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QUATRIÈME CONGRÈS DE LA CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE DU TRAVAIL (Dixième Congrès national corporatif) Tenu à Rennes du 25 septembre au 1er octobre 1898. -------------------- - 1/170 - APPEL AUX TRAVAILLEURS, Aux Bourses du Travail, Fédérations, Chambres syndicales et Groupes corporatifs. Rennes, le 15 juillet 1898, ClTOYENS, Les groupes ouvriers de Rennes (Ille-et-Vilaine), heureux du choix fait par la Confédération générale du Travail, pour ses assises de 1898, vous convient au Congrès national corporatif qui aura lieu en cette ville les 26, 27, 28, 29, 30 septembre et 1er octobre prochain pour venir exposer et défendre vos droits à l'existence par le travail. Nous sommes certains que les organisations ouvrières s'empresseront d'accourir en nombre pour montrer à ceux qui prétendent que les travailleurs ne savent pas faire leurs affaires eux- mêmes, qu'il y a là un outrage qui ne saurait les atteindre. Montrons à tous que nous sommes des hommes soucieux de nos devoirs et de nos droits, et que devant notre volonté rien ne saurait y faire obstacle. A ceux qui croient que le travailleur est impuissant pour donner l'impulsion au mouvement d'émancipation sociale, montrons ce spectacle grandiose des foules en masse sur la route de l'avenir! Camarades des villes et des champs, exploités au même titre par les mêmes oppresseurs, serrons nos rangs! Vive le Travail émancipé! Vive le Prolétariat libre! La Commission d'organisation. -------------------- Aux Organisations ouvrières de France et des Colonies. Camarades, La Commission d'organisation du Congrès na- tional corporatif pour l’année 1898, légalement investie des pouvoirs qui lui sont dévolus en vertu de nos Statuts, et faisant suite à notre Circulaire du 4 juin dernier, vient de vous faire connaître l'époque où devra se tenir le Congrès national corporatif pour 1898. La Commission d'organisation, d'accord avec nous, fait appel aux groupements corporatifs, pour qu'ils aient à indiquer, avant le 10 août, les ques- tions qu'ils désirent voir figurer à l'ordre du jour. Passé cette date, l'ordre du jour sera établi sur les demandes qui seront adressées, deviendra définitif et sera communiqué par une Circulaire. Notre appel du 4 juin contenait un exposé de la tâche qui nous incombe à tous dans ces assises du travail; il serait inutile d'y revenir. Le Prolétariat, plus opprimé que jamais, doit secouer d'un effort puissant cette chaîne qui le lie et le fait l'esclave d'une secte incapable de rien produire sans son intelligence et non énergie. Travailleurs, si vous le voulez il est temps en- core. Hâtons-nous! Paris, le 15 juillet 1898, Pour la Confédération générale du Travail, Le Secrétaire général, A. LAGAILSE. Rennes, le 15 juillet 1898, Pour la Commission d'organisation: La Secrétaire général, P. BOURGES.

QUATRIÈME CONGRÈS DE LA CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE …

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Page 1: QUATRIÈME CONGRÈS DE LA CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE …

QUATRIÈME CONGRÈSDE LA

CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE DU TRAVAIL

(Dixième Congrès national corporatif)

Tenu à Rennes du 25 septembre au 1er octobre 1898.

--------------------

- 1/170 -

APPEL AUX TRAVAILLEURS,Aux Bourses du Travail, Fédérations, Chambres syndicales

et Groupes corporatifs.

Rennes, le 15 juillet 1898,ClTOYENS,Les groupes ouvriers de Rennes (Ille-et-Vilaine),

heureux du choix fait par la Confédération généraledu Travail, pour ses assises de 1898, vous convientau Congrès national corporatif qui aura lieu en cetteville les 26, 27, 28, 29, 30 septembre et 1er octobreprochain pour venir exposer et défendre vos droitsà l'existence par le travail.

Nous sommes certains que les organisationsouvrières s'empresseront d'accourir en nombrepour montrer à ceux qui prétendent que lestravailleurs ne savent pas faire leurs affaires eux-mêmes, qu'il y a là un outrage qui ne saurait lesatteindre.

Montrons à tous que nous sommes deshommes soucieux de nos devoirs et de nos droits,et que devant notre volonté rien ne saurait y faireobstacle.

A ceux qui croient que le travailleur estimpuissant pour donner l'impulsion au mouvementd'émancipation sociale, montrons ce spectaclegrandiose des foules en masse sur la route del'avenir!

Camarades des villes et des champs, exploitésau même titre par les mêmes oppresseurs,serrons nos rangs!

Vive le Travail émancipé!Vive le Prolétariat libre!

La Commission d'organisation.

--------------------

Aux Organisations ouvrières de Franceet des Colonies.

Camarades,

La Commission d'organisation du Congrès na-tional corporatif pour l’année 1898, légalementinvestie des pouvoirs qui lui sont dévolus en vertude nos Statuts, et faisant suite à notre Circulaire du4 juin dernier, vient de vous faire connaître l'époqueoù devra se tenir le Congrès national corporatif pour1898.

La Commission d'organisation, d'accord avecnous, fait appel aux groupements corporatifs, pourqu'ils aient à indiquer, avant le 10 août, les ques-tions qu'ils désirent voir figurer à l'ordre du jour.

Passé cette date, l'ordre du jour sera établi surles demandes qui seront adressées, deviendradéfinitif et sera communiqué par une Circulaire.

Notre appel du 4 juin contenait un exposé de la

tâche qui nous incombe à tous dans ces assisesdu travail; il serait inutile d'y revenir.

Le Prolétariat, plus opprimé que jamais, doitsecouer d'un effort puissant cette chaîne qui le lieet le fait l'esclave d'une secte incapable de rienproduire sans son intelligence et non énergie.

Travailleurs, si vous le voulez il est temps en-core. Hâtons-nous!

Paris, le 15 juillet 1898,Pour la Confédération générale du Travail,Le Secrétaire général, A. LAGAILSE.

Rennes, le 15 juillet 1898,Pour la Commission d'organisation:La Secrétaire général, P. BOURGES.

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Les communications peuvent être adressées, soit au citoyen Bourges, secrétaire de la Bourse duTravail de Rennes, 14, place du Champ-Jacquet, on au citoyen A. Lagailse, secrétaire général de laConfédération du Travail, 53, rue du Commerce, à Paris.

--------------------

Aux Travaileurs de France et des Colonies.

Rennes, le 20 août 1898.Camarades,A l'heure ou le prolétariat doit plus que jamais

lutter pour son indépendance, nous avons la con-viction que toutes les organisations ouvrières seferont un devoir d'assister au Congrès nationalcorporatif organisé en cette ville.

Les exploités du travail savent que de ces dis-cussions ouvrières seules, peut résulterl'amélioration du sort des mercenaires ducapitalisme.

La bourgeoisie qui a profité de toutes les luttesdepuis 1789, entend ne faire aucune part auvéritable producteur de cette fortune accumulée àses dépens.

Pour cela elle fera tout pour étouffer sesréclamations si vous ne savez vous mettre engarde! Et puis l'armée et la magistrature ne sont-elles pas là pour les faire triompher?

La situation présente vous indique tout votredevoir!

Vive le travail émancipé ! Vive le prolétariat libre!

Pour le Conseil national:Le Secrétaire général, A. Lagailse.

La Commission d'organisation,Le Maître, Fauchard, Bourges, Le Bras,

Beaupérin.

--------------------

N.B.: Adresser toutes les communications aucitoyen BOURGES, secrétaire de la Bourse du Tra-vail, place du Champ-Jacquet, Rennes (Ille-et-Vilaine).

Les Organisations qui ne pourraient envoyer dedélégués au Congrès, peuvent s'y faire représenteren envoyant un mandat régulier à la Commissiond'organisation, qui le transmettra à un des déléguésrennais.

Afin de permettre à la Commissiond'organisation d'assurer aux délégués tout ce qui atrait à leur séjour à Rennes, les groupes ouvrierssont invités à indiquer d'ici au 10 septembre le nomet le nombre de leurs délégués.

Tous les délégués devront être syndiqués etporteurs de leur carte ou livret de membre adhérentà un syndicat.

Il est fixé un droit d'entrée de cinq francs, dontun franc pour le Congrès de Rennes et quatrefrancs pour les premiers frais d'organisation duCongrès international corporatif en 1900, à Paris.

L'ouverture du Congrès aura lieu le lundi 26septembre, à huit heures du matin, à la Bourse duTravail, 14, place du Champ-Jacquet.

NOTA: Prière aux Organisations de dire à leursdélégués le nombre de brochures qu'elles désirent.confédération générale du travail

--------------------

Citoyens,Ainsi que vous l’a fait connaître notre précédente

circulaire, en date du 15 juillet dernier, le CongrèsNational corporatif se tiendra à Rennes (Ille-et-Vilaine), les 26, 27, 28, 29, 30 septembre et 1eroctobre.

Suivant les demandes qui nous ont étéadressées, l'ordre du jour est ainsi établi:

QUESTION PRÉJUDICIELLE:Les votes sur les questions de principe auront

lieu en tenant compte de l'importance numériquedes Syndicats. (Proposition du Syndicat nationaldes Chemins de fer).

ORDRE DU JOUR:

1- Constitution de la Confédérationgénérale du Travail (des Bourses du Travail, desFédérations locales, Unions de Syndicats, desSyndicats isolés, des Fédérations nationalesd'industrie, des Syndicats nationaux).

Proposition des travailleurs municipaux de Paris.

2- L'alcoolisme, ses causes et ses effets.Proposition de l'Union des Syndicats du

département de la Seine.

3- Etude des modifications à apporter au

Page 3: QUATRIÈME CONGRÈS DE LA CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE …

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système des adjudications des travaux de l'Etat,des départements, des communes; établissementde la régie ou tout au moins introduction dans lecahier des charges de clauses destinées à protégerles conditions du travail.

Proposition de la Fédération du Livre.

4- La marque du connaissement sur lestravaux exécutés par les ouvriers syndiqués.

Proposition de la Typographie parisienne.

5- Le travail des femmes dans l’industrie.Proposition des Cordonniers de Fougères.

6- La question de l'apprentissage.Propositions diverses.

7- Organisation en 1899 d'un Congrès na-tional de la Prudhomie.

Propositions diverses.

8- Extension de la juridiction des Conseilsde Prud'hommes; examiner les meilleurs moyenspropres à obtenir ce résultat.

Proposition de la Fédération du Livre.

9- Extension de la prudhomie à tous lessalariés.

Propositions diverses.

10- Création d'inspecteurs ouvriers du tra-vail pris parmi les ouvriers appartenant auxChambres syndicales.

Propositions diverses.

11- Limitation des heures de la journée detravail à huit heures avec minimum de salaire

Propositions diverses.

12- Limitation de la charge traînée parhomme, dans une voiture à bras.

Propositions du Syndicat des Cochers-Livreursde Paris.

13- Repos hebdomadaire.Propositions diverses.

14- Voies et moyens pour assurer la vitalitédes cours professionnels.

Propositions de la Fédération du bâtiment.

15- Création de boulangeries municipales.Propositions diverses.

16- Quels ont été, depuis le Congrès de Tou-louse, les effets du boycottage et dusabottage?

Propositions des ouvriers et ouvrières en cuirsd'Amiens.

17- Engagements à prendre par lesSyndicats pour l’apparition du journal l'Eveil,organe du prolétariat.

Propositions du Conseil national.

18- Projet de loi pour assurer une retraite àtous les travailleurs des deux sexes.

Propositions du Conseil national.

19- Suppression des bureaux de placement.Propositions diverses.

20- Les appels pour secours de grèvesdevront parvenir aux Syndicats parl’intermédiaire de la Confédération.

Propositions du Syndicat national des Cheminsde fer de France et des colonies.

Pour la Confédération générale du Travail:Le Secrétaire général, A. Lagailse.

Pour la Commission d'organisation:Le Secrétaire général, P. Bourges.

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Page 4: QUATRIÈME CONGRÈS DE LA CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE …

LISTE DES ORGANISATIONS OUVRIÈRES REPRÉSENTÉESAU DIZIÈME CONGRÈS CORPORATIF

ET AUQUATRIÈME CONGRÈS DE LA CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE DU TRAVAIL

DE RENNES EN 1898

- 4/170 -

Allibert Auguste, rue Saint-Sébastien, 128,Paris:

Société générale des Chapeliers de France.Chambre syndicale de la Chapellerie, Paris.

Amouroux, rue d'Embarthe, 31, Toulouse:Bourse du Travail de Toulouse.

Aubertin, passage Comtois, à Paris:Fédération nationale de la voiture. Syndicat des

Ouvriers maréchaux de la Seine. Syndicat desSelliers en voitures de la Seine.

Augé Auguste:Chambre syndicale des Employés (Paris).

Auvray, rue de Sèvres, 66, Paris:Fédération régionale des Syndicats ouvriers de

la Seine-Inférieure. Bourse du Travail de Rouen.Syndicat des Ouvriers en instruments de précisionde Paris.

Barlan, boulevard Lascrosses, Toulouse: Fédération des Ouvriers et des Ouvrières des

manufactures des tabacs de France. Union desSyndicats de Toulouse.

Batbielle, place Saint-André-des-Arts, 9:Fédération des Travailleurs du Livre. Syndicat

de la Reliure-Dorure de Paris. Syndicat desOuvriers Imprimeurs en taille-douce, Paris.

Beaupérin, faub. d'Antrain, 3, Rennes:Bourse du Travail de Rennes.

Beausoleil, rue Greneta, 13, Paris:Bourse du Travail de Versailles. Syndicat des

Travailleurs de l'air comprimé et de l’électricité,Paris. Syndicat des Employés du département dela Seine.

Besombes, boulevard de Belleville, 15, Paris: Union des Syndicats de la Seine.Syndicat des Ouvriers teinturiers et

dégraisseurs de Paris.

Blanchart J.;Bourse du Travail de Nantes. Conseil local du

Bâtiment. Syndicat des Ouvriers chaudronniers,Nantes.

Bourges, Bourse du Travail de Rennes:Bourse du Travail de Saint-Nazaire. Syndicat du

Bâtiment de Morlaix (Finistère). Des Ouvriersmineurs de Pont-Péan (Ille-et-Vilaine).

Bouyer, rue de l'Evéché, 32, Le Mans:Syndicat des Ouvriers maçons, Le Mans.

Syndicat des Ouvriers charpentiers, Le Mans.Syndicat des Ouvriers ferblantiers, boîtiers,plombiers, zingueurs, Le Mans. Conseil local duBâtiment, Le Mans.

Branque Maryus: Grande-rue-Saint-Michel;115, Toulouse:

Syndicat des Ouvriers Menuisiers en bâtiment,Toulouse.

Braun, rue de la Grange-aux-Belles, 40, Paris:Fédération de la Métallurgie.

Brisse, rue J.-J.-Rousseau, 37, Paris:Syndicat des Ouvriers Chocolatiers de la Seine,

Syndicat des Ouvriers Confiseurs de Paris.Syndicat des Ouvriers Biscuitiers, Pain d'épices,Paris.

Brousse, faub. Figuerolles, 6, Montpellier:Bourse du Travail de Montpellier.

Bry, rue Saint-Lan, 32, Angers:Bourse du Travail d'Angers.

Capjuzan, rue Pastourelle, 35, Paris:Syndicat de la Cordonnerie ouvrière de France.

Cardet, rue de la Glacière, 64, Paris:Fédération des Cuirs et Peaux. Union syndicale

des Cuirs et Peaux d'Issoudun (Indre).

Carmantrant, rue Pastourelle, 28, Paris:Syndicat de la Tabletterie, Paris. Syndicat des

Garçons Restaurateurs, Limonadiers de la Seine.

Cauchois C., allée des Citeaux, Issy-les-Moulineaux:

Syndicat des Ouvriers Cartouchiers de la Seineet de Seine-et-Oise.

Cayol Jean-Baptiste, rue de Loi, 14, Marseille:Syndicat des Ouvriers Mécaniciens de la Mar-

seille.

Page 5: QUATRIÈME CONGRÈS DE LA CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE …

Charlet Pierre, rue des Pêcheurs, 40, Moulins:Union syndicale de Moulins.

Charlot Philippe, rue Alboury, 7, Paris:Syndicat des Ouvriers Charpentiers de la Seine.

Chinault Joseph, rue de l'Alma, 14, Rennes:Syndicat des Cuirs et Peaux de Rennes.

Cior, rue d'Angoulême, 84, Paris:Syndicat des Ouvriers en outils à découper,

Paris.

Claverie Maurice, rue de Paris, 117, à Sannoy(Seine-et-Oise):

Union des Employés du Gaz, Paris.

Collet Jules, route de Flandre, 63, Aubervilliers:Syndicat des Travailleurs du Gaz, Paris. (Seine).

Constant, rue Traverse-de-l'Eglise, 2, Brest:Union syndicale des Travailleurs de Brest.

Copigneaux, rue Pouchet, 23, Paris:Fédération des Travailleurs municipaux de la

ville de Paris. Syndicat des Jardiniers de la villede Paris. Confédération Générale du Travail.

Coquet, faub. d'Antrain, 74, Rennes:Syndicat des Ouvriers Meuniers d'Ille-et-Vilaine.

Corompt, rue de la Saucière, 26, Boulogne sur-Seine.

Syndicat des Chauffeurs, Conducteurs,Mécaniciens de la Seine.

Dalle:Fédération nationale des Employés.

Dangin Edouard, rue Pavée, 26, Boulogne sur-Seine:

Syndicat des Conducteurs, Margeurs,Minervistes de Paris.

Davy, rue de Quineleu, 25, Rennes:Syndicat des Ouvriers Maçons et Tailleurs de

pierre de Pau.

Derchain, Jouye-Rouve, 9, Paris:Syndicat des Coupeurs et Brocheurs en

chaussures de la Seine.

Dugoy Louis, 26, rue Feutrier, Paris:Union syndicale des Employés d'hôtel de Paris.

Chambre syndicale ouvrière de la Boucherie deParis. Fédération des Cuisiniers, Pâtissiers,Confiseurs de France et des colonies. Chambre

- 5/170 -

syndicale ouvrière des Cuisiniers de Paris.Esnault Auguste, 8, boulevard de la Gare,

Fougères:Chambre syndicale ouvrière des Coupeurs en

chaussures de Fougères.

Fernbach, 98, rue Dam, Paris:Chambre syndicale des Ouvriers plombiers-

zingueurs de Paris.

Fleury, 52, rue Saint-Sauveur, Tours:Fédération des Syndicats ouvriers d'Indre et-

Loire. Syndicat des Ouvriers tanneurs etcorroyeurs de Chateaureneault. Union syndicaledes Ouvriers en cuirs d'Amboise. Les Syndicatsde la ville de Tours. Bourse du Travail de Tours.

Fourage, 30 bis, rue Pierre Leroux, Paris:Syndicat des Services réunis des Travaux de

la Ville de Paris.

Fournet, 67, rue Greneta, Paris:Chambre syndicale des Porteurs, Employés et

Marchands de journaux de Paris.

Galantus, 35, rue de la Folie-Regnault, Paris:Syndicat des Ouvriers ferblantiers de la Seine.

Syndicat des Ouvriers tôliers de la Seine.

Gannat, avenue de Lyon, Vichy:Fédération des Syndicats ouvriers de Vichy.

Garcin, 10, rue Claude Pouillet, Paris:Fédération des Mouleurs en métaux. Paris.

Syndicat des Ouvriers mouleurs de Rennes.

Girard, 13, rue Michel-Le-comte, Paris:Comité de propagande de la Grève générale.

Union syndicale du Bronze de Paris.

Goumet Louis, 20, rue Saint-Louis,Fourchambault:

Union syndicale des Ouvriers métallurgistes deFourchambault (Nièvre).

Grassaval Eugène, 25, rue Porte-Basse, Bor-deaux:

Bourse du Travail de Bordeaux.

Guérard, 74, rue de Seine, Paris:Syndicat national des Travailleurs de Chemins

de fer de France et des colonies.

Guérin René, quartier de la Bube, à Cholet:Syndicat du Bâtiment de Cholet. Syndicat des

Ouvriers charpentiers. Syndicat des Cordonniers,Monteurs en galoches et Sabotiers de Cholet.

Page 6: QUATRIÈME CONGRÈS DE LA CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE …

Syndicat des Tisserands du rayon industriel deCholet.

Guérin, Vallée Saint-Samson, Angers:Syndicat des Ouvriers scieurs-de-long

d’Angers. Syndicat des Ouvriers couvreursd'Angers. Syndicat des Ouvriers terrassiers etmanœuvres d'Angers. Syndicat des Ouvriersmaçons d'Angers.

Hamelin, 55, rue Pernety, Paris:Syndicat des Ouvriers mineurs du Tarn. Verrerie

ouvrière de Carmaux.

Hotte, 16,rue Borromée, Paris:Syndicat des Ouvriers charrons de la Seine.

Jouault Jean, 37, rue de Nantes, Rennes:Chambre syndicale des Ouvriers cordonniers

de Rennes. Chambre syndicale des Bûcherons dela forêt de Villers-Cotterets (Aisne).

Jousse, rue Peinterie, Fougères:Chambre syndicale des Ouvriers en

chaussures de Fougères.

Lacaille, 139, rue Ville-Vieille, Nancy:Fédération des Syndicats ouvriers de Meurthe-

et-Moselle.

Lagailse A., 53, rue du Commerce, Paris:Syndicat de la Traction mécanique de la

Compagnie générale des Omnibus. Syndicat desOuvriers mineurs de Faymoreau (Vendée).Syndicat de l'Ameublement de Saint-Loup (Haute-Saône). Syndicat national des Travailleurs desChemins de fer de France et des colonies.Confédération générale du Travail.

Langlois, 27, rue de Tanger, Paris:Chambre syndicale des Ouvriers layetiers-

emballeurs de la Seine.

Lansonneur, 11, rue Albert, Paris:Union syndicale de la Brosserie de Paris.

Lauche: Union des Ouvriers mécaniciens dela Seine.

Le Bras, 25, bd de La Tour d'Auvergne, Rennes:Chambre syndicale des Ouvriers menuisiers et

ébénistes de Rennes. Chambre syndicale desOuvriers plâtriers de Rennes.

Lebret, 19, rue Pierre-Levée, Paris:Chambre syndicale des Ouvriers tourneurs en

optique, Paris. Chambre syndicale des Ouvriers

- 6/170 -

serruriers en bâtiment, Paris,

Le Corre Hyacinthe, 52, rue Victor-Hugo, Brest:Union syndicale des Travailleurs de Brest.

Lephilipponnat, 82, faubourg Saint-Denis,Paris:

Chambre syndicale des Fondeurs typographesde Paris.

Lemaître, 225, avenue Dumesnil, Paris:Fédération des Peintres en bâtiment de la Seine.

Lemaître Paul, 11, rue Saint-Melaine, Rennes:Fédération des Syndicats ouvriers lyonnais.

Fédération des Mouleurs en métaux de France.Syndicat des Maçons et Tailleurs de pierres deVanves.

Le Ray, 4,rue des Trente, Rennes:Chambre syndicale des Métallurgistes de

Fumel (Lot-et-Garonne). Chambre syndicale desOuvriers brossiers de Rennes. Bourse du Travailde Saint-Etienne.

Levavasseur, 33, faub. de Redon, Rennes:Chambre syndicale des Ouvriers voitures de

Rennes.

LiouviIle, 18, faubourg de Fougères, Rennes:Chambre syndicale des Ouvriers plombiers,

zingueurs et chaudronniers de Rennes. Chambresyndicale des charpentiers de Rennes. Bourse duTravail d'Alger.

Luce, 32, rue Le Graverend, Rennes:Syndicat des Ouvriers maçons de Rennes.

Majot fils, 114, boulevard de Ménilmontant,Paris:

Union des Ouvriers métallurgistes de l'Oise.

Maynier, 58, rue Polonceau, Paris:Chambre syndicale typographique parisienne.

Meyer Louis, 164, avenue Daumesnil, Paris:Chambre syndicale des Pâtissiers de la Seine.

Michon, 14, rue du Rendez-vous, Paris:Chambre syndicale des Ouvriers ornemanistes

sur métaux.

Millard, à Saint-Martin-Vierzon-Village (Cher):Fédération des Chambres syndicales ouvrières

du Cher.

Morel Félix, 7, rue de la Cloche, Paris:

Page 7: QUATRIÈME CONGRÈS DE LA CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE …

Chambre syndicale des Mouleurs en cuivre dela Seine.

Morin Jean-Eugène, 81, rue Saint-Maur, Paris:Chambre syndicale des Ouvriers fumistes de

la Seine.

Nicoud, 100, Grande-Rue, Pré Saint-Gervais(Seine):

Chambre syndicale des Ouvriers acheveurs,coquilleurs de Paris. Chambre syndicale desOuvriers estampeurs et découpeurs sur métauxde la Seine.

Oriot, 26, rue Curiol, Paris:Syndicat des Tailleurs de pierres de Versailles

et de Seine-et-Oise. Union syndicale des Tailleursde pierres de la Seine.

Pellier Augustin, 84, Grande-Rue, Le Mans:Chambre syndicale des Ouvriers couvreurs du

Mans.

Pelloutier, 11, rue des Deux-Ponts, Paris:Comité fédéral des Bourses du Travail.

Pelletier, 22, rue du Vert-Bois Paris:Chambre syndicale des Ouvrières et Ouvriers

tailleurs de Paris.

Petit Urbain, 7, rue Fébret, Dijon:Fédération des Syndicats ouvriers de Dijon et

de la Côte-d’Or.

Philippe Auguste, 19, r. aux Moines, à Sauvic,Le Havre:

Bourse du Travail du Havre.

Pouget Emile, 13, r. Lavieuville, Montmartre,Paris:

Chambre syndicale de l'industrie lainière deReims. Union syndicale des Ouvriers en cuirsd’Amiens.

PourieI, rue Victor Hugo, Fougères:Chambre syndicale des Ouvriers en

chaussures de Fougères.

Reynier Victor, 5, r. Brueys, Aix-en-Provence:Union des Chambres syndicales ouvrières

d'Aix.

Richard Albert, 3, imp. des Partants, Paris:

- 7/170 -

Chambre syndicale des Fondeurs en fer de laSeine.

Richer N., Bourse du Travail, Le Mans:Bourse du Travail du Mans. Chambre syndicale

des Ouvriers tailleurs de pierres du Mans.Chambre syndicale des Ouvriers et Ouvrièresgalochiers de La Flèche. Chambre syndicale desOuvriers plâtriers d'Alençon. Chambre syndicaledes Ouvriers menuisiers en bâtiment du Mans.

Riom, 113, rue du Mont-Cenis, Paris:Chambre syndicale des Ouvriers terrassiers,

puisatiers, mineurs de la Seine. Chambre syndicaledes Ouvriers maçons (Solidarité de la Seine).Fédération nationale du Bâtiment. Fédération duBâtiment de la Seine.

Riou Jean, 2, r. Ernest Renan, Brest:Union syndicale des Travailleurs de Brest.

Robillard, 2 bis, rue du Sénégal Paris:Chambre syndicale des Ouvriers de la fonderie

de cuivre de la Seine.

Roche, 5, rue des Filles-du-Calvaire, Paris:Syndicat général des Garçons de magasins et

Cochers-Livreurs de la Seine.

Rousseau, 29, rue du Terrage, Paris:Syndicat des Ouvriers limonadiers-restaura-

teurs de Paris.

Rozier Arthur, 26, rue Brard, Paris:Chambre syndicale des Employés de Paris.

Sabourin Charles, 13, rue des Rigoles, Paris:Société de Résistance des Ouvriers

imprimeurs-lithographes de la Seine.

Ternet Auguste, 94, avenue Parmentier, Paris:Chambre syndicale des Ouvriers boulangers de

la Seine.

Terrier Jean, 200, rue de Crimée, Paris:Chambre syndicale des Ouvriers maréchaux de

la Seine.

Trabaud Joseph, 28, rue Droite, Nice:Bourse du Travail de Nice.

Verger, 27, rue Saint-Malo, Rennes:Chambre syndicale des Ouvriers couvreurs de

Rennes.

Page 8: QUATRIÈME CONGRÈS DE LA CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE …

Allibert, Paris, 2Amouroux, Toulouse, 1Aubertin, Paris, 3Augé, Paris, 1Auvray, Paris, 3Barlan, Toulouse, 2Batbielle, Paris, 3Beaupérin, Rennes, 1Beausoleil, Paris, 3Besombes, Paris, 2Blanchart, Nantes, 3Bourges, Rennes, 3Bouyer, Le Mans, 4Branque, Toulouse, 1Braun, Paris, 1Brisse, Paris, 3Brousse, Montpellier, 1Bry, Angers, 1Capjuzan, Paris, 1Cardet, Paris, 2Carmantrant, Paris, 2Cauchois, Issy-les-Moulineaux, 1Cayol, Marseille, 1Charlet, Paris, 1Charlot, Paris, 1Chinault, Rennes, 1Cior, Paris, 1Claverie, Paris, 1Collet, Paris, 1Constant, Brest, 1Copigneaux, Paris, 3Coquet, Rennes, 1Corompt, Paris, 1Dalle, Paris, 1Dangin, Paris, 1Davry, Rennes, 1Derchain, Paris, 1Dugoy, Paris, 4Esnault, Fougères, 1Fernbach, Paris, 1Fleury, Tours, 18Fourage, Paris, 1Fournet, Paris, 1Galantus, Paris, 2Gannat, Vichy, 1Garcin, Paris, 2Girard, Paris, 2Goumet, Fourchambault, 1Grassaval, Bordeaux, 1Guérard, Paris, 1Guérin, Cholet, 4Guérin, Angers, 4Hamelin, Paris, 2

- 8/170 -

Hotte, Paris, 1Jouault, Rennes, 2Jousse, Fougères, 2Lacaille, Paris, 1Lagailse, Paris, 3Langlois, Paris, 1Larsonneur, Paris, 1Lauche, Paris, 1Le Bras, Rennes, 2Lebret, Paris, 2Le Gorre, Brest, 1Lephilipponnat, Paris, 1Lemaître, Paris, 1Lemaître, Rennes, 3Le Ray, Paris, 3Levavasseur, Paris, 1Liouville, Paris, 3Luce, Paris, 1Majot, Paris, 1Maynier, Paris, 1Meyer, Paris, 1Michon, Paris, 1Millard, Vierzon, 1Morel, Paris, 1Morin, Paris, 1Nicoud, Paris, 2Oriot, Paris, 2Pellier, Le Mans, 1Pelletier, Paris, 1Pelloutier, Paris, 1Petit, Dijon, 1Philippe, Le Hâvre, 1Pouget, Paris, 2Pouriel, Fougères, 1Reynier, Aix, 1Richard, Paris, 1Richer, Le Mans, 5Riom, Paris, 4Riou, Brest, 1Robillard, Paris, 1Roche, Paris, 1Rousseau, Paris, 1Rozier, Paris, 1Sabourin, Paris, 1Ternet, Paris, 1Terrier, Paris, 1Trabaud, Nice, 1Verger, Rennes, 1

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RÉCAPITULATIONNOM DU DÉLÉGUÉ,

SUIVI DU NOMBRE D’ORGANISATIONS QU’IL REPRÉSENTE EFFECTIVEMENT.

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SÉANCE D’OUVERTURE: Lundi 26 Septembre 1898 (matin).

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La séance est ouverte à 9 heures 15.

Le camarade Bourges, secrétaire de la Boursede Rennes, au nom de la Commissiond'organisation des Congrès et au nom desTravailleurs de la ville de Rennes, souhaite labienvenue aux Congressistes et forme des vœuxpour que le Congrès soit digne du prolétariat. Il ajouteque les Congressistes sont chez eux dans laMaison du Travail, et termine en demandant quetous s'unissent pour travailler en commun àl'affranchissement du travail.

Bourges: Il y a lieu de procéder à la nominationdu président et à celle de deux assesseurs, je priele Congrès de désigner son bureau.

Sont désignés: Copigneau, président.Meyer et Branque, assesseurs.

Copigneau, président: Camarades, je remerciele Congrès de m'avoir nommé pour présider cetteséance d'ouverture; j'espère que nous allons fairedu bon travail et faire en sorte que le Congrès quivient de s'ouvrir soit digne des précédents.

Il demande au Congrès de nommer quatresecrétaires de séance.

Besombe: Je demande au Congrès de laisserles camarades de Rennes s'occuper des procèsverbaux et de ne pas en charger les délégués. Lescamarades de Rennes ont plus de facilité desurveiller la rédaction et l'impression des procès-verbaux, étant de la ville même.

Le délégué des Syndicats de Dijon (Petit) trouveque les camarades de Rennes sont surchargésde besogne pour l'organisation des Congrès etestime que les secrétaires doivent être pris parmiles délégués assistant au Congrès.

Beausoleil: La rédaction des procès-verbauxest assurée par un secrétaire choisi par lescamarades de Rennes. Ce n'est que par mesured'ordre, pour surveiller l'impression des procès-verbaux qu'il est demandé des secrétaires.

Les camarades Jouault et Leray des syndicatsde Rennes, prennent place au bureau commesecrétaires.

Fleury lit la déclaration suivante au Congrès:Camarades,Je viens au nom des 17 organisations ouvrières

de Tours, vous demander que le Congrès apporte

toute son attention sur la question du droitd'adhésion porté à cinq francs (Décision du Congrèsde Toulouse).

Il nous est impossible de remplir cet engage-ment étant donné surtout les frais qus noussupportons depuis le Congrès de Tours où un stockconsidérable de brochures ont été invendues.

Nous acceptons la somme de un franc pour leCongrès national; mais c'est tout le sacrifice quenous pouvons faire. D'un autre côté, nous noussommes préoccupés si réellement le Congrès deToulouse avait pour mandat de se prononcer d'unefaçon catégorique ou s'il devait en référer à toutesles organisations.

À notre avis, les délégués n'avaient pas mandat,A cet effet, nous demandons au Congrès de bienvouloir décider si les petits syndicats qui sontpauvres auront les mêmes droits que ceux quipossèdent des ressources suffisantes.

A vous de nous dicter la conduite à suivre et sije dois représenter les organisations ouvrières deTours.

Guérard: C'est pour faciliter l'organisation duCongrès international que les cotisations ont étéportées à cinq francs. Si le Congrès accepte lamanière de voir du délégué de Tours, il peut setrouver dans le Congrès d'autres petits syndicatsqui viendront demander la même faveur et l'on nepourra, par suite, réunir les ressources suffisantespour assurer la tenue du Congrès international.

Richer, du Mans: Il ne s'agit pas de savoir sitoutes les organisations ne paieront qu'un franc.Les associations ouvrières de Tours sont dans unesituation exceptionnelle et il importe d'en tenircompte. Aussi est-il d'avis qu'il faut autoriser ledélégué des syndicats de Tours à ne rien versercomme droit d’adhésion.

Beausoleil: On ne peut procéder comme vientde le proposer le délégué du Mans. D'autres caspeuvent se présenter et on ne pourrait sans dan-ger s’engager dans cette voie. Ce qu'on peut faire,c'est dégrèver Tours seulement pour les frais qu'ila eu à supporter et lui faire remise de la dettecontractée. II paiera ensuite le droit d'adhésioncomme tout autre délégué,

Lagailse, Confédération générale du Travail: Ilest fâcheux que cette question empêche le Congrèsde commencer ses travaux. En ce qui concerne laquestion de droit d'adhésion pour les syndicats deTours, si nous devions accepter le principe dudégrèvement proposé, ce serait créer un précédent

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qui pourrait être invoqué plus tard par d'autressyndicats.

La Bourse du Travail de Tours n'a pu faire faceaux frais d'organisation du Congrès, cela est cer-tain. Quant aux syndicats, on ne leur demande queleurs cotisations, rien de plus.

Besombe, de Paris: Je ne partage pas cet avis.J'estime que les camarades de Tours qui ont faitde grands sacrifices pour l'organisation d'unCongrès et qui se sont endettés de la faute dessyndicats qui n'ont pas pris suffisamment de bro-chures, doivent être exemptés d'une manièrequelconque de faire un nouveau sacrifice. Je merange à la proposition du camarade Bausoleil.

Claverie: J'appuie la proposition de Tours,puisque c'est de la faute des Syndicats si cette dettea été contractée par les camarades de Tours. Enconséquence, je voterai la proposition Beausoleil.

Guèrard: Nous désirons que la Confédérationgénérale ait des fonds pour organiser le Congrèsinternational, et si on adopte la proposition formuléepar les camarades de Tours, il est à craindre quedans la suite on ne vienne invoquer ce précédentpour des associations moins intéressantes quecelles de Tours.

Beausoleil: Si on n'entre pas dans les vues dudélégué de Tours, il est à craindre que les organi-sations de cette ville ne puissent adhérer auCongrès. Il convient de tenir compte des sacrificesfaits par les Syndicats de Tours.

Allibert appuie la proposition de Guérard.

Richer, du Mans, et Braun demandent que lademande de Tours soit admise, puisqu'on n'a pastenu les engagements pris pour les brochures.

Fleury, de Tours: J'ai mandat de verser un francde droit d'adhésion pour chaque Syndicat; maisnous ne pouvons payer les cinq francs que l’onexige pour chaque organisation.

Pelloutier: Je fais remarquer au Congrès quele délégué de Tours ne demande pas ledégrèvement intégral; qu'il ne désire qu'êtreexempté de verser les quatre francs pourl'organisation du Congrès international. La propo-sition Beausoleil donne entière satisfaction puisquela Confédération paiera pour Tours. Au point de vuefinancier, il n'y aura rien de changé; il n'entrera pasd’argent, mais il n'en sortira pas non plus, et celapermettra aux camarades de Tours d'avoir unmandat régulier pour tous leurs Syndicats.

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Le Président: La clôture de la discussion surcette question est demandée. Une décision doitintervenir, je mets donc aux voix la proposition ducamarade Beausoleil. Voici cette proposition:

La Confédération est autorisée à disposer de lasomme de soixante-huit francs comme participa-tion du Congrès pour couvrir le reliquat de la dettedu Congrès de Tours.

Cette somme sera prélevée sur la recetterésultant des cotisations au Congrès de Rennes.

Adopté.

Le Président: Camarades, pour nous con-former aux règlements des précédents Congrès, ilfaudrait nommer une commission de cinq membrespour procéder à la vérification des mandats et despouvoirs des délégués.

Besombe: Il serait préférable de nommer unecommission plus nombreuse. Il faut songer que noscamarades qui feront partie de la commissionchargée de la vérification des pouvoirs, auront àexaminer plus de 150 mandats et si l’on ne nommeque cinq membres pour cette commission, ellen'aura pas terminé sa vérification pour cinq heuresde l'après-midi. Au lieu de cinq membres, j'enproposerai neuf. Adopté.

Le Président: Camarades, vous êtes priés deme faire parvenir des noms pour la commissionde vérification des pouvoirs.

Sont nommés: Maynier, Cior, Barlan, Batbielle,Richart, Fournelle, Philiponat, Richer, Claverie.

Meyer, Alimentation parisienne: Camarades, lescamarades qui vont faire la vérification des mandatsvont avoir à examiner une grande quantité depouvoirs. Nous ne pouvons siéger tant que cetteCommission n'aura pas présenté son rapport. Jepropose de lever la séance jusqu'à ce que lavérification soit terminée.

Riom: J’accepte que l’on lève la séance, maisauparavant je demande que l’on constitueimmédiatement les Commissions.

Claverie: Je reconnais qu'il y a urgence pourque la Commission procède à la vérification desmandats, mais on ne peut nommer de Commis-sions avant que cette vérification ne soit terminée.

Besombe, Union des Syndicats de Paris: J'aimandat de déposer une proposition sur ces ques-tions. Tout d'abord, que ce soit les Associations quiparlent et non les délégués; que lorsqu'un délégué

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a la parole, on le désigne sous le nom du Syndicatqu'il représente. Puis ensuite, que l’on discute lesquestions à l'ordre du jour avant de nommer desCommissions qui n'auraient qu'à faire des rapportssur ces questions dans le sens que sembleindiquer la discussion. Si on nomme les Commis-sions d'abord, elles établiront des rapports quiseront ensuite démolis en séance générale. C’estdu temps que l'on a ainsi perdu inutilement.

Le Président: Voici une objection qui me vientà l'esprit. Si, sur une question de l'ordre du jour, onfait un vote définitif, il ne sera plus utile de nommerune Commission.

Meyer: J'appuie la proposition Besombe, parcequ'à Toulouse j'avais déposé un rapport sur la caissede retraites Escuyer, qui fut présenté au Congrèsintégralement, mais sous la signature d'un rappor-teur. Si on accepte la proposition Besombe, lescamarades qui ont des rapports sur les questionsde l'ordre du jour peuvent les discuter avant l'envoià la Commission.

Le Président met aux voix la première propo-sition du camarade Besombe, que l'on ne désigneles délégués que sous le nom de l'organisation qu'ilsreprésentent au Congrès. Adopté.

L'Union du département de la Seinedéveloppe sa deuxième proposition. Elle n’estprésentée que dans le but de faire de bon travail.Les commissions s'inspireront des vues duCongrès et formuleront des conclusions dans cesens.

Comité fédéral des Bourses du Travail: Dansles derniers Congrès et notamment à celui deNantes, en 1894, qui marquera dans la série desCongrès pour avoir été le plus brillant pour le travailfait et les décisions qui y ont été prises, on a décidéque l'on ouvrirait la discussion générale sur toutesles questions à l'ordre du jour, les commissionss'inspirant ensuite des votes du Congrès.

Riom: Il est entendu qu'aucun vote ne viendrasanctionner la discussion générale; on ne voteraque sur les conclusions des commissions.

Délégué du Gaz de Paris: Il pourrait se faireque le moyen proposé pour la discussion duCongrès et le mode de nomination des commis-sions ne fassent double emploi et que l’on ne re-commence une deuxième discussion sur unemême question.

Union des Syndicats de la Seine:

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L'inconvénient que vient de signaler le délégué dugaz est le même lorsque les commissionsétablissent des rapports: elles sont mises endemeure, presque toujours, de faire un deuxièmerapport.

La Typographie Parisienne: Les délégués quisont venus au Congrès et qui ont des rapportsdevraient les lire tout d'abord et si les rapportsplaisent au Congrès, il serait inutile de nommer unecommission.

Le Président: Je prie le Congrès de fixer lesheures de ses séances.

Union des Syndicats de la Seine: Je demandeque les séances aient lieu de 8 heures à midi et de2 heures à 6 heures du soir.

La Typographie Parisienne: Je demande quel’on fasse l'appel nominal à l'ouverture de chaqueséance, pour que l'on connaisse les membres ab-sents.

Les Mécaniciens de Marseille: Je désire quele Congrès ne tienne pas de séances de nuit; quel'on commence les séances à 7 heures le matin,s'il le faut, pour éviter les séances de nuit.

Le Mans: Je désire savoir comment on feral'appel nominal. Est-ce par délégué ou par organi-sation représentée. On devrait faire l'appel pardélégué.

La Typographie Parisienne: Je suis d'avis qu'ilfaut dépenser le plus de temps possible au Congrèset que l'on commence les séances dès 7 heuresle matin.

L'Union des Syndicats de la Seine: Il fautouvrir la séance à 8 heures du matin et non pas à 7heures, parce qu'il y a des camarades qui profitentde leur séjour à Rennes, pour faire des réunionspour les ouvriers de leur profession; ces réunionsfinissent très tard le soir, et les délégués ne pourrontpas être à la séance à 7 heures du matin. Il fautpermettre à tous de se reposer.

Les Mécaniciens de Paris: Dans tous lesCongrès il s'est passé un fait anormal. On fixel'ouverture des séances à une heure, et lesdélégués n'étant pas là, on ne peut jamais com-mencer à l'heure fixée. Il faut être énergique, il fautêtre à l'heure.

Les Pâtissiers de Paris: J'appuie la proposi-tion des Mécaniciens de Paris. On n’a pas les

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moyens de faire des voyages tous les jours pourfaire de la propagande syndicale. Il faut donc em-ployer bien son temps et pour cela il faut com-mencer à l'heure.

Les Cochers livreurs de Paris: Que l’on fixel’ouverture à 8 heures le matin, sans s'occuper desabsents.

Le Bâtiment de Paris: Si l’on fixe à 8 heuresl'ouverture de la séance, les camarades neviendront pas avant 9 heures; c'est toujours ainsi.Je propose que les séances commencent à 9heures le matin.

Les Mécaniciens de Marseille: Je suis venuici, au Congrès, pour faire du travail. Je vousdemande que l'on commence à 8 heures juste dumatin, on vient pour travailler et non pour s'amuser.

Le Président: La clôture est demandée. Je lamets aux voix (elle est adoptée). Je mets égalementaux voix la question de savoir si les séances duCongrès auront lieu de 8 heures à midi, et de 2heures à 6 heures du soir (adopté).

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L'appel nominal au commencement de chaqueséance est adopté, avec l'amendement, présentépar les Bâtiments de Paris, que les délégués quin'étaient pas présents lors de l'appel nominal nepourront pas se faire inscrire comme présents.

L'Union des Syndicats de Paris: Pour éviterdes frais d'impression à la Commissiond'organisation du Congrès, ne faire figurer dans lesprocès-verbaux que les noms des absents.

Tailleurs de Paris: On ne peut accepter laproposition de l’Union des Syndicats de Paris, caril y a une anomalie. Lorsque la discussion se fera,un délégué porté comme absent prendra la parole,et ainsi prouvera qu'il assistait à la séance. Jedemande qu'il soit fait un contre-appel à la suite del'appel nominal.

Les Ouvriers de la Fonderie de la Seine: Undélégué porté présent peut aussi s'en aller aprèsavoir pris une seule fois la parole dès le début de laséance.

La séance est levée.

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DEUXIÈME SÉANCE: Lundi 26 Septembre 1898 (soir).

La séance est ouverte à 2 heures sous laprésidence du camarade Constant, de Brest;Beausoleil, de la Fédération des Employés de laSeine, Robillard, de la Fonderie de la Seine,assesseurs.

Le Président demande que l'on procède àl'appel nominal.

Un des membres de la Commission devérification des pouvoirs fait savoir au Congrès quecette Commission n'a pas encore relevé la liste detous les délégués. Le rapporteur de la Commis-sion termine son rapport qui sera prêt dans quelquesinstants.

Les Cochers-Livreurs de Paris: il faut mettreimmédiatement en pratique les décisions duCongrès. Que l’on fasse l'appel nominal par lebrouillon que la Commission d'organisation duCongrès a en sa possession.

Il est procédé à l'appel nominal: les camaradesFernbac, Levavasseur, Morin, sont absents. Lescamarades qui n'ont pas été appelés viennent se

faire inscrire sur l'invitation des Fondeurs de laSeine.

Le Président: Je consulte le Congrès pour qu'ildécide si la Presse pourra assister aux séances.

Il n'y a rien à craindre d'avoir la Presse à nosséances. C'est elle qui nous est la meilleureauxiliaire puisque par elle les idées du Congrès sontpropagées aux quatre coins du pays.

Nous sommes des travailleurs indépendants,nous n'avons rien à cacher et nous n'avons rien àcraindre puisque nous avons tous reçu desmandats fermes de nos syndicats. Nous devonsnous trouver heureux que la Presse assiste ànosdélibérations; laissons-la donc suivre nostravaux. Disons-lui: «Vous êtes des nôtres, maisnous vous demandons une seule chose: que vousrendiez compte de nos travaux très exactement; àcette condition nous voulons bien vous admettre ànos séances».

La Fédération des Employés de la Seine:Cette motion est très justifiée. Si un des journalistesque nous admettons à nos séances faisait de nosdiscussions un compte-rendu par trop fantaisiste,

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il faudrait donner une sanction à la motionprécédente, il faudrait interdire l'accès de notre sallede discussion à ce journaliste.

La Typographie parisienne: Je déclare qu'ilest en effet nécessaire de prendre des mesuresde répression contre la Presse qui voudraitdénaturer le sens de nos discussions. Mais pouréviter des exécutions inutiles, on pourrait ne pasadmettre à nos séances la Presse connue déjàpour, ne pas être avec nous et qui nous combat departi-pris. Il faut admettre au contraire celle sur quinous pouvons compter.

Les Pâtissiers de la Seine: Camarades, nousavons été qualifiés de bandes d'avinés par un jour-nal de Toulouse quand nous avons été voir laVerrerie Ouvrière. Il ne faudrait pas permettre auxjournalistes de répéter ce qui a été dit à cetteépoque. Où nous avons été discutés, c'est surtoutà Toulouse et à Tours. Je me rallie donc à la propo-sition de la Fédération des Employés de la Seine.

Je suis du même avis que les précédentsorateurs. Il ne faut pas admettre la Presse qui nousest défavorable. Il n'y a pas que des malhonnêtesgens, il y en a de bons chez elle qui nous ont rendudes services et qui nous en rendront encore.

Les Conducteurs-Margeurs-Pointeurs de laSeine: Je dis que la Presse peut venir assister ànos séances; celle qui ne sera pas assezimpartiale, nous lui interdirons l'entrée des séances.

Les Travailleurs municipaux de Paris: Je nevois pas pourquoi nous n'admettrions pas laPresse. Je confirme ce qui a déjà été dit. Nousdevons discuter au grand jour ce que nous faisons;pas de huis clos. Il faut que les travailleurs sachentce que nous faisons.

Les Cochers-Livreurs de Paris: La Pressenous est nécessaire. Nous avons constaté tropsouvent que grâce à elle les travailleurs ont étééclairés. Si nous constatons qu'elle veut combattrel’émancipation des travailleurs, nous ne larecevrons plus.

Un camarade se plaint au Président qu'on lui aretiré la parole pour la donner à un autre qui a prispart à la discussion à sa place.

Les Coupeurs-Brocheurs: Je désire que lescamarades se pénètrent de ce qui a déjà été dit etqu'ils ne répètent pas indéfiniment la même chose.

La Typographie Parisienne: Je demande quele Congrès fasse bon accueil à un camarade qui

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collabore au Journal des Débats, organe qui estcomposé par des syndiqués. Je vous demande dele laisser assister à nos discussions. Il a déjà renducompte, dans le Journal des Débats, de nosréunions en termes excellents pour nous ; il nous arendu service et il peut encore le faire.

La Fonderie de la Seine: Je considère que leCongrès doit s'ouvrir à tous les journalistes sansdistinction.

Le Président donne lecture des vœux suivants:«Nous proposons liberté entière pour l'entrée de

la Presse dans nos salles de réunion».Signé: Dugoy, Meyer, Branque, Ternet,

Brisse, Fournet.

«Le Congrès décide d'admettre la Presse sansaucune restriction, même malgré ses critiquesinsidieuses».

Pouget, de Reims.

«Considérant que les organes corporatifs sontassez nombreux pour faire connaître au prolétariatles décisions que nous prenons dans nos Congrès,décidons que nous n'avons pas besoin de laPresse officieuse».

Allibert, Galantus.

Le Président met aux voix la première proposi-tion qui est adoptée.

La Presse est donc admise à suivre les discus-sions du Congrès.

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Le rapporteur de la Commission de vérificationdes mandats donne lecture de son rapport:

Rapport de la Commission de vérificationdes Mandats:

Conformément au mandat qu'elle en avait reçude vous, la Commission s'est réunie et a procédéincontinent à la vérification des mandats, quis'élèvent jusqu'ici à 147.

Ils sont en général régulièrement établis, saufles suivants, entachés de quelques irrégularités quenous allons soumettre à votre appréciation:

La Chambre syndicale des OuvriersMétallurgistes a présenté un mandat non revêtudu timbre corporatif. Mais, dans une lettre dont nousallons vous donner communication, elle donne àcet égard des explications sur lesquelles vous aurezà vous prononcer, mais qui ont paru suffisantes àla Commission.

La Chambre des Chauffeurs-Conducteurs

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Mécaniciens apporte un mandat délivré pourtoucher l'indemnité accordée par la Ville de Paris,mais qui ne paraît pas valable pour le Congrès.

Le Syndicat national des Travailleurs desChemins de fer a désigné deux délégués, selon unusage consacré par lui, avec la réserve que l'undes deux de ces mandataires seulement prendrapart aux votes. Mois cette réserve ne figure pasau mandat; elle n'est que verbale.

La Chambre syndicale des corporations réuniesdu bâtiment, de Morlaix, a fait parvenir la sommede 5 francs réglementaire sans désigner dedélégué. La Commission a pensé qu'il y avait lieud'en désigner un d'office et elle vous propose dechoisir le camarade Bourges de la Bourse deRennes.

Chambre Syndicale des Plombiers. Id. desCharpentiers. Id. des Fumistes.

Le citoyen Riom a donné les explicationssuivantes en ce qui concerne le mandat délivré parces corporations, Riom avait été choisi d'abordpour les représenter, mais à la suite du vote de lasomme de 5.000 francs par la ville de Paris, ellesont pu se faire représenter directement. Le citoyenRiom demande acte de cette situation.

La Chambre syndicale des OuvriersCordonniers de Fougères présente un triple mandatsans apposition de timbre.

En dehors de ces irrégularités la Commissioncroit devoir attirer l'attention du Congrès sur ce pointque beaucoup de délégués acumulent un certainnombre de mandats. Vous aurez à vous prononcersur l’étendue de ces mandats et sur le mode devotation à adopter. La question a été déjà soumiseau Congrès de Toulouse et voici à titre d'indicationà quelle disposition il s'était arrêtée à la suite d'unelongue discussion:

«Les votes auront lieu par mains levées, et parconséquent, par délégué, à moins que le vote parappel nominal soit demandé par dix délégués.

Dans ce cas, les délégués auront autant de voixqu'ils auront de mandats déterminés».

A. Richar, Ch. Fournet, Batbielle, Cior, M.Claverie, J. Maynier, N. Richer, Ch. Lephilipponnat,G. Barlan.

La Commission a reçu les mandats de 147 or-ganisations; elle présente des observations sur lesmandats de la Chambre syndicale des ouvriersmétallurgistes, la Chambre syndicale des chauf-feurs, conducteurs, mécaniciens, le Syndicat na-tional des chemins de fer, la Chambre syndicalede la corporation réunie du Bâtiment de Morlaix,les Chambres syndicales des plombiers,charpentiers, fumistes de Paris, la Chambresyndicale des ouvriers cordonniers de Fougères.

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Les Chemins de fer: Nous avons toujoursenvoyé deux délégués dans tous les Congrès. LeSyndicat national des chemins de fer est un peuméfiant; il envoie deux délégués pour qu'ils secontrôlent, pour qu'ils se complètent l'un l'autre.Mais il demeure entendu que jusqu'à ce que leCongrès en décide autrement, il n'y aura qu'un seuldélégué à prendre part aux votes.

Lagailse, l'un des deux délégués, ajoute:«Guérard a un seul mandat et votera au titre duSyndicat National des Ouvriers et Employés desChemins de Fer. Quant à moi, qui suis porteur dequatre autres mandats, je voterai au nom de sesorganisations».

Le rapporteur: La Commission de vérificationdes pouvoirs partage cette manière de voir,cependant le Congrès a le devoir de se garantir dela sincérité du vote.

Les Mécaniciens de Marseille: Puisque ledélégué des chemins de fer s'est prononcé et areconnu n'avoir pour l'instant qu'une seule voix,nous devons nous en tenir là, nous occuper de cequi se fait au Congrès de Rennes.

Le Comité fédéral des Bourses du Travail:La Fédération des Bourses du Travail demande queson délégué soit admis au Congrès quoique n'ayantpas de mandat écrit.

Le rapporteur décerne acte de la déclarationdu Comité fédéral des Bourses du Travail et estd'avis de l'admettre.

Les Métallurgistes de Fumel: Je déclare quenotre Syndicat m'a bien délégué au Congrès. Lesecrétaire de notre Syndicat fait ses 28 jours et n'apu mettre le timbre du Syndicat sur mon mandat.

Je demande néanmoins, puisque le rapporteurne s'y oppose pas, que mon mandat soit admis.

Syndicat des Employés du département dela Seine: Je demande que le taux de la cotisationd'adhésion de ce Syndicat soit le plus tôt possiblecomplété.

Le Président: Le mandat du délégué deFougères sera régularisé demain.

Sur ce point le délégué de la Chambre SyndicaleOuvrière des Coupeurs en Chaussures deFougères fait remarquer qu'il est ici en vertu d'unmandat régulier et unique qu'il ne faut pas confondreavec, celui des cordonniers.

Le rapport de la Commision, mis aux voix, estadopté.

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Lemaitre, Fédération des Peintres en bâtimentde la Seine: J'ai mandat de ma Fédération desoulever une protestation sur le cas d'un délégué.Tout en ne voulant pas créer de personnalité etquoique la question soit d'intérêt local, je désireraissavoir quel est le mandat du camarade Beausoleilet quelles sont les Organisations qu'il représenteau Congrès.

Syndicat des Employés du département dela Seine: Je représente au Congrès la Bourse duTravail de Versailles, le Syndicat des Employés dudépartement de la Seine, le Syndicat desTravailleurs de l'air comprimé etde l'électricité dela Seine.

L'Union des Syndicats de la Seine: Le rap-porteur de la Commission de vérification despouvoirs a émis un vœu dans son rapport pour quetous les délégués aient des cartes en main pourvoter.

Le rapporteur fait savoir que ces cartes vontêtre distribuées par les soins de la Commissiond'organisation du Congrès.

Il est dit dans l'ordre du jour qui a été envoyédans toutes les organisations, que tous lesdélégués devront avoir une carte ainsi que leurlivret. Je demande des explications à ce sujet.

Les Pâtissiers de la Seine: La carte ou le livretest suffisant; il n'est pas nécessaire d'avoir les deux,un seul suffit...

La Confédération générale du Travail:Citoyens, la Commission d'organisation desCongrès a cru devoir demander le livret ou la cartede syndiqué par mesure d'ordre, pour éviter plusfacilement les Syndicats mixtes. Il y a des Syndicatsqui ont le droit de siéger ici, et d’autres qu'on doitmettre à la porte.

Le Mans: J'approuve la prévoyance de la Com-mission d'organisation du Congrès de ne pas ac-cepter des individus sans mandat. Les nôtres sontréguliers puisqu'ils ont été admis par la Commis-sion d'organisation.

La Typographie parisienne: J'ai entendu laConfédération générale du Travail parler deSyndicats mixtes. Je désire savoir ce qu'elle entendpar Syndicats mixtes.

La Confédération générale du Travail: LesSyndicats mixtes sont composés de patrons etd'ouvriers. Jusqu'à ce jour, on n'a admis dans nosCongrès que les Syndicats ouvriers.

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La Fonderie de la Seine: Je désire poser unequestion au camarade Besomhe. Est-il délégué dela Bourse du Travail de Paris ou de l'Union desSvndicats de la Seine?

L'Union des Syndicats de la Seine: J'estimeque tous les Congrès ont reconnu jusqu'à ce jourl'Union des Syndicats de la Seine. Le titre de laBourse du Travail n'est pas la propriété desTravailleurs; aussi sont-ils obligés de le remplacerpar celui de l'Union des Syndicats de la Seine. J'aisiégé au titre de délégué de l'Union des Syndicatsau Congrès des Bourses, ou l’on m'a admis sansdiscussion. Appelez-moi délégué de la Bourse duTravail de Paris, qui n'existe pas, ou délégué del'Union des Syndicats, cela est égal.

Une discussion assez longue s'engage sur cettequestion de la Bourse de Paris.

Le Président met aux voix la propositiond'admettre le camarade Besombe comme déléguéde l'Union des Syndicats de la Seine. Adopté.

Toulouse: Je n'ai pas pu prendre part au vote,parce que je n’ai rien entendu; il y a trop de bruit.

Le Délégué du Livre: Je demande que chaquedélégué ne prenne pas la parole plus de deux foiset pendant plus de cinq minutes chaque fois.

Les Mécaniciens de Marseille: La propositionqui vient d'être faite n'est pas acceptable. Ne soyonspas longs dans nos explications, laissons lespersonnalités de côté, mais que l’on ne limite pasle droit à la discussion.

Le Délégué du Livre: Il est évident que dansla proposition que je viens de faire, il ne faudraitpas comprendre les camarades qui ont émis uneproposition. Ceux-ci pourraient prendre la parolepour répondre à toutes les questions qui leur serontposées.

Dijon: J'estime que la discussion s'éternisebeaucoup trop. Je demande que l’on passe à l’ordredu jour.

La Métallurgie: Je voudrais savoir si lesprocès-verbaux seront imprimés et communiquésaux délégués. Je demande qu'il soit remis à tousles délégués une épreuve du compte rendu dechaque séance, tous les matins. L'année dernière,au Congrès de Toulouse, les délégués avaient étéconsultés sur le nombre de brochures qu'ilsprendraient. Je crois que chaque délégué pourraits'engager à prendre au moins 10 comptes-rendusdu présent Congrès.

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Le Président met aux voix la propositionsuivante:

«Toute proposition pour un vote devra êtreformulée par écrit». Adopté.

L'Union des Syndicats de la Seine: Je déposeune proposition qui doit venir en discussion enmême temps que la question préjudicielle qui esten tête de l'ordre du jour.

Le Syndicat des Ouvriers en instruments deprécision, fait la proposiion suivante:

«Le Syndicat des Ouvriers en instruments deprécision propose de repousser sans discussionla question préjudicielle demandée par le Syndicatdes Chemins de Fer et propose comme questionpréjudicielle la modification des articles 414 et 415du Code pénal qui supprime les Syndicatsouvriers».

Les Mécaniciens de Marseille: Doit-on suivrel'ordre du jour établi, cela devrait être. Autrement,on n'a pas de mandat pour traiter des questionsqui n'ont pas figuré à l’ordre du jour.

La Typographie Parisienne: A mon avis, laquestion préjudicielle doit être discutée puisqu'ellea figuré sur l’ordre du jour; repousser la propositionpar la question préalable, c’est une injure àcommettre envers un collègue, je ne puis m'yassocier...

Plusieurs délégués demandent que la proposi-tion des chemins de fer ne soit pas discutée. L'ordredu jour pur et simple est repoussé par le Congrès.

Les Chemins de fer: Citoyens, je remercie leCongrès de ne pas avoir empêché le Syndicat desChemins de fer de soutenir sa proposition tendantà ce que, dans les votes sur les questions deprincipe, on tienne compte de l'importancenumérique des syndicats.

Au Congrès de Toulouse, il a été admis que lesdélégués aient le droit de représenter un nombreillimité de Syndicats, de sorte qu'un déléguéreprésentant vingt Syndicats ayant ensemble 2.000membres, disposait de vingt voix, alors que lereprésentant d'un Syndicat comprenant à lui seul20.000 membres n'avait qu'une seule voix. Dansces conditions, l'indication donnée par les votes estinexacte.

On dit qu'il ne faut pas que les grands Syndicatsécrasent les petits; nous sommes de cet avis, maisil ne faut pas que le contraire se produise.

Ce que nous désirons, c'est que, sur les ques-tions de principe seulement, la grève générale, parexemple, on sache exactement, non pas le nombre

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de Syndicats, mais le nombre de syndiqués pourou contre.

C'est la méthode adoptée par les Congrès desTrades-Unions d'Angleterre, ainsi que par lesmineurs de France; elle a pour résultat de mieuxfaire connaître les tendances des travailleurs...

