant pas fait apparaître de

résultats significatifs, ce qui peut s’expliquer de différentes façons,

notamment par la diversité de ce qui sous-tend les comportements.

36

On peut noter que nous sommes dans une situation d’étude de validité

critérielle des épreuves psychométriques retenues. La mise en relation de ces

épreuves avec le résultat d’admission s’inscrit clairement dans une démarche de

validité pronostique (prédictive). La mise en relation des épreuves

psychométriques avec l’entretien a cependant un statut moins simple même s’il

n’est pas erroné de parler encore de validité prédictive. L’entretien fait lui-même

l’objet d’une évaluation et c’est la mesure produite qui est mise en relation avec

les prédicteurs issus des épreuves psychométriques. A ce titre, et puisque les

deux épreuves ne sont pas très éloignées dans le temps, ont peut également

considérer qu’il s’agit d’une étude de validité concourante (ou concomitante). 37

Les critères ne présentant pas de corrélation avec au moins une épreuve ont été

enlevés du tableau afin d’en faciliter la lecture. Exemples de critères dans ce

cas : « Précision et structuration du projet professionnel », « Capacité à mettre en

lien ses expériences avec son projet professionnel », « Capacité à justifier son

choix pour la psychologie du travail ».

Page 58: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

Audrey Pavard et Even Loarer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

160

Tableau 2a : Coefficients de régression multiple et R² entre les tests

psychologiques et les critères d’évaluation de l’entretien (1ère partie)

Étapes Dimensions R

multiple R² Bêta

Niveau

Technique

1 RV .272 .0742 .272

2 .325 .1057

RV .285

N -.18

Maturité

1 RV .301 .0907 .301

4 .433 .1874

RV .318

N -.30

STA -.30

COES .153

Qualités

personnelles

permettant de

réussir en M2

1 RV .284 .0807 .284

2 .357 .1276

RV .294

N -.25

STA -.22

Qualité de

l’argumentation

1 RV .270 .0729 .27

2 .323 .1046

RV .251

GEI -.18

Ouverture aux

remarques et

questions du

jury

1 RV .224 .0501 .224

4 .354 .1251

RV .267

COEI -.23

COES .239

GES -.17

Qualité de la

motivation pour

la formation

1 RV .238 .0566 .238

2 .284 .0804

RV .246

E .155

Capacité à

justifier son

choix pour

l’université

1 RV .217 .0470 .217

3 .333 .1110

RV .247

E .236

COEI -.15

Les bêtas sont significatifs à p<.05.

Page 59: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

Audrey Pavard et Even Loarer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

161

Tableau 2b : Coefficients de régression multiple et R² entre les tests

psychologiques et les critères d’évaluation de l’entretien (2nde partie)

Étapes Dimensions R

multiple R² Bêta

Entretien

agréable

1 RV .238 .0567 .238

2 .306 .093

RV .249

E .193

Entretien

détendu

1 RV .185 .0340 .185

4 .2535 .0643

RV .160

E .272

C -.23

CT .158

Capacité à

gérer son stress

1 SEI .20 .0404 -.20

2 .256 .0655

SEI -.18

GEI -.161

Aisance du

comportement

1 RV .260 .0677 .260

3 .363 .132

RV .1320

GEI .185

STA -.16

SEI -.16

Soin apporté à

la présentation

de soi

1 GES .176 .0310 .176

2 .237 .0562

GES .251

GEI -.18

Les bêtas sont significatifs à p<.05.

Nous avons donc mené l’analyse au niveau de chaque critère évalué

par la grille d’évaluation. De manière générale, nous constatons que les

trois mesures (personnalité, aptitudes cognitives et intelligence

émotionnelle) contribuent de manière significative à la prédiction des

comportements des candidats en situation de recrutement.

Lorsque l’on s’intéresse à la première étape de l’analyse de

régression multiple pas à pas, on peut voir que la mesure des aptitudes

cognitives et notamment le Raisonnement Verbal (RV) présente quasi

systématiquement un caractère prédictif sur les différents critères de la

grille évaluation. La mesure d’intelligence émotionnelle et notamment les

Page 60: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

Audrey Pavard et Even Loarer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

162

dimensions Sensibilité émotionnelle (SEI) et Gestion des émotions

interpersonnelles (GES) ont un caractère prédictif pour le premier sur le

critère « Capacité à gérer son stress » et pour le deuxième sur le critère

« soin apporté à la présentation », avec des poids explicatifs respectifs de

-.20 et de .176. Quant à la mesure de la personnalité, à ce stade de

l’analyse, elle n’apporte pas de prédiction significative des

comportements.

A une seconde étape vont s’ajouter des mesures de l’intelligence

émotionnelle et/ou de la personnalité dans l’explication des

comportements des candidats, venant ainsi augmenter la part de variance

expliquée de certains critères. L’intelligence émotionnelle et notamment

les dimensions Stabilité émotionnelle (STA), Compréhension des

émotions des autres (COES), Compréhension de ses propres émotions

(COEI) et Gestion des émotions intra et interpersonnelles (GEI et GES),

Contrôle émotionnel (CT) et Sensibilité émotionnelle (SEI) apportent une

explication supplémentaire dans la prédiction de certains comportements.

Il en est de même pour certains traits de la personnalité tels que

l’Extraversion (E), le Névrosisme (N) et le Caractère consciencieux (C).

4.2. Résultats de l’analyse incrémentielle relativement à l’admission

du candidat

La décision d’admission repose à la fois sur l’évaluation du candidat

réalisée lors de l’entretien et basée sur la grille d’évaluation ci-dessus,

mais également sur les résultats universitaires du candidat et sur la qualité

de son dossier de candidature qui comprend d’autres éléments tels que ses

expériences professionnelles antérieures, une lettre de motivation et

d’autres éléments. Nous avons examiné la validité des tests qui ont été

passés pour la prédiction de la décision d’admission.

Tableau 3 : Coefficients de régressions multiples et R² entre les tests

psychologiques et la décision d’admission en Master professionnel

Étapes Dimensions R multiple R² Bêta

Décision

d’admission

1 RV .238 .0567 .238

3 .337 .1134

RV .243

E .202

STA -.16 Les bêtas sont significatifs à p<.05.

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Audrey Pavard et Even Loarer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

163

On constate (tableau 3), qu’à la première étape de l’analyse de

régression, le Raisonnement Verbal prédit à lui seul 5.67% de

l’admission du candidat. A cette prédiction va s’ajouter lors de la

troisième étape de l’analyse l’Extraversion (E) et la Stabilité émotionnelle

(STA). Ces deux dimensions viennent apporter un surcroît d’explication

sur l’admission du candidat. Les variables Raisonnement Verbal (RV),

Extraversion (E) et Stabilité émotionnelle (STA) prédisent ensemble

11.34% de l’admission, avec des poids explicatifs respectifs de .243, .202

et -.16.

Les résultats observés, nous permettent ainsi de confirmer

l’hypothèse selon laquelle la mesure d’intelligence émotionnelle, ici en

particulier la dimension « stabilité émotionnelle », peut apporter un

surcroît d’explication par rapport aux épreuves de personnalité et

d’aptitudes cognitives quant à la réussite au concours d’entrée.

5. Conclusion

L’objectif de l’étude était d’examiner les valeurs prédictives, au

regard de la réussite de candidats en situation de recrutement, de

différentes épreuves évaluant la personnalité, certaines aptitudes

cognitives ainsi que l’intelligence émotionnelle, afin de tester l’hypothèse

d’une contribution spécifique de la mesure d’intelligence émotionnelle.

Les résultats obtenus montrent que le meilleur prédicteur apparaît

être la mesure d’aptitude verbale. Ils montrent également que

l’intelligence émotionnelle, telle qu’elle a été mesurée par le QPE,

concoure effectivement à l’explication de certains comportements des

candidats en situation de recrutement. Ceci vient soutenir la pertinence de

ce concept et démontre bien que cette mesure peut fournir des

informations différentes de celles apportées par les autres mesures. Quant

à l’épreuve de personnalité, elle n’apparaît pas, dans le cadre de cette

étude, la meilleure source de prédiction. Cependant, certaines de ses

dimensions viennent apporter, en complément des autres épreuves, une

contribution appréciable à l’explication des comportements et de la

réussite des candidats.

Ces résultats peuvent être interprétés dans le cadre de la réflexion sur

la possible redondance de l’intelligence émotionnelle avec l’intelligence

logique et/ou la personnalité. Même si l’on ne peut exclure que prises

isolément ces différentes épreuves mesurent partiellement les mêmes

choses, le fait que certaines mesures d’intelligence émotionnelle

apparaissent contribuer significativement à la prédiction du

comportement des candidats en entretien de recrutement montre que le

recouvrement, s’il existe, est loin d’être total. Ces résultats sont ainsi

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Audrey Pavard et Even Loarer / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

164

compatibles avec l’hypothèse d’un modèle hiérarchique du

fonctionnement humain dans lequel l’intelligence émotionnelle ne se

situerait pas au même niveau d’intégration de la conduite que les

aptitudes cognitives et les traits de personnalité (cf. Loarer, 2005 ;

Petrides et Furnham, 2000).

Un prolongement naturel de cette recherche serait d’étudier la

validité prédictive de ces différentes épreuves, ainsi que la validité de la

procédure de sélection des candidats par le jury, au regard de la réussite à

la formation elle-même. Les critères pris en compte pourraient alors être

les notes obtenues en fin d’année universitaire ou encore d’autres

indicateurs de réussite. La validité prédictive vis-à-vis de la réussite

professionnelle ultérieure dans l’emploi que la personne sera amenée à

occuper après l’obtention du Master professionnel pourrait également être

étudiée. Une limite évidente de l’étude qui a été menée est relative,

comme c’est souvent le cas dans ce type d’études, à la qualité des critères

pris en compte. La grille d’évaluation a été constituée dans l’optique

d’améliorer l’appréciation du candidat par le jury, sous l’angle de

certaines qualités supposées contribuer à la réussite dans la formation et,

au-delà, dans la profession. Mais, d’une part, la pertinence de ces critères

et, d’autre part la justesse de l’évaluation faite selon ces critères par les

membres du jury, restent à prouver. Les études de validité prédictive vis-

à-vis de la réussite en formation et de la réussite professionnelle

ultérieure pourraient permettre de clarifier ce point.

Cette étude confirme cependant plus largement l’intérêt de

poursuivre, par l’analyse de validité prédictive incrémentielle, les

relations entre intelligence émotionnelle, personnalité et aptitudes

cognitives, en relation avec différents aspects de l’activité humaine en

situation. Il s’agit ici d’une situation de sélection pour une entrée en

formation mais cela mériterait d’être également réalisé dans différentes

situations professionnelles.

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PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

167

Le jugement clinique en contexte d’évaluation du potentiel et

des compétences au travail : Quelle est sa valeur prédictive et

peut-il être formalisé ?

Clinical judgment in psychological assessment related to work:

What is the predictive value and can it be programmed?

Jean-Sébastien Boudrias*, Louis-Pierre Sarrazin*, Jean Phaneuf**

*Département de psychologie, Université de Montréal, C.P. 6128, succ. Centre-

ville, Montréal, QC, Canada, H3C 3J7

** Analys, psychologie organisationnelle, 46 Le Royer Ouest, Montréal, QC,

Canada, H2Y 1W7

Résumé

Cette étude vise à vérifier, en contexte d’évaluation du potentiel et des

compétences, (1) la valeur prédictive du jugement des psychologues fondé sur

l’intégration de résultats à des tests de personnalité et (2) la capacité des

évaluateurs à formaliser leur jugement en un algorithme standardisé. Trois

psychologues avaient pour tâche de prédire les résultats de 78 gestionnaires à

une évaluation multisource mesurant deux critères de performance en emploi

(orientation résultat et gestion des relations). Les résultats montrent que le

jugement global des psychologues arrive à prédire un des critères de compétence

en emploi jusqu’à 0,39. Par ailleurs, les résultats indiquent que la formalisation

du jugement sous la forme d’un algorithme avec des règles purement mécanistes

prédit moins la compétence démontrée en emploi que le jugement clinique

global. En somme, cette recherche suggère qu’il y a encore beaucoup à découvrir

dans le processus d’interprétation de données de personnalité.

Abstract

This study intends (1) to investigate the predictive validity of clinical

(integrative) judgement based on personality data collected in psychological

assessment and (2) to verify the capacity of assessors to formalize their judgment

in a standardised algorithm. Three psychologists had the task to predict results of

78 managers on multisource assessment measuring two performance criteria

(results orientation and relationship building). Results show that the

psychologists’ integrative judgement predicts one of performance criteria up to

.39. However, it appears that the standardisation of their judgment in mechanic

decision rules was less predictive of performance criteria than their global

clinical judgement. Overall, this research suggests there is still much to

understand in the interpretative process.

Mots-clés : évaluation psychologique, personnalité, validité prédictive

Key words: psychological assessment, personality, predictive validity

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Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf

PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

168

1. Cadre théorique

1.1 L’évaluation psychologique en contexte d’emploi

L’évaluation du potentiel et des compétences, que ce soit pour des

fins de sélection ou de développement professionnel, vise à identifier des

caractéristiques ou des comportements permettant de prédire la

performance au travail (Foucher & Leduc, 2001). À cet effet, les

organisations sont souvent en mesure d’évaluer les connaissances et

l’expérience des candidats, mais pour ce qui est des dimensions liées aux

caractéristiques personnelles telles que la personnalité, une évaluation

psychologique est plus à même de fournir des informations valides à ce

sujet (Jeanneret & Silzer, 1998). Pourtant, l’usage des tests de

personnalité en contexte de sélection ne semble pas faire l’unanimité

compte tenu de la difficulté à en faire un usage éclairé (Rothstein &

Goffin, 2006). Il reste néanmoins que l’utilisation des données de

personnalité lors d’évaluation du potentiel est généralisée chez les

psychologues du travail en Amérique du Nord, qui les utilisent dans une

proportion de 80% (Ryan & Sackett, 1992). Les inventaires de

personnalité sont aussi très utilisés en Europe, quoi que de façon variable

selon les pays (voir Levy-Leboyer, 1991). Cela dit, la façon dont les

psychologues utilisent ou interprètent les données provenant de ces

instruments reste par contre bien peu étudiée (Ryan & Sackett, 1998).

L’évaluation psychologique a pour objectif de décrire l’individu

comme un tout cohérent en évitant de le définir uniquement sur la base de

la somme de ses traits ou de ses habiletés. Cette vision holistique de

l’individu place le jugement du psychologue au centre du processus

d’évaluation dont la tâche consiste alors à combiner diverses sources

d’information en vue de prédire le succès en emploi (Highhouse, 2002).

Aussi, les scores aux tests psychométriques ne peuvent être considérés

comme une mesure des traits ou habiletés sans l’apport du jugement de

l’évaluateur qui se devra de les intégrer à la lumière de l’ensemble des

données disponibles sur le candidat et en fonction des caractéristiques

requises par l’emploi (Jeanneret & Silzer, 1998; Prien, Schippmann, &

Prien, 2003). Ainsi, l’évaluation psychologique va au-delà de l’extraction

de scores obtenus à des tests psychométriques et implique de poser des

jugements sur un potentiel ou une compétence (voir Figure 1).

