QUARANTAINE AU VIETNAM

Le Vietnam, très rapidement exposé au COVID, à cause de nombreuses échanges avec la

Chine, et une frontière terrestre de 1 300 km, dispose d’équipements de santé restreints.

Le gouvernement a donc choisi une stratégie « lowcost » pour contrôler la propagation du

virus : dépistage des cas infectieux, traçage des contacts, isolement, fermeture des

frontières très rapidement, et quarantaine obligatoire pour tous les entrants dans le pays.

Tang Quang, un étudiant en architecture revient de Londres et a

partagé ses souvenirs de quarantaine dans une école militaire

réquisitionnée du district 2 de Ho chi Minh ville (vous pouvez le

suivre sur FB mais en vietnamien !).

https://www.facebook.com/tang.quang.5

Nous vous proposons un extrait de son journal de quarantaine en dessins.

Le bâtiment de 5 étages sans ascenseur fait partie d’une école militaire. Il est situé dans

un quartier aéré d’un district périphérique de Ho chi Minh Ville

Les confinés sont admiratifs devant le dévouement des personnels de service, qu’ils

appellent affectueusement les « soldats ». Tous les jours, nos « soldats » doivent amener

les boissons, la nourriture, les produits de première nécessité pour chaque chambre des 5

étages. 11 chambres par étage, 3 à 8 personnes par chambre, on imagine déjà le poids à

trimballer ! Mais tout le monde est gai, plein d’attention et souriant !

Pour le déjeuner, il faut encore tout amener à chaque chambre et attendre patiemment

que les gens aient choisi leur repas. Les « soldats » notent vos préférences alimentaires :

végétarien, allergies alimentaires, et vous êtes bien servis. Quand il n’y a pas assez de

nourriture pour tout le monde, ils se sacrifient pour vous, afin que vous puissiez être en

bonne forme pour lutter contre la maladie.

Les repas sont très bons et variés. Tout le monde connait la gastronomie du Vietnam, on

aurait aimé pouvoir manger comme ça lors de notre séjour en Europe.

Après le repas, il faut tout ranger et tout descendre à pied. Le travail est ingrat, il fait très

chaud en mars à Saigon, mais les « soldats » ne se plaignent jamais. Et même ils nous

laissent leur numéro de portable si jamais on a besoin d’aide. Dans le centre nous aimons

tous nos « soldats »

La sortie des poubelles se fait tôt le matin. Deux bâtiments de 5 étages, cela donne

chaque jour une montagne de déchets, mais les « soldats » font cela en un rien de temps !

La prise de température se fait tous les jours. Un jour, j’ai très peu bu, ma température est

montée à 37,5 °C, j’ai été amené en isolement, et ai dû recommencer plusieurs fois la prise

de température. Maintenant je bois 4 litres par jour, pour ne pas avoir de faux positifs.

8 lits par chambre, l’architecture est très écologique, avec des fenêtres des 2 cotés, plein

d’arbres et balayée par le vent. Voici mes coturnes !

1. Jeune homme vivant dans la peur. Il vit toujours à 3 m de nous, très ordonné et propre,

et souvent fait le ménage pour nous tous. Se lève tous les jours à 4h30 et descend dans la

cour faire sa gymnastique. Dès qu'il y a une autre personne dans la cour, il s’en va et

rentre dans la chambre

2. Jeune vietnamien revenant d’ Allemagne

3. Jeune néerlandais aux cheveux oranges

4. Un autre jeune néerlandais

5. Jeune étudiant français brillant

6. Un endroit pour ranger la nourriture

7. Jeune startuper 8. Jeune homme très beau

Jeune startuper : il vécu 4 ans en Nouvelle Zélande, 3 ans en Angleterre. Actuellement il

est à Cambridge et doit démarrer sa startup. Il se lève tous les jours à 5 heures, étudie

intensément, travaille, fait du sport. Mais au bout de 14 jours avec nous, il est tombé dans

le jeu, la fumette … et voilà donc qu’une vie plus glorieuse va s’ouvrir à lui.

Les jeunes jouent au Monopoly. Cela apprend à démarrer une entreprise, à investir, à

perdre de l'argent, à faire faillite et à … aller en prison… ça peut vous habituer à ce que

la vie vous réservera après !

Le jeune hollandais aux cheveux orange balaie notre chambre, sans doute pour faire

bonne figure, mais il me semble qu’il passe plus de temps à « balayer » sur Tinder la nuit.