Le vote proportionnel a d'ailleurs été admis dansles assemblées d'actionnaires de la VerrerieOuvrière où les Organisations ont droit à un nombrede voix basé sur le nombre d'actions qu'ellespossèdent.

Nous ne demandons pas que le Syndicat desChemins de fer dispose de 60.000 voix, mais nousvoudrions que l’on adopte un système quelconquequi fasse disparaître l’abus que l'on a constaté àToulouse et qui se renouvelle aujourd'hui.

D'autre part, chaque année on perd un tempsprécieux à discuter la réglementation du Congrès.Il serait bon qu'une fois pour toutes on établisse unrèglement qui trancherait les questions de détail quireviennent en discussion à tous les Congrès.

Je conclus en demandant que la Confédérationgénérale du Travail étudie notre proposition et qu'elleprépare un règlement qui sera discuté au prochainCongrès. On évitera ainsi des pertes de temps.

Les Cochers-Livreurs de Paris: Dans monSyndicat, on n'a pas pris en considération la propo-sition des Chemins de fer. Si vous donnez plusieursvoix au Syndicat des Chemins de fer, vousdécouragerez les militants. Nous avons cru qu'iln'y avait pas lieu de voter la proposition, ni de donnerune trop grande prépondérance au Syndicat desChemins de fer.

Le Mans: Je repousse la proposition: c'est unepreuve que si un syndicat prospère a une grève etqu’il vient à perdre une grande partie de sesmembres, il arrive à tomber. On ne peut donc pasadmettre que ce syndicat ne soit pas intéressant,et son mandat vaut plus par la qualité que par lenombre.

La Typographie Parisienne: Dans notreSyndicat, nous avons depuis longtemps étudiécette question; aussi avons-nous été heureux dela voir figurer à l’ordre du jour.

Nous y souscrivons entièrement parce qu'ellenous paraît rationnelle. La représentationproportionnelle ou progressive, ne peut, à mon avis,soulever aucun débat, la logique en découle, etprétendre que ce système n'est pas démocratique,c'est commettre la plus grosse hérésie.

Personne ne s'élève contre ce qui existe, que ledépartement de la Seine ait quarante-deux députésalors, que d'autres départements n'en ont quetrois, c'est que chacun comprend que cette

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différence est la conséquence du nombred'électeurs.

Si on ne veut pas admettre la proportiondemandée par les chemins de fer, ces dernierspeuvent fonder des syndicats dans toutes les villesoù ils ont des sections. De plus, dans les cheminsde fer il y a des ouvriers de toutes les professions;si encore les chemins de fer font des syndicatspour chaque spécialité et que ces syndicatsviennent au Congrès, à eux seuls ils seront lamajorité. Ils nous écraseront tous. Nous ne pourronspas les récuser.

Qu’est-ce qu'un Congrès? C’est une réuniondes délégués de tous les syndicats qui viennentdiscuter en commun sur des questions qui lesintéressent. Si par un coup de baguette magiqueon pouvait amener dans une salle de Congrès tousles ouvriers syndiqués, au moment de passer auvote n'y admettrait-on pas tous ces syndiqués? Ehbien, leurs organisations sont représentées auCongrès et demandent à être traitées enconséquence.

Dans les Bourses du travail les cotisations sontbasées sur le nombre des syndiqués; cela nesouffre aucune difficulté. On connaît trèsexactement les effectifs dont on dispose.

Le jour où les décisions de nos Congrès serontsuivies du nombre d'ouvriers qui font partie de lamajorité ou de la minorité, ces décisions auront plusde valeur.

Le Comité fédéral des Bourses du travail:En lisant le texte de la proposition préjudicielle, nousavions cru que le syndicat des Chemins de fers'était décidé à reconnaître le peu de valeur desvotes des Congrès, nous pensions, par suite, que,suivant lui, les Congrès devaient cesser d'être desParlements et, pour arriver à supprimer lesmesures de défiance mutuelle demandées àl'ouverture de chaque Congrès par les syndicats,de même que les inconvénients de résolutionstotalement méconnues, devaient se transformer enlieux d'étude, propres à faire connaître lestendances économiques diverses qui se partagentle prolétariat.

Comme nous nous sommes trompés,- nousreprenons, nous - pour l'élargir - la proposition desChemins de fer et nous demandons qu'en instituantdésormais le vote par nombre de syndiquésadhérents, au lieu de conserver le vote par syndicatou par délégué, les Congrès remplissent leur but,qui est de permettre de savoir combien d'hommesadmettent ou repoussent tel principe ou telle moded'action ouvrière, sans prétendre - ce qui n'a pasde sens - que les minorités doivent non seulementsubir mais défendre les principes qui blessent leurconscience.

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Pouget: industrie lainière, Reims - appuie ceque vient de développer Pelloutier; il serait heureuxque les Congrès en arrivent à une conception plusexacte de leur réunion; ils doivent être despropagandistes, des éducateurs et non deslégiféreurs. Au lieu de formuler des décrets, il fautdégager l'orientation des groupements. En venir àcette tactique serait mettre fin aux zizaniesregrettables qui naissent de la votation et de la divi-sion en majorités et minorités.

Le Président: J'ai reçu la motion d'ordresuivante, signée Bourges et Lagailse:

En raison de l'exiguïté du local où se tient leCongrès national corporatif, le Congrès désigneune délégation qui se rendra auprès de laMunicipalité pour lui demander de continuerl'hospitalité qu'il lui a accordée, en mettant à sa dis-position un local plus spacieux.

La Commission d'organisation, consultée, croitque la Municipalité de Rennes s'empresserad'accéder à ce désir.

Les camarades Bourges, Carmantran etLagailse sont désignés pour se rendre près de laMunicipalité.

Fonderie de cuivre de Paris: Je ne pourraipas voter pour la proposition des Chemins de fer,notre syndicat s'y oppose. Il n'est pas possible deréunir en un seul faisceau tous les ouvriers demême profession et ceux des professionssimilaires.

Union du Bronze: Dans les Congrèsinternationaux, ce sont les petites puissancescomme la Roumanie, la Serbie, qui ont fait échouer,tout ce qui était bon et qu'approuvaient les organi-sations d'Angleterre, d'Allemagne, de France. Jem'en tiens,à la proposition des Chemins de fer.

Le Bâtiment de Paris: Le bâtiment déclareillogique que les corporations qui ont davantagel'esprit syndical, parce que, travaillant dans degrandes administrations, elles sont faciles àgrouper, majorent celles qui, plus nombreuses maisplus dispersées, se syndiquent difficilement. Il seraitalors plus rationnel de prendre comme base lenombre d'ouvriers des corporations plutôt que celuides Syndicats qui n'est nullement relatif. Quant ausystème parlementaire, on est suffisamment édifiési l’on considère que sur 10 millions 1/2 d'électeurs,4 millions 1/2 sont représentés et que certainesdécisions sont prises par des majoritésreprésentant 1 million 1/2 d'électeurs. Voilà quin'engage guère à recourir à ce procédé.

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Les Tailleurs de Paris: Tout le monde sent qu'ily a quelque chose d'anormal dans la propositiondes Chemins de fer. Mais on ne demande pas quece soit tranché aujourd'hui.

Le camarade Lagailse rend compte de sonmandat. La Municipalité met une des salles de laMairie à la disposition du Congrès pour demainmatin, neuf heures. Le Maire invite en outre tousles Congressistes à venir à une réception d'unedélégation du Conseil Municipal. Monsieur le Mairea cru devoir ajouter que la municipalité seraitheureuse dans la circonstance d'offrir un Cham-pagne et de boire à la prospérité des travailleurs.

La , discussion reprend sur la question du votepréjudiciel . Les camarades du Comité fédéral desBourses, de la Fédération des Employés de laSeine, de Montpellier, du Mans, du bâtiment, parlentdans le même sens et appuient la proposition desChemins de fer avec différents amendements.

L'Union des Syndicats de la Seine: LesChemins de fer ont pu grouper tous les ouvriersdes Compagnies autour de leur Syndicat, parcequ'ils n'avaient affaire qu'à un seul patron. Ce n'estpas la même chose pour les ouvriers qu'onspécialise.

Pour répondre au délégué des Chemins de fer,qui reproche aux organisateurs de ne pas se con-former aux décisions des Congrès, il fait remarquerqu'au moment de la déposition de la loi Merlin-Trarieux, le Congrès des Chemins de fer avait votécontre la grève générale, ce qui n'empêchait passes délégués de voter pour dans les Congrèsouvriers.

Les Chemins de fer refusent de satisfaire lacuriosité de l’Union des Syndicats de la Seine quidésire savoir si leur Syndicat a voté la grèvegénérale lors de la discussion de la loi Merlin-Trarieux.

Le rapporteur de la commission de vérificationdes mandats donne communication de quatrenouveaux mandats.

L'Union des Employés de la Seine demande auCongrès de se prononcer et de dire que si unSyndicat a cinq délégués, il devra payer pour cinqdélégués.

Le Président donne lecture des propositions quisont faites au Congrès:

«La Confédération du Travail est chargéed'établir pour l'avenir un règlement des Congrès,en s'inspirant non seulement des usages établis,

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mais encore des discussions antérieures etactuelles.

En outre, le présent Congrès décide dèsmaintenant que, dorénavant, un délégué ne pourraêtre muni que de trois mandats au maximum.

Proposition du Syndicat des Chemins de Fer,Par ordre, Guérard.

Le Syndicat des Estampeurs et Découpeurs surmétaux, et le Syndicat des Acheveurs-coquilleursdu département de la Seine proposent que lesSyndicats n'aient droit qu'à une voix, et lesFédérations aient droit à cinq voix, en tenant comptede la minorité.

Le Délégué, Nicoud.

Je proteste contre la question préjudicielle, étantmandaté par la Chambre syndicale des Ouvriersen Voitures de Paris de voter contre.

Le Délégué, Aubertin.

Le Syndicat des Ouvriers en Outils à découpercombat énergiquement la question préjudicielle etengage toutes les organisations à la repouser.

Le Délégué, Cior.

Au nom des Travailleurs du Livre, je propose lareprésentation proportionnelle suivante:

De 10 à 500 syndiqués: 1 voix.de 500 à 1.000 syndiqués: 2 voix.de 1.000 à 2.000 syndiqués: 3 voix.de 2.000 à 4.000 syndiqués: 4 voix.de 4.000 à 6.000 syndiqués: 5 voix.de 6.000 à 8.000 syndiqués: 6 voix.de 8.000 à 10.000 syndiqués: 7 voix.de 10.000 à 15.000 syndiqués: 8 voix.de 15.000 à 20.000 syndiqués: 9 voix.de 20.000 à 25.000 et au delàsyndiqués: 10 voix.Si les Syndicats compris dans une Fédération

sont représentés au Congrès, la Fédérationreprésentée par un délégué n'aura droit qu’à unnombre de voix proportionnel au nombre deSociétaires non représentés par les autresdélégués de sections adhérentes à laditeFédération. Batbielle.

Au nom de la Chambre syndicale des OuvriersSerruriers et parties similaires du département dela Seine, j'ai l'honneur de déposer la propositionsuivante: que les votes se fassent par organisa-tions et non par nombre numérique.

Décision prise en assemblée et repousse laquestion préjudicielle.

Le Délégué, Lebret.

La Société générale des Ouvriers chapeliers deFrance ainsi que la Chambre syndicale des

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Ouvriers et Ouvrières en chapellerie de Paris,demandent à ce que la question au point de vue dela représentation numérique, soit soumise à toutesles Fédérations et Syndicats pour y être étudiéed'une façon approfondie qui sera soumise auprochain Congrès; et quel que soit le nombre dedélégués envoyés par chaque Fédération ouSyndicat, devra payer pour chaque délégué, etpasse à l’ordre du jour avec la clôture.

Allibert.

Considérant qu'il y a lieu de mettre fin auxmesures de défiance mutuelle qu'impose à tousles Congrès ouvriers, la recherche d'un mode devotation égalitaire;

Que le moyen d'y mettre fin, c’est-à-dire desauvegarder les intérêts de toutes les organisa-tions, et, pour voir les choses de plus haut, lesintérêts de la cause ouvrière elle-même, c'est depermettre à tous les syndicats, quelle que soit leurimportance, d'exprimer librement et hardiment leuropi-nion sans avoir à se demander s'ils ne serontpas victimes de majorités irrégulières;

Le Congrès invite sa Commission de la ques-tion préjudicielle à examiner les deux résolutionssuivantes:

1- Les votes sur les questions de principe aurontlieu en tenant compte de l'importance numériqueabsolue des syndicats;

2- Ces votes ne seront considérés que commele moyen de dégager les diverses tendanceséconomiques du prolétariat.

Comité Fédéral des Bourses du Travail.

La Chambre syndicale des Métallurgistes deFourchambault, soutient énergiquement la propo-sitions des Chemins de Fer et invite le Congrès àvoter pour cette proposition.

Le délégué, Goumet.

Le Bâtiment demande le renvoi de toutes lespropositions à la Confédération pour un rapport surtoutes sans décision définitive.

Le délégué, Riom.

Le Syndicat général des Garçons de magasin,Cockers-Livreurs et Parties similaires de la Seine,dépose le rapport suivant sur la questionpréjudicielle:

Nous estimons qu'un Syndicat, quel qu'il soit,ne doit jamais se prévaloir du nombre de sesadhérents; que, s'il en était ainsi, certains Syndicatsacquéreraient une trop grand grandeprépondérance et par cela même supprimeraientle droit des minorités. La conclusion de ceci, c'estque tous les Syndicats doivent être égaux et avoirles mêmes droits.

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Notre Délégué devra donc voter contre cetteproposition.

Rapport adopté en assemblée générale, àParis, le 4 septembre 1898.

Le délégué, F. Roche.

Le délégué de la Bourse du Travail de Dijonpropose d'adresser à tous les Syndicats les propo-sitions déposées au Congrès de Rennes,concernant le mode de votation dans les Congrès.

Cette proposition n’a pas été adoptée.

La proposition de la Fédération des Boursesest prise en considération par le Congrès.

L'Union des Employés de la Seine: Il y a uneautre question préjudicielle qui devrait venir en dis-cussion en ce moment.

L'Union du bronze demande le renvoi de ladiscussion de cette question lorsque le rapport dela grève générale viendra en discussion.

Les Chemins de fer demandent si le Congrèsentend passer à la discussion sur les mandatsmultiples.

Le bâtiment de Paris: On peut mettre cettequestion en tête de l’ordre du jour du Congrès: ilsera exécutoire dès l'instant où il sera voté.

L'Union des Syndicats de la Seine: Sur lesquestions de principe, on votera par appel nomi-nal, et pour les autres votes, à mains levées,chaque délégué n'ayant droit qu'à une voix.

Adopté.

Adopté également à 5 le nombre de mandatsque pourra avoir chaque délégué. Le Mansdemande comment on fera pour représenter uneville où il y aura 17 Syndicats.

L'Union des Syndicats de la Seine dit qu'onles répartira entre tous les délégués.

Le Bâtiment de Paris propose qu'une adresse,solidarisant le Congrès avec les terrassiers engrève, soit jointe à une collecte en leur faveur.

Le Mans demande la même faveur pour lescamarades du Mans qui sont en grève.

Sur la proposition du délégué des Cartouchiersd'Issy-les-Moulineaux, un vote de sympathie estenvoyé aux Terrassiers de Paris.

Le Délégué du Livre: Citoyens, s'il est une

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question à l’ordre du jour qui intéresse tous lestravailleurs, c'est, sans contredit, la troisième traitantdes adjudications; le Secrétaire Général de laFédération du Livre ayant fait un remarquable rap-port sur cette question, notre Fédération a décidé

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de mettre gratuitement à la disposition descongressistes un exemplaire de ce rapport.

La séance est levée à 6 heures.

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TROISIÈME SÉANCE: Mardi 27 Septembre 1898 (matin).

La séance est ouverte à 9 heures du matin.

Président: Roche; assesseurs: Ternet etCorompt. La parole est au rapporteur de la Com-mission de vérification des pouvoirs. Il demandeau Congrès d'accepter les nouveaux délégués dontles mandats sont arrivés depuis hier. Adopté.

Il est donné lecture des procès-verbaux des deuxpremières séances du Congrès.

Sur les observations présentées aux procès-verbaux, il est décidé que les rectifications devrontêtre notifiées par écrit, signées, et parvenir au bu-reau où on en tiendra compte. Il est en outre décidéque, dans le but de faciliter la rédaction des procès-verbaux, chaque orateur donnera son nom ainsi quecelui de l'organisation quil représente; qu'unepremière épreuve sera communiquée aux déléguésavant l'adoption définitive du procès-verbal.

La Commission de vérification des pouvoirssoumet au Congrès le mandat du camaradeHamelin représentant la Verrerie Ouvrière. Adopté.

Le Président donne lecture d'une lettre de laMunicipalité de Rennes invitant tous les membresdu Congrès à une réception à la Mairie de Rennespour le mardi soir à neuf heures. La Municipalitéest heureuse d'offrir le Champagne à tous lescongressistes.

Le délégué de la Brosserie de Paris: Je pro-pose au Congrès qu'il soit désigné un camaradequi prendra la parole au cours de la réception à laMairie de Rennes pour remercier le Maire et laMunicipalité de la généreuse hospitalité offerte auxCongressistes.

Le délégué des Travailleurs du Livre, deParis, appuie la proposition précédente. Il demandequ'une commission soit nommée pour arrêter lesens des remerciements qui seront adressés à laMunicipalité Rennaise.

Les camarades Claverie, Guérard, Hamelin,

Lagailse, Lauche sont désignés pour faire partiede cette Commission.

Délégué des Cuirs et Peaux de Paris: Onoublie d'appliquer les décisions prises par leCongrès. L'appel nominal n'a pas été fait àl'ouverture de la séance. Je demande que l'appelsoit fait. Le Président fait savoir au Congrès quel’on n’a pas sous la main la liste d'appel; qu'elle estrestée dans la salle où ont eu lieu les deuxpremières séances. Il sera procédé à l’appel nomi-nal dès que cette liste sera communiquée au bu-reau.

Mécaniciens de Marseille: Je propose qu'il soitdemandé quelqu'un pour faire l'appel à toutes lesséances.

Cette proposition est adoptée et le délégué deMarseille est chargé de son application.

La parole est donnée au camarade Lagailse,secrétaire de la Confédération du Travail, pour lalecture du rapport du Conseil national.

Union des Syndicats de la Seine: Je trouvequ’il est absolument inutile de donner lecture du rap-port du Conseil national, qui est imprimé et que tousles délégués du Congrès ont en leur possession.

Fédération des Bourses: J’aurais été de l'avisde l'Union des Syndicats de la Seine si laFédération des Bourses avait pu, comme le Conseilnational de la Confédération générale du Travail,mettre à la disposition des membres du Congrèsle compte-rendu du Comité fédéral des Boursesdu Travail. Le Comité fédéral des Bourses n'a paspu prévoir les attaques dont il serait l'objet de lapart du Conseil national; s'il l'avait prévu, il auraitfait imprimer suffisamment de comptes-renduspour les mettre à la disposition du Congrès. Or, sion ne lit pas le rapport du Conseil national, il nepourra être donné lecture de celui du Comité fédéraldes Bourses du Travail, qui est attaqué dans le rap-port du Conseil national.

Je demande, en conséquence, que le Congrès

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permette la lecture du rapport du Conseil national,afin de permettre au Comité fédéral des Boursesde lire son rapport.

Fondeurs typographes: Je demande que lecamarade Lagailse ne donne pas lecture du rap-port entier, mais des passages intéressants, et qu'ilveuille bien fournir des explications au fur et àmesure. Cette proposition est appuyée par l’Uniondes Syndicats de la Seine et par le Comité fédéraldes Bourses du Travail.

Le Congrès, consulté, l'adopte également, leSecrétaire du Conseil national de la Confédérationgénérale du Travail donne lecture du rapport duConseil National.

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RAPPORT DU CONSEIL NATIONAL

Première partie:

Citoyens, pour la troisième fois, nous voicidevant les délégués du prolétariat. Vous allez êtrejuges et vous aurez à vous prononcer sur ceux quiavaient accepté la direction de cette organisationsur laquelle espèrent bon nombre de travailleurs.

Au nombre des citoyens délégués par leur or-ganisation et qui composaient le Conseil dont lemandat expire aujourd'hui, il en est plusieurs quisont de la première heure et qui depuis l'existencede la Confédération sont là, sur la brèche - chaqueannée leur organisation ayant cru devoir leurmaintenir leur mandat.

Ces citoyens n'ont pas hésité dans la tâche quileur incombait, et n'ont pas marchandé les heuresde travail qu'ils devaient apporter après leur journéeterminée.

Militantisme tout d'abnégation, puisqu'il n'existe,quelles que soient les attributions, aucunerétribution ni salaire pour les membres quicomposent ledit Conseil.

Nous devions tout d'abord exposer ce fait, pourcette raison que certaines critiques ont été faites.

On prétend que la propagande que nous aurionsdû faire aurait laissé à désirer.

De pareilles exigences s'expliqueraient peut-êtreautant qu'un secrétaire permanent serait à la têtede notre organisation. Et vous seriez alors en droitde lui demander compte de son temps.

Ceci dit, qu’il nous soit permis, pour un instant,de revenir en arrière de quelques années etd'examiner les motifs qui avaient fait décréter àLimoges la création de cette organisationcentralisatrice.

Bien avant le Congrès de Londres les partispolitiques avaient nettement déclaré que l’action

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économique n'était que secondaire pourl'émancipation des peuples, les organisationsouvrières relevèrent ce défi et les groupescorporatifs s'émurent de ce peu de valeur qu'onaccordait, dans certains milieux, à leur action, ettinrent à prouver qu'ils n'étaient pas quantité aussinégligeable que cela pouvait être dans l'esprit deces politiciens.

Alors était née l’idée d'une grande organisationdu travail.

Aux premières rumeurs, les partis politiquespartirent en guerre dans leurs journaux, et la bour-geoisie, dans la personne, d'un ancien minisire destravaux publics, un ancien radical, qui jadis invitaitles cheminots en résidence à Paris à danser dansson hôtel, nous avons cité M. Yves Guyot, disait:«Ce sera le quatrième Etat avec lequel il faudraque comptent les gouvernants». Et aussis'empressait-il d'indiquer comment on devait luitordre le cou.

Nous devons reconnaître que, pris dans un au-tre milieu, il est des hommes qui se sont empressésd'exposer la situation sous son véritable jour.

Le citoyen Edouard Vaillant, dans le Rappel desTravailleurs, organe de la Fédération desTravailleurs socialistes de l'Est, à la date du 13septembre 1896, disait dans un article «leader»,ayant pour titre: La Confédération générale du Tra-vail:

«Si même, et cela est faux, le Congrès deLondres n'avait pas fortifié l'union, l'organisationinternationale des socialistes, il aurait rendu ausocialisme français le plus grand des services enl'obligeant à un véritable examen de conscience, àla suite d'incidents divers où il a été mis sur lasellette et où on lui a reproché de ne pas ressemblerassez aux autres, de ne pas être façonné suivantle modèle breveté, d'être trop varié, divers et libre.

Il y aurait une part de vérité dans la critique, maiscombien plus encore d'erreurs! Les initiateurs sefourvoient en frayant les chemins où passerontensuite allègrement ceux qui les suivent.Cependant, loin de renier cette histoire qu'ont faite,avec les circonstances, le génie et le tempéramentde la race, le parti de la Révolution, en France, doitchercher à le développer en l'éclairant, en éclairant,en rectifiant sa marche, son organisation, son ac-tion.

On ne subit pas impunément des désastrescomme ceux de la Commune, des massacres deParis, de la terreur et de la proscription versaillaise.Pendant de longues années, il n'était pas possible,sous peine de fusillade et de déportation, de releverle drapeau des vaincus, et c'était tout au plus si lesvainqueurs permettaient aux ouvriers de s'occuperde leurs intérêts de métier, de la défense de leurssalaires, de l'amélioration de leurs conditions de

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travail. Ce fut la renaissance timide d'abord dessyndicats, rapidement grandissante par suite duprogrès industriel.

Peu à peu la France démocratique échappait àl'étreinte réactionnaire; le socialisme réapparaissaitdans les congrès ouvriers; l'amnistie rappelait lesproscrits, et la lutte politique, c'est-à-dire active,recommençait. Elle prenait le caractère que luidonnaient les circonstances, l'inorganisation, la con-tagion du milieu.

Les partis ouvriers se formaient de syndicatsqui, ainsi, en même temps que les groupescorporatifs, devenaient des groupes politiques.

Ce fut la grande cause d'interruption et d'échecde l'organisation économique du prolétariat français.Un syndicat adhérait à un parti politique, et aussitôtsa croissance s'arrêtait. Les ouvriers de la mêmecorporation, qui ne partageaient pas les idées duparti auquel leur syndicat adhérait, devaient ourester en dehors de toute organisation, ou formerun nouveau groupement corporatif, qui, le plussouvent, par une même et funeste erreur,génératrice de divisions nouvelles, adhérait à unautre parti et entrait en conflit, plus ou moins avoué,avec le syndicat rival. Nous avons vu à l'origine dela Bourse du Travail le tableau de ces divisions.

Elles diminuent, assurément, mais elles n'ontpas encore disparu et il faut les faire disparaitre. Ilfaut pour cela achever l'évolution qui les a faitdécroître.

Quand syndicats et groupes ainsi divisés ethostiles se sont rencontrés dans la Bourse du Tra-vail, ils n'ont pas été longtemps à reconnaître que,d'accord sur toutes les questions économiques, ilsn'étaient séparés que par la politique. Aucun n'avaitenvie d'être mangé par le voisin, qu'il avait le trèsvisible désir d'absorber dans son organisationpolitique. La force des choses et la nécessité de lalutte contre le capitalisme engendrèrent uneneutralité politique qui rendait possible une actionéconomique commune.

C'est ainsi que le prolétariat françaiss'acheminait à cette conclusion que nous n'avionscessé de lui demander d'adopter: la formation d'uneorganisation exclusivement économique pour uneaction exclusivement économique. Sur la proposi-tion de nos amis, le Congrès de Limoges a enfinreconnu cette vérité et décidé que la confédérationdu travail serait formée en dehors de touteadhésion et ingérence politiciennes.

La confédération du travail est une organisationstrictement économique, formée des syndicatsredevenus groupes exclusivement corporatifs etfédérés dans le pays entier, avec les Bourses duTravail pour centre d’une organisation unitaire etfoyers de l'action économique de la classe ouvrièrecontre la classe capitaliste.

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A cette condition seule, peuvent disparaître dessyndicats et de la confédération du travail toutesles causes de désunion à cette condition seule,peuvent s'unir, dans une même organisation et pourune action coordonnée et efficace, toutes les forcesde la classe ouvrière.

Les faits ont tellement montré la nécessité, lavaleur de cette décision, qu'il n'y a pas de doutequ'elle ne soit prise, et comme chacun sait quetoute organisation est animée de l'esprit des mili-tants qui la dirigent, il est certain que les syndicatsdevenus ainsi la forme organisée desrevendications économiques du prolétariat, seront,quelque variées que soient les opinions de leursmembres, animés de l'esprit, de l'énergie socialisteet que c'est une vraie et ardente guerre sociale,émancipatrice du travail, qu'entreprendra et mèneracontre le capitalisme la confédération du travail.

Sur cette question donc il y a toute chance quetous s'entendent. Cela sera plus facile que pour laquestion de l’action politique étrangère, d'ailleurs,aux délibérations de Tours, et non moins évidentepour nous, mais encore si obscure pour tous ceuxqui n'ont pas compris qu'à chaque fonction il fallaitun organe distinct et correspondant et que le mêmemilitant qui, dans son syndicat et dans laconfédération du travail, mènerait la lutteéconomique devait, dans son parti, mener la lutteefficace entre toutes, la lutte politique, la lutteélectorale et révolutionnaire. Certains neconsidérant que les inconvénients des discussionspoliticiennes des syndicats qui ont fonctionnécomme groupes politiques au lieu de reconnaîtrela nécessité de réformer l'organisation sur desbases nouvelles, ne voient plus que l'utilité del'action spéciale conforme à leur tempérament etnient tout le reste. C'est ainsi que plus d'unorganisateur de syndicat en arrive à nier l'actionpolitique, ne pensant pas que si son avisprédominait, le prolétariat resterait désarmé devantle capitalisme maitre du pouvoir sur le champ debataille où il importe le plus de vaincre, car c'est làoù il conquerra son émancipation.

En tout cas, et comme c'est là le point initial decette double, distincte et nécessaire organisation,nous espérons qu'à Tours les délégués dessyndicats seront à la hauteur de leur mandat, qu'ilsachèveront l'œuvre commencée à Limoges endonnant à la classe ouvrière française l'instrumentorganisé de la lutte économique contre la classecapitaliste, l'organisation indépendante de touteadhésion, ingérence et immixtion politicienne quidoit être, que sera la confédération du travail».

Nous avons tenu à faire passer cette étude sousvos yeux, car notre conviction est que cette con-ception de l'union des forces ouvrières est bien celle

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que nous avons comprise, et la compétence d'unvieux lutteur, comme le citoyen E. Vaillant, était pournous une indication qui n'était pas à dédaigner.

Pour tous ceux qui ont conscience de la situa-tion faite au prolétariat, devant l'antagonisme ducapital, qui tend à monopoliser de la plus petite à laplus grande industrie, devant le machinisme puis-sant, notre plus terrible ennemi, il est certain que siles travailleurs ne savent se grouperéconomiquement, si en face du capital exploiteur,le prolétariat n'oppose pas une autre puissance,c'en est fait de ses revendications.

Ceci exposé, nous entrons dans la voie destravaux accomplis pendant l'exercice 1897-98.

Suivant les indications données par le Congrès,le Conseil national fit appel à la Fédération desBourses pour former ses commissions.

Dès ce premier début, nous fûmes fixés surl'esprit de certains camarades, Pelloutier, quidirigeait les rouages, avait pris ses dispositions.

Dès la première réunion, il aurait été décidé dansce milieu, d'éliminer les camarades quicomposaient le bureau.

Bien que les statuts ne prévoyaient pas que lebureau dût être pris ailleurs que parmi les membresdélégués par les Fédérations de métiers, laFédération des Bourses entendait avoir commeélecteurs tout son contingent, c'est-à-dire plus dequarante délégués.

Afin de montrer que sur cette question nous nevoulions pas faire obstacle, nous accédâmes. Etleurs candidatures eurent lieu.

Un des leurs, le citoyen Delesalle, fut nommésecrétaire-général adjoint. Nous verrons plus tardcomment il s'acquitta de sa tâche...

La grève des mécaniciens anglais battait sonplein. Nous crûmes qu'il était de notre devoir denous préoccuper de la situation, de nos frères duprolétariat. Aussi décidâmes-nous de lancer unecirculaire invitant toutes les organisations à veniren aide à nos camarades, En voici la teneur:

CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE DU TRAVAILSecrétariat: 53, rue du Commerce,

PARIS-GRENELLE.

APPEL A LA SOLIDARITÉen faveur des Ouvriers Mécaniciens anglais

AUX CAMARADES DE FRANCE ET DESCOLONIES.

Camarades,Depuis des mois nos camarades, les

mécaniciens d'Angleterre, luttent pour la journéede huit heures.

Le patronat qui, dans ce pays, avait fait de ce

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droit un principe (puisque plusieurs l'avaientaccepté) vient une fois encore de faillir à la paroledonnée.

Certains patrons sont revenus sur ce qu'ilsavaient admis, et se déjugent dansl'accomplissement d'engagements librementconsentis envers les travailleurs.

Ce défi, jeté à la face du prolétariat, lescamarades d'outre-Manche l'ont relevé commel'imposait un tel acte de félonie, et, après s'êtremûrement concertés, ont déclaré la Grève,

Les exploiteurs du travail savaient qu'ils allaientse trouver en face d'une organisation ouvrière desplus puissantes, mais, comme en toutescirconstances, ils ont pensé qu'après avoir épuiséleur caisse, la faim, cette mauvaise conseillère,viendrait apporter le découragement dans leursrangs.

Aussi semblent-ils peu se préoccuper dumouvement qui s'opère et, lâchement, auprès d'unetable bien servie, attendent-ils l'heure où, à bout deressources, les travailleurs viendront faire amendehonorable.

Citoyens, il ne faut pas que leur rêves'accomplisse. Au prix des plus grands sacrifices,il faut que les travailleurs de toutes les nationsapportent, non seulement la modeste obole qu'enchaque occasion ils ont toujours donnée, maiss'imposent plus encore, pour le triomphe de cettecause.

Si nos camarades étaient vaincus malgré unetelle abnégation de leur part, malgré tant desolidarité, il serait à désespérer, pour longtemps,qu'une semblable lutte pût s'engager à nouveau.

Camarades, ce n'est pas les travailleurs qui ontélevé les frontières, et tous les producteurs manuelsou intellectuels, à quelque pays qu'ilsappartiennent, doivent se considérer comme lesfils de cette grande famille: Le Prolétariat!

La cause des travailleurs anglais devient aussila nôtre, et nous devons apporter tous nos effortspour la voir réussir.

Pour cela, il faut que chaque Syndicat, Boursedu Travail, Fédération nationale d'industries ou demétiers, en un mot, que le prolétariat tout entiers'anime et que, par tous les moyens possibles,souscriptions, fêtes, réunions, etc... il apporte lesgros sous qui sont indispensables pourl'accomplissement de la victoire ouvrière.

Montrons aux exploiteurs que les travailleurssont frères dans la lutte pour la vie comme dans ledevoir.

Si nous savons nous sentir les coudes, lescamarades qui combattent dans un but qui nousest commun seront victorieux.

L'heure est solennelle; travailleurs, debout!Le Comité confédéral.

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Pour toute la correspondance, s'adresser aucitoyen A. Lagailse, secrétaire général de laConfédération, 53, rue du Commerce, Paris.

Et les envois de fonds au citoyen Copigneaux,trésorier, 23, rue Pouchet, Paris,

Les Listes de Souscriptions seront publiées parla Presse parisienne.

Vous trouverez plus loin le résultatpécuniairement obtenu.

Dans nos travaux il fut décidé de faire une con-sultation sur la situation économique destravailleurs. A cet effet, par la voie de la presse nousavisâmes les organisations ouvrières qu'unecirculaire allait être lancée par nos soins et nousinvitions lesdites organisations d'y faire le meilleuraccueil.

Nous avons recueilli des renseignements de laplus haute importance au point de vue des condi-tions du travail.

Bon nombre de camarades y ont apporté, nonpas que de la bonne volonté, mais encore plusieursnous ont fourni des pages historiques de leurindustrie qui ont une grande valeur et que noussaurons mettre à profit...

Nous croyons devoir reproduire ici cettedemande de renseignements, certains queplusieurs organisations qui ne nous ont pasrépondu, comprendront dans ce rapport toutel'importance de cette statistique et se feront undevoir de la reprendre pour nous fournir lesrenseignements demandés.

Bien que le nota indique que les réponsesdevront nous parvenir fin février au plus tard (février1898) nous disons aux camarades que lesrenseignements qui nous seront fournis trouverontplace dans le travail en préparation.

Nous publions ci-dessous la note communiquéepar la presse à la date du 4 janvier 1898, et reproduitepar L’Aurore et la Petite République française.

AUX TRAVAILLEURS FRANÇAIS

Paris, le 4 janvier 1898,Les Bourses du Travail, les Syndicats ouvriers

ainsi que tous les militants qui désirent faire œuvreprolétarienne, sont priés de nous aviser aussitôtqu'une grève partielle se produira dans leur centreou reviendra à leur connaissance.

La Confédération générale du Travail qui vientde faire établir un questionnaire s'empressera del'adresser aux organisations en heurt avec le capi-tal, afin d'être renseignée sur la situationéconomique faite aux travailleurs.

A l'aide de ces renseignements, le Comitéconfédéral espère démontrer à ceux qui prétendentque tout est pour le mieux dans le monde du tra-vail, quelles sont les misères subies en France par

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les producteurs de la fortune publique.Cet exposé n'a pu être fait jusqu'à ce jour que

par un service qui relève directement du pouvoir,documenté par des personnages officiels etconséquemment susceptibles d'erreurs plus oumoins volontaires.

En cette circonstance, comme en toute autre,et dans l'intérêt de la vérité, les travailleurs doiventfaire leurs affaires eux-mêmes.

Tous les camarades manuels ou intellectuelscomprendront quelle importance s'attache à cesrenseignements et nous ne saurions trop leurrecommander d'apporter le plus grand soin dansleur établissement.

Le Secrétaire général,A. Lagailse.

Un deuxième questionnaire vient d'être adresséà toutes les organisations; prière d'y attacherbeaucoup d'importance.

CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE DU TRAVAILSECRÉTARIAT GÉNÉRAL

53, Rue du Commerce PARIS

Citoyens,Malgré le nombre et l'importance des grèves

soutenues depuis trente ans par le prolétariat,malgré les sacrifices considérables qu'ontnécessités ces conflits, il est manifeste que lesconditions de l'existence ouvrière, se sont plutôtagravées qu'améliorées. Il s'agit de savoir quellepart les grèves ont eue dans ce résultat et s'il estexact que les grèves partielles, comme l'ont indiquéles Congrès ouvriers tenus pendant les dixdernières années, sont, malgré les avantagesapparents qu'elles offrent parfois, sans effet nota-ble et certain sur la situation du prolétariat.

C'est là le but de l'enquête permanente qu'ouvrela Confédération générale du Travail sur lemouvement gréviste. Les Syndicats encomprendront donc toute l'importance ets'efforceront de nous faciliter la tâche en répondant,pour chaque grève, aux questions suivantes:

- timbre de l’organisation,- date du commencement et de la fin de la grève,- durée des jours de grèves,- nombre des grévistes,- nombre des établissements atteints par lagrève,- cause de la grève et réclamations desgrévistes,- résultats pour les grévistes,- sommes perçues par le Comité de grève,- sommes dépensées en secours par le Comitéde grève,- nombre d’arrestations,

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- montant des peines ajoutées,- durée du travail quotidien avant la grève,- durée du travail quotidien après la grève,- salaires avant la grève,- salaires après la grève,- avez-vous pratiqué l’arbitrage? si oui, quels

résultats? si non, pourquoi?Pour le Comité Confédéral:

Le Secrétaire général : A. LAGAILSE

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CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE DU TRAVAILSTATISTIQUE SUR LES

CONDITIONS GÉNÉRALES DU TRAVAILEN FRANCE

1er Questionnaire: (*)1- Quel est le nombre de salariés dans votrecorporation?2- Quel est le nombre d'établissements de fab-rication?

a- La proportion de leur personnel;3- Avez-vous remarqué une tendance àremplacer les ouvriers par des ouvrières ou desenfants? Dans quelles proportions? Veuilleznous faire une historique de votre profession.4- Quelle est la durée du travail?

- par jour,- par an.

5- Quelle est l'influence produite sur le salarié,par la subtitution du travail féminin au travailmasculin?6- Le travail se fait-il...

a- à la pièce?b- ou à la journée?c- Dans quelles proportions!

7- Quel est votre salaire quotidien?8- Quel est votre salaire annuel?9- Veuillez nous adresser un exposé succinttechnique du travail dans votre profession.10- Dans quelles conditions est appliquée la loidu 2 novembre 92 (Inspection du travail).Combien de fois votre inspecteur visite-t-ilchacun des établissements de votre localité, paran?

Nota: Les réponses seront faites sur des feuillesvolantes que vous établirez.

Afin de faciliter le travail de la Commission destatistique, prière de ne pas répondre à deux ques-tions sur une même feuille et ne pas écrire au verso.

Prière d'apposer le timbre de votre organisationsur chaque feuille des réponses, afin d'établirl'authenticité des renseignements.

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Pour le Comité Confédéral,Le Secrétaire Général, A. LAGAILSE.Adresser toutes correspondances au Citoyen

LAGAILSE... Les réponses devront être adresséesfin février au plus tard.

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Pendant ce temps, certains événements sesuccédaient et les organisations ouvrièrestravaillées par une presse sans nom jetaient dansnos rangs la note discordante.

Le travailleur, toujours prêt à enfourcher sondada de bataille, allait peut-être se prêter follementà une combinaison politique, qui, sous une formechauvine, n'était purement et simplement que lerétablissement du pouvoir du sabre et ducatholicisme.

Le Conseil s'émut et pour prévenir lescamarades, décida de lancer à profusion cettecirculaire:

CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE DU TRA-VAIL

Au Peuple! A l’Armée!

Citoyens,Est-ce le glas de la Société capitaliste qui

sonne? Nous, Travailleurs, les éternels exploités,nous n'avons pas à prendre parti dans ce conflitentre Juifs et Chrétiens! Les uns et les autres sevalent, puisqu'ils nous dominent et nous exploitent.

Nous ne pouvons, nous ne devons considérerque l'occasion, depuis longtemps attendue et quise présentera peut être demain, d'en finir avec tousnos exploiteurs, à quelque religion qu'ilsappartiennent.

En présence de la gravité de l'heure actuelle,nous devons tous nous organiser, et par tous lesmoyens dont puissent disposer les travailleurs:manifestes, meetings, grève générale, etc..., afinde pouvoir bientôt faire face à l'ennemi commun,pour défendre nos droits.

Depuis quelque temps, le bruit des sacs d'écuset les croassements des corbeaux se fontentendre. La Juiverie cosmopolite et les financierscléricaux s'imaginent déjà pouvoir déchiqueter lecadavre de la République, que la lâchetégouvernementale est en train de leur livrer.

Que les Révolutionnaires, que les Socialistes,que tous les Républicains sincères s'unissent dansun même élan de solidarité pour opposer unebarrière infranchissable à la caste des agioteursJésuites et Israélites réunis.

Travailleurs!La République, principe indispensable des fu-

tures émancipations sociales, est en péril.(*) A chaque question impliquant le personnel, troisrubriques: hommes, femmes, enfants.

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Socialistes révolutionnaires!Rappelons-nous les dates mémorables de 1793,

1830, 1848, 1871; soyons prêts pour défendre laRépublique et conquérir toute notre indépendance,

Soldats!N'oubliez pas que vous êtes fils de Travailleurs

; que demain, en sortant de l’armée soi-disantnationale, vous rentrerez presque tous dans l’arméeuniverselle du Prolétariat.

Prolétaires!Une armée républicaine n'a d'autres devoirs que

de défendre les libertés menacées, au lieu des'employer exclusivement au maintien del'oligarchie et du despotisme de la classecapitaliste.

Vive la Révolution sociale !Le Comité Confédéral.

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Nous arrivons à la périole électorale.Point n'est besoin de dire quelles dificultés il y a

pour réunir les camarades à tel moment.Les militants sont tout entiers à la lutte de l'instant.Pendant ce temps, nous tentions d'organiser la

Fédération nationale du textile et parties similaires,en même temps qu'un Congrès national de cetteindustrie, qui se tiendra à Reims dans les derniersjours d'octobre prochain.

Nous vous donnons le texte de la circulairelancée à cet effet:

CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE DU TRAVAIL

Paris, le 20 mai 1898,Bourse Centrale du Travail,Citoyens, Camarades de l'industrie lainière de

France,Conformément au paragraphe III de l'article 1er

des statuts de la Confédération générale du Tra-vail, le Conseil national, d'accord avec la Chambresyndicale ouvrière de l’Union des Travailleurs del’industrie lainière de Reims, croit de son devoird'appeler votre attention sur l'utilité de constituerune Fédération nationale corporative de l'industrielainière, afin d'unir sur le terrain économique, lestravailleurs de cette corporation.

Déjà des efforts ont été faits, mais sont restésvains, pour cette raison: que la lutte politique primaitla question économique.

Aujourd'hui, nous connaissons, pour notremalheur, toutes les difficultés qui surgissent d'untel état de choses, et c'est pour le conjurer que lesCongrès nationaux corporatifs de Limoges 1895,Tours 1896 et Toulouse 1897, ont décidé àl'unanimité de leurs délégués de repousser toutesdiscussions politiques dans le sein des organisa-

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tions corporatives.Camarades, l'œuvre que nous entreprenons

vous est connue; nous voulons résister àl'exploitation patronale de plus en plus grande dansvotre malheureuse corporation. C'est parce que lavie des travailleurs du tissage, de la filature, dupeignage, etc..., etc..., n'est plus qu'un véritablebagne, que nous vous invitons à vous grouper pourla résistance.

Il faut que les travailleurs de votre industrie sesolidarisent avec leurs frères du travail pour la luttecontre le capital, pour défendre leur droit à la vie.

Votre corporation est devenue la plusmalheureuse des industries françaises, c'estpourquoi nous vous disons: Travailleurs del'industrie lainière debout!

Comptant que vous répondrez à cet appel devos frères des bagnes de Reims, nous voussoumettons les questions suivantes:

1- Etes-vous partisans qu'un Congrès nationalde votre corporation ait lieu dans la ville de Reims,pour la fin d'août 1898?

2- Etes-vous partisans de créer une Fédérationnationale de l'industrie lainière, dans laquelle toutesquestions politiques ou personnelles serontexclues?

Fraternellement à vous.Vive l'émancipation des travailleurs par les

travailleurs eux-mêmes!Pour la Confédération générale du travail,Le Secrétaire général, A. Lagailse.Pour l’Union des travailleurs de l’industrie lainière

de Reims, le délégué à la Confédération, Thierrard.

BULLETIN D'ADHÉSION

Nous soussignés, membres de l'organisation............... de la ville ou commune de: ..................département de ...................................................

déclarons (adhérer) ou (repousser) la proposi-tion des camarades de Reims.

Les camarades qui auraient des propositions àfaire figurer à l'ordre du jour du Congrès voudrontbien nous les faire parvenir jointes au bulletind'adhésion.

Les réponses devront nous parvenir pour le 20juin au plus tard, afin de permettre, s'il y a lieu,l’organisation du Congrès à la date sus-mentionnée.

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Le Secrétaire général de la Fédération desBourses a cru devoir faire suivre dans son rapportune critique assez hardie en ce qui concerne lacréation d'une Fédération nationale des ouvriers duGaz.

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Cette question a été exploitée un peu partout,par ce citoyen, qui croyait trouver là un argumentqui pouvait déconsidérer nos efforts. Après les votesde blâme au Congrès d'Amiens, où Pelloutier - qu'ilsoit dit en passant - trouve le moyen de nousincriminer lorsque nous ne quittons pas la Boursedu Travail, attendu, fait-il dire, que nous en avonsreçu l'ordre du Congrès. Mais ce qu'il oublie de dire,c'est la question financière qui nous préoccupe, etla Fédération des Bourses nous est à cette heuredébitrice de quelques centaines de francs.

Mais revenons à la création de la Fédération duGaz.

Le dossier de cette affaire est là, à la dispositiondu Congrès. Nous voudrions publier toute lacorrespondance échangée. Mais il serait inutile, carune seule lettre du Secrétaire du Syndicat du Gazde Grenoble éclairera votre jugement:

Grenoble, 14 janvier 1898,Camarade,Par suite d'occupations très urgentes, ce n'est

qu'aujourd'hui que je viens m'excuser du long re-tard que j'ai mis à répondre à votre aimable lettredu 12 décembre dernier. Je tiens tout d'abord àvous remercier du concours aussi important qiiinattendu que vous nous apportez.

Puis à la date du 9 juillet 1898:

Mon cher Lagailse,

Votre lettre du 4 courant m'a causé un bien vifplaisir, en échange, dois-je le dire, une bien viveémotion.

Personne mieux que moi ne peut comprendrel'amertume que vous ressentez en voyant vos ef-forts impuissants contre la force d'inertie de ceuxauxquels vous vous adressez et incompris descamarades impatients de faire aboutir la réalisationd'une organisation dont ils ont conscience de toutel'importance.

Comme vous, je travaille très péniblement pourassurer mes moyens d'existence; comme vous,j'ai hâte de voir réussir les projets dont je m'efforcede faire saisir l'utilité à des camarades qui sont plusintéressés que moi-même à leur réalisation; etcomme vous aussi, souvent je m'arrête las etpresque vaincu devant tant d'indifférence etd'ignorance.

Et quand une campagne de dénigrement vientcouronner des efforts restés stériles par la fautedu manque d'éducation syndicale et du défaut desentiment révolutionnaire, on est bien tenté de toutabandonner pour s'enfermer dans la tour d'ivoiresi chère à ceux qui cultivent précieusement leur«moi»...

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Je crois qu'il serait inutile d'insister pour que leCongrès soit certain qu'il n'y a rien eu de notre faute.Cependant nous devons ajouter qu'aussitôt leCongrès terminé, notre premier travail serad'entreprendre la création de cette Fédérationnationale, et nous y apporterons tous nos efforts.

Ainsi que l'indique la lettre du citoyen Roche, etquoique y puisse faire le Secrétaire de la Fédérationdes Bourses, ce n'est pas cette organisation quiavait suscité les premiers pourparlers. C'était biennous.

Non seulement nous l'avons fait pour cette or-ganisation, mais nous avons fait des démarchesauprès de toutes les Fédérations nationales. Nousdevons ajouter que peu nous ont répondu, et quepas une n'a fait adhésion à notre organisation (saufcelles adhérentes antérieurement).

Nous aurions voulu n'avoir à vous entretenirspécialement que de nos travaux, ainsi que doit êtrenotre rôle, mais en face du parti pris contre nouspar le citoyen Pelloutier, agissant au nom d'ungroupement d'importance, lequel a cru devoir, dansson rapport, faire sur notre organisation une cri-tique qui a pu, chez certains, laisser une mauvaiseimpression, nous croyons de notre devoir dereprendre les passages les plus acerbes et en fairebonne justice.

Pelloutier prétend que le Comité fédéral étaitpartie intégrante de la Confédération générale etqu'à ce titre il prenait part à toutes les réunions duComité. Et il ajoute: «Dès le début, les séancesconfédérales eurent une périodicité régulière qui leurdonnait le caractère permanent interdit par leCongrès. Néanmoins, après avoir constaté que surdix-neuf ou vingt fédérations nationales de métiersexistantes, le Conseil confédéral n'en comptait quequelques-unes, et que, du reste, aucune œuvreutile ne serait possible tant que les fédérations demétiers seraient aussi inférieures au nombre desprofessions dans lesquelles il existe au moins cinqsyndicats, les délégués des Bourses du Travail nesongèrent point à s'en tenir à la lettre des statuts etmanifestèrent la volonté d'apporter au Conseil na-tional corporatif le concours de leur expérience enmatière d'organisation ouvrière».

Cette façon d'écrire l'histoire est des plusmensongère. Voici la vérité.

Nous l'avons dit déjà, la frayeur de Pelloutier etde ses quelques lieutenants était si grande qu'ilsvoyaient la Confédération absorber en partie lesorganisations cotisantes et là un grave danger pourle traitement de leur secrétaire.

Aussi, dès la première heure, on avait vouluasseoir un fidèle au Secrétariat de la Confédérationet c'est avec dépit que le soir de l'élection ilsquittèrent le Conseil.

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Mais Pelloutier veillait, et avec la fécondité d'espritque nous lui connaissons tous, il fit admettre parles siens une autre tactique.

Il s'agissait, ni plus ni moins, que de discuterd'une façon continuelle les attributions de chacunede ces deux artères: la Fédération des Bourses, leConseil national des Fédérations de métiers.

Par cette manière de faire, on espérait créer unedivision et dégoûter (si nous pouvons employercette expression) les camarades d'assister auxréunions.

Cette fois encore, la conception de Pelloutiern'enfantait qu'un fœtus.

Pelloutier, dans cette partie citée de son rapport,ainsi qu'on peut s'en rendre compte en analysantcette phrase, ne dit rien moins que ceci: «Ils étaientsi peu et leur expérience si moindre que nous leuravons fait un peu de charité de nosconnaissances». Et alors il s'empresse d'ajouter:«Dès les premières séances confédérales, en effet,ils (les fédéraux) firent présenter par la commis-sion de statistique (la seule qui ait jamais pu seréunir; deux projets d'enquête...».

Mais ce que Pelloutier n'ajoute pas, c'est qu'ilavait pensé, en faisant faire cette proposition parStroobant, que les doucuments qui allaient endécouler lui seraient d'une certaine importance.Aussi que de fois a-il fait tout son possible pour enêtre en possession! Et lorsqu'il ajoute «que dansune période d'un trimestre cette concentration auraitpu être terminée», il se ment à lui-même, car il saitbien qu'un travail aussi complet ne se fait pas en sipeu de temps par des hommes qui n'ont quequelques heures à dépenser par jour aux besoinsde la cause.

Ayant brossé un aussi sombre tableau, il croit lemoment favorable d'ajouter:

«En tout cas, ce premier échec (on se demandeou est l'échec?), «sans ébranler la confiance desdélégués des Bourses du Travail, leur fitcomprendre qu'avant de tenter aucune entreprised'ordre général le Conseil national corporatif devaità la fois obtenir des Fédérations le composantqu'elles se fissent représenter dans son sein».

Et cette parenthèse:«Les séances ne réunissant parfois que trois

ou quatre membres».Voyez cette gueuserie: voyant qu'on n'avait pu

se faire maitre dans la place, les délégués de laFédération des Bourses ne viennent plus, ou parfoisentre dix heures et demie et onze heures. C'est àla cantonnade - comme on dit au Vaudeville - lesmains dans les poches. On en profite pour jeterquelques paroles sans valeur, puis on disparaîtaprès avoir reçu du maître un coup d'œilapprobateur. Voilà la représentation effective!

Et lorsque la généralité des camarades des

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Fédérations de métiers sont à leur poste, et c'estgrâce à leur assiduité que la citadelle n'a pas étéprise d'assaut, on s'empresse de dire qu'ilsn'assistaient pas.

Mais quand on ment avec autant de sottise, onoublie toujours quelque chose, et ce quelque chose,les délégués au Conseil national, qui seront encoreen nombre au Congrès de Rennes, vous diront aumilieu de ces assises: «Citoyen Pelloutier, vousavez voulu déconsidérer des citoyens en publiantdes choses que vous saviez pertinemmentfausses. Nous vous disons : Vous en avez menti!».

Nous vous disons aussi: vous avez été lemauvais génie de la Verrerie ouvrière. Vous avezfait pour la citadelle du prolétariat ce que vous avezfait pour la confédération.

Par tous les moyens vous avez essayé depénétrer dans la place. Puis lorsque vous avez vuque vous ne pouviez en être le maître, vous aveztenté son effondrement. Qui a suscité tous lesprocès: vous! Qui a été semer la haine et la divi-sion à Albi: vous. Qui a renseigné certains journauxbourgeois sur la situation critique que subissait laverrerie?...

Depuis la réunion du 20 mars, réunion où toutesles organisations créatrices de la verrerie étaientreprésentées. Depuis ce jour où vous avez étébafoué et toutes vos saletés mises à découvert,vous auriez dû vous terrer et ne plus réapparaître.

En ce qui concerne les passages relatifs à lacréation d'une fédération nationale du gaz, nous yavons déjà répondu. On y retrouve encore là cettebassesse d'âme commune à notre antagoniste, quiprend encore à son actif des efforts de sa part quine se sont jamais produits.

Nous arrivons à cette convocation pour la réunionplénière, dans laquelle Pelloutier et consorts ontdécidé de faire de nouveaux statuts pour laConfédération.

Le Conseil National décide: que seuls lescongrès ont ce droit et qu'il n'appartient pas à unepoignée d'hommes de prendre de telles disposi-tions.

Le secrétaire général répond à la demande dePelloutier. Que fait celui-ci dans son rapport? Ils'empresse de publier cette lettre qui en faisaitressortir un refus formel de la part de Lagailse. Etsystématiquement, il retranche la dernière phrasede cette lettre, phrase ainsi conçue: «Il n'y a doncpas péril en la demeure et si le Conseil le juge àpropos il vous sera donné satisfaction aussitôt quepossible». Et le 26 juillet, Lagailse lui écrivait cettelettre: «Vous pouvez convoquer, pour le mardi 2août, à 9 heures du soir, au lieu habituel; vousporterez à l’ordre du jour: proposition du Comitéfédéral des Bourses». Encore un mensonge deplus établi à son actif.

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Il serait puéril de suivre plus longtemps cettecritique qui tombe d'elle-même. Cependant un pointencore.

Pelloutier croit devoir dire: «La Confédération nevit pas. Tandis que la Fédération des Bourses, elle,a une marche ascendante».

Cependant il faut reconnaître que notre organi-sation a fait acte de vitalité, même pour le comptede la Fédération des Bourses. Voyez plutôt.

Tandis que le Comité fédéral ne pouvait mêmepas payer ses cotisations à la Confédération, lorsde la circulaire relative à l'affaire Zola, - circulaireémanant du Comité fédéral des Bourses, où il étaitentendu que la Confédération qui, jusqu'à ce jour,avait fait face à toutes les dépenses communes, laFédération des Bourses prendrait ces frais à sondébit, qu'arriva-t-il?

Alors que les 20.000 circulaires étaient tirées,qu'il fallait payer l'imprimeur, et qu'il fallait en fairel'expédition, Pelloutier, qui, bien qu'il y eût à cetteépoque un trésorier titulaire à son organisation,répondit, lui, le véritable trésorier: «Je n'ai pasd'argent. Arrangez-vous!». Ses plus grands amiseux-mêmes en furent contrits. Voici la dépêchequ'écrivait à ce sujet Delesalle, à la date du 3 février1898:

Mon cher Lagailse,Comme j'en avais été chargé par le Comité

confédéral, j'ai été chez Pelloutier pour lui réclamerl’argent. Celui-ci m'a déclaré ne pas en avoir. Nousn'avons donc pu faire l'expédition ce soir. J'ai étécité Riverin (où il espérait trouver Lagailse), oùPacotte m'a prêté dix francs, plus quatre de mapoche; cela nous a permis d'expédier 4.000exemplaires en province.

J'ai promis d'expédier aux journaux, venez sansfaute, ce, soir, à la Bourse, salle 8, pour aviser à cequ'il y a à faire. Les manifestes sont tirés, il fautqu'ils partent.

Je n'ai pu retrouver l'adresse de notre trésorier(celui de la Confédération). Prévenez-le. Peut-êtrepourra-t-il nous tirer d'embarras,

Salut fraternel,Delesalle.

Inutile de dire qu'immédiatement notre secrétairegénéral fut à la Bourse, mais ne trouva pasDelesalle qui avait eu besoin de s'absenter, etLagailse, ayant reçu cette dépêche à 9 heures dusoir, n'a pu être à la Bourse qu'à 10 heures. Il n'ytrouva que deux camarades qui préparaient despetits colis.

Le 5, c'est-à-dire 48 heures après - Pelloutier,toujours dans les mêmes dispositions - Stroobantpasse à Lagailse un nouveau télégramme :

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Cher Camarade,Il est de toute nécessité que nous nous voyons,

pour prendre les mesures nécessaires concernantl'expédition.

Viens ce soir, je serai à la Bourse jusqu'à minuit.Je suis écœuré et peiné de ce qui se passe.

Stroobant.

Le soir même, Lagailse avançait, de sa poche,cinquante francs qu'il remettait à Stroobant, etl'expédition eut lieu.

Pelloutier a dit aux reproches qui lui étaientadressés à ce sujet:

En effet, je n'avais pas d'argent - vous savezque les Bourses ne versent leurs cotisations quepar trimestre. Or, je n'avais de provision, pour monsalaire, que pour mars, et je réservais ces fondspour me payer.

On n'est pas plus pessimiste!...Et il est à retenir que c'était Pelloutier qui avait

fait adopter l'envoi de cette circulaire. Il en fut mêmetrès félicité à l'Aurore, ou il est employé.

Mais ce que certainement il ne leur dit pas, c'étaitla façon qu'il employait pour la faire parvenir auxorganisations.

Enfin, et c'est par là que nous voulons terminerà ce sujet.

La Fédération des Bourses doit à cette heure àla Confédération plusieurs centaines de francs,dette librement consentie par elle.

Malgré cela, elle n'a jamais versé un rouge liard,som prétexte qu'elle n'a pas de fonds.

Nous croyons que, dans la circonstance, il yavait là une question d'amour-propre, et qu'il y avaitmieux à faire pour Pelloutier que d'allumer l'incendieet de se sauver en criant au feu!...

A notre tour, nous déclarons que cette façon defaire avait été concertée entre certains déléguésde la Fédération des Bourses, car un soir, dansune réunion confédérale, Delesalle, peu maître desa parole, déclara que les délégués du Comitéfédéral em... les membres du Conseil national,

Il y avait là plusieurs délégués et Pelloutier. Maisaucun d'eux ne s'inscrivit en faux contre cetteinsulte.

Plus tard, Lagailse souleva cette sortiemalheureuse de Delesalle. Certains de ses amisdéclarèrent alors qu'il y avait eu débordement desa pensée.

Il est cependant une chose à retenir: c'est quedepuis ce soir, Delesalle, secrétaire général adjoint,chargé de la convocation des membres de laFédération des Bourses, chargé de la rédaction desprocés-verbaux, n'assista plus aux séancesconserva par devers lui le registre desdits procès-verbaux et déclara, au sein du Conseil fédéral des

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Bourses, un soir que Lagailse, en tant que déléguéde la Bourse de Rennes, assistait à cette réunionet que Briat avait cru devoir interpeller relativementaux non convocations: «Lagailse m'avise bien desréunions, mais moi je ne convoque pas, parce quecela ne me plaît pas (1)».

Le Congrès jugera de cette attitude et tiendracompte de la façon de toutes ces bonnes volontés,mises en évidence dans le rapport Pelloutier.

Enfin, l'heure du Congrès était arrivée et nousavons fait encore, en cette circonstance, tout notrepossible pour mener à bien cette partie de notretâche.

Grenoble, qui s'était engagée, a cru devoir seretrancher derrière des considérants que nousn'acceptons pas pour notre compte. Mais, plutôtque de récriminer, nous avons cru plus efficace denous adresser ailleurs.

Rennes, consultée, a favorablement accueillinotre demande.

Aussitôt, nous avons lancé l'appel suivant, qui aété adressé à toutes les organisations de Franceet des colonies:

CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE DU TRAVAILXème Congrès national corporatif

IVème de la Confédération générale du Travail)

Aux Travailleurs, de France et des Colonies,Citoyens,Ainsi que nous en avons mandat des Congrès

nationaux corporatifs, nous venons vous convierau grand Congrès national corporatif de 1898, quise tiendra en septembre prochain, en la ville deRennes (Ille-et-Vilaine).

Le Congrès de Toulouse (1897) avait indiqué laville de Grenoble, et le mandataire des Organisa-tions ouvrières de cette région de l'Isère avaitaccepté avec satisfaction cette décision.

Depuis cette époque, la Bourse du Travail decette ville nous a fait connaître qu'il s'était produitdes obstacles qui ne lui permettaient plus demaintenir cet engagement.

Nous avons donc fait appel à la Bourse du Tra-vail de Rennes, qui s'est empressée de faire lesdémarches nécessaires auprès de la municipalitéde cette ville, et à laquelle, nous nous empressonsd'exprimer toute notre gratitude.

Camarades, cette année vous aurez à prendredes dispositions énergiques, si vous voulez que lasituation des travailleurs cesse d'être le tableauvivant de la misère.