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Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf

PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

169

Figure 1 : Positionnement du jugement de l’évaluateur dans le processus

d’évaluation

La validité du jugement des évaluateurs est centrale dans

l’évaluation de la validité globale d’une démarche d’évaluation ou de

sélection. La Society for Industrial and Organizational Psychology, dans

son Principles for validation and use of personnel selection procedures

(2003), souligne que l’interprétation des données brutes par les

évaluateurs constitue un intrant dans le processus de sélection qui se doit

lui aussi d’être évalué et validé. En effet, bien que les données brutes

issues des tests puissent avoir été validées comme des prédicteurs de la

performance en emploi, le jugement de l’évaluateur permettant de

combiner les différentes informations recueillies, peut à la fois

augmenter, mais aussi diminuer la validité du processus de sélection

(Ryan & Sackett, 1998). Aussi, les algorithmes, permettant de combiner

différentes sources d’informations, doivent être supportés par une logique

explicite et les règles en faisant partie doivent être clairement décrites.

1.2 État de la recherche sur les mesures de la personnalité

Les tests de personnalité utilisés dans le contexte de l’évaluation

psychologique constituent des données brutes dont il convient de

documenter les liens prédictifs. En effet, c’est en comparaison à ceux-ci

qu’il est possible d’établir si l’intervention humaine (jugement basée sur

une intégration des données) a une valeur ajoutée dans la prédiction de la

performance.

Quelques méta-analyses démontrent des liens probants entre les

mesures de personnalité et la performance au travail. Barrick & Mount

Test psychométrique 1

Test psychométrique 2

Test psychométrique 3

Test psychométrique 4

Jugement sur une

compétence

Données brutes Intégration des

données

Résultats (Critères de

performance)

Compétence

démontrée en

emploi

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Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf

PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

170

(1991), en catégorisant les mesures de la personnalité selon la théorie du

« Five factor model » (FFM), en sont venus à estimer des corrélations

entre la personnalité et la performance pouvant atteindre jusqu’à 0,22

pour le trait consciencieux. Ce coefficient de validité plafond a été

reconfirmé dans la méta-analyse de Hurtz & Donovan (2000), qui ont

néanmoins observé certaines variations dans la taille des corrélations

entre le FFM et la performance en fonction des types d’emploi et des

critères de performance utilisés (p. ex. : tâches vs. relations). De leur côté,

Tett, Jackson & Rothstein (1991) ont mis en évidence l’importance de

fonder théoriquement l’appariement des traits de personnalité et des

critères de performance étudiées pour atteindre une puissance

prévisionnelle maximale. À cet égard, les protocoles confirmatoires,

incluant une sélection des échelles de personnalité en cohérence avec les

critères étudiés, auraient une valeur prédictive près de deux fois

supérieure comparativement aux protocoles purement exploratoires.

Bien que ces constats soient intéressants, des lacunes importantes

limitent aussi l’utilisation de données de personnalité à des fins

prédictives. Parmi les lacunes relevées, Hogan (2005) souligne le manque

criant de théories de la personnalité qui soient explicitement décrites et

formalisées dans l’optique de prédire le fonctionnement et la performance

d’un individu dans un contexte donné. En effet, les théories de la

personnalité restent implicites, non formalisées et non spécifiées quant à

la façon d’intégrer et de transposer les informations issues des traits de

personnalité en informations pertinentes en regard de critères externes,

telles que les compétences professionnelles potentielles ou démontrées en

emploi (Hogan, 2005; Murphy & Dzieweczynski, 2005). La définition de

la personnalité sous l’angle des traits, qui est l’approche la plus répandue,

a permis d’élaborer des outils psychométriques à même de décrire

efficacement les composantes de la personnalité des individus. Par contre,

bien qu’elle permette de décomposer et de mesurer l’individu sous de

multiples facettes, l’approche des traits est relativement peu loquace sur

la façon de remettre ensemble tous ces morceaux afin de comprendre le

fonctionnement intégré de l’individu par rapport à des critères externes38

(Millon & Davis, 1995). Ainsi, l’approche des traits n’apporte aucune

réponse sur le processus par lequel la personnalité influence le

38

Par critère externe, nous entendons un objet autre que la mesure de

personnalité elle-même. Car le modèle du FFM propose une façon d’intégrer une

variété de traits en cinq méta-dimensions et offre certaines balises permettant de

comprendre la dynamique interne de la personne (style émotionnel, schémas

d’activités, orientation interpersonnelle, attitudes et caractère) à partir des

interactions entre les méta-dimensions (Costa & McCrae, 1992).

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PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

171

comportement et ultimement la performance en emploi (Murphy &

Dzieweczynski, 2005). Dans ce contexte, on peut se poser la question

suivante : Comment les praticiens sont-ils en mesure d’intégrer ces

informations descriptives en vue de formuler des jugements valides ayant

une valeur prédictive concrète pour les entreprises ?

1.3 L’intégration des données de personnalité

La documentation portant sur l’évaluation psychologique tente de

décrire, dans une certaine mesure, le processus menant à l’intégration des

données de personnalité. Cependant, la difficulté inhérente à la validation

du processus d’intégration des données psychométriques est bien réelle.

Mentionnons, entre autres, la difficulté qu’ont les évaluateurs à formuler

les bases sur lesquelles reposent leurs méthodes d’intégration des données

ainsi qu’au doute quant à la généralisation d’un tel modèle, lorsque les

évaluateurs sont en mesure d’en formuler un (Ryan & Sackett, 1998). La

validité du processus d’intégration des données peut être appréciée en

évaluant la valeur prédictive du jugement final en regard de critères de

performance en emploi. Les quelques recherches ayant porté sur le sujet

se sont surtout déroulées entre les années 1950 et 1980. Suite à une revue

de ces études, Prien et ses collègues (2003) concluent qu’en dépit de leurs

carences, ces études semblent supporter la validité prédictive du jugement

final des processus d’évaluation psychologique. Cependant, ces

recherches explicitent peu les bases sur lesquelles le processus

d’intégration menant au jugement final ont été menées. Dans une des

rares recherches sur le sujet, Ryan & Sackett (1989) relèvent une grande

variabilité dans les procédures employées pour arriver au jugement final

et une très faible consistance entre les jugements des évaluateurs.

Par contre, plusieurs études ont porté sur les méthodes d’intégration

des données dans des contextes de prédiction diversifiés (Grove, Zald,

Lebow, Snitz, & Nelson, 2000). Ces recherches se sont particulièrement

intéressées à la qualité prédictive des méthodes cliniques (dont

l’intégration des données est basée sur des méthodes informelles et

subjectives appliquées par un évaluateur) par rapport aux méthodes

mécanistes (dont l’intégration des données est basée sur un algorithme

bien défini et dont l’application est uniforme et parfaitement

reproductible). Les méta-analyses sur le sujet arrivent, dans une large

majorité, à la conclusion de Grove et ses collègues (2000) à l’effet que les

méthodes mécanistes sont généralement plus performantes que les

méthodes de prédiction clinique, et ce pour une grande variété de tâches

(p. ex. : prédiction du succès académique, de la délinquance, d’un

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Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf

PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

172

diagnostic médical ou psychiatrique). Cependant, ces deux méthodes de

prédiction possèdent chacune leurs caractéristiques spécifiques. Les

modèles mécanistes bénéficient d’une grande consistance dans

l’intégration des données, ne sont pas sujets à des biais de perception et

d’évaluation et ne sont pas influencés par l’environnement politique de

l’organisation (Blattberg & Hoch, 1990). Pour leur part, les humains sont

plus flexibles dans des conditions de prédiction changeantes et ils sont en

mesure de tenir compte de données qui peuvent quelquefois être

difficilement intégrables dans les modèles (Withecotton, Sanders, &

Norris, 1998).

Bien qu’elles aient à de nombreuses reprises été jugées supérieures,

les méthodes mécanistes ne peuvent être élaborées qu’à partir

d’informations fournies par de grandes bases de données amassées dans

des contextes de prédictions similaires ou bien sur la base du jugement

d’un expert qui formalisera son expérience pratique en algorithme. Dans

le premier cas, il est rare que, dans un contexte d’évaluation précis, les

experts jouissent de telles bases de données leur permettant de créer un

algorithme adapté au dit contexte. Dans le deuxième cas, il requiert que

les experts procèdent à la formalisation de leur jugement, une entreprise

ardue pour laquelle l’efficacité du processus de formalisation a rarement

été investigué. Dans ce contexte, la présente étude cherche à répondre aux

deux questions de recherche suivantes :

1- Le jugement clinique d’un évaluateur expérimenté, intégrant des

donnés d’inventaires de personnalité et de motivation auto-

révélés, permet-il de prédire les comportements d’un individu en

emploi ?

2- Les évaluateurs sont-ils en mesure de formaliser une méthode

d’intégration mécaniste des données qui permette de prédire de

manière standardisée les critères en emploi ?

2. Méthode

2.1 Participants

Dans cette étude, 78 cadres intermédiaires et supérieurs d’une

même entreprise de services ont fait l’objet d’une évaluation du potentiel

et des compétences. L’échantillon est composé de 56 hommes et 22

femmes dont l’âge varie entre 29 et 54 ans (M = 40,6; ÉT = 5,4). Les

participants ont rempli trois questionnaires de personnalité et un

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PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

173

questionnaire de motivation en plus de participer à une évaluation

multisource de leurs compétences démontrées en emploi.

2.2 Mesures

Tous les participants étaient déjà en poste dans l’entreprise

lorsqu’ils ont complété les tests psychométriques et l’évaluation

multisource. Ces deux évaluations ont été réalisées majoritairement dans

une perspective de développement professionnel (plutôt que dans une

perspective de sélection/promotion). Les évaluations multisources

(critères) ont été recueillies de façon concomitante (36% des cas) ou

prédictive (63% des cas) par rapport à la collecte de données de

personnalité (prédicteurs). En moyenne, 1 an et demi sépare ces deux

évaluations.

2.2.1 Prédicteurs : inventaires de personnalité et de

motivation

Dans le cadre d’une évaluation du potentiel, les participants ont

complété trois inventaires de personnalité et un questionnaire de

motivation standardisés. Deux inventaires évaluent la personnalité dans

une perspective générale en ne référant pas à un contexte spécifique : le

Jackson Personnality Questionnaire (JPI-R), qui comprend 300 énoncés

mesurant 15 traits de personnalité (Jackson, 1994) et le Personnality

Research Form (PRF-E), qui comprend 352 énoncés mesurant 20 traits

de personnalité (Jackson, 1999). Le troisième inventaire de personnalité

utilisé est le Occupationnal Personnality Questionnaire (OPQ), distribué

par Saville & Holsworth Ltd (SHL). L’OPQ évalue la personnalité par le

biais de 240 énoncés mesurant 30 traits dans le contexte spécifique du

travail (SHL, 1990). Le quatrième instrument utilisé est un questionnaire

de motivation, le Motivation Questionnaire (MQ), qui comprend 144

énoncés évaluant les différences individuelles en fonction de 18 facteurs

qui dynamisent, dirigent et maintiennent le comportement (SHL, 1995).

2.2.2 Critères : Compétences démontrées en emploi

L’évaluation de la performance des gestionnaires fut effectuée

par le biais d’une évaluation multisource. Les évaluations ont été

complétées par une moyenne de 13,8 évaluateurs [supérieurs (M = 1,3;

ÉT = 0,8), pairs (M = 3,6; ÉT = 1,6), subordonnés (M = 6,4; ÉT = 2,8) et

clients (M = 2,5; ÉT = 2,3)] dont la tâche était de juger si un gestionnaire

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PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

174

démontrait une maîtrise de comportements liés à des compétences clés

identifiées par l’entreprise.

Suite à une analyse factorielle, les comportements furent

regroupés en deux grandes dimensions, l’orientation vers les résultats et

la gestion des relations (mobilisation des personnes en vue de l’atteinte

des résultats). Ainsi, l’évaluation multisource des participants a fourni

deux scores distincts se rapportant à ces deux grandes catégories :

résultats et relations. Chacune des deux dimensions de l’évaluation

multisource était composée de 7 énoncés associés à une échelle de

réponse en 10 points (1 = faible; 10 = excellent). Les énoncés incluent

des conduites telles que « remettre en question le statu quo pour

améliorer la performance de l’entreprise » (critère résultats) et « écouter

attentivement ce que ses collaborateurs ont à dire » (critère relation). Pour

les deux dimensions, une moyenne a d’abord été calculée pour chacun

des types d’évaluateurs : supérieurs, pairs, subordonnés et clients. Puis,

un score final a été obtenu en faisant la moyenne globale des quatre types

d’évaluateurs.

2.3 Procédure

Trois psychologues du travail ayant au moins cinq années

d’expérience en évaluation du potentiel et en sélection du personnel ont

collaboré à cette recherche. Selon le protocole établi, les psychologues

disposaient des résultats rendus anonymes des participants aux trois

questionnaires de personnalité, ainsi qu’au questionnaire de motivation.

Seul le sexe et l’âge des participants étaient présentés avec les résultats

aux tests psychométriques. Les psychologues savaient que les participants

étaient tous des cadres intermédiaires ou supérieurs dans une entreprise-

cliente avec laquelle ils travaillaient régulièrement. Les psychologues

connaissaient donc la culture générale de l’entreprise où évoluaient les

participants. Par contre, les psychologues n’avaient accès à aucune

information sur les emplois spécifiques des participants (p. ex. : nature du

poste de gestion line vs. staff) et sur le contexte propre aux diverses

divisions corporatives au sein desquelles évoluaient ces gestionnaires (p.

ex. : climat, contexte et stratégies d’affaires). De plus, les psychologues

n’avaient accès à aucune information biographique sur les participants (p.

ex. : formation, expérience dans le poste actuel). Cette procédure assez

stricte a été adoptée afin d’éviter que les psychologues puissent identifier

les individus et se souvenir de certaines données de performance

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Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf

PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

175

concernant les participants auxquelles ils auraient pu avoir accès,

notamment lors d’une entrevue d’évaluation avec les participants.39

Les psychologues ont eu pour tâche de prédire les deux résultats

fournis par l’analyse factorielle réalisée sur les évaluations multisources,

c’est-à-dire un score lié à l’orientation vers les résultats ainsi qu’un score

lié à la mobilisation des personnes. Pour ce faire, les psychologues ont

tout d’abord eu à formaliser de manière mécanique et standardisée leur

jugement, c’est-à-dire sous forme de règles permettant de constituer un

score à partir des données psychométriques recueillies. Un algorithme a

été développé pour prédire chacune des deux dimensions évaluées par

l’évaluation multisource. La figure 2 présente un exemple d’une partie de

l’algorithme pour l’orientation résultats. A posteriori, il est possible de

constater que les algorithmes ont été constitués par les psychologues sur

la base de quatre ensembles de règles décisionnelles. La première a

consisté à faire le choix des échelles de mesure utilisées pour prédire les

critères parmi les 83 échelles disponibles dans les quatre inventaires

utilisés. Une sélection de 14 échelles pour l’orientation résultats et de 12

échelles pour l’orientation relations a été faite sur la base de l’expérience

des évaluateurs quant à l’appariement de ces échelles avec les indicateurs

comportementaux liés à chacun des deux critères ainsi qu’avec des

facteurs pouvant influencer leur occurrence. La seconde règle a consisté à

recalibrer les scores sten (ou les scores bruts dans le cas du PRF et JPI) en

leur attribuant un nouveau pointage modifiant la linéarité initiale des

scores aux échelles de tests. Par exemple, à la figure 2, on voit que ce

recalibrage donnait moins de points à des scores de 9 ou 10 sur l’échelle

« OPQ – Indépendance » qu’à des scores de 7 ou 8. La troisième règle a

consisté à pondérer chacune des échelles individuellement afin d’en faire

varier l’importance sur une composante du score final. Par exemple,

l’échelle « OPQ - Capacité de contrôler » a été jugé deux fois plus

importante que l’échelle « OPQ – Indépendance » dans sa contribution à

la propension à agir de la personne. La quatrième règle a consisté en une

seconde pondération cette fois appliquée à des regroupements d’échelles

associées à des facteurs ou composantes. Dans l’exemple à la Figure 2,

on constate que le sous-score lié à la « propension à agir » a été jugé trois

fois plus important que « l’efficacité personnelle » dans sa contribution à

l’orientation vers les résultats. L’ensemble des règles de décision

présentées ci-dessus a été établi à partir de l’expérience préalable des

39

Ce risque était néanmoins minime compte tenu que la tâche de prévision

réalisée dans la présente étude a eu lieu environ un an après que les évaluations

multisources aient été colligées.