C’est une jeune étudiant vietnamien en Allemagne, il fait de la muscu tous les jours

intensément. Il est grand comme un éléphant, fort comme un buffle et mange comme un

cochon

Il a toutes les qualités pour être travailleur de force, mais malheureusement est né dans

une famille intellectuelle. Il a donc laissé de côté ses ambitions et rêves de maçon,

manutentionnaire, éboueur... pour aller faire des hautes études !

Séance de coiffure, ou plutôt coupe de cheveux, pour avoir encore une apparence

humaine.

Ce jeune homme a tout perdu au jeu, et se roule par terre avec les détritus Nous lui

suggérons de se suicider en sautant du 5eme étage pour éviter la honte. Après mûre

réflexion, il a décidé de continuer à vivre.

Ce garçon, Linh, a vu son épicerie faire faillite car le propriétaire l’a expulsé. Par la suite,

réalisant que Linh était dans la misère, le directeur du centre a permis à Linh de rester une

semaine pour continuer ses activités commerciales. Mais presque tout le monde était

parti, plus personne n'achète. Linh est désespéré.

Sa boutique s’appelle Cô Vy – mademoiselle Vy, évidemment il s’agit du covid !

Quartier des femmes

Tous les matins, ce jeune garçon tirait sa valise et s’asseyait près du rebord de la fenêtre

pour prendre le soleil tout en regardant ses dessins animés.

La femme médecin m'a demandé de la dessiner avec des jambes plus grandes. Mais

quand j'ai revu la légende de l'album, je me suis soudain rappelé que j'avais écrit « un

ensemble de peintures qui reflètent vraiment la vie dans le centre de quarantaine ». Je ne

peux donc pas augmenter la longueur de ses jambes. J'espère, ma sœur, que vous êtes

quand même satisfaite malgré ça.

Tout le monde a été testé deux fois par les médecins, la première fois quand on arrivé au

centre et ensuite au bout de 14 jours, avant leur retour à la maison, pour recevoir des

certificats de quarantaine et de sécurité sociale.

Au bout de 14 jours de quarantaine, le résultat.

Les médecins nous ont réunis pour annoncer les résultats des tests :

"Les candidats avec un résultat négatif doivent immédiatement faire leurs bagages et

quitter le centre demain matin !"

Les « soldats » sont très gentils avec nous. Avant qu’on ne parte, ils viennent dans chaque

chambre pour nous remettre des cadeaux. Hier, chaque chambre a reçu 2 boites de

chocolat, et chacun de nous a reçu un porte clé fait main avec son signe astrologique

chinois. J’ai été agréablement surpris de voir qu’ils ont vérifié mon année de naissance

pour choisir l’animal correspondant.

Chacun de nous à sa façon d’exprimer notre reconnaissance. Pour moi, la moitié de cet

album de dessins est donné aux « soldats » et soignants.

Les femmes remercient, chacune à sa façon, l’équipe de soignants et de « soldats ».

Et le jour des adieux est arrivé.

Tout est revenu net et bien rangé.

Sur le dessin, la bande de ruban rouge délimite notre espace de « jeux ». Nous sommes

comme des poules élevées en plein air, donc au bout de quinze jours de quarantaine, nous

avons toujours des muscles aussi fermes !

La chambre est maintenant vide.

Je suis donc officiellement allé jusqu’au bout de la quarantaine. La maison commune ne

compte plus que 2 personnes. Les autres pièces sont quasiment toutes vides. Mon étage

était composé de plus de 100 personnes, maintenant seules 6 personnes restent encore à

attendre. Le soir, les pièces ne sont plus aussi lumineuses qu'auparavant, seules quelques

pièces éparses sont encore faiblement éclairées. J'ai senti la pression de la quarantaine

devenir de plus en plus grande et j'ai commencé à me sentir seul.

Nous sommes de retour dans nos familles, mais pour les « soldats » et les médecins ici, le

travail continue, tout le monde se prépare à une nouvelle quarantaine.

La vie est étrange ! Il y a des événements inattendus, mais qui amènent avec eux

beaucoup de beaux souvenirs. Nous sommes rentrés, heureux de terminer la quarantaine

et retrouver nos familles, mais ce qui se passe ici est si beau et mémorable. Tout le monde

était ému au moment des adieux. Chacun de nous a noué ici de belles amitiés et nous

réalisons qu’il est tellement important d’aimer la vie, avec autant de belles personnes

autour de nous.