Devant le capital qui chaque jour enserre les con-

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ditions onéreuses du travail, vous aurez à montrervotre ferme volonté d'en finir avec ces bagnesplébéiens.

Vous aurez à affirmer que les forces duprolétariat, quoi qu'en disent certains exploiteurset gouvernants, ne sont pas aussi vaines qu'ils leprétendent; et que lassés d'une vie rien que depeines, vous vous êtes décidés, par tous lesmoyens légaux, à sortir de cet atavisme qui fait devous de véritables serfs plus malheureux encorequ'au temps de la féodalité.

Citoyens, l'heure est solennelle, il n'y a plus àhésiter il faut que tous les travailleurs se sententles coudes et marchent hardiment à la conquêtede leur émancipation.

La terre est assez fertile pour faire vivre tousses enfants. Il ne faut plus que les parasites viventaux dépens de celui qui travaille, et considèrent quetout est pour le mieux quand leur estomac estsatisfait. Pour eux, toutes les satisfactions. Auxautres, tortures et souffrances.

Au nom de la justice qui ne doit pas être un vainmot, si vous savez le vouloir; au nom de cettehumanité qu'on immole au veau d'or; au nom devos enfants, de vos familles qui végètent dans cettemisère qui les tue, nous vous disons: Camarades,ce n’est que dans les assises du travail que vouspouvez élever la voix et vous faire entendre; maispour que vous soyez écoutés, il faut être le nombre,qui est la force. Si vous le voulez, rien ne sauraitvous résister. Mais il faut vouloir!

Vous êtes la richesse, vous êtes lesproducteurs directs de toutes les merveilles del'industrie, comme nos camarades des champssont les seuls producteurs du sol.

Pas plus eux que vous ne profitez de cetteaisance que doit donner le travail. Pas plus vousqu'eux n'avez votre part de ces richesses dues àvotre labeur, à votre intelligence, à votre énergie.

Le machinisme aidant, autant dans l'une quedans l'autre classe des travailleurs, vous voyezchaque jour le chômage prendre de nouvelles pro-portions. L'offre et la demande restent acquises àceux qui vous exploitent, à l'aide d'instrumentsforgés par vous, et dont le seul but est de vousfaire esclaves, ou sinon, c'est la faim pour vous etvos familles.

Travailleurs! ne reste-t-il plus de ce vieux sangde nos pères qui, dans un seul jour, rasèrent laBastille?

Frères de travail et de misère, ne trouvez-vouspas qu'il en est assez de cette exploitation de labête humaine?

Travailleurs des villes et des champs, debout!Vive l'émancipation des travailleurs !

Pour la Confédération générale au TravailLe Conseil National.

(1) Ce jour, 6 septembre 1898, Delesalle mis en demeurepar lettre recommandée d'avoir à rendre le livre desprocès-verbaux, la lettre nous est retournée avec la men-tion: Refusée.

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Nota: Les Bourses du Travail, Fédérations,Syndicats et Groupes corporatifs sont priés denous faire connaître, dans le délai de vingt jours,quelles sont les questions qu'ils désirent voir fi-gurer à l’ordre du jour....

Adresser toutes les correspondances...

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Camarades,L'année dernière, le Conseil national nous avait

proposé la modification aux statuts, dans ce sens:qu'il croyait qu'il y avait lieu, pour créer une grandeorganisation prolétarienne, de laisser le champ libreà toutes les Organisations ouvrières, afin d'opposeraux pouvoirs publics une concentration n'ayantqu'un but, qu'une volonté: L'émancipation ouvrière...

Nous espérions que sur ce terrain purementéconomique les travailleurs trouveraient le traitd'union indispensable pour la réussite de nos ef-forts.

Il n'en a pas été ainsi, et l'effort que nous aurionsvoulu faire n'a pas été encore ce que nous aurionsdésiré.

L'heure n'est pas, quant à présent, de vous ex-poser nos vues, nos espérances, nous réservantpour notre rapport au Congrès. Mais nous nesaurions trop vous recommander, Citoyens, d'enétudier les moyens pratiques, en vous reportant ànotre circulaire du 23 juin 1897 (page 41 du compterendu des travaux du IXème Congrès (Toulouse1897).

En ce qui concerne le journal du prolétariat, ainsique nous en avions mission du Congrès, nous noussommes empressés de faire établir des cartes demembres fondateurs honoraires et toutes lesBourses du Travail et Fédérations en ont été misesen possession. Les Syndicats les plus en vue enont aussi été pourvus et nous espérions que chacundans son ressort ferait tout son possible pour activercette propagande. Hélas! là encore, nosespérances ont été amoindries.

Cependant, il faut reconnaître, Citoyens, quesans ce levier puissant, l'organe du prolétariat, ilfaudra beaucoup de temps pour amener à nousles camarades inconscients ou timides. II fautsemer toujours et toujours si nous voulons récolter.

A l’aide de cet organe, il nous sera facile de faireentrer dans les plus humbles chaumières et dansles fonds les plus reculés, l’idée d'émancipation.

Aussi, Citoyens, c'est d'une manière toutespéciale que nous vous prions d'examiner cettequestion, primordiale au premier chef et que nousvous disons: Dès à présent, dans les ordres dujour de vos réunions, il faut traiter cette questionafin que lorsque vous viendrez au Congrès deRennes, vous vous prononciez sur la vitalité de

cette feuille, indispensable pour le triomphe de notrecause.

Il faut qu'à Rennes, chaque Groupement, nonseulement s'inscrive d'une façon officielle pour unnombre de cartes de membres-fondateurs, maisencore que dans la mesure de ses moyens ils'engage à souscrire aux obligations de cent francs,que vous avez décidé d'émettre.

Nous attirons donc toute votre attention sur cettecréation, confiants que vous comprendrez toute sonimportance.

Nous croyons inutile de répéter que cet organene sera pas, ainsi que certains le supposent, unjournal purement corporatif, mais un journal donnantla même satisfaction, avec les mêmes éléments,que le plus grand des journaux parisiens; avec cettedifférence qu'il sera la propriété du prolétariat, qu'ilsera en dehors de toute coterie politique, n'ayantqu'un but : Le triomphe des travailleurs.

Le Conseil national insiste donc auprès de vous,Citoyens, pour que cette fois les délégués seprononcent d'une façon catégorique et que, de cefait, le journal du prolétariat puisse voir le jour etengager la lutte contre le capital exploiteur.

Le secrétaire général, A. Lagailse.Nota: Les Organisations qui possèdent en dépôt

des cartes de membres honoraires sont priées denous faire connaître où elles en sont de leur place-ment et, si possible, de nous adresser les fondsdu produit de cette vente.

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Le Congrès national corporatif pour 1898 étaitassuré.

A ce moment, un fait pouvant être d'une certaineimportance pour le prolétariat semblait vouloir seproduire. Les employés de Chemins de fer n'ayantpu obtenir la plus petite parcelle du bien-être auquelils sont en droit de prétendre, firent une consulta-tion au prolétariat, consultation qui selon lesréponses pouvait affermir leur énergie.

Dans ce cas, nous avons cru devoir apporternotre concours et nous avons adressé à toutes lesOrganisations ouvrières de France la circulairesuivante:

CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE DU TRAVAILSecrétariat,

Aux Organisations syndicales de France,

Camarades,Un événement d'une importance considérable

paraît être sur le point de se produire: c'est la grèvedes Chemins de fer.

Cette grève, depuis longtemps désirée par lesmilitants qui préconisent la Grève générale,

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entraverait rapidement l'arrêt du travail denombreuses industries. Seule, par conséquent, lagrève des chemins de fer peut déchaîner dans toutela France, un mouvement dont les conséquencesseront redoutables pour le capitalisme.

Depuis plusieurs années, tous les Congrèsouvriers ont reconnu l'inutilité et même le dangerdes grèves partielles; elles ont rarement abouti, etencore, dans ce cas, leurs résultats n'ont pastoujours été durables.

C'est pour cela que l’idée de la Grève généralea fait en France des progrès rapides. Tous lesCongrès nationaux corporatifs annuels qui se sonttenus depuis 1892 ont, sans exception, adoptécette idée, c'est même à la presque unanimité queles Organisations syndicales, réunies aux Congrèsde Tours 1896 et Toulouse 1897, ont voté la Grèvegénérale de tous les métiers.

Dans ces conditions, ne convient-il pas deconsidérer la grève des Chemins de fer commedevant être le signal de la Grève générale?

On objecte parfois que les Syndicats negroupent pas toujours la majorité des travailleurs.Qu'importe! I’expérience ne prouve-t-elle pas que,lorsqu'une grève éclate, elle entraîne avec elle lesnon syndiqués?

Dans la circonstance, étant donné la multiplicitédes grèves éclatant le même jour, il y aurait danstout l'organisme social une telle perturbation, quele gouvernement ne pourrait venir au secours despatrons. Dans ces conditions, la victoire seraitinfailliblement du côté des travailleurs, et cela dansun délai très court.

En Belgique, la Grève générale de deux indus-tries seulement, a obligé la royauté à concéder enfinau peuple le droit de vote dont il ne jouissait pasencore. En France, il a fallu une révolution sanglantepour arracher ce droit. Si la grève de Belgique avaitduré deux jours de plus, c'est peut-êtrel'émancipation absolue qui en serait résultée pourles prolétaires belges.

La Grève générale, comme on la conçoit enFrance, s'étendant non seulement à deux indus-tries, mais à toutes, ne saurait être de longue durée.Aux Chemins de fer se joindraient les corporations- et elles sont nombreuses - qui ont proclamé dansles Congrès ouvriers leur volonté d'aboutir aumoyen de la Grève générale.

Le Syndicat national des Chemins de fer a faitconnaître à la Confédération générale du Travail qu'ilavait adressé à toutes les organisations syndicalesde France une circulaire leur demandant si ellesse joindraient au mouvement.

Nous ne pouvons qu'engager tous les Syndicatset Fédérations à répondre au Syndicat desChemins de fer, 9, cité Riverin, à Paris.

Tous les Syndicats réclament la retraite pour les

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travailleurs âgés ou infirmes, la réduction de ladurée du travail avec fixation d'un minimum desalaire, la suppression du marchandage, lafermeture des officines de placement, etc...

Si on veut obtenir tout cela, ce n'est plus le mo-ment de discourir; c'est l'heure de l'action! Et, siles travailleurs de chemins de fer cessent le tra-vail, il faut que, d'un bout à l'autre de la France,comme une traînée de poudre, tous les syndicatsen même temps se joignent au mouvement, etréclament, eux aussi, le bien-être, la liberté, la jus-tice.

Si donc la grève se généralise, la Confédérationgénérale du Travail aura pour devoir de faire aboutirles principales revendications formulées par lesCongrès nationaux corporatifs et la Grève necesserait que lorsque tous les travailleurs, sansexception, auraient obtenu:

1- La retraite pour tous les travailleurs âgés ouinfirmes;

2- La journée de huit heures;3- La fixation d'un minimum de salaire;4- La suppression de la concurrence faite au

travail par les prisons et couvents;5- La suppression du marchandage;6- La suppression des amendes;7- La suppression des bureaux de placement;8- La réforme de la prud'homie.Telles sont les questions principales qui

intéressent l'ensemble des travailleurs, et quipourraient être réalisées en quelques jours si laclasse ouvrière, consciente de sa force et de sesdroits, veut agir énergiquement,

Recevez, citoyens, nos salutations fraternelles.Pour le Conseil national:

Le Secrétaire général, A. LAGAILSE.

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RAPPORT DU CONSEIL NATIONAL

Deuxième partie:

Nous venons attirer votre attention d'une manièretoute spéciale en ce qui concerne l'apparition deL’Eveil, le journal du prolétariat.

Depuis le Congrès de Tours, les organisationsdevraient savoir à quoi s'en tenir sur les avantagesqu'offre cette publication au prolétariat.

Les travailleurs doivent être fixés sur les senti-ments de la presse quelle qu'elle soit à l'égard denos revendications.

Les journaux, à quelque nuance qu'ilsappartiennent, ont des intérêts à respecter, intérêtsqui ont pour eux leur importance, puisque c'est laquestion de vitalité.

Les groupements politiques qui inspirent ces

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journaux ont des intérêts personnels et, en dehorsde leur tactique, ils verraient d'un mauvais œil queleur feuille mène une campagne qui d'abord leurrapporterait peu, puis leur créerait des ennemisdans le monde bourgeois, détenteur de la finance.

Cependant, lorsque la création de notre journalfut connue, des hommes compétents dans la ques-tion de la lutte de classes furent d'avis que leprolétariat avait là une idée superbe pour laréalisation de leurs espérances.

Jaurès, dans la Lanterne, à la date du 21 février1897, écrivait:

ŒUVRE NÉCESSAIRE:

Je me félicite de pouvoir, par cette Tribune Librede la Lanterne, entrer en relation avec desdémocrates, des républicains qui ne sont pas tousentièrement d'accord avec nous sur l'idéesocialiste.

Ils veulent des réformes: ils détestent lesgouvernements de cléricalisme et d'oligarchie, deréaction religieuse et de réaction sociale. Ilscomprennent la nécessité de donner au travail desgaranties contre la force croissante du capital. Maisils répugnent à notre conception finale, ou tout aumoins ils hésitent à s'y engager.

Or, nous avons la conviction profonde qu'il estimpossible aujourd'hui, par de simplesremaniements de détail, de résoudre le problèmesocial. C'est tout le système social qu'il fautchanger par la substitution de la propriété collec-tive à la propriété capitaliste. Nous avons la con-viction aussi que, partout, les salariés, les écrasés,ayant conscience de leurs intérêts de classe et deleur rôle historique, doivent s'unir en une actioninternationale pour le commun affranchissement.

Et j'espère que nous pourrons dissiper, par delibres et amicales explications avec tous lesdémocrates, les défiances qui empêchent encoretoutes les forces de progrès de se grouper dansl'idée collectiviste et internationaliste.

Mais aujourd'hui, je voudrais m'adresser à ceuxqui sont déjà socialistes, je voudrais m'adresser àtous les groupes politiques et à tous les groupescorporatifs de notre parti, pour leur soumettre uneidée qui me parait absolument urgente.

Le parti socialiste ne peut pas exister, il ne peutpas se développer sans un journal, sans un organequotidien. C'est un moyen nécessaire depropagande, de défense et d'attaque.

Or, des expériences récentes ont montré quele journal socialiste devait être la propriété, et lapropriété exclusive du parti socialiste tout entier. Sic'est un capitaliste qui est le propriétaire du jour-nal, le journal, et par conséquent le parti, peut êtreconstamment à la merci du commanditaire. En se

retirant brusquement, il peut le tuer. Il peut essayerde lui imposer ses conditions. Et tout cela estinacceptable. Un parti comme le nôtre, qui estappelé, par sa doctrine même à combattre à la foistous les grands intérêts capitalistes et toutes lesforces gouvernementales gardiennes de cesintérêts, doit combattre avec des armes qui soientà lui, rien qu'à lui, et que l'ennemi ne puisse jamais,à la minute décisive, briser ou fausser dans sesmains.

A coup sur, tant que notre parti, incertain, débile,s'était affirmé seulement par l'énergie de quelquesvolontés individuelles, il a lutté comme il l’a pu, il autilisé (et il a eu raison) toutes les armes que mettaiten ses mains la faveur naissante des événements.Mais aujourd'hui il est assez puissant, il répond àdes besoins assez vastes pour pouvoir seconstituer un journal qui soit son œuvre et sa chose.

Est-ce qu'il n'en est pas ainsi partout àl'étranger? Les socialistes allemands ont un jour-nal central qui est la propriété exclusive du parti. Iln'est pas seulement rédigé, il est administré etpossédé par lui, et tous les ans c'est le Congrèsgénéral du parti socialiste qui discute, à la fois, laconduite administrative et la marche politique dujournal.

De même, en Belgique, le journal le Peupleappartient à nos amis et à nos amis seuls. Dèslongtemps, grâce à son vaste mouvementcoopératif, la Belgique socialiste a pu se créer unjournal bien à elle, où aucun commanditaire, aucuncapitaliste n'a une part de propriété.

Enfin, et c'est l'exemple le plus récent et le plusdécisif, le parti socialiste italien, malgré la pauvretéextrême du prolétariat, malgré les brutalitéscrispiniennes qui avaient dissous tantd'associations et de groupes, est parvenu àconstituer un journal à lui. Les militants socialistesde l'Italie ont multiplié les réunions payantes, lessouscriptions, et ils ont recueilli enfin le capitalnécessaire. Ils ont maintenant en leurs mains undécisif outil de combat.

Qu'est-ce qui s'oppose donc en France à unpareil mouvement et à un pareil résultat? Rien,absolument rien.

Dira-t-on que les diverses fractions socialistesse défient les unes des autres, et qu'elles n'ont pastoutes exactement la même conception? Mais laconception fondamentale de tous les socialistes estla même. Qu'ils s'appellent blanquistes, marxistes,broussistes, allemanistes, collectivistes oucommunistes, tous sont d'accord pour substituerà la société capitaliste une société où les moyensde production et d'échange seront appropriés parla nation, et le journal conçu dans un esprit de largeunion, laissant place aux divergences secondairesqui n'excluent pas l'unité essentielle du principe,

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grouperait sans effort toutes les organisations.Dira-t-on qu'entre les groupes politiques et les

groupes syndicaux il y a des dissentiments et desdéfiances qui rendraient difficile l'action commune?Mais quel est le socialiste qui ne proclame pas lanécessité des groupements corporatifs? quel estle syndiqué où le coopérateur qui ne proclame pasla nécessité d'une transformation générale del’ordre social, c'est-à-dire de l'action politique etsocialiste ?

Cela est si vrai que déjà la Confédération du tra-vail qui comprend des groupes syndicaux, chercheen ce moment à fonder un journal corporatif cen-tral qui ferait une place à la politique. Et c'est bienencore un signe que les travailleurs socialistescomprennent de plus en plus la nécessité d'avoirun journal à eux. Mais cette tentative n'exclut pascelle que j'indique, car il n'est pas possibled'enfermer l'action politique dans les cadres dumouvement syndical.

Ce qui importe, c'est que le journal du partirépondant à la fois à l'idée politique et à l'idéesyndicale, soit nettement pénétré partout de l'espritsocialiste et assure aux groupes ouvriers une largepart de direction et de contrôle. Ainsi les défiancesfunestes que nos ennemis voudraient exciter en-tre ceux qu'ils appellent «les parlementaires» et lemonde du travail se dissiperaient d'elles-mêmespar la loyauté d'une action commune.

Je prie instamment nos amis de toutes les or-ganisations socialistes et de toutes les organisa-tions corporatives de mettre à l'ordre du jour deleurs groupements cette question vitale: création,car le parti socialiste, d'un journal qui appartienneà tout le parti socialiste et à lui seul.

Jean Jaurès.

Si Jaurès parlait ainsi, c'est qu'il jugeait, commenous, qu'un journal, pour mener à bien une lutteincessante contre le capital, devait avant touts'affranchir du droit de propriété de ces financiersqui dirigent la politique, de ces feuilles quicomprennent dans leur rédaction des hommespleins de bonne volonté envers les travailleurs, maisqui sont prisonniers de leur idée, la ligne de conduiteétant établie par les «propriétaires», avec défensed'en sortir, sous peine d'être évincés.

A la date du 11 octobre 1897, aussitôt après leCongrès de Toulouse, dans le «Réveil desTravailleurs de la voie ferrée», notre camaradeLagailse écrivait:

LE CONGRÈS NATIONAL CORPORATIFDE TOULOUSE:

Le Congrès est termine. Les délégués dechaque organisation sont rentrés dans leurs foy-

ers. Chacun d'eux a repris le dur labeur que luiimposent les besoins de l'existence

Dans quelques jours, tous les délégués aurontfait à leurs groupes le compte rendu de ce Congrèset les camarades se rendront compte qu’il estdestiné à marquer dans les annales de la lutteéconomique.

Les travailleurs, prenant de plus en plus con-science de la misérable situation qui leur est faitepar le capital exploiteur, luttent avec plus d'ardeurencore pour conquérir leur émancipation,

Partout on s'organise, partout on approfondit lesquestions corporatives, on recherche le moyen leplus prompt et le plus efficace de faire aboutir lesmeilleures solutions, on approfondit le vaste etcomplexe problème économique et une généreuseémulation s'empare de chacun, et tous brûlent dudésir de hâter la solution si impatiemment attendue.

Aussi, à ce Congrès, la discussion fut-elle desplus animées et, disons-le, des plus fructueuses,chaque délégué étant venu porteur de rappotsmûrement étudiés par les groupes.

Depuis 1886, époque à laquelle eut lieu le pre-mier de ces Congrès corporatifs, jamais les ques-tions ouvrières n'avaient été débattues avec unetelle ampleur. L'ordre du jour, bien que très chargé,a été complètement épuisé. Tous les pointscependant en ont été mûrement étudiés.

Et c'était plaisir de voir avec quelle abondancede détails précis, avec quelle sûreté de jugementles travailleurs abordaient les questions les plusardues, dont on leur avait jusqu'alors tenu la solu-tion comme étant l'apanage des seuls bourgeois,sous le vain prétexte que ceux-ci avaient reçu uneinstruction appropriée.

Mais il est passé le temps ou Prolo coupait dansce boniment, où mains et gueules noires secroyaient dans l'obligation de remettre la défensede leurs intérêts aux mains de bourgeois, pseudo-libéraux, qui toujours les bernèrent. Aujourd'hui, lestravailleurs ont secoué le joug et désormais ils sontdécidés à faire eux-mêmes leurs affaires. Qui doncpourrait les en blâmer. Et grâce à leur énergie, àleur esprit d'initiative, à cette heure la question sepose ainsi: ou le capital fera des concessions ou lalutte sera engagée contre lui à brève échéance. Etles travailleurs peuvent sans effroi envisager la luttefinale. Organisés dans leurs Syndicats qui eux-mêmes sont puissamment groupés dans laConfédération du Travail, formant une arméedisciplinée, ils peuvent, dès à présent, prendre con-tact avec les forces capitalistes. Ils commencentà savoir que les Travailleurs, étroitement unis,peuvent tout, car ils sont le nombre, ils sont la force.

Pour arriver à ce but, pour qu'il apparaisse àtous bientôt tangible, le Congrès de Toulouse a

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donné une cohésion plus grande à la Confédérationdu Travail. De ce fait, cette organisation va pren-dre une extension plus grande. Déjà, au cours duCongrès, de nombreuses organisations y ontadhéré.

A l'œuvre donc, prolétaires! Que chacun devous prenne conscience de sa force, qu'il poussede tout son pouvoir les indifférents et les tièdes àvenir, dans chaque corporation, grossir lemouvement syndical.

Si vous voulez que prenne fin votre servage, sivous avez à cœur de redevenir des hommes libres,ayant conscience de leur dignité, travailleurs, il n'ya point à hésiter, syndiquez-vous! S'abstenir, setenir a l'écart, c’est volontairement déserter le de-voir.

II faut que nous ayons sans cesse sous lesyeux: la première partie, devise que nos ancêtresavaient inscrite sur le drapeau noir:

«Vivre en travaillant. Et tant pis pour qui nousforcerait à nous rappeler la seconde moitié: oumourir en combattant».

A. Lagailse.

Plus tard, à la date du 4 novembre 1897, le mêmejournal, où il était fait une étude des travaux de ceCongràs, disait au sujet de cette feuille on instancede paraître:

PUBLICATION D'UN JOURNAL QUOTIDIEN:

Un important débat a eu lieu sur la publicationd'un journal quotidien économique, dont la créationavait été décidée en 1896 par le Congrès de Tours.

La Confédération générale du Travail a reçu mis-sion de recueillir les sommes nécessaires à cettepublication.

Pour donner aux organisations ouvrièresl'entière propriété du journal, le Congrès a adoptéles moyens financiers suivants:

1- Abonnements souscrits d'avance;2- Emission d'actions parmi les Syndicats;3- Prêts consentis par ceux-ci;4- Vente de cartes de membres fondateurs.Par ces moyens, le prolétariat sera bientôt doté

d'un puissant moyen de propagande qui manquaitau mouvement socialiste français.

La ligne de conduite du journal a été longuementdiscutée; il traitera plus particulièrement les ques-tions économiques, mais laissera néanmoins uneplace à la politique générale.

Toutefois, il est formellement décidé qu'ils'abstiendra de faire de l'action électorale. Il sebornera, en cette matière, à indiquer au titre “Infor-mations” les noms des divers candidats, sans enpatronner aucun.

Le journal contiendra évidemment tous les

éléments gue l'on trouve dans les quotidiensactuels: faits-divers, sports, théâtres, courrierparlementaire, chroniques, feuilletons, y trouveronttout naturellement leur place; en un mot, lestravailleurs entendent faire de leur journal le pluscomplet et le mieux informé des quotidiens.

Se plaçant sur le terrain de la lutte de classes,le journal du prolétariat s'adressera exclusivementaux travailleurs, aux opprimés, aux spoliés, etmènera une lutte ardente contre le régimecapitaliste.

Les rédacteurs, qui seront choisis avec soin,devront être syndiqués; toutes les opinions pourrontlibrement-être exposées. Aucun article ne serasigné.

Nous regrettons de ne pouvoir donner ici lemagnifique rapport de la Commission qui a étudiécette question. Nos camarades le trouveront in ex-tenso dans la brochure du compte rendu duCongrès que vont faire paraître prochainement noscamarades de Toulouse.

Les délégués du Syndicat national desTravailleurs des Chemins de fer

Dans cette partie de notre rapport, nous avonstenu a vous reproduire nombreuses citations dejournaux qui s'intéressent à la cause, afin de prouveraux camarades que notre idée est partagée par tousles militants du travail.

Voici le Bulletin Officiel des ouvriersmétallurgistes, à la date de mai 1897:

DEUX EXPULSIONS:

Quelle frousse, mes amis ! L'on dit encore, danscertains milieux, que l'action syndicale ne produirajamais rien d'efficace, que, seule, l’action politiqueproduira de merveilleux effets. Il apparaît,cependant,que la politique syndicale est bien celle qui tournele plus la caboche et donne des coliquesépouvantables à nos dirigeants, au point de ne plusavoir de raison, car, véritablement, l'on se demandes'il y a encore du sang-froid et de la réflexion chezdes gens qui ont entre leurs mains la destinée detout un peuple.

Eh oui, camarades, oui, il y a dans l'actegouvernemental une lâcheté et une canaillerie: c'estce que la peur oblige de faire dans certainescirconstances.

Pensez donc, nos camarades Mac-Pherson etTom Mann, les expulsés en question, sont deuxtravailleurs anglais, représentant une force qui peuttenir en échec la vie du monde, lorsque cette forcesera organisée dans tous les ports nationaux etinternationaux, comme à Londres, par exemple.

Or, l’on sait, en haut lieu, combien le peuplefrançais est impressionnable, a d'emballement, et

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l’on s'est dit: il ne faut pas laisser parler ni séjourneren France deux représentants sympathiquescomme le sont ces deux travailleurs anglais, quiseraient capables d'organiser tous les miséreuxdes ports, parce qu'alors, avec ces diables dechemineaux, la Grève générale s'accomplirait tropfacilement.

Voilà, camarades, la raison qui a motivél'expulsion de nos deux amis.

Eh bien, puisque patronat et dirigeants nousmontrent leur faiblesse, il y a donc lieu, pour tousles citoyens conscients, de préparer la besogneque venaient faire chez nous, et pour tous, nos amisMac-Pherson et Tom Mann, et cela peut se fairetrès promptement.

Que toutes les Chambres syndicales qui ontquelques billets à la Caisse d'épargne - qui serventles intérêts de nos ennemis communs - fassentcomme l'Union des ouvriers métallurgistes del'Oise, qu'elles les déplacent et en fassent prêt à laConfédération générale du Travail, pour activer lesrésolutions du Congrès de Tours, qui a décidé lacréation d'un organe quotidien.

Voila, camarades, ce que chacun de vous doitfaire, et lorsque vous aurez un organe de combatet de propagande qui vous rapportera plusieursmillions de bénéfices par an, comme le Petit Jour-nal et le Petit Parisien les servent comme bénéficesà leurs actionnaires, avec ces millions, dis-je, vouspourrez, quoi que fassent patrons et dirigeants, or-ganiser non seulement les ouvriers des ports, maistous les travailleurs des villes et des campagnesqui sont restes réfractaires à l'association, ou enont été empêchés par l'omnipotence des potentatslocaux et la trahison de nos gouvernants, qui ontpour mission de protéger les faibles.

Il ne s'agit donc plus, camarades, de faire desordres du jour de blâme et de révolution enchambre; tout cela c'est de la blague et puérilitéindigne de citoyens sérieux.

Ce qu'il faut, c'est de l'argent. Tous les Syndicatsen ont plus ou moins. Il y a une œuvre grandiosede propagande à faire surgir. Que chaque Syndicatapporte son obole; que ceux qui n'en ont pasimposent leurs membres de quelques sous pen-dant quelques mois, afin que la mitraille abonde àla Confédération, et bientôt surgira de notre journalla clameur-populaire, et nos exploiteurs encrèveront d'elïroi, et notre vengeance s'accomplira,

Crèvedefaim.

Et un an après, ce même journal indique bienque les militants qui l'inspirent n'ont pas changédans leur opinion. Voici ce qu'ils écrivent:

L’EVEILC'est avec joie que nous voyons reprendre par

la Confédération du Travail le projet de création d'unorgane du prolétariat prévu par les Congrès deTours et de Toulouse.

J'ai dit et proclamé en ce journal, il y a trois mois,l'indispensable utilité d'un seul groupementd'ouvriers métallurgistes ce qui ne se réalisera quepar le groupement de toutes les forces ouvrières,car, par la cohésion de nos Organisations, nouspourrions nous acheminer plus promptement versla réalisation de nos revendications.

La création d'un journal prolétarien sera le plusgrand chef-d'œuvre de notre Confédération; cejournal est indispensable, il nous le faut absolumentpour grouper dans une intime pensée les multiplesSyndicats de notre pays, et cela en dehors detoutes les coteries politiques, dont il nous fautparfois «mendier» l'insertion d'un maigre filet dansleurs organes quotidiens.

Et cela est facile et fort réalisable; il appartient àtous les travailleurs de s'associer à cette œuvreprédominante entre toutes pour le succès de notrecause.

Pourquoi les parias ne consacreraient-ils pas lesou journalier à l'achat de notre organe? Pourquoitoutes les Organisations n'en assureraient-elles pasla vente et le contrôle?

Àh! je sais pour ma part ce qu'il y a dedifficultueux à créer un journal et surtout à le fairevivre, car ce n'est pas sur le capitalisme qu'il faudracompter pour la réussite, au contraire de certainesfeuilles, et sur nous.

Or, nous avons tout d'abord l'heureuse innova-tion de la Commission d'organisation en ce quiconcerne la vente de cartes à 25 centimes; nepourrait-on, en dehors des cotisations desintéressés, organiser par toute la France,conférences, fêtes, etc..., dont le bénéfice pécunieret la propagande seraient de précieux éléments?

Pour notre part, nous sommes prêts à faire tousnos efforts pour aboutir au succès; on nous dirasans doute et avec raison que c'est bien souventque l'on fait appel au pécule si maigre destravailleurs, ce n'est que trop vrai, mais enfin il fautaboutir surtout par ce moyen qui viendra avec letemps procurer des bénéfices pour parachever lemouvement ouvrier.

Après l'agitation électorale du mois de mai, il nedoit pas y avoir de trêve. En lutte donc, camaradesd'atelier, toujours et quand même jusqu'à la victoirefinale.

En dehors de toutes coteries, je ne saurais trople répéter, il y a place à la voix du peuple, de celuiqui travaille. A l'œuvre pour le triomphe!

L. Juillet.

Puis, c'est dans le Réveil des Mouleurs, à ladate d'octobre 1897, qu'on s'exprime ainsi:

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ATTENTION, LECTEUR!La question la plus importante du Congrès de

Toulouse était la création d'un journal quotidien parla Confédération générale du Travail; elle a étérésolue après une longue et laborieuse discussion;nous donnons ci-dessous quelques détails sur sonorganisation, ainsi que les conclusions adoptées.

On se souvient que l'idée de fonder un tel jour-nal remonte au commencement de l'année1895.Un de nos membres, délégué à la Confédération,se mit courageusement à l'étude, lit un rapport trèsapprofondi, tant au point de vue matériel qu'au pointde vue technique. La question fut posée auCongrès en septembre 1896. La Confédérationdéposa le rapport, il fut très applaudi ; bon nombrede délégués qui avaient mandat de voter contre serallièrent à l'idée intelligente et hardie; les conclu-sions furent adoptées à l'unanimité moins 3 voixsur 70 délégués présents.

Nous avons consacré plusieurs articles à cesujet, en démontrant combien d'avantagesprocurerait aux travailleurs un journal quotidien,intelligemment conçu et dirigé, nous avons publiéquelques passages importants du rapport.

Les récentes correspondances que nous avonsreçues des Syndicats fédérés, ayant trait au jour-nal, nous ont appris que cette grande question aété peu ou pas comprise; d'autre part, le Congrèsde Toulouse a constaté aussi, par la divergencede vues de certains délégués, que l'étude sur leprojet a été négligée par un certain nombre deSyndicats.

Pour obvier à cette négligence et permettre auxsyndiqués d'apprécier le projet dans ses grandeslignes, sur la proposition de notre délégué,leCongrès invite, ainsi quon le lira dans les conclu-sions, les journaux corporatifs à publier les deuxrapports.

Nous commençons dès ce mois à publier enfeuilleton, à la 3éme et 4ème page, le rapport duCongrès de Tours, jusqu'à complète publication decelui de Toulouse.

Ceux qui, parmi nous, ont lu le projet, se sontrendu facilement compte de sa réalisation et del’arme puissante qu'il fournira aux organisationsouvrières. Nous souhaitons que nos lecteurs lelisent et collectionnent les deux rapports: noussommes persuadés qu'ils seront comme nous desdévoués adeptes de l'œuvre grandiose qui feranotre union et notre force.

Nous aurions pu vous reproduire ici quantité deces articles écrits par des travailleurs à destravailleurs. Mais nous avons la conviction que cesquelques-uns, pris au hasard, suffisent pour établirle jugement de ceux qui avaient besoin d'étayer leurfoi.

Pour ceux qui doutent encore, quand nousdisons qu'un journal s'impose pour le droit et ladéfense des travailleurs, qu'avec les journauxexistants la vérité est dans les ténèbres et qu'onn'écrit dans ces feuilles que suivant les idées desMaitres, voici ce qu'écrit un professionnel, unhomme qui hier était au Soleil journal des mieuxpensants, et qui aujourd'hui écrit de pair avecLucien Descaves et l'auteur des Mauvais Bergers:

Pour lutter contre l'Argent, contre le Sabre, contrel'Internationale noire, nous ne pouvons nousappuyer que sur l'opinion publique. Or, la foule esttrompée, bernée, aveulie, pervertie par la pressedu mensonge et par la presse du vice.

Des millions de Français ne lisent rien, ou nelisent que des contes à dormir debout, descalomnies effrontées, des documents fabriqués oufalsifiés, soit dans les journaux, soit sur les affichesdu gouvernement. Une tourbe de malandrins, sousle nom de journalistes, empoisonnent le pays entierde leurs inventions, de leurs fausses nouvelles, deleurs taux témoignages. Pour dégager la vérité detant de voiles, il faut une dose peu commune deréflexion, de critique, de jugement. Quand la massedu public finit par l'apercevoir, elle n'a plus parfoisqu'un intérêt historique. Il est trop tard.

Urbain GOHIER(l’Aurore du 23 juillet 1898.)

Il faut donc, citoyens, que chaque groupements'inspire de cette idée que le prolétariat ne peuttriompher qu'avec cette seule arme: un journalquotidien, entièrement sa propriété, inspiré de sesidées, faisant descendre dans la masse cette idéede lutte; et de ce fait, relever l'avachissement quimenace de nous réduire à l'esclavage des tempsanciens.

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RAPPORT DU CONSEIL NATIONAL

Troisième partie:

Nous savons que des reproches nous serontadressés pour n'avoir pas observer la décision duCongrès de 1897, et n'avoir pas quitté la Boursedu Travail.

Assurément, si cela eut été possible, nous nousserions empressés d'obéir, mais nous étions enprésence d'un cas qui, nous en sommes certains,nous excusera.

Les cotisations quant à présent, ne nouspermettent pas de taire de grandes dépenses defrais généraux. Nous avons besoin de tous nosdeniers pour l'action de propagande.

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Il nous aurait fallu un loyer qui aurait absorbéune partie de nos cotisations.

Nous avions bien, de concert avec la Fédérationdes Bourses, étudié l’union de nos deux sièges,mais là encore, il n'y a pas eu entente, car nousétions assurés que tous les frais seraient laissés ànotre charge.

Nous avons donc cru devoir rester quelquetemps encore locataires de M. le Pré et de la Seine,plutôt que de faire nos réunions chez le marchandde vins.

Il y a là cause de dépenses pour certainscamarades et cela pouvait donner lieu à des abs-tentions forcées.

Et notre crime n'est pas aussi grand que cela apu paraître aux yeux de certains qui nous ont fait lapetite guerre à ce sujet; et nous citerons pourexemple ce qu'écrivait Briat à la date de mai 1896:

LA RENTRÉE À LA BOURSE DU TRAVAIL

Le samedi 11 avril dernier, cent Syndicatsparisiens ont pris possession de leurs ancienslocaux. Nous devons l'avouer, le prolétariat parisienn'a pas su s'entendre et marcher la main dans lamain. Il fallait accepter ou refuser tous. Or, chacuna lutté pour ses convictions personnelles sansadmettre de se conformer à la majorité. Nous étionsdes adversaires de la rentrée et nous avionsdéclaré et signé un ordre du jour où nous nousengagions à respecter la décision des Syndicatsadhérents a la Bourse indépendante. Nous n'étionspas les seuls qui avions mis nos noms au bas decet ordre du jour. Les représentants du Syndicatdes Chemins de fer l'avaient aussi signé.

Grande a été notre surprise en lisant leur organedu 20 avril, dans lequel ils critiquent les Syndicatsrentrés. Si nous sommes à la Bourse du Travail,camarades des Chemins de fer, c'est parce quenous n’admettons pas que le parti des travailleurs

se divise, à la grande joie de nos exploiteurs. Nousavons comme principe de toujours nous soumettreà la majorité. C'est la conduite que les travailleursont toujours tenue dans les Congrès ouvriers, etceux qui, comme à Nantes, ne s'y sont pasconformés, ont manqué à leur devoir. Certes, leSyndicat des chemins de fer est d'une force in-contestable, comme nombre, mais, dansdifférentes circonstances, il a dû s'apercevoir qu'ilétait nécessaire que nous soyons unis et quesouvent on a besoin de plus petit que soi.

Malgré cette scission, nous continuerons àcroire que, chaque fois que les forces ouvrièresauront besoin de se rassembler pour soutenir unelutte contre le capital exploiteur, cette différence devues, qui nous sépare momentanément, disparaîtrapour faire place à l'esprit de solidarité.

E. Bryat.Ce ne sont cependant pas les vexations qui ont

manqué à notre égard. On a fait tout ce qu'on a pupour nous obliger à quitter le local qui nous avaitété concédé.

Il est vrai que nous ne faisons pas d'intrigue.Nous, nous réunissons sans bruit. L'administrationde la Bourse de Paris nous voit peu dans ses bu-reaux où nous ne convoitons aucune fonction.

C'est la maison du peuple, nous usons de notredroit jusqu'au jour où nous nous contenterons defaire une simple révérence accompagnée d'unMerci!... et ce sera tout.

A vous maintenant, citoyens, de juger de notreconduite et de décider si nous avons été fidèles ànotre mandat.

C'est avec la plus entière confiance que nousattendons votre jugement.

Le Secrétaire général,A. Lagailse.

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RAPPORT DU CONSEIL NATIONAL

Quatrième partie: RAPPORT FINANCIER

Le Trésorier du Conseil national de la Confédération du Travail donne lecture du rapport financier.

Citoyens,Plus heureux que l'année dernière, nous

pouvons fournir dès ce jour la situation générale denotre mouvement, en tant que cotisations. Vousreconnaîtrez que, quelles que puissent être les cri-tiques faites par certains énergumènes qui croientqu'en dehors d'eux l'émancipation ouvrière ne peutse produire, la situation de notre organisation n'est

pas si mauvaise.Pendant que nos contradicteurs pouvaient à

peine arriver à suffire aux frais que leur impose letraitement de leur secrétaire, la Confédérationfaisait, elle, 1.100 fr. de dépenses pour lapropagande économique, et malgré cela elle seprésente avec un budget qui milite en sa faveur.

Si vous croyez devoir élargir le cercle de ses

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adhérents, il y a tout lieu de croire que cemouvement ira en s'accentuant et que bientôt nousaurons la satisfaction de voir notre organisationcentrale du travail réaliser les forces qui sontindispensables pour la lutte que nous désirons tous.

Pour arriver à ce but, il faut que chacuncomprenne son rôle, que chaque organisation serallie à cette idée de l'action commune et acceptece principe, de tous pour un, un pour tous.

Le jour où nous serons cette force, quels quepuissent être les moyens employés par lescapitalistes, il faudra que, bon gré mal gré, ilsacceptent de traiter avec nous.

Cette quantité négligeable d'hier sera une forceavec laquelle il faudra compter.

Il dépend de vous, citoyens, de triompher:Vouloir c'est pouvoir!

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SITUATION FINANCIÈRE POUT L’EXERCICE 1897-1898

Organisations adhérentes exerc. oct. nov. déc. janv. fév. mars avr. mai juin juil. août sept. Total96-97

Fédération du Cher 4 4 4 4 4 4 4 4 4 4 -- -- 40Fédération des coupeurs en chaussures 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 -- -- 20Syndicat national des Chemins de fer 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 120Fédération des cuirs et peaux 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 -- 36Fédération du Livre 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 120Travailleurs municipaux de Paris 14 8 8 8 8 8 8 8 8 8 8 8 8 110Fédération des mouleurs en métaux de France 5 5 5 5 5 5 5 5 5 5 -- -- -- 50Fédération du bâtiment 50 10 10 10 10 10 10 -- -- -- -- -- -- 110Fédération du cuivre de Lyon 28 2 2 2 2 2 2 2 2 2 -- -- -- 46Fédération de la Voiture 4 4 4 4 4 4 3 3 3 -- -- -- 33Fédération des ouvriers métallurgistes 10 10 10 10 10 10 10 10 -- -- -- -- 80Mineurs de Pontpéan 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 -- 36Syndicat des Omnibus de Paris -- -- -- 6 -- -- -- -- -- -- -- -- 6Fédération des cuisiniers de France -- -- -- 3 3 3 3 3 3 3 3 3 27Industrie lainière de Reims -- -- -- -- -- 1 1 -- -- -- -- -- 2Union du Gaz de Paris 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 36Union Fédérative de Tulle 8 1 1 1 1 -- -- -- -- -- -- -- -- 12Mineurs de Faymoreau 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 12Cercle corporatif 12 -- -- -- -- -- -- -- -- -- -- -- -- 12TOTAUX 123 76 76 76 85 78 79 68 67 57 47 41 35 908

DÉPENSES:

Représentation au Congrès de Toulouse 235 fr.20Octobre 1897, frais de secrétariat 13 fr. 85

- deux livres de comptabilité 7 fr. 50- frais de secrétariat 66 fr. 00

Total 322 fr. 55

Novembre 1897 95 fr. 85Décembre 118 fr. 70Février 1898 271 fr. 00Mars 37 fr. 20Avril-mai 3 fr. 10Juin-Juillet 121 fr. 40Août 77 fr. 85Septembre 35 fr. 65Total 1.083 fr. 30

Situation antérieure. 1.018 fr. 15Sommes dues (profits et pertes) 240 fr. 00

778 fr. 15Encaissé:

Sommes dues (antérieures) 115 fr. 00Cotisations 793 fr. 00Divers: Fédération de Rennes 9 fr. 00

Fédération de Tulle 6 fr. 00Virement de compte pour la grève générale. 1 fr. 50

Total 1.708 fr. 65Dépenses 1.083 fr. 30En caisse, le 12 septembre 1898 619 fr. 35

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Sommes restant dues à la Confédération générale du Travail pour cotisations:

Fédération du Cher, 2 mois à 4 francs 8 fr.Fédération des Coupeurs-Brocheurs en chaussures, 2 mois à 2fr. 4 fr.Fédération des Cuirs et Peaux, 1 mois à 3 fr. 3 fr.Fédération des Mouleurs en métaux, 3 mois à 5 fr. 15 fr.Fédération du Bâtiment, 6 mois à 10 fr. 60 fr.Fédération du Cuivre de Lyon, 3 mois à 2fr. 6 fr.Fédération de la Voiture, 3 mois à 3 fr..................... 9 »Fédération de la Métallurgie, 4 mois à 10 fr. 40 fr.Syndicat des Mineurs de Pontpéan, 1 mois à 3 fr. 3 fr.Syndicat de l'Industrie lainière de Reims, 5 mois à 1 fr 5 fr.Union fédérative de Tulle, 8 mois à 1 fr. 8 fr.Total 161 fr.

ORGANISATIONS DONATAIRES EN FAVEUR DE QUI LES FONDS ENCAISSÉ RETENU ENVOYÉÉTAIENT DESTINÉS

Syndicat national des Chemins de Fer, Paris: Ferblantiers de la maison Brun, de Paris. 7 fr. 30 0 fr. 35 6 fr. 95Polisseurs sur métaux. 7 fr. 30 0 fr. 35 6 fr. 95Maçons de Lyon. 6 fr. 50 0 fr. 35 6 fr.15Ferblantiers de la Compagnie continentale, Paris. 22 fr. 50 1 fr.15 21 fr. 35Mécaniciens anglais. 90 fr. 00 4 fr. 50 85 fr. 50

Chambre syndicale des Tisserands de Cholet: Mécaniciens anglais. 10 fr. 00 0 fr. 50 9 fr. 50Chambre syndicale des Scieurs à la méc. Hennes (Oise): Mécaniciens anglais. 5 fr. 00 0 fr. 25 4 fr. 75Bourse du Travail de Marseille: Mécaniciens anglais. 14 fr. 00 0 fr. 70 13 fr. 30Bourse du Travail de Rennes: Mécaniciens anglais. 10 fr. 00 0 fr. 50 9 fr. 50Union syndicale de l'Industrie textile, Armentières (Nord): Mécaniciens anglais. 10 fr. 00 0 fr. 50 9 fr. 50Chambre synd. du Bâtiment de la Roche-sur-Yon (Vendée): Mécaniciens anglais. 20 fr. 00 1 fr. 00 19 fr. 00Bourse du Travail de Cognac (Charente): Mécaniciens anglais. 10 fr. 00 0 fr. 50 9 fr. 50Bourse du Travail de Perpignan: Mécaniciens anglais. 10 fr. 00 0 fr. 50 9 fr. 50Union syndicale des Métallurgistes de Dunkerque: Mécaniciens anglais. 20 fr. 00 1 fr. 00 19 fr. 00Syndicat national des Chemins de Fer (adressé directement): Zingueurs de Nevers. 1 fr. 10 1 fr. 10 22 fr. 50Bourse du Travail de Clichy: Mécaniciens anglais. 6 fr. 75 -- --Bourse du Travail de Niort: Mécaniciens anglais. 5 fr. 00 -- --Fédération des Travailleurs municipaux de Paris: Mécaniciens anglais. 50 fr. 00 -- --Chambre synd. des Coupeurs-Brocheurs en chaussures, Paris: Mécaniciens anglais. 47 fr. 20 -- --Chambre synd. desTanneurs-Corroyeurs (Chateaurenault): Mécaniciens anglais. 10 fr. 00 -- --Chambre syndicale des Charpentiers et Menuisiers de Nancy: Mécaniciens anglais. 5 fr. 00 -- --Chambre synd. des Chemins de Fer (St-Germaim des Fossés): Mécaniciens anglais. 5 fr. 00 6 fr. 45 122 fr. 50Union des Ouvriers Cordonniers et Tanneurs de Tours: Mécaniciens anglais. 5 fr.00 -- --92ème section typographique de Tours: Mécaniciens anglais. 5 fr.00 -- --Syndicat des Chemins de fer, section de Tours: Mécaniciens anglais. 5 fr.00 -- --Collecte faite à la Bourse du Travail de Tours: Mécaniciens anglais. 5 fr.00 -- --Chambre syndicale des Galochiers de Tours: Mécaniciens anglais. 9 fr.90 -- --Chambre syndicale des Serruriers de Tours: Mécaniciens anglais. 5 fr.00 -- --Chambre syndicale des Menuisiers en bâtiment de Tours: Mécaniciens anglais. 2 fr. 50 -- --Chambre syndicale des Tail. de pierres et Maçons de Tours: Mécaniciens anglais. 5 fr.00 -- --Collecte faite à la Bourse du Travail de Tours: Mécaniciens anglais. 2 fr. 75 -- --Chambre syndicale des Omnibus de Paris: Mécaniciens anglais. 10 fr. 00 -- --Chambre syndicale des Charpentiers du Mans: Mécaniciens anglais. 3 fr.00 -- --Chambre syndicale des Jardiniers municipaux de Paris: Mécaniciens anglais. 10 fr. 00 -- --Chambre syndicale des Maçons de Cholet: Mécaniciens anglais. 10 fr. 00 -- --Chambre syndicale des Etireurs au banc: Mécaniciens anglais. 8 fr. 00 -- --Chambre syndicale des Cordonniers de Toulon: Mécaniciens anglais. 5 fr. 00 -- --Fédération des Chambres syndicales de Cette: Mécaniciens anglais. 20 fr. 00 -- --Chambre syndic. des Imprimeurs en taille douce de Paris: Mécaniciens anglais. 25 fr. 25 -- --Syndicat national des Chem. de fer (Groupe de Paris-Nord): Mécaniciens anglais. 56 fr. 00 9 fr. 20 182 fr.80Syndicat des Omnibus de Paris: Ardoisiers de Trélazé. 10 fr. 00 0 fr. 50 9 fr. 50Syndicat des Omnibus de Paris: Caisse de grève. 1 fr. 50 1 fr. 50 --Syndicat des Chemins de fer: Mécaniciens anglais. 145 fr. 10 7 fr. 25 137 fr. 85Syndicat des Chemins de fer: Grévistes de Trélazé. 19 fr. 60 1 fr. 00 18 fr. 60Bourse du Travail de Montpellier: Mécaniciens anglais. 80 fr. 00 4 fr. 00 76 fr. 00Syndicat des Imprimeurs en taille douce de Paris: Mécaniciens anglais. 13 fr. 75 0 fr. 70 13 fr. 05Syndicat national des Chemins de fer, Paris (adresse directe): Zingueurs de Nevers. 1 fr. 15 1 fr. 15 22 fr. 85Un groupe d'ouvriers révolutionnaires de Grenelle, Paris: Mécaniciens anglais. 30 fr. 75 -- --Syndicat des Mineurs de Pontpéan: Mécaniciens anglais. 10 fr. 00 -- --Syndicat des Tailleurs sur acier de Paris: Mécaniciens anglais. 25 fr. 00 -- --Cercle corporatif des Mécaniciens de France, Paris: Mécaniciens anglais. 30 fr. 00 -- --Drahomet, à Chigré (Charente Inférieure): Mécaniciens anglais. 5 fr. 00 -- --Bourse du Travail de Sainte-Florine (Haute-Loire): Mécaniciens anglais. 2 fr. 30 -- --Syndicat métallurgiste de Saint-Chamond (Loire): Mécaniciens anglais. 5 fr. 00 -- --Syndicat de l'Eclairage de Paris: Mécaniciens anglais. 50 fr. 00 -- --Syndicat des Chemins de fer, Montargis: Mécaniciens anglais. 10 fr. 00 -- --Syndicat des Métallurgistes d’Auxerre (Yonne): Mécaniciens anglais. 5 fr. 00 -- --Syndicat des Ouvriers en limes de Chambon-Fougerolles: Mécaniciens anglais. 10 fr. 00 9 fr. 15 173 fr. 90Syndicat des Chemins de fer: Mécaniciens anglais. 47 fr. 95 -- --Bourse du Travail de Rennes: Mécaniciens anglais. 25 fr. 00 -- --Syndicat des Ouvriers coupeurs-brocheurs de Limoges: Mécaniciens anglais. 14 fr. 40 -- --Bourse du Travail de Nimes: Mécaniciens anglais. 20 fr. 00 -- --Syndicat des Tailleurs d'habits de Nîmes: Mécaniciens anglais. 10 fr. 00 -- --Syndicat des Cordonniers de Nîmes: Mécaniciens anglais. 10 fr. 00 -- --Divers, de Nimes: Mécaniciens anglais. 1 fr. 10 6 fr.45 122 fr. 00Syndicat national des Chemins de fer: Mécaniciens anglais. 43 fr. 55 -- --Fédération des Cuirs et Peaux - Chevreau glacé: Mécaniciens anglais. 3 fr. 25 -- --Fédération des Cuirs et Peaux - Mégissiers en mouton: Mécaniciens anglais. 8 fr. 50 -- --Fédération des Cuirs de Lyon: Mécaniciens anglais. 31 fr. 00 4 fr.30 82 fr. 00Coupeurs et brocheurs en chaussures, Paris: Brossiers de Rennes. 3 fr. 00 0 fr. 15 2 fr. 85Syndicat des Chemins de fer (grève de Chaumont): Mécaniciens anglais. 2 fr. 50 0 fr. 10 2 fr. 40Cercle des Mécaniciens à Paris: Mécaniciens anglais. 15 fr. 00 0 fr. 75 14 fr. 25Syndicat des Chemins de fer: Mécaniciens anglais. 13 fr. 85 0 fr. 65 12 fr.75Syndicat des Chemins de fer: Brossiers de Rennes. 27 fr. 00 1 fr. 35 25 fr.65

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Syndicat des Mouleurs en fer de Paris: Chaudronniers de la Seyne. 20 fr. 00 1 fr. 00 19 fr. 00Syndicat des Mouleurs en fer de Paris: Batteurs d’or de Paris. 10 fr. 00 0 fr. 00 9 fr. 50Parti Ouvrier de Saint-Ouen (Seine): Verrerie ouvrière. 6 fr. 25 0 fr. 30 5 fr. 95Syndicat des Chemins de fer: Bûcherons d’Henrichemont. 45 fr. 00 2 fr. 25 42 fr. 75Syndicat des Chemins de fer: Verrerie ouvrière. 21 fr. 15 -- --Syndicat des Chemins de fer: Batteurs d’or de Paris. 10 fr. 60 1 fr. 00 30 fr.60Union syndicale des ouvriers métall. de Fourchambault (Nièvre) Ferblantiers de Bourges. 0 fr. 50 0 fr. 50 --

Sommes Cantonniers de Lyon. 0 fr. 50 0 fr. 50 --adressées Menuisiers de Saint-Loup. 0 fr. 50 0 fr. 50 --directement Couvreurs de Moulins. 0 fr. 25 0 fr. 25 --

Bûcherons d’Henrichemont. 0 fr. 50 0 fr. 50 --par Menuisiers de Saint-Loup. 0 fr. 75 0 fr. 75 --

Riveurs de Nantes. 0 fr. 50 0 fr. 50 --cette Charpentiers en fer de La Seyne. 1 fr. 50 1 fr. 50 --

organisation Syndicat des cordonniers en machine. 0 fr. 50 0 fr. 50 --aux: Plâtriers de Libourne. 0 fr. 25 0 fr. 25 --

Verrierie ouvrière d’Albi. 5 fr. 00 5 fr. 00 --Parti ouvrier révolutionnaire de Saint-Ouen (Seine): Pour la Verrerie ouvrière. 9 fr. 00 0 fr. 45 8 fr.55Syndicat national des Chemins de fer: Pour la Verrerie ouvrière. 86 fr.05 4 fr. 30 81 fr. 75Syndicat national des Chemins de fer: Pour les Cordonniers de Tours. 27 fr.00 1 fr. 35 25 fr. 65Syndicat national des Chemins de fer: (adressées directement) Pour les Maçons de Perpignan. 2 fr. 25 2 fr. 25 --Syndicat national des Chemins de fer: (adressées directement) Pour les Mineurs de Faymoreau (Vendée). 45 fr. 00 2 fr. 25 42 fr. 75Syndicat national des Chemins de fer: (adressées directement) Tisseurs de Maison Manchon Rouen. 45 fr. 00 2 fr. 25 42 fr. 75Syndicat national des Chemins de fer: (adressées directement) Unions des métal. de Fourchambault. 90 fr. 00 4 fr. 50 85 fr. 50Syndicat national des Chemins de fer: (adressées directement) Verrerie ouvrière. 33 fr. 50 1 fr. 70 31 fr.80Un anonyme: Métalurgistes de Fourchambault. 2 fr. 00 -- --Roucagliola, ancien adjoint au maire de Toulon: Métalurgistes de Fourchambault. 2 fr. 00 -- --La Revendication de Puteaux (Société coopérative): Métalurgistes de Fourchambault. 50 fr. 00 -- --Fédération des Travaileurs municipaux de Paris: Métalurgistes de Fourchambault. 150 fr. 00 10 fr. 20 193 fr. 80Fédération des Travaileurs municipaux de Paris: Tisseuses de Rouen. 50 fr. 00 2 fr. 50 47 fr. 50

Le Trésorier général, Le Secrétaire général,COPIGNEAUX. LAGAILSE.

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SITUATION DU JOURNAL:

Montant des cartes adressées aux Organisations:2.815 fr. 25Dépenses: Cartes: 20.000 245 fr. 00

Frais d'envoi: 31 fr. 20Total: 276 fr. 20Encaissé: 230 fr. 50

SOMMES SOUSCRITES POUR LE JOURNAL:

Union des Métallurgistes de l'Oise: 3.000 fr.Syndicat national des Chemins de fer: 1.000 fr.Chambre syndicale des Mouleurs en cuivre: 500 fr.Chambre syndicale des Mouleurs en fer: 500 fr.Fédération des Travailleurs municipaux de Paris: 100 fr.Services réunis de la Ville de Paris: 200 fr.plus 150 fr. à titre de protestation contre les agissements du préfet de la Seine (1897): 150 fr.Union syndicale des Ouvriers métallurgistes de Fourchambault: 100 fr.Chambre syndicale des Jardiniers des Services municipaux: 100 fr.Union syndicale des Ouvriers paveurs, cimentiers, bitumiers du départ. de la Seine: 100 fr.Chambre syndicale de l'Ameublement de Saint-Loup (Haute-Saône): 100 fr.

TOTAL: 5.850 fr.

Reçu pour abonnement au journal L’Eveil:Syndicat des Chemins de fer: Groupe de Moulins: 13 fr. 50

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SOMMES DUES PAR LA FÉDÉRATION DES BOURSES:

Frais en commun acceptés par les délégués de cette organisation:Circulaires pour les conditions du travail (impression): 45 fr. 00Frais de poste, bandes et confection d'adresses: 57 fr. 00Questionnaire des grèves (impression): 50 fr. 00Manifeste (affaire Zola): 112 fr. 50Frais d'envoi: 64 fr. 00

Total: 328 fr. 50Part proportionnelle: 164 fr. 2512 mois de cotisation à 10 fr: 120 fr. 00Total: 284 fr. 25

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Citoyens,Comme nous le faisons remarquer au début de

notre rapport, la situation de la Confédération estflorissante, elle aurait pu l’être davantage encore sila Fédération des Bourses du Travail avait rempliles engagements qu'elle s'était engagée de tenirprès la Confédération générale du Travail, celaaurait pu, sans doute, nous aider à nous conformerà la décision du précédent Congrès, qui avaitordonné que la Confédération quitte le local qui luiest réservé à la Bourse du Travail de Paris. Ce quin'a pas empêché, d'ailleurs, certaines Bourses duTravail de protester contre la Confédération, parcequ'elle n'abandonnait pas la Bourse du Travail deParis, alors que les Bourses du Travail n'ont faitabsolument rien pour nous aider d'en sortir.

D'autre part, nous protestons contre lesallégations fausses et mensongères de certainsdélégués des Bourses du Travail qui n'ont pashésité à déclarer au Conseil fédéral des Boursesque les dépenses en commun étaient exagérées,

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et en tout cas, pas approuvées. Nos livres font foides sommes engagées, et le Congrès pourra jugers'il y a eu exagération de notre part ou mauvaise foide la part de certains délégués des Bourses, quine craignent pas de faire publier des insinuationsmalveillantes dans l'Ouvrier des Deux Mondes,organe officiel des Bourses du Travail, et de lesporter à la connaissance des organisations qu'ilsreprésentent, en les trompant pour les besoins deleur cause. Nous laissons pour compte à leursauteurs ces insinuations mensongères destinéesà jeter le trouble au sein des organisationsouvrières; nous avons confiance dans le Congrèspour faire justice de pareils procédés, et enmépriser les auteurs et complices, parmi lesquelsfigure le tombeur de la Verrerie Ouvrière, FernandPelloutier, secrétaire général des Bourses du Tra-vail.

Pour le Conseil National:Le Trésorier général,

Copigneaux.

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COMPTABILITE:

Depuis l’établissement du rapport, les organisations suivantes se sont mises à jour de leurs cotisations,c'est-à-dire:

Fédération des Mouleurs en métaux, 3 mois à 5 fr.: 15 fr. 00Union lainière de Reims, 5 mois à 1 fr 5 fr. 00Fédération nationale de la Métallurgie, 4 mois à 10 fr.: 40 fr. 00Fédération du Cher, 2 mois à 4 fr.: 8 fr. 00

Total: 68 fr. 00

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Le Rapporteur de la Commission de vérificationdes Pouvoirs propose au Congrès d'accepter unnouveau mandat. Adopté.

Comité fédéral des Bourses du Travail: Avantde donner lecture au Congrès du rapport de laFédération des Bourses, je tiens à faire uneremarque: Tous les ans, le rapport du Comitéfédéral des Bourses est établi au 30 juin, c'est-à-dire environ trois mois avant l'ouverture du Congrès;de cette façon, les délégués au Congrès desBourses peuvent discuter ce rapport. Le Conseilnational de la Confédération devrait faire de même,sans quoi il est matériellement impossible dediscuter ce rapport et de l'adopter. Dans tous lescas, cette année, le rapport du Conseil national étaitimprimé de bonne heure et aurait pu être envoyéaux organisations fédérées, puisqu'il a pu être

communiqué aux délégués du Congrès desBourses, à leur arrivée à Rennes.

Si le Comité fédéral des Bourses avait pu prévoirla constitution d'un pareil dossier, il aurait faitimprimer des exemplaires de son rapport pour leCongrès corporatif. C'est pourquoi le Comité setrouve dans la nécessité de donner lecture de lapartie de son rapport, qui a trait à la Confédérationgénérale du Travail.