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Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf

PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

176

psychologues quant à l’évaluation de critères similaires dans divers

contextes. Le score final pouvant être obtenu via l’algorithme se situe

entre 0 et 132 pour l’orientation résultats et entre 0 et 49 pour

l’orientation relations. Plus ces scores sont élevés, plus les psychologues

anticipent que la maîtrise des compétences sera élevée.

Figure 2 : Présentation d’une partie de l’algorithme orienté vers les résultats et

de ses composantes

Dimension Orientation Résultats

Échelles Score Pointage

Pondé-

ration

#1

Sous-

total

Pondé-

ration

#2 Total

Pro

pen

sio

n à

agir

(OPQ)

Capacité de contrôler 9

1-4

0

5-6

1

7-8

2

9-10

3 *2 6

6+3+6+

0 = 17

*3

51

(OPQ)

Esprit de décision 10

1-3

0

4-6

1

7-8

2

9-10

3 *1 3

(OPQ)

Indépendance 8

1-3

0

4-6

1

7-8

3

9-10

2 *2 6

(MQ)

Niveau d’activité 3

1-3

0

4-6

1

7-8

2

9-10

3 *1 0

Eff

ica

cité

Per

son

nel

le (JPI-R)

Confiance sociale 20

0-11

0

12-15

1

16-

17 2

18-

20

3

*2 6

6+2+4 =

12

*1

12 (PRF-E)

Désirabilité sociale 12

0-9

0

10-12

1

13

2

14-16

3 *2 2

(OPQ)

Confiance en soi 7

1-3

0

4-6

1

7-8

2

9-10

3 *2 4

Total : 63

Les psychologues ont par la suite effectué une évaluation

clinique globale non standardisée de chacun des participants uniquement

sur la base des résultats aux instruments psychométriques utilisés pour

élaborer les algorithmes. Dans le cadre de leur évaluation clinique, les

psychologues ont eu à prédire les résultats de l’évaluation multisource en

fournissant une cote sur dix pour chacune des deux dimensions évaluées

(1 = faible; 10 = excellent). Ce jugement global pouvait prendre en

considération des éléments non prévus dans les algorithmes (p. ex. : traits

non inclus dans l’algorithme, interactions de traits, profils particuliers).

3. Résultats

Les résultats obtenus par l’application standardisée de

l’algorithme ainsi que ceux issus du jugement clinique global des

psychologues ont été évalués en fonction de leur capacité à prédire les

scores obtenus dans le cadre de l’évaluation multisource (critères résultats

et relations).

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Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf

PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

177

Il est possible de constater au tableau 1 que l’algorithme fut en

mesure de prédire la performance sous l’angle de l’orientation résultats (r

= 0,19 p < 0,05), mais non sous l’angle des relations ou de la

mobilisation des personnes (r = 0,08, p > 0,05). En contrepartie, il semble

que le jugement clinique global soit en mesure de mieux prédire

l’orientation résultats (r = 0,39, p < 0,01) et la mobilisation des personnes

(r = .18, p = 0,06), quoi que le lien ne soit pas significatif dans le

deuxième cas. Fait intéressant, une différence significative a été observée

au niveau de la puissance prévisionnelle des deux méthodes d’intégration

des données (jugement global et algorithme) en ce qui concerne

l’orientation vers les résultats. En effet, la corrélation impliquant le

jugement clinique est significativement plus élevée que celle impliquant

l’algorithme pour ce critère [t (77) = 2,06, p < 0,05] (Blalock, 1960).

Note : Les alphas de Cronbach apparaissent entre parenthèses sur la diagonale. * p < 0,05 (unicaudal) ** p < 0,01 (unicaudal)

Des analyses de régression hiérarchique ont été réalisées afin de

comparer les deux méthodes d’intégration des données psychométriques.

Ces analyses visent à explorer si les variances expliquées au niveau des

critères par chacune des méthodes (jugement et algorithme)

s’additionnent ou sont redondantes. Dans un premier temps, nous avons

testé si le jugement clinique explique le critère orientation résultats au-

delà de la variance expliquée par l’algorithme. Les résultats, présentés au

Tableau 1 : Statistiques descriptives et corrélations entre les méthodes

d’intégration des données psychométriques (jugement global et algorithme) et

les critères de compétence en emploi.

Prédicteurs et critères

M ÉT 1 2 3 4 5

6

1. Critère résultats 7,88 0,56 (0,9

0)

2. Critère relations 7,57 0,65 ,65*

*

(0,9

0)

3. Jug. clin. global – résultats 7,02 1,48 ,39*

* ,23* -

4. Jug. clin. global – relations 6,48 1,58 ,15 ,18 ,52*

* -

5. Algorithme – résultats 74,42 17,0

7 ,19* ,05

,58*

* ,24* -

6. Algorithme – relations 24,21 6,77 ,07 ,08 ,30*

*

,54*

*

,36*

* -

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Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf

PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

178

tableau 2, indiquent que c’est le cas. L’ajout de la variable jugement

clinique à l’équation de régression s’est révélé significatif (ΔF = 10,48, p

< 0,01), démontrant que le score de jugement apporte une valeur unique

dans la prédiction de l’orientation résultats. Nous avons par la suite

procédé à la vérification inverse, à savoir si l’algorithme ajoute de la

variance supplémentaire à celle du jugement dans l’équation de

régression pour le critère orientation résultats. Ceci n’est pas le cas,

puisque l’ajout de la variable algorithme s’est révélé non significatif (ΔF

= 0,17, p > 0,05). Donc, toute la variance explicative de l’algorithme

concernant l’orientation résultat semble redondante avec la variance

explicative du jugement clinique global.

Pour ce qui est du critère orienté vers les relations, aucun résultat

significatif n’a été relevé.

Tableau 2 : Régressions hiérarchiques pour vérifier l’apport incrémentiel de

chacune des méthodes d’intégration des données psychométriques à la prévision

des critères de compétence en emploi.

Modèles R2 R

2

Var. dépendante: Évaluation multisource orientée résultats

Étape 1: Algorithme ,036

Étape 2: Jugement clinique global ,154 ,118**

Var. dépendante: Évaluation multisource orientée résultats

Étape 1: Jugement clinique global ,152

Étape 2: Algorithme ,154 ,002

Var. dépendante: Évaluation multisource orientée relations

Étape 1: Algorithme ,006

Étape 2: Jugement clinique global ,032 ,026

Var. dépendante: Évaluation multisource orientée relations

Étape 1: Jugement clinique global ,031

Étape 2: Algorithme ,032 ,001

** p .01 (bicaudal)

Enfin, nous avons exploré l’impact des règles décisionnelles sur

lesquelles ont été bâtis les algorithmes afin de déterminer si certains

choix ont pu augmenter ou diminuer la valeur prédictive de ceux-ci à

l’égard des critères qu’ils devaient prédire. A cette fin, les algorithmes

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Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf

PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

179

ont été décomposés selon les quatre composantes décisionnelles

identifiées afin de vérifier la valeur prédictive des portions (scores

partiels) de l’algorithme. Les corrélations des quatre composantes des

algorithmes avec les critères de compétence en emploi sont présentées au

tableau 3. Bien qu’aucune différence significative n’ait pu être mesurée

en termes d’apport prédictif incrémentiel entre chacun des scores partiels,

il est intéressant de noter que c’est la composante « pointage » qui semble

en mesure d’apporter une valeur prédictive appréciable au type

d’algorithme utilisé. Pour leur part, les composantes de pondération ne

semblent apporter aucun gain prévisionnel.

Tableau 3 : Corrélations entre les composantes des algorithmes et les critères

de compétence en emploi

Composantes de l’algorithme

Choix des

échelles de

test (score partiel 1)

Pointage

(score partiel

2)

Pondération

#1

(score partiel

3)

Pondération

#2

(score final)

r entre l’algorithme orienté

résultats et son critère 0,154 0,194* 0,187* 0,188*

r entre l’algorithme orienté

relations et son critère 0,044 0,085 0,075 0,075

* p < 0,05 (unicaudal)

4. Discussion

Dans cette étude, des évaluateurs ont eu à relever le défi de

prédire la performance en emploi de 78 gestionnaires à partir de résultats

à des inventaires de personnalité et de motivation. Le but de cette étude

était, d’une part, d’évaluer dans quelle mesure le jugement clinique de

psychologues du travail arrive à prédire la compétence démontrée en

emploi et, d’autre part, d’évaluer s’ils peuvent arriver à formaliser leur

jugement sous la forme d’un algorithme standardisé.

Les résultats montrent que les évaluateurs ont été en mesure de

prédire le critère orienté vers les résultats, mais non le critère orienté vers

les relations. Sur la base de leur jugement clinique global, les

psychologues ont été en mesure de prédire à un niveau très intéressant

l’orientation vers les résultats (r = 0,39). Toutefois, il semble que la

formalisation de leur jugement sous la forme d’un algorithme standardisé

prédise de façon plus modérée ce même critère. Ces niveaux de

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Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf

PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

180

prédiction sont soit similaires (pour l’intégration mécaniste) ou supérieurs

(pour le jugement clinique global) aux résultats atteints par les échelles

d’inventaires de personnalité les plus corrélées à la performance en

emploi [ρ = 0,22 (r non corrigé = 0,14) pour le trait consciencieux; Hurtz &

Donovan, 2000].

Par ailleurs, il est à noter que les deux critères à prédire dans

cette étude étaient loin d’être indépendants (r = .65). À cet égard, il est

intéressant de relever que le jugement clinique global des psychologues

reflète davantage ces interrelations entre l’orientation résultats et la

mobilisation des personnes (r = .52) en comparaison aux algorithmes

qu’ils ont formulés (r = .36). En ce sens, le jugement clinique global des

psychologues était plus proche de celui des personnes qui ont répondu à

l’évaluation multisource des compétences. Ainsi, il est possible que la

prise en compte simultanée d’aspects associés aux résultats et aux

relations ait permis aux psychologues de réaliser des prédictions plus

conformes aux critères issus de l’évaluation multisource.

Cette étude suggère donc que les psychologues ont eu un certain

succès à prédire les compétences démontrées en emploi, mais que ceux-ci

n’ont pas été en mesure de formaliser dans un algorithme standardisé

toutes les règles décisionnelles sur lesquelles ils s’appuient pour poser un

jugement. À cet égard, une analyse de régression a montré que la

variance explicative du jugement clinique recoupe et va au-delà de la

variance explicative des algorithmes développés. Certaines règles ou

logiques d’analyse non formalisées ont donc permis aux psychologues

d’atteindre un niveau de prédiction plus intéressant de l’orientation vers

les résultats qu’avec les règles d’intégration purement mécanistes.

Une documentation assez substantielle suggère qu’une

intégration mécaniste ou actuarielle des données brutes s’avère

généralement supérieure à un jugement clinique pour une grande variété

de tâches prédictives (Grove et al. 2000). Les résultats de notre étude

vont donc à contresens de la documentation dans le domaine de

l’intégration des données. Cette différence pourrait s’expliquer par le fait

que, dans cette étude, le développement d’algorithmes n’a pas été réalisé

sur la base d’analyses de régression préalables documentant les meilleurs

prédicteurs des compétences étudiées sur un échantillon comparable. Ceci

dit, ce contexte idéal pour créer des algorithmes mécanistes serait

rarement présent dans la pratique des psychologues en évaluation du

potentiel et des compétences. Cela serait non seulement attribuable à la

grande variabilité des contextes d’évaluation, mais aussi à la difficulté de

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Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf

PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

181

disposer, en contexte prévisionnel, à la fois de données de personnalité et

d’un critère fiable de performance en emploi. Ceci fait en sorte que

l’élaboration d’algorithmes prédictifs passe davantage par une

conceptualisation préalablement définie sur la base du jugement d’un

expert que par des méthodes de régressions statistiques.

Dans cette étude, nous avons exploré la valeur de certaines

conceptualisations et règles d’intégration des données formalisées par les

évaluateurs. À cet égard, des analyses ont permis de documenter dans

quelle mesure chaque composante de l’algorithme influençait la qualité

de la prédiction du critère. Bien que le nombre de participants ainsi que

les tailles d’effets n’aient pas permis d’obtenir des résultats significatifs,

il nous semble pertinent de relever avec prudence que la composante de

« pointage » de l’algorithme pourrait constituer une composante clé du

jugement clinique. Comme d’autres recherches le suggèrent (p. ex.:

Benson & Campbell, 2007), il semble que la considération de relations

non linéaires entre des résultats à des inventaires de personnalité et la

performance en emploi puisse augmenter la qualité de la prédiction. En

revanche, pondérer davantage un élément de l’algorithme par rapport à un

autre ne semble pas apporter de gains au niveau prévisionnel, ce que

d’autres chercheurs auraient aussi observé (Pettersen & Durivage, 2006).

Cette recherche sur le jugement clinique en contexte d’évaluation

du potentiel et des compétences comporte certaines limites qu’il convient

de relever afin d’interpréter les résultats avec prudence. Premièrement,

l’exercice auquel se sont soumis les psychologues leur demandait de

porter un jugement sur la base d’informations limitées exclusivement aux

données psychométriques. Or, ce contexte ne rend pas compte de toutes

les sources d’information (entrevue, curriculum vitae, description de

l’emploi ciblée, évaluation du contexte et du climat de l’unité de travail,

etc.) sur lesquelles ils se basent normalement afin de poser un jugement

sur la probabilité qu’une compétence soit démontrée en emploi. À cet

égard, il convient de ne pas considérer le niveau de prédiction atteint dans

cette étude comme une indication de la validité globale des processus

d’évaluation ou de sélection. Par ailleurs, les résultats de cette recherche

pourraient être généralisés en tenant compte des aspects suivants : a) les

évaluateurs étaient des psychologues expérimentés en évaluation du

potentiel et des compétences, b) ceux-ci étaient très familiers avec

l’utilisation d’inventaires de personnalité dans un contexte d’évaluation

des compétences, c) ceux-ci disposaient, dans leur pratique régulière en

évaluation, de documents de référence permettant de baliser leur

intégration de données en fonction de compétences, quoi que d) cette

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Jean-Sébastien Boudrias, Louis-Pierre Sarrazin, Jean Phaneuf

PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

182

intégration des données soit très rarement complètement mécanisée.

Ainsi, d’autres études pourraient être réalisées afin de voir si des

évaluateurs ayant des caractéristiques et une pratique différentes seraient

en mesure d’atteindre le même degré de prévision. D’autre part,

mentionnons que les caractéristiques de l’échantillon sur lequel a porté

l’étude (cadres intermédiaires et supérieurs d’une entreprise de service)

ainsi que sa relative petite taille limitent aussi la possibilité de généraliser

nos résultats.

En conclusion, cette recherche montre la nécessité de poursuivre

les études pour mieux comprendre comment les évaluateurs se servent de

données psychométriques afin de poser un jugement sur des compétences

démontrées en emploi. Les résultats tendent à indiquer que les

évaluateurs sont en mesure de prédire l’expression de certaines

compétences en emploi, mais qu’ils ont de la difficulté à formaliser toutes

les règles sur lesquelles ils s’appuient pour poser leur jugement. Des

recherches pourraient donc être entreprises auprès des évaluateurs afin de

leur faire expliciter leurs savoirs tacites et/ou trouver des modèles

d’analyses qui pourraient refléter plus fidèlement la façon dont les

évaluateurs traitent l’information issue de tests psychométriques (p. ex. :

analyse de profils, traitement des exceptions, arbre de décision) afin de

poser un jugement sur un potentiel ou une compétence démontrée. Les

efforts d’explicitation des règles décisionnelles sur lesquels les

évaluateurs se basent pour faire ces pronostics devraient permettre

d’arriver à structurer les savoirs tacites en principes ou savoirs

scientifiques possibles à répliquer. Pour l’instant, notre étude montre que

la prévision des compétences démontrées en emploi, basée sur

l’intégration de données de personnalité et de motivation par des

psychologues, constitue autant un art qu’une science.

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185

Pour une approche contextuelle et clinique de la

demande de recrutement : la transformation d’une

demande initiale dans une entreprise familiale.

Towards a clinical approach to recruitment,

integrating the context of the job offer: transforming

the initial request in a family company.

Didier Desonnay*, Georges Masclet* & Catherine Demarey**

* PSITEC, EA 4072 – Equipe IDESH : Interaction, Décision et Evaluation des

Systèmes Humains – Université Charles de Gaulle de Lille 3, Domaine

Universitaire Pont de Bois – BP 653 – 59653 Villeneuve d’Ascq.

[email protected], [email protected]

** LHS-CEC-URP : Lien social : subjectivité, identités et activités, Faculté Libre

des lettres et Sciences Humaines, 60 Bd Vauban, BP109, F-59016 Lille Cedex.

[email protected]

Résumé

La littérature en psychologie du travail envisage l’analyse de la demande de

recrutement dans une optique principalement explicite et fonctionnelle, oubliant

alors les dimensions implicites et stratégiques qui y sont associées. L’activité de

recrutement apprécie ici le contexte spécifique de recrutement et la configuration

de l’organisation qui recrute. L’étude de cas clinique intègre les dimensions

familiales de l’entreprise et des postures psychologiques de tiers, dégageant une

singularité du rôle du psychologue du travail comme conseiller en recrutement.

Abstract

Studies of psychology in the work place usually analyse job offers from an

explicit and functional point of view, forgetting the more implicit and strategic

dimensions associated with them. This activity of recruitment takes into account

the understanding of the specific context of the job offer and of the structure of

the organisation which is looking to recruit. The clinical case study described

here takes into consideration these contextual elements of very small company

and proposes recruitment methods which include a third party, emphasising the

particular role of psychologists or consultancies as recruitment advisers.

Mots-clés : analyse de la demande, conseil en recrutement, posture de tiers,

psychologue du travail.

Key-words : analysis of request, consultancies in recruitment, third party, labour

psychologist.

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1. Position du problème

Cet article traite d’aspects peu abordés dans la littérature en

psychologie : les aspects stratégiques et implicites de l’analyse de la

demande de recrutement, la prise en compte du contexte singulier dans

l’analyse de la situation de travail qui précède le recrutement et l’urgence

relative du recrutement. Nous cherchons, en outre, à circonscrire une

posture singulière de psychologue du travail dans une activité de conseil.

D’une part, nous proposons d’étudier l’analyse de la demande et

les processus psychologiques sous-jacents à cette situation particulière de

recrutement. D’autre part, dans une approche « contextualiste des

ressources humaines » (Pichault & Nizet, 2001, pp.270-275), nous

apprécions le contexte lié aux spécificités de cette TPE40

et de

l’employeur. Il s’agit notamment de frontières ténues entre dimensions

privée et professionnelle de ce dernier. Nous éclairons les pratiques

effectives du psychologue recruteur. Ainsi, sur base de l’assise théorique

de Leplat & Hoc (1983), nous analysons les écarts tâche

prescrite / activité réelle, grâce aux transformations de la demande de

recrutement. Dans ce cas, la tâche prescrite par l’employeur au

psychologue dans la demande initiale réclame de procéder à de la

discrimination de sexe et physique, autour de l’effet de beauté.

L’employeur réclame au psychologue d’engager de préférence « une »

(cité) secrétaire et jugée « pas trop jolie » (cité). Il argumente sa requête

à ce stade de la demande par le désir d’éviter toute tentation de séduction

dans la relation professionnelle quotidienne. Cette demande initiale est

doublement discriminatoire mais pose une réelle question: quelle peut

être l’activité réelle du psychologue lorsqu’il est confronté à pareille

demande ?

Nous dégageons une posture de tiers face à cette demande irrecevable

pour un psychologue pour des raisons déontologiques et résultons alors

sur une « co-construction avec les intéressés » (Lemoine, 2003, p.161) de

l’objet de recrutement grâce à l’étayage des divers enjeux et à l’adoption

d’une posture de tiers. Nous questionnons une posture singulière du

« rôle des psychologues » (Ferrieux et al., 2004, pp. 55-77) en matière de

recrutement, en respect du code de déontologie d’une part et des enjeux

cliniques de la demande d’autre part.

L’effet de beauté a fait l’objet de travaux de synthèse (Bruchon-

Schweitzer et Maisonneuve, 1990). Il est corrélé à l’internalité, fait

l’objet d’attributions positives en termes de carrière et de rémunération,

augmente les chances d’être embauché (Desrumaux-Zagrodnicky et

40

TPE : très petite entreprise

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Masclet, 2004) et médiatise l’« asymétrie sociale entre homme et

femme » (Ibid., p.3). La rationalité y est affectée (Laberon, 1998) : le

recrutement contient des biais et constitue une situation « au-delà des

activités strictement rationnelles » (De Bosscher, Desrumaux, Durand-

Delvigne, 2007, p.1). La beauté attribuée peut aussi constituer un

handicap, bien que ces derniers résultats soient contestés (Desrumaux-

Zagrodnicki, Masclet, Poignet et Sterckeman, 2000).

2. Le contexte de l’étude

2.1. Une TPE familiale.

L’entreprise qui recrute est un bureau de comptabilité et de

conseil en fiscalité occupant deux personnes, un homme et son épouse

tous deux comptables avec statut de travailleur indépendant, Madame et

Monsieur D. Pour la division du travail de cette organisation d’activité

libérale, Monsieur D. assure la partie publique de l’entreprise : il visite

les clients, négocie les contrats, assure le conseil aux contribuables et les

assiste dans les relations avec les institutions (administrations fiscale et

de la T.V.A., banques et organismes de financement). Madame D. assure

la partie interne : elle prépare les écritures comptables, remplit les

déclarations fiscales et de T.V.A., monte les dossiers de financement et

exécute le travail de secrétariat. L’entreprise fondée par les parents de

Monsieur D. se situe dans une double phase de croissance et

d’autonomisation : Monsieur et Madame D. ont construit un bâtiment

pour y installer leur domicile et leur entreprise, qui se détache donc du

giron familial. Madame exerce par ailleurs une autre fonction partielle

comme responsable dans un hôpital de la région. Au moment des faits,

elle est enceinte de six mois.

Les TPE présentent de l’hétérogénéité et des invariants de

« centralité du créateur » dans la prise de décisions (Ferrier, 2002, p.22).

L’entreprise qui recrute dans ce cas est « duocratique » (Deeks, 1973). Le

service de conseil et d’assistance aux entreprises est de type « profession

libérale » (Ferrier, 2002, p.211). Marchesnay (1988) insiste sur la relation

entre la « stratégie et les intérêts de l’entrepreneur ». Des aspects

contextuels de frontières réduites entre le professionnel et le privé règnent

dans la demande de recrutement formulée par l’employeur, en insistant

notamment sur des traits physiques plus que sur des critères de

compétences pour la personne à recruter.

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2.2 Le contexte de recrutement : une situation d’urgence

Un triple contexte de croissance, d’autonomisation et

d’indisponibilité de Madame D. caractérise l’urgence du recrutement. Un

stock d’environ cinquante candidatures reçues il y a moins d’un an, suite

à une annonce d’emploi diffusée par l’entreprise est à traiter. Le

« caractère pressant » de la demande est un indicateur d’une emprise du

contexte sur le psychologue (Lancestre, 2000, p.212). Mais en

considérant le recrutement aussi comme une gestion de projet, nous

désignons ici la phase d’« analyse fonctionnelle du projet » (Herniaux,

2005, pp.67-70) dont la spécificité est la double prise en compte des

aspirations du porteur de projet et de la contingence liée au contexte du

projet. L’urgence dont nous parlons engage ici la faisabilité du

recrutement qui, selon Peretti (2000), s’exprime précisément en coûts et

en délais.

La littérature sur le recrutement envisage peu ces figures

d’urgence pourtant courantes et soucieuses d’efficience de gestion, et

privilégie davantage des processus linéaires, complets et parfois

irréalistes dans ces situations d’urgence

2.3. L’analyse de l’activité de travail du poste à pourvoir

La phase de compréhension du travail à réaliser participe aussi à

l’analyse de la demande de recrutement. Ainsi, l’analyse de l’activité

permet d’une part, d’appréhender le travail effectif et les processus

cognitifs sous-jacents à sa réalisation et d’autre part, de préciser le

contexte organisationnel dans lequel le travail prend place. Cette

démarche a des incidences directes pour le recrutement. Elle contribue

non seulement à la définition et à la conception du poste à pourvoir

(Karnas, 2002) mais également à l’identification des compétences.

Comme le suggère Leplat (2001, p.11), « tâche et agent sont à envisager

conjointement par les caractéristiques de leur couplage ». L’enjeu du

recrutement est alors d’aboutir à un couplage optimal entre les

compétences nécessaires à la réalisation de la tâche et celles de l’agent.

2.4. Le recrutement par un conseiller, psychologue du travail

Psychologues et consultants non psychologues traitent des

activités de recrutement (Bruchon-Schweitzer et Ferrieux, 1991). Notre

position est qu’un « spécialiste du recrutement » (Ferrieux, Laberon,

Bruchon-Schweitzer, 2004, p.56) comme le psychologue du travail et des

organisations étudie en profondeur le contexte organisationnel de

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recrutement, d’une TPE familiale dans cette étude, pour distinguer sa

pratique de psychologue.

2.5. Aspects de la commande et de la demande de recrutement

Les concepts de commande et de demande sont distincts mais

liés : l’activité de recrutement nous amène à réaliser ce que Dubost

(1987) nomme « transformer la commande en demande » : il s’agit de

dépasser la demande initiale formelle et contractualisée sous la forme de

la commande pour atteindre ce qui mobilise réellement les demandeurs.

Des entretiens approfondis permettent de « renseigner sur la nature du

besoin » (Ferrieux et al., 2004, p.59). Dans cette organisation, la nature

des demandes singulières s’avère parfois plus stratégique et implicite que

« fonctionnelle ou objective » (Ibid., p.58). En effet, la demande de

recrutement contient ici des aspects privés et discriminatoires décrits

précédemment qui relèvent de l’organisation familiale de la TPE. Mais le

recrutement constitue aussi un « choix politique » (Ferrieux et al., 2004,

p.57), réclamant la mise en œuvre de compétences de négociation entre

l’employeur et le psychologue : une posture singulière du rôle du

psychologue comme conseiller en recrutement intègre pour nous ces

composantes politiques pour devenir plus performante. Or, tout l’intérêt

heuristique de l’analyse de la demande initiale est de pouvoir dégager une

position tierce et de rupture (Desonnay, 2008), entre l’acceptation de la

discrimination, inacceptable pour des raisons déontologiques et le rejet

catégorique la demande, au risque de provoquer l’exclusion du conseiller

lui-même.

3. L’étude de cas : analyse graduelle et contextuelle de la demande de

recrutement

3.1. Méthodologie

L’étude de cas procède ici à une analyse de la situation de

travail de l’intervention de conseil en recrutement. Nous parlons sur le

plan méthodologique comme « praticien-chercheur » (Albarello, 2003,

p.20). Nous ne considérerons ici que la phase préparatoire du

recrutement, constituée d’entretiens semi-directifs autour du profil

souhaité de recrutement. L’intervention de conseil en ressources

humaines comprend « trois pôles » (Lemoine, 2003, p.91) :

1. les demandeurs, ici les recruteurs, (appelés la source et

assimilée à la direction de l’entreprise),

2. le personnel (ici recruté),

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3. le conseiller extérieur (ici le psychologue du travail en activité

de conseil).

Les indicateurs reposent dans les transformations de la demande

initiale de recrutement. Nous procédons à des observations d’indices

conduisant à formuler des hypothèses pouvant permettre des vérifications

empiriques ultérieures.

3.2. Des entretiens préparatoires et des premiers indices

Toute mission de recrutement suit une méthodologie par étapes :

la première vise à affiner le profil professionnel attendu après la tentative

jadis interrompue de recrutement. Il est recherché ici un(e) secrétaire de

direction disposant de connaissances de base ou plus approfondies en

comptabilité ; un accent est posé sur la capacité à s’auto-organiser et à

travailler seul(e).

Monsieur D. a préféré nous rencontrer seul d’abord. Nous avons

accepté provisoirement ce « dispositif et cadre de travail » (Rouchy et

Desroche, 2004, pp.54-58) mais insisté sur la nécessité de rencontrer

Madame D. ultérieurement. Cette demande singulière révèle déjà des

indices : des indices de lieu, de temps et de présence des personnes.

L’approche clinique procède par l’identification et l’interprétation

d’indices. L’indice renseigne en logique sur la présence vs l’absence du

référent (Eco, 2001, pp.50-57) : nous interprétons ici les indices sur la

présence d’une demande dissimulée et l’absence de demande claire.