RAPPORT DU COMITÉ FÉDÉRALDES BOURSES DU TRAVAIL

En dehors de la tâche qui lui incombait commereprésentant des Bourses du Travail, le Comitéfédéral en avait une autre, comme partie intégrantede la Confédération générale. Avant del'entreprendre il devait rechercher ce qu'était, dans

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la pensée du Congrès corporatif de Toulouse, cetteConfédération. Pour lui, il n'y eut jamais à cet égardaucun doute: la Confédération n'est pas unorganisme nouveau; elle n'était que l'associationpour la solution des problèmes d'intérêt commun(association, par conséquent, subordonnée auxcirconstances) du Conseil national corporatif, d'unepart, ou, en d'autres termes, de la Fédération desunions de métiers similaires et des Syndicatsnationaux, et d'autre part du Comité fédéral desBourses du Travail. En l'absence de questionsd'intérêt général, de questions, dit l'article 4 desstatuts établis à Toulouse, que leur caractèredésigne évidemment comme étant communes, lesdeux Comités devaient traiter séparément lesproblèmes qui intéressent spécialement chacund'eux: le Conseil national corporatif, la création etle développement des unions de métiers, le Comitéfédéral des Bourses du Travail, la création et ledéveloppement des unions de syndicats.

Cette opinion, formée non pas arbitrairementmais par l'étude même des statuts de laConfédération, n'était pas celle du Conseil nationalcorporatif, car, dès le début, les séancesconfédérales eurent une périodicité régulière qui leurdonnait le caractère permanent interdit par leCongrès. Néanmoins, après avoir constaté que surdix-neuf ou vingt Fédérations nationales de métiersexistantes, le Conseil corporatif n'en comptait quequelques-unes et que, du reste, aucune œuvre utilene serait possible tant que le nombre desfédérations de métiers serait aussi inférieur aunombre des professions dans lesquelles il existeau moins cinq syndicats, les délégués des Boursesdu Travail ne songèrent point à s'en tenir à la lettredes statuts et manifestèrent la volonté d'apporterau Conseil national corporatif le concours de Ieurexpérience en matière d'organisation ouvrière.

Dès les premières séances confédérales, eneffet, ils firent présenter par la Commission destatistique (la seule qui ait jamais pu se réunir) deuxprojets d'enquête: l'un relatif aux conditionsgénérales du travail, divisé en quatre chapitres dontchacun devait être l'œuvre d'un trimestre, et qui, àla fin de l'année, aurait permis de dresser un ta-bleau d'ensemble aussi complet... et plus exact queceux de l'Office du travail, de la situation de la classeouvrière française; l'autre relatif aux grèves, et quiavait pour but d'établir, par une statistiqueminutieuse des conflits engagés chaque jour entrele travail et le capital, quels sont les résultatsmatériels et moraux produits par ces conflits et,par suite, en quelle mesure le prolétariat peut enuser.

Si ces deux enquêtes n'ont pas abouti, la fauten'en est pas à la Confédération générale du Tra-vail, mais aux organisations qui, après avoir créé,

dans l'ardeur des discussions de ce Congrès, desorganismes nouveaux, laissent ensuite à cesorganismes le soin de se développer eux-mêmes.En tous cas, ce premier échec, sans ébranler laconfiance des délégués des Bourses du Travail,leur fit comprendre qu'avant de tenter aucuneentreprise d'ordre général, le Conseil nationald'ordre corporatif devait à la fois obtenir desFédérations le composant, qu'elles se fissentreprésenter dans son sein (les séances neréunissant parfois que trois ou quatre membres)et provoquer la création de fédérations nouvellesqui lui donneraient la force absente.

Alors éclata un premier incident fâcheux. Undélégué de Bourse du Travail, avisé officiellementque les Syndicats d'ouvriers du Gaz de Grenobleet Bordeaux désiraient constituer une Fédérationnationale, après avoir vainement sollicité leconcours du personnel fédéré de la Compagnieparisienne, saisit du projet le Conseil nationalcorporatif. Celui-ci pressentit à son tour, mais sansplus de succès, les ouvriers gaziers de Paris. Quedevait-il faire alors? Prendre évidemment,conformément à l'article 2 des statuts généraux,l'initiative de la Fédération désirée, en consultantd'abord, puis en unissant tous les Syndicatsd'ouvriers du Gaz. Or, au lieu d'agir ainsi et demontrer que, sans négliger la partie théorique deson programme, il tenait avant tout à réaliser lapartie fondamentale et pratique, qui estl'augmentation de ses adhérents, il ne crut pasdevoir passer outre à la négligence dont faisaitpreuve la Fédération parisienne du Gaz et, malgréles lettres de Grenoble et les abjurgations dedélégués des Bourses, il laissa les choses en l'état,notre Comité fédéral se voyant ainsi réduit àconseiller à Grenoble de provoquer une conférenceentre ceux des membres du prochain Congrèscorporatif qui appartiendraient à la corporation destravailleurs du Gaz.

Le camarade de Grenoble sera étonné et indignéde voir l'usage que l'on fait de sa lettre etl'interprétation qui lui est donnée dans le rapport duConseil national; si nous avions eu le temps, nousaurions apporté des lettres qui auraient établiclairement que le Conseil national n'a pas apportédans cette, question ne qu'on était en droit d'enattendre.

C'est à tort, du reste, que le Conseil nationalcorporatif s'est cru interdit de remplacer le Syndicatparisien puisqu'en une autre circonstance et sur laproposition d'un syndicat de Reims et d'unreprésentant de Bourse il n'a pas hésité à prendresous son patronage le projet de constitution d'uneFédération des ouvriers de tissages.

Entre temps, des débats interminables avaientsurgi sur la signification des statuts votés à Tou-

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louse. Les «précédents Congrès» n'ayant jamais,contrairement à ce que déclare le paragraphe 2 del'article premier établi, codifié, les attributions duConseil national corporatif, certains affirmaient quela plus grande partie des paragraphes de l'articlepremier devaient s’appliquer, non à la Confédération,mais au Conseil corporatif, mais que, malgrél'évidence de cette erreur, ils ne pouvaient modifiereux-mêmes la lettre des statuts et qu'il fallaitattendre sur ce point l'avis du prochain Congrès;les autres affirmaient, au contraire, que ces statuts,revêtant un caractère général et ne citant jamaisque la Confédération, étaient bien les statuts de laConfédération; la lacune, ajoutaient ils, signalée auprogramme particulier du Conseil corporatif, doitêtre comblée, comme le déclare le paragraphe 2de l'article premier, par l’étude des décisions desprécédents Congrès. Plusieurs mois s'étaientécoulés depuis la clôture du Congrès de Toulouseque ces débats duraient encore, mécontentant lesdélégués des Bourses, dont quelques-unsannoncèrent l'intention de ne plus assister auxréunions confédérales que lorsque l'accord seserait fait, touchant l'interprétation des statuts, en-tre ceux qui avaient pris part aux travaux du Congrèsde Toulouse.

C'est à la suite de ces incidents que le Comitéfédéral des Bourses du Travail eut l'idée de de-mander l'organisation d'une conférence danslaquelle tous les camarades parisiens ayant assistéau dernier Congrès définiraient nettement la naturede la Confédération, sa mission, son mode defonctionnement, comme aussi la nature, la missionet le mode de fonctionnement du Conseil corporatif.

La Confédération fut priée d'organiser cetteconférence. Mais au lieu de la consulter, lesecrétaire du Conseil corporatif, à qui la demandeavait été adressée, non en cette qualité, mais encelle de secrétaire confédéral, répondit que leConseil avait, sur la demande du Comité fédéraldes Bourses du Travail, passé purement etsimplement à l'ordre du jour. Ce dernier prit alorsl'initiative de la conférence, qui se réunit le 25 juin àla Bourse centrale du Travail, sous la présidencedu camarade Briat, assisté du camarade Thierrart,secrétaire, le premier ayant représenté à Toulousele Syndical des Ouvriers en Instruments de

précision de Paris, le second l’Union desTravailleurs de l’Industrie lainière de Reims.

C'est alors qu'il fut facile de comprendre le mo-tif des controverses engagées depuis neuf mois.Etaient présents, sur les vingt-sept camaradesparisiens délégués à Toulouse les camarades Briat,Braun, Capjuzan, Delesalle, Galantus, Grentzel,Guérard, Harlay, Meyer, Maynier, Pouget, Riom,Restz, Richard et Thierrart. Or, les deux tiers aumoins de ces camarades exprimèrent des opi-nions dilférentes, non seulement sur le rôle, maismême sur le fonctionnement administratif de laConfédération.

Le camarade Riom, qui fut à Toulouse rappor-teur de la première Commission et dont, au reste,le rapport (dernier alinéa de la page 87 du compterendu) paraît très clair, déclara que la Commissionn'avait ni entendu rapprocher le Conseil nationalcorporatif et le Comité fédéral des Bourses du Tra-vail d'une façon permanente,les séancesconfédérales devant être très rares, puisquesubordonnées à l'examen de questionsd'importance exceptionnelle; ni songé que laConfédération, c'est-à-dire l'union temporaire desdeux Comités, dût avoir un bureau particulier,estimant qu'il suffirait d'un bureau de séance le jouroù quelque événement imprévu rendrait une réunionconfédérale nécessaire, et que, pour l'exécution dela décision prise, le bureau de chacun des deuxComités agirait directement. Au reste, conclut lecamarade Riom, chacun des deux Comités resteautonome, conserve ses attributions, son titre etson budget particuliers, et, ne sacrifiant rien, netrouve dans l'union que des avantages.

Mais, bien que cette opinion résumemanifestement le rapport adopté par le Congrèsde Toulouse, elle donna matière à une tellecontroverse que, finalement, les délégués émirentle vœu que, de concert avec le Conseil nationalcorporatif, le Comité fédéral organisât une nouvelleconférence qui aurait pour but d'examiner à loisircomment devrait être proposée au Congrès deRennes la refonte, non pas de la Confédération,fort bien établie par le Congrès de Toulouse, maisdes statuts organiques du Conseil nationalcorporatif.

Les choses en sont là (2). Le Comité fédéral croit

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(2) Cela n'est plus exact. Saisi par le Comité des Bourses du Travail du vœu des camarades ayant assisté au Congrèsde Toulouse,et prié d'inscrire l'objet de ce vœu à l'ordre du jour d'une réunion confédérale, le citoyen Lagailse, à la foissecrétaire de la Confédération et secrétaire du Conseil corporatif, a répondu le 5 juillet (n°82-2) par la lettre suivante:«...Je m'empresse de vous dire que c'est avec regret que je me vois obligé, quant à présent, de ne pas donner suite àvotre demande. D'abord pour cette première raison, quoique votre opinion soit tout autre: C'est qu'une question quitouche la forme de notre organisation ne puisse figurer à l'ordre du jour de ses travaux qu'autant que ses membres enauront décidé en réunion (c'est la une erreur manifeste, que la discussion demandée puisse conclure à l’inutilité de sonobjet soit, mais encore faut-il que la discussion ait eu lieu, et c'est elle que nous demandions, en réclamant la mise àl’ordre du jour de l'étude des statuts. Or, la réunion seule des deux Comités de la Confédération a qualité pour seprononcer sur une demande émanant de l’un d'eux, et jusque là cette demande doit être inscrite de droit à l’ordre du jour);secondement, c'est que le Conseil national corporatif est seul pour faire les travaux de la Confédération, attendu que lescamarades au nom desquels vous demandez cette discussion immédiate, font généralement défaut, et à cette heurenous avons beaucoup à faire...».

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devoir cependant exposer à ses mandants la raisondes difficultés que rencontre la Confédération.

La Confédération n'étant pas un organismeparticulier, il est évident que la raison de sonimpuissance doit provenir de l'un des Comités quila constituent. Est-ce d'un antagonisme entre lesdélégués des deux sections? Oui et non. Non, sipar antagonisme on comprend une querelle depersonnes (ce rapport, il ne faut pas l'oublier, estantérieur à celui du Conseil national) ou une rivalitéde préséance qui serait, d'ailleurs, puérile, chaqueComité ayant un rôle distinct; oui, si ce mot impliqueun malentendu, il y a, en effet, entre le Conseil Na-tional corporatif et le Comité fédéral des Boursesdu Travail un malentendu, d'autant plus fâcheux qu'ilest inévitable et qui s'oppose pour l'instant à lavitalité de la Confédération, sans qu'on en puisseincriminer personne.

D'où vient ce malentendu? Un peu, à vrai dire,de ce que certains camarades n'admettent pas pourla Confédération la possibilité de fonctionner, tantqu'un Congrès ne l’aura pas composéeuniquement, comme le désire le Syndicat desTravailleurs des Chemins de Fer, d'unitéssyndicales, toute fédération en étant exclue; maisbeaucoup de ce que le Conseil corporatif et leComité des Bourses du Travail n'ont pas atteint lemême degré de développement et se trouvent, parsuite, en présence de problèmes et de méthodesdifférents qui les rendent, pour ainsi dire, étrangersl'un à l'autre.

D'une part, le Conseil corporatif n'a pasl'importance numérique qui lui est indispensable. Ilne l'a pas, à la fois parce que peu de Fédérationsnationales de métiers similaires lui apportent leurconcours, et parce que (toutes celles qui existentfussent-elles ses collaboratrices) il resterait encoretrop de métiers non fédérés. Si, du moins, lesCongrès corporatifs lui avaient donné un pro-gramme modeste ou s'il se décidait à sérier lui-même les articles de ce programme, ajournant lesquestions qui découlent de l'organisation corpora-tive pour se consacrer d'abord à cette organisationmême, il ne tarderait certainement pas à obtenirdes résultats précieux, car le nombre est grand descorporations prêtes à se fédérer et des Fédérationsnationales siégeant en province, que quelques ef-forts détermineraient à entrer dans le conseil. Or,ces adhésions lui apporteraient la force numériquesans laquelle il est voué à l'impuissance, et enmême temps l'autorité nécessaire pour aborder lespoints de son programme qui touchent ledéveloppement et l’action des unionsprofessionnelles. Mais se considérant commeobligé, alors qu'il en est matériellement incapable,d'aborder a la fois toutes les parties de son pro-gramme, il voit ses efforts paralysés.

Tout autre est la situation du Comité fédéral desBourses du Travail. Pendant les trois premièresannées de son existence, celui ci sut borner sonaction à la création de Bourses, qui surgissaientpar dizaines sur les points les plus opposés duterritoire. Durant cette période, il dut s’interdire, àpeine de gaspiller ses efforts et de nuire tout autantà l'augmentation du nombre des Bourses qu'à leurdéveloppement, il dut s'interdire toute étude ayanttrait au perfectionnement des Bourses créées.

Mais cette période est depuis longtemps close.Il existe aujourd'hui cinquante et une Bourses duTravail, groupant 250.000 ouvriers, et c'est à peinesi maintenant il se constitue chaque année trois ouquatre Bourses nouvelles. Assurément, devant lenombre des villes comptant plusieurs Syndicats,aptes par conséquent à posséder une Bourse, letravail d'organisation du Comité est encoreconsidérable; mais ce travail est beaucoup plus lentque jadis, et c'est surtout à présent l'exemple desrésultats obtenus par les Unions de Syndicatscréées qui entraîne la création de nouvelles Unions.Le Comité a donc dû depuis quatre ans étendreson action, et c'est ainsi qu'il a étudié - mais tour àtour, avec prudence, en n'abordant une questionnouvelle qu'après mise en train aussi parfaite quepossible d'une question précédente - le rôle desBourses de Travail, le caractère départemental etmême régional qu'elles doivent revêtir tant qu'ilexistera des travailleurs non syndiqués et desSyndicats empêchés de se fédérer localement;l'extension de leur propagande aux travailleurs dela mer et des campagnes, le parti qu'elles peuventtirer de la coopération, les précautions à prendrepour conserver à toutes leurs entreprises, nonseulement la marque, mais aussi et surtout l'espritsocialiste, les innovations, enfin, susceptiblesd'attirer les ouvriers trop résignés au despotismecapitaliste et à la tyrannie gouvernementale.

Or, qu'on imagine en présence les délégués dequelques Unions de métiers adhérentes au Conseilnational corporatif et les délégués des Bourses duTravail; ne sent-on pas aussitôt l'incompatibilité deleurs programmes respectifs: l'un d'organisation,l'autre de développement, la dissonance de leursconceptions, la divergence de leurs moyens et deleurs méthodes? Les hommes ainsi rapprochés neparlent pas la même langue et ne pourraients'entendre qu'à condition, les uns d'adopter lalangue déjà si complexe de leurs camarades, lesautres de revenir au rudiment de la propagande, et(abandonnant pour quelques années la cause desUnions de Syndicats) de refaire pour les Unionsde métiers l'œuvre accomplie par eux de 1892 à1895.

Sans doute, les Bourses du Travail, en mêmetemps qu'elles ont le sentiment de la solidarité,

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savent que leur œuvre, c'est-à-dire la culture desbesoins d'association économique et dedéveloppement des facultés administratives destravailleurs serait presque sans valeur si elle nedevait se compléter par la forme d'organisation quidonnera à ces mêmes travailleurs les notions detechnicité intégrale nécessaire à la production libre,et en même temps la familiarisera, par lesescarmouches quotidiennes, avec les fatigues etles périls du combat social. Aussi, n'hésiteraient-elles pas à négliger momentanément leur œuvrepour aider à celle qui incombe au Congrèscorporatif, si cette tâche exigeait le concoursd'expériences spéciales. Mais il n'en est pas ainsi.Le rôle du Conseil corporatif est des plus faciles.Que le Congrès de Rennes, au lieu de l'enfermerdans un programme compatible seulement avecune organisation déjà solide, lui permette de seborner pendant deux ou trois ans à son propredéveloppement, c'est-à-dire à la constitutiond'Unions nationales de métiers, et nous sommescertains que, de même qu'en 1893, 1894 et 1896,le Comité fédéral des Bourses du Travailenregistrait chaque année l'adhésion de huit ou dixnouvelles Unions de Syndicats, de même leCongrès corporatif enregistrera en 1899 desconcours nouveaux, à l'aide desquels il pourra dèslors élargir le champ de ses opérations et agir depair avec la Fédération des Bourses de Travail.

Ce qu'il importe de considérer, c'est que, malgrésa force apparente, l'organisation ouvrière, nonseulement par métiers similaires, mais même parprofessions diverses, est à peine ébauchée; qu'il yaurait donc péril pour les progrès réalisés à lescroire de nature à donner dès maintenant les fruitsattendus. Si le Congrès corporatif de Rennes veutbien reconnaître ce principe, il comprendra, par uneconséquence naturelle, que la tâche immédiate desdeux organismes qui composent la Confédérationdoit être, avant tout, de se développer au mêmedegré.

Le sort de la Confédération est lié à celui desunions de métiers et des unions de syndicats. Orsi, transgressant la loi de division du travail, on nelaisse pas ces deux branches de l'activité ouvrièrepuiser encore dans de nouvelles recrues la sèvenécessaire pour se fortifier, si l’on oublie que cesrecrues ne se feront qu'à condition de voir dansl'œuvre syndicale des intérêts simples, clairs etprécis, si, en un mot, on confond deux faiblessesinégales, il est à craindre que c'en soit bientôt faitdu travail accompli depuis dix ans. Les Bourses duTravail sont encore à la merci du premier ministèrerésolu; quant aux fédérations de métiers, il suffitd'ouvrir l’Annuaire des Syndicats pour constaterque, sauf quelques exceptions, elles n'existent pas;réunissez-les, et les unes et les autres s'épuiseront

en une agitation stérile jusqu'à ce qu'un Dupuyprofite de leur concentration pour les frapper à latête.

Le Comité fédéral est donc d'avis que le Congrèscorporatif de Rennes sanctionne de nouveau le rap-port de la première commission du Congrès deToulouse en y introduisant les modificationssuivantes:

1- Les deux organismes constituant laConfédération ne se réunissent qu'en casd'événements imprévus et nécessitantmanifestement une entente.

2- Le Conseil national corporatif, se faisant aider,s'il le juge utile, par le Comité fédéral des Boursesdu Travail, dressera dès la clôture du présentCongrès un état des syndicats du même métier oude métiers similaires susceptibles de se fédérer,puis il s’efforcera de les unir et de se les incorporer.

3- Au cas où le Conseil national corporatifestimerait nécessaire de traiter pendant l’exerciceprochain d'autres parties de son programme quecelle qui concerne la création d'Unions nationalesde métiers, il est autorisé à les sérier dans lamesure qui lui paraitra convenable.

4- Le Conseil est invité à faire la plus grandepublicité possible sur son titre et sur son but, defaçon à rallier les fédérations nationales de métierset les syndicats nationaux qui ne lui ont pas encoreapporté leur concours.

5- Pour éviter dans l'esprit des travailleurs touteconfusion résultant d'une multiplicité d'étiquettes,chacune des deux organisations centrales devraen toute manifestation privée ou publique, faireprécéder son titre particulier de celui deConfédération Générale du travail, de façon que leprolétariat sache que la Confédération n'est pas unorganisme distinct du Conseil national corporatif etdu Comité fédéral des Bourses du Travail.

6- Les statuts de la Confédération indiquerontexpressément:

- le programme commun aux deux organismes;- le programme du Conseil national corporatif;- le programme de la Fédération des Bourses

du Travail.Ces divers points résument la méthode qu'à

suivie depuis son origine le Comité fédéral desBourses et qui lui a permis d'aborder avec fruit ledomaine des expériences positives; nous sommesdonc convaincus qu'en adoptant la même méthode,et aidé par le progrès manifeste des idéesd'association, le Conseil national des Unions demétiers obtiendra très rapidement des résultatsidentiques. Grâce à cette division du travail, à cettespécialisation des efforts, les deux organisationspourront bientôt rendre les services qu'on attendd'elles et par le concert de leur puissance et deleur énergie, donner à l’évolution ouvrière l’impulsiondécisive.

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Mécaniciens de Marseille: Je demande si tousces rapports étaient portés à l’ordre du jour duCongrès et pourquoi, hier, on n'a pas commencépar cela.

Lagailse: Il était impossible de passer à la dis-cussion de l’ordre du jour du Congrès, puisqu'il yavait une question préjudicielle , présentée par leSyndicat des chemins de fer sur le mode de votationqui serait adopté au Congrès.

Riom, Fédération du Bâtiment: Je rappelle auxcongressistes qu'il sera fait une quête pour lesterrassiers de Paris, à la sortie de la séance, ainsi

qu'il en a été décidé à la dernière séance.

Richer, délégué de la Bourse de Travail duMans: Il avait été décidé qu'une quête serait faitepour les grévistes du Mans. Une discussions'engage sur la question de savoir si le produit dela quête sera distribué aux grévistes de Paris et duMans, proportionnellement au nombre desgrévistes. Le Congrès décide qu'il sera fait deuxquêtes, une à la sortie de la séance, pour lesterrassiers de Paris, l'autre à la fin de la prochaineséance, pour les grévistes du Mans.

La séance est levée à 11 heures 50.

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QUATRIÈME SÉANCE: Mardi 27 Septembre 1898 (soir).

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La séance est ouverte à deux heures, sous laprésidence du camarade Trabaud, délégué de laBourse du Travail de Nice; Cauchois et Maynier,assesseurs. Il est procédé à l’appel nominal.

Le Président porte à la connaissance desEmployés de commerce, délégués au Congrèsqu’une réunion des Employés de Commerce, deBanque et d'industrie de la ville de Rennes estorganisée par le Syndicat des employés de Renneset que le camafade Beausoleil doit y prendre laparole.

Richer, Bourse du Travail du Mans: Jedemande que la Commission de vérification despouvoirs remette aux délégués les mandats qu'ilslui ont confiés lors de la vérification. Plusieursdélégués ont besoin de ces mandats quicontiennent la conduite à tenir par les délégués surla question à l'ordre du jour.

Riom, Fédération du Bâtiment: La collectepour les terrassiers de la Seine, actuellement engrève, a produit une somme sur laquelle il a étéprélevé les 5% de la grève générale. ,

Constant, Union des Syndicats de Brest: Jedemande pourquoi on a retenu les 5% sur la quête.

Meyer, Pâtissiers de la Seine: C'est enexécution des décisions prises dans les Congrèsantérieurs. Les Syndicats qui n'admettent mêmepas le principe de la grève générale s'y sont toujoursconformés.

Le Président: La suite de l’ordre du jour est la

discussion du rapport du Conseil national. La pa-role est au camarade Besombe, de l'Union desSyndicats de Paris.

Besombe, Union des Syndicats de la Seine:J'ai un mandat formel et motivé sur cette question;je demande au Congrès de m'écouter et de ne pasinterrompre. Le rapport du Conseil national, au lieud’être un rapport des travaux exécutés depuis ledernier Congrès, n'est qu'un réquisitoire violentcontre une personnalité, contre le citoyen Pelloutier,Secrétaire de la Fédération des Bourses. On étaiten droit d'attendre mieux du Conseil national. Dansce rapport du Conseil national on relève desirrégularités flagrantes: ainsi, page 5 du rapport, ilest dit que la Fédération des Bourses est entréeau Conseil national pour éliminer les camaradesqui composaient le bureau, pour le majorer; plusloin, le même rapport fait savoir que les membrescomposant la Fédération des Bourses se sontretirés avec dépit parce qu'ils n'ont pas réussi. Or,si la Fédération des Bourses pouvait majorer leConseil national, on se demande pourquoi elle n'ya pas réussi. Le rapport du Conseil national faitreproche à la Fédération des Bourses de n'avoirpas payé ses cotisations à la Confédérationgénérale du travail, et devoir préféré garder ses de-niers pour payer son Secrétaire. L’Union desSyndicats de la Seine estime que la Fédération desBourses n'a fait que son devoir en réservant cesfonds qui assuraient la rémunération de sonSecrétaire, de celui qui dépense tout son temps,toute son activité et tout son dévouement pour elle.On ne peut lui en faire un reproche, car elle assuraitainsi, avant tout, la vitalité des organisations qu'ellefédérait. Le Conseil national s’est départi de la ligne

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de conduite qui lui avait été donnée au Congrès deToulouse; il avait été décidé, à ce Congrès, que laConfédération générale du travail quitterait la Boursedu Travail de Paris et qu'elle s'entendrait avec laFédération des Bourses pour avoir un autre localindépendant. La Fédération des Bourses a son lo-cal à elle; elle ne paie que vingt-quatre francs paran. Le Conseil national n'aurait eu que fort peu dechose à payer et ce n'eût pas été une grandedépense pour lui, puisqu'il avait plus de six centsfrancs en caisse.

Copigneau, trésorier du Conseil national: Jefais constater au Congrès qu'il y a une critiqueformulée sur ce que la confédération générale n'aitpas cru devoir quitter la Bourse du Travail; or,l'argent que possède le Conseil Nationaln'appartient pas à la Confédération Générale, maisaux Fédérations de métiers. La ConfédérationGénérale n'a pas de caisse.

Mais j'ai surtout demandé la parole pour faireremarquer au Congrès que ce sont des critiquessur le Conseil national que l’on entend en ce mo-ment, mais non la discussion du rapport financierqui a été lu au Congrès.

Union du Bronze: Je demande que tous lescamarades qui ont des rapports les déposent; ladiscussion viendra lorsque tous les rapports serontlus; d'après ces rapports, la discussion seraéclairée.

Besombe, Union des Syndicats de la Seine:Je désire que chacun formule ses opinions, quetous ceux qui ont des rapports et qui ont reçu unmandat ferme sur cette question, viennent lesdévelopper. Il faut éclairer les débats et ne faireaucune pression. Le Congrès a adopté que la dis-cussion générale se ferait d'abord sur toutes lesquestions à l’ordre du jour, puis, que les rapportsseraient remis à la Commission qui s'en serviraitpour le rapport général. Lorsqu'on demande qu'ilsoit donné lecture de tous les rapports, on veutétouffer la discussion, empêcher qu'elle ait lieu.

Richer, Bourse du Travail du Mans:Camarades, il faudrait s'expliquer sur cette ques-tion. Je trouve étrange qu'on ne puisse pas discuterles rapports que les délégués ont apportés et quiont été adoptés après discussion par les organisa-tions ouvrières.

Pelloutier, Comité Fédéral des Bourses: Pourrépondre aux camarades qui craignent que leursrapports ne soient pas discutés, je dois dire qu'il yaura deux discussions: 1- Discussion générale, oùchacun peut prendre part en s'inspirant des

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rapports qui lui ont été remis par les organisations;puis, 2- discussion sur le rapport de chaque Com-mission, où chacun peut encore prendre la parolepour faire approuver, modifier ou annuler le rapportdes commissions. Permettez-moi de formuler unvœu dès maintenant, vœu que je voudrais voir prisen considération par le Congrès.

Qu'à l'avenir, le rapport du Conseil National soitsoumis aux organisations fédérées, au moins troismois avant le Congrès.

C'est ainsi que procède la Fédération desBourses, et je puis assurer que ce rapport, connude tous, longtemps avant l'ouverture du Congrès,est sérieusement discuté.

Lagailse, Confédération générale: On accusele Conseil national de n'avoir pas publié son rap-port à temps; y a-t-il dans les statuts de laConfédération une clause qui oblige à faire ce rap-port et à le communiquer six mois à l'avance? LeConseil national est dans l'obligation d'attendre lesréponses des organisations avant de publier l’ordredu jour; ce n'est que lorsque l’ordre du jour estpublié que le rapport du Conseil national est établi.Le Conseil national a procédé comme pour lesCongrès antérieurs.

Richer, Bourse du Travail du Mans: Jedemande que le Congrès exige que le camaradeBourges, secrétaire de la Bourse de Rennes, donnelecture d'une lettre de Lagailse, par laquelle il ditqu'il ne faut pas communiquer les brochurescontenant le rapport imprimé du Conseil National,avant l’ouverture du Congres des Bourses. Adopté.

Beausoleil: Je désire savoir, et le Congrès aaussi intérêt à le savoir, s'il est vrai que descamarades de Paris ont eu communication du rap-port du Conseil National, quinze jours avantl’ouverture des Congrès?

Lagailse: La Fédération des Bourses n'a pascru devoir aviser le Conseil National des critiquesqu'elle formulerait dans son rapport, qui a été publiédans l’Ouvrier des Deux Mondes, organe officielde cette Fédération. Or, il eût été convenable quele Conseil National fût avisé de ces critiques. Onne peut venir arguer que le Secrétaire de laConfédération générale du Travail connaissait cerapport et ses critiques, sous le prétexte qu'il litl’Ouvrier des Deux Mondes, auquel il estpersonnellement abonné.

Comité fédéral des Bourses: Le Conseil na-tional n'a pas consulté la Fédération des Boursespour la rédaction du rapport à soumettre auCongrès corporatif. La Fédération des Bourses

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avait cependant le droit d'être consultée, attenduqu'elle fait partie du Conseil national.

Lagailse, Conseil national: Jusqu'ici, leConseil national venait au Congrès avec un rap-port manuscrit. C'est un rapport manuscrit qui aété lu et adopté à Tours, à Toulouse, dans le seulbut d'éviter des frais d'impression. C'est en voyantle rapport de la Fédération des Bourses, à ladernière heure, que le Conseil national a décidé defaire imprimer le rapport de cette année, et ce n'estpas par hasard que Pelloutier a vu ce rapportimprimé, puisque le camarade Bourges avait étéprié de le communiquer au Congrès des Bourses.

Bourges, Secrétaire de la Bourse de Rennes,proteste contre ce que vient de dire le camaradeRicher, puis il donne lecture d'un passage d'unelettre du camarade Lagailse, dans lequel il demandeà Bourges de faire imprimer 250 rapports duConseil national, plus un pour chaque délégué auCongrès des Bourses.

Pelloutier, Comité Fédéral des Bourses: Cen'est pas par hasard que nous avons eu commu-nication du rapport du Conseil national; il y a 15jours ce rapport nous a été communiqué à Paris;donc, puisque ce rapport, imprimé à Rennes, avaitpu être expédié à Paris, il aurait dû l'être égalementaux organisations fédérées! Le Congrès desBourses, devant un si volumineux rapport, n'a puprendre aucune décision et il a donné mandat àson Secrétaire du Comité fédéral de venir sedéfendre devant le Congrès corporatif.

La Confédération générale du Travail se com-pose de deux organismes bien différents et biendistincts: le Conseil corporatif des Fédérations demétiers et la Fédération des Bourses du Travail.Ces deux organismes ont une action différente àremplir, et, en conséquence, les deux rapports qu'ilsétablissent n'ont rien à voir l'un dans l'autre.

Cependant, le Comité fédéral des Bourses duTravail avait le droit de participer à l'exécution dece rapport; or, il n'en a rien été. Je demande qu'àl'avenir le rapport du Conseil national soit envoyéaux organisations ouvrières fédérées deux moisavant l'ouverture du Congrès; il faut que le Congrèsprenne une décision ferme dans ce sens.

Lagailse: Dans une séance du Comitéconfédéral, on avait demandé, se conformant auxdécisions du Congrès de Toulouse, que laFédération des Bourses s'entende avec laConfédération du Travail pour l'organisation desCongrès. Pelloutier a répondu que chaqueorganisme eût à organiser son Congrès pour sonpropre compte; que les statuts de la Confédération

prescrivaient au Conseil corporatif d'organiser leCongrès corporatif. Devons-nous attendre leCongrès prochain pour trancher toutes lesdifficultés qui existent entre les deux organismesconstituant la Confédération?

Si on a uni les deux organismes, Fédération desmétiers et Fédération des Bourses, sous le nomde Confédération générale, c'est qu'on croyait voirun antagonisme entre ces deux organisations etafin de réunir en une action, sinon commune - aumoins parallèle. Le but n'a pas été atteint; il convientde compléter les statuts votés à Toulouse, si on neveut pas encore recommencer le conflit actuel.

Besombe, Union des Syndicats de la Seine:Je constate, par le rapport financier qui a été lu,qu'il y avait au 12 septembre environ 617 francs encaisse. On n'accepte les décisions des Congrèsque lorsqu'elles plaisent, et on ne les accepte pasparce qu'elles gênent.

Le Conseil National n'a pas jugé à propos desuivre les décisions du Congrès de Toulouse quidésirait que la Confédération eût un local. La situa-tion est la même aujourd'hui que celle qui fut crééeà Limoges; alors, comme à présent, la politiques'en était occupée et pour s'en convaincre, il suffitde voir la nomenclature des membres de la Com-mission de Limoges; on sait de suite à quel parti ilsappartenaient. J'ai le mandat de faire connaître auCongrès la composition de cette commission. Cen'est qu'au Congrès de Nantes que les organisa-tions ouvrières ont reconquis leur indépendance etont pu se placer sur le terrain économique. Nousavons voulu nous mettre en dehors de tout partipolitique et il faudrait que nous nous y maintenions.On a entendu la lecture du rapport du Conseil Na-tional; il ne contient que des injures dirigées contrePelloutier, injures qui atteignent une organisation quel'on visait surtout: la Fédération des Bourses. On acherché tous les arguments pour déconsidérerPelloutier qui est le lieutenant du Comité Fédéral.Ce rapport virulent dirigé contre la personnalitéd'une organisation importante qui rend de grandsservices, ne doit pas être discuté.

On ne doit pas non plus approuver un rapportqui n'a pas été communiqué aux associationsreprésentées au Congrès.

Je conclus en disant que le Conseil Nationaln'avait pas le droit d'établir de rapport de laConfédération Générale du Travail avant d'avoirconsulté tous les membres constituant le ConseilNational. Une fois le rapport établi dans les condi-tions que je viens d'indiquer il eût dû êtrecommuniqué aux organisations fédérées. Enfin, jedemande aux membres des Associations ouvrièresici présents, de faire attention pour ne pas creuserdavantage le fossé entre les deux organisations qui

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doivent servir à l'émancipation des travailleurs. Ilest fort regrettable qu’il y ait des questionspersonnelles dans un Congrès où l'on ne devraitdiscuter que des questions concernant lestravailleurs.

Beausoleil, Syndicat des Travailleurs de l'aircomprimé et de l’Electricité de Paris:

Le conflit a sa source dans ce que les attribu-tions ne sont pas nettement déterminées pourchacun des éléments constituant la confédérationet le principal motif du conflit réside dans uneinterprétation différente des statuts.

Les Syndicats doivent être doublement fédérés,d'abord par les Unions de métiers qui se fédèrentsous le titre de Confédération générale du Travail;puis par les Bourses du Travail ou les Unions lo-cales de Syndicats fédérées sous le titre deFédération des Bourses. La Fédération desBourses ne peut fédérer tous les Syndicats isolés,qui ne se rattachent à aucune Bourse ou Union lo-cale, et ce qu’elle ne peut faire ainsi, laConfédération l'obtient par ses Unions de métiers.On a donc compris que pour régulariser cette situ-ation, il fallait bien définir les attributions des deuxorganisations fédératives, et modifier, réformer lesstatuts en conséquence.

Le jour où vous aurez réformé les statuts, cettedualité disparaîtra. Le conflit n'existait pas avant leCongrès de Limoges; depuis, on a introduit laFédération des Bourses dans la Confédération. Enfaisant intervenir deux organismes distincts avecdes pouvoirs égaux, on à créé un conflit perma-nent. Il y a lieu d'adopter les statuts suivants quipréciseraient la nature et définiraient le rôle de laConfédération, compléteraient ceux votés à Tou-louse et permettraient de donner les résultats quele prolétariat attend d'elle. Voici ces statuts ; ils ontété communiqués au Congrès des Bourses quivient de se terminer:

STATUTS DU COMITÉ CONFÉDÉRAL

Art. 1: Il est crée entre les deux Associationsouvrières centrales — Conseil national corporatifet Comité fédéral des Bourses du Travail — uneunion qui prend pour titre: Confédération généraledit Travail.

La Confédération générale du Travail se tiendraen dehors de toute école politique.

Art. 2: La Confédération générale du Travail aexclusivement pour but d'unir sur le terrainéconomique et par des liens d'étroite solidarité lestravailleurs en lutte pour leur émancipation intégrale.

Art. 3: Les deux organes de la Confédérationconservent respectivement leur autonomie morale

et financière. Chacun d'eux conserve les attribu-tions qui lui ont été conférées par les précédentsCongrès. Réunis en Comité confédéral, ils nerésolvent que les questions que leur caractèred'ordre général désigne évidemment comme ayantun intérêt commun et devant être résolues encommun, notamment l’action à engager poursoutenir une grève générale, l'organisation de larésistance à l'arbitraire gouvernemental, etc...

Art. 4: Le Conseil national corporatif et le Comitéfédéral des Bourses du Travail doivent en toutecirconstance faire précéder leur titre personnel decelui de Confédération générale du Travail.

Art. 5: Le siège de la Confédération générale duTravail est à Paris. Les Congrès corporatifspourront toujours changer le siège de laConfédération générale du Travail.

Art. 6: Le Comité confédéral, c'est-à-dire l'uniondu Conseil national corporatif et du Comité fédéraldes Bourses du Travail, ne se réunit que pour l'étudedes questions d'intérêt commun aux deuxorganismes, ou en cas d'événement socialnécessitant manifestement une entente.

Art. 7:La question dont l’un de ces organismespropose l'examen est notifiée au bureau de l'autre,et, après entente pour la date et le lieu de réunion,les deux bureaux convoquent respectivement leursadhérents à l’assemblée générale.

Art. 8: L'assemblée confédérale nomme unprésident de séance. Ses procès-verbaux sontrédigés à tour de rôle par les secrétaires des deuxorganisations et transcrits sur un registre commun.

En outre de ces réunions non périodiques, uneséance a lieu chaque trimestre pour l'examen desaffaires communes,

Art. 9: Les dépenses nécessitées par lesassemblées confédérales sont couvertes par unecotisation mensuelle de 10 francs versée parchacun des deux organismes et suspendue sil'encaisse le permet.

Art. 10: Les décisions de l'Assembléeconfédérale sont exécutées par les soins et auxfrais des deux organisations, s'il s'agit d’une notifi-cation ou d'un avis à transmettre aux unions demétier et aux unions de syndicats divers, et par uneCommission mixte et à frais communs, s'il s'agitd'une mission nécessitant l'action concertée.

STATUTS DUCONSEIL NATIONAL CORPORATIF

Modifier l’article 4 comme suit: LesFédérations nationales et les Syndicats nationauxauront chacun trois délégués; les Fédérationsrégionales de Syndicats de métier similaires aurontchacune un délégué.

Seront également représentés par un délégué

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les Syndicats isolés dont la profession ne possèdeni Fédération nationale ou régionale, ni métierssimilaires, et qui ne peuvent adhérer à une Boursedu Travail voisine.

Mais ces Syndicats perdent le droit à lareprésentation directe dès qu'ils peuvent s'affilier àune Fédération du même métier ou de métierssimilaires, ou adhérer à une Bourse du Travail.

Modifier comme suit l’article: Propagande:Organisation du Congrès national corporatif annuelet exécution de ses délibérations. -Fédération detous les Syndicats isolés, soit par leur affiliation auxFédérations nationales de métiers existantes, soitpar la création de Fédérations nouvelles et suivantle tableau du groupement corporatif ci-dessous:

Ouvriers de la Marine et des ports: Pêchemaritime. Pêche en eau douce. Ouvriers desmarais salants. Transport maritime. Transport flu-vial. Ouvriers des entrepots et magasins généraux.

Ouvriers agricoles: Forêts, culture, élevage.Ouvriers des transports: Chemins de fer.

Manutention et roulage. Transports publics.Ouvriers de l’alimentation: Ouvriers de

l'Industrie et du Commerce d'Alimentation.Ouvriers des industries extractives: Mines

de combustibles. Mines métalliques. Minesdiverses. Préparation de minerais. Ouvriers descarrières.

Ouvriers du tissage et des industries an-nexes: Filature (lin, chanvre, jute, coton). Filature(laine et soie). Tissage mécanique. Tissage à lamain. Teinture, apprêt, blanchiement. Bonneterie,dentelles, passementerie. Tissus façonnés, con-fection.

Cuirs et peaux: Peaux et cuirs. Objets en cuir.Ganterie. Mégisserie, corroierie, tannerie.

Employés des professions libérales:Employés des professions libérales. Professionsjudiciaires, enseignement, lettres et arts, médecine,pharmacie.

Ouvriers du service des personnes: Ouvriersdes bains, coiffeurs, des soins personnels, servi-ce domestique.

Travailleurs du Livre: Papier (fabrication de).Imprimerie. Lithographie. Porteurs et marchandsde journaux.

Ouvriers du métal: Métallurgie, ferronnerie.Chaudronnerie. Fonderie et tôlerie. Armurerie etdivers. Machines. Métaux divers, petits objets enmétal.

Ouvriers du Bâtiment: Métaux rares. Taille depierres. Bâtiment. Serrurerie pour le bâtiment.Canalisations. Ouvriers du commerce desmatériaux.

Ouvriers des industries de transformation:Industries chimiques. Caoutchouc, linoléum,celluloïd.

Ouvriers du bois: Menuiserie, charpente. Grosouvrages en bois. Ebénisterie.

Ouvriers des fours: Chaufournerie.Briqueterie, céramique. Verrerie.

Employés du Commerce: Ouvriers du com-merce: produits chimiques, librairie, bois, specta-cles, agences, banques, administrations,photographes.

Ouvriers et employés de l’habillement:Tailleurs, lingerie, chapellerie, fleurs et plumes,teinturerie et nettoyage, tapisserie, broderie,employés d’habillement.

Ouvriers diamantaires: Lapidaires.Diamantaires.

Modifier comme suit l'article: Statistique.Statistique professionnelle; documentation tech-nique.

De cette lecture, il découle que les statuts de laConfédération sont nets et précis; que les attribu-tions du Conseil national, ainsi que sa constitution,sont nettement définies et déterminées.

Je propose donc au Congrès d'adopter cettemodification que le Congrès des Bourses, commeje l'ai déjà fait savoir, a entièrement approuvée. Parcette nouvelle modification, le Congrès nationalserait tenu d'exécuter les décisions des Congrès.Voici comment se ferait l'étude des questions:

Les Syndicats se réuniraient d'abord et seprononceraient sur les questions qui leur seraientsoumises par la Confédération. Puis la discussiongénérale des mêmes questions aurait lieu dans leCongrès fédéral des Métiers et dans le Congrèsfédéral des Bourses. Grâce à tous ces moyens, leConseil national n'aurait qu'à sanctionner lesdécisions des Congrès.

En ce moment, la Confédération générale duTravail n'a pas encore réussi à fédérer toutes lesprofessions; les ouvriers maritimes des ports, parexemple, ne sont pas représentés à laConfédération. Dans les statuts modifiés que jeviens de lire au Congrès, il y a une classificationcomplète de tous les métiers et qui comporte toutesles professions similaires qui s'y rattachent. Ainsi,on aurait un Conseil national bien défini; on pourraitse réunir plus facilement pour la discussion. Jeprends pour exemple la question de la grèvegénérale: avec une organisation comme celle queje propose, on peut effectuer une consultationsérieuse.

En un mot, le Congrès ne peut pas laissersubsister ces deux organismes qui, grâce àl'organisation actuelle, sont constamment en conflitl'un avec l'autre.

La proposition d'organisation ci-dessus adoptéepar le Congrès, on serait en droit d'attendre duConseil national un rapport plus sérieux que celui

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qui nous est soumis.

Constant, Union Syndicale des Travailleursde Brest: Le Conseil national se présente à nous,qui sommes ses juges.Je vais donc donner monopinion sur le rapport qui vient de nous êtreprésenté. Dans mon opinion, ce rapport quiquelquefois blâme l'ingérence de la politique et despoliticiens n'est lui-même qu'un long programmepolitique. Qu'y trouvons-nous en effet? Desmanifestes révolutionnaires, des circulaires, desplacards pour l'affaire Zola. Est-ce que nous avonspour mission spéciale de combattre le sabre et legoupillon au nom de la Confédération du Travail ?

Eh bien! je vous le dis carrément, si c'est toutce que vous avez pu faire jusqu'à présent, c'estbien piteux.

Pelloutier, Comité fédéral des Bourses: Ladiscussion qui vient d'avoir lieu. On apprend tousles jours quelque chose de nouveau. En partant deParis pourjvenir au Congrès des Bourses, j'ignoraisque le rapport du Conseil national m'était en grandepartie consacré. J'ai appris ici que ce rapport a étéen possession de camarades de Paris quinze joursavant le Congrès des Bourses.

Je veux encore signaler au Congrès une con-tradiction du rapport du Conseil national. À la page5 de ce rapport, il est dit que “dès la premièreréunion du Conseil national, il avait été décidé dansle milieu dont Pelloutier dirigeait les rouagesd'éliminer les camarades qui composaient le bu-reau”. Or, plus loin, dans le rapport, on constatequ’on n'a jamais trouvé dans la Fédération desBourses ce qu'on en attendait.

Je demande que le citoyen Lagailse affirmedevant le Congrès si la première assemblée desdélégués du Conseil national a eu à voter pour descandidats autres que ceux qui composaient le bu-reau; a-t-elle votée en contradiction entre deuxcandidats?

Lagailse, Conseil national: Il y a aussi auCongrès d'autres membres du Conseil national quiassistaient à cette réunion et qui pourront affirmerque Gretzell a été candidat.

Pelloutier, Comité fédéral des Bourses: Jeproteste et je dis que c'est faux. Il n'y a pas eud'autres candidats que ceux que présentait leConseil national et tout le bureau a été réélu tel qu'ilétait composé avant cette réunion. On ne l’a paschangé. Le citoyen Lagailse a menti en affirmant lecontraire...

Lagailse, Conseil national: Vous m'en rendrezraison!

Pelloutier, Comité fédéral des Bourses: Dansle rapport du Conseil national on a fait valoir que laFédération des Bourses n’avait pas apporté sonconcours financier. Est-ce la faute du Comité fédéraldes Bourses? En dehors des appointements duSecrétaire permanent, appointements qui s'élèventà la somme de 1.200 francs (c'est la rémunérationqui m'est allouée pour m'indemniser de tout letemps que je consacre à la Fédération des Boursesdu Travail et que certains trouvent trop élevée, Jevoudrais bien qu'ils prennent la place et voir s'ils yconsacreraient autant de temps, autant d'activité,autant de désintéressement que j'y apporte), endehors de ces appointements, il n'y avait pasd'autres fonds dans la caisse de la Fédération desBourses.

Il est en effet exact que c'est sur ma propositionque fut décidé, au Conseil national, l'envoi de lacirculaire relative à l'affaire Zola. Mais je n'étais paschargé du contrôle sur les opérations financièresde la Confédération. Il aurait fallu savoir si les fi-nances étaient suffisantes pour payer les frais dumanifeste. L'argent que l'on réclamait à la Fédérationdes Bourses, cette dernière ne le possédait pas,attendu que de nombreuses cotisations étaientdues par des Bourses retardataires. Le camaradeStroobant a demandé qu'une lettre spéciale fûtenvoyée aux Bourses retardataires pour leur faireactiver le versement des cotisations échues. Il y aeu déficit malgré tout. Cependant la situation serabonne à l'avenir. Pour se convaincre de ce quej'avance, il n'y a qu'à se reporter au compte-rendufinancier de la Fédération des Bourses arrêté au30 juin. On y constatera la même absence derentrée de fonds.

La Fédération des Bourses n'a pas pu faire faceaux frais qui lui ont été imposés par le Congrès deToulouse et qui lui incombaient par suite de sonadhésion à la Confédération. C'est entendu, maisce n'est pas par la faute du secrétaire fédéral desBourses, ce n'est pas de ma faute si cette situa-tion n'est pas meilleure.

Le rapport du Conseil national dit que laFédération des Bourses ne lui a pas apporté leconcours nécessaire, seulement ce qu'il ne dit pasc'est que les deux seuls travaux d'enquête faits parle Conseil national sont l'œuvre de la Fédérationdes Bourses. Le Comité fédéral n'a pas apportéson concours, mais ce qui a été fait a été proposépar lui. On vient objecter que ces enquêtes n'ontété entreprises que pour avoir des documents queI’on espérait accaparer. On ne doit pas avoir le droitde rechercher le mobile qui pousse à faire un tra-vail, si ce travail est bon. On ne veut pas nousrépondre lorsque nous demandons si ces enquêtesont été bonnes. Ce n'est pas moi, Pelloutier, qui aifait faire ces enquêtes. La circulaire était aussi

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l'œuvre d'un membre de la Fédération desBourses. Il est vrai que l’on n'a pas le droit dediscuter à ce titre, puisqu'on ne veut pas qu'il y aitdes délégués de Bourses.

Je ne m'appesantirai pas davantage dans la dis-cussion de ce rapport du Conseil national. Pourtantje ne veux pas passer sous silence un autrereproche qui nous est adressé, à nous, Fédérationdes Bourses.

Nous regrettons de n'avoir pas pu arriver à nousentendre avec le Conseil national pour un localcommun aux deux organismes. La Fédération desBourses se réunissait et se réunit encore dans unestaminet. Moyennant la somme de deux francspar mois, une salle nous est réservée pour nosséances et le Conseil national, pour suivre lesdécisions du Congrès de Toulouse, aurait dû quit-ter la Bourse du Travail et faire comme la Fédérationdes Bourses.

Le Président: Je crois devoir appeler l'attentiondu Congrès sur les fuites qui se font depuis un mo-ment, et je demande si l’on doit continuer à discuteralors que beaucoup de délégués sont sortis. Il nefaut pas que dans une discussion du genre de cellequi a lieu en ce moment, on fasse du parti-pris.Cela ne servirait de rien et ne ferait pas avancer lasolution de la question. Si le parti-pris pouvaitdominer dans une assemblée comme la nôtre, ilserait inutile de se déranger pour venir discuter lesquestions épineuses qui intéressent le monde dutravail. Je désire que le Congrès prenne, par unvote, une résolution quelconque, ou sinon je meverrai dans l'obligation de renoncer à présider cetteséance.

Pelloutier, Comité fédéral des Bourses: Jeremercie le Président des constatations qu'il vientde faire. Malgré le parti-pris évident qui semanifeste, la majorité du Congrès, j'en ai la certi-tude, ne se laissera pas influencer.

Roche, Syndicat général des Garçons demagasin, Cochers-Livreurs et parties similairesde la Seine, sur le point de sortir de la salle, desséances, se retourne, sur le seuil de la porte, versle Président et dit que son Syndicat lui a confié unmandat ferme sur cette question et, quoi qu'onpuisse venir dire au Congrès, il ne pourra revenirsur la décision prise par son Syndicat.

Le Président communique une proposition ducamarade Guérin, d'Angers, qui demande de tenirune liste des sorties et des absences qui ont lieupendant les séances.

Gournet, Union syndicale des Métallurgistes

de Fourchambault (Nièvre), propose une suspen-sion de séance de dix minutes; il combat la propo-sition du camarade d'Angers.

Le Congrès décide de continuer la séance, surla proposition du camarade Dugoy, délégué de laFédération des Ouvriers Cuisiniers de France,qui fait remarquer que certains délégués, commele camarade Meyer par exemple, sont sortis pourfaire de la propagande syndicale et organiser desréunions d'ouvriers de diverses professions.

Pelloutier, Comité fédéral des Bourses,prend de nouveau la parole et continue la discus-sion du rapport du Conseil national. Il fait connaîtreau Congrès que pour faire disparaître les difficultésexistant entre les membres composant le Conseilnational, on avait organisé une conférence.

On ne parvint pas à s'entendre, à cetteconférence, mais on ne se sépara qu'après avoirformulé le vœu qu'une deuxième réunion aurait lieu.Cette deuxième réunion ne se fit pas. A quelquetemps de là, à l'issue d'une réunion du Comitéfédéral des Bourses, à laquelle assistait Lagailse,en qualité de délégué de la Bourse du Travail deRennes, on demandait à ce dernier pourquoi il neconvoquait pas cette deuxième réunion. On obtintenfin de Lagailse de faire figurer cette nouvelleréunion à l’ordre du jour des séances du Conseilnational. Le Conseil national décida qu'une réunionaurait lieu et nomma trois membres desFédérations de Métiers et de la Fédération desBourses pour y assister.

Une discussion générale eut lieu sur un projetde modification des statuts de la Confédération, puison décida qu'une deuxième réunion était nécessaireet qu'elle serait convoquée par Lagailse.

Lagailse, Conseil national: Je trouve étrangeque les promoteurs de ce projet de modificationsaux statuts ne l'aient pas fait figurer à l’ordre dujour du Congrès. Le Conseil national aurait apportédes documents sur cette question et aurait ainsiéclairé le Congrès. Mais on a étranglé ce projet eton nous fait aujourd'hui un reproche de ne pasl'avoir soutenu. On nous reproche encore de n'avoirpas convoqué: c'est Delesalle qui devait convoqueret il ne le faisait pas. Un camarade du Conseil na-tional, consulté pour savoir pourquoi il n'assistaitjamais aux réunions, répondait avec raison qu'il nerecevait jamais de convocations. Maintenant ensupposant que Delesalle ne remplissait pas sondevoir, il était convenu que les convocationsdevaient être faites par le Secrétaire des séancesdu Conseil national, qui n'était autre que Pelloutierlui-même.

Bien mieux, Delesalle qui n'assistait plus aux

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réunions, conserva par devers lui le registre desprocès-verbaux.

Je lui écrivis par lettre recommandée en datedu 6 septembre 1898 d'avoir à rendre ce registre.La lettre m'est revenue avec la mention refusée.Devant tant de parti-pris, je laisse au Congrès lesoin d'apprécier. Je remets au président la lettreque j'adressai à Delesalle et je le prie de la bienvérifier avant de l'ouvrir pour en donner communi-cation au Congrès.

Dugoy, Fédération des Ouvriers Cuisiniersde France: Je fais partie du Conseil National; ensix mois, je n'ai reçu que deux convocationsseulement. J'assistais cependant aux réunionsparce que je savais, par les autres, quand ellesavaient lieu.

Lagailse, Conseil National, dit qu'il a dépenséson temps et son argent au service de laConfédération Générale du Travail. Il a installé chezlui un appartement qui ne sert que pour le ConseilNational, cela vaut beaucoup mieux que d'aller àl'estaminet. Cependant, dit-il, malgré tous les sacri-fices que j'ai pu faire, je suis décidé à ne pas poserma candidature comme secrétaire général de laConfédération. J'ai la conviction d'avoir rempli mondevoir jusqu'au bout. Je suis prêt à rentrer dans lerang pour éviter tout conflit à l'avenir.

Le Président donne lecture de la lettrerecommandée adressée à Delesalle, lettre quecelui-ci a refusé de recevoir ainsi qu'en témoignela mention portée sur l'enveloppe.

Pelloutier, Comité Fédéral des Bourses,explique au Congrès que Delesalle avait sa femmetrès malade en ce moment et qu'il faut voir là laseule cause de sa défection. Du reste le camaradeDelesalle est suffisamment connu comme militantet il a fallu des circonstances aussi graves que cellede la maladie de sa femme qu'il a failli perdre, pourl'empêcher d'être aussi exact que par le passé. Ilest de l'avis de Lagailse qui dit qu’il faut supprimerles conflits, mais le conflit ne disparaîtra pas, parcequ'il est dans ce fait que des camarades voudraientarriver à accaparer indirectement le mouvementsyndical en éliminant une à une toutes lesfédérations de métiers. Ce qu'on veut c'est fédérerles associations, les syndicats, les grouper en unseul faisceau pour les avoir dans la main. Il fautfaire attention à cette tactique et la déjouer à toutprix.

Girard, Union du Bronze: N'approuve pas lerapport du Conseil national. Il estime qu'un rapportde ce genre ne doit pas prendre à partie un

camarade quel qu'il soit. De toute la discussion quivient d’avoir lieu, il ne veut retenir qu’une seulechose. Le délégué de l’Union des Syndicats de laSeine reproche au Conseil national de n'avoir pasquitté la Bourse du Travail de Paris. L'Union desSyndicats qui reçoit plus de 2.500 francs de sub-vention par mois, qui reçoit des cotisations de 5francs par mois des Syndicats qui en font partie,qui de plus perçoit 18,5% sur les 5% que l’on doitverser à la caisse du Comité de la grève générale,ne songe pas cependant à quitter la Bourse. LaConfédération générale du Travail, au contraire, n'ajamais rien prélevé sur les 5% de la grève générale,tandis que l'Union des Syndicats fait de lapropagande avec l'argent des grèves. Cela n'estpas admissible.

Beausoleil fait remarquer que le camaradeGirard, de l'Union du Bronze, sort de la question.C'est le rapport du Conseil national qui est en dis-cussion et non la question du Comité de la grèvegénérale qui viendra plus tard.

Gallantus, Chambre syndicale des ouvriersferblantiers de la Seine, appuie la remarque ducamarade Girard et affirme que c'est bien sur les5% que l'on doit verser pour la grève générale, quel'Union des Syndicats prélève 18,5%.

Besombes, Union des Syndicats de la Seine:L'année dernière, l'Union a encaissé beaucoupd’argent pour les grèves, notamment pour la grèvedes mécaniciens anglais. L'Union rend service àtoutes les grèves, elle fait des appels, des listes desouscription, etc...; elle centralise les fonds et lesfait ensuite parvenir aux grévistes. Tout celanécessite des frais considérables qu'il serait biendifficile de faire supporter à l'Union après tout le malqu'elle se donne. Pour la grève des mécaniciensanglais, il y a eu des frais de correspondance etd'envoi de fonds qui ont atteint un chiffre fort élevé,mais l'Union n'a jamais prélevé 18,5% comme onvient de le dire. L'Union se contente simplement derentrer dans ses déboursés.

Barlan, Bourse du Travail de Toulouse: Jecrois être l'interprète de la province en ne voulantpas prendre part à cette discussion. Que tous lesdélégués de province n'y prennent pas part,autrement on ne comprendrait plus rien du tout.

Batbielle, Fédération du Livre, prenant actede la décision de Lagailse de ne pas se représentercomme Secrétaire de la Confédération, demandeau Congrès d'inviter Pelloutier à donner égalementsa démission de Secrétaire de la Fédération desBourses.

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Petit, Bourse du Travail de Dijon, a déposéune proposition de clôture, avec les orateursinscrits. Cette proposition, mise aux voix,estadoptée. Le même délégué propose, en outre, lanomination d'une commission qui approfondiraitcctle question du Conseil national et qui en feraitun rapport pour le prochain Congrès.

Trabaud, Bourse du Travail de Nice: Jecroyais que ma proposition aurait paru naive auCongrès, car je comptais demander que les deuxhommes qui paraissent être causes du conflit actuelse désistent de leurs fonctions. Au Congrès desBourses, j'ai fait la même proposition; c'est, je crois,la seule raisonnable et la seule possible. Commele camarade Constant, de Brest, je trouve que laConfédération générale du Travail a des tendancesa vouloir marcher dans la politique: elle devrait toutuniquement rester sur le terrain syndical. Or, je voisdans tous les rouages de nos Fédérations descamarades qui sont internationaux et ils veulentinfuser dans tout le corps syndical toutes leursidées révolutionnaires et socialistes. Je ne veux pasque cela soit. Au Congrès des Bourses, ceux quivoulaient faire de la politique ont dû filer doux, parceque nous avons affirmé nettement que nous étionsvenus à ces Congrès pour travailler à l'améliorationouvrière et non pour y faire de la propagandesocialiste et révolutionnaire. Personnellement, jesuis réactionnaire, mais je m'estime aussi bonsyndiqué que n'importe quel révolutionnaire. Quetoutes ces discussions soient bannies dorénavantde nos Congrès; c'est le seul moyen d'arriver à unebonne organisation des travailleurs.

Lauche, Union des Ouvriers de la Seine:Citoyens, nous étions bien placés, nous, Syndicatsqui n'appartenons pas à la Bourse du Travail deParis, pour pouvoir dire un mot sur toutes ces dis-cussions qui ont eu lieu depuis l'ouverture duCongrès. Dans tout cela, il n'y a aucune questionde principe, mais des questions de personnalité.J'appuie la proposition du camarade de Nice. Lecitoyen Lagailse vient de dire qu'il ne poserait passa candidature; Pelloutier n'a eu garde de faire lamême déclaration. Il n'y a pas à hésiter à voter lasuppression de Pelloutier; il est nécessaire que toutcela finisse au plus vite. Pourquoi voit-on toutes cesdiscussions, d'où naissent-elles? On voit, à la suitede chaque Congrès, germer de nouvelles organi-sations, on ne peut plus s'y reconnaître. Et entreces organisations commence la zizanie. Que laFédération des Bourses disparaisse de laConfédération. Actuellement, à la Confédération,les Unions de Syndicats sont représentés par undélégué ; les Syndicats sont aussi représentés parleur Fédération. Pourquoi tout cela, et si vous entrer

dans cette voie, jusqu'où irez-vous? Mon Syndicatest un de ceux qui ne veulent pas entrer à la Boursedu Travail; nous croyons de notre droit et de notredevoir de militer en dehors et à côté. Nousn'incriminons pas pour cela ceux qui ont cru devoiry entrer. Je termine en manifestant le vœu suivant:Nous voudrions que ce ne soient pas toujours lesmêmes délégués qui assistent aux Congrès. C'estla première fois que j'assiste à un Congrès; maisd'après les comptes-rendus des précédentsCongrès, je vois que ce sont toujours les mêmesqui viennent de certaines organisations. C'est trèsmauvais.

Guérard, Syndicat du Chemin de Fer: Aprèsla lecture des deux rapports du Conseil National etde la Fédération des Bourses, opposés l’un àl'autre, le but des délégués ne doit pas être de sepréoccuper des détails. Ce qui est certain, c'estque la Confédération générale ne fonctionne paset il faut rechercher quels sont les moyens de lafaire fonctionner. La Fédération des Bourses neconsidère pas l'utilité d'un groupement desFédérations de métiers en Confédération généraledu Travail.