3.3. Une demande initiale de discrimination physique.

Monsieur D. déclare qu’il désire engager de préférence

« une femme pas trop jolie » (cité). Nous sommes confrontés ici à une

double discrimination : sexuelle et physique, révélant combien l’influence

de l’apparence physique en recrutement est « choquante mais effective »

(Desrumaux-Zagrodnicky et Masclet, 2004, p.7). Nous adoptons une

posture de compréhension face à la révélation mais expliquons ne pas

pouvoir traiter la demande de la sorte. Nous enquêtons sur les raisons qui

poussent le demandeur à une telle énonciation. Monsieur D. déclare alors

que son épouse est son ancienne stagiaire en comptabilité. Il argumente

ainsi la jalousie de son épouse face à une collaboratrice séduisante. Il

procède à la suite à une « information sur soi » (Lemoine, 2003, p.162) :

il se déclare « faible » (cité) face au charme féminin.

Le psychologue du travail comme conseiller extérieur réalise un

diagnostic de situation avec les personnes. Mais on constate ainsi un

renversement de la démarche d’« évaluation des personnes à l’analyse

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des situations » (Lemoine, 2003, p.48) : ici, c’est la réévaluation de la

situation qui permet d’évaluer la personne.

On remarque que Monsieur D. procède à une évaluation

cognitive de la situation sous forme de généralisation de l’expérience

vécue : la dimension de sujet de la collaboratrice future semble gommée.

Nous pointons ici la dimension clinique de l’entretien de recrutement, sur

laquelle la littérature en psychologie du travail n’insiste peut-être pas

toujours assez. Les théories du contrat abordent certes la communication

de recrutement comme structure implicite de transactions langagières

(Bromberg et Trognon, 2004, pp.157-172) mais éclairent peu les

contenus implicites et singuliers de ces entretiens.

3.5. Agir sur le cadre et conserver l’objectif professionnel de

recrutement

Le processus cherche à connaître l’avis de Madame D. en

agissant sur trois leviers. Le premier est de réorienter la consultation vers

son objet de recrutement : il serait irrationnel de se passer a priori

d’un potentiel insoupçonné de compétences. Le second levier est d’agir

sur le cadre en confrontant d’autres logiques. Le troisième levier revient à

complexifier la situation car le conseil en psychologie des organisations

inclut d’autres logiques que la logique « scientifique et technique »

(Lancestre, 2000, p.207). La confrontation des logiques permet

l’enrichissement du profil de recrutement.

Madame D. centre l’entretien davantage sur ses aspects

professionnels et révèle qu’elle a engagé déjà de nombreuses

collaboratrices, comme responsable à l’hôpital. Nous exploitons ces

nouvelles ressources pour professionnaliser le recrutement et établir

des objectifs centrés sur l’identification des compétences par davantage

de « critères et prédicteurs » (Steiner, 2004). En se dégageant de l’unique

posture experte préalablement confiée, on obtient ainsi des résultats

différents et un rééquilibrage des transactions en gestion des ressources

humaines, plus éloignés des « excès de la vision procédurale de

l’organisation » (Lancestre, 2000, p. 217). Ces rééquilibrages ou

régulations de l’activité de recrutement permettent de dégager une

situation plus professionnelle basée sur l’intégration de critères de

compétences et au-delà de la situation initiale basée sur des critères de

jugements. Nous arrêtons ici la description du processus de recrutement

pour nous interroger sur les conséquences des réajustements apportés à la

demande initiale de discrimination.

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4. Les effets de la transformation de la demande initiale de

recrutement

Nous montrons ci dessous que la transformation de la demande

initiale depuis la discrimination proposée vers l’intégration de critères

plus professionnels au recrutement réajuste les trois pôles de

l’intervention nommés par Lemoine (2003, p.91) : « la source, le

personnel, le conseiller ».

4.1. La source de la direction : les demandeurs, ici recruteurs

Les réorganisations de ce pôle concernent les niveaux individuel

et dual, le couple. L’expérience significative d’être écouté conduit

Monsieur D. à l’auto-apprentissage (Lemoine, op.cité). L’activité de

recrutement a conduit Monsieur D. à parler de soi. L’entretien d’analyse

de la demande de recrutement réclame de plus l’identification attentive

d’indices de l’implicite en psychologie du travail comme « science de

l’observation » (Lemoine, op.cité, p.77).

Madame D. mettra en œuvre des compétences professionnelles

non affirmées au début du processus de recrutement. Le cadre installé par

le consultant devrait constituer une rupture avec la situation originale,

sous risque d’être inféodé à la demande sociale et d’être instrumentalisé,

et afin de préserver une épistémologie propre aux sciences humaines

(Floris, 2005). Or, toute volonté de rupture avec le contexte suppose pour

nous la condition remplie d’avoir identifié suffisamment ce dernier, ici la

TPE familiale. La rupture ne qualifie t’elle pas de plus la posture

scientifique et donc la posture du psychologue comme scientifique ?

L’analyse de la demande chercherait donc à s’affranchir au préalable du

demandeur. Mais la dualité du couple ou la dyade ne peut être confondue

en psychologie sociale avec les monades de Monsieur et Madame D. (De

Visscher, 2001, pp.42-43). La réévaluation intra-individuelle de la

situation produit aussi des combinaisons interpersonnelles duales

nouvelles par le couple d’aspects de la situation mal appréciés. Monsieur

déclare avoir souhaité une candidate au physique jugé peu attractif en

anticipant les réactions jalouses de son épouse alors que cette dernière

accordait en réalité peu d’importance à cette variable. Une activité de

recrutement en entreprise familiale peut confronter aussi des positions et

clarifier des malentendus privés.

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4. 2 Le pôle du personnel : l’enrichissement du profil recruté.

Le pôle du personnel constitué ici des profils futurs de

recrutement est aussi réajusté : le recours à des méthodologies

professionnelles en ressources humaines permet de dépasser la demande

initiale de discrimination. Nous résumons plusieurs moyens adoptés pour

décrire l’activité réelle du psychologue du travail et des organisations

face à une demande délicate. Premièrement, le psychologue adopte une

position tierce, entre acceptation et refus catégoriques de la demande

initiale. Deuxièmement, il confronte des points de vue divergents.

Troisièmement, il ne juge ni la situation de départ ni les acteurs.

Quatrièmement, il identifie et interprète des indices de situation.

Cinquièmement, il traite des données spécifiques du contexte de

l’entreprise familiale, de frontières ténues entre le privé et le

professionnel. Enfin, il participe à faire co-élaborer un référentiel de

recrutement commun, dépassant les profils individuels initiaux.

Il en résulte une recherche de candidats basée sur des critères révisés et

plus professionnels, au-delà des critères émotionnels et privés du

recruteur, pour rappel : une anticipation de sa propre faiblesse face aux

femmes et la jalousie de sa femme face à une jolie collaboratrice.

4.3 Le pôle du conseiller, le psychologue du travail

Ce pôle a connu aussi des transformations : se dégager de

l’initiale position d’expert du début de la mission, par la prise en compte

progressive d’éléments cliniques de la demande de recrutement. Dans une

conception du langage propre à Vygotsky (In Clot, 2002, pp.60-62), les

discours et cadre de la demande de recrutement constituent une fonction

de « médiation, apprentissage et développement ». Le changement de

posture permet de davantage co-élaborer le profil de recrutement, comme

recommandé par la psychologie du travail, et de dégager ainsi une

singularité de rôle du psychologue en recrutement.

.

5. Pour une approche complexe de l’analyse de la demande de

recrutement

La littérature sur l’analyse de la demande de recrutement

privilégie souvent ses dimensions opérationnelles et explicites. Nous

mettons en évidence dans cette étude les avantages d’une approche

clinique et contextuelle.

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5.1 Des données de contexte à intégrer

Nous montrons que la configuration organisationnelle singulière de

la TPE familiale s’exprime dès la demande initiale de recrutement : son

analyse réclame donc la ré-inscription du contexte. En conséquence, le

recrutement comme communication pragmatique ne peut faire l’épargne de

l’étude de son contexte d’énonciation (Kerbrat-Orecchioni, 1990, 1994),

pour un risque diminué d’échec du recrutement.

5.2 Des demandes implicites à traiter.

Les dimensions cliniques et implicites de la demande de recrutement

s’organisent entre autres dans des indices d’espace, de temps et d’analyse

propositionnelle, présents dès la première rencontre. L’observation de la

présence d’indices révèle que le contexte initial d’énonciation désiré par le

demandeur abritait des demandes implicites : parler en toute liberté pour

révéler sa faiblesse perçue. Les demandes implicites sont pour nous des

éléments significatifs dans le recrutement lorsque ce dernier est envisagé

comme activité d’entretien. On dégage là des espaces revus sur les limites de

l’entretien de recrutement et ouvre la piste à des « entretiens situationnels »

(Ferrieux, Laberon, Bruchon-Schweitzer, 2004, pp.61-62) appliqués aussi

dès la demande de recrutement. Nous argumentons pour la prise en compte

des dimensions informelles des organisations (Lemoine, 2003, p.60).

5.3. La demande de recrutement nécessite des méthodes croisées.

La demande de recrutement révèle ainsi le « système-client »

(Dubost, 1987, p.190) et dégage autant de leviers d’intervention pour le

conseiller extérieur défendant une psychologie du travail « des différences »

(Ibid., pp.183-278).Les dimensions clinique, systémique et technique en

ressources humaines appliquées au recrutement révèlent ici l’intérêt de

« démarches croisées, complémentaires, qui s’appuient sur une

multiméthodologie » (Lemoine, 2003, p.107) et pour mieux faire émerger la

« dimension socio-affective du travail » (Brangier, Lancry, Louche, 2004,

p.23).

5.4. Entre l’acceptation et le rejet de la demande de discrimination :

une voie tierce.

L’étude de cas éclaire sur l’opportunité que la demande de

recrutement peut receler. La littérature sur l’intervention, ici de recrutement,

est unanime sur le fait que les processus « ne peuvent s’engager sans avoir

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consulté responsables et acteurs concernés » (Brangier et al., 2004, p.30)

mais reste parfois frileuse sur les frontières de cette consultation. Nous

voyons que les frontières du recrutement sont conformes ici aux limites

ténues entre professionnel et privé qui caractérisent une TPE familiale. Ces

limites engagent les axiomatiques, illustrant combien l’intervention de

conseil en psychologie des organisations est une « rencontre impliquante »

(Lancestre, 2000, pp.211-213) et illustrant aussi des « nouvelles voies de

recherche et d’intervention centrées notamment sur les processus

relationnels » (Brangier et al., 2004, p.18).

Une opportunité de posture singulière de psychologue du travail

réside pour nous dans le « tiers intervenant » (Jorand, 2005, p.45) : il échappe

ainsi à la normativité lorsqu’il agit comme conseiller en ressources

humaines. Nous introduisons là une posture intermédiaire, entre la

compréhension inconditionnelle et bienveillante assimilée à la psychologie

clinique et le refus parfois défensif de la mission de recrutement pour raisons

déontologiques. L’espace ainsi élargi d’intervention du psychologue du

travail construit une position de rupture et de « tiers » (Demarey et

Desonnay, 2007, p.101) qu’il est bon de rappeler comme singulière de la

psychologie. Les multiples lieux de tiers de ce cas reposent sur le cadre initial

de consultation réaménagé ; le tiers tient encore dans la ré-élaboration

cognitive et émotionnelle par les sujets des significations attribuées à la

situation de départ ainsi que sur le profil final de recrutement. En

conséquence, nous plaidons pour l’emploi de méthodes qui intègrent les

logiques multiples en matière de recrutement. L’approche contextuelle de la

mission de recrutement mobilise alors conjointement des « méthodologies

d’étude des organisations » (Masclet, 2000) ; le recrutement envisagé comme

situation de travail met en jeu essentiellement trois éléments qui sont la

« tâche, l’agent et le contexte » (Brangier et al., 2004, p.21). Dans cette étude

de cas, nous avons cherché à réimporter l’analyse en profondeur du contexte

spécifique de travail d’une TPE familiale, à l’origine d’une demande de

recrutement.

6. Discussion.

6.1. Des ouvertures.

Nous avons souligné l’intérêt d’intégrer des aspects négligés dans la

littérature sur le recrutement, pour des approches complexes des ressources

humaines. Nous défendons ici une psychologie du « counselling »

(Desonnay et Masclet, 2008a) appliquée à l’analyse de la demande de

recrutement et y adoptons une épistémologie du tiers face aux divers aspects

déontologiques, socio-économiques et techniques en ressources humaines

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présents dans le recrutement. Nous avons montré que le « changement de

cadre sert à la (re)construction du cadre » (Hanique, 2005, pp.119-136).

Nous rappelons aussi comment le recrutement est un processus qui

réclame l’engagement de ses acteurs : l’intersubjectivité y est convoquée. Au

départ, la situation pouvait paraître inextricable pour les trois pôles de la

situation professionnelle. Toutefois, la confrontation des subjectivités de ces

trois pôles permet de dégager une situation alternative tierce.

Nous avons illustré l’intérêt d’une multiméthodologie et de

démarches croisées et complémentaires, intégrant la clinique, dans lesquelles

toute intervention du psychologue du travail ici en recrutement est pour nous

encastrée. La littérature laisse parfois beaucoup d’ombre sur les aspects

cliniques et contextuels de l’entretien.

Nous avons illustré également des formes de conseil élaborées selon

le contexte spécifique de l’intervention, nommées « à façon » par Bouchez

(2005), et questionné des espaces revisités en matière d’entretiens appliqués

aux situations de recrutement.

6.2. Des limites et des réponses.

L’expérience n’est pas directement scientifique en psychologie mais

des méthodes « réflexives » (Schön, 1983) sur l’activité professionnelle ainsi

que des méthodologies visant l’ « auto-description » (Lemoine, 2003) ou les

« confrontation croisée et analyse collective » (Fauquet, 2006) sur l’activité

professionnelle sont par contre validées. On considérera alors suffisamment

les limites des données verbales (Lemoine, 1997). Des auteurs en

psychologie du travail se sont positionnés par contre sur la nécessité

de réconcilier terrain des pratiques et approches scientifiques du terrain

(Masclet, 2000) : ces méthodes étudient alors conjointement les

organisations et leurs changements, dans des paradigmes méthodologiques

de la recherche-action. Notre argument majeur est que ce rapprochement

permet de mieux identifier la demande de recrutement et d’éviter des

procédures coûteuses en temps et argent. La présence d’indicateurs visibles

de transformation de la demande initiale de discrimination pour les trois

pôles identifiés répond à la faiblesse principale de la recherche-action, de

parfois privilégier l’action sur la recherche. Une autre limite concerne les

tensions bien connues entre la singularité et la généralisation. Le cadre

restreint de cet article ne répond pas au problème mais nous soulignons

qu’un programme plus vaste de recherche dégage alors des formes

invariantes de la demande d’intervention, alors saisie comme « heuristique »

(Desonnay et Masclet, 2008b).

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Références

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Page 97: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

199

Une méthode de recrutement rigoureuse pour

l’admission en écoles professionnelles

A rigorous method of recruitment for admission to the

vocational schools

Philippe Wallon* & Charles Mottier**

*Psychiatre, Chargé de recherche INSERM, 12 rue de Versailles, 78470 Saint

Rémy lès Chevreuse, [email protected]

** Psychologue, Sélection & Conseils, 5, Chemin du Canal, 1260 Nyon, Suisse,

[email protected]

Résumé

Les méthodes de recrutement font rarement l’objet d’une validation statistique.

Or, la diminution des coûts de l’informatique permet d’utiliser l’ordinateur

comme moyen unique lors d’épreuves de présélection. Pour répondre à des

écoles professionnelles de Genève, l’un de nous (Ch. Mottier) a mis en place une

mesure des aptitudes à l’aide de tests psychotechniques, informatisée depuis 12

ans. Une étude sur 550 sujets a confirmé leur capacité à prévoir le succès des

études et l’efficience professionnelle. L’an dernier a été ajoutée une épreuve avec

un stylo numérique et un logiciel “ELIAN” (Ph. Wallon, M. Jobert) d’analyse

dynamique du tracé (FCR, écriture), pour mesurer les attitudes des candidats.

Cette épreuve, corrélée avec la précédente, a permis une bonne prévision des

sélections finales.

Summary

The recruitment methods are seldom validated. The data processing cost

reduction allows considering the computer as a possible unique mean of pre-

selection. At the request of vocational schools in Geneva, one of the authors (Ch.

Mottier) developed a measurement of the aptitudes using psycho-technical tests,

which was computerized for the last 12 years. A study on 550 subjects confirmed

its capacity to forecast success during the studies and vocational efficiency. In

2008 was added a graphical test using a numerical pen and a software

(“ELIAN”; Ph. Wallon, M. Jobert) measuring the dynamic characters of the

drawings (RCF-A, writing) and giving information on the attitudes. This test

appeared correlated with the previous tests and allowed a good prediction of the

final recruitment.

Mots-clés : Présélection, école professionnelle, Figure complexe de Rey,

écriture, informatique.

Key-Words: Pre-selection, vocational school, Rey Complex Figure, writing,

data processing.

Page 98: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

200

1. Introduction

Après les études secondaires, l’adolescent doit se former. Il a le choix

entre de multiples écoles et Facultés. Le choix est souvent aléatoire

concernant les différentes formations qui s’offrent Certes la réalité

professionnelle pourrait l’orienter vers certaines options, mais ses

potentialités personnelles sont-elles adaptées à celles-ci ? Quel est, parmi

les établissements qui le tente, celui dans lequel il a les capacités de

mener à bien les études ?

Pour répondre à la nécessité d’une sélection, deux options sont

généralement proposées au candidat : l’absence de tout tri a priori laisse

aux examens de fin d’année le soin d’opérer un choix parmi les

candidats ; mais, ce faisant, on leur fait perdre un an, voire deux ou plus.

Cela représente une perte d’argent considérable, pour ces étudiants et

leurs familles, mais aussi pour la société quand les études sont prises en

charge par l’État. L’autre option est un examen d’entrée, composé

généralement d’une épreuve écrite, avec un contrôle des connaissances et,

le cas échéant, un oral. Cet examen peut aussi être composé de tests

psychologiques, assortis d’entretien(s).

Cependant la validation de telles méthodes n’est généralement pas faite.

La plupart des épreuves (écrites ou orales) mettent en jeu tant de

paramètres qu’il est matériellement impossible de les évaluer. En outre,

même si cela était possible, il faudrait encore définir la méthode qui

permettrait de tester la pertinence, globale ou individuelle, de ces

paramètres.

L’un de nous (Charles Mottier) a mis au point une méthode de sélection

et de recrutement informatisée de présélection et de sélection dont les

éléments ont été validés. La procédure actuelle est le résultat de

nombreuses passations d’examens psychotechniques et de validations dès

1965. Les tests type papier-crayon ont été informatisés depuis douze ans

et ont permis des évaluations précises des méthodes employées.

Le second des auteurs (Philippe Wallon) utilise depuis de

nombreuses années les stylos numériques (table à digitaliser ou

technologie « Anoto ») et a développé avec un informaticien (Matthieu

Jobert) un logiciel, « Elian » (acronyme d’« Expert Line Information

Page 99: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

201

ANalyser »41

) qui analyse divers tracés, tels que le dessin de personnage

chez l’enfant, l’écriture chez l’adulte, et les Figures de Rey (A et B) chez

les uns et les autres.

Le rapprochement de ces outils a permis d’élaborer une méthode

rigoureuse pour l’admission en écoles professionnelles.

2. Méthodologie

2.1. Tests psychotechniques

2.1.1 Méthode de sélection en Suisse

En Suisse, la sélection des candidats ne peut s’effectuer sur la base d’une

évaluation des connaissances, car ce serait doubler les examens

académiques. Il faut donc utiliser des épreuves spécifiques. La finalité de

la présélection consiste à ne retenir qu’un nombre de candidats limité, et

fixé par les écoles de formation au double (parfois au tiers) du nombre de

places offertes. Plusieurs HES42

de Suisse Romande et diverses écoles

professionnelles nous43

ont confié leur mandat de présélection, estimant

ainsi offrir l’objectivité de traitement dans la gestion des candidatures.

Nous avons été également appelés à participer activement à la sélection

proprement dite des candidats en collaborant aux entretiens et en

organisant divers travaux de groupe dans le but de fournir un classement

final des candidats.

Pour la présélection, le classement est établi selon les 4 ou 5 paramètres

que nous avons mis en place, chaque candidat obtenant un classement par

paramètre. Le classement final est donc calculé sur la moyenne de ces 4

ou 5 classements partiels. Pour la sélection, d’autres paramètres sont pris

en considération, en complément des données de la présélection.

41

Le logiciel « Elian » a été développé par Matthieu Jobert, informaticien, sur les

conseils de Philippe Wallon. Cf. le site « http://www.seldage.com » où l’on peut,

en particulier, télécharger une version gratuite d’évaluation du logiciel. 42

Hautes Écoles Spécialisées 43

Charles Mottier et ses collaborateurs, regroupés sous la dénomination

« Sélection&Conseils » (SARL) ainsi que leur informaticien Eric Tschumi. Site

Web : www.selectionetconseils.ch

Page 100: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

202

2.1.2. Procédure de présélection

Les paramètres de la présélection qui ont été développés sont les

suivants :

- activités cognitives : test de logique abstraite (de type « mosaïque »),

test de logique concrète, test d’apprentissage mnésique, test de

concentration soutenue et, selon les professions, test de représentation

spatiale.

- ressources émotionnelles : test d’imagination (interprétations de dessins

d’A. Rey) et reconnaissance d’expressions pour toutes les filières. Selon

les filières, s’ajoutent d’autres épreuves : associations libres, vidéo,

dessins imposés ou libres. Certaines écoles exigent une rédaction, traitée

comme paramètre supplémentaire.

- attitudes personnelles et attitudes professionnelles (motivations) : il

s’agit d’un questionnaire de 300 questions : 160 questions concernent 9

facteurs de personnalité, identiques pour tous les candidats aux

professions paramédicales, et 140 questions concernant les motivations

sous forme de 6 facteurs qui sont chaque fois spécifiques à chaque

formation.

Pour les écoles professionnelles, non-paramédicales, nous disposons en

outre de questionnaires spécialisés.

La passation des épreuves, d’une durée de 2h1/2 à 3h s’effectue sur

ordinateur (« PC-compatible »), auxquels peuvent s’ajouter divers

travaux écrits n’excédant pas une heure. La mise à disposition

d’ordinateurs de l’Université de Genève permet d’examiner jusqu’à 500

candidats par jour (par classe de 24 « PC »).

Le dépouillement des tests et le traitement des résultats sont entièrement

informatisés : le programme établit les distributions des fréquences (selon

le sexe), donne automatiquement les barèmes, effectue le centilage pour

chaque sujet et pour chaque test ou chaque facteur et calcule les

moyennes des centiles par paramètre en tenant compte des coefficients

éventuels (rentrés manuellement dans le programme) ainsi que le rang

occupé par chaque sujet par paramètre et le rang final. Il établit un

psychogramme de toutes les données qui peut être imprimé (voir plus

loin). Il calcule automatiquement toutes les inter-corrélations entre les

épreuves (ce qui permet une ultime vérification) et pour le questionnaire

de 300 questions. Il met à disposition les fichiers statistiques pour les

tests alpha de Crombach, permettant ainsi une mise à jour continue des

données. Il fournit enfin automatiquement la liste alphabétique et par

Page 101: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

203

ordre de réussite de tous les classements (rangs partiels et rang final de la

présélection).

Parallèlement le programme informatique présente une fiche

récapitulative à l’intention des commissions d’admission de chaque école

et destinée également aux candidats qui n’ont pas été retenus ; cette fiche,

accompagnée de deux pages explicatives, est soit envoyée par l’école

avec la lettre de refus, soit directement par Internet par nos soins (voir

annexe 2). Il est proposé un entretien complémentaire pour des candidats

qui souhaitent des compléments d’information ou des conseils (environ 7

% à 10 % de candidats recourent à cette opportunité)

2.1.3. Procédure de sélection

La procédure de sélection est l’apanage des écoles ; elle se fait avec ou

sans notre aide. Elle s’adresse donc uniquement aux candidats retenus à

la présélection. Elle comporte généralement :

- un ou deux entretiens individuels (avec système de notations permettant

d’attribuer des rangs),

- une appréciation chiffrée d’une autobiographie envoyée généralement

avec le dossier d’inscription,

- et, selon les écoles, divers travaux de groupe de 6 à 12 candidats

comportant des activités psychomotrices, corporelles et relationnelles.

Les écoles établissent un rang final de sélection en tenant compte ou non

du classement final de la présélection et en introduisant des coefficients

selon leurs spécificités.

Les candidats non-retenus reçoivent, avec la lettre administrative, la fiche

récapitulative de la présélection. Ils ont la possibilité de s’inscrire pour un

entretien psychologique accompagné ou non du responsable de filière. Il

leur est offert la possibilité d’un recours administratif (en 2008, 3 recours

seulement pour un millier de candidats ont été enregistrés). La rareté des

recours est certainement due à l’objectivité de traitement des candidatures

et à la conception de la batterie des examens dans lesquels les candidats

« se reconnaissent » et peuvent faire preuve de leurs caractéristiques dans

de très nombreux domaines et sous des formes d’examens très

différenciés.

Page 102: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

204

2.1.4. Validation des procédures

La validation des procédures de présélection et de sélection s’effectue

généralement en automne de l’année suivante lorsque les écoles disposent

de notes scolaires suffisantes ; elle peut être poursuivie tout au long de la

formation ; certaines écoles acceptent une séance spécialement consacrée

à la validation des élèves (méthode des juges multiples) selon leur

« valeur professionnelle » qui peut être différente de leurs notes scolaires.

Cette procédure, fruit de l’expérience, a fait ses preuves, le taux d’échecs

ou d’abandons étant extrêmement faible : 6,5% sur 3 ans selon l’étude

portant sur plus de 500 élèves HES, soit 2 à 3 % par année. Il est à

signaler que les 80% des élèves ayant abandonné leur formation avaient

fait l’objet de réserves psychologiques au moment de l’admission.

Une récente analyse sur 550 dossiers a ainsi montré une corrélation très

significative entre les données psychologiques et la réussite dans les

études. Si l’autobiographie faisait preuve d’un bon « pouvoir pronostic »,

il n’en était pas de même pour les entretiens : l’entretien est corrélé

positivement avec la réussite de la première année, la corrélation devient

nulle en seconde année, puis négative dès la troisième année d’études.

Cela n’a rien d’étonnant car contrairement aux données fournies par les

tests psychologiques, l’entretien constitue une situation où jouent

d’innombrables facteurs, dont beaucoup ne sont pas contrôlés, ni

pertinents pour un exercice professionnel – comme la présentation du

candidat, c'est-à-dire son aptitude à séduire l’examinateur influencé

« malgré lui » par le savoir-faire et le savoir paraître, sans parler de

l’absence de formation à l’entretien de certains examinateurs.

2.1.5. Mesure des aptitudes et attitudes

Cette méthode comporte un certain nombre d’épreuves psychotechniques

assez habituelles dans le but d’évaluer les aptitudes du sujet, mais elle a

mis en évidence les attitudes, principalement à travers deux types

d’approche :

- des épreuves écrites, soit un test d’associations libres ou des épreuves de

dessins, mais surtout à l’aide du test d’« Interprétations de dessins »

d’André Rey qui, en plus d’une appréciation du niveau de la pensée

intuitive, offre un vaste champ d’attitudes projectives ;

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Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

205

- un questionnaire de 300 questions (sur le modèle du MMPI) visant à

objectiver des attitudes personnelles et motivationnelles.

Cette approche a permis d’effectuer des pronostics fiables de réussite

scolaire et professionnelle. Par contre, la pratique nous a montré qu’un

petit nombre de sujets (que l’on estime, selon les écoles, aux alentours de

10 %) n’obtenait pas le classement attendu au niveau des entretiens et des

travaux de groupe, manifestant objectivement des attitudes que les tests

n’avaient pas révélées.

Cette divergence peut être expliquée par l’approche

« cérébralisée » que nécessitent les tests, l’influence probable de certains

facteurs culturels, sans parler de l’ »effet artificiel » que crée la passation

de tout test.

La question se posait alors de savoir s’il n’existerait pas une

approche des attitudes qui soit plus directe et « naturelle » afin de

mesurer objectivement les réactions et conduites comportementales et

émotionnelles, d’où l’idée de recourir aux possibilités offertes par le stylo

numérique et ses enregistrements d’activités psychomotrices fines, en

faisant l’hypothèse qu’elles pouvaient être révélatrices des attitudes.

2.2. Recueil, enregistrement et méthode d’analyse des tracés

2.2.1 Le stylo numérique et le logiciel « Elian »

Deux types de tracés sont utilisés ici : la Figure complexe de Rey

« A » (ou FCR) et une épreuve d’écriture « la terre est ronde » également

mise au point par André Rey ; ce dernier test a été proposé en demandant

d’écrire le plus vite possible, et ceci durant 90 secondes, au lieu des 60

habituellement requises, pour rendre l’épreuve plus sensible

Les tracés sont recueillis grâce un stylo numérique, de système

« Anoto », se présentant sur le plan pratique comme un gros stylo de la

taille d’un « Mont Blanc ». Le papier utilisé est recouvert d’une trame, si

fine qu’elle apparaît à l’œil nu comme une couleur grise très claire

uniforme. En fait, cette trame est imprimée (en noir) grâce à un

algorithme mathématique qui répartit de minuscules points sur la feuille,

d’une manière très spécifique. Ces points sont lus par la caméra

infrarouge dont est équipée le stylo, à la manière d’un « code barre », ce

qui permet un repérage très précis de la pointe traçante du stylo sur la

feuille.

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Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

206

Le stylo enregistre ainsi en continu la dynamique des traits sous

forme d’une suite de coordonnées x, y, ainsi que des pressions

instantanées. Les données sont enregistrées dans la mémoire du stylo (50

à 100 tracés env. suivant le modèle) pour être restituées à l’ordinateur

sitôt qu’il lui est connecté via une base USB.