A Limoges on a voulu faire un organismenouveau à côté de la Fédération des Bourses,parce que cela fût jugé nécessaire pourl’organisation des forces ouvrières. Quelquescamarades et notamment le camarade de Brest,ont trouvé mauvais que l’on se soit préoccupé, auConseil national, par suite des circonstances, defaire établir le manifeste qui parut à la suite duprocès Zola. Le Conseil national avait le droit et ledevoir de mettre le prolétariat en garde et de prévenirtoute tentative de réaction.

On fait encore reproche au Conseil national den'avoir pas suivi la décision du Congrès de Tou-louse qui exigeait que la Confédération quitte laBourse du Travail. La Confédération invoque lamodicité de ses ressources, qui peut lui reprocherd'avoir songé à ne pas faire trop de frais? Cependantil est bon de faire constater que l'Union desSyndicats, adhérente à la Bourse du Travail deParis, est mal placée pour faire à la Confédérationle reproche d’y avoir son siège.

Il est bon de savoir pourquoi la Confédérationgénérale ne marche pas. Au Congrès de Toulouse,on a reconstitué la Confédération sur de nouvellesbases; on a fait des statuts à la hâte. Ces statutsqui n'avaient pas été étudiés à fond, n'ont pas étécompris; il s'y est glissé fatalement des imperfec-tions. Aujourd'hui on communique au Congrès unprojet de modifications aux statuts qui peut être ex-cellent. Mais ce projet n'a pas été communiqué auxorganisations pour qu'elles l'étudient. Il y a à craindreles mêmes ennuis que ceux qui sont survenus à la

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suite de la discussion hâtive de Toulouse. On veutaller trop vite, il faut de la méthode. Le projetproposé ne peut pas être discuté ici, ce ne seraqu'au prochain Congrès qu'il pourra venir en dis-cussion, après que toutes les organisations l'aurontbien étudié.

Il faudrait aussi que la Confédération eût plus desubsides; il y a lieu de rechercher les moyens delui en créer. Ainsi il serait utile d'avoir un secrétairepermanent rétribué, mais on ne peut pas l'avoir,puisque la Confédération générale n'a pas deressources.

Guérard ne veut pas croire qu'il y ait des ques-tions de personnalité en cause, mais qu'entre mili-tants ont craint toujours les nouveaux organismes,On a apporté toutes les entraves possibles à lamarche de la Confédération. La Fédération desBourses ne faisait pas partie de la Confédération:on lui a donné l’ordre de venir dans la Confédération.En raison de cet antagonisme entre militants, qui aété désastreux pour la Confédération, celle-ci n'estpas constituée telle qu'elle devrait l'être. Nousl'avons déjà soumis au Congrès de Toulouse, quil’a repoussé, le meilleur moyen d’assurer cetteConfédération, c'est d'y admettre les Syndicatsindividuellement. Nous pensons fermement que cesera là le système auquel on arrivera. Ainsi onconstituerait une force puissante, une organisationsérieuse.

Mais ce n'est pas en ce moment que l’on peutdiscuter le projet que l’on nous soumettait tout àl’heure. S'il avait été discuté entre militants,communiqué aux Syndicats, on aurait pu le mettreà l’ordre du jour. Le prochain Congrès peut seulfaire ces modifications; mais il convient cependantde faire cesser l'antagonisme actuel et d'éviter, auprochain Congrès, des discussions inutiles.

Claverie, Union syndicale des Employés duGaz de Paris, estime que la Confédération généralen'a pas compris son rôle et que la Fédération desBourses a méconnu son entrée dans laConfédération; que la Fédération des Boursespaiera ses cotisations comme si elle étaitFédération de métiers.

Le camarade Cayol du Syndicat des ouvriersmécaniciens de Marseille, approuve la déclarationdu camarade Claverie.

Copigneau, Fédération des Ouvriersmunicipaux de Paris: Lorsqu'on a fait la critiquedu rapport du Conseil national, on lui a reproché lecaractère permanent qu'elle avait. Nous avons crucomprendre que le Congrès lui avait laissé cettelatitude de pouvoir s’occuper des travailleurs à titrepermanent. Copigneau ajoute que lors de la cons-

titution du bureau du Conseil national, la Fédérationdes Bourses a présenté des candidats. Nous avonsaussi reconnu que les statuts de la Confédérationet du Conseil national n'étaient qu'un méli-mélo qu'ilfallait modifier. En conséquence, on organisa lafameuse réunion qui ne put avoir de suite.

Copigneau ne désapprouve pas que laConfédération générale du Travail était la Fédérationdes Fédérations, et à ce titre la Fédération desBourses y était admise. Mais alors pourquoi laFédération des Bourses avait-elle un délégué pourchaque Bourse du Travail: ce délégué parlait au nomde chaque Bourse et pourtant on ne devait toucherqu'une seule cotisation, celle de la Fédération desBourses. C'est ce que nous ne pouvons admettre.Et encore la Fédération des Bourses n'a pas payécette cotisation qu'elle devait à tant de titres.

Qu'on ne vienne pas dire, conclut Copigneau,que c'est le Conseil national qui a commencé cettediscussion, mais la Fédération des Bourses dansl'Ouvrier des Deux-Mondes. Le Conseil national adû répondre au rapport paru dans l'Ouvrier desDeux-Mondes et faire imprimer le sien pour ensuitele remettre à tous les délégués pour qu'ils puissentjuger en connaissance de cause.

Un membre du Congrès présente une motiond'ordre et fait remarquer que l'heure s'avance ; qu'ilserait urgent de s'occuper de la conduite à tenir àla réception que la municipalité de Rennes se pro-pose d'offrir à tous les congressistes.

Le Congrès décide que tous les Congressistesse rendront de la Bourse du Travail de Rennes à laMairie, à 8 heures 1/2 précises, et que le camaradeGuérard prendra la parole au nom du Congrès pourremercier la municipalité de sa généreusehospitalité. La discussion sur le rapport du Conseilnational continue.

Claverie, Union Syndicale des Travailleursdu Gaz de Paris: Puisqu'il est impossible auConseil national d'obtenir le registre des procès-verbaux du camarade Delesalle, que le Congrèsdécide que le Conseil national poursuivra le citoyenDelesalle.

Richer, Bourse du Travail du Mans: Que nousimporte à nous les attaques qui sont faites contrePelloutier, si on n'attaque pas les BoursesFédérées, Cependant on le fait et ce n'est pasPelloutier que l'on veut atteindre, mais la Fédérationdes Bourses. Or, nous sommes contents dePelloutier et nous ne voulons pas qu'il disparaisse;que nous importe au contraire la disparition de laConfédération générale du Travail qui n'a rien faitdepuis qu'elle existe.

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Dalle, Fédération Nationale des Employés àParis, considère que le Congrès de Rennes ne peutpas se séparer sans avoir fait certaines modifica-tions aux statuts; que le but de la Confédérationétait de dire aux ouvriers non fédérés qu'il y avaitune Confédération générale du Travail et qu'elles'occuperait de tous les intérêts des travailleurs.Mais la besogne faite au Congrès de Toulouse aintroduit une dualité dans la Confédération et nonplus l'action unitaire nécessaire pour les travauxque I’on attendait d'elle, comment peut-on dire aprèscela que l’on veut la vie de la Confédération.

Le camarade développe différents articles desstatuts de la Confédération et conclut en disantqu'une erreur involontaire a été commise auCongrès de Toulouse, qu'il faut la réparer. Ildemande la nomination d'une commission pourtrancher cette question au plus vite et pour ne fairede toutes nos organisations qu'un seul faisceau.

Avant de lever la séance, le Président fait savoirqu'il y a encore inscrits cinq orateurs pour cettequestion.

La séance est levée à 8 heures.

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CINQUIÈME SÉANCE: Mercredi 28 Septembre 1898 (matin).

La séance est ouverte à 8 heures.Présidence du camarade Lauche, de l'Union

des Ouvriers mécaniciens de la Seine;assesseurs: Fleury, de Tours, et Blanchard, deNantes.

Appel nominal. Absent: Augé.

On reprend la discussion du rapport du Conseilnational.

Carmentran, Chambre syndicale de laTabletterie et des parties similaires de la Seine,s'était fait inscrire, parce qu'il trouvait que la dis-cussion avait dévié. Jamais les fonds de grèves,qui ont été centralisés par l'Union des Syndicatsde la Seine, n'ont été pris pour servir à lapropagande.

Le citoyen Besombes, de l’Union des Syndicatsde la Seine, fait lire, par le Président, le mandat quilui a été confié, pour bien établir que s'il a pris unepart active à la discussion de la dernière séancec'est qu'il y était obligé par le mandat ferme qui luiavait été remis sur cette question.

Beausoleil demande au camarade Besombesde lire le rapport qu'il a sur la Confédération et quipeut éclairer très sérieusement la discussion.

Roche, des Cochers-livreurs de Paris, combatcette proposition. Besombes aurait dû commencerpar lire son rapport avant de faire la dissertation dela séance d'hier. Il demande le renvoi de ce rapportà la commission qui sera nommée.

Hamelin, Syndicat des Ouvriers mineurs deCarmaux (Tarn), appuie le camarade Roche et ditque si on accepte de lire tous les rapports, onarrivera à samedi, sans avoir discuté l'ordre duxjour.

Le Congrès consulté décide que le rapport del'Union des Syndicats de la Seine sera remis à lacommission.

Besombes, Union des Syndicats de la Seine:Le camarade Guérard nous disait hier dans la dis-cussion que le projet de modifications soumis auCongrès par le camarade Beausoleil ne pouvait pasêtre discuté, parce que nous n'avions pas demandat. Cependant il est évident que le conflitactuel ne peut subsister et que les lacunes que tousles militants ont relevées dans les statuts de laConfédération doivent disparaître. Le camaradeGuérard nous a fait remarquer que les cotisationsdes organisations fédérées étaient insuffisantes: jepense qu'aucune organisation ne refusera deprélever une plus grande cotisation sur sesressources pour arriver à constituer un budgetsérieux. Mais il était du rôle du Conseil national defaire cette proposition au Congrès.

Capjuzan, Syndicat de la Cordonnerie ouvrièrede France: Si on avait voulu faire une organisationsérieuse, il était possible d'y arriver. Mais la dis-cussion présente est inutile; que les citoyens quifont obstacle disparaissent, on trouvera descamarades intelligents, dévoués pour lesremplacer. Il y a intérêt à faire disparaître lescamarades qui sont un obstacle à la bonne marche

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de la Confédération; que Pelloutier fasse commeLagailse, qu'il se retire. Capjuzan s'élève contre leConseil national qui ne suit pas les décisions desCongrès et qui ne les fait pas suivre par lesSyndicats. Les Congrès exigent des frais énormeset, rentré chez soi, les décisions des Congrèsrestent lettre morte. On vient ergoter et dire que laConfédération n'a pas d'argent, que c'est celui desFédérations de métiers que centralise le Conseilnational. La Confédération aurait le droit et le de-voir de s'en servir pour quitter la Bourse du Travailde Paris où on ne tend qu'à faire dévier le but desSyndicats qui y entrent. Capjuzan termine endemandant que Pelloutier fasse la mêmedéclaration que Lagailse pour aplanir toutes lesdifficultés.

Braun, Fédération nationale de la Métallurgie,ne veut pas faire de critiques sur les deuxorganismes; on en a assez entendu depuis hier. Ily a mauvaise volonté de part et d'autre, et il est fortregrettable que les camarades qui s'occupaient del'administration ne soient pas pénétrés davantagedu principe des travailleurs: Ouvriers de tous pays,unissez-vous! Il y a quelque chose dans les statutsqui n'est pas suffisamment explicite, il faut modi-fier, compléter dès maintenant, il ne faut pas reculer.Le camarade Dalle veut revenir sur son projet deLimoges. On a reconnu que ce projet notait paspraticable, les Congrès qui ont suivi celui deLimoges l'ont modifié. Il ne faut plus y revenir.

Le projet des Chemins de fer paraît préférablemais il demande à être discuté très sérieusement.Cependant, Braun voit certains inconvénients àl'application, de ce projet, notamment le trop grandnombre de délégués qui composeraient le Conseilnatipnal. Son. organisation est pour le statu quo.

Ce que l’on a à faire au Congrès, c'est dedéterminer nettement les attributions de laFédération des Bourses et du Conseil national. Ils'agit aussi de savoir si on aura une caisse centrale.

Riom, Fédération nationale du Bâtiment: Onreproche à la Commission qui a élaboré les Statutsde la Confédération à Toulouse de n'avoir pas étésuffisamment claire. Riom faisait partie de cetteCommission et explique au Congrès que lesdécisions du Congrès de Toulouse au sujet de laConfédération avaient eu surtout pour but de fairedonner à cette organisation ce qu'on en attendaitdepuis sa création. A cette époque, les organisa-tions se groupaient de deux manières: ou ellesallaient à la Fédération des Bourses ou elles allaientà la Confédération. On a compris à Toulouse qu'ilétait utile de réglementer ces groupements et qu'ilfallait les coordonner en vue d'action corporative

ou générale. Les attributions des deux organismesparaissaient bien distinctes: à la Confédération serattachaient les Fédérations de métiers, quicomprenaient tous les Syndicats, de même pro-fession et des professions similaires; à laFédération des Bourses se rattachaient lesBourses, du Travail et Unions locales de Syndicats,qui comprenaient tous les Syndicats d'une mêmecontrée ou d'une même ville. On a compris à Tou-louse, qu'il ne fallait pas séparer, ces deux organi-sations fédérales, et qu'au contraire il fallait tendretous ses efforts, pour les unir.

Comment admettre que l’on soit adversaire dansces deux organismes auxquels on appartient à destitres connexes? Si quelque point n'était pas netdans les statuts élaborés à Toulouse, il n'y avaitqu'à s'inspirer des considérations du projet et durapport de la commission de Toulouse. Nous avionscru devoir nous servir de ce qui existait et y joindrece que les Congres manifestaient l'intention deréunir depuis longtemps. Il était entendu que laConfédération devait conserver toutes les attribu-tions qui lui avaient été dévolues antérieurement. Ilétait encore facile de limiter les attributions desdeux organismes constituant la Confédération enconsidérant, l'un, la Fédération des Boursescomme groupement administratif technique; l'autre,le Conseil national des Fédérations de métierscomme groupement administratif aussi, maismoins que l'autre, mais surtout professionnel.

Parallèlement menés, ces deux organismespouvaient faire œuvre salutaire. Dans lescirconstances exceptionnelles, il appartenait auxdeux organismes d'unir leurs efforts. On avait voulufaire quelque chose d'utile pour tous. On avaitcompris qu'il fallait essayer de faire adhérer tousles Syndicats à leur Fédération de métiers.Aujourd'hui, on vient proposer d'admettre dans laConfédération tous les Syndicats quin'appartiennent à aucune Fédération de métiers.Ce serait donner une prime d'encouragement à lanon fédération de métiers et on voudrait toujoursse passer des organisations existantes. Quand ona lutté pendant quinze et vingt ans pourl'organisation des Fédérations de métiers, on nepeut pas admettre qu'un Congrès vienne lesdémolir. Du reste, les Fédérations de métiers nesont pas disposées à se laisser égorger, elles neveulent pas se suicider, il n'est pas possible deréunir tous les syndicats en un seul faisceau parl'adhésion directe à la Confédération.

Si on admettait tous les Syndicats dans laFédération, donnerait-on un délégué pourreprésenter chaque organisation, et comment réunirtous ces délégués? On ne trouverait jamais assezde délégués pour représenter ces Syndicats: il yaurait donc des degrés de centralisation, une

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représentation proportionnelle qui serait funestepour les travailleurs. On arriverait alors à avoir uncomité directeur et il serait facile dans, une ville defaire tomber la direction dans, les mains d’une écolepolitique. Les autres écoles politiques nesongeraient qu a démolir l'école politique qui auraitle comité directeur et si on arrivait à changer d'écolecela ne vaudrait guère mieux après qu'avant. Ceserait la fin de l’organisation économique duprolétariat.

Il est possible au Gouvernement de fairedisparaître les Bourses du Travail et on ne peut pasdissoudre les Fédérations de métiers. Enorganisant toutes les organisations ouvrières en unseul faisceau, il suffirait d'une compagnie de gardesmunicipaux pour faire disparaître l'organecentralisateur, et d'un policier pour mettre la mainsur la caisse.

Nous ne pouvons faire subir une telle transfor-mation à la Confédération, cependant je suis del'avis de plusieurs camarades qui ont pris la paroleavant moi, on ne peut rester ainsi. Faisons laFédération des Fédérations de métiers etmaintenons celle des Bourses. Que chacun suiveson chemin parallèlement. Lorsque cela seranécessaire de s'unir, on saura ce qu'il y aura à faire.

Le camarade Riom termine en demandant lanomination d'une commission pour faire disparaîtrele conflit.

Guérard, Chemins de Fer: Je tiens à faireremarquer au Congrès que le Syndicat desChemins de Fer n'a pas déposé de projet et quecelui dont je parlais tout à l'heure n’est pas en dis-cussion. Je n'ai donc pas pu répondre d'avanceaux objections formulées par le camarade Riom.

Le Président donne communication d'unedemande de la Commission d'organisation desCongrès qui invite le Congrès à organiser uneréunion publique pour tous les ouvriers de la villede Rennes.

Le Congrès adopte le principe de cette réunionpublique, la fixe au jeudi soir, à 8 heures, et nommeune commission de cinq membres pour arrêter unprogramme.

Sont nommés pour faire partie de la commis-sion: Rozier, Hamelin, Cior, Braun, Meyer.

Batbielle, Fédération de la TypographieFrançaise, propose de percevoir un droit d'entréede dix centimes le soir de la réunion, publique etd'envoyer ce qu'on aura perçu aux ouvriersterrassiers de Paris, actuellement en grève.

Beaupérin, Bourse du Travail de Rennes, ditqu'il est d'usage de ne rien percevoir comme entrée

dans les réunions publiques qui se font à Rennes,mais on peut faire une quête à la sortie.

Richer du Mans, fait savoir au Congrès que laquête de la veille au soir, au profit des grévistes duMans a produit la somme de 13fr.40. Il adresse lesplus vifs remerciements aux congressistes.

La clôture de la discussion ayant été votée et laliste des orateurs inscrits étant épuisée, le Présidentdonne lecture des propositions qui sont parvenuesau bureau.

1- Afin de ne pas éterniser la discussion entreces deux organisations, nous proposons de suivreexactement l’ordre du jour, sans s'arrêter au parti-pris de certains délégués et que l’on fonde laConfédération du Travail tout en laissant à toutesles organisations ouvrières leur autonomie.

L.Brisse, Rousseaux.

2- Après avoir entendu les rapports du Comitéfédéral de la Fédération des Bourses et du Conseilnational; après avoir constaté l'antagonismeexistant entre ces organisations, le délégué des or-ganisations ouvrières de Dijon émet les vœuxsuivants:

- Que le Congrès procède à la nomination d'unecommission de 12 membres;

- Que cette commission soit prise dans les or-ganisations de Paris moitié pour le Comité Fédéralet moitié pour le Conseil national et qu'elle établisseun rapport, après recherche et étude des meilleursmoyens d'aboutir à une solution favorable aux deuxorganisations;

- Que ce rapport soit envoyé à toutes les or-ganisations fédérées et soit discute au prochainCongrès.

Th. Petit.

3- Considérant que les dissentiments qui seproduisent entre les deux organisations proviennentdu fait des compétitions personnelles et dedifférences d'écoles politiques, nous faisons appelà la loyauté des antagonistes pour qu'ils se retirentet laissent la voie libre à l'émancipation ouvrière,

Constant (Brest); Philippe (Le Havre);Barlan (Toulouse); Trabaud (Nice).

4- Considérant que la Confédération généraledoit être, à moins de ne pas avoir de ressources,un organisme résumant et synthétisant l'effortéconomique ouvrier, et qu'à ce point de vue aucuneorganisation ne doit et ne peut se poser en rivale,situation qui est et serait la source de compétitionsdangereuses;

Considérant que la Fédération des Bourses a

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son rôle particulier en dehors de la Confédérationgénérale,

Le Congrès délibère: La Fédération des Boursessera placée, au sein de la Confédération générale,sur le pied des Fédérations de métiers.

M. Claverie ; Lemaître (Paris); A. Richard(Paris); Garcin; Sabourin; Morel; Guérin (Angers);Gannat ; Grassaval; Cayol.

5- La Bourse du Travail de Versailles constate,une fois de plus, qu'au fur et à mesure que desvaleurs d'utilité et de compétence se révèlent dansle prolétariat, les compétitions et les jalousies sesoulèvent, sans autre résultat que celui d'amenerles organisations ouvrières à payer d'ingratitude sesserviteurs les plus fidèles et les plus actifs, en lesrejetant, après les en avoir sortis, dans la fosseaux lions du capitalisme. Néanmoins, si la majoritédes Bourses du Travail juge utile de se séparer dudévoué secrétaire du Comité Fédéral des Bourses,Versailles s'y soumettra, mais nous devons iciaffirmer notre sympathie pour le camaradePelloutier, qui, par sa valeur et son activité, a sulargement contribuer à la création et audéveloppement des Bourses du Travail.

Beausoleil.

6- Que les organisations unissent leurs forcesentre elles et se rapprochent le plus possible.

Roche.

7- Que le Congrès donne mandat au Conseilnational de faire tout le nécessaire pour obtenir leregistre des procès-verbaux que le citoyenDelesalle retient indûment; qu'il mette le camaradePelloutier en demeure de se retirer comme l'a faitLagailse.

Robillard; J.Lauche.

8- Que le Congrès émette un vote de blâme aubureau de la Confédération générale, qui n'a pascru devoir réunir, sur la demande de la Fédérationdes Bourses du Travail, les délégués parisiensayant assisté au Congrès de Toulouse (ceux-cipouvant être entendus sur le fonctionnement de laConfédération).

Auvray.

9- La Fédération des Bourses du Travail étantautonome, le Congrès n'a pas à demander ladémission du camarade Pelloutier, réélu Secrétairegénéral de la Fédération des Bourses à l'unanimitédes délégués du Congrès des Bourses.

Blanchart (Nantes); Fleury (Tours)

10- La Fédération des Bourses du Travail déclarequ'uniquement soucieuse du développement de

l'organisation ouvrière, elle accepte d'avance touteplace que le Congrès corporatif de Rennes luiassignera dans la Confédération.

Elle demande seulement au Congrès dereconnaîtra avec elle que la cause de l'impuissancede la Confédération résulte de ce que le rôle duConseil national corporatif n'a jamais été défini avecprécision.

En conséquence, elle propose que la commis-sion des résolutions porte toute son attention surla nécessité de tracer un programme de travauxau Conseil national et en tenant compte desrésultats considérables obtenus depuis 1892 parla Fédération des Bourses du Travail, de réserverà cette branche particulière de l'organisationsyndicale la liberté d'action administrative grâce àlaquelle elle a pu se développer.

La suite de cette proposition n'est pas parve-nue à la commission; les signatures font égalementdéfaut.

11- Le Congrès invite la Fédération des Bourses,à la suite des travaux du Congrès, à effectuerimmédiatement le versement des sommes dues àla Confédération.

Copigneaux.

12- Si le Congrès n'exige pas les démissionsde Lagailse et de Pelloutier, le syndicat descaoutchoutiers d'Issy-les-Moulineaux se retirera dela Bourse du Travail d'Issy-les-Moulineaux,

Cauchois.

13- Constatant la déclaration du citoyenLagailse, disant que de sa part il n'y a pasd'animosité personnelle et que, quel que soit lerésultat de la discussion, il n'accepte plus le postede Secrétaire général de la Confédération pourfaciliter l'accord entre travailleurs, la Fédération desTravailleurs du Livre invite le citoyen Pelloutier àsuivre cet exemple en donnant sa démission deSecrétaire général de la Fédération des Boursesdu Travail. En agissant ainsi, il montrera qu'il n'estguidé par aucun sentiment personnel.

14- Que la Confédération du Travail réunissetoutes les Fédérations de métiers et que laFédération des Bourses reste ce qu'elle a étéjusqu'à ce jour.

Allibert.

15- Personnellement éclairé sur les travaux dela Fédération des Bourses, malgré la négligenceou l'incapacité de la Confédération, le camaradeE. Bry d'Angers demande la suppresssion de laFédération des Bourses.

Si la Bourse du Travail d'Angers avait eu

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connaissance des rapports en temps utile; sadécision eût été, sans aucundoute, toute autre.

E. Bry

16- Le Bâtiment de Paris propose que laConfédération soit constituée dans l'esprit d'uneFédération des Fédérations de métiers, lesSyndicats ayant pour premier devoir de se fédérerpar métiers.

L. Riom.

17- Que la Confédération refuse l'adhésion desSyndicats qui ne veulent pas adhérer à leurFédération de métiers,

Carmantrant.

18- Qu'une Commission soit nommée pourdéterminer les rôles de la Fédération des Bourseset du Conseil national, et définir dans quelles con-ditions ces deux organisations participeront dansles dépenses communes, quand les circonstancesles obligeront à faire des sacrifices pécuniairesdans l'intérêt général des travailleurs;

Que la Confédération soit composée de laFédération des Bourses et du Conseil national desFédérations nationales d'industries et de métiers.Les Syndicats non adhérents à leur Fédération demétier ne pourront en faire partie.

H. Girard; F. Capjuzan; J. Braun;H, Galantus; L. Goumet; J. Majot fils;

F. Roche ; Michon ; Nicoud ; Robillard.

19- Que la Confédération soit composée deBourses du Travail, de Fédérations et de Syndicatsexistant dans des villes où il est impossible à cesSyndicats de se fédérer. Mais il demeure entenduqu'ils devront faire tous leurs efforts pour chercherà créer une Union de Syndicats;

Que les camarades Lagailse et Pelloutier,soucieux des intérêts du prolétariat, fassent ab-straction de leur personnalité, tout en reconnaissantqu'ils ont accompli tout le devoir de militants, et sedémettent de leurs fonctions, laissant à de nouveauxcitoyens la charge d'exécuter les décisions desCongrès;

Que les attributions des membres du Comitéconfédéral soient nettement déterminées, mais quela Confédération du Travail ait la suprématie pourl'exécution des décisions prises clans les Congrès.

E. Nicoud.

20- Considérant que l’antagonisme de deuxpersonnalités: Pelloutier et Lagailse, jette la pertur-bation dans le monde des travailleurs; faisant appelà leur esprit d'abnégation, à leur militantisme pourfaire cesser un état de choses qui n'a que trop duré

et n'a servi qu'à diviser les forces prolétariennesau lieu de les unir,

Rappelle à tous les délégués du Congrès deRennes que les hommes sont peu de choses etles principes tout.

L. Dugoy.

21- Quel sera le rôle du Comité de la grèvegénérale dans la Confédération et sera-t il nommépar le Congrès comme aux Congrès de Tours etde Toulouse?

Que la commission tranche ces questions dansson rapport.

H. Girard.

22- Qu'il soit fondé une Fédération des trans-ports entre les chemins de fer, les transportsmaritimes, les omnibus, etc... Cette organisationserait d'un sérieux appoint à la grève générale etpeut-être pourrait-elle en déterminer le succès.

A. Cardet.

23- Que les organisations syndicales etfédérales adhérentes à la Confédération généraledu Travail ne soient adhérentes à aucune fractionpolitique.

Capjuzan.

Le Président: Le Congrès n'a pas à trancherla question en ce moment, il n'a pas non plus à seprononcer sur toutes les propositions que l'on vientde lire. Une proposition ferme a été formulée parplusieurs délégués : la nomination d'une commis-sion. Je consulte le Congrès pour savoir le nombrede membres qu'aura cette commission.

Maynier, Chambre syndicale de la Typographieparisienne, est d'avis qu'il ne faut pas envoyer tropde délégués dans les commissions.

Il y aura beaucoup de commissions à nommer,et si elles prennent beaucoup de délégués, onémiettera les membres du Congrès, on ne pourraplus continuer la discussion.

Beausoleil propose, pour apaiser le conflit, lanomination d'une commission de 9 membres: 3délégués par la Fédération des Bourses, 3 par leConseil national et 3 pris dans le Congrès.

Le principe de 9 membres est adopté.

Riom, Fédération du Bâtiment, n'est pas de cetavis. Le Congrès a entendu la discussion, il estmaintenant éclairé et peut nommer sa commissiondans son sein.

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Dalle, Fédération nationale des Employés,recommande aux congressistes de bien choisir lescommissaires. Il combat la seconde partie de laproposition du camarade Beausoleil.Cette proposition mise aux voix, n'est pas

adoptée.

Besombes, Union des Syndicats de la Seine,ayant reçu mandat de l'Union de faire partie de cettecommission, pose sa candidature.

Trabaud, de Nice, demande que la province soitreprésentée dans cette Commission et qu'elle aitla moitié au moins des membres de cette Com-mission prise parmi elle.

Guérard, Syndicat national des Chemins de fer,appuie la proposition du camarade Trabaud etdésire que l’on nomme d'abord les délégués deprovince.

Riom, Fédération du Bâtiment: Après la discus-sion générale qui vient d'avoir lieu sur cette ques-tion, il est naturel que la Commission représente lesentiment du Congrès, et il est inutile de savoir d'oùsont les délégués candidats à cette Commission.

Dugoy, Fédération des Cuisiniers de France, sejoint au camarade Guérard pour appuyer la propo-sition de Trabaud.

Guérard, Syndicat des Chemins de fer: Ma propo-sition a pour but de montrer aux camarades,délégués par la province, qu'il n'y a aucune suspi-cion contre eux, et que les délégués parisiens neveulent pas tout accaparer. Ils n’ont pas plusd'intérêts que leurs camarades à entrer dans cetteCommission.

Le Congrès décide que six délégués de prov-ince feront partie de la Commission.

Sont nommés: Blanchart (Nantes); Branque(Toulouse); Constant (Brest); Fleury (Tours); Richer(Le Mans); Trabaud (Nice).

Hamelin, Syndicat des Mineurs de Carmaux,demande que l’on vote par délégué pour lesmembres qui sont à nommer. Adopté.

Les camarades Guérard, Dugoy et Copigneauxdéclinent toute candidature.

Pelloutier, Comité fédéral des Bourses, faitremarquer qu'il serait bon que l'exemple ducamarade Copigneaux fût suivi par les autresmembres du Conseil national. Les camarades

Claverie et Capjuzan, à ce titre, devraient ne pasposer leur candidature.

Guérard, Syndicat des Chemins de fer, dit qu'onne peut exclure les camarades qui font partie duConseil national de la Commission que l'on veutnommer. Ils ont des renseignements sur la marchedes deux organisations; il faut les laisser êtrecandidats s'ils le désirent.

On procède au vote par délégués; les camaradesGirard, Rozier et Lephilipponnat sont nommésscrutateurs.

Résultat de ce vote:96 votants. 95 suffrages exprimés. Majorité: 49.

Riom: 62 voix. Elu. Dalle: 38 voix.Claverie: 33 voix. Braun: 32 voix.Besombes: 31 voix. Capjuzan: 22 voix.Maynier: 19 voix. Richard: 12 voix.Auvray: 9 voix. Trabaud: 7 voix.Batbielle: 7 voix. Morel: 4 voixGuérard: 3 voix. Dogoy: 2 voix.Girard: 2 voix.Blanchard, Copigneaux, Richer: 1 voix.Bulletin blanc: 1.

Le camarade Rozier, au nom des scrutateurs, pro-pose au Congres, pour éviter un deuxième tour descrutin, de nommer les camarades Dalle etClaverie, qui ont obtenu le plus de voix après Riom,membres de la première Commission.Le Congrès approuve.

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Le Congrès passe à la deuxième question del’ordre du jour: L'alcoolisme, ses causes et seseffets.

Braun, Fédération nationale de la métallurgie: Sonorganisation trouve que cette question est plutôt duressort d'un Congrès d'hygiène que de celui d'unCongrès ouvrier. Il y a d'autres questions à discuterqui intéressent plus particulièrement le prolétariat.C'est perdre du temps que de discuter sur cettequestion.

Maynier, Chambre syndicale de la Typographieparisienne: Il se peut que cette question del'alcoolisme n'intéresse pas la Fédération de laMétallurgie, mais il y a d'autres corporations quis'y intéressent. C'est leur faire injure que de ne pasdiscuter cette question qui a été mise à l'ordre dujour sur la demande d'une organisation ouvrière; ilfaut écouter son rapport.

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Roche, Syndicat des Cochers-Livreurs de laSeine, a reçu mandat de son organisation pourtraiter cette question.

Si le Congrès voulait passer outre, iloutrepasserait son droit; toutes les questionsdoivent être entièrement discutées,

Guérard, Beausoleil, Pouget et Hamelinprient le Congrès de discuter cet article de l'ordredu jour.

Capjuzan, Syndicat de la CordonnerieFrançaise, est de l'avis du camarade Braun. Laquestion de l'alcoolisme est de peu d'importance;il y a urgence à traiter des questions plus sérieuseset à ne pas perdre de temps.

Le Congrès décide que l'ordre du jour établisera suivi et qu'en conséquence, en discutera surla question de l'alcoolisme.

Les camarades Besombes, Union desSyndicats de la Seine, Dangin, Syndicat desconducteurs-margeurs de Paris, Brisse, Syndicatdes ouvriers chocolatiers de la Seine et Roche,des Cochers-Livreurs de la Seine, donnent lecturede rapports sur l'alcoolisme.

Beausoleil appuie les conclusions du rapportde l'Union des Syndicats de la Seine. L'alcoolismen'est pas seulement le monopole des ouvriers; lesbourgeois s'enivrent également. Le moyen le plusefficace pour combattre l'alcoolisme sera encored'améliorer la condition des travailleurs.

Dalle, Fédération des Employés: Il faut, danscette question, ne pas s'illusionner sur les remèdesà apporter. L’alcoolisme ne s'étend pas à toutesles professions avec la même intensité; il y acertaines professions où l'alcoolisme est unemaladie professionnelle. Les travailleurs quimanipulent les alcools sont les premiers atteints:c'est dans ce milieu qu'il faut agir; car lesgénérations suivantes ont les traces de ce fléau. Ilne faut pas adopter le moyen que préconisent lesbourgeois: le monopole de l'alcool aggraverait lasituation au lieu de l'améliorer. L'alcoolisme étantune question hygiénique, on a voulu la résoudre.Mais il faut expliquer pourquoi les bourgeois tiennentau monopole de l'alcool par l'Etat. Le monopole del'alcool par l'Etat sera une source de revenus pource dernier et permettra même, dans la pensée desbourgeois, d'empêcher le vote de l'impôt sur lerevenu. Ce n'est pas par un impôt ou la prohibitionque l'on supprimera le fléau, mais par une actionmorale, politique, sociale.

Pelloutier, Comité Fédéral des Bourses, estd'avis d’être aussi sévère que possible pour ceuxdes nôtres qui se donnent à l'alcoolisme,L'alcoolisme est un retard apporté à l'émancipationdes travailleurs.

Si l'on adopte les conclusions du rapport del’Union des Syndicats de la Seine, il faut que leCongrès dise que l'alcoolisme est la conséquencede l'état social actuel. Il ne faut pas faire chorusavec les bourgeois qui prétendent, eux qui cachentleurs vices, que tous les travailleurs sont desalcooliques.

Blanchart (Nantes): Les ravages de l'alcoolismedeviennent de plus en plus considérables parmi lesouvriers les moins rétribués. Pendant les époquesde chômage, fréquentes chez les ouvriers lesmoins rétribués, ces derniers supportent degrandes privations. Lorsque le travail revient, ilsn'ont plus de forces, et, pour s'en donner, ilsprennent de l'alcool frelaté, puisque leursressources ne leur permettent pas d'en prendre demeilleur.

Le remède, c'est de se grouper pour maintenirles salaires.

Trabaud (Nice): Nous avons le devoir dediscuter, comme les bourgeois, et de conférencersur l'alcoolisme pour indiquer ses ravages. Voilàquelle doit être notre œuvre. Je proteste contre lesimpôts sur l'alcool; les fabricants nous intoxiquentdes alcools sophistiqués, parce que les impôtsénormes établis sur l'alcool ne leur permettent pasde donner de bonne marchandise accessible auxtravailleurs.

Si les syndiqués ne peuvent pas se guérir, ilspeuvent et doivent dégoûter leurs enfants.

Guérard, Syndicat des Chemins de Fer, croitque tous les membres du Congrès sont d'accordsur le mal que cause l'alcoolisme à la classelaborieuse. On n'est plus d'accord sur les moyensà appliquer pour supprimer l'alcoolisme. Guérardcite l'opinion d'un docteur socialiste: «On estquelquefois alcoolique sans le savoir et sans avoirfait des excès d'alcool». On a vu des hommes trèssobres avoir le delirium tremens: ils ne buvaientpas de grandes quantités d'alcool à la fois, ils nes'enivraient pas, mais ils s'intoxiquaient en prenantl'habitude d'absorber un petit verre d'alcool tous lesmatins.

Rousseau, Syndicat des Limonadiers de Paris:L'alcoolisme est une conséquence de la misère; lesurmenage y conduit également. Il est évident quelorsqu'on a travaillé pendant 15, 16 et quelquefois17 heures, on recherche de l'excitant, on prend de

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l'alcool. On devrait protester et empêcher la ventedes produits frelatés.

Ternet, Syndicat des ouvriers boulangers de laSeine: Nous constatons que l'ouvrier s'alcoolise;c'est la faute de l'organisation du Travail; C'est ànous-mêmes de réglementer notre travail et quetous les camarades s'inspirent des coopérativesde production; l'ouvrier sera organisé.

Rozier, Chambre syndicale des Employés deParis, constate que la plaie de l'alcoolisme vient del'organisation actuelle de la Société; la transforma-tion du travail ne suffira pas à le faire disparaître.Le monopole de l’alcool par l'Etat peut seulsupprimer l'alcoolisme et ses funestes effets. Ona dit au Congrès que si les travailleurs sont aussigravement atteints par l'alcoolisme, c'est quel'alcool qu'ils prenaient était de mauvaise qualité,parce qu'il y a des impôts énormes sur l'alcool. Eton demandait la suppression de ces impôts pouravoir de meilleur alcool à meilleur compte.

Tout en n'envisageant pas la conséquencequ'aurait cette suppression de l'impôt sur l'alcoolsur la situation financière du pays, il faut se direque les grands distillateurs, qui pourraient produirede bons alcools et ne le font pas parce qu'ils fontde la spéculation là-dessus, ne donneraient pas demeilleurs produits.

On est venu dire encore que le monopole del'alcool par l'Etat a été proposé et discuté bien avantle dépôt du projet d'impôt sur le revenu et le principedu monopole de l'alcool par l'Etat est au-dessusde toutes les compromissions.

Il ne s'agit pas de savoir si le monopole del'alcool par l'Etat est bien accueilli par lescapitalistes, mais si ce monopole est utile auxtravailleurs. Avec le monopole par l'Etat, ondiminuera les dangers que fait courir l'alcoolisme àla société par suite de la disparition de la racehumaine, les maladies étant toujours à la chargede la société. Le monopole de l’alcool a étérepoussé par la Chambre des Députés qui n'y a vuque la réalisation d’une revendication socialiste. Ons'élève contre le monopole de l'alcool par l'Etat etcependant, il faut qu'on le sache, actuellement cemonopole existe de fait puisqu'il n'y a que 23fabricants en France. Le Congrès doit se prononcerpour le monopole.

Le Président donne lecture des propositionsqui lui sont parvenues:

1- La Bourse du Travail d'Alger propose lacréation de cercles d'études de tempérance où leseffets néfastes de l'alcoolisme seront traités pardes camarades.

Liouville.

2- Considérant que l'alcoolisme est un obstacleà l'émancipation des travailleurs, que l'on combattel'alcoolisme par l'éducation sociale du prolétariat.

Dangin.

3- La Bourse du Travail de Montpellier préconise,comme moyens de préservation de l'alcoolisme,l'application intégrale de la journée de huit heures,les travailleurs auront ainsi les loisirs nécessairespour assister aux conférences populaires et pourfréquenter les salles de lecture qui pourraient êtrespécialement créées.

J. Brousse.

4- Que le Congrès vote le monopole de l'alcoolpar l'Etat; qu'il demande aux organisations ouvrièresde faire dans leur milieu des conférences où cettequestion si préjudiciable à la classe ouvrière seraittraitée pour guérir ou tout au moins diminuer lesravages de l'alcoolisme.

Trabaud (Nice).

5- Que tous les délégués du Congrès de Rennesprennent l'engagement de ne plus prendre d'alcool.

Capjuzan.

6- Que le Congrès adopte les conclusions durapport de l'Union des Syndicats de la Seine, etsurtout que le monopole de l'alcool soit confié àl'Etat.

Carmantrant, Allibert.

7- La Chambre syndicale des ouvriersOrnemanistes sur métaux approuve les conclu-sions du rapport de l'Union des Syndicats de laSeine et s'engage à combattre par tous les moyenspossibles pour enrayer les causes de ce fléau.

Michon.

Le Congrès décide qu'une Commission decinq membres établira un rapport sur cette ques-tion. Les camarades Rozier, Besombes, Pouget,Ternet et Dangin sont désignés pour faire partie dela Commission sur l'alcoolisme.

Le Président donne communication d'unedéclaration de la Bourse du Travail d'Alger, quidemande aux congressistes de faire de lapropagande pour l'absinthe syndicale qui se venddans les bouteilles de la Verrerie ouvrière.

La séance est levée à midi.

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SIXIÈME SÉANCE: Mercredi 28 Septembre 1898 (soir).

de salaire, les heures de travail, etc. Tous lesCongrès se sont prononcés pour l'application demesures pour hâter la solution de ces questions.On a traité, longuement et à fond, la question de lajournée de huit heures, la question du minimum desalaire; des moyens d'action ont été préconisés,des décisions ont été prises, mais jusqu'à ce jourleur application n'a pas été faite par les intéressés.La seule action actuellement possible pour arriverà des résultats, c'est l'action parlementaire.L'éducation intellectuelle des travailleurs n'est pasencore assez développée pour exercer une autreaction que l'action parlementaire.

Notre desiderata, c'est la suppression dssadjudications publiques, c'est la régie. La mise enrégie des travaux a été violemment attaquée; onprétend que les travaux faits en régie ne donnentpas de bons résultats, Riom communique auCongrès différents rapports d'ingénieurs quiétablissent que les travaux exécutés en régie sontbien mieux faits et coûtent bien moins cher que lestravaux exécutés par adjudications publiques. Lesystème des adjudications publiques est mauvaisà tous points de vue et doit disparaître. Dans laplupart des cas, les entrepreneurs s'entendent en-tre eux pour ne pas soumissionner auxadjudications, pour obtenir ensuite l'exécution destravaux par des marchés passés de gré à gré. Celase fait lorsqu'une deuxième adjudication ne donnepas de résultat. Cependant le Préfet a le droit demettre les travaux en régie, c'est-à-dire de confierla direction et l'exécution des travaux qui n'ont pastrouvé d'adjudicataire aux ingénieurs des adminis-trations publiques. Pour les travaux du Métropolitain,les entrepreneurs n'ont pas voulu soumissionner,voulant obtenir ces travaux de gré à gré. Le chefingénieur, chef de service, a déclaré qu'il était prêtà exécuter ces travaux en régie, qu'il y aurait en-core du bénéfice à les faire exécuter ainsi, mais lePréfet de la Seine a passé outre et a confiél'exécution des travaux à différents entrepreneurspar des marchés de gré à gré.

Pour les travaux d'entretien, on a institué unsystème de travail en régie qui n'est pas parfaitévidemment, mais qui donne de bons résultats,ainsi que le constate dans un rapport le chef deservice de l'Assistance publique.

En attendant que les ouvriers-soient assezintelligents pour organiser eux-mêmes la produc-tion, il faut exiger la mise en régie de tous les travauxcommunaux, départementaux et de l’Etat Onrencontrera des résistances, c’est certain; cela nes'obtient pas en un jour, puisque voilà plus de quinzeans qu'on lutte pour les conditions du travail en régie.

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Besombes, de l'Union des Syndicats de laSeine, président; Richer du Mans, et Bry, d'Angers,assesseurs.

Le camarade Cayol, de Marseille, procède àl'appel nominal.

Le Congrès décide de commencer la discus-sion générale de la troisième question à l'ordre dujour; les membres de la première Commission sontautorisés à assister à cette discussion à la suitede laquelle ils devront commencer leurs travaux.

Le rapporteur de la Commission de vérificationdes mandats propose au Congrès d'accepter lecitoyen Coquet, délégué des ouvriers meuniersd’llle-et-Vilaine, dont le mandat est régulier. Adopté.

Batbielle, Fédération du Livre: La question desadjudications, mise à l'ordre du jour par laFédération du Livre, prend actuellement, avec lagrève du bâtiment, une importance primordiale. Ilfaut donc, dès maintenant, puisque les organisa-tions ouvrières sont représentées au Congrès,prendre une détermination ferme pour que, dansles adjudications futures faites par l’Etat, lesdépartements et les Communes, une clausegarantissant un minimum de salaire soit imposéeaux adjudicataires. Notre organisation, qui pourtantne fait pas beaucoup de bruit, fait en revanchebeaucoup de travail. Aussi cette question desadjudications a-t-elle été le sujet d'une étudeapprofondie et longue de la part de son Secrétairegénéral qui en a fait un rapport au Conseil supérieurdu Travail qui l'a approuvé. Batbielle lit un rapportqu'il dit tiré de celui de Keufer et demande auCongrès d'appuyer ses conclusions.

Roche, Syndicat des Cochers-Livreurs de laSeine, lit un rapport sur la même question.

Branque (Toulouse) demande au Congrèsd’adopter sans discussion le rapport de laFédération du Livre et de prendre l’engagement defaire de la propagande pour l'application des con-clusions de ce rapport.

Dangin résume l'impression de tous, dit-il, enproposant l'adoption pure et simple du rapport deKeufer, lu par Batbielle, ce rapport contenant toutesles modifications désirables.

Riom, Fédération nationale du Bâtiment: Laquestion des adjudications renferme l'essentiel, labase des revendications corporatives: le minimum

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Actuellement, ce n'est plus qu'une réclameélectorale pour les candidats aux fonctionspubliques. En 1888, il y a eu un commencementd'application à Paris. Le Conseil municipal avait votéles conclusions de la commission sur les condi-tions du travail et avait décidé d'appliquer ces con-clusions notamment pour les travaux de l'Expositionde 1889. Le Gouvernement laissa faire et lestravaux exécutés coûtèrent bien moins cherqu'avant. Cette expérience était concluante et il n'yavait qu'à continuer l'application des mêmes con-ditions à tous les travaux municipaux. Mais les en-trepreneurs, les patrons, qui sont bien organisés,eux, firent sentir leur influence et manifestèrent leursdésirs de faire cesser cet état de choses. Sur leurinitiative, le Sénat décida que les travaux quiseraient faits sur fonds d'emprunts ne pourraientpas bénéficier des conditions du travail. LaChambre des députés, ainsi que le Conseil d'Etat,approuvèrent, et il ne resta plus au Conseil munici-pal qu'à s'incliner.

Nous devons poursuivre le travail en régie et or-ganiser une ligue contre le marchandage. Tousceux qui veulent la suppression du marchandagedoivent faire partie de cette ligue. On fait signer auxcandidats les revendications ouvrières, mais il nesuffit pas de donner sa signature, il faut encores'engager à suivre toutes les conditions du travailet à les appliquer. Toutes les décisions prises dansles Congrès sont le fruit de longues études et debonnes et sérieuses discussions. Je suis tellementconvaincu de la nécessité de les mettre en pra-tique que je voterais plutôt pour un monarchiste, sij'étais certain qu'il me donnerait satisfaction sur cepoint, que pour un socialiste qui se moquerait pasmal des décisions que nous prenons dans nosCongrès et trahirait notre cause en ne remplissantpas ses engagements. Organisons une entente dessyndicats pour frapper dans ce qu'ils ont de pluscher: leurs sièges électifs - tous ceux qui ne sesoumettent pas entièrement à nos décisions.Combattons-les par tous les moyens; faisonséchouer leur candidature, quel que soit leur parti,quels que soient leurs adversaires.

Fournet, Chambre syndicale des Porteurs etEmployés de journaux: Les travaux en régie ontdonné de bons résultats à Saint-Ouen, où laMunicipalité pratique ce système pour l'exécutionde ses travaux, et quoique les ouvriers aient eu lemaximum de salaire et la journée de huit heures -ils ont été faits pour 700.000 fr. meilleur marchéque s'ils avaient été exécutés par des patrons.

Le travail en régie n'est pas applicable danstoutes les communes actuellement, à cause desmunicipalités réactionnaires qui les administrent. Iln'y a qu'une chose à faire, c'est d'intervenir pour

faire abroger la loi sur les adjudications publiques.

Lauche, Union des Mécaniciens de la Seine:L'application des décisions des Congrès estnégative. Les organisations ouvrières qui lesprennent ne peuvent pas, quoi qu'en dise lecamarade Riom, en surveiller l'application. C'estaux élus, quels qu'ils soient, qu'il faut imposer latâche de réaliser l'application des décisions desCongrès. Il y en a bien quelques-uns qui respectentnos décisions, mais la masse s'en désintéresse.Nous ne devons pas faire de politique ici, etcependant nous y sommes conduits naturellementchaque fois que nous prenons des décisions et quenous nous demandons comment nous voulons lesvoir appliquées. Il faut aussi que les élus respectentles décisions qu'ils ont prises. À ce sujet, lesconseillers municipaux socialistes de Paris n'ontpas fait leur devoir lors de la grève des terrassiers;leur rôle était tout autre que celui qu'ils ont suivi.

Roche, Syndicat des Cochers-livreurs de laSeine, appuie le rapport Keufer, de la Fédérationdu Livre. Ce sont les salaires qui supportent d'unefaçon absolue les réductions consenties par lesentrepreneurs qui, par toutes sortes de moyens,arrivent souvent à connaître les rabais de leursconcurrents, et, pour obtenir la préférence,soumissionnent à de plus forts rabais. Si onn'exigeait pas de cautionnement des associationsouvrières de production, elles pourraient prendrel'exécution de tous les travaux actuellement soumisà l'adjudication. Cela vaudrait mieux que la miseen régie.

Hamelin, Verrerie Ouvrière de Carmaux: Cesont les adjudications elles-mêmes qui sontmauvaises et non les modes que l'on emploie dansles adjudications. Toutes les réductions sontsupportées par les ouvriers d'abord, ensuite par lesmatériaux. Hamelin n'est pas partisan absolu de lamise en régie de tous les travaux communaux.Actuellement il y a des travaux que l'on confie auxentrepreneurs sans procéder à aucune adjudica-tion; que l'on aille plus loin et que l'on traite de gré àgré avec les patrons qui s'engagent à payer les prixde séries. Comment obtenir des élus l’applicationde nos décisions, puisque bien des syndicats quiont des travaux à faire vont n'importe où, les confiantlà où c'est moins cher. Il a bien moins de confiancedans un monarchiste que dans un socialiste, et sion veut obtenir quelque chose il faut imposer lemandat impératif à nos candidats.

Claverie, Union Syndicale de la Compagnieparisienne du Gaz: La question des adjudicationspubliques réunit toutes les sympathies.

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L'ordonnance de 1837 qui les règlemente est lerempart des entrepreneurs et des capitalistes.Claverie en demande l'abrogation. Les lois suiventles temps, lorsqu'elles deviennent caduques on doitles changer et en faire de nouvelles s'adaptant auxtemps nouveaux.

La solution que l'on donne aux adjudicationspubliques, la mise en régie n'est qu'une partie de laquestion. Il ne faut pas seulement considérer la situ-ation des ouvriers de Paris, mais aussi celle desouvriers des départements. Que toutes les com-munes aient le droit de fixer un minimum de salairequi garantisse un salaire équitable à l'ouvrier. Onnous parle constamment du contrat de travail ; quelest l'ouvrier qui peut discuter ce contrat de travail?Il y a des prix établis par les patrons, c'est à pren-dre ou à laisser.

Le jour où les communes garantiront un mini-mum de salaire, on ne verra plus les ouvriers creverde faim après avoir fait dix heures de travail.

La clôture, demandée par le camarade Cayol,de Marseille, est adoptée avec les orateurs; inscrits.

Lemaître, Fédération des Peintres en bâtimentde la Seine: J'appuie absolument ce que vient dedire le camarade Riom. Dans les adjudications quela Ville de Paris vient de faire pour l'entretien, pen-dant une période de trois années, de ses bâtimentset édifices municipaux, elle a imposé un rabais de30%. Aussi ne sommes-nous pas partisansd'adjudications passées de cette façon, parce que,par répercussion, elles portent préjudice auxsalaires des travailleurs et elles entraînent lesmalfaçons dans le travail. Nous sommes partisansdu travail exécuté en régie.

Les travaux de peinture en entretien, faits en régiepour le compte de l'Assistance publique, ont donnéde très bons résultats. La régie ayant fait sespreuves, on pourrait l'étendre et la généraliser à tousles travaux communaux et ce système seraitavantageux pour les travailleurs, pour la communeet pour les contribuables.

Lors des dernières élections législatives, laFédération des Peintres de la Seine a envoyé unquestionnaire aux candidats en leur demandant deprendre l'engagement et de l'indiquer, dans leurprofession de foi, d'appuyer et de défendre le rap-port des citoyens Lavy et Vaillant, «vote d’une loiétablissant un minimum de salaire pour les travauxdu Bâtiment établi d'après les besoins de chaquedépartement. - Application du Décret-Loi du 2 mars1848 et de l'arrêté du Gouvernement provisoire du21 mars 1848, contre le marchandage, le dixièmeouvriers étrangers au maximum, etc..., etc...». LaFédération des Peintres prit acte des candidats quirépondirent au questionnaire et ceux qui ne

répondirent pas, on alla les combattre pour les faireéchouer. C'est le moyen que nous avons mis enpratique en attendant que nous puissions imposerle mandat impératif.

Cauchois, Chambre syndicale des OuvriersCartouchiers de Seine-et-Oise et de la Seinedemande au Congrès de traiter à fond cette ques-tion. Le Conseil municipal d'Issy-les-Moulineaux l’aspécialement délégué pour avoir desrenseignements complets.

Copigneaux, Syndicat des Travailleursmunicipaux de Paris: Le camarade Claverie disaitde donner aux communes le droit de fixer un mini-mum de salaire. C'est bien aléatoire, alors surtoutque tous les conseillers municipaux se retranchentderrière la loi. Ainsi les conseillers municipauxsocialistes ne font pas tout leur devoir. Quand lesouvriers vont les trouver, on ne les trouve jamaisou ils ne s'occupent pas, pour la plupart, desrevendications des ouvriers. Ils ne sont bons qu'àfaire des discours.

Gannat, Fédération des Syndicats Ouvriers deVichy: se joint à Hamelin pour combattre Riom quia dit qu'il fallait plutôt voter pour un réactionnaireque pour un socialiste. Les questions économiquessont intimement liées à la politique. On ne peut rienobtenir des réactionnaires. Les organisationsouvrières de Vichy ont obtenu de la Municipalité lapréférence dans les marchés passés de gré à gré.Il recommande aux congressistes la formation desAssociations ouvrières d'exploitation.

Girard, Union du Bronze, demande la constitu-tion d'une commission qui devra savoir ce quedeviennent les outils que l’on fait confectionner dansles écoles professionnelles.

Cet outillage devrait revenir aux organisationsouvrières qui voudraient organiser elles-mêmes laproduction.

Peltier, Syndicat des Ouvriers tailleurs de Paris,croit que le camarade Riom, connu comme mili-tant, a fait une figure de rhétorique en disant qu'ilvoterait pour un réactionnaire qui lui donnerait sa-tisfaction plutôt que pour un socialiste. Peltier faitune proposition ferme pour que le travail qui doits'exécuter chez les patrons soit exécuté réellementdans leurs ateliers. Si les patrons font tant de réduc-tion, c'est qu'ils violent presque toujours les clausesdes cahiers des charges.

Coquet, Syndicat des Meuniers d'Ille et-Vilaine,dit qu'il est difficile aux organisations ouvrières deprendre part aux adjudications publiques à cause

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des rabais qu'il faut consentir. Il demande que laréception des travaux exécutés par adjudication soitfaite par des hommes compétents.

Le Bras, Chambre syndicale des OuvriersMenuisiers et Ébénistes de Rennes, demande quetoutes les adjudications au-dessus de 50.000francs soient divisées en lots de 20.000 francsparce que le cautionnement n’est pas exigible desassociations ouvrières de production, lorsque lechiffre des adjudications est inférieurs à 50.000fr,et pour éviter que les grands travaux (suite p. 170)

Reynier, Bourse du Travail d'Aix, dit que leCongrès doit se prononcer sur la régularisation desheures de travail et le minimum de salaire danstoutes les adjudications publiques, autrement, onne fera rien, en supposant que l'on confie l'exécutiondes travaux à l'adjudication aux organisationsouvrières. Ce sera comme si on les confiait auxpatrons.

Riom, Fédération du Bâtiment: J'ai dit qu'il y avaitquinze ans qu'on luttait à Paris pour obtenir lesconditions du travail en attendant la mise en régiedes travaux communaux.

Il y a donc une mauvaise conception, si on s'entient encore à l'action parlementaire qui a été nullejusqu'à ce jour. Quant aux ordonnances de 1836 et1837, leur modification et leur abrogation ont étévotées par le Congrès de Tours, où il a été démontré,très éloquemment, qu'il y avait dans ces lois unebonne énumération, mais que l'interprétation qu'onen tirait était mauvaise. Quand il a dit qu'il voteraitpour un royaliste, il a fait une figure, il est de ceuxqui colorent leurs phrases pour accentuer leurpensée. Mais, cependant, doit-on continuer à voterpour un farceur socialiste qui se moque de nosdécisions, qui ne veut en tenir aucun compte. Sinous voulions donner une bonne leçon à nos élus,ils finiraient par appuyer nos résolutions.

On a pris pour principe à Paris de traiter depréférence et de gré à gré avec les organisationsouvrières. Mais ces organisations, très souventpaient moins cher que les patrons et de plus ellesaccaparent des militants et des lutteurs. C'est unmal pour le prolétariat, parce que c'est la disparitiondes militants, des lutteurs que l'on case et quideviennent de petits patrons.

Le Congrès nomme les camarades Batbielle,Fernbach, Maynier, Gannat, Lemaître de Paris,membres de la commission des adjudicationspubliques.

Riom, Fédération du bâtiment, propose l'adoptiondu rapport de Keuffer, de la Fédération du Livre,

avant de procéder à la lecture des propositions etdes amendements. Adopté.

Le Président donne lecture des propositionssuivantes qui seront envovées à la commission:

1- Que les banquets corporatifs, les buffetsmunicipaux, soient faits et fournis par les Chambressyndicales de l'alimentation.

L. Dugoy.

2- Introduction d'un minimum de salaire dansles cahiers des charges des adjudicationspubliques. Que communication soit faite des cahiersdes charges des adjudications publiques et desrésultats de ces adjudications aux organisationsouvrières.

Beaupérin.

3- Introduction dans le cahier des charges desentreprises communales, d'un maximum de huitheures de travail. Tout ouvrier ne devra pas êtrepayé moins de 0 fr70 de l'heure et les manouvriers0fr.55. Tout entrepreneur devra être Français ounaturalisé Français. Il ne sera pas employé sur leschantiers plus d'un dixième d'étrangers. Ceux-cidevront être payés au même prix que les ouvriersde la localité. Une commission municipale devraêtre nommée pour surveiller ces entreprises; cettecommission devra s'assurer exclusivement de lasécurité des ouvriers employés. La paye devra sefaire tous les samedis et au taux indiqué. Les en-trepreneurs ne devront pas employer les jeunesgens âgés de moins de 16 ans commemanœuvres. Les entrepreneurs devront, dans toutéchafaudage, avoir un entourage d’au moins 1mètre de haut pour empêcher toute chute; sur lesbordures de toit ils devront avoir au moins 50centimètres. Tout entrepreneur ne se conformantpas aux présentes dispositions, la Ville aura le pleindroit de lui retirer ses travaux si elle n'introduit pasd'autres dispositions dans le cahier des charges.Tout Syndicat ouvrier pourra participer auxadjudications aux mêmes conditions. Tout entre-preneur de chantiers communaux ne devra pas fairevenir la pierre de construction toute taillée d'undépartement voisin, ce travail devra être exécutésur les chantiers communaux.

U. Petit.

4- Que toutes les adjudications supérieures à50.000 fr, soient divisées en plusieurs lots et que,pour la maçonnerie, il y ait autant de lots que debâtiments distincts à construire.

Le Bras, Liouville.

5- Attendu que la diminution des salaires provient

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de la méthode préconisée par la loi de 1836, leCongrès émet le vœu de la suppression totale desadjudications et que tous les travaux communaux,cantonaux, etc..., soient fait dorénavant en régie.

Ch. Fournet.

6- Proposition de nomination d'une Commissionqui aurait pour mission de défendre, devant la Com-mission parlementaire du travail, les vœux duCongrès concernant la question des adjudications.

Lagaille.

7- Mise en régie de tous les travaux de l'Etat,des départements et des communes. Et, en casd'impossibilité, application stricte et intégrale desclauses et conditions des cahiers des charges dela Ville de Paris, de l'Assistance publique, des Prom-enades et Plantations.

J.-E. Morin.

8- Attendu que les ouvriers étrangers deviennentla matière exploitable du marchandage et qu'ils letransmettent aux ouvriers français, le Congrèsdénonce les transgressions aux lois sur laproportionnalité des ouvriers étrangers, sur lemarchandage et les prix de série.

E. Grassaval.

9- En attendant la suppression totale desadjudications, le Congrès demande que, dans lesadjudications relatives aux bâtiments, il y ait autantde lots que de bâtiments à construire.

Guérin, Bouyer, Pellier.

10- Que tous les congressistes fassent parvenirà leur municipalité respective un compte rendu destravaux du Congrès, et notamment le rapport deKeufer.

Cauchois.

11- Le Congrès décide:

Les délégués de chaque localité, aussitôt leurrentrée, devront s'entendre à l'effet de se rendreauprès de leur municipalité pour lui exposer lesdécisions du Congrès concernant les travaux et leurdemander ce qui sera fait à l'avenir, dans l’intérêtdes travailleurs, et de quelle façon ils entendent faireexécuter leurs travaux.

Les délégués de Paris enverront 3 déléguésporteurs des décisions du Congrès et demanderontà être entendus par la Commission du Travail.

G. Fourage.

Les camarades Roche, L. Drisse, Fernbachprésentent des propositions demandant le travailen régie.

12- Le Congrès adopte: la lutte pour l'obtentionde la mise en régie des travaux des communes,des départements et de l'Etat; la création d'uneLigue contre le marchandage; enfin lerétablissement d'un programme d'action pour laréalisation des revendications relevant des pouvoirspublics; ce programme conçu dans l'esprit de celuiétabli par les travailleurs des chemins de fer.