Un logiciel spécifique « Elian » (« Expert Line Information

ANalyser ») exploite ces données, pour restituer à l’écran la dynamique

du tracé suivant divers modes, et pour fournir nombre des paramètres

chiffrés, tels que les temps (total, de tracé et de pauses), la longueur du

tracé (longueur totale, longueur moyenne du trait), les vitesses (moyenne,

maximale, minimale), les dimensions (largeur, hauteur), les marges

(haute, basse, droite, gauche), ainsi que d’autres paramètres plus

spécifiques pour l’écriture (nombre de traits par ligne, temps pour chaque

ligne (durée totale, durée de tracé, durée de pauses), vitesse par ligne,

nombre de lignes par minute, etc. L’ensemble de ces paramètres a été

exploité en corrélation avec les épreuves psychométriques.

Figure 1 : Le stylo et le papier numériques

Page 105: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

207

2.2.1 Recueil des données

L’ensemble des candidats a effectué la Figure complexe de Rey (ou FCR)

et le test « La terre est ronde ». Pour certaines écoles (éducateurs du jeune

enfant, ergothérapeutes) une troisième épreuve a été rajoutée, consistant

en un test d’inventivité à partir de 4 formes géométriques données.

Le recueil des tracés a été fait à l’aide de 50 stylos numériques de type

Anoto (et de modèle « Logitech 1 »), fournis aux étudiants au cours de la

passation des épreuves. Les deux tracés ont été exécutés à la suite l’un de

l’autre. La FCR a été faite collectivement, aussi la seconde partie

(reproduction de mémoire) a-t-elle été proposée dès que la majorité des

candidats avaient fini la copie. On a laissé les retardataires finir en temps

libre.

Figure 2 : La FCR-A vue par le logiciel « Elian » (tracé fini)

2.2.2 Population examinée

A titre expérimental, 1.100 candidats examinés au printemps 2008 ont été

soumis aux épreuves « Elian », dans la cadre de leur inscription à

diverses écoles paramédicales de Suisse Romande44

. Aucune donnée

44

Il s’agissait d’ambulanciers, physiothérapeutes, ergothérapeutes, diététiciens,

hygiénistes-dentaires, sages-femmes, assistantes de médecin, à des écoles

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Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

208

enregistrée par Elian n’a été prise en compte dans la procédure habituelle

de la présélection et de la sélection des candidats.

2.2.3 Méthode d’analyse des données

Dans un premier temps, il avait été proposé une approche qualitative :

pour la FCR-A, à partir des types et des caractères du trait et pour

l’écriture, au travers d’une impression générale (surtout la détérioration

de l’écriture en cours d’épreuve). Cette approche, quoique pertinente, n’a

pas été poursuivie pour l’instant et l’on a donné la priorité à une approche

systématique et chiffrée.

Le traitement des données a donc été fait essentiellement sur la base de

paramètres chiffrés calculés par le logiciel Elian. Une première approche

statistique a consisté en un calcul de corrélations entre les tests

psychologiques et les paramètres chiffrés d’Elian. Les premiers résultats

se sont révélés très positifs et vérifiés cliniquement pour l’échantillon

choisi. Les corrélations prises isolément étaient très significatives, mais il

est apparu intéressant de les combiner avec d’autres variables ; on a

obtenu ainsi des valeurs corrélatives beaucoup plus élevées, pouvant

parfois en doubler ces valeurs. Le programme informatisé a alors analysé

systématiquement toutes les combinaisons possibles de toutes les

corrélations qui s’étaient avérées significatives ou très significatives.

Cette seconde démarche a abouti au programme suivant : pour chaque

population de candidats, l’ordinateur a pris en compte chaque variable

des tests psychologiques, au nombre de 25 (10 pour les tests et 15 pour

les facteurs de personnalité et de motivations) puis les a mis en relation

une à une avec les variables Elian :

- Figure Complexe copie : 23 variables,

- Figure Complexe mémoire : 23 variables,

- Écriture (« la terre est ronde ») : 20 variables,

- En outre, pour certaines filières : test d’inventivité (dessin à exécuter à

partir de quelques formes géométriques fournies) : 20 variables

additionnelles.

D’où un total de 71 à 91 variables

Le programme a calculé donc toutes les inter-corrélations, variable après

variable. En fonction des valeurs de significativité introduites dans le

programme, il n’a retenu que les corrélations significatives et très

professionnelles d’informaticiens, de dessinateurs techniques, et à des

apprentissages tels que laborants en chimie et en biologie

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Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

209

significatives. Il a alors récupéré les résultats des sujets pour les variables

retenues, additionné leurs performances individuelles, recalculé les

corrélations et passé en revue toutes les permutations possibles afin

d’obtenir la combinaison qui offrira la corrélation la plus élevée. Le

nombre de variables finalement retenues peut varier généralement jusqu’à

8 facteurs.

L’ordinateur a alors appliqué la même procédure de traitement des

données « Elian » pour les tests de présélection afin d’obtenir une fiche

récapitulative qui soit superposable à celle obtenue par les tests (voir le

psychogramme) - ce qui permet en un coup d’œil de comparer les

résultats des tests psychologiques par rapport aux données Elian.

L’étude a été faite indépendamment pour chaque école, ce qui se justifie

dans la mesure où chaque profession nécessite des habiletés et des

attitudes différentes (par exemple, une attitude perfectionniste et

relativement obsessionnelle est positive pour un hygiéniste dentaire mais

négative pour un ambulancier…).

Cette analyse a eu pour propos d’être rigoureusement athéorique, pour

éviter tout biais méthodologique. Elle pourrait être qualifiée d’« opaque »

puisqu’elle ne s’appuie pas sur une théorie psychologique ou graphique

particulière, mais seulement sur des éléments statistiques (corrélations).

3. Résultats

L’analyse montre des valeurs très significatives de corrélations entre les

classements obtenus dans les tests et les classements donnés par Elian

(entre 0.40 et 0.65 selon les populations examinées). Ces résultats

soulignent la bonne correspondances entre les deux approches :on

enregistre, dans un système dichotomique en trois classes (bon-moyen-

faible) un 10 % de « sujets discordants ».

3.1 Présentation des résultats

Les résultats aux tests psychologiques sont représentés sous forme de

divers « psychogrammes » et de tableaux fournissant tous les

classements. La Figure 3 reproduit la « fiche récapitulative » telle qu’elle

est transmise à la commission des admissions et aux élèves qui n’auront

pas été retenus.

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Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

210

Le « camembert » en haut à gauche donne une représentation visuelle des

résultats à l’ensemble des tests dont les 6 tableaux annexés donnent les

résultats détaillés pour chaque épreuve.

Pour comprendre le petit « camembert » qui résume les résultats, voici

trois exemples (Figure 3). De gauche à droite :

- un bon sujet a des chiffres « forts » et donc un grand pentagone.

- un candidat moyen conduit à un polygone de taille plus réduite.

- un mauvais candidat peut présenter, au final, une figure d’une taille

minuscule.

Deux pentagones s’inscrivent dans le « camembert ». L’un (ici le plus

grand) concerne les tests psychotechniques. L’autre montre, selon un

mode de représentation strictement identique, les données Elian. On peut

ainsi superposer les représentations graphiques des deux groupes

d’épreuves. On obtient ainsi une image de synthèse qui nous renseigne

immédiatement sur les aptitudes des candidats (données par les épreuves

psychotechniques) et en même temps sur les attitudes (données par

« Elian ») qui ont pu jouer un rôle facilitateur ou, au contraire un rôle

inhibiteur dans l’exécution de chaque test.

Figure 3 : Trois exemples de « camembert »

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Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

211

Figure 4 : Un « psychogramme »

3.2 Un cas de discordance

On appelle « sujets discordants » ceux qui se situent dans le premier tiers

pour une variable et dans le dernier tiers pour l’autre variable (par

exemple : bons-mauvais ou mauvais-bons). Ces cas de discordances sont

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Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

212

particulièrement intéressants à étudier :

- les candidats qui avaient obtenu un mauvais classement à Elian mais un

bon classement aux tests psychologiques (discordance A), ont été classés,

dans leur majorité, à une mauvaise place aux entretiens de sélection. Cela

montrerait qu’Elian fournit des informations spécifiques que les tests

traditionnels ne mettent pas en évidence, et permet de prévoir, dans une

certaine mesure, le classement final.

- certains candidats ont eu de bons classements avec Elian mais de

mauvaises épreuves de présélection (« discordances B »), mais nous

n’avons pas pu les étudier, car ils ont été, de fait, exclus des épreuves de

sélection.

Figure 5 : Un cas de « discordance A »

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Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

213

Pour alimenter la discussion, prenons un cas de discordance A, ainsi que

le détail des données Elian. Il s’agit d’un candidat hygiéniste dentaire,

population où la corrélation (en rangs) entre présélection et Elian est très

élevée (0.65) pour une population totale de 69 sujets.

Classée 24ème

à la présélection (1ère

pour les motivations) mais seulement

63ème

avec Elian, cette candidate s'est finalement classée avant-dernière

(32ème

) pour l'entretien (mais 8ème

pour l'habileté manuelle). Elle n'a pas

été retenue.

Le dossier psychotechnique paraît très inhomogène, avec de grandes

faiblesses du côté des ressources émotionnelles, et une efficience

médiocre ; les deux autres paramètres sont bons, mais ne compensent pas.

Elian montre, pour la FCR, une copie de type 2 confinant au type 4 ; on a

le sentiment d’une attention soutenue. La mémoire est de type 2, mais il y

a de nombreuses lacunes et erreurs. Quant à l’écriture, elle est

descendante (ce qui pourrait évoquer une personnalité dépressive) et se

dissocie progressivement, devient très irrégulière, à peine lisible. Les

pauses très variables suivant les lignes (grande irrégularité des courbes

statistiques), soulignent une personnalité hésitante. Les vitesses baissent à

la fin de l’exercice, montrant une fatigabilité. La pression est forte.

Les paramètres chiffrés d’Elian montrent, pour la copie de la FCR, une

durée extrêmement longue et des vitesses extrêmement faibles – elles

sont normales pour l’écriture et la reproduction de mémoire.

En conclusion, c’est probablement l’allure dépressive de la candidate qui

lui a nui lors de l’entretien. Quant à ses performances, cette candidate

apparaît méthodique, mais elle devient lente face à une tâche inhabituelle.

Elle serait peut-être au maximum de ses facultés.

4. Discussion

4.1 Une économie de moyens

Cette méthode de passation présente un certain nombre

d’avantages. Par rapport à la passation habituelle de tests papier-crayon,

le travail sur ordinateur offre un nombre très appréciable d’avantages.

Elle permet la simplification de la passation : on remplit les salles au fur

et à mesure de l’arrivée des candidats, ce qui entraîne une diminution

marquée du stress chez les candidats tout comme le fait de se retrouver

devant un ordinateur (ils sont « dans leur bulle » disent-ils). On obtient un

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Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

214

gain de temps (et donc d’argent) considérable, la correction des

documents, le traitement des données et l’élaboration des résultats se

faisant automatiquement. En outre, on fait une sérieuse économie de

papier et on réalise une grande simplification d’archivage (des kilos

d’archives papier se résumant dans des clés USB). Internet permet la

transmission directe des résultats aux candidats pratiquement sans frais et

en un temps record. Les candidats font plus confiance aux données de

l’ordinateur qu’aux corrections manuelles. De surcroît, le recours à

l’informatique permet d’enrichir une batterie de tests en les rendant plus

attractifs et en bénéficiant de techniques modernes comme, par exemple,

des séquences vidéo.

4.2. Rigueur dans la présélection des candidats

Une telle modalité de présélection peut cependant étonner le lecteur

français, même concernant des candidats à un établissement

d’enseignement supérieur (après les études secondaires).

Tout d’abord, des questions se posent sur la nature des épreuves, qui ne

sont pas constituées de tests connus et éprouvés, mais seulement inspirés

par eux. En effet, dans certaines écoles françaises (telle l’École de

psychologues praticiens), il existe une sélection à l’entrée, mais celle-ci

repose exclusivement sur des tests authentiques, validées

universellement. En Suisse, et plus particulièrement à Genève, le testing a

été marqué par l’approche d’André Rey, successeur de Claparède, et qui a

créé un très grand nombre de tests cliniques (voir bibliographie) que nous

avons repris en partie en les adaptant à la situation de sélection et en

devant répondre aux exigences des écoles, en sachant qu’elles interdisent

le contrôle des connaissances académiques. En outre, on a considéré que

ces épreuves ainsi que les mesures de validation continue, mises sur pied

pour les soutenir (par le moyen de complexes calculs de corrélation)

valaient tout autant, dans le contexte précis où elles s’exerçaient, que les

mesures effectuées pour les tests « officiels ».

En second lieu, le psychologue français et même le professionnel,

partie prenante dans une école (ou une formation), peuvent être surpris

qu’on fasse appel à l’informatique pour recueillir ces données. Cela peut

le surprendre, voire le gêner. Il faut tenir compte du contexte très

pragmatique de la Suisse où ceux qui financent les études veulent

s’assurer au mieux de la réussite de l’étudiant. En recourant au traitement

informatisé des données, le psychologue économise un temps

considérable de correction et de traitement statistique des résultats.

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Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

215

En outre, la Suisse a su s’équiper de salles comportant un grand

nombre d’ordinateurs, qu’il est possible de louer pour une somme

modique. En France, les écoles devraient bientôt pouvoir bénéficier d’une

même infrastructure.

4.3. Corrélations des données psychologiques et des données

Elian

On peut s’interroger sur la valeur attribuée à un paramètre d’Elian à partir

de sa corrélation avec les données psychologiques.

Pour répondre, il faut tout d’abord remarquer (comme d’ailleurs pour tout

examen quel qu’il soit) l’extrême variété des candidats, même s’ils sont

parmi les premiers ou les derniers. Il n’y a pas de « profil type ». Cela se

comprend quand on examine la manière dont les étudiants sont

sélectionnés. On ne juge pas un candidat sur une seule épreuve, mais sur

plusieurs, de natures souvent très différentes. Cela se justifie par le fait

que toute profession nécessite des qualités variées, qui peuvent autant se

valoriser les unes les autres que s’annihiler ou se compenser. Cette

variété est d’ailleurs le gage d’une adaptation d’un professionnel aux

changements qui interviennent durant toute la durée de son activité, qui

peut s’écouler sur 40 ans et plus.

Le travail en termes de corrélation, fondamentalement athéorique, a pour

propos de dépasser l’extrême difficulté qu’il y aurait à rendre compte de

la signification de chaque paramètre, et surtout à les pondérer d’une

manière adéquate pour s’adapter aux nécessités pratiques, à savoir le

classement final exigé dans les écoles. Le travail en termes de

corrélations constitue donc un moyen pratique d’aborder des notions

difficilement conceptualisables, car résistant à l’analyse (découper un

processus en suffisamment de parts pour être intégralement connues).

En fait, la sélection pour l’entrée dans une école semble difficile à

théoriser, même en se fondant sur les disciplines les plus classiques.

Comment pourrait-on situer un candidat qui serait admis grâce à une

excellente note en anglais, comparativement à un autre qui le serait grâce

aux mathématiques ? Il n’y a pas de rapport de nature entre ces deux

facultés qui entrent, pourtant, dans le calcul de la note finale, et donc de

la place dans le classement. Aucun axe ne peut donc être défini incluant

d’une part la note en anglais, d’autre part celle en physique. Elles sont

fondamentalement indépendantes l’une de l’autre.