L. Riom-----

Le rapporteur de la Commission de vérificationdes mandats donne communication au Congrèsd'une dépêche des ouvriers mineurs du Tarn,accréditant le camarade Hamelin comme déléguéde leur Syndicat. Le Congrès décerne acte de cettecommunication et admet le citoyen Hamelin commedélégué des ouvriers mineurs du Tarn.

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La Commission d'organisation du Congrès in-vite tous les délégués à lui faire connaître le nombrede brochures du compte-rendu du Congrès qu'ilsdésirent pour leurs organisations.

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Le Congrès décide que l'on inscrira lesdemandes à partir du lendemain matin.

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Le camarade Hamelin, rapporteur cle la com-mission d'organisation de la réunion publique, faitsavoir au Congrès que des affiches ont étécommandées; et que l'ordre du jour indiqué portesimplement: «Les Revendications Ouvrières».

Les camarades Beausoleil, Braun, Dalle,Guérard, Hamelin, Riom et Rozier sont désignéspour prendre la parole à la réunion publique.

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L'ordre du jour porte discussion de la quatrièmequestion: De la marque du connaissement.

Maynier, Chambre syndicale de la Typographieparisienne, lit un rapport sur la marque deconnaissement.

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Le camarade Fleury, de Tours, donne commu-nication d’un fait local que le Congrès décide de nepas prendre en considération.

Allibert, Société générale des Ouvrierschapeliers de France, appuie les conclusions durapport du camarade Maynier. Tous les imprimésdont se sert son Syndicat est confié aux ouvrierssyndiqués qui emploient la marque deconnaissement.

Le camarade Beausoleil propose au Congrèsde joindre la discussion de l'article 16 de l’ordre dujour à celle de la marque de connaissement, cesdeux questions étant connexes. Adopté.

Riom, Fédération du Bâtiment, propose qu'unou deux camarades typographes se tiennent dansla salle des séances à la disposition descongressistes avec les épreuves des procès-

verbaux distribués, pour procéder à la correctiondes défectuosités matérielles qui leur serontsignalées.

Les camarades Maynier et Batbielle sontdésignés. Le Président rappelle aux délégués dubâtiment que le Congrès du bâtiment doit tenirséance le soir à neuf heures à la Bourse du Tra-vail.

Le Président donne lecture d'une lettre de lacommission d'organisation du Congrès de Lyondemandant l'union de tous les partis ouvrierssocialistes en un Congrès en 1899.

Le camarade Barlan, de Toulouse, demande lerenvoi de cette question au prochain Congrèscorporatif.

La séance est levée à 6 heures.

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SEPTIÈME SÉANCE: Jeudi 29 Septembre 1898 (matin).

La séance est ouverte à 8 heures.

Le bureau est ainsi constitué: Président,Carmantran; assesseurs, Auvray et Bangin.

L'appel nominal accuse comme absents : Augé,Coquet, Dalle, Girard, Rozier, Sabourin.

Le Président donne lecture d'une lettre du Mairede la ville de Rennes, informant les congressistesque les musées municipaux seront ouverts de 11heures à 5 heures, les jeudi, vendredi, samedi etdimanche, pour permettre aux délégués de les vi-siter.

Capjuzan, pour répondre à l'invitation amicalede la Municipalité rennaise, demande de lever laséance pendant une heure pour aller visiter lesmusées.

Langlois trouve que ce n'est pas assez d'uneheure pour visiter ces musées; il demande de le-ver la séance et de consacrer toute l'après-midi àcette visite. Mais comme il faut que le Congrèssiège, il propose de faire une séance de nuit,demain soir.

Goumet, de Fourchambault, propose de com-mencer la séance de demain après midi une heureplus tard, et de continuer ensuite la discussionjusqu'à sept heures le soir. Adopté.

Le Président donne lecture d'une lettre deremerciements des grévistes du Mans; puis ildonne la parole au citoyen Pouget pour la continu-ation de la discussion sur les articles 4 et 16 del'ordre du jour.

Pouget, Chambre syndicale de l'Industrielainière de Reims: Il s'agit de savoir aujourd'hui lesrésultats obtenus et la propagande faite par les or-ganisations ouvrières a la suite de l'adoption, auCongrès de Toulouse, du rapport sur le boycottageet le sabottage. Les résultats n'ont pas été aussiconsidérables qu'on l'aurait désiré. Il en a été decette tactique comme de l'idée de grève générale:on a cru avoir beaucoup fait en adoptant un principe.C'est insuffisant. C'est une superfluité si on nepasse pas à l'action. L'utilité des Congrès est denous permettre de nous mettre d'accord sur unetactique; mais, l'accord fait, une fois rentrés cheznous, il est indispensable d'agir dans le sens quenous avons fixé.

L’a-t-on fait pour le boycottage et le sabottage?Malgré qu'une enquête soit difficile, on peut dire queles initiatives ont été peu ardentes.

Cependant, depuis le dernier Congrès, on n'estpas resté complètement inactif et les camaradesde Paris qui ont fait partie de la Commission sur leboycottage et le sabottage à Toulouse, ont pris larésolution, rentrés à Paris, de se réunir et de fairede la propagande. Par leurs soins, il a été procédéà un premier tirage, en brochures, du rapport de la

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Commission de Toulouse; avec de faiblesressources, ils ont pu en faire un tirage à 50.000exemplaires.

Nous sommes moins avancés, en France, pourla mise en pratique du boycottage et du sabottageque nos camarades d'Angleterre et d'Amérique oùces moyens de défense contre les empiétementsdu capital sont d'un usage courant. Nos camaradesaméricains et anglais n'attendent pas l'interventionde l'Etat pour régler les conflits qui surgissent en-tre eux et les capitalistes. Tout dernièrement en-core, les Américaines, pour protester contre lessympathies de la France pour l'Espagne, ont fait leboycottage des objets de toilette français, et le com-merce parisien s'en est fortement ressenti.

Cet exemple, après bien d'autres, nous prouvela puissance de résistance du boycottage. Si, dansles grands centres, l'éparpillement des travailleurspeut sembler une difficulté, il n en est pas de mêmedans les petites villes où tous les camarades seconnaissent.

Tout le monde sait que le sabottage c'est leralentissement ou la malfaçon de la productiondans le travail. De tout temps les travailleurs ontpratiqué le sabottage d'une façon instinctive,notamment lorsqu'ils subissaient une diminution desalaire. Le sabottage n'est pas une inventionprolétarienne, mais une invention bourgeoise. Lescapitalistes, les patrons le pratiquent dans lesadjudications en employant de mauvais matériaux.Pourquoi les travailleurs ne se serviraient-ils pasdu sabottage toutes les fois qu'ils auraient à subirune diminution de salaire? Il est des cas où la grèveest impossible et où, au contraire, le sabottage estun meilleur moyen de combat. Mais il faut rappliquerd'une façon ostensible pour que les capitalistes lesachent et le craignent; s'il restait clandestin, sapuissance de résistance s'en trouverait diminuée;il faut que les patrons se familiarisent avec cettemenace; de la sorte, la peur du sabottage deviendrapour eux un frein salutaire aux travailleurs.

Roche, Syndicat des Cochers-livreurs de laSeine, dit qu'on n'a pas fait tout ce qu'il fallait pourla Verrerie ouvrière, on est resté inactif. Lapropagande pour les produits de la verrerie ouvrièrene marche pas à Paris, et, il est malheureux deconstater, que le gros de la vente ne se fait quedans les quartiers où il y a de l'aisance, tandis quedans les arrondissements ouvriers tels que les 11,12, 13, 15, 19 et 20èmes, la vente est presque nulle,ce qui prouve que les ouvriers ne comprennent pasleur intérêt. Il faut cependant rendre hommage auxcamarades qui n'ont pas craint de se donner de lapeine pour placer les bouteilles de la Verrerieouvrière. Toutes les fois que les travailleurs veulentbien faire de la propagande auprès des débitants,

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on arrive à leur faire prendre leurs bouteilles à laVerrerie ouvrière. Roche fait connaître les résultatsproduits par une sérieuse propagande à Saint-Deniset aux Moulineaux. Il conclut en disant que lestravailleurs ont une arme puissante dans leboycottage .

Pelloutier, Comité fédéral des Bourses du Tra-vail: Ce qui nous manque, c'est l'esprit d'initiative;nous avons la funeste habitude de compter sur,d'autres que sur nous-mêmes. Comment se fait-ilque les travailleurs soient assez naïfs pour comptersur d'autres que sur eux-mêmes pour obtenir desréformes: ils n'auront que celles qu'ils prendrontd'eux-mêmes. Toute tentative d'amélioration par lestravailleurs ne peut se faire que par leralentissement de la production qui est elle-mêmeréglée par la consommation. C'est pour lui,Pelloutier, un étonnement continuel de voir toutesles assemblées ouvrières compter sur la bonnevolonté de ceux qu'elles commettent à la conser-vation des biens sociaux. Il a eu un espoir l’annéedernière, lorsqu'on a adopté à l'unanimité le rap-port sur le boycottage et le sabottage. Il a cru quedésormais, au lieu de demander des améliorationsà leurs adversaires de classes, les travailleursallaient les prendre eux-mêmes. On a cité desboycottages sérieux, mais que sont ces exemplesauprès des résultats que l’on voit dans les pays oùle boycottage et le sabottage sont entrés dans lesmœurs? Ne finirons-nous pas par donner desexemples pareils à ceux que l’on voit en Amérique,où on ne rencontre sur le marché que desmarchandises qui portent la marque deconnaissement des organisations ouvrières?Grâce à leur énergie et à leur initiative, ces organi-sations ouvrières réussissent, ne comptant que surelles-mêmes. Quant au sabottage, n'y a-t-il pas làun élément révolutionnaire qui doit tenter lesouvriers? Laissant de côté les violences, non parcrainte,ils peuvent,par leur initiative, en appliquantle sabottage, lutter avantageusement contre laSociété capitaliste. Nous ne devons pas hésiter àprendre les moyens qui nous semblent bons; nousavons pour devoir d'affirmer ces moyens quelsqu'ils soient, sans pour cela entrer dans les détails.Ce qu'il faut se donner, c'est l'esprit d'initiative.

Philippe, Bourse du Travail du Havre, citeun fait local concernant la mise à l'index d'un atel-ier.

BeausoIeil: La question du boycottage et dusabottage est pour lui plus importante que celle dela grève générale; elle caractérise l'action syndicale,parce qu'elle permet une action suivie et raisonnée.Elle réalise tout ce qu'on peut désirer comme

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moyens offensifs contre les exploiteurs. S'il est uneforme d'action qui pourrait tenter les employés decommerce, ce serait bien celle-là. Mais la corpora-tion des employés de commerce ne soupçonnepas le parti qu’elle pourrait tirer d'une action de cegenre. Cela ne peut venir que de l'action et del’éducation des travailleurs; mais ce qui manquesurtout, c'est l'esprit de suite.

Maynier, Chambre syndicale de la Typographieparisienne, dit qu'il a été de la minorité dans tousles précédents Congrès sur les questions de lagrève générale et sur le sabottage. Mais pour leboycottage, quand on a demandé quels étaient lesrésultats, il a constaté que dans sa profession onavait fait plus que chez les autres. Il fait un vœupour que toutes les bouteilles de la Verrerie Ouvrièresoient marquées. Autrement, comment pouvoir serendre compte du résultat de la propagande quel'on fait? Il est indispensable de trouver un systèmepour que l'on ne nous berne pas.

Roche dit que certains commerçants acceptentvolontiers des bouteilles de la Verrerie Ouvrière,mais ils ne veulent pas de la marque à cause deleur clientèle qui n'est pas toujours conforme à leursidées.

Besombes, Union syndicale de la Seine, formulele même vœu que le camarade Maynier etdemande que la Verrerie Ouvrière fasse unemarque spéciale que connaîtront les militants.

Capjuzan, Syndicat de la Cordonnerie Ouvrièrede France: Le boycottage et le sabottage nousplaisent énormément pour leur simplicité inouïe etparce qu'ils sont un entraînement vers la révolte delaquelle on a tant peur. Quoiqu'il ne faille pas fairevoir toutes les difficultés d'application, commecertains militants ont le tort de le faire, nous nepouvons pas engager les ouvriers français à fairetout de suite ce que font les Anglais et lesAméricains.

C'est une évolution à faire dans notre pays, et sinous ne l'entreprenons pas, le capital l'entreprendraà notre égard.

Dugoy, Fédération des Cuisiniers de France:Dans cette profession, ce sont les patrons quiboycottent les ouvriers, surtout les militants, parceque ces derniers font de la propagande syndicale.

Les patrons se font connaître les militants, l’unà l’autre, et les exécutions ne tardent jamais. Il n'estpas possible de faire du sabottage continuel danscette profession; cependant, les cas de révoltesindividuelles se présentent fréquemment.

Il cite, notamment, aux applaudissements

unanimes du Congrès, le cas des cuisiniers d'ungrand établissement de la Capitale qui, ayant eu àse plaindre de leur patron, restèrent; à leur postetoute la journée, fourneaux allumés, et qui, au mo-ment où les clients affluaient dans les salles, nepurent servir que les briques qu'ils avaient misesdans les marmites, en compagnie de la penduledu restaurant.

Rousseau, Chambre syndicale des Ouvrierslimonadiers de Paris, appuie ce que vient de dire lecamarade Pelloutier; il faut faire ses affaires soi-même.

Lauche, Union des Ouvriers mécaniciens dela Seine: Son syndicat a été très heureux desdécisions prises au Congrès de Toulouse,relativement au boycottage et sabottage; il fautcompter avec ceux qui ne sont pas avec nous. Ilfaut envisager la conduite des petits commerçantsà notre égard. Ils sont constamment contre nous; ilfaudrait leur faire comprendre que nous sommesleurs meilleurs amis.

Cauchois, Syndicat des Cartouchiers d'Issy-les-Moulineaux (Oise), dit que dans son Syndicaton a fait tout ce qu'on a pu sur le boycottage. Lespetits commerçants ne sont pas toujours libres,d'autres ont des craintes qu'il faudrait dissiper.

Meyer, Syndicat des Ouvriers pâtissiers de laSeine: En Angleterre, on a imposé une marque deconnaissement pour protéger la main-d’œuvrecontre les produits étrangers. On devrait boycotterces produits lorsqu'ils viennent sur notre marché.

Copigneaux, Fédération des Ouvriersmunicipaux de la Ville de Paris: Si on n'appliquepas internationalement le principe du sabottage: àmauvaise paie, mauvais travail, il est imprudent pourles ouvriers français de le pratiquer. En effet,comme on recherche les produits français pour leurfini, si nous nous mettons à pratiquer le sabottage,on ne reconnaîtra plus nos travaux, on ne lesrecherchera plus et nous seront lésés par lesouvriers étrangers qui bénéficieront de notretactique.

Pouget: Evidemment il peut se faire, grâce àdes circonstances exceptionnelles, que les ouvrierssouffrent de l'application du sabottage; mais lapremière victime, celui qui sera le plus sûrementatteint et le plus fortement, ce sera le patron.Immédiatement, il verra les inconvénients de sarapacité et il reviendra à de meilleurs sentiments;le but sera atteint.

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Pelloutier: Si les salaires sont élevés enAngleterre, c'est que les patrons anglais ontcompris que s'ils voulaient exiger de bon travail, ilsdevaient donner un meilleur salaire. Il faut faire adop-ter cette maxime: à mauvaise paie, mauvais tra-vail.

Copigneaux trouve que l'on n'a pas répondu àson objection: si on n'applique pas le sabottageinternationalement, les nations voisinesaccapareront le travail au détriment de l'ouvrierfrançais.

Guérard, Syndicat des Chemins de Fer, croitqu'il ne faut pas pratiquer le sabottage sans que lepatron en soit averti, autrement, il se produirait ceque signale Copigneaux.

Beausoleil n'est pas de l'avis de Guérard. Lespatrons pratiquent le boycottage contre les ouvrierssans les prévenir, il faut lutter à armes égales. Ilserait naïf d'aller prévenir le patron qu'on le ruine. Ilfaut qu'il s'en aperçoive de lui-même.

Le Congrès nomme une Commission de septmembres pour faire un rapport sur les marques deconnaissement, le boycottage et le sabottage, etles camarades Maynier, Pouget, Beausoleil,Auvray, Brisse, Cauchois et Brousse sontdésignés pour en faire partie.

Le Président donne lecture des propositionssuivantes avant le renvoi à la commission:

Le Congrès invite tous les travailleurs, lorsqu'ilsferont leurs achats dans les magasins à s'assurersi le vendeur qui les sert est syndiqué?

C. Beausoleil.

Les associations coopératives de productiondevront adopter une marque de connaissement;en outre, dans leurs tarifs commerciaux, leurs prixdevront être établis, marque comprise.

C. Beausoleil.

Le Syndicat des Ouvriers en Instruments deprécision propose qu’une brochure soit faite,indiquant les moyens à employer pour l'applicationdu boycottage et du sabottage.

Auvray

La Chambre syndicale typographique parisienneémet le vœu que tous les Syndicats, à l'exempledes Américains, cherchent le moyen le plusfavorable pour indiquer les travaux exécutés pardes syndiqués.

Les syndiqués, à n'importe quelle corporation

qu'ils puissent appartenir, prennent l’engagementde ne s'approvisionner que chez les fournisseursqui débitent des produits exécutés par dessyndiqués.

Les marques syndicales seront affichées danstoutes les Bourses du Travail.

Maynier.

Les conducteurs-margeurs et les fondeurs encaractères se rallient à la proposition de laTypographie parisienne pour la marque deconnaissement; émettent en outre le vœu quechaque organisation syndicale fasse une activepropagande pour la susdite marque.

Dangin, Lephilipponat.

La Bourse de Saint-Etienne propose qu'il soitdélivré aux ouvriers syndiqués une carte leurpermettant de nommer un délégué pour vérifier lestravaux exécutés dans les industries.

Leray.

Nous devons voter le sabottage, car, même aupoint de vue de la concurrence, ce sont les pa-trons eux-mêmes qui le font en ne payant pas leursouvriers et en employant des hommes de peinepayés à vil prix, forçant ainsi les ouvriers à partirpour l'étranger, où l’on fonde des usines qui dans lasuite nous exportent des marchandises.

L. Brisse.

La Bourse du Travail d'Alger estime que lesouvriers syndiqués doivent se soutenir et formulele vœu que le système employé par la Fédérationtypographique se généralise dans toutes lesbranches de l'industrie.

Liouville.

La Chambre syndicale des Limonadiers-Res-taurateurs de la Seine émet le vœu que tous lesSyndicats prennent en considération la décisionprise au Congrès de Toulouse, relativement auxentreprises des banquets et des bals organisés pareux, savoir, intercéder près du patronat pour qu'iln'emploie que des syndiqués.

Rousseaux.

La Chambre syndicale des Ouvriers en Outilsà découper appuie la proposition de la Typographieparisienne et engage tous les Syndicats à faire laplus grande propagande pour mettre en pratique lamarque de connaissement.

Cior.-----

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On passe à la discussion de la 5ème questionde l'ordre du jour: le travail des femmes dansl'industrie.

Pouriel, Chambre syndicale des Cordonniersde Fougères, donne lecture du rapport suivant:

Considérant que l'introduction de la femme dansl'industrie, où elle est en concurrence avecl'homme, est un danger très grand qui tend à sedévelopper en des proportions inquiétantes;

Considérant que cette introduction de la femmedans l'industrie a pour conséquence première dedétruire toute l'harmonie qui devrait régner dans lesfamilles et qu'enlève la misère occasionnée par deplus fréquents chômages;

Considérant que ce sont parfois les ouvriers qui,par intérêt, mettent leurs femmes, et leurs filles autravail, à leurs côtés, ne prévoyant pas le préjudicequ'ils causent en mettant entre les mains du pa-tron un moyen facile de diminuer les salaires;

La Chambre syndicale des Cordonniers deFougères conclut en demandant qu'à travail égalla femme touche un salaire égal à celui de l'homme.

Besombes, Union des Syndicats de la Seine,demande aux congressistes de faire appliquer laloi du 2 novembre 1892, puis de faire le plus depropagande possible pour engager les ouvrières àse syndiquer. La femme étant un être faible, nondestiné à vivre dans les ateliers ou dans lesmagasins, il est inhumain d'exiger d'elle, commeon le fait dans bien des maisons, de rester debout,alors même qu'elle est inoccupée, pendant unedurée de 14 à 15 heures de présence. Il conclut endemandant qu'à travail égal la femme ait la mêmerétribution que l'homme.

Roche, Syndicat des Cochers-Livreurs de laSeine, donne lecture d'un rapport dont voici lesconclusions:

1- Réclamer un salaire égal à celui de l'hommepour une durée égale;

2- Abaisser la durée du travail à 8 heures;3- Obliger le patron à payer l'ouvrière pendant

ses couches;4- Réclamer par tous les moyens l'égalité civile

et politique de la femme.Ces conclusions, estime Roche, ne sont que

les principaux desiderata que l'on peut formuler pourl'amélioration de la situation de la femme dansl'industrie. Mais si les desiderata que nous venonsde formuler étaient mis en pratique, ce serait déjàune amélioration certaine.

Aubertin, du Syndicat des Ouvriers Selliers envoiture de Paris, appuie le rapport du camaradeRoche.

Dangin, Chambre syndicale des Conducteurs-Margeurs et Minervistes, de Paris, dit que le travailde la femme est anti-social: qu'elle est en butte àtoutes les tentations patronales. Il faut que noustournions tous nos efforts vers les femmes quitravaillent à l'atelier pour qu'elles se syndiquent.Elles seront bien plus fermes que les hommeslorsqu'elles seront syndiquées. La place de lafemme est à son foyer; mais il faudrait alors que lesalaire de l'homme soit plus rémunérateur.

Rousseaux, Syndicat des OuvriersLimonadiers de Paris, fait remarquer que dansl'alimentation on se sert de la femme pour ladépravation. Il conclut en demandant l'exclusion desfemmes des cafés et des tavernes.

Pelloutier, Comité fédéral des Bourses: Lecamarade Besombes a proposé l'application de laloi de 1892 pour l'amélioration de la situation de lafemme dans l'industrie. Cette loi ne produit pas lesrésultats qu'elle devrait donner; elle est irréalisable.Tant que des jugements ne sont pas venusconfirmer la loi, les patrons l'interprètent à leurguise. Pelloutier cite trois faits démontrant lamauvaise volonté des patrons pour l'application dela loi de 1892. Trois mois après la promulgation dela loi, il y avait déjà eu 54 grèves nécessitées par ladiminution des salaires et par la durée du travail.Un autre moyen des patrons pour tourner la loi aété le renvoi du personnel protégé et sonremplacement par des enfants un peu plus âgés.Puis, moyen plus remarquable, pour ne pasdépasser les heures de travail fixées par la loi, onorganisa des équipes tournantes. On ne devait faireque dix heures de travail, mais, au lieu de les faired'un seul trait, on les coupa par des interruptions,pendant lesquelles on ne devait pas quitter l'atelier.De sorte que la journée réelle de présence à l'ateliers'éleva jusqu'à 17 heures. La loi eut donc pourrésultat final d'aggraver la situation au lieu del'améliorer. Une autre conséquence de la loi futl'extension du travail en chambre pour les profes-sions soumises à l'inspection, où la femme est plusparticulièrement employée. Les ateliers fermaientbien à l'heure prescrite par la loi, mais les patronsconfiaient du travail à leurs ouvrières pour faire chezelles et la moyenne de la journée de travail fut de15 à 16 heures.

Il y a un danger à faire exécuter le travail ailleursqu'à l'atelier. Comme on cherche à gagnerdavantage, on travaille bien plus tard que si on étaitresté à l'atelier et l’on se fatigue bien plus.

Une des raisons pour lesquelles la loi reste sanseffet, c'est l'insuffisance des pénalités; elles sontdérisoires. Les patrons ont intérêt à encourir cespénalités. Ils y gagnent encore.

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Il y a bien des inspecteurs du travail qui sontchargés de surveiller l'application de la loi et derelever les contraventions. Mais outre qu'ils ne sontpas suffisants comme nombre, leur influence estpresque nulle. De plus on s'est ligué contre eux eton a assisté à ce fait que les inspecteurs quivoulaient faire quelque chose n'osent plus rien faireet il vaut mieux pour eux fermer les yeux. Cette loide 1892 n'a donc apporté aucune amélioration.

Tout le monde est lassé de cette situation. Allons-nous demander à une nouvelle loi les moyens desortir de là. Nous en avons une, la loi sur les acci-dents du travail, qui, avant son application, est, del'avis de tous, inapplicable. Ceci confirmel'impuissance du capitalisme à venir en aide auxouvriers: les lois ne peuvent rien contre ceux quipossèdent et qui règlent tout par leur argent.

Nous n'avons qu'une chose à faire: faire toute lapropagande possible pour faire entrer les femmesouvrières dans les Syndicats ou les faire rester chezelles. Ce n'est que par l'initiative syndicale que l'onpourra faire quelque chose.

Lacaille, Fédération des Syndicats de Meurthe-et-Moselle: Il est impossible d'appliquer à la femmele principe à travail égal salaire égal, puisque lafemme ne peut produire autant que l'homme. Il yaura toujours des difficultés sur ce point.

Il demande qu'on limite le travail des femmes etqu'on leur interdise certaines professions,- tellesque l'imprimerie, la chaussure, etc... Que lesSyndicats recherchent les professions d'où l'onpeut éliminer la femme. On a préconisé lapropagande pour l'entrée des femmes dans lesSyndicats: il craint que cela ne donne aucun résultat,les femmes étant réfractaires à l’idée syndicale.

Larsonneur, Syndicat de la Brosserie de Paris:Dans cette profession on emploie beaucoup defemmes, et elles sont payées 30 et 40% meilleurmarché que les hommes. On leur a proposé de sesyndiquer et de demander ensuite un salaire égalà celui des hommes. Elles ont répondu que les pa-trons, dans ce cas, préféreraient n'employer quedeshommes, et elles ont refusé.

Cauchois, Chambres syndicales des Ouvrierscartouchiers de la Seine et de Seine-et-Oise: Il y ades industries où il est impossible de remplacerles femmes par des hommes. Ce que l’on peut faire,c’est de fixer un minimum de salaire pour la femmeet demander que lorsqu'on retirerait une femmed'une machine où elle gagnait une journée conve-nable, pour la mettre sur une autre machine qu'ellene connaît pas, on l'indemnise pour son nouvelapprentissage.

Peltier, Syndicat des Ouvrières et Ouvrierstailleurs de Paris, dit que c'est un scandale de voirla façon dont on est exploité, aussi bien la femmeque l'homme, par le travail au 2ème degré. Ici il n'ya aucun moyen de contrôle, le patron sedéchargeant, pour l'exécution du travail, sur unouvrier qui paraît devenir patron et qui est insolvable.Pour le patron, plus de responsabilités, et il al'avantage de créer un antagonisme entre ouvriersde la même profession. Il est reconnu que c'est uncrime d'exploiter son semblable. Il faudrait revenirsur cette question bien plus souvent, on ne s'y at-tache pas suffisamment. Si on se plaignait plussouvent, le législateur ne saurait rester indifférent,et on pourrait obtenir que les tribunaux fassent res-pecter les salaires. Peltier conclut en demandantla mise à l'ordre du jour du prochain Congrès de lamotion suivante: Qu'il soit interdit à un ouvrierinsolvable de devenir patron.

Capjuzan, Syndicat de la Cordonnerie Ouvrièrede France: Si la femme élimine l'homme de l'atelier,c'est de la faute de l'homme qui y conduit lui-mêmesa femme et ses filles dans le but d'augmenter lebien-être dans son intérieur. Il faudrait à l'hommeun salaire suffisant pour le nourrir lui et sa famille.Capjuzan demande la suppression du travail auxpièces. Il termine en disant qu'il est presque im-possible que les femmes répondent à nos appelspour se syndiquer, puisque les hommes n'yrépondent pas. Il préconise de faire un appelénergique auprès du Parlement.

Batbielle, Fédération Typographique Française:Sa corporation est une de celles qui souffrent leplus du travail des femmes; les salaires ont baisséde 20 à 25% depuis 20 ans. Ses collègues et luiont combattu l'introduction de la femme dans leurprofession. Ils se sont élevés contre à cause de lanature des travaux à exécuter qui, non seulementne sauraient convenir à des jeunes filles, mais nedevraient pas même être confiés à des femmes.De plus, la femme étant de nature délicate ne peutpas supporter les maladies communes à cette pro-fession. La Fédération typographique n'admet pasles femmes dans les syndicats et il serait à désirerque toutes les Fédérations qui sont assez fortesen fassent autant.

Des patrons, sous prétexte de philanthropie,occupent plus volontiers la femme; en réalité, leurbut est de réaliser des économies, et pour cela ilsoffrent un salaire inférieur de moitié à celui payé àl'homme. C'est aux ouvriers à se rendre nettementcompte de cet état de choses et à chercher à yremédier. Les rôles ne doivent pas être intervertis:le rôle naturel de l'homme doit être de subvenir auxbesoins de sa famille.

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On a entretenu le Congrès du peu d'efficacitéde la loi de 1892. Il ne faut pas attendre que la loifasse de l'effet d'elle-même: il faut l'aider et que cesoient les ouvriers eux-mêmes qui se chargent dela faire appliquer. Dans sa profession, on informel'Inspecteur du Travail ou la Commission généraledu Travail toutes les fois qu'un abus se produit eton a fait punir des industriels qui violaient la loi.

Petit, Bourse du Travail de Dijon, dit qu'à Dijonon a réussi à organiser, à constituer un syndicat defemmes bonnetières qui est bien solide maintenant.

Fourage, Syndicat des Cantonniers, Ouvrièreset Ouviers de la direction des Travaux de la ville deParis, demande d'interdire aux femmes l’entréedans les services publics où elles sont admisespour raison d'économies.

Maynier, Chambre syndicale de la TypographieParisienne: Le travail de la femme est une calamité,un mal social, ce mal vient de ce que les ouvriersqui gagnent assez, envoient leur femme travaillerpour augmenter quelque peu leur bien-être. Unefemme entrée honnête et sage dans un atelier, netarde pas à se dépraver, étant sans cesse en butteaux séductions des ouvriers qui l'entourent. De plus,la femme qui travaille ne peut plus arriver à lamaternité. On a demandé que la femme entre dansle mouvement syndical: il lui sera impossible dansla plupart des cas de formuler des revendicationset, n'étant pas libre, elle ne pourra pas se mettreen grève, il lui faudra obéir à son mari. Il faut comptersur l'intrusion de la femme dans l'industrie, aussifaut-il chercher à la caser dans une industrienouvelle; il faut la spécialiser. Il est évident qu'on nepeut empêcher les veuves et les jeunes filles de 14à 20 ans et même jusqu'au mariage de gagner leurvie.

Besombes, Union des Syndicats de la Seine,indique au Congrès comment, dans certains ate-liers de femmes, on viole la loi de 1892. On fermeles portes de l'atelier et sous aucun prétexte on neles ouvre à personne, puis on confie du travail àfaire jusqu’à une heure du matin. Les entrepreneursse sont engagés à payer toutes les amendes quepourrait encourir un atelier quelconque. Besombesconclut en demandant qu'à travail égal les femmesaient un salaire égal.

Sur la proposition du camarade Langlois, laclôture de la discussion sur le travail des femmesest votée.

Meyer, Chambre syndicale des Ouvrierspâtissiers de la Seine, trouve que l'on s'est trop

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étendu sur le travail des femmes et pas assez surle travail des enfants mineurs. La question del'apprentissage est une question qui se lieintimement à celle ci. Il demande la discussion deces deux questions.

Sur la proposition du camarade Besombes, leCongres décide que la Commission qui va êtrenommée pour rédiger un rapport sur le travail desfemmes aura pour mission de rédiger le rapportsur les questions de l'apprentissage et desinspecteurs du travail.

Le président donne lecture des propositions quisont parvenues au bureau.

1- Pour arriver à l'émancipation des travailleurspar les travailleurs eux-mêmes, les Chambressyndicales des ouvriers couvreurs, ferblantiers,boîtiers, plombiers et zingueurs de la ville du Mansémettent le vœu que dans n'importe quelle industrieoù le travail de la femme sera égal à celui del'homme, on lui accorde un salaire égal.

Bouyer, Pellier.

2- Le camarade Guérin (d'Angers) appuie laproposition précédente.

3- Rousseaux formule une même proposition,avec l'adjonction suivante: que les femmes soientexclues du travail dans les cafés, brasseries,tavernes, etc..., parce que ce genre de travail lespousse généralement à la démoralisation.

4- Considérant qu'il est impossible d'espérer lasuppression de l'exploitation de la femme dansl'industrie; considérant que cette exploitation estdue à la mauvaise constitution de l’état social actuel,les soussignés émettent le vœu, sur la propositiondu camarade Petit, de Dijon, que ce n'est que parune révolte générale des travailleurs que l'onamènera une transformation complète.

Toutefois, en attendant une émancipationcomplète de la femme et pour l'aider à réclamer unsalaire équitable, ils invitent les Syndicats ouvrierset les Bourses du Travail à organiser des Syndicatsde femmes partout où il y aura lieu de le faire.

U. Petit, H. Galantus; J. Majot fils; Aubertin;Braun; Girard; Cauchois; L. Dugoy; Morin; Millard;Capjuzan; F. Roche; Guérin, de Cholet; Charlet, deMoulins; H. Le Corre; Pouriel; Langlois; Liouville;Chinault; Morel; Verger; Luce; Davy; Beaupérin; P.Lemaître, de Rennes; Nicoud; Michon; Allibert;Rousseaux.

5- La Fédération des Travailleurs du Livre tientà déclarer très énergiquement que le travail

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industriel des femmes est contraire à leursfonctions naturelles; il entraîne les plus gravesconséquences au point de vue économique, moralet social. C'est pour ces raisons graves que la cor-poration du Livre s'est toujours opposée au travailde la femme dans l’imprimerie, même à salaireégal.

Mais si c'est là le principe inflexible qui a guidéla conduite et qui est encore inscrit dans les statutsde notre Fédération, nous reconnaissons que dansla société il y a nombre de femmes qui sont dansla nécessité de travailler, de s'exténuer.

Dans ces circonstances spéciales, tous les mili-tants de toutes les professions, en proclamant letravail de la femme dans l'industrie comme antiso-cial, en poursuivant sa suppression, affirment lanécessité de réclamer pour elle un salaire égal pourun travail égal.

Batbielle; Dangin.

6- Considérant que dans tous les Congrès l’onse déclare partisan de la suppression del'exploitation de la femme, et qu'il serait nécessairede s'occuper des moyens d'action possibles, laChambre syndicale des Ferblantiers de la Seinedemande au Congrès d'engager tous les Syndicatsà inviter énergiquement leurs adhérents à ne paslaisser travailler leurs femmes dans les métiers oùelles prennent la place d'un ouvrier.

H. Galantus; Braun; Lauche; Hotte; Lemaître,de Paris; Cayol, Aubertin.

7- Attendu que le travail des femmes et des en-fants doit être protégé, aussi bien dans le commerceet la petite industrie que dans les usines, chantiers,etc...; attendu que la loi doit être égale pour tous,les travailleurs ayant les mêmes charges et lesmêmes devoirs.

Le Syndicat des Garçons restaurateurs etlimonadiers de la Seine émet le vœu que la loi de1892, si imparfaite soit-elle, soit appliquée auxtravailleurs du commerce et de la petite industrie.

Carmantrant.

8- Les organisations de la ville d'Algerrenouvellent les résolutions prises dans lesCongrès antérieurs, à travail égal salaire égal, etapprouvent toutes les décisions qui seront prisespar le Congrès de Rennes pour l'amélioration dusort de la femme.

Liouville.

9- Syndicat des Employés d'hôtels des deuxsexes demande que dans les Syndicats d'hommesoù l'on peut admettre la femme, le travail étantconnexe, il soit fait le plus de propagande possiblepour amener les femmes à eux. Ce Syndicat a

constaté, depuis qu'il est entré dans cette voie,l'énergie et l'esprit syndical de la femme.

L. Dugoy.

10- La Bourse du Travail d'Angers, pour luttercontre l'exploitation de l'homme par la femme, votel'application uniforme du tarif syndical, c'est-à-direà travail égal salaire égal.

11- La Bourse du Travail de Saint-Etienne, sebasant sur les résolutions du Congrès d'hygiènede 1894, propose l'interdiction du travail desfemmes dans les industries dangereuses etinsalubres.

Leray.

12- L'Union des Syndicats de la Seine proposeque, pour le travail de la femme, le Congrès décide:

- A travail égal, salaire égal;- Accorder aux employées des magasins le droit

de sasseoir quand elles peuvent;- Application de la loi du 2 novembre 1892 à

toutes les employées.Besombes.

Les camarades Beausoleil et Auvray appuientcette proposition .

13- Vu l'extension croissante du travail auxpièces dans certaines industries et particulièrementdans la cordonnerie, les soussignés demandentqu'une loi soit présentée interdisant tout travail auxpièces et contre l'entreprise et le marchandage, quipermettent aux patrons l'avilissement des salairesen remplaçant les hommes par des femmes et desenfants.

F. Capjuzan, Pouriel.

14- La Brosserie de Paris émet le vœu que leprix de façon doit être accordé au travail desfemmes dans l’industrie, et prie les organisationssyndicales de prendre des mesures énergiques enleur faveur et de tâcher de grouper autour duSyndicat toutes les femmes dans l'industrie pourarriver aux meilleurs résultats.

Larsonneur.

15- Tout en étant partisan que la femme doitdemeurer à la maison et s'occuper seulement deson ménage, le camarade Cayol émet le vœu que,dans les industries où les femmes sont occupées,il soit fait une active propagande pour amener lesfemmes à se syndiquer. Il appuie les propositionsqui ont pour but d'exclure les femmes employéesdans les cafés, brasseries, etc...

16- Le Syndicat des Estampeurs et Découpeurs,sur la question du travail des femmes dans

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l'industrie, préconise que dans les corporations oùles femmes sont employées concurremment avecl'homme, elles aient la faculté de pouvoir sesyndiquer avec les Syndicats hommes et que dansles corporations où elles sont employéesexclusivement, il soit fait une propagadeincessante pour arriver à les constituer en Syndicat,en prenant pour base de leur organisation lesrevendications votées dans les Congrèscorporatifs.

Nicoud.

17- La Fédération des Syndicats ouvriers deMeurthe-et-Moselle propose que les Syndicatsouvriers fassent tout le possible pour que certainstravaux soient interdits aux femmes,

E. Lacaille.

18- La Fédération des Cuirs et Peaux demandequ'il soit dressé par la 5ème commission un ta-bleau des industries dont les femmes doivent êtreexclues.

A. Carbet.

19- La Chambre syndicale typographiqueparisienne croit que l'intrusion de la femme dansles syndicats masculins est un leurre, qu'elle nepeut qu'en être dupe.

Elle croit également qu'en possession d'unépoux, elle n'est plus, de ce fait, en possession desa liberté.

Le délégué des typographes émet le vœu qu'unepropagande soit faite pour que le travail féminin soitexclusivement réservé aux femmes,

A. Maynier.

Le Congrès nomme une commission de onzemembres.

Les camarades Rousseaux, Langlois, Galantus,Dugoy, Hénot, Morin, Morel, Philippe, Lecorre, Alibertet Roche sont désignés pour en faire partie.

La séance est levée.

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HUITIÈME SÉANCE: Jeudi 29 Septembre 1898 (soir).

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Président: Capjuzan; assesseurs: Allibert etFournet.

Le Président ayant ouvert la séance, donne laparole au camarade Cayol qui fait l'appel nominal.

Absents: Augé, Claverie, Dalle, Girard, Rozier,Sabourin.

Le Président, au nom de la Commissiond'organisation des Congrès, prie les membres duCongrès de s'inscrire pour faire connaître lenombre des brochures du compte-rendu duCongrès qu’ils désirent recevoir.

Sur la proposition du camarade Besombes, laCommission d'organisation des Congrèscentralisera les envois de brochures demandéespar les organisations d'une même ville.

Braun, Fédération de la Métallurgie, trouveextraordinaire qu'il y ait tant d'absences à l'ouverturede chaque séance. Il serait donc inutile de procéderà l'appel nominal, puisque chaque fois qu'un déléguéest absent, il se trouve un camarade complaisantqui vient dire au camarade Cayol que l'absent est àune réunion de commission. C'est un surcroît defatigue pour le camarade de Marseille, qui s'est

volontairement chargé de faire l’appel nominal àchaque séance. Il faut que les décisions prises parle Congrès soient appliquées et, en conséquence,Braun demande que les camarades qui font partiedes Commissions viennent répondre à l'appel avantde commencer leurs délibérations.

Copigneaux, Fédération des Travailleursmunicipaux de la Ville de Paris, a répondu pourquelques camarades retenus dans les Commis-sions, parce qu'on ne peut les considérer commeabsents quand ils se sont mis au travail biensouvent avant l'ouverture des séances du Congrès.

Le Président donne lecture de la communica-tion suivante:

La Chambre syndicale des Porteurs etEmployés de journaux invite tous les membres duCongrès à n'acheter leurs journaux qu'à desmembres syndiqués.

Ch. Fournet.

Guérard, Syndicat des Chemins de fer: Aumoment, où le Congrès de la Ligue del'Enseignement va commencer ses séances, jepropose de lui envoyer un ordre du jour desympathie.

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Pelloutier, Comité fédéral des Bourses, croitqu'il n'est pas nécessaire de discuter le principede cette proposition. Que le camarade Guérard lisel'ordre du jour qu'il a préparé et le Congrès saurade suite à quoi s'en tenir.

Guérard donne lecture de l'ordre du jour suivantqui est adopté:

Rennes, le 29 septembre 1898,Aux Représentants de la Ligue de

l'Enseignement réunis en Congrès à Rennes.Citoyennes, Citoyens,Au moment où les représentants de la Ligue de

l'Enseignement commencent leurs travaux, lesdélégués des Syndicats ouvriers, estimant que lesuns et les autres, instructeurs et éducateurs dupeuple, collaborent, dans un ordre différent, à uneœuvre commune, l'avènement d'une sociétémeilleure, sont heureux de vous présenter leurssalutations fraternelles.

Pour le Congrès national des Syndicats ouvriers:Le Président de séance, F. Capjuzan.Les Assesseurs, Auguste Allibert, Ch. Fournet.

On passe à la discussion de la sixième ques-tion à l'ordre du jour général du Congrès; la ques-tion d'apprentissage.

Les camarades Roche et Besombes donnentlecture de deux rapports sur la question.

Grassaval, Bourse du Travail de Bordeaux, ditqu'il est du devoir des Syndicats de prendre enmains la surveillance des cours professionnels et,si cela leur est possible, de les organiser eux-mêmes.

Copigneaux, Fédération des Travailleursmunicipaux de Paris: Dans bien des professions,les patrons ont plus d'apprentis que d'ouvriers.Copigneaux demande au Congrès de fixer par pro-fessions, le nombre d'apprentis que l’on peut avoirpar atelier.

Les apprentis sont exploités, on leur fait fairedouze et treize heures par jour, et au lieu de leurapprendre leur métier, on leur fait faire des coursesou exécuter des travaux de manœuvres. Les pa-trons veulent en retirer le plus de profit possible.Dans cette exploitation il y a beaucoup de faute dela part des parents qui se désintéressent trop deleurs enfants après leur mise en apprentissage. Ily a des lois qui protègent l'apprenti; les organisa-tions ouvrières devraient en surveiller l'applicationet prévenir les inspecteurs du travail toutes les foisque des abus se manifestent. Les parents neconnaissent pas toutes ces lois et ils s'imaginentque le contrat d'apprentissage verbal n'est pas

valable. Il est du devoir des Syndicats de prendrela défense de l'apprenti. Son Syndicat a organiséune ligue pour la protection de l'enfance: il enexplique le fonctionnement et annonce qu'elle or-ganise un Congrès pour 1900. Il conclut en disantque le chômage provient du grand nombred'apprentis.

Lauche, Union des Ouvriers mécaniciens dela Seine: La question des apprentis préoccupe àjuste titre tous les militants, car c’est parmi cesfuturs ouvriers que nous devons trouver lescontinuateurs de notre œuvre. L'éducation moraledonnée actuellement aux apprentis dans les écolesprofessionnelles est défectueuse et fait qu'ils ontla crainte du patron. Il est malheureux qu'il n'existepas suffisamment d'écoles professionnelles tech-niques, qui feraient de vrais ouvriers, et dont la di-rection et l'administration devraient être confiéesaux organisations ouvrières. Celles-ci inculqueraientdes idées de virilité dans le sens que nous désirons.

Maynier, Chambre syndicale de la Typographieparisienne: Les patrons considèrent les apprentiscomme une providence, parce que, comme onvient de le dire, on leur fait rapporter le plus possi-ble. Il demande que le contrat d'apprentissage durequatre ans, et que les Syndicats en surveillentl'exécution intégrale.

Meyer, Syndicat des Ouvriers patissiers de laSeine: Dans cette profession, les apprentis doiventfaire un apprentissage de cinq ans, et il est trèsrare qu'ils puissent continuer jusqu’à la fin. Aussiles patrons, pour ne pas manquer d'apprentis, enprennent jusqu'à 15 pour deux ouvriers, etréquisitionnent tous les ans de nombreux apprentisdans les écoles.

Brousse, Bourse du Travail de Montpellier,reconnaît qu'il est possible de choisir de bons atel-iers pour faire de bons apprentis.

De plus, il y a des bourses d'apprentissage quele gouvernement décerne pour certaines écoles.

Lebret, Syndicat des ouvriers serruriers de laSeine: Le contrat d'apprentissage est un leurre. Il ya bien une loi concernant ce contratd'apprentissage, mais la loi demeure lettre morteet n'est pas appliquée. Le camarade Lebret dit queson syndicat a porté plainte pour certains abus; iln'y a jamais eu de solution. Pourtant les Inspecteursdu travail avaient été avisés.

Les patrons prennent des apprentis non pouren faire des ouvriers, mais pour en faire deshommes de peine. Les apprentis ne sont pascapables de travailler après leurs trois années

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d'apprentissage. Quant aux écolesprofessionnelles, il ne faut pas en parler. Elles nefont que des spécialistes.

Lorsqu'un apprenti sort d'une écoleprofessionnelle, il ne sait pas suffisamment pourpouvoir travailler, il est obligé de recommencer sonapprentissage. Les résultats que l’on obtient parles écoles professionnelles sont négatifs. Il y a biendes sujets d'élite qui apprennent vite et bien, maisceux-là ne restent pas à l'école professionnelle.Des patrons viennent les chercher et leur font ter-miner leur apprentissage dans leurs ateliers.

Girard, Union du Bronze, est en mesured'affirmer que les enfants qui sortent de l'école Boulesont de vrais ouvriers, Les élèves de deux ans sontsouvent capables de faire ce que font des ouvriersqui travaillent depuis 8 et 10 ans. C'est une écoleexcellente pour la formation des jeunes ouvriers.

Robillard, Syndicat des Ouvriers de la fonderiede cuivre de la Seine: Bon nombre d'apprentisdeviennent de mauvais ouvriers, par suite de laspécialisation et ensuite de la surproduction, etquand, au bout de trois ans, ils ont terminé leurapprentissage, ils ne sont bons qu'à faire deshommes de peine. On les rejette alors dans lessans profession, qui créent le cinquième état. Il fautque le Congrès tourne les yeux du côté de cecinquième état et qu'il se préoccupe des moyensde l'organiser.

Hamelin, Verrerie Ouvrière, n'est pas undéfenseur des écoles professionnelles. Il constateque l'Ecole Estienne fait de bons ouvriers; c'est doncune erreur de dire que les écoles professionnellesne produisent pas de bons ouvriers. À l'EcoleEstienne, on fait subir deux concours aux apprentis:un en entrant, l'autre à la deuxième année. Lesjeunes gens qui sortent cle l’Ecole Estienne sontde bons ouvriers. Mais malheureusement, souventces ouvriers se considèrent comme des artisteset abandonnent les revendications de la classeouvrière.

Lephilipponnat, Syndicat des Fondeurstypographes de Paris, confirme ce que vient de direle camarade Hamelin, au sujet de l'Ecole Estienne.Les apprentis sortis de cette Ecole font d'excellentsouvriers. Evidemment, ils ne vont pas si vite queles ouvriers qui exercent depuis longtemps, maisils sont de bons ouvriers.

Lemaître, Fédération des Peintres de la Seine,demande que tous les Syndicats ouvriers adhèrentà la Ligue de protection de l'Enfance, car c'est undevoir pour les militants de protéger l'être faible.

Dans la profession de peintre, on souffre beaucoupdu grand nombre-d'ouvriers qui ne passent pas parl'apprentissage. L'Exposition de 1900 va créer de2 à 3.000 apprentis de 18 à 25 ans qui n'auront paspassé par les premières notions du métier, d'oùmatière à exploitation sous les mains descapitalistes. Aussi les membres de la Fédérationdes Peintres sont-ils désireux et partisansconvaincus des écoles d'apprentissage, sous ladirection et la surveillance des Syndicats, etsubventionnées par les municipalités.

Corompt, Syndicat des Chauffeurs mécaniciensde la Seine, demande la création d'une Commis-sion d'enquête, qui aurait pour mission de visiterles ateliers et d'interroger les apprentis.

Pelloutier, Comité fédéral des Bourses, ditqu'on s'est occupé des cours professionnels auCongrès des Bourses. Bien des Bourses du Tra-vail en ont organisé et ont obtenu de très bonsrésultats. On s'est demandé si ces coursprofessionnels servaient à faire des ouvriersd'apprentis et ce que devenaient ces jeunesouvriers, et on a décidé de rechercher cesrenseignements.

Le président donne lecture des propositions quilui sont parvenues:

1- Dans l'intérêt général, les soussignés croientutile de revenir au contrat d apprentissage. En outre,ils émettent le vœu que le patron soit tenu, lorsquel'apprentissage est terminé, de rétribuer le jeuneouvrier conformément au tarif syndical de la région,

Maynier; Batbielle; Dangin; Lephilipponnat.

2- La Chambre syndicale ouvrière desPâtissiers de la Seine, la Fédération des Cuisiniers,la Boucherie de Paris, les Syndicats ouvriersFerblantiers, Tôliers, de la Seine, proposent:

Que tous les Syndicats ou groupes corporatifslimitent par tous les moyens le nombre desapprentis et que ces apprentis soient employés demanière à apprendre leur métier et non à faire toutessortes de travaux.

Il est du devoir du Congrès de remédier à cetétat de choses en limitant le nombre des apprentiset par ce moyen permettre à une catégoried'employés (hommes et peine) de vivre.

Louis Meyer, L. Dugoy, H. Galantus.

3- La Chambre Syndicale des Ouvriers et AidesFumistes de la Seine, considérant quel'apprentissage est non seulement inutile maisnuisible aux intérêts des ouvriers du bâtiment, in-vite le Congrès à voter la suppression de

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l'apprentissage dans les corporations du bâtiment.Morin.

4- La Bourse du Travail de Dijon émet les vœuxsuivants:

Que les inspecteurs du travail soient pris dansles syndicats ouvriers.

Que les inspecteurs du travail, ainsi nommés,interrogent, chaque année, chaque apprenti sur lestravaux qu'il a exécutés et qu'il présente lui-mêmeces travaux.

Que le gouvernement, par une loi spéciale,autorise le maire de chaque commune à prendredes inspecteurs du travail dans les Syndicatsouvriers.

Que les inspecteurs du travail d'une même com-mune forment une commission qui s'occupera del'hygiène et de la salubrité du travail, de la durée etdes conditions du contrat d'apprentissage, de larémunération à accorder aux jeunes ouvriers quiterminent leur apprentissage.

Que la juridiction prud'hommale soit étendue demanière à permettre aux syndicats de représenterles droits lésés de l'apprenti.

Que des pénalités sérieuses soient établiescontre les patrons qui emploieraient les apprentisaux choses qui ne concernent pas leurapprentissage.

U. Petit.

5- La Fédération des Cuisiniers, Pâtissiers,Confiseurs de France et des colonies, la Boucheriede Paris, demandent l'application de la loi de 1898en ce qui concerne les Inspecteurs du Travail etles Commissions locales.

Dugoy.

6- En ce qui concerne l'apprentissage, il est dudevoir du Congrès de réclamer une inspectionrigoureuse relativement à l'hygiène, aux accidents;la création de Commissions prises parmi lesSyndicats et nommées pour suivre avec attentionles travaux des apprentis et pour quel'apprentissage soit effectif et non illusoire.

Roche.

7- L'Union des Ouvriers Mécaniciens de la Seineémet les vœux suivants:

Que les municipalités aident les organisationsouvrières à organiser leurs cours professionnels ;

Que les jeunes gens ne fassent leurapprentissage que dans les écolesprofessionnelles, et où on rechercherait les moyensd'en faire de bons citoyens et,de bons ouvriers. Onne doit pas se désintéresser de l'éducation des

apprentis, car il faut compter sur eux pourl'émancipation du prolétariat.

J. Lauche ; J.-B. Cayol; F. Roche; F. Capjuzan.

8- La Bourse du Travail de Montpellier proposeau Congrès d'engager les délégués à faire voterpar leurs Conseils municipaux respectifs la créationde Bourses d'apprentissage au même titre que lesBourses qui sont affectées aux écoles del'enseignement.

J. Brousse.

9- La Fédération des Cuisiniers Pâtissiers,Confiseurs, de France et des Colonies émet le vœuqu'il soit créé des cours de cuisine ménagère dansles quartiers ouvriers.

L. Dugoy.

10- La Chambre syndicale de la reliure-doruredemande qu'il soit établi des statistiques par pro-fession pour renseigner les familles sur les besoinsde chaque industrie.

Demande en outre qu'il soit établi un contratd'apprentissage et que la surveillance des ateliersrevienne de droit à des inspecteurs nommés parles ouvriers.

Batbielle.

11- La Chambre syndicale des imprimeurs entaille douce émet les vœux suivants:

Que les apprentis aient au moins 13 ans et qu'ilsaient obtenu leur certificat d'études;

Que, pour obtenir une limitation raisonnable dunombre des apprentis, on ne prenne qu'un apprentipar dix ouvriers;

Que les Chambres syndicales, ou, au besoin,les Conseils de Prud'hommes soient chargés deveiller à ce que l'éducation professionnelle desapprentis soit sérieusement dirigée de façon qu'ilssoient aptes à subvenir à leurs besoins à leur sor-tie d'apprentissage.

12- La Chambre syndicale des ouvriers en outilsà découper demande qu'il n'y ait dans chaque cor-poration qu'un apprenti pour cinq ouvriers.

Cior.

13- La Fédération des cuirs et peaux appuie laproposition formulée par la Bourse du Travail deMontpellier.

A. Cardet.

14- La Bourse du Travail d'Angers propose, pourgarantir l'apprentissage et la corporation, que lecontrat d'apprentissage soit consenti et signé parle patron, le Syndicat de la corporation et les pa-rents de l'apprenti. De plus, que les Conseils de

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Prud'hommes aient la tutelle des apprentis confiéspar les Hospices et les Orphelinats.

15- La Chambre syndicale des charrons de laSeine émet les vœux suivants: que les parents del'apprenti passent un contrat d'apprentissagerégulier qui leur permette de poursuivre le patrondevant les juridictions compétentes, en attendantque l'organisation du prolétariat organise des ate-liers corporatifs d'où les enfants ne sortiront qu'enétat de gagner le salaire déterminé par les tarifssyndicaux.

Que les Syndicats prennent la défense desapprentis en intervenant directement auprès despatrons et en dénonçant les abus des patronsrébarbatifs aux organes syndicaux qui mènerontune campagne active contre eux.

Demande l'application de ces vœux en atten-dant que l’on ait donné aux Syndicats le grand rôlede choisir les inspecteurs ouvriers.

Hotte.

Les camarades Aubertin et Morel appuient cetteproposition.

16- Le Syndicat des Mouleurs en cuivre de Parisémet le vœu qu'il soit établi un contratd'apprentissage avec un dédit qui se constitueraitpar une retenue d'un pourcentage par semaine.

Morel.

17- La Chambre syndicale des OuvriersConfiseurs, Chocolatiers, Biscuitiers de Paris émetle vœu que le livret ou certificat d'ouvrier soit délivréà la fin de l'apprentissage par une assembléed'ouvriers syndiqués et après examen.

L. Brisse.

18- Les soussignés proposent quel'apprentissage soit surveillé par les Syndicatsouvriers.

E. Lacaille; F. Capjuzan.

19- Les organisations de la Bourse du Travaild'Alger émettent les vœux suivants: que lesystème de l'instruction professionnelle soitentièrement refondu et que l'instructionprofessionnelle figure dans les programmes del'instruction primaire pour permettre à l'enfant dechoisir au sortir de l'école le métier qui lui convient.

Que tous les chefs d'ateliers des écolesprofessionnelles soient pris dans les Syndicats.

Liouville.Allibert appuie la proposition d'Alger.

20- Que le nombre d'apprentis soit réglé sur

l'importance des ateliers et sur le nombre desouvriers qui y sont employés.

Que la surveillance des apprentis soit confiéeaux Chambres syndicales ouvrières.

Carmantrant.

21- Que les Syndicats veillent sérieusement àla formation des apprentis.

Charlet.

22- La Chambre syndicale des ouvrierssertisseurs de Paris demande la création d'écolesprofessionnelles, établies sous la direction duSyndicat respectif, et que les communessubventionnent ces écoles.

Ces propositions sont renvoyées à la cinquièmeCommission.

Le Président donne la parole, sur la septièmequestion de l'ordre du jour, au camarade Lacaille.

Le camarade Besombes, de l'Union desSyndicats de la Seine, proteste et adresse unblâme au président. Il s'était fait inscrire le premiersur la question de l'organisation d'un Congrès na-tional de la prud'homie en 1899, pour pouvoir de-mander au Congrès de renvoyer la discussion destrois questions de la prudhomie à un prochainCongrès. Il estime que l'ordre du jour estsuffisamment chargé, et que les questions relativesà la prud'homie peuvent être remises à plus tard.

Les camarades Roche et Aubertin disent quel'on doit discuter les questions à l'ordre du jour.

Lagailse, Conseil national: Le Conseil nationaldoit indiquer pourquoi les questions relatives à laprud'homie ont été portées à l'ordre du jour duprésent Congrès. C'est sur la demande d'unComité de vigilance que ces questions ont étéproposées à l'étude du Congrès.

Beausoleil: Il nous est impossible de faire ensix jours plus de travail que les législateurs. Cesquestions suffisent pour occuper tout un Congrès;qu'on renvoie donc les trois questions au Congrèsde la prud'homie. Toutefois que les délégués quiont des rapports écrits sur ces questions veuillentbien les remettre au bureau qui les insérera dansle compte-rendu des travaux du Congrès.

Carmantran, Syndicat de la tabletterie de Paris,demande l'organisation d'un Congrès pour 1899,ce qui a été proposé jusqu'à ce jour pour laprud'homie n'ayant pas abouti.

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Guérard, Syndicat des Chemins de Fer: Toutle monde est d'accord sur la nécessité d'organiserun Congrès de la prud'homie. La question qui sepose est celle-ci: qui Organisera ce Congrès. LeComité de vigilance de la prud'homie, qui ademandé que notre Congrès s'en occupe, a plutôtqualité pour réunir ce Congrès. On a proposé qu'iln'y eût pas de Congrès corporatif en 1899, Guérardn'est pas de cet avis.

Meyer, Syndicat des Pâtissiers de la Seine, àreçu mandat pour venir discuter les questions dela prud'homie au Congrès. Il y a des divergencesdans la jurisprudence prud'homale et il y a utilité àdiscuter ces questions.

Sur la proposition du camarade Guérard, lesquestions relatives à la prud'homie sont renvoyéesau Congrès spécial de la prud'homie qui aura lieuen 1899.

Lauche, Syndicat des Mécaniciens de la Seine,désire savoir quel est le comité de vigilance qui ademandé l'appui de notre Congrès pourl'organisation du Congrès de la prud'homie. Il fautsuivre l'ordre du jour établi et sur lequel les déléguésont des mandats définis de leurs organisations, oufaire connaître ce comité de vigilance, si on ne veutpas que des délégués se retirent.

Le camarade Robillard approuve ce que vientde dire le camarade Lauche.

Guérard, Syndicat des Chemins de fer: Depuisque les Congrès existent, cette question de laprud'homie revient à chaque Congrès. Puisqu'unCongrès spécial doit avoir lieu, qu'on lui renvoietoutes les propositions que les congressistespeuvent avoir à présenter sur la question. On nousdit qu'il y a plusieurs comités de vigilance.Evidemment cette division est fâcheuse, mais tousces comités de vigilance s'entendront lorsque leConseil national leur fera la proposition de réunirun Congrès.

Carmantran, Syndicat de la Tabletterie de Paris,désire que le Conseil national organise le Congrèsde la prud'homie de concert avec les comités devigilance.

Langlois, Syndicat des Ouvriers layetiers-emballeurs de la Seine, dit que l'on fait confusion. Iln'y a pas de division entre les quatre comités devigilance de Paris. Toutes les fois qu'il y a un conflitou une question sérieuse à trancher, ces quatrecomités se réunissent pour discuter les intérêtscommuns. Le Congrès de la prud'homie sera

organisé par ces quatre comités de vigilance.

Meyer, Syndicat des Ouvriers pâtissiers de laSeine: La Confédération générale du Travail vientde donner un excellent terrain d'entente aux organi-sations qui ne s'entendent pas avec leur comité devigilance. Il faut en profiter, et c'est très heureuxque la Confédération procure cette entente.

Roche, Syndicat des Cochers-Livreurs de laSeine: La proposition qui a été votée ne rallie pasles camarades délégués qui veulent que les ques-tions prud'homales soient discutées pour êtretransmises ensuite au Congrès de la Prud'homie.Le Congrès est ingrat pour les organisations quiont travaillé ces questions. Il conclut en demandantque la Confédération prenne en mains l'organisationdu Congrès de la Prud'homie.

Lauche, Syndicat des ouvriers Mécaniciens dela Seine: On ne peut pas reconnaître aux Comitésde vigilance le droit d'organiser un Congrès de laprud'homie. Cela regarde les organisationsouvrières et on devrait en faire la discussion dansnotre Congrès. Les Conseils de prud'hommes nepeuvent pas organiser de Congrès.

Guérard, Syndicat des Chemins de Fer, retiresa proposition; il ne connaissait pas l'antagonismeexistant entre les comités de vigilance avant lesexplications qui viennent d'être données.

Sur la proposition du camarade Copigneaux,le Congrès nomme une commission de neufmembres qui est chargée de faire un rapport sur laquestion. Les camarades Grassaval, Cardet,Lauche, Trabaud, Braun, Ternet, Auvray, Meyeret Corompt sont désignés pour faire partie de cettecommission.

La parole est au camarade Besombes, del’Union des Syndicats de la Seine, sur lesInspecteurs du travail.

Besombes est partisan que les inspecteurs dutravail soient des ouvriers pris dans les Chambressyndicales. Les Bourses du Travail dresseraientune liste de candidats qu'elles soumettraientensuite à la signature du Préfet et que le Conseilmunicipal approuverait ensuite.

Roche, Syndicat des Cochers-Livreurs de laSeine: On sait quand un Inspecteur doit venir vi-siter, un atelier et on nettoie l'atelier, on enlève lesobjets sujets à contravention. Si les Inspecteursétaient pris parmi les ouvriers, ils sauraient fairerespecter l'ouvrier.

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Copigneaux, Syndicat des Jardiniers de la villede Paris: Le Congrès de Toulouse s'est prononcésur une question identique. Il propose que laConfédération demande aux organisations fédéréesune liste de candidats aux fonctions d'inspecteursdu travail. Le Conseil national tirerait au sort lenombre d'inspecteurs nécessaires, et tous lescandidats seraient inspecteurs à tour de rôle.

Guérard, Syndicat des Chemins de fer, dit quele Congrès ne peut pas accepter les propositionsque l'on vient de formuler. Le Préfet ne voudrajamais nommer les candidats qu'on lui proposerait.Ce qu’on demande, c'est la nomination par lesouvriers d'inspecteurs ouvriers. Il n'y a qu'àprocéder comme font les ouvriers mineurs pourleurs inspecteurs ouvriers, qui sont acceptés etreconnus comme tels.

Girard, Union du Bronze, demande que cesoient les organisations qui nomment lesinspecteurs ouvriers et non les Bourses du Travail.

Dugoy, Syndicat de la Boucherie parisienne,appuie ce que vient de dire le camarade Guérard.

Philippe, Bourse du Travail du Havre, pour bienfaire comprendre qu'on ne saurait demander delaisser aux organisations ouvrières le soin deprésenter des candidats aux fonctionsd'inspecteurs du travail, communique au Congrèsles conditions que l’on doit remplir, le concours etles épreuves que l’on doit subir pour être inspecteurdu travail.

Pour être inspecteur du travail, il faut une instruc-tion peu ordinaire que les ouvriers ne possèdentpas. Tandis que pour les inspecteurs ouvriers, telsque le camarade Guérard vient de les définir, cen'est pas la même chose.

Rozier, Chambre syndicale des Employés, ditque les inspecteurs du travail n'ont aucune capacitépour remplir leurs fonctions. Ils sortent de la classebourgeoise et deviennent inspecteurs du travail,parce qu'ils ne trouvent pas autre chose. Lecamarade Rozier cite une conversation qu'il a eue,dans un café de Blois, avec un inspecteur du tra-vail. Celui-ci lui aurait dit qu'il ne verbalisait plus quelorsqu'il était saisi d'une réclamation, d'une plainte.Il avait voulu faire sérieusement son métierd'inspecteur, il avait fait des rapports lorsque la loiétait violée, mais il avait dû ne plus prendred'initiative, parce qu'on l'avait appelé chez le Préfet.

Nous nous trouvons donc en présence d'uneorganisation qui ne fonctionne pas et qui ne donneaucun avantage aux ouvriers.

Le camarade Rozier appuie la proposition du

camarade Guérard.De même que les ateliers, les magasins et les

bureaux présentent également des défectuosités.Les employés se trouvent dans de mauvaises con-ditions au Louvre, au Bon Marché, etc... Tout lemonde sait que la première épidémie d'influenzaest partie du Louvre.

Rozier demande que I’on ajoute les bureaux etles magasins à l'inspection du travail. Rien n'a étéfait dans ce sens, jusqu'à ce jour, pour lesemployés. La seule méthode pratique pourl'inspection du travail, c'est l'élection desinspecteurs par les ouvriers et par les employés.

On ne peut pas accepter la proposition formuléepar l'Union des Syndicats de la Seine. C'est s'avilir,s'abaisser que de demander au préfet d'accepternos candidats. Puis, il y a une chose contre laquellenos candidats ne pourront rien: c'est le concours.Il n'est pas nécessaire d'avoir une instruction siétendue que celle que l'on exige des inspecteursdu travail, pour faire les inspecteurs que nousdemandons. Il faut surtout être technique etconnaître les conditions du travail.

Besombes, Union des Syndicats de la Seine,regrette que l'on n'ait pas compris le sens de saproposition. Il a dit qu'il fallait que chaque Syndicatprésente ses candidats, et c'est aux Bourses duTravail de désigner ces candidats au préfet, pourla forme.

Le Président dit qu'il faut nommer un présidentet deux-assesseurs pour la réunion publique de cesoir.

Les camarades Beaupérin, Carmantran etLauche sont désignés, le premier commeprésident et les deux autres comme assesseurs.Le camarade Cayol est nommé secrétaire.

Rendez-vous est donné pour huit heures à laBourse du Travail.

Le camarade Cayol, de Marseille, fait ladéclaration suivante:

Camarades,Vu l'incident qui s'est produit à l’ouverture de la

séance, je ne crois plus nécessaire de faire l'appelnominal car, d'après le camarade qui a soulevél'incident, nous faisons voir aux patrons que nousrentrons à la cloche et c'est tout le contraire quenous demandons. Je trouve, citoyens, que cecamarade à tort; car, bien des patrons liront lecompte-rendu de notre Congrès et ils verront parlà que lorsqu'il s'agit de discuter les questions pourl'amélioration de la classe ouvrière, nous nenégligeons pas notre temps, que nous ne

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regardons pas l'heure à laquelle nous rentrons, Enmême temps, nous, délégués des Syndicats, nousfaisons voir à ceux de nos camarades du travailqui disent que les Congrès ne servent pas àgrandchose et que c'est plutôt une distraction pourle délégué qu'un travail, qu'ils ont tort de parler ainsi.

Je crois que depuis l'ouverture du Congres lamesure prise a eu de l'importance puisqu'elle a eupour effet d'avoir très peu d'absents aux séances.

Ceci dit, citoyens camarades, je vous prie de

désigner un autre camarade pour faire l'appel nomi-nal.

Le Congrès décide que l'appel nominalcontinuera à être fait à toutes les séances et, paracclamations, le camarade Cayol de Marseille està nouveau désigné pour y procéder.

La séance est levée à 6 heures.

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NEUVIÈME SÉANCE: Vendredi 30 Septembre 1898 (matin).

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Présidence du citoyen Barlan; assesseurs :Brisse et Lecorre.

Le camarade Cayol, de Marseille, procède àl'appel nominal.

Absents: Augé, Davy, Dalle, Rozier. LePrésident fait savoir que le camarade Robillard aété appelé à Paris et qu'il a transmis ses pouvoirsau camarade Morel.

Le camarade Petit, de Dijon, se fait excuser,étant souffrant.

La discussion continue sur la créationd'inspecteurs ouvriers du travail pris parmi lesouvriers appartenant aux Chambres syndicales.

Fourage, Syndicat des Cantonniers de la villede Paris: Lorsque la discussion s'est arrêtée hiersoir sur la question des inspecteurs du travail, deuxthèses étaient soutenues par les orateurs quiavaient pris la parole. Les uns désirent qu'il y aitdes délégués ouvriers pour l'inspection du travail,les autres demandent que les Bourses soumettentles candidats à élire aux fonctions d'inspecteursdu travail à l'agrément du Gouvernement. Fouragedit qu'il y aurait lieu de procéder comme les ouvriersmineurs qui nomment des camarades inspecteurset que ces inspecteurs ouvriers soient reconnus.

Lemaître, Fédération des Peintres en bâtimentde la Seine: La Fédération des Peintres du bâtimentde la Seine avait demandé que le travail dans lesadministrations publiques fût inspecté par desouvriers délégués par leurs camarades. La ques-tion ayant été soumise au préfet, celui-ci émit unavis favorable et la transmit à la Commission dutravail.

Beausoleil: Camarades, en réalité, nous nepouvons qu'adopter l'esprit de la proposition de

l'Union des Syndicats de la Seine. Puisqu'il estnécessaire d'avoir des inspecteurs du travail etpuisque le Gouvernement n'acceptera pas lesinspecteurs délégués par les ouvriers, il vaut mieuxsoumettre au choix du Gouvernement ceux de noscamarades qui pourraient devenir inspecteurs. Sinous avions plus de sang-froid, nous aurions depuislongtemps une organisation sérieuse. La constitu-tion de l'office du travail et des inspecteurs du tra-vail a permis à la veille des élections de caser unedouzaine d'ingénieurs et divers bourgeoisincompétents et pas préparés à remplir la missionqu'on leur confiait.

Devons-nous nous arrêter à ces deux concep-tions de l'organisation du travail par les capitalistes.

Nous ne devons pas non plus nous arrêter à laconception de la Chambre du Travail, car nous enserions dupes.

La proposition présentée par l'Union lui paraîtsatisfaisante, puisqu'elle s'en remet augouvernement pour la nomination des inspecteursouvriers tandis que les organisations ouvrièreschoisiraient les candidats inspecteurs.

Beausoleil se rallie à ce que le camarade Roziera dit concernant les employés. Il conclut enproposant d'accepter le vœu de l'Union desSyndicats de la Seine, en attendant que l'on ait lesmoyens de pouvoir choisir soi-même, comme onl'a demandé.

Dugoy, Syndicat de la Boucherie de Paris,demande le rétablissement des commissions lo-cales d'hygiène et donne un aperçu de la misèredes ouvriers cuisiniers, eux qui font pourtant tantde chefs-d'œuvre.

A l'exposition de 1889, on les faisait travailler dansdes conditions révoltantes, dans des sous-sols nonaérés et malsains et où on atteignait jusqu'à 60degrés de chaleur. Plusieurs camarades y ont laisséleur vie et les autres on les a jetés sur le pavé.

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Allibert, Société des Ouvriers Chapeliers deFrance, dit que dans sa profession également, ontravaille dans une atmosphère qu'une inspectionplus sérieuse ne tolérerait pas.

Corompt, Syndicat des Chauffeurs Mécaniciensde la Seine, croit qu'il ne s'agit pas de savoiractuellement les degrés de chaleur auxquels ontravaille. Il est urgent que les inspecteurs du travailsoient nommés par les Chambres syndicalesrespectives; il demande que l'on ne procède pas àà leur nomination comme l'on procède à celle desconseillers prud'hommes.

Capjuzan, Syndicat de la Cordonnerie ouvrièrede France, est de l'avis du camarade Corompt: ilfaut que les ouvriers dirigent eux-mêmes toutes lesquestions du travail en tant que travailleurs, sanspour cela passer sous la férule du pouvoir. II nefaut pas se mettre en tutelle, ni faire risette au préfet.

Cauchois, Syndicat des Ouvriers cartouchiersde la Seine, insiste pour que l’on fasse voir augouvernement que les inspecteurs actuels ne sontpas à la hauteur de la tâche qui leur est confiée etque le travailleur délégué inspecteur n'aurait pasbesoin de tout ce qu'on exige pour devenirinspecteur pour faire sérieusement l'inspection.

Batbielle, Fédération typographique française:Il est impossible à un ouvrier, malgré la meilleurevolonté possible, de devenir inspecteur du travail. Ilfaut avoir des connaissances spéciales, êtrebachelier, en un mot réunir un ensemble de condi-tions qu'un ouvrier ne peut pas avoir. L'inspectiondu travail actuelle est une barrière infranchissablepour les ouvriers. En Angleterre, l'inspection du tra-vail est plus sérieuse que chez nous ; le recrutementdes inspecteurs est aussi bien plus facile etbeaucoup plus accessible aux ouvriers.

Les Syndicats pourraient présenter descandidats au Gouvernement qui, après enquête etconcours, en choisirait quelques-uns. Ceux-cipourraient contrebalancer l'influence desinspecteurs actuels, qui se soucient peu desintérêts ouvriers, étant donnée leur attache bour-geoise.

Coquet, Syndicat de la Meunerie d'Ille-et-Vilaine, dit qu'il faut prendre les inspecteurs du tra-vail parmi nous; le gros bon sens indiquerafacilement les camarades capables de remplir cesfonctions (Applaudissements). Il propose la créationd'une commission spéciale dans chaque profes-sion; cette commission ferait passer des examensaux candidats inspecteurs, puis soumettrait sonchoix à l'approbation des organisations ouvrières.

Le camarade Cayol, de Marseille, fait une propo-sition de clôture et demande la nomination d'unecommission de cinq membres. (Adopté).

Le camarade Dugoy demande qu'un membredes Syndicats de l'alimentation fasse partie de laCommission. (Repoussé).

Le Congrès nomme membres de la commis-sion les camarades Le Philipponnat,Girard,Carmantran, Oriot, Cauchois.

1- Le Syndicat des cartouchiers de la Seine etSeine-et-Oise, ayant vu de nombreux accidents seproduire, tant dans ses usines que dans différentesmanufactures telles que fabriques d'armes,cartoucheries, arsenaux, chantiers de construction,scieries à vapeur, filatures, imprimeries, etc...,considère qu'un ouvrier ou une ouvrière se trouvantpris soit dans une transmission ou dans une ma-chine poulie ou engrenage, qu'il est matériellementimpossible d'arrêter avant un temps relativementlong, soit par l'élan des machines à vapeur, oul'impossibilité de trouver l'intéressé pour en fairel'arrêt ou l'éloignemeut du moteur,

- propose de par une loi à introduire dans lesrèglements du travail, de forcer les chefs d'industrieà appliquer des débrayages de sûreté de distanceen distance à toutes les transmissions motrices.

Cauchois.

Les délégués dont les noms suivent appuient laproposition des cartouchiers: Allibert, Auvray,Besombes, Braun, Capjuzan, Cayol, Galantus, J.Lauche, Robillard.

2- Les Fédérations du bâtiment et des peintresen bâtiment de la Seine invitent le Congrès àdécider que, la création d'inspecteurs ouvriers dutravail étant de toute nécessité, ces inspecteursdevront être pris parmi les candidats présentés parles Chambres syndicales ouvrières.

Morin, F. Lemaitre.

3- La Fédération des Syndicats ouvriers deMeurthe-et-Moselle propose qu'une campagne ac-tive soit faite pour que les Inspecteurs du travailsoient élus par les Syndicats ouvriers.

E. Lacaille.

4- Que les Inspecteurs du travail soient éluscomme les Conseillers prud'hommes et quel'élection se fasse par catégories.

L. Dugoy, A. Allibert, L. Meyer, A. Ternet.

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5- Que la Confédération générale du travail in-vite toutes les Organisations fédérées d'une mêmerégion à désigner les citoyens qu'elles voudraientvoir comme Inspecteurs ouvriers. LaConfédération, par voie de tirage au sort et parrégion, désignerait les citoyens qui deviendraientInspecteurs ouvriers.

Copigneaux.

6- Que les Inspecteurs ouvriers soient élus parles Syndicats ouvrière.

F. Roche; Aubertin; Capjuzan; Chinault; Hotte;Majot; Michon; Millard; Nicoud; Le Corre; H.

Rousseaux; Pellier; Bouyer; Guérin d'Angers.

7- L'Association syndicale des Garçons Res-taurateurs et Limonadiers estime que la créationd'inspecteurs ouvriers ne peut donner tout son effetque le jour où la loi de 1892 sera appliquée à tousles travailleurs.

Néanmoins, elle ne repousse pas les proposi-tions qui ont pour but de réaliser cette créationd'inspecteurs ouvriers.

Carmantrant.

8- L'Union du Bronze de Paris émet le vœu quece soit les Syndicats ouvriers qui nomment lesinspecteurs du travail et non les bourses du tra-vail.

Girard; Cayol; Robillard; Lauche; Aubertin;Goumet; Braun; H. Le Corre; Morel.

9- Considérant que le manque de surveillancedans les travaux exécutés par les entrepreneurspour l'Etat, les départements et les communes, àla suite d'adjudications, est la cause denombreusesmallaçons préjudiciables à tous les contribuables;

Considérant que ces malfaçons entraînentsouvent la réfection générale des travaux exécutés,occasionnant de ce fait une double dépense,

La Chambre syndicale des Plombiers-Couvreurs de Paris conclut d'urgence à la créationd'inspecteurs ouvriers élus par les Syndicatsouvriers.

Fernbach.

10- La Bourse du Travail d'Angers émet le vœuque les Syndicats ouvriers choisissent dans leursein des candidats aux fonctions d'inspecteurs dutravail et que ces derniers soient élus de la mêmemanière que les conseillers prud'hommes.

11- Que les inspecteurs du travail soient prisdans les Syndicats ouvriers et élus pour deux ans.

Auvray.

12- Proposition du Syndicat des Employés dudépartement de la Seine:

Le Congrès émet le vœu que le Conseilsupérieur du Travail, ainsi que les inspecteurs dutravail soient nommés par les intéressés eux-mêmes, c'est-à-dire par les ouvriers.

C. Beausoleil, L. Meyer; Carmantrant; Ch.Fournet; Larsonneur; L. Dugoy; E. Lacaille;Batbielle; E. Besombes; Philippe; Langlois;

Corompt; Terrier; Auvray; A. Ternet; Maynier;Dangin; Amouroux; Lephilipponnat.

13- Que les inspecteurs du travail soient prismoitié parmi les ingénieurs, moitié parmi lesouvriers ayant au moins dix ans de service dansleur profession. Mais que les ouvriers-inspecteursreçoivent la même rétribution que les ingénieurs-inspecteurs.

Que les inspecteurs du travail, ainsi nommés,passent une inspection sous une Commissionspéciale, nommée par les Chambres syndicales,

Corompt.

14- Pour laisser les inspecteurs du travail remplirleurs fonctions salutaires, la Chambre syndicaledes porteurs de journaux demande que leursrapports ne puissent être contestés par aucun tri-bunal.

Ch. Fournet.

15- Les fonctions d'inspecteur du travail n'étantpas actuellement accessibles aux travailleurs, enraison des connaissances exigées;

Que, cependant, il importe que les ouvriers,seuls intéressés, puissent veiller à leur conserva-tion morale et matérielle,

Le Congrès décide qu'une pétition seraadressée au ministre du commerce à l'effet deprovoquer une loi ayant pour but d'accepter commeinspecteurs du travail les délégués qui serontprésentés par les fédérations ouvrières. Cesinspecteurs fonctionneront concurremmentavecceux nommés par l'Etat.

Fourage.

Sur la proposition du camarade Fournet, duSyndicat des Porteurs et Employés de journaux, leCongrès décide que les propositions sur la limita-tion des heures de la journée de travail à huit heures,avec minimum de salaire, seront envoyées, sansdiscussion, à la commission des vœux.

La parole est au camarade Roche, du Syndicatdes Garçons de magasins et Cochers-Livreurs dela Seine, sur la limitation de la charge traînée parhomme dans une voiture à bras. Cette question

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est très sérieuse, dit-il. On fait traîner des 7, 8 et900 kilos durant toute une journée, et même dansl’industrie du papier, où le volume est bien plusrestreint que le poids, on fait traîner jusqu'à 1.200kilos par un seul homme. C'est excessif.

Mais cela ne suffit pas aux patrons, qui font en-core porter jusqu'à 115 kilos à dos d'homme. Etquand le garçon de magasin ou le cocher-livreurrentre au magasin, on ne le laisse pas se reposer,il faut tout de suite recommencer. Il y a une loi deprotection pour les animaux et on laisse deshommes, des ouvriers ainsi malmenés à la mercide leurs patrons!

On peut mettre la charge que l’on veut à unhomme, il n'y a pas de loi ni de règle qui indique laquantité maximum qu'on ne doit pas dépasser. Ilen est de même pour les enfants. C’est de labarbarie qu'il faut faire disparaître au plus tôt.

Sur les chantiers, les apprentis ont aussi descharges énormes à porter; les compagnons nepeuvent pas toujours les aider.

Roche conclut en demandant au Congrèsd’adopter les conclusions de son rapport, qu'ilrésume en peu de mots.

Il demande d'abord une loi protectrice pour leshommes de peine; puis que les bureauxd'expédition des gares de chemins de fer fermentà 7 heures le soir, pour empêcher les patrons defaire faire des expéditions à la fin de la journée.

Meyer, Syndicat des Ouvriers pâtissiers de laSeine, se rallie aux propositions du camaradeRoche et dit qu'il y aurait également lieu de faireafficher dans les fournils les règlements pour lescharges à porter. Il existe une Société de protec-tion à Paris ; il faut espérer qu'elle fera le nécessairepour obtenir une plus grande protection deshommes de peine.

Besombes, Union des Syndicats de la Seine,dit qu'il n'y a pas lieu de nommer une Commissionpour faire un rapport sur cette question. Il n'y a qu'unseul rapport sur cette question: il a été fait par descamarades compétents, il n'y a qu'à l'adopter.

Le camarade Dugoy appuie la proposition quevient de formuler le camarade Besombes.

Le Congrès, consulté, adopte le rapport duSyndicat des Garçons de magasin.

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Rapport du Syndicat Général des Garçons demagasin, Cochers-Livreurs et parties similaires dela Seine, sur la limitation de la charge traînée parhomme, dans une voiture à bras.

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La fixation et la limitation de la charge d'unhomme doit attirer l'attention du Congrès pourmettre un terme au sans-gêne inhumain del'exploitation patronale.

Il existe une loi protectrice des animaux fixantles charges des chevaux, et, pour nous, il n'y aaucune mesure.

Le Syndicat général des garçons de magasin apensé qu'il était nécessaire de réglementer et defixer le poids qu'un homme pouvait porter sur uncrochet ou traîner dans une voiture à bras.

Le Syndicat a donc décidé de fixer à 30 kilos lacharge maximum d'un crochet, et à 100 kilos lepoids brut traîné par un homme dans une voiture.

Mais il est évident que ces poids sontsubordonnés à la longueur de la route, aux montéeset aux côtes. Dans ces cas, un autre homme devraêtre adjoint, tout en conservant le maximum decharge, soit 100 kilos pour la voiture à bras. Danstous les cas, si la charge était plus forte, il y auraitlieu d'augmenter le nombre d'hommes, en tenantcompte du maximum de charge par hommeindiqué plus haut, c'est-à-dire un homme par frac-tion de 100 kilos.

Si au premier abord ces poids paraissent faibles,il y a lieu de remarquer que l'homme qui porte lecrochet ou traîne la voiture est astreint à parcourirune étendue considérable de kilomètres et demonter une quantité énorme d'étages, travail parlui-même très fatigant. Il est donc logique de direque l’on ne doit en aucun cas abuser des forcesd'un travailleur; il est douc urgent de réglementerle travail des garçons de magasin ou hommes depeine, dont les patrons n’ont nul souci, et se livrent,au contraire, envers eux à l'exploitation la pluseffroyable et la plus malhonnête.

En effet, le garçon de magasin commence sajournée avant tous les autres travailleurs et ne finitsouvent que suivant le bon plaisir du patron; ilaccomplit de la sorte 18 et 20 heures de travail parjour et par toutes les intempéries des saisons.

Le dur métier des garçons de magasin est leplus terrible de tous les métiers. Pour nous, jamaisde repos, salaire dérisoire et impossibilité de sefaire rendre justice dans les conflits avec lesemployeurs.

A Paris notamment, les garçons sortentjournellement avec une voiture chargée de 500 à900 kilos et traînée par un seul homme, ou avecun crochet chargeant 30 ou 70 kilos et même au-dessus. Ce sont des choses qui sont connues detous les travailleurs. II est notoirement abusifd'assimiler l'homme à un animal sans s'inquiétersi le travail peut se faire.

Le Congrès aura donc à discuter cetteimportante question et admettra, nous n'en doutonspas, des résolutions qui intéressent des centaines

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de mille de travailleurs. Il conviendrait aussid'étendre l'inspection du travail aux travailleurs,hommes de peine et garçons de magasin.

Le Secrétaire général du Syndicat, E. Taraud.Le Délégué, F, Roche.

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Pelloutier, Comité fédéral des Bourses, dit qu'ilest certain que l'on ne pourra pas épuiser toutesles questions à l'ordre du jour. On n'en est qu'à la13ème question, et il y a encore six questions àdiscuter. Il demande de s'en tenir aux questionstraitées et de discuter les rapports des Commis-sions dès qu'ils seront terminés.

Capjuzan n'est pas de cet avis. Il croit, aucontraire, qu'il faut d'abord discuter l’ordre du jour,puis ensuite les rapports des Commissions,

Cayol, Syndicat des Ouvriers mécaniciens deMarseille, approuve la déclaration du citoyenCapjuzan et demande que l’on poursuive la discus-sion des questions à l'ordre du jour.

Besombes, Union des Syndicats de la Seine.:Après la conférence qui a été faite hier soir à laréunion publique, il n'est pas nécessaire de discutersur la question du repos hebdomadaire. Il n'y a qu'àpasser le rapport du camarade Beausoleil à laCommission de la 11ème question; il en sera demême des propositions que d'autres camaradesont pu formuler sur le repos hebdomadaire.

Grassaval, Bourse du Travail de Bordeaux,n'est pas de cet avis et demande la nominationd'une Commission pour étudier la 13ème question.

Meyer, Syndicat des Ouvriers pâtissiers de laSeine, combat la proposition du camaradeBesombes. Sa Chambre syndicale ne demandequ'un jour de repos par mois et a adressé unepétition au Parlement, pour obtenir ce reposmensuel. Les patrons de l'alimentation refusent dedonner un jour de repos par mois, et si on se faitremplacer par un camarade, on est remplacédéfinitivement.

On préconise le dimanche comme jour derepos, il faudrait laisser certaines industries choisirle jour qui leur conviendrait le mieux, le repos, ledimanche, ne leur étant pas possible.

En Angleterre, il y a une loi qui interdit le travail àtous les métiers. Les Anglais s'en trouvent très bien,et les Trades-Unions ont dépensé environ trentemille francs pour lutter contre des ouvriers

boulangers que l'on voulait faire travailler ledimanche.

Mais en France, il n'est pas possible d’obtenir lacessation complète du travail le dimanche; ce tra-vail du dimanche est entré dans nos mœurs.

Coquet, Syndicat des Meuniers d'Ille-et-Vilaine,demande que le repos hebdomadaire soit un jourentier et non pas un demi-jour.

Fournet, Syndicat des Porteurs et Employésde Journaux, estime que le jour de reposhebdomadaire serait facile à obtenir pour toutes lesindustries, même pour celles qui ont des servicesininterrompus, car elles pourraient établir desroulements d'équipes. Dans les Chemins de Feret chez les Mineurs ce service de roulement estappliqué et fonctionne parfaitement.

Pelloutier, Comité fédéral des Bourses: Ilrésulte que la fixation d'un même jour pour le reposhebdomadaire dans toutes les professions souffrede nombreux inconvénients. Le camarade Meyervient d'en signaler quelques-uns; le délégué del'alimentation peut aussi en formuler. Cette diver-gence provient de la nature même des professionset il est impossible de se reposer plutôt le dimanchequ'un autre jour.

Cependant le repos hebdomadaire estnécessaire et si les Syndicats le veulent ils pourront,par leur énergie, imposer aux patrons 24 heuresde repos par semaine. Mais il n'est pas possiblede fixer ce repos au dimanche et c'est tellementvrai que les législateurs reculent, par suite desdifficultés d'application, devant la fixation du jour.

Le camarade Grassaval insiste pour que leCongrès prenne sa proposition en considération:nomination d'une commission pour étudier la ques-tion du repos hebdomadaire.

Besombes, Union des Syndicats de la Seine,demande que le Congrès veuille bien permettre aucamarade Beausoleil de lire les conclusions de sonrapport. Besombes est persuadé d'avance que leCongrès reconnaîtra, après la lecture de ce rap-port, qu'il est inutile de procéder à la nominationd'une Commission.

Le Congrès, consulté sur la proposition ducamarade Besombes, décide d'entendre la lecturedes conclusions du rapport présenté par lecamarade Beausoleil.

Le camarade Beausoleil lit les conclusions deson rapport et demande la solidarité de tous pourfaire mettre en pratique ces conclusions.

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Capjuzan trouve extraordinaire que l’on fasseun rapport de vingt-cinq pages sur une questionsemblable. Si on ne nomme pas de Commission,comme on vient de le proposer, nous devrons ac-cepter ce compte-rendu qui englobera à lui seultout le compte-rendu du Congrès. Il croit qu'eninsérant les conclusion du rapport ce sera suffisant.

Besombes, Union des Syndicats de la Seine,regrette que le camarade Capjuzan s'exprime ainsisur un rapport qui a été discuté par des camarades,compétents et qui leur a demandé du temps etbeaucoup de travail. On ne doit pas chercher àétouffer la discussion.

Pelloutier, Comité fédéral des Bourses, dit qu'ilest extraordinaire que l'on vienne combattre un rap-port excellent, alors que l'on n’a pas étudié la ques-tion. Il ne comprend pas que l'on refuse d'insérer leseul rapport qui existe sur cette question.

Le Congrès décide, à l'unanimité, moins unevoix, d'insérer, en son entier, le rapport présentépar le camarade Beausoleil et de le faire suivre desdifférentes propositions qui ont été déposées surle bureau.

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Rapport présenté au Congrès de Rennes par lecitoyen C. Beausoleil, du Syndicat des Employésde la Seine.

LE REPOS HEBDOMADAIRE

Considérations qui militent en faveur durepos hebdomadaire.

Parmi les revendications formulées par un grandnombre de travailleurs et particulièrement lesemployés de commerce, il en est une dontl'acceptation immédiate s'impose, a cause de soncaractère d'urgence et sa facilité de réalisation:c'est le repos hebdomadaire.

Il faut que, dans la société, le prolétaire puissese reposer au moins un jour sur sept. C'est à cettecondition seulement qu’il pourra remplir ses devoirsde citoyen, jouir de la société de ses semblableset goûter un instant le plaisir d'être un hommevivant, pensant, jouissant, et non une bête desomme incessamment attelée à son fardeau.

Il est unanimement admis, aujourd'hui, que toutindividu a le droit et le devoir de s'intéresser auxaffaires de la société dont il est membre, et decoopérer à son évolution.

Or, comment peut-il apprendre à connaître lesidées qui préoccupent ses concitoyens, les besoins

qu'ils éprouvent, les aspirations qui les poussent,l'idéal qui les guide, s’il n'a pas un seul jour dans lasemaine pour s'en enquérir, si, tous les matins,invariablement et inexorablement, il doit reprendreson travail, si, tous les soirs, après une journée detravail ininterrompue, il rentre chez lui harassé,sans autre désir que d'avaler hâtivement son repaset de se coucher fébrilement pour calmer, ou plutôtpour tromper la fatigue qui l'abat? Comment, dansces conditions, peut-il goûter le plaisir de se sentirquelquefois en communion d’idée avec ses amiset même éprouver la joie d'être entouré d'unefamille, d'être aimé? Comment peut-il surveillerl'instruction et l'éducation de ses enfants, en suivreles progrès, diriger leur jeune intelligence, provoqueren eux l'éclosion de sentiments désintéressés etde passions généreuses?

Enfin, si l'on envisage l'homme en lui-même,abstraction faite de ses relations avec sa familleou avec ses semblables, n'est-il pas nécessairequ'il puisse de temps en temps, au moins une foispar semaine, s'abstenir de se rendre à son lieu detravail pour reposer ses membres fatigués, apaiserses nerfs agités, calmer son intelligence surexcitéeet refaire ses forces épuisées?

Les législateurs eux-mêmes l'ont admis, dumoins pour les femmes et les enfants, puisquel'article 5 de la loi du 2 novembre 1892 sur le travaildes femmes et des enfants, prescrit le reposhebdomadaire pour cette catégorie de travailleurs.Cet article 5 est ainsi conçu: «Les entants âgés demoins de 18 ans et les femmes de tout âge nepeuvent être employés dans les établissementsénumérés à l'article 1er plus de six jours parsemaine, ni les jours de fête reconnus par la loi,même pour rangement d'atelier. Une afficheapposée dans les ateliers indiquera le jour adoptépour le repos hebdomadaire».

Mauvaise volonté du législateur français às'occuper du travail pour les adultes.

Mais les législateurs français ont toujours montréune grande répugnauce à mettre un frein àl'exploitation du travail des adultes.

La loi de 1892, nous venons de le voir, nes'applique qu'aux femmes et aux enfants. Si l'onexcepte le décret-loi de 1848, fixant le maximumde la journée de travail à douze heures, on netrouvera, dans tout l'arsenal des lois françaises,aucune disposition s'appliquant au travail deshommes adultes. Et encore cette loi est-elle restéelongtemps à l'état de lettre morte.

«Le parquet se prête peu à l'exécution de la loide 1848», déclarait M. Lagarde, inspecteurdivisionnaire du travail de la région provençale,dans sa déposition faite devant la Commission

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parlementaire du travail, le 18 avril 1891 (3). Ellen'a commencé a être appliquée que depuis que ledéveloppement des Syndicats ouvriers a faitcomprendre aux classes dirigeantes que leprolétariat n'était plus isolé en face du patronat.

Au point de vue de la protection du travail,comme à beaucoup d'autres, la France, le paysdu progrès, l'éclaireur de toutes les nations sur laroute de la Civilisation, la terre d'origine de toutesles initiatives généreuses, à en croire leséducateurs et les publicistes, dont la tâche estd'abrutir les masses et de les empêcher, par leursmensonges intéressés, de formuler leursrevendications, s'est laissé dépasser par les na-tions étrangères. Non seulement elle ne les a passuivies, mais les quelques améliorations qui avaientété obtenues ont été reprises peu à peu, à mesureque les classes privilégiées se sont de plus en plusfondues en une seule classe bourgeoiseomnipotente.

Voici ce qu'écrivait la “Ligue Populairemarseillaise” pour le repos du dimanche, dans unelettre adressée à la Commission du travail, etreproduite dans le rapport que nous venons de citer:

«Tandis que dans les pays étrangers lalégislation a de nouveau réglementé, en cesdernières années, la question du reposhebdomadaire, comme, par exemple, la loi de 1877en Suisse et la loi du 8 mars 1885 en Autriche; enFrance, au contraire, on abrogeait, le 12 juillet 1880,la loi du 18 novembre 1814. Mieux encore, il existaitune clause introduite dans le cahier des chargesdes travaux exécutés pour le compte de l'Etat, etqui imposait aux entrepreneurs l'obligation desuspendre ces travaux les dimanches et jours defête, à moins d'urgence; un arrêté ministériel de1886 a supprimé cette faible et dernière réserve»(4).

Est-ce à dire, si aucune législation ne prescrit lerepos hebdomadaire, que celui-ci ait été obtenu parles seules forces ouvrières et que s'il n'est pasprescrit dans la loi, il soit généralement pratiqué enfait? Le seul document statistique à peu prèssérieux qu'on ait à ce sujet établit que la moitiéenviron des ouvriers parisiens ne jouissent pasrégulièrement d'un jour de repos par semaine. La“Commission parlementaire du travail”, dont nousavons déjà parlé, et au rapport de laquelle nousaurons encore souvent à nous reporter, avaitenvoyé 250.000 questionnaires aux ouvriers desdivers groupes professionnels à Paris, 27.000seulement ont été renvoyés à la Commission avecles réponses aux questions posées. Pour quatre

groupes d'industrie: la métallurgie, le bâtiment,l'industrie du bois et l'ameublement, et enfin levêtement et les industries qui s'y rattachent, lesréponses, au nombre de 9.116, ont été dépouilléescomplètement et ont donné les résultats suivantsau point de vue du repos hebdomadaire:

Ont déclaré:Avoir régulièrement un jour de repos par

semaine, de 5.153 ouvriers, soit: 57%;N'avoir pas un jour de repos par semaine, 2.308

ouvriers, soit: 25,5 %;N'avoir qu'irrégulièrement un jour de repos, ou

seulement un demi-jour par semaine, 1.572ouvriers, soit: 17,4%;

Réponses vagues et diverses, 83 (5).Et il s'agit là, en général, d'industries bien

organisées au point de vue corporatif et danslesquelles la coutume du repos hebdomadaire nerencontre aucune difficulté pour le patron lui-même;

Si l’on avait dépouillé les réponses desbouchers, des charcutiers, des boulangers, desgarçons de café ou de restaurant, et en général detous les ouvriers qui travaillent pour l'alimentation,des employés de compagnies de chemins de fer,d'omnibus ou de bateaux, des cochers, desfacteurs, des imprimeurs, des coiffeurs, deshommes de peine, des manœuvres, desemployés, et particulièrement des employés demagasins ou de bazars, en un mot, des salariésqui n'ont pas de syndicat puissant, ou dont la ces-sation du travail à jours fixes et périodiquesnécessiterait une réorganisation du travail ou unemodification dans les usages, on pourrait dire dansles mœurs du public, on aurait trouvé une bien faibleproportion de prolétaires jouissant du reposhebdomadaire.

Réfutation des objections à l'obligation durepos hebdomadaire:

Nous prévoyons l'objection que l'on va nous op-poser: si les ouvriers qui travaillent tous les jourssont si nombreux, c'est qu'ils le veulent bien. Ilssavent à quoi ils s'engagent lorsqu'ils entrent dansune usine, dans un bureau ou dans un magasin;s'ils ne veulent pas travailler le dimanche, ils n'ontqu'à le déclarer.

Comme si le prolétaire qui demande du travailétait libre d'accepter ou de refuser les conditionsdes patrons auxquels il s'adresse!

Il est sans emploi depuis plusieurs jours,quelquefois depuis plusieurs mois, chaque jour dechômage est pour lui et pour sa famille une journée

(3) Rapport fait au nom de la Commission du travail chargée d'examiner les propositions de loi relatives à la réglementationdu travail des adultes, par M. G. Dron, député du Nord. (Annexe au procès-verbal de la séance du 26 juin 1893, p. 238).

(4) Rapport au nom de la Commission du travail (p. 239). (5) Ibid. (p. 290).- 91/170 -

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de privations de plus. On lui dit que, dans la maisonoù il demande à entrer, on travaille tous les jourssans discontinuer, il accepte cette clause, parceque s'il refusait, derrière lui viendraient d'autresmalheureux qui seraient trop contents de saisirl'occasion qu'il aurait dédaignée.

La preuve que lorsque l'ouvrier est libre, il préfèrese reposer un jour par semaine, nous est fourniepar la déposition de la Chambre syndicale desouvriers teinturiers de filés de Haubourdin (usineMazingarde) devant la Commission parlementairedu travail. Ce syndicat comprend 100 membressur 150 ouvriers. M. Ricard, le président de la com-mission, demanda aux délégués si leurscamarades ont, chaque semaine, un jour de reposcomplet.

«Le dimanche, répondent-ils, la faculté estlaissée aux ouvriers de travailler si cela leurconvient. Une quinzaine seulement travaillent cejour-là».

Ces ouvriers déclarent plus loin qu'ils gagnent3 francs par jour (6). Ainsi, sur 140 ouvriers, 125,bien que ne gagnant que 90 francs par mois,préfèrent voir ce salaire, déjà si modique, diminuéde 12 francs et se reposer le dimanche plutôt quede gagner ces douze francs de plus et travaillertous les jours sans interruption. Il est probable queles 15 ouvriers qui aiment mieux aller à l'usine ledimanche feraient comme leurs camarades, s'ilsgagnaient un salaire qui leur permit de subvenir àleurs charges plus lourdes peut-être que celles deleurs compagnons de labeur.

Qu'on ne vienne pas nous dire que si lestravailleurs se reposent le dimanche ils gagnerontmoins. L'idée syndicale fait son chemin, que lesprolétaires aient plus de loisirs et ils se grouperontdavantage. Et l’on sait que les travailleurs organisésont plus de facilité que les travailleurs isolés pourrésister aux exigences des patrons et même pourimposer les leurs propres.

Si les salariés avaient tous un jour de repos parsemaine, un plus grand nombre d'entre euxadhéreraient aux organisations corporatives quipourraient s'opposer aux diminutions de salairesque les employeurs voudraient faire subir à leursouvriers. Les Syndicats devenus ainsi plusnombreux, plus importants et plus riches, auraientchance d'améliorer encore la condition de leursadhérents et, par suite, celle de la classe ouvrière.

Le jour du repos hebdomadaire doit-il êtrele même pour tous les employés?

Nous avons établi que le repos hebdomadaireétait nécessaire au point de vue de la santé, du

bien-être et du développement intellectuel et moraldes prolétaires. Il nous reste à savoir comment ilpeut être obtenu.

Un premier point à déterminer est celui de savoirsi ce jour de repos doit être le même pour tous lesouvriers, ou s'il doit varier avec les individus et avecles professions. La réponse à cette question n'estpas douteuse; le jour de repos doit être dans toutela mesure possible le même pour tous les ouvriers.

Nous avons dit que le repos hebdomadairepermettrait aux prolétaires de resserrer les liensqui doivent exister entre eux, de nouer des rela-tions de camaraderie et de sympathie, de jouir dela vie de lamille. Comment ce but sera-t-il atteint siles uns se reposent le lundi, les autres le jeudi,d'autres encore le dimanche? Comment, dans cesconditions, les travailleurs pourront-ils se réunir, secommuniquer leurs idées, se grouper pour uneaction d'ensemble?

La fixation d'un jour de repos commun à tousles salariés est nécessaire pour permettre à ceux-ci de vivre en citoyens et en pères de famille etpour empêcher les patrons d'escamoter ce reposhebdomadaire.

Les Sociétés anciennes avaient adopté un jourauquel tous les citoyens se réunissaient pourdélibérer sur les intérêts de la cité ou pourcommunier dans une même pensée de foi. LesGrecs à l'Agora, les Romains au Forum, décidaientdes destinées de leur cité; les Juifs, le jour duSabbat et les peuples chrétiens du Moyen-Age, leDimanche, quittaient tout travail pour consacrercette journée au culte divin.

Les peuples modernes n'ont-ils pas aussi leurculte, qui est le développement de la personnalitéhumaine?

Chez les membres des Sociétés actuelles, latendance se développe de plus en plus de faireparticiper chaque citoyen à la vie sociale. Tous nousvoulons nous intéresser à la marche des institu-tions politiques et économiques; nous refusons denous laisser diriger aveuglément par les prétenduspasteurs de peuples, nous nions la nécessité dessoi-disant secrets d'Etat: nous affirmons notre droità prendre part à la direction des affaires publiques,puisque c'est d'elles que dépend notre condition.

Les organisations ouvrières syndicales etautres, qui s'étendent si rapidement, le mouvementen faveur de la législation directe par le peuple qui,dans notre pays, a pris une importance chaque jourgrandissante depuis 1848, sont des manifestationsde notre désir d'agir en hommes libres, conscientset maîtres de notre sort.

Le voilà le culte qui nous réunit tous dans unemême pensée d'espoir, dans une même volontéd'action, et pour que nous puissions échanger nosespérances, arrêter nos plans de campagne,(6) Rapport au nom de la Commission du travail (p. 298).

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délibérer sur nos intérêts, il faut que la possibiliténous soit donnée de nous rencontrer.

De même, comment la vie de famille, cette vieque les bourgeois, reprochent aux militants ouvriersde vouloir détruire, alors que c'est le capitalismelui-même qui l'a détruite, sera-t-elle rétablie sil'homme est à la maison le lundi, la femme lemercredi, les enfants le dimanche et le jeudi?

Enfin, il faut tenir compte de la tendance dupatronat à reprendre insensiblement ethypocritement les conquêtes ouvrières, Que lerepos hebdomadaire soit obtenu, avec cette stipu-lation qu'on établira dans chaque maison unroulement, pour permettre aux employés de se re-poser chacun à son tour, et les patrons profiterontde cette tolérance pour rogner peu à peu à leursouvriers un jour de repos, puis deux, puis trois, dansle courant du mois, et pour dissimuler ces infrac-tions aux conditions du travail par des tableaux deroulement fictifs. C'est ce qui est arrivé pour la limi-tation du travail des enfants, décrétée par la loi du10 novembre 1892.

Les paragraphes 1 et 2 de l'article 4 de cette loisont ainsi conçus:

«Les enfants âgés de moins de 18 ans, les fillesmineures et les femmes ne peuvent être employésà aucun travail de nuit dans les établissementsénumérés à l'article 1er».

«Tout travail entre 9 heures du soir et 5 heuresdu matin est considéré comme travail de nuit;toutefois le travail sera autorisé de 4 heures dumatin à 10 heures du soir, quand il sera réparti en-tre deux postes d'ouvriers ne travaillant pas plusde 9 heures chacun».

Les inspecteurs du travail, dans leurs rapportssur l'application de cette loi, ont été unanimes àcondamner ce système de la double équipe, car ilfavorise la violation de la loi. De même, lesinspecteurs déclarent qu'il est très difficile etsouvent impossible de contrôler l'exécution de l'art5 de cette même loi, qui prescrit le reposhebdomadaire sans fixer un jour unique, dans lesétablissements qui restent ouverts toute la semaineet ou l'on est censé avoir établi un roulement pourle jour de repos.

Cas spéciaux: Etablissements qui ne peuventjamais fermer, magasins de détail, moyens detransport, etc...

On oppose à l'adoption d'un jour unique,l'objection qu'il y a des établissements, comme lesusines à feu continu, qui ne peuvent jamais fer-mer, et d'autres branches du travail, comme lespostes et télégraphes, les chemins de fer, lesbateaux, les omnibus, les cafés, les théâtres, lesconcerts, et, en général, les moyens de transport

et les lieux de distractions, qui ne peuvent cesserde fonctionner à jour fixe, sous peine de rendre cejour mortellement ennuyeux, et de priver lesouvriers auxquels on veut donner un jour de repos,des distractions qu'ils désireraient se procurer cejour-là.

Il est évident que la rigueur de la disposition d'unjour de repos unique devra fléchir dans certainscas à déterminer et que certaines entreprisespourront être admises à fonctionner tous les jours,sous la condition qu'on y établira un roulement pourque tous les employés aient leur jour de repos àtour de rôle, à la condition qu'ils aient au moins undimanche sur trois. Mais ce seront là des excep-tions qu'on devra limiter le plus possible si on veutfaire produire au repos hebdomadaire tous les fruitsqu'on est en droit d'en attendre.

Le principe du jour de repos unique n'en est pasmoins à adopter; les exceptions strictementnécessaires seront accueillies, elles confirmerontla règle.

Mais que dire de cette objection que lesmagasins de vente au détail et les boutiques del'alimentation ne peuvent pas être fermées à jourfixe? Les acheteurs ne peuvent-ils pas prendreleurs précautions vingt-quatre heures à l’avance?Si l’on cite certains commerces, comme laboucherie ou la boulangerie, où les exigences dela viande fraîche et du pain du jour imposentl'obligation de l'ouverture permanente, nousrépondrons que là encore, il y aura peut-êtrequelques dérogations à formuler et qu'on devratolérer le roulement, mais seulement dans les casle plus restreints possible.

Du reste, toutes ces professions ont desSyndicats patronaux et ouvriers: c'est à cesSyndicats qu'il appartient d'étudier la question pource qui concerne leur partie et de décider si l'on doitou non admettre une exception en ce qui lesconcerne.

Nous proposerons la même solution pour lesouvriers qui sont soumis à des chômagesprolongés et périodiques, comme les ouvriers dubâtiment, et auxquels il pourrait y avoir lieu depermettre de rattraper pendant la belle saison letemps perdu pendant la morte saison. Qui saitcependant si, en faisant une enquête impartialeauprès des intéressés, en contrôlantsoigneusement les affirmations au lieu de les ac-cepter sans vérification, on ne constaterait pas queles entrepreneurs pourraient, sans trop réduire leursbénéfices, être obligés à donner à leurs ouvriers,pendant la bonne saison, des salaires suffisantspour permettre à ceux-ci de passer les périodesde chômage?

Les industriels qui confectionnent des articlesde mode se récrieront également et soutiendront

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que l'obligation du repos hebdomadaire, à certainesépoques de l'année, les empêchera de satisfaireaux commandes de leur clientèle; ils invoquerontla nécessité de suivre les caprices du goût du pu-blic et de fabriquer précipitamment, aux entrées desaisons, les étoffes, les vêtements, les chapeauxou les autres objets qui leur sont demandés.

Nous connaissons la valeur de cesrécriminations. Les confectionneurs et les chefsd'établissements textiles, pour ne parler que deceux-là, pourraient, en y mettant un peu de bonnevolonté, organiser leur travail de telle sorte que leursouvriers ne fussent pas débauchés pendant quatremois de l’année et débordés de travail pendantquatre autres mois. Ils n'auraient qu'à faire faire laplus grande partie de leurs articles classiques, quine varient jamais, pendant les périodes de mortesaison, janvier et février, juillet et août.

Aux entrées de saisons, en octobre etnovembre, avril et mai, ils n'auraient plus à sepréoccuper que des articles de fantaisie soumisaux fluctuations de la mode. Le travail seraitégalement réparti.

Mais qu'importent aux patrons les intérêts deleurs employés lorsqu'il s'agit d'augmenter leursdividendes? Pour ne pas immobiliser un capital tropconsidérable et ne pas perdre les intérêts de cecapital pendant trois ou quatre mois, ils n'achètentleurs matières premières ou leurs étoffes quelorsque les saisons d'été ou d'hiver approchent; ilsfabriquent toutes leurs marchandises en mêmetemps, articles de fantaisie et articles classiques,et leurs ouvriers travaillent comme des bêtes desomme pendant six mois, sans avoir jamais unjour de repos.

En étudiant ainsi minutieusement toutes lesbranches du travail, il nous serait aisé de prouverque, dans l'immense majorité d'entre elles, onpourrait sans inconvénient établir le reposhebdomadaire; pour les autres, il ne nous appartientpas d'empiéter sur leurs Syndicats respectifs; lesSyndicats intéressés étudieront la question desavoir si on doit admettre une exception pour leurindustrie.

Mais, encore une fois, le principe reste; il estétabli que, pour la grande généralité des travailleurs,un jour de repos uniforme peut être adopté. C'estlà le point important.

Le jour de repos uniforme doit être le dimanche?Et maintenant, quel est le jour qui doit être choisi?Le dimanche nous paraît tout indiqué pour cette

raison qu'il est déjà adopté dans un grand nombred'établissements.

Les administrations ferment le dimanche, lesécoliers sont en congé ce jour-là; c'est le jour derepos pour la plus grande partie des ouvriers quijouissent déjà du repos hebdomadaire; le repos du

dimanche est passé dans les mœurs; ce jour estgénéralement considéré comme un jour de fête etde loisir: c'est le dimanche qu'on revêt les habitsles plus propres, qu'on exécute la partie de plaisirpréparée longtemps à l'avance.

Préjugé stupide, dira-t-on, qui reposeuniquement sur la vieille superstition religieuse!Qu'importe son origine? Ce qui nous intéresse,c'est l'état des mœurs actuelles. Or, pourbeaucoup, le dimanche n'est plus un jour religieux,mais seulement un jour de repos.

Est-ce que, par le fait que le jour de repos adoptésera le dimanche, on sera obligé d'aller à lamesse? Ceux qui voudront y aller, iront, cela nenous regarde pas; ceux qui ne voudront pas y aller,feront ce que font la plus grande partie des ouvriersqui actuellement ne travaillant pas le dimanche: ilsn'iront pas.

On peut essayer d'opérer une révolution mo-rale lorsqu'il s'agit d'obtenir un résultat utile, maisce serait perdre son temps et sa peine que devouloir changer le jour unanimement considérécomme le jour de récréation, et les prolétaires ontbesoin d'économiser leur temps et leurs peinespour les employer à des campagnes plus utiles quecelle-ci. Et il ne faudrait pas peu d'efforts pourdétourner au profit d'un autre jour, la faveur dontjouit le dimanche.

Tous, nous ferions volontiers une campagne depropagande morale, si nous espérions réussir, pourdétruire le fléau de l'alcoolisme, mais nous ne nousamuserions pas à persuader aux alcooliques qu'ilsdoivent s'abrutir avec tel produit plutôt que des'empoisonner avec tel autre, le jeu n'en vaudraitpas la chandelle. De même nous voulons bienconsacrer nos efforts à faire adopter un jour derepos hebdomadaire, mais ce point acquis, nouspasserons à un autre ordre de revendications plutôtque de nous épuiser à faire remplacer le dimanchepar le vendredi; là non plus le jeu n'en vaudrait pasla chandelle.

La faiblesse même des arguments desadversaires du dimanche nous dispense de luttercontre eux. Lorsqu'à la Chambre des Députés ondiscuta, en 1891, la proposition de loi tendant àréglementer le travail des femmes et des enfants,des amendements furent proposés pour fairedéclarer le dimanche le jour uniforme de reposhebdomadaire.

Les promoteurs de ces amendements faisaientobserver que la loi du 19 mai 1874, votée pourréglementer le travail des enfants et des fillesmineures, avait édicté un jour de repos par semaineet fixé ce jour au dimanche. Le Président de laCommission répondit que c'était là «demander àla Chambre de faire tout à la fois un acte de con-fession religieuse et un acte de contrition». Bel ar-

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gument bourgeois, dont l'effet est de n'accorder,sous prétexte d'anticléricalisme, qu'une demi-réforme à la classe ouvrière.

Ces procédés de discussion sont actuellementlaissés au musée historique des armes grotesqueset démodées, et les socialistes qui ne passent paspour être des cléricaux, sont, en général, partisansdu repos du dimanche.

Le Conseil Municipal de Paris, dans sa séancedu 28 décembre 1890, supprimait le travail dudimanche pour les ouvriers égouttiers de la capitale.Et dans le cours de la discussion, le rapporteur, M.Vaillant, pouvait ajouter: «Ici nous sommes touspartisans du repos du dimanche» sans qu'aucunevoix s'élevât pour le contredire (7).

Les socialistes allemands ont déposé depuisplusieurs années un projet tendant à interdire touttravail les dimanches et jours de fête (8).

Nécessité de l’intervention législative:

Il nous reste à étudier le meilleur moyen d'obtenirle repos hebdomadaire.

L'initiative des prolétaires peut-elle suffire oudevons-nous l'aire appel à l'intervention de la loi? Anotre avis, l'intervention législative est indispensa-ble.

Il est évident tout d'abord que le salarié isolé nepeut rien pour l'amélioration de son sort, LeSyndicat sera-t-il plus heureux? Dans certaines in-dustries fortement centralisées, où les ouvriers sontgroupés par masse, le Syndicat peut avoir parfoischance de réussite; les ouvriers travaillant côte àcôte prennent l'habitude de se sentir les coudes;ils se voient constamment, ils causent entre eux,ils devinent la communauté de leurs intérêts. De làà la compréhension de la nécessité del'organisation la distance est vite franchie.

C'est le cas pour les chemins de fer, les mines,certains établissements métallurgiques, les tram-ways et omnibus, les manufactures de tissage oude filature, etc.

Ces circonstances favorables pourront peut-êtrepermettre aux ouvriers de ces industries de sesyndiquer en assez grand nombre pour imposerleurs revendications aux patrons. Et encore faut-iltenir compte de ce fait que c'est également dansces branches du travail que les employeurs, à leurtour, peuvent le plus facilement se grouper et op-poser aux Syndicats ouvriers de puissantsSyndicats patronaux.

Entraves qui gênent l'action syndicale danscertaines corporations, et en particulier danscelle des employés.

Mais l'ensemble des industries ne présente pas

encore ces conditions avantageuses pourl'organisation ouvrière.

C'est le cas, notamment, de la corporation quinous intéresse le plus, particulièrement celle desemployés. Les employés sont disséminés dans untrop grand nombre de maisons; ils travaillent biensouvent par un, par deux, par trois, par cinq ou sixau plus. Les employés d'une maison neconnaissent pas ceux de la maison d'en face. Aussiest-il difficile que l'idée du syndicat germe en eux.

Alors même qu'ils seraient groupés dans uneassociation considérable, cette association devaits'adresser à un trop grand, nombre d'employeurspour se faire écouter d'eux. Ceux-ci savent bienque la quantité des employés sans place estinnombrable et inépuisable, puisque chaque annéeles écoles primaires supérieures et les courscomplémentaires publics, qui sont fréquentés par55.951 élèves (9) déversent sur le marché du tra-vail des légions d'aspirants-employés, sans parlerdes établissements d'enseignement secondaire, nisurtout des écoles primaires publiques ou privées,dont 5.540.095 élèves (10) peuvent, pour une bonnepart, faire d'excellents employés, sans subir,comme dans d'autres professions unapprentissage long et onéreux pour les parents. Ily a là une réserve considérable de candidats auxplaces du commerce ou des administrationsfinancières, dans laquelle les patrons pourronttoujours puiser, pour y prendre des machines à tra-vail plus dociles que les employés syndiqués.

Une autre cause encore rend l'action syndicaleplus difficile pour les employés que pour la plusgrande partie des autres salariés, c'est la différencede situation qui existe entre les employés d'unemême maison.

Il y a certains établissements considérables,comme les grands magasins de nouveautés oud'épicerie, ou encore les bazars importants, quioccupent des dizaines, des centaines et parfois desmilliers de salariés. Il semble que dans ces maisonsle recrutement syndical devrait rencontrer des con-ditions exceptionnellement favorables, analoguesà celles des grandes compagnies de transport. Oncompte sans cette particularité que les employéssont savamment hiérarchisés, parqués en descatégories échelonnées, dans lesquelles on passeau choix, à la faveur ou à l'ancienneté. Ceux qui

(7) César Caire: La législation, sur le travail industrieldes femmes et des enfants, Paris, 1896, p.176.

(8) Rapport de la commission parlementaire du travail,p. 240.

(9) Annuaire de l'enseignement primaire pour l'année1897, p. 514 et 515.

(10) Ibid., p. 514.- 95/170 -

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ont obtenu un certain avancement hésitent àadhérer aux syndicats, de crainte que cettedémarche ne soit connue de leurs patrons et neleur lasse perdre leur situation avantageuse ; qu'ilssoient chassés de la maison dans laquelle ilstravaillent, et ils seront obligés de recommencer lafilière dans la nouvelle maison ou ils entreront.

En outre, cette différence des conditions faitperdre aux employés le sentiment de la solidaritéqui est si fort chez certains prolétaires.Inconsciemment, les vieux employés, les sous-chefs et chefs de service, de bureau ou de rayonse considèrent comme les supérieurs de leurscamarades de servitude, et ils se déciderontdifficilement à faire cause commune avec eux.

Si donc l'on n'attendait que du développementdes Syndicats l'adoption du repos hebdomadaire,quelques prolétaires pourraient sans doute l'obtenir- une bonne partie en jouit déjà - mais pour un trèsgrand nombre cette amélioration de leur sort devraitêtre rangée dans la catégorie des utopies dont ilest impossible de prévoir l'époque de réalisation.

Répugnance de certains prolétaires à faireappel à l'intervention de la loi:

Néanmoins, il y a certains employés salariésqui, de parti-pris, sont les adversairessystématiques de l'intervention de la loi dans lesconditions du travail.

Les politiciens, disent-ils, sont, par définition, lesadversaires de la classe ouvrière. Peut-être, ons'adressant à eux, pourra-t-on obtenir, après avoirdéployé des efforts prolongés et considérables,quelques améliorations de détail, mais ces résultatsne sont rien relativement au but que nouspoursuivons, l'émancipation totale de la classeouvrière, et ce but, nous ne pourrons l'atteindre quepar une résolution préparée par l'actionexclusivement corporative.

Sans doute, jusqu'ici, les hommes politiques sesont montrés indifférents au sort du prolétariat. Est-ce à dire qu'ils n'ont pas défendu les intérêts deceux qui les avaient fait élire? Au contraire. S'ilsn'ont réussi à arriver au pouvoir que grâce auconcours des voix ouvrières, ce concours atoujours été irréfléchi. Les prolétaires donnent leursvoix, puis se désintéressent de la conduite de leursélus; les bourgeois, au contraire, forment descomités locaux composés des banquiers, desindustriels, des commerçants de la circonscription;ils restent constamment en communication avecles gouvernants et leur dictent leurs ordres. C'estainsi que, fidèles défenseurs des intérêts de leursmandants, les députés des régions agricoles sontprotectionnistes, ceux des villes commerçanteslibre-échangistes, ceux des centres industriels mi-

protectionnistes mi-libre-échangistes, car les grosindustriels ont besoin de l'entrée en franchise desmatières premières et de la protection des produits^fabriqués.

Que les ouvriers imitent les bourgeois, qu'ilsrédigent leurs cahiers du travail, qu'ils soumettentleurs revendications aux candidats en faisant del'acceptation de ces réclamations la condition in-dispensable de leurs votes, et les élus réfléchirontdeux fois avant de repousser systématiquementtoutes les réformes ouvrières. N'est-ce pas à cettetactique que les employés des Chemins de fer ontdû, dans ces trois dernières années, le premier rejetdu projet de loi Trarieux et l'adoption de la caissedes retraites?

N'est-il pas évident que le repos du dimancheserait prochainement voté si l'ensemble duprolétariat en faisait l'article premier de sesrevendications?

Car c'est là une question qui ne soulève aucuneopposition chez les travailleurs; il n'y aurait pas dediscussion de doctrine à entamer entre camarades,mais seulement un problème de propagande et detactique à résoudre.

Agir ainsi, ce ne sera pas mélanger l'actionpolitique et l'action syndicale; ce sera seulementfaire de l’action syndicale complète, intelligente etpratique. Certes, le repos du dimanche n'est qu'unepartie de nos revendications. Notre but, à la plupartd'entre nous, est de transformer l'organisationsociale actuelle, et il est possible que pour atteindrece résultat nous devions préparer une révolutionouvrière et non agir sur les politiciens. Mais là n'estpas la question.

Voulons-nous, oui ou non, obtenir le reposhebdomadaire? Si nous estimons que nous devonsnous occuper exclusivement de la suppression durégime capitaliste, si longue que doive être cettesuppression, n'en parlons plus; mais si nouspensons que la révolution sociale peut se faireattendre encore et que, d'ici là, nous avons intérêtà jouir du repos hebdomadaire, faisons lenécessaire, nous ne devons cependant pas perdrede vue que plus le travailleur a de loisir, plus il peutse préparer intellectuellement à cette Révolution.

Impuissance de l'action exclusivement cor-porative et à laquelle manque la sanction de laloi.

Des essais ont déjà été tentés pour obtenir lerepos hebdomadaire par la seule force de l'actionouvrière; ces efforts ont été infructueux.

On se rappelle l'agitation suscitée par lesemployés de Bordeaux, de Toulouse, de Nice, il ya deux ou trois ans, pour faire fermer les magasinsle dimanche. A un moment, l'effervescence devint

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si violente que les patrons durent céder, maislorsqu'elle fut un peu calmée, un patron commençaà rouvrir pour attirer la clientèle, puis deux, puistrois, et finalement les nécessités de la concurrenceobligèrent toutes les maisons de commerce àrester, comme précédemment, ouvertes tous lesjours de la semaine.

Il faudrait recommencer tous les ans, maiscomme généralement les initiateurs de cesagitations sont arrêtés et emprisonnés et quel'emprisonnement se traduit pour eux par la pertede leur travail et la misère de leur famille, ils netrouvent plus d'imitateurs, on n'ose pas récidiver.

L'impuissance de l'initiative individuelle estdémontrée par la déposition faite devant la Com-mission parlementaire du travail par lesreprésentants du Syndicat mixte du tissu de Mar-seille? Ce Syndicat comprend 50 patrons et 70ouvriers; on ne saurait donc l'accuser de tendancessocialistes. Voici d'ailleurs le début de la déclarationde ce groupement: «Le but du Syndicat est de fairequ'au lieu de se haïr et de s'entre-déchirer, patronset ouvriers se connaissent, s'entr'aident ets'entendent fraternellement».