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Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

216

Quand on effectue la sélection de candidats, le souci de l’examinateur est

d’avoir la vision la plus précise du sujet, celle qui couvre le mieux

l’ensemble de sa personnalité, pour laisser le moins de paramètres dans

l’ombre, sachant que tout ce qui aurait été oublié pourrait nuire à la

pertinence de l’examen.

Ainsi notre méthode repose sur une analyse statistique, seule à même de

répondre à l’impossibilité d’énoncer des règles (ou régularités) et

d’élaborer une approche théorique. L’analyse statistique constitue, en fin

de compte, un mode d’abord obligé face à la nature du processus étudié ;

il ne peut être formalisé (mise en forme) selon les modes habituels.

L’approche en terme de « complexité » (analyse statistique) reflète donc

un abord différent de la réalité, dès lors qu’elle ne peut être réduite à une

seule variable, ni à un nombre limité de variables indépendantes.

L’analyse statistique fait l’hypothèse d’un nombre de variables

potentiellement non limité.

Certes, en retour, il ne faut pas se laisser leurrer par une analyse

statistique. Il faut la contrôler avec attention, car, du seul fait de son

opacité, elle peut mener à toutes les erreurs. Mais n’en est-il pas de même

avec toutes les observations, surtout en épidémiologie ? Combien

d’études ont amené des résultats paradoxaux, liés à des facteurs

négligés…

Il faut donc craindre les études athéoriques, mais dans certains cas au

moins, comme ici, il ne semble pas qu’on ait vraiment le choix. Ce n’est

pas seulement un pis-aller, mais une contrainte liée à la nature même du

champ de l’étude qui est menée ici.

5. Conclusion

Nous avons donc présenté succinctement une procédure informatisée des

tests utilisée depuis un certain nombre d’années dans le cadre de concours

d’admission à diverses écoles paramédicales et professionnelles de Suisse

Romande, et tout récemment enrichie d’une épreuve graphique

informatisée.

Nous avons illustré ici le rôle que peut jouer l’informatique dans le

domaine de la recherche, en rendant facile l’accès aux données

statistiques ; elle permet ainsi d’effectuer les validations qui s’imposent

par rapport aux tests utilisées et aux stratégies mises en place.

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Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

217

Tout psychologue aura constaté de lui-même qu’il dispose d’un nombre

impressionnant de tests mesurant les aptitudes mais qu’il se trouve

souvent démuni lorsqu’il doit évaluer les attitudes des personnes qu’il

examine (ce problème étant encore plus épineux lors de passation

collective). Grâce aux remarquables possibilités qu’offre le stylo

numérique, nous avons pu concevoir un programme entièrement

automatisé qui donne une image (et des valeurs numériques) de la

« charge émotionnelle » qui se superpose aux résultats de chaque test. On

peut mesurer ainsi de manière objective le rôle facilitateur ou, à l’opposé,

inhibiteur, des attitudes.

6. Bibliographie

Alaphilippe D. (1993), Thomas R., Les attitudes, PUF

Bernaud J.L. et Loss, (1995) Evaluation expérimentale d’une méthode de

restitution de questionnaires d’intérêts, L’orientation scolaire et

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en carrière, Revue européenne de psychologie appliquée, 46, 109-120

Bovier B., Trieu M. (1988), Sémiologie de la dépression en psychomotricité,

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Calza A. (2002), Contant M, Psychomotricité, Masson

Capel R, Rosse R. (2006), Au-delà des différences interindividuelles : ouverture

vers une psychométrie « clinique », Actualités psychologiques R., 18

Capel R., (2006) Pour une psychométrie spécifique des attitudes, Pratiques

psychologiques, 12, 1, 85-96

Danis A. et al. (2008), Copie d’une figure complexe et attention exécutive à l’âge

préscolaire, Enfance, 60, 2, 177-194

Debaty P. (1967), La mesure des attitudes, Paris, PUF

Dupont J.B., Gendre F. (1979), La psychologie des intérêts, Paris, PUF

Gaspoz F. (2007), Stratégies d’apprentissage et réussite scolaire en 1ère

année de

l’école des métiers du Valais, IFFP (monographie)

Gendre F., Capel R. (1958), L’évolution de l’outil informatique modifiera-t-elle

la fonction du psychologue conseiller ?, Actualités psychologiques, 4.

Huteau M. (2001), L’évolution des intérêts professionnels, Revue de Psychologie

Française, 46, 3, 259-266

Larcebeau S. (1982), Intérêts, valeurs et choix professionnel, L’orientation

scolaire et professionnel, 4, 341-354.

Mesot H. (2006), A propos du test en psychologie clinique, Actualités

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Mottier Ch. et al. (1967 et suiv.), Techniques inédites pour l'examen

psychologique, Delachaux et Niestlé (5 vol.)

Mottier Ch. (1990), Bilan psychologique et imagination, Colloque international

chercheurs-praticiens, Genève, p. 46-47

Mottier Ch. (1975), Valeur prédictive de l'examen psychologique dans le cadre

Page 116: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

Philippe Wallon & Charles Mottier / PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

218

d'une école d'infirmière, Revue suisse des infirmières, 3, p.69-71 & 4, p.121-

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Pacaud S. (1989), La sélection professionnelle, Paris, PUF

Paineau A. (1994), Un inventaire d’intérêts professionnels informatisé destiné

aux jeunes, Psychologie et Psychométrie

Rey A. (1946 & 1947), Épreuves de dessin, témoins du développement mental,

Archives de Psychologie, 31 et 32.

Rey A. (1958), L’examen clinique en psychologie, Paris, PUF

Rey A. (1950), Les conditions sensori-motrices du dessin, Revue suisse de

Psychologie, 9, 381-392

Rey A., La Figure de Rey, Paris, ECPA

Scherer K. (2006), Les émotions, Paris, L’Harmattan

Segal Z. et Duron (1996), Système informatisé d’aide à l’évaluation et à

l’orientation scolaire et professionnel, Paris, ECPA

Super D.E. (1964), La psychologie des intérêts, Paris, PUF

Tajan A. (1985), La psychomotricité, Paris, PUF

Wallon Ph. (2007), Le dessin d’enfant, Paris, PUF

Wallon Ph., Mesmin C. (2002), La Figure de Rey, une approche de la

complexité, Ramonville Sainte-Agne, Érès

Page 117: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

Pascale Desrumaux, Sabine De Bosscher & Véronique Léoni / PTO – vol 14 – n°3 Numéro spécial recrutement - N° 1

Première Annonce

L’Association Internationale de Psychologie du Travail de Langue Française

- A I P T L F -

avec le soutien du

Conseil Régional du Nord –Pas-de-Calais

organise son XVIème Congrès

Le Travail dans tous ses États

Lille, du 6 au 9 juillet 2010 Palais de la Musique

Place du Nouveau Siècle

Première annonce et appel à communications Propositions à envoyer avant le 30 octobre 2009

www.aiptlf2010.com

Page 118: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

220

Organisation :

Président du congrès : Georges Masclet

Professeur Emérite des Universités

Présidente du comité scientifique : Pascale Desrumaux

Université de Lille III

Co- Présidentes du comité scientifique : Sabine Pohl

Université Libre de Bruxelles

Anne- Marie Vonthron

Université de Bordeaux II

Président de L’AIPTLF : Claude Lemoine

Université de Lille III

Lieu du congrès Lille, accueillera le XVIème congrès de l’AIPTLF. Cette capitale des Flandres Françaises, devint en 2004 une des « Capitales Européennes de la culture ». Cet évènement l’a replacée sur le devant de la scène française. Réputée pour sa grande braderie de septembre et ses marchés exubérants, son gout de la fête et ses nuits longues, Lille est depuis le moyen âge une capitale industrielle. D’abord cité drapière, elle accueille les tapissiers d’Arras chassés par Louis XI au XVème siècle. Les filatures de coton et de lin s’y développent au XVIIIème siècle mais aussi des industries traditionnelles telles que : l’imprimerie, la mécanique, la chimie, l’agroalimentaire…Depuis sont venues s’ajouter des entreprises de pointe que favorise son riche environnement universitaire très diversifié. C’est aussi un grand carrefour des affaires de par sa situation géographique à la frontière du Benelux, de l’Angleterre et de l’Allemagne. Ses infrastructures : Euralille, sa chambre de commerce et d’industries, sa bourse étayent cette position. Ville riche dans ses relations humaines pour des raisons historiques, géographiques, scientifiques et culturelles Lille se devait donc d’accueillir le congrès de l’AIPTLF. A n’en point douter, par le réel carrefour scientifique qu’il est devenu, ce XVIème congrès devrait apporter à cette grande ville, capitale de la 2ème région de France de par sa population, un véritable creuset de réflexion

Page 119: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

221

Thématique du XVIème Congrès

Lille est aussi la capitale de la Région du Nord Pas-de-Calais, région bien

connue pour son labeur, sa vitalité et sa convivialité. Quel endroit plus propice

pour accueillir le XVIème congrès de Psychologie du Travail et des Organisations ?

Mais le travail a changé. Les reconversions, les restructurations, les avancées

techniques et les exigences économiques ont à la fois bouleversé, modifié et

remodelé la physionomie des entreprises et des organisations. Dans ce contexte,

que deviennent les hommes et les femmes concernés par ces changements ?

Comment vivent-ils leur relation au travail ? Et que devient la place donnée au

travail ?

Les questions sont nombreuses. Le travail peut être perçu à la fois comme une

nécessité, une contrainte, une aliénation et comme une source de

développement personnel, de mieux être et aussi de créativité et de service

rendu à la société. De la peine car il faut trimer, au gagne pain car il faut manger,

jusqu’au bel ouvrage qui apporte plaisir et fierté, les facettes du travail sont

multiples et vont de la servitude à la réalisation de soi.

Il est dans la logique de la Psychologie du Travail et des Organisations de se

préoccuper des personnes qui sont confrontées à ces questions actuelles et qui

se trouvent dans des organisations où se modèlent les conditions nouvelles du

travail et de l’activité, de la production et de la création.

Le thème retenu est volontairement polysémique : Traiter des états du travail,

des conditions dans lesquelles se trouvent les salariés et ceux qui voudraient le

devenir, analyser les déterminants du bien être et du mal être psychologiques,

mais aussi se demander dans quel état se trouve le travail : est-il en voie de

disparition, de redéfinition, de renouvellement en accordant plus de place à

l’activité choisie ? Examiner les dynamiques du travail, et en conséquence

étudier comment les personnes s’orientent, se forment, s’insèrent dans la

société qui est la leur, tels sont les objectifs de ce congrès.

Page 120: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

222

Propositions de communications

Les différentes orientations en psychologie du travail sont les bienvenues :

aspects théoriques et empiriques, recherche et pratique professionnelle,

méthodes quantitatives et qualitatives. Plusieurs formes de propositions sont

possibles : symposium sur un thème précis (rassemblant des personnes

d’organisations différentes), communications individuelles, communications

affichées.

Les propositions devront parvenir au plus tard le 31 octobre 2009 et seront

évaluées par le comité scientifique.

Les propositions de communications sont à envoyer sur le site internet du

congrès, ce qui facilite les échanges et l’organisation. Vous y trouverez le

formulaire et les informations sur la présentation du résumé, ainsi que

l’ensemble des indications sur le congrès.

www.aiptlf2010.com

Thèmes principaux des communications

A partir d’une liste des domaines de la psychologie du travail et des organisations, les auteurs sont invités à situer leurs propositions. Le comité scientifique établira le programme des sessions thématiques en fonction des orientations des communications reçues et acceptées.

Psychologie du travail centrée sur les personnes :

Orientation professionnelle, gestion de carrière, bilans de

compétences

Accès à la formation professionnelle, maintien et réussite en

formation et en apprentissage

Construction de l’identité professionnelle, valeurs et sens donnés au

travail,

Motivation et implication au travail, compétences et performances

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PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

223

Insertion et exclusion professionnelles

Modes d’évaluation du personnel (recrutement, bilan d’année,

évaluation des projets)

Psychologie des organisations et organisation du travail

Transformations organisationnelles

Styles et méthodes de management

Cultures et climats d’entreprise, situations interculturelles

Organisations décentralisées ou virtuelles

Développement des ressources humaines

Gestion des emplois et des compétences

Equipes de travail

Engagement envers l’organisation

Innovation organisationnelle et autonomie dans le travail

Psychologie du travail et psychologie économique

Les conditions de travail et leurs conséquences

Bien être et mal être psychologiques dans le travail

Stress, violences, harcèlement moral au travail

Prévention et sécurité, santé et maladies professionnelles

Ergonomie du travail et organisation temporelle

Effets de changements technologiques

Mobilité, flexibilité conditions de travail et nouveaux métiers

Les populations en difficulté ou discriminées (handicap, seniors…)

Méthodes scientifiques et modes d’intervention

Méthodes du conseil

Méthodes de recherche sur le terrain

Analyse du travail

Méthodes d’observation et mesures

Statut du psychologue du travail

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PTO – vol 15 – n°2 - Spécial recrutement n°2

224

Les nouveaux enjeux de la Formation

La Formation et l'intervention

Formation initiale et construction de compétences

Formation tout au long de la vie : quels enjeux pour l'entreprise

La formation comme levier du changement

Les lois sur la formation et leurs apports.

Les propositions hors thème seront examinées par le comité scientifique en fonction de leur intérêt pour la psychologie du travail et des organisations.

A vos Agendas et à vos Plumes…

Page 123: PTO vol 15 n°2 Spécial recrutement n°2 Psychologie

Pascale Desrumaux, Sabine De Bosscher & Véronique Léoni / PTO – vol 14 – n°3 Numéro spécial recrutement - N° 1

Abonnement

Les demandes d'abonnement sont à envoyer à Claude Lemoine, AIPTLF, Université Lille 3, UFR Psychologie, BP 60149, F 59653 Villeneuve d'Ascq

cedex. Tél.: 03 20 41 69 68

Tarif annuel 2009 (4 numéros de 100 pages environ)

France UE Autres Pays

Papier

Individuels 60 € 65 € 70 €

Etudiants (- de 28 ans, justificatifs)

40 € 45 € 50 €

Institutions 100 € 105 € 110 €

Internet

Individuels 45 € 50 € 55 €

Etudiants (- de 28 ans, justificatifs)

20 € 25 € 30 €

Institutions 85 € 90 € 95 €

Papier +

Internet

Individuels 75 € 80 € 85 €

Etudiants (- de 28 ans, justificatifs)

55 € 60 € 65 €

Institutions 115 € 120 € 125 €

Prix au numéro 25 € (frais de port non compris) Les prix indiqués sont nets (ttc), les frais de virement sont à la charge du client. En

cas de virement étranger, ajouter 10 Euros. Règlement - par chèque à l'ordre de AIPTLF. - par virement bancaire IBAN : Crédit Mutuel, 969 av. République

F 59700 Marcq en Baroeul. N° FR761562 9027 2000 0448 8270 158

Abonnement également directement en ligne sur

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Celle-ci est à régler directement à l'AIPTLF, Pr. C. Lemoine (cf. supra). ……………………………………………………………………………………………………………………………

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