Ce Syndicat avait formé une ligue pour le reposdu dimanche. «Nous désespérons, disent lesdélégués, de pouvoir jamais, par notre influencepersonnelle, imposer le repos hebdomadaire. Noussollicitons l'intervention de l'Etat sur ce point; il asuffi, en effet, du refus de deux ou troiscommerçants de la rue Saint-Ferréol pour faireéchouer la tentative» (11).

Il est évident que le repos du dimanche ne peutêtre établi si tous les négociants, sans exception,ne ferment pas leur magasin, à cause de la con-currence à laquelle se livrent les commerçants.

Ces mêmes délégués ajoutent, comme pourtémoigner de la mauvaise volonté des employeursà accorder le moindre repos à leurs salariés: «A lagare, on retient dans les bureaux, le dimancheaprès midi, des employés qui n'ont pour ainsi direrien à faire».

C'est que, moins les employés ont de loisirs,moins ils peuvent s'entendre pour obtenir denouvelles améliorations à leur sort.

On cite toujours les ouvriers anglais pourprouver que l'action syndicale, à l'exclusion del'intervention législative, peut permettre auprolétariat de faire aboutir ses revendications.

Or, voici ce que déclarait M. Ricard, le présidentde la Commission parlementaire du travail: «Malgréles résultats qu'ont obtenus les Trades-Unions enAngleterre au point de vue de la durée du travail, àl'heure actuelle, les associations anglaises tendentelles-mêmes de plus en plus à réclamerl'intervention de la loi» (12).

Qui ne se souvient de l'échec auquel a abouti leplus merveilleux effort corporatif qui ait encorejamais été tenté: la grève des mécaniciens anglaisen 1897? A la suite de cet échec, les mécaniciensanglais ont décidé de s'adresser aux pouvoirs pub-lics pour obtenir la journée de huit heures.

M. Pierre Leroy-Beaulieu nous donne,dans sonétude sur les nouvelles sociétés anglo-saxonnes,une nouvelle preuve de la nécessité de l'interventionlégislative dans les questions du travail: «Le granddesiderata du prolétariat, la journée de huit heures,est en vigueur en Australie dans la plupart desmétiers et a été réalisé par les seuls efforts desSyndicats, sans aide législative. La rareté desouvriers habiles pendant la grande période desmines d'or a favorisé les hauts salaires et lescourtes journées de travail. Les Trades-Unions sesont trouvées ensuite assez fortes pour maintenirces conditions et y ont été encore aidées parl'inflation générale qui a signalé la grande périodede prospérité, en partie factice, de l'Australie de1871 à 1892. Pendant ce temps, il n'a pas étéintroduit dans ce pays moins de 7 milliards 290millions de capitaux européens. Les salaires sontrestés très élevés malgré les courtes journées, lessimples manœuvres gagnant 8 à 9 fr. par jour; lesSyndicats ne rencontraient que peu de résistanceet en profitèrent pour assurer leur puissance.

Ils voulurent la mettre à l'épreuve en 1890-91,mais les grandes grèves qu'ils organisèrent alorsdans les industries maritimes et parmi les mineursdes houillères de la Nouvelle-Galles du Sudéchouèrent complètement. Le malaise résultantdes excès de spéculation se faisait déjà sentir; lesindustriels, gravement menacés cette fois,s'unirent,et les grévistes durent renoncer à leursprétentions. C'est depuis lors que... des mesureslégislatives d'un caractère socialiste prononcé ontété prises par les divers gouvernements!» (13).

Ainsi les efforts des Syndicats peuvent obtenir,lorsqu'ils sont favorisés par des circonstancesheureuses, quelques améliorations; mais dès queles patrons redoutent de plus grandes exigencesouvrières, ils se syndiquent à leur tour nonseulement pour résister aux nouvellesréclamations, mais pour reprendre les anciennesconcessions qu'on leur avait imposées.

Comment on pourra s'arranger pour que lejour uniforme de repos ne soit pas un jourd'ennui:

Sans doute, la loi devra être assez élastique pouréviter, comme nous l'avons déjà dit, que le jour derepos ne soit un jour d'ennui par suite del'interruption des moyens de circulation et de la

(11) Rapport de la Commission parlementaire du Travail, p. 238. (12) Ibid. p. 334. (13) Ibid. p. 240.- 97/170 -

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fermeture des lieux de récréation; mais, encore unefois, ce sont là des questions de détail qui n'infirmenten rien le principe et qui seront aisément résoluesaprès consultation des Syndicats intéressés.

Voici, par exemple, une solution proposée parla “Ligue populaire marseillaise pour le repos dudimanche”, dans sa lettre à la Commissionparlementaire du travail:

«Les Compagnies de Chemins de fer pourraientne faire exécuter le dimanche, sur les voies et dansles ateliers, que les travaux les plus urgents; ellespourraient fermer ce jour-là les gares de petitevitesse et diminuer, autant que possible, le nombredes trains de marchandises, de façon à ce que leursouvriers et employés aient au moins ce qu'ontobtenu déjà, par décision du Conseil d'Etat, leurscollègues de Suisse, c'est-à-dire 52 jours de reposannuel, dont 17 dimanches.

«Des essais faits, il y a quelques années, à lagare de la petite vitesse de Nîmes, ont permisd'açcorder au personnel de cette gare un dimanchede repos sur deux, et encore, ce dimanche derepos, les employés n'ont été retenus que pendantla matinée.

«Sans demander que l'Administration desPostes, prenant exemple sur l'Angleterre et lesEtats-Unis, ne distribue aucun courrier du samedisoir au lundi matin, ne pourrait-elle pas réduire ledimanche les heures de bureau, puis le nombredes levées de boites et de distribution (14), ou nedistribuer le dimanche que moyennant taxesupplémentaire?».

Toutefois, si nous sommes disposés à accepterdans la loi en perspective toutes les restrictionsnécessitées par le souci de la production et lapréoccupation de ne pas interdire tous divertisse-ments aux ouvriers pendant leur unique journée derepos, nous devrons exiger pour tous lesétablissements qui profiteront des exceptions,l'obligation d'accorder à leurs ouvriers un jour derepos par semaine, à déterminer d'après un tab-leau de roulement et nous devrons veiller à ce queces exceptions ne soient pas nombreuses au pointde détruire complètement la portée de la loi. Sinon,nos gouvernants renouvelleraient la plaisanterie àlaquelle ils se sont livrés à propos de la loi du 2novembre 1892. L'article 7 était ainsi conçu:

« L'obligation du repos hebdomadaire (pour lesfemmes et les enfants) et les restrictions relativesà la durée du travail peuvent être temporairementlevées par l'inspecteur divisionnaire, pour certainesindustries à désigner par un règlememtd'administration publique».

Or, voici l'énumération des industries que ledernier décret réglementaire du 26 juillet 1895,

appelle au bénéfice des exceptions prévues parl'article 7:

1- Ameublement, tapisserie, passementeriepour meubles;

2- Bijouterie et joaillerie;3- Fabriques de biscuits employant le beurre

frais;4- Blanchisserie de linge fin;5- Briqueterie en plein air;6- Brochage des imprimés;7- Broderie et passementerie pour confections;8- Fabriques de cartons pour jouets, bonbons,

cartes de visite, rubans;9- Confection de chapeaux en toutes matières

pour hommes et femmes;10- Confection de corsets;11- Confection, coutures et lingeries pour

femmes et enfants;12- Confections pour hommes;13- Confections en fourrures;14- Conserves de fruits et confiseries, conserves

de légumes et de poissons;15- Corderies en plein air;16- Fabriques de couronnes funéraires;17- Délainage des peaux de moutons;18- Dorure pour ameublements;19- Dorure pour encadrements;20- Extraction des parfums de fleurs;21- Fleurs et plumes;22- Imprimeries typographiques;23- Imprimeries lithographiques;24- Imprimeries en taille douce;25- Fabrique de jouets, bimbeloterie, petite

tabletterie et articles de Paris;26- Transformation du papier, fabrication des

enveloppes, du cartonnage des cahiers d'école,des registres, des papiers de fantaisie;

27- Papiers de tenture;28- Reliure;29- Réparations urgentes de navires et de ma-

chines motrices;30- Teinture-apprêt, blanchiment-impression,

gauffrage et moirage des étoffes;31- Tissage des étoffes de nouveautés

destinées à l'habillement;32- Tulles, dentelles et laines de soie.Par de si nombreuses exception, un pareil

règlement ne décrète-t-il pas presque l'abrogationde la loi en ce qui concerne le repos hebdomadaire?Là encore la vigilance des Syndicats aura às'exercer, et pour qu'elle puisse agir efficacement,nous voudrions nous efforcer, tant que subsisterale régime économique actuel, dont le salariat est làconséquence, de faire pénétrer des représentantsdes organisations corporatives dans le Conseil

(14) Pierre Leroy-Beaulieu: Les nouvelles Sociétés anglo-saxonnes, p.148, 149.

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d'Etat, qui prépare souvent les lois ouvrières et quifait rédiger les règlements d'administration publiqueconcernant les conditions du travail, ainsi que dansle Conseil supérieur du Travail et dans le Servicede l'Inspection qui surveillent l'exécution, de ceslois et de ces règlements.

Aujourd'hui, la classe prolétarienne n'est pasreprésentée dans ces organismes, Les Conseillersd'Etat, les membres de la Commission supérieuredu Travail et les inspecteurs sont nommésexclusivement par le Gouvernement. Nul doutequ'ils ne rempliraient mieux leur mission desauvegarde des intérêts ouvriers si les salariésconcouraient à leur élection et à leur recrutementdans une grande mesure.

Les pouvoirs publics eux-mêmes ont déjàreconnu la nécessité de l'intervention législative;

L'utilité de l'intervention législative pour cettequestion n'a pas besoin d'être plus longuementdémontrée. Elle commence d'ailleurs à être de plusen plus admise par les bourgeois eux-mêmessous l’influence du courant d'idées créé par les or-ganisations ouvrières. Témoin le début du rapportfait par M. Dron au nom de la Commissionparlementaire du Travail, et auquel nous avons déjàfait de si nombreux emprunts:

«La réglementation du travail des adultes est lecorollaire, le complément obligé de celle quiconcerne les femmes et les enfants. Quand laCommission a étudié séparément cette dernière,quand elle s'est occupée tout d'abord des faibleset des enfants mineurs, c'est que ce mode de divi-sion de ces travaux lui a paru le meilleur procédéparlementaire pour aboutir à un résultat qu'elle serésignait à accepter partiel, afin qu'il fût positif etrapide» (15). Et comme conclusion à ce rapport, laCommission présentait, le 26 juin 1893, un projetde loi dont un article nous intéresse plusparticulièrement:

«Art. 4: Les ouvriers ne peuvent être employésplus de six jours par semaine, ni les jours de fêtereconnus par la loi, même pour rangementd'atelier».

Il y aurait lieu de provoquer la reprise de ce projetqui dort depuis cinq ans dans les cartons duParlement, en l'étendant à toutes les catégories detravailleurs et en y ajoutant la stipulation dudimanche.

L'obligation du repos hebdomadaire n'estpas incompatible avec les mœurs et leshabitudes du public:

Quelques adversaires inconvertibles ou

quelques timorés essaieront peut-être de nousdétourner de notre but en nous faisant observerque, les lois ne sont pas applicables si elles ne sontpas en conformité avec les mœurs et que tout lemonde étant habitué à trouver la plus grande partiedes magasins ouverts le dimanche, leur fermeturece jour-là provoquerait une gêne contre laquelle lesprotestations seraient nombreuses.

Ces prédictions pessimistes sont prononcéeschaque fois qu'on propose une réforme efficace,N'annonçait-on pas, alors que la loi sur la limitationdu travail des femmes et des enfants était en dis-cussion, que l'industrie serait ruinée, que lessalaires baisseraient, que les enfants feraient lesvoyous pendant les heures où l'on empêcherait leurpatron de les faire travailler? On sait que lesrésultats ont été tout autres, et que si quelquesplaintes ont été formulées au début, avant qu'on aitpu se rendre compte des avantages de cette loi,elles n'ont pas tardé à cesser. M. Caire, qui a publiéune étude intéressante sur la loi de 1892, rendcompte en ces termes de ses effets:

«En ce qui concerne le travail de nuit, le rapportde la Commission supérieure du travail, pourl'année 1893, est très satisfaisant. On se rappelleavec quelle ardeur les députés des Vosges avaientprotesté contre la suppression du travail de nuit desfemmes. Il était intéressant de savoir quels avaientété dans cette région les résultats de la loi. Or, voicice que dit dans son rapport l'inspecteur de laquatrième circonscription:

«Dans le département des Vosges où l’oncomptait l’année dernière une vingtaine de filaturesde coton marchant jour et nuit, on n'en trouve plusmaintenant que cinq ou six qui continuent avec deshommes de plus de dix-huit ans... Il est probableque d'ici peu de temps, le travail de nuit aura cessépour le plus grand bien de la classe ouvrière.

«Les patrons sont arrivés à se passer des ser-vices des enfants et des femmes la nuit, enaugmentant leurs métiers de préparation, cela aété pour eux l'occasion de grandes dépensesdevant lesquelles ils n'ont pas reculé, afin de nepas diminuer la production.

«Et ce que le rapport de la Commission constatepour les filatures de coton des Vosges, il le constateaussi pour les peignages de laines du Nord et de laMarne, les filatures et les ateliers de cardage de lalaine du Tarn, de l'Aude, de l'Isère, les stéarineriesde Marseille, les fabriques de lacets de Saint-Chaumond» (16).

Du reste, l'exemple de certains pays étrangersnous permet de présager que l'on s'habitueraaisément au repos du dimanche.

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(15) Rapport de la Commission parlementaire du Travail, p. 192.

(16) César Caire: La Législation sur le travail des femmes et des enfants. Paris 1896, p. 274, 275.

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M. Pierre Leroy-Beaulieu, que nous avons déjàcité, écrit, dans son livre sur les nouvelles Sociétésanglo-saxonnes:

« En Australie, le travail du dimanche est interdit.De plus, les boutiques et magasins doivent êtrefermés, en outre, une demi-journée dans lasemaine. Ce jour-là, tous les magasins et boutiquesdoivent être fermés à une heure; sont exemptées,les boutiques tenues par des Européens où eux etleurs enfants sont seuls employés, et où l'on selivre à quelques commerces spéciaux: fruiterie,pâtisserie, etc...» (17).

Nécessité pour tous les travailleurs d'agir deconcert, s'ils veulent obtenir le reposhebdomadaire:

Maintenant que nous avons traité la partiethéorique, il nous reste à indiquer la manière dontdoivent procéder les employés principalementintéressés, pour obtenir ce repos du dimanche.

A notre avis, ils ont peu de chance de réussir,s’ils se fient à leurs seules forces.

Nous avons déjà montré les circonstancesdéfavorables dans lesquelles ils se trouvent et quiapportent de si nombreuses entraves à l'extensionde leurs groupes corporatifs. Or, sans Syndicatspuissants, pas de propagande possible; sanspropagande, pas d'agitation; sans agitation, pasd'action sur le public ni sur le pouvoir.

La faiblesse des employés livrés à eux-mêmesest manifestée par ce fait qu'aucune des loisouvrières déjà votées ne leur est applicable.

La loi du 19 mai 1874 réglementait le travail desenfants au-dessous de 16 ans et des filles mineuresde 16 à 21 ans. L'art. 5 de cette loi accordait auxpersonnes protégées un jour de repos par semaine,et l'art. 1er déclarait expressément que la loi n'étaitapplicable qu'aux enfants et aux filles mineuressoumis à un travail industriel. Les enfants et lesfilles mineures employés dans les bureaux ou dansles magasins étaient donc exclus du bénéfice dela loi.

De même, la loi du 10 novembre 1892, qui acomplété la loi de 1874, n'est pas applicable auxemployés. L'art. 1er est ainsi conçu: «Le travail desenfants, des filles mineures et des femmes dansles usines, manufactures, minières et carrières,chantiers et ateliers et leurs dépendances, dequelque nature que ce soit, publics ou privés,laïques ou religieux, même lorsque cesétablissements ont un caractère professionnel ou

de bienfaisance, est soumis aux obligationsdéterminées par la présente loi». Et il ressort de ladiscussion qu'on ne s'est occupé que du travailindustriel, non de celui des bureaux et magasins.

«Dans l'énumération limitative de l'art. 1er nefigurent ni les bureaux, ni les boutiques, ni lesmagasins...

«Un amendement qui tendait à englober les bu-reaux dans l'énumération des établissements visésfut d'ailleurs repoussé. L'intention du législateurn'est donc pas douteuse sur ce point. Elle ne l'estpas davantage en ce qui concerne les magasins,car cet amendement les visait également.

« C'est dans la séance de la Chambre du 5 juillet1890 que M. Dumay déposa cet amendement. Bienque l'amendement fût repoussé par la Commis-sion et par la Chambre, M. Dumay ne se tint paspour battu, et le 27 janvier 1891, il déposait denouveau le même amendement, qui fut repoussépar une majorité plus forte que la première fois»(18).

Enfin, le projet de loi de 1893, dont nous avonsparlé plus haut et qui n'est pas encore voté, nes'occupe pas davantage des employés.

«Le travail des ouvriers adultes dans les usines,manufactures, mines, minières et carrières,chantiers et ateliers, est soumis aux obligationsdéterminées par la présente loi. - Les conditionsde travail pour les employés de magasins et pourle personnel attaché à l'exploitation des entreprisesde transport seront fixées par une loi spéciale» (Art.1er).

Cependant il y a en France, d'après unestatistique de 1891, 920.000 employés (18), il estvrai que dans ce nombre sont compris les employésdes transports qui exercent une professiondéterminée et ne peuvent guère par suite êtrecomptés parmi les employés proprement dits; maisil y a en outre 450.000 ouvriers et journaliers decommerce (19) dont la plupart sont des employésdans le sens habituel du mot.

Mais encore une fois, la situation particulière desemployés ne leur permet pas d'exercer une influ-ence qui soit en rapport avec leur importancenumérique.

Puisque le repos hebdomadaire produira deseffets aussi bienfaisants à l'égard des ouvriers quedes employés et que d'autre part, les ouvriers aussibien que les employés souhaitent de pouvoir jouird'un jour de plaisir par semaine, il est évident queles employés doivent faire appel aux ouvriers etles inviter à se solidariser avec eux pour la

(17) Pierre Leroy-Beaulieu: Les nouvelles Sociétés anglo-saxonnes, Paris 1897, p.173-174.

(18) César Caire: La Législation sur le travail des femmes et des enfants, p.112.

(19) A. Hamon; Le Socialisme et le Congrès de Londres, Paris 1897, p.201.

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propagande à faire.Cette entente est d'autant plus nécessaire que

les patrons invoquent les exigences du public pourjustifier le travail ininterrompu. Or, tous les salariésen tant que consommateurs, font partie du public,c'est à eux qu'il appartient de prendre l'initiative dela réforme que le repos hebdomadaire exigeraitdans les habitudes. Ils doivent donc s'abstenir dese rendre complices du surmenage. Lorsque cemouvement se sera généralisé et que le public aurapris l'habitude de ne pas s'adresser auxcommerçants le dimanche, la question aura fait ungrand pas, et le pouvoir législatif ne pourra pas serefuser à sanctionner un usage établi et à imposeraux réfractaires qui, quel que soit leur petit nombre,suffiraient comme nous l'avons démontré plushaut, à faire avorter la réforme, l'obligation decoopérer à cette œuvre d'utilité publique.

Au point de vue de l'action syndicale proprementdite, le Congrès doit décider que le reposhebdomadaire soit un des principaux objectifs del'agitation ouvrière jusqu'à sa réussite.

Ici se pose une question délicate. Puisque lesorganisations corporatives ont décidé de séparerl'action syndicale et l'action politique, ne devraient-elles pas, lorsqu'elles sont d'accord avec d'autresgroupements sur certaines revendicationsexclusivement ouvrières, leur proposer de fairecampagne commune sur ces points spéciaux? Parexemple toutes les Associations d'employés sontpartisans du repos du dimanche. Pourquoi lesSyndicats ne les inviteraient-ils pas à mettre de leurcôté cette question à leur ordre du jour? Il n'y auraitpas pour cela fusion des deux éléments; nousn'agirions ensemble ou plutôt parallèlement que surcette question particulière et sur les autres pointsnous marcherions chacun de notre côté. L'exemplede la Suisse nous a montré les résultats quepouvait obtenir une pareille tactique.

D'ailleurs le contact avec d'autres éléments danscertains cas particuliers ne peut avoir pour nousque des conséquences heureuses. Les Syndicatscatholiques eux-mêmes commencent à prendreconscience de la solidarité de classe qui doits'établir entre salariés, le Congrès de Reims del'année dernière a été une manifestation si éclatantede cet état d'esprit qu'il a provoqué les protesta-tions de certains fondateurs de ces Syndicats.

En nous mettant en relation avec toutes les or-ganisations s'intéressant au repos hebdomadaire,nous aurions chance de déterminer complètementce mouvement qui n'est encore qu'à l'état detendance, et d'inviter ces groupements à faire dèplus en plus souvent cause commune avec nous.

Dans tous les cas, c'est là un point de vue quenous nous bornons à indiquer et qui mérite,croyons-nous, d'être étudié. C'est aux Congrès

ouvriers qu'il appartient de décider dans quellesmesures et dans quelles conditions les Associa-tions ouvrières pourront prendre contact avec lesautres Associations.

Lorsque les organismes corporatifs duprolétariat auront décidé que le repos hebdomadaireest une des questions autour desquelles on doitfaire la plus vive propagande, chaque groupementprofessionnel aura à agir auprès des travailleursde sa corporation; par exemple les employésdevront d'abord faire appel à tous les groupementsd'employés quels qu'ils soient: Syndicats de pro-vince, Sociétés de Secours mutuels, Cercles, etc...et les inviter à faire une active propagande en faveurdu repos du dimanche.

Ils pourront organiser de nombreuses réunionsde quartiers dans Paris et dans la banlieue, et dansces réunions insister spécialement sur le reposhebdomadaire; ces réunions leur procureront denouveaux adhérents, et lorsque, grâce à cesrecrues, leur caisse de propagande aura étésuffisamment alimentée, il leur sera permis d'ajouterà la propagande par la parole, la propagande parl’écrit, au moyen de brochures et de passe-partoutqui seront mis à la disposition de chacun d'eux etqu'ils distriburont à leurs camarades de travail.

La même tactique ou à peu près pourra êtreobservée par les autres corporations.

Il est évident, en effet, que l'agitation aura unretentissement bien plus considérable, si elle estmenée par l'ensemble du prolétariat que si elle estprovoquée par les seuls employés; que l'on penseà la force dont disposent les Syndicats avec leurs-organismes qui s'étendent sur le pays entier:Fédérations de métiers, Bourses du Travail, Conseilnational Ouvrier, Fédération des Bourses du Tra-vail et Confédération générale du Travail, et l'oncomprendra, vu les questions qui intéressent lestravailleurs, qu'elles seront vite résolues lorsque laclasse ouvrière se sera mise d'accord sur lamarche à suivre pour faire aboutir sesrevendications.

En admettant même que les premièrestentatives en faveur du repos hebdomadaire pourtous ne soient pas suivies d'un succès immédiat,les organisations ouvrières pourront profiter detoutes les circonstances offertes par les débatsparlementaires pour remporter des victoirespartielles qui seront autant d'acheminements versle triomphe final. Elles n'auront qu'à intervenirchaque fois que des projets de loi concernant lesdifférentes branches du travail seront discutées.

Proposera-t-on des modifications aux tarifsdouaniers? Le prolétariat organisé demandera queles salariés employés dans les industriesintéressées jouissent du repos du dimanche,Discutera-t-on sur l'opportunité d'accorder des

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primes à certains producteurs, fabricants de sucre,raffineurs, sériciculteurs ou autres? Il se remuerapour faire insérer une clause en faveur du reposhebdomadaire pour les ouvriers occupés par cespatrons.

Etudiera-t-on un projet de réforme des patentes?Il rappellera aux législateurs que les intérêts des

employés méritent autant de sollicitude que ceuxdes grands et des petits commerçants, et il leurdemandera d'imposer aux employeurs l'obligationd'accorder un jour de liberté par semaine à leursesclaves blancs.

Ce sera là autant d'escarmouches qui tiendrontl'opinion publique en haleine et qui rappelleront auxcapitalistes que leurs salariés réclament desaméliorations à leur sort. Et, puisqu'une questionn'est pas résolue avant d'avoir été souvent poséeet discutée, ces interventions incessantes hâterontl'heure de la solution.

Syndiquez-vous! Faites syndiquer vos amis!Mais, pour que les organisations ouvrières

fassent entendre leur voix, il faut qu'elles soientfortes.

On ne peut pas comparer l'influence d'unSyndicat de 200 ou 300 membres à celle d'unSyndicat qui groupe 200 ou 300 salariés.

De plus, une campagne efficace ne peut pas sefaire sans munitions abondantes, et les seules mu-nitions dont disposent les groupes corporatifs, cesont les cotisations de leurs adhérents. Aussidemandons-nous à tous les ouvriers, les employésqui ont conscience de leur, servage et qui ont assezde dignité pour désirer sortir de cette situation, de,se. joindre à nous et de nous apporter leur, concours,si certaines circonstances particulières à leur pro-fession rendent, comme nous l'avons expose plushaut, le recrutement plus difficile pour les Syndicatsd'employés que pour nous autres, c'est une raisonde plus pour que les employés, convaincus del'importance du groupement, triomphent de cespetites difficultés et se rangent sous les plis dudrapeau syndical. Si tous les cerveaux intelligentset tous les cœurs résolus viennent à nous, nousserons assez forts, nous n'avons pas besoin desesprits timorés.

Nous leur demandons aussi, puisque l'actionouvrière est plus énergique lorsqu'elle est menéepar toute une classe organisée que par un Syndicatisolé, de faire autour d'eux une continuellepropagande syndicale; quelle que soit la professionde votre voisin, de votre ami, de votre parent, qu'ilsoit mécanicien, manœuvre, garçon épicier oumaçon, conseillez à votre voisin, à votre ami, à votreparent d'adhérer au Syndicat de sa corporation.

Dans les relations d'employés à employeurs,les considérations de justice ou d'équité sontvaines, seule, la force importe. Jusqu'ici, nous

avons été les plus faibles; nos patrons nous ontécrasés, devenons forts, agglutinons nos grainsde poussière en un rocher indestructible, et nousimposerons nos revendications.

Le repos hebdomadaire ne sera que la premièrede nos conquêtes; le succès appelle et prépare lesuccès. Lorsque nous jouirons du repos dudimanche, il nous sera plus aisé de nous connaîtreet de nous entendre pour réclamer et obtenir tousnos droits:

La fixation d'un minimum d'heures de travail;La suppression du salaire journalier et un mini-

mum d'appointements mensuels;La suppression des amendes;La suppression des bureaux de placement;L'extension de la juridiction des prud'hommes.Toutes les réformes, en un mot, qui nous

donneront un bien-être proportionné au travail quenous faisons, et grâce auxquelles nous aurons unevie confortable, libre et intelligente, en dehors denos heures de labeur.

Mais, nous vous le répétons, pour aboutir à cerésultat, serrons-nous les uns contre les autres:tous aux Syndicats!

La force de nos patrons est faite de notrefaiblesse. L'Emancipation des Travailleurs ne peutêtre que l'oeuvre des Travailleurs eux-mêmes.

Le Délégué,C. Beausoleil.

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1- Le Syndicat des Garçons de magasin etCochers-Livreurs de la Seine estime que le reposhebdomadaire étant de droit nécessaire auxtravailleurs, et par là même obligatoire, ne doit pasêtre discuté.

F. Roche.

2- Le Syndicat des Métallurgistes deFourchambault (Nièvre) préconise le reposhebdomadaire, les travailleurs n'étant passimplement des machines de production.

Goumet.

3- Le Syndicat des Mécaniciens de Marseillepropose que le repos hebdomadaire soit fixé audimanche et laisse aux corporations qui nepourraient pas accepter ce jour, le soin de fixer celuiqui leur est le plus commode.

Cayol.

Les camarades L. Brisse (Paris) et Liouville(Alger) appuient la proposition de Marseille.

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4- Le Syndicat des Chauffeurs-Mécaniciensapprouve la rapport du Syndicat des Employés dela Seine sur le repos hebdomadaire et les conclu-sions qui y sont formulées.

Corompt.

5- La Fédération des Syndicats ouvriers deMeurthe-et-Moselle émet le vœu que le reposhebdomadaire ait lieu autant que possible ledimanche.

E. Lacaille.

6- La Chambre Syndicale de la tabletterie et leSyndicat des Garçons restaurateurs-limonadierset assimilés de la Seine appuient le reposhebdomadaire, en laissant aux corporationsrespectives le choix du jour qui nuira le moins auxtravailleurs.

Carmantrant.

7- La Chambre Syndicale des Porteurs dejournaux propose qu'un roulement soit établi dansles industries à service ininterrompu, pour obtenirun repos de 24 heures par semaine, mais laisseaux corporations respectives le soin de choisir lejour.

Ch. Fournet.----------

Le camarade Dugoy, de la Fédération ouvrièredes cuisiniers, a la parole sur la 14ème questionde l’ordre du jour: voies et moyens pour assurer lavitalité des cours professionnels.

Dugoy a mandat de son organisation de de-mander que dans toutes les grandes villes on fassedes cours de cuisine ménagère. Ces coursrendront de grands services à la classe ouvrière etsi les municipalités ne veulent pas les créer, il fautque ce soient les organisations ouvrières. Ellesferont une grande œuvre en organisant des coursde cuisine ménagère.

Pelloutier, Comité fédéral des Bourses: Ilfaudrait savoir si les cours de cuisine ménagèreconcernent bien les cours professionnels ouvriers.Ce n'est pas tout à fait la même chose.

Le Congrès des Bourses a enregistré avec sa-tisfaction les résultats obtenus par les coursprofessionnels organisés par des Bourses du Tra-vail ou des organisations ouvrières.

Devant les excellents résultats obtenus, on s'estdemandé ce qu'il convenait de faire là où il n'y avaitpas de cours professionnels. Les municipalitésdoivent-elles en organiser en l'absence des organi-sations ouvrières? Le Congrès des Bourses apensé qu'il y aurait un danger sérieux en s'en

remettant aux municipalités pour la création descours professionnels. Il faut donc éviter d'en de-mander aux municipalités, car elles refuseraientd'accorder des subventions aux organisationsouvrières qui voudraient créer des coursprofessionnels, puisqu'il en existerait. Cela a émule Congrès des Bourses qui craint que de nouvellesBourses du Travail ne pourraient s'ouvrir, grâce àla création de cours professionnels municipaux.

Le Président donne lecture des deux commu-nications suivantes qu'il vient de recevoir:

LIGUE FRANÇAISE DE L'ENSEIGNEMENTRennes, le 29 septembre 1898.

Monsieur le Président de la séance du Congrèsnational des Syndicats ouvriers, à Rennes.

Monsieur le Président,J'ai communiqué à l'assemblée générale du

Congrès de la Ligue de l'Enseignement les saluta-tions fraternelles que vous avez bien voulu nousadresser au nom du Congrès national desSyndicats ouvriers.

J'ai l'honnenr de vous transmettre l'extrait duprocès-verbal de la séance dans laquelle cette com-munication a été faite, et je joins aux saluts de notreCongrès, mes vœux personnels pour le succèsde vos travaux.

Le Président de la Ligue,Et. Jacquin.

Le Président donne connaissance au Congrèsd'une communication qu'il vient de recevoir duCongrès national des Syndicats ouvriers réuni dansun autre local de la Mairie. Il propose à l'assemblée,en remerciant les Syndicats ouvriers de leurs salu-tations fraternelles, de leur adresser, avecl'expression de sa vive sympathie, les vœux les plussincères pour le succès des travaux auxquels ilsse consacrent dans l'intérêt de la démocratielaborieuse.

Cette proposition est adoptée par acclamation.Pour extrait de la séance du 29 septembre 1898.

Le Secrétaire général,Etienne Charavay.

Coquet, Syndicat des Ouvriers meuniers d'Ille-et-Vilaine, dit qu'il faut combattre lescongréganistes, qui accaparent les subventions quidevraient être réservées aux cours professionnels.Il demande aux congressistes de faire tout leurpossible auprès des Conseils généraux pour queles subventions soient données de préférence auxécoles laïques.

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Riom, Fédération nationale du Bâtiment,approuve ce que vient de dire le citoyen Pelloutier.

Le camarade Cayol fait savoir que les coursprofessionnels organisés à Marseille marchentbien.

Barlan, Bourse du Travail de Toulouse, invitetoutes les Bourses du Travail ou organisationsouvrières qui ont des cours professionnels, à de-mander des subventions à l'Etat, comme on endemande aux municipalités et aux départements.Le camarade Barlan demande, en outre, que lescours d'instruction soient bien déterminés.

Le Congrès décide que toutes les propositionsdéposées sur le bureau, concernant les coursprofessionnels, seront renvoyées à la commissionnommée pour la question de l'apprentissage.

1- Pour assurer la vitalité des coursprofessionnels des Syndicats, que les organisa-tions ouvrières demandent, comme le fait leSyndicat de la Voiture, des subventions municipaleset fassent payer une cotisation mensuelle auxcamarades non syndiqués qui veulent suivre lescours que les professeurs soient choisis parconcours parmi les travailleurs qui ont acquis degrandes connaissances techniques etprofessionnelles.

Hotte.

2- La Bourse du Travail d'Alger demande queles Municipalités et Conseils généraux aident lesBourses du Travail à instituer des coursprofessionnels.

Liouville.

3- Considérant que la plupart des corporationsqui ont des cours professionnels sont obligées deles supprimer, car ils ne profitent qu'aux seuls pa-trons, que le Congrès étudie un moyen pour queces cours professionnels profitent surtout à l'ouvrieren l'instruisant et en le perfectionnant et pour qu'ilsne soient pas une arme contre lui.

Morin; Fernbach; Lebret; Charlot; J. Lemaitre.

4- La Bourse du Travail d'Angers invite lesMunicipalités à ne confier les cours professionnelsqu'à des ouvriers, estimant que, seul, l'ouvrier estapte à donner une bonne instruction professionnelle,attendu qu'il joint à la théorie une pratique constantedes matières du métier.

5- Que toutes les Bourses du Travail reçoiventdes subventions des municipalités et des Conseils

généraux pour les cours professionnels.Que la Confédération générale du Travail soit

chargée d'étudier la question et qu'au prochainCongrès, elle apporte une étude approfondie surles cours professionnels, soit en fixant une quotitésupplémentaire aux Syndicats adhérents; enfin defaire le nécessaire à ce sujet.

Cayol; Derchain; Girard; Michon; Nicoud;Majot; Aubertin.

6- Le seul moyen d'assurer la vitalité des coursprofessionnels déjà existants et la création denouveaux est que les Chambres syndicalesdemandent des locaux et des subventions pour queces cours restent entre leurs mains.

En instruisant les jeunes gens, les Chambressyndicales leur inculqueront l'idée syndicale et parce fait elles éviteront qu'ils n'aillent travailler à desprix inférieurs aux tarifs des ouvriers.

Morin; Larsonneur; F. Lemaitre; Comité fédéraldes Bourses du Travail ; Charlot ; Fernbach ;

Lebret; Carmantrant; Ferrier.

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On passe à la discussion de la 15ème questionde l’ordre du jour, sur la création des boulangeriesmunicipales.

Dugoy, Syndicat de la Boucherie Parisienne,approuve de tout cœur la création des boulangeriesmunicipales et il demande aussi la création de phar-macies municipales.

Dangin, Syndicat des Conducteurs-Margeurset Minervistes de Paris, est partisan desboulangeries municipales. Ce serait une armecontre les spéculations et aussi un bien pour lestravailleurs.

Ternet, Syndicat des Ouvriers boulangers dela Seine: son organisation a cru utile de mettre cettequestion à l’ordre du jour du Congrès et de faireétudier la création de boulangeries municipales, àla suite des faits qui se sont produits l'annéedernière. Tout le monde a encore présente à l'espritla crise que I’on a subie. Si à ce moment on avaiteu une boulangerie municipale à Paris, on auraitréalisé un bénéfice d'environ 27 millions tout endonnant le pain à un prix raisonnable, mais bienplus bas que le cours ordinaire du prix du pain.

Coquet, Syndicat des Ouvriers meuniers d'Ille-et Vilaine, dit avoir étudié cette question depuis1871. Il s'est demandé si les municipalités nepourraient pas accorder des subventions à diverses

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manutentions ou bien s'il ne vaudrait pas mieux seservir des coopératives de consommation.Actuellement, il est impossible d'organiser desboulangeries municipales à cause des meunierset des marchands de grains qui détiennent lesmunicipalités. Le citoyen Coquet préconise l'emploides coopératives d'abord; ce sont des jalons quela démocratie doit poser.

Hamelin, Verrerie Ouvrière, est d'accord avecles camarades qui demandent la création deboulangeries et de pharmacies municipales. Ildemande que tout ce qui est nécessaire à la vie setransforment devienne des services municipaux. Ilfaut faire tous ses efforts pour réaliser cela.

Il faudrait que les coopératives prennent lapatente pour permettre la vente de leurs produits àtous les consommateurs et qu'elles vendent leursmarchandises au plus bas prix possible. Oninfluerait sur les pouvoirs et on obtiendrait des sub-ventions.

Pelloutier, Comité fédéral des Bourses: Créerdes boulangeries municipales, ce serait tuer lesboulangeries coopératives, tandis que si lescoopérateurs arrivaient à une entente, ilsremplaceraient avantageusement les boulangeriesmunicipales. Mais les coopératives ne sont pas ennombre suffisant en France. En Belgique, lemouvement coopératif est tellement bien organiséqu'il règle les cours exactement.

Au moment de la crise dont parlait le camaradeTernet, le Vooruit, la plus forte des coopérativesbelges, maintint les mêmes prix de vente qu'elleavait avant la crise. Les patrons boulangers quis'étaient syndiqués ne purent lutter et se plaignirentau Gouvernement. En Suisse, les coopératives ontégalement fait échouer toutes les tentativespatronales.

La ville de Glascow a municipalisé tout ce quiétait possible, dans l'alimentation notamment. Ellea dû abandonner ce système, parce qu'il nechangeait rien aux conditions de la vie, et si elle aconservé quelque chose de cette municipalisation,tel que les cafés, c'est pour raison de moralité.

En Autriche, on a créé des boulangeriesmunicipales pour essayer de régler le taux du prixdu pain. On les a abandonnées, car elles nechangeaient rien à la situation.

A Paris, s'il y avait entente entre toutes lesboulangeries coopératives, il y aurait une révolutionheureuse pour les travailleurs dans le taux du prixdu pain. Mais la situation serait au contrairedésastreuse si on avait des boulangeriesmunicipales.

Sabourin, Syndicat des Imprimeurs

lithographes de la Seine, ne croit pas que laboulangerie coopérative et la boulangeriemunicipale soient deux éléments qui se combattent.Ainsi pour l'accaparement des blés l’une et l'autrerendraient des services.

Beausoleil récuse les boulangeriesmunicipales. Avec elles, ce serait lefonctionnarisme à outrance; ce serait à bref délaiune création de parias. II faut réduire lefonctionnarisme le plus possible. Les ouvriersdoivent s’organiser eux-mêmes en dehors del'ingérence gouvernementale. Evidemment les cor-porations ne sont pas encore le communisme quenous désirons, mais on peut les amender et lesouvriers, en se coopérant, feront eux-mêmes lesréformes nécessaires.

La clôture, mise aux voix, est adoptée.

Ternet, Syndicat des Ouvriers Boulangers dela Seine, est heureux de voir le camarade Pelloutierse joindre aux coopérateurs. Il reconnaît que lescoopératives ne sont pas encore ce qu'elles doiventêtre. Les ouvriers boulangers veulent s'organisereux-mêmes, mais on veut les boycotter parce qu'onles prend pour des capitalistes. Rien n'est plus faux.C'est pour prouver que nous ne sommes pas descapitalistes que nous avons demandé qu’on étudiela question des boulangeries municipales, danslesquelles on ne doit pas prélever de bénéfices.

Coquet, Syndicat des Ouvriers Meuniers d'Ille-et-Vilaine: On a reproché aux coopératives de nepas payer la patente: elles sont toutes disposées àla payer, mais il faut bien considérer qu'elles ne sontpas patentables.

On procède à la nomination d'une commissionde cinq membres, Ternet, Coquet, Larsonneur,Pellier et Beausoleil sont nommés pour faire unrapport sur la question des boulangeriesmunicipales.

Le Président donne la parole au citoyenLagailse, Conseil National, pour donner toutes lesexplications concernant le journal l’Eveil.

Lagailse, Conseil National: On a exposé, auCongrès de Tours, ce qu'il était convenable de fairepour créer un organe quotidien du prolétariat.

Au Congrès de Toulouse on a dû prendre unnouveau systême, les indications du Congrès deTours n'ayant pas été suivies ou n'ayant presquerien produit. Le Conseil National, pour se conformeraux décisions du Congrès de Toulouse, a mis pour30.000 francs de cartes en circulation parmi les

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organisations ouvrières. La Confédération n'a réunique 500 francs jusqu'à présent. Aussi, le ConseilNational, devant un aussi piètre résultat, croit qu'ilserait de son devoir d'abandonner ce projet de jour-nal quotidien, puisque les Syndicats ne lesoutiennent pas et ne suivent pas les décisions desCongrès.

Guérard, Syndicat des Chemins de fer, est àpeu près certain que les organisations ouvrièresne voudront pas abandonner le projet du journalquotidien. II est vrai que tous les Syndicats nesuivent pas les décisions des Congrès. On n'a pasfait non plus pour la création de l’Eveil, l'organe duprolétariat, tout ce qu'on aurait pu faire. On n'a pasfait suffisamment de propagande, on n'a pas faitassez d'efforts. Guérard démontre l'utilité d'unorgane appartenant au prolétariat et conclut endisant que cet organe est nécessaire, car lesjournaux qui doivent être avec nous ne le sont pas.

Lorsque le Syndicat des Chemins de fer a faitune consultation au sujet de la grève générale, ilfallut faire une campagne dans les journaux pour yintéresser l'opinion publique. Le Syndicat desChemins de fer s'est adressé a différents journauxqui, quoique n'étant pas entièrement dans nosidées, ont accueilli cependant toutes les commu-nications qui leur étaient adressées. Un journaljouant un grand rôle dans le parti socialiste a refuséde prêter le concours qu'on lui demandait; de là, lanécessité d'avoir un organe à nous, sans aucuneattache financière.

Les journaux qui fonctionnent avec des capitauxnon socialistes, ne peuvent pas jouir d'une trèsgrande indépendance.

Besombes, Union des Syndicats de la Seine,demande au camarade Guérard de faire connaîtreau Congrès le nom du journal socialiste qui a refuséson concours au Syndicat des Chemins de fer.

Guérard: C'est la Petite République.

Beausoleil: Dans nos Congrès, on prend tropfacilement des décisions. On les adopte d'autantplus volontiers qu'elles nous flattent dans nos con-ceptions. Avant de décider l'abandon ou la poursuitedu projet du journal quotidien, il aurait fallu apporterles moyens qui pouvaient faire aboutir ce projet ouprouver qu'il était irréalisable. Peut-on compterréaliser des fonds dans les organisations ouvrièrespour l’Eveil? Non, nous doutons que ce soit possi-ble. Il faut bien se rendre compte des fonds qui sontnécessaires et se demander ensuite où, commenton se les procurera.

Que l'on décide la création du journal quotidien,mais que l'on dise aussi à combien s'élèveront les

fonds nécessaires et qu'on les réalise pendantdeux, cinq ou dix ans, s'il le faut.

Beausoleil demande que ce journal ne paraisseque lorsqu'on aura des fonds suffisants pour pouvoirmarcher pendant trois mois.

Meyer, Syndicat des Ouvriers Pâtissiers de laSeine, estime qu'il est utile et nécessaire que leprolétariat ait un journal quotidien à lui. Dans lesjournaux socialistes actuels, on n'insère que lescommunications des camarades qui sontfavorables.

Hamelin, Verrerie Ouvrière, était loin de sedouter, en venant au Congrès, qu'il assisterait à unprocès de tendance contre la Petite République,qui, de tous les journaux socialistes, est celui quiaccueille le plus facilement les communicationsdes Organisatians ouvrières.

Hamelin préconise la création le plus tôt possi-ble du journal quotidien l’Eveil. Que la Confédérationcrée des actions, comme on a fait pour la Verrerieouvrière; puis, plus tard, lorsque le journal auraitprospéré on rembourserait ces actions et le jour-nal serait libre et indépendant. C'est à laConfédération à s'occuper de ce projet, àrechercher les moyens de le faire réussir.

Hamelin a parlé du journal partout où il en atrouvé l'occasion, et il est décidé à apporter toutson concours pour le faire réussir.

Coquet, Syndicat des Ouvriers meuniers d'Ille-et-Vilaine, demande qu'à chaque réunion organiséepar les Syndicats, on fasse des quêtes dont lemontant sera acquis au journal du prolétariat.

Larsonneur, Syndicat de la Brosserie de Paris,a reçu mandat de son Syndicat de se renseignersur l'organe du prolétariat. Les camarades de ceSyndicat n'ont jamais su qu'il y ait eu de lapropagande faite pour l’Eveil et, ne connaissant pasla question, ils n'ont pu prendre aucun engagement.

Fernbach, Syndicat des Ouvriers plombiers,couvreurs-zingueurs de Paris, apporte au Congrèsl'adhésion formelle de son Syndicat, qui souscritcent francs pour le journal l’Eveil, à condition qu'ilse place sur le terrain économique.

Capjuzan, Syndicat de la Cordonnerie ouvrièrede France dit qu'il faut que I’on profite de toutes lesoccasions possibles pour avoir des fonds et fairede la propagande pour le journal. La question quel’on doit envisager, c'est de le mettre sur pied. Lescartes émises par la Confédération peuventproduire davantage cette année. La proposition ducitoyen Coquet est excellente, et Capjuzan

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demande qu'il soit perçu 0fr05 d'entrée à toutes lesconférences que les Syndicats organiseront.

Pelloutier, Comité fédéral des Bourses, a étéstupéfait de la façon indiquée à Toulouse pourfonder le journal quotidien l’Eveil: on a dit qu'avec100.000 fr. et 10.000 abonnés, on pourrait marcher.Il est impossible de faire fonctionner le journal dansces conditions; on n'aperçoit pas les difficultésinsurmontables que l’on rencontrera dans laréalisation de ce projet. Pour fonder un journalquotidien dans le genre de ceux qui existent,Pelloutier estime qu'il faut au moins un capital de500.000 fr, et encore l’Eveil ne pourrait pas sepasser de tous les avantages ordinaires desjournaux existants.

De plus, le prolétariat aurait-il assez d'énergiepour abandonner les journaux qu'il lit actuellement,et qui, au fond, devraient être considérés commeadversaires? Il est à craindre que l'organe duprolétariat soit négligé pour suivre les autresjournaux qui publient des feuilletons. Il faudrait aujournal l’Eveil un service d'informations, une docu-mentation bien faite et tout cela nécessiterait unedépense de 1.500 à 1.800 francs par jour. Si l’onsuppose une dépense de 30.000 francs par mois,on reconnaîtra qu'il est impossible de réaliser leprojet du journal du prolétariat. Il faut raisonnersérieusement et voir, avec le chiffre de dépensesindiqué tout de suite, le nombre de numéros qu'ilest nécessaire de vendre en tenant compte de laremise que l'on doit faire aux vendeurs, pour couvrirles frais.

Si le Congrès désire continuer la marche enavant et réaliser le journal, il faut dire qu'il faut500.000 francs. II faut donc trouver de nouveauxmoyens pour avoir cette somme et que le Conseilnational apporte des indications pour cette marcheen avant.

Il faut aussi que les organisations ouvrièresapportent leur concours et fassent une activepropagande dans leur milieu.

Guérard, Syndicat des Chemins de Fer, répondau citoyen Hamelin qu'il ne pouvait incriminerd'autres journaux que ceux qui, comme la PetiteRépublique, se disent socialistes. La PetiteRépublique a bien inséré les communications quele Syndicat des Chemins de Fer lui a adresséesmais ce n'était pas suffisant. Il fallait faire une ac-tive propagande dans le sens désiré par le Conseildu Syndicat des Chemins de fer, propagande qui aété faite en des articles favorables par des journauxqui ne sont pas aussi avancés.

Le journal l’Eveil doit exister et il est nécessairequ'il ait une ligne de conduite bien déterminée. Lejournal à créer devra s'occuper des faits politiques,

mais s'abstenir de faire de la politique électorale.En cas d'élection il fera connaître tous les candidatssans toutefois en recommander aucun. Il faudraque ce journal soit le mieux informé de tous lesjournaux et les travailleurs seront conduits à s'yintéresser parce qu'ils en auront besoin. Il faut quele journal ait des romans à tendances sociales - il yen a d'excellents qui ne sont pas arides - que lesmarques de connaissements soient vulgarisées etportées à la connaissance des travailleurs par lejournal l’Eveil.

Il faut que le but soit poursuivi; il faut répondre àdes besoins et on aura des lecteurs. Quant à lafaçon dont le journal peut vivre, il faut assurer unchiffre d'abonnés que l’on trouvera en faisant deslistes d’abonnements; on peut aussi, par ce moyen,supprimer les remises sur la vente.

Guérard trouve exagéré le chiffre de 500.000francs indiqué par Pelloutier et demande auCongrès de mettre à exécution les décisions prisesà Toulouse, au sujet du journal. La Confédération afait une émission de cartes qui n'a pas produit toutce qu'on en attendait.

Ces cartes peuvent encore rapporter, si les or-ganisations ouvrières veulent bien faire de lapropagande, la Confédération ne peut pas êtreconstamment en communication, sur cette ques-tion, avec tout le prolétariat; elle envoie des cartes,des listes d'abonnement, si le prolétariat comprendque son intérêt est en cause, il fera de lapropagande, et l'on pourra marcher.(Applaudissements).

Batbielle, Fédération de la Typographie, est del'avis de Guérard. Les décisions des Congrèsrestent presque toujours lettre-morte pour lesSyndicats, tandis que dans la Fédérationtypographique, toutes les décisions sont mises enpratique. Ainsi, en ce qui concerne le journalquotidien l'Eveil, la Fédération a décidé de prendreun abonnement de trois mois, pour toutes ses sec-tions, à titre de propagande.

Girard, Union du Bronze, au sujet des chiffresfournis par le citoyen Pelloutier, fait remarquer quela cause de l'insuccès se trouve dans le fait desrédacteurs qui touchent de très fortsappointements.

Maynier, Chambre syndicale de la Typographieparisienne: On ne veut pas comprendre que c'estle directeur qui fait la force du journal. Le journall'Eveil ne réussira que si l'on met à sa tête undirecteur qui sera connu, qui aura un nom. Il nefaut pas sortir de là: il faut que tous les articles dujournal soient signés. Quant à Maynier, lorsqu'il

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prend un journal, il regarde d'abord la signature del'article qu'il veut lire, et suivant de qui est l'article, illit ou ne lit pas. (Applaudissements).

Avant de lever la séance, le Président rappelle

que la prochaine séance ne commencera qu’àtrois heures de l'après-midi, pour permettre auxcongressistes de visiter les musées de Rennes.

La séance est levée à midi.

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DIXIÈME SÉANCE: Vendredi 30 Septembre 1898 (soir).

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La séance est ouverte à trois heures, sous laprésidence du citoyen Cayol; assesseurs: Gannatet Grassaval.

Le Président procède à l'appel nominal.Absents: Augé, Claverie, Dalle, Davy, Richard,

Rozier.

Sabourin, Société des ImprimeursLithographes de la Seine, fait savoir qu'il n'a puassister à la 8ème séance du Congrès parce qu'ilétait souffrant. Le Président décerne acte de cettedéclaration et dit qu'elle figurera au procès-verbalde la présente séance.

Dugoy, Fédération Ouvrière des cuisiniers deFrance, invite les camarades qui dirigent desjournaux à se communiquer leurs adresses pourpouvoir se faire l'échange mutuel de leurs organes.

Constant, Union Syndicale de Brest: On a lafâcheuse habitude de se communiquer lesjournaux; partout où il y a une agglomérationd'ouvriers on fait la lecture des journaux en commun.Il faut que tous les ouvriers achètent chacun leurnuméro.

Bry, Bourse du Travail d'Angers: Si l'on prend larésolution de faire l’Eveil, il faudra poursuivre plusactivement la propagande. Il faut partir du Congrèsavec la ferme intention de réaliser le journal. LaBourse du Travail d'Angers s'engage pour unesomme de 100 francs.

Blanchart, Bourse du Travail de Nantes, croitque tous les congressistes sont unanimes àreconnaître la nécessité d'un journal quotidienindépendant et appartenant aux travailleurs. Maison ne peut trancher en ce congrès la question desavoir comment ce journal fonctionnera. Que l'oncontinue à ramasser des fonds; que l'on s'enquiertprès des organisations adhérentes des engage-ments qu'elles prendraient.

Lemaitre, Fédération des peintres en bâtimentde la Seine, votera le principe du journal l’Eveil, étantpersonnellement partisan de cette création. Il nepeut aller plus loin, n'ayant pas reçu de mandat surcette question, de son syndicat.

Peltier, Syndicat des Ouvriers tailleurs de Paris:De tous les moyens préconisés jusqu'à présentpour la réalisation du journal l’Eveil, aucun ne luisemble présenter de garanties suffisantes. Il avaitpensé que ceux qui avaient mis cette question àl'ordre du jour auraient apporté de nombreuxrenseignements. On ne pourra créer une œuvreaussi colossale sans faire appel à des actionnaires;il faut la considérer comme une entreprisefinancière. Peltier conclut en disant qu'il faudraitcommencer par un journal hebdomadaire.

Richer, Bourse du Travail du Mans, demandeun état financier des fonds produits par tout ce quia, été entrepris jusqu'à, ce jour.

Copigneaux, Trésorier du Conseil national: Lescartes émises par la Confédération n'ont produitque 400 fr.

Richer prend en considération les parolesprononcées à la séance précédente par lecamarade Guérard et les approuve entièrement. Ilfaut engager les secrétaires des Organisationssyndicales à faire de la propagande dans leurgroupe. Il faut qu'ils fassent leur devoir en plaçantle plus de cartes possible.

Le Bras, Syndicat des Ouvriers menuisiers deRennes, a fait toute la propagande possible dans,son Syndicat, mais personne n'a voulu prendre decartes.

Le Congrès vote la clôture de la discussion avecles orateurs inscrits.

Riou, Union syndicale de Brest: On a fondé un

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organe syndical à Brest; il paraît deux fois par mois.On a eu bien du mal, bien des difficultés à le fairelire par tous les camarades, même syndiqués. Com-ment fera-t-on pour arriyer à leur faire prendre lejournal quotidien? Il est vrai que les militants feronttoute la propagande possible; quoique cela, ce serabien difficile à propager.

Le Congrès nomme une Commission de cinqmembres pour établir un rapport sur le journalquotidien. Les citoyens Constant, Copigneaux,Fournet, Guérard et Lagailse sont désignés pourcette Commission. Toutes les propositions parve-nues au bureau sont envoyées à la Commission.

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La parole est au citoyen Lagailse, secrétairegénéral du Conseil national, pour la lecture du projetde loi, qui suit, destiné à assurer une retraite à tousles travailleurs des deux sexes.

PROJET DE LOI POUR ASSURER UNERETRAITE AUX TRAVAILLEURS DES DEUXSEXES, ÂGÉS DE 60 ANS.

PRÉAMBULE:

Depuis longtemps le monde du travail réclameà l'Etat qui procure des rentes à tant debudgétivores, dont souvent ils n'ont que faire,attendu les émoluments émargés par eux pendantl'exercice de leur fonction, qu'il ait à se préoccuperdu sort des travailleurs qui, usés par le travail etl'âge, en sont réduits au suicide, s'ils ne veulentmourir de faim.

L'assistance publique, dont les rouages sontaussi coûteux et qui absorbent la moitié dessommes mises à sa disposition pour secourir lesnécessiteux, n'agit, dans 30 cas sur 100, quelorsque les malheureux qui l'ont sollicitée ontattenté à leur existence. Quant aux pauvreshonteux, et ceux-là, malheureusement, sont légion,surtout dans les grands centres, ils sacrifient leursderniers six sous pour un boisseau de charbon.

Lorsqu’un peuple qui se considère comme unéducateur sacrifie la plus belle jeunesse pour allermoraliser des nègres ou des Chinois au profit descomptoirs et des marchands de chair humaine,nous disons, nous, que ce peuple, n'a pas con-science du rôle que lui font tenir les dirigeants, etque les millions dépensés à ces fastidieusesconquêtes seraient mieux employés ausoulagement des misères de ceux qui de descen-dants en descendants sont les vrais producteursde la richesse.

Des peuples modernes, l'Allemagne, le pays

des soudards par excellence, nous a devancés, etchez elle, depuis des années, il existe une retraitepour les vieux travailleurs.

Depuis des années, les hommes qui présidentaux destinées de notre pays ont fait un semblantde bon mouvement dans cette marche - mais, pasplus M. Constans que les autres n'ont hâte de voiraboutir cette solution.

En 1896, M. Jacques Escuyer a fait établir uneproposition de loi qui porte son nom et qu'auCongrès de Toulouse (1897) nous avions soumisesur la proposition de diverses organisations.

De son côté, la Fédération des Bourses du Tra-vail en avait fait autant, et à son Congrès de 1897 ilfut adopté, dit-on? Et voyez la bizarrerie des choses,six jours après et avec une partie des mêmeséléments qui l'avait admise au Congrès de laFédération des Bourses, le Congrès nationalcorporatif la repoussait à une grosse majorité.

Selon nous, les délégués au 9ème Congrèsavaient eu raison de repousser ce projet, qui, établisur des bases insuffisantes, crée une catégoried’ayants-droit et supprime l'autre partie.

La femme semble abandonnée, et nous nevoyons y figurer que la veuve pour une pension de250 francs.

M. Escuyer, dans sa proposition, admet bien laparticipation du célibataire «mâle», mais chez làfemme point!...

Il y a là une grosse lacune qui suffirait à enterrerà tout jamais cette proposition. L'article 7 dit bien:«L'inscription à la Caisse nationale de prévoyanceest obligatoire pour tous les travailleurs mentionnésà l'article 1er: ouvriers, employés et commis desdeux sexes». Alors pourquoi cet article 11: «LaCaisse nationale de prévoyance a pour butd'assurer à tout travailleur français désigné àl'article 1er:

1- À partir de 60 ans, une rente viagère annuellede 500 francs s'il est marié, de 400 francs s'il estcélibataire;

2- A un âge quelconque, la gratuité des soinsmédicaux et des médicaments en cas de maladie;

3- Une allocation de 1 fr. 50 par jour de chômage,par jour de maladie;

4- Le service immédiat de la rente viagèreprévue au § 1er du présent article en casd'incapacité temporaire ou permanente de travail.

5- Le paiement à la veuve de tout participantdécédé après l'âge de 60 ans, et laissée sansressources, de la moitié de la rente viagère laquellele participant avait droit».

On ne s'explique plus!...A part les couturières, modistes et

blanchisseuses, M. Escuyer voudrait voir la femme,à l'usine ou à l'atelier, venir faire concurrence àl'homme. Si, au contraire, elle reste à la maison

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pour le bien du ménage, pas de pension. Si, unepetite parcelle - à la condition qu'elle n'aura pascontrevenu à la loi du mariage.

Nous n'avons pas l'intention de faire ici une cri-tique à fond de cette proposition de loi. Ce travailnous obligerait à trop nous étendre, et là n'est pasce qui nous a été indiqué par le Congrès de Tou-louse. Nous avons reçu mandat de vous apporterun projet qui comprenne tous les travailleurs desdeux sexes, sans tenir compte de la conditionsociale qu'ils observent.

Lorsqu'un être a vécu jusqu'à 60 ans, il est defait qu'il a payé sa dette à la nature et que le pays,quelque malheureuse qu'ait été son existence, ena fait un profit. Il est donc de toute logique que ceuxqui en ont bénéficié lui en tiennent compte.

PROJET DE LOI

L'Etat, reconnaissant que chaque travailleur d'unpays est une artère de la fortune publique, et que,lorsqu'une de ces artères est usée par le travail, etl'âge, elle ne doit pas tomber à la merci de la charité,décrète:

Article premier: Tout travailleur de l'un ou l'autresexe, âgé de 60 ans, aura droit à une pensionannuelle ainsi établie:

1ère catégorie: Habitant les villes dont la popu-lation sera supérieure à 50.000 - Hommes: sixcents francs - Femmes: cinq cents francs.

2ème catégorie: Habitant les centres inférieursà ce nombre de population et dont les villes sontsoumises au régime fiscal - Hommes: quatre centcinquante francs - Femmes: trois cent cinquantefrancs.

3ème catégorie: Habitant les communes nonsoumises au régime fiscal - Hommes: trois centsfrancs. Femmes: deux cents francs.

Art. 2: Pour avoir droit à ladite pension, il fautêtre né en France et y avoir habité pendant les vingtdernières années.

Art. 3: Les droits à ladite pension seront établissur la présentation de l'acte de naissance qui devraêtre délivré gratuitement à l'ayant-droit; de piècesattestant que la personne habitait bien le pays pen-dant ces vingt dernières années, et que depuis dixans elle réside dans un centre classé dans unedes catégories de l’art. 1er.

Art. 4: La retraite sera payable par le Trésor etpar trimestre. Elle sera incessible et insaisissable.

Art. 5: La présente loi sera applicable au 1erjanvier de l'année qui suivra sa promulgation.

Art. 6: MM. les Préfets et les Maires sontchargés, chacun en ce qui les concerne, d'en as-surer l'exécution.

Dans ces conditions, il nous reste à indiquer la

dépense qu'entraînerait cette retraite faite auxtravailleurs et les moyens d'y pourvoir.

Moyenne des travailleurs susceptibles d'êtrepensionnés:

Hommes:1ère cat.: 110.000 à 600 fr. 66.000.000 fr.2ème cat.: 181.000 à 450fr. 81.480.000 fr.3ème cat.: 227.000 à 300 fr. 68.100.000 fr.Sous-total 215.550.000 fr.Femmes1ère cat.: 10.000 à 500 fr. 53.000.000 fr.2ème cat.: 163.000 à 350 fr. 57.050.000 fr.3ème cat.: 231.000 à 200fr. 46.800.000 fr.Sous-total 156 850.000 fr.Total 372.400.000 fr.

Produits permettant d'assurer le paiement decette somme:

Droits payés par les patrons occupant desouvriers étrangers (recensement de 1891): 378.600à 40 fr. 15.141.000 fr.

Suppression des sous-préfectures: 20.000.000 fr.

Suppression des tribunaux dans les sous-préfectures: 8.000.000 fr.

Service militaire réduit à deux ans:36.300.000 fr.

Impôt sur le revenu: 154.900.000 fr.Droits sur les successions: 148.540.000 fr.Conversion de la rente: 34.000.000 fr.Impôt spécial sur les vins de crûs:

54.000.000 fr.Total: 471.684.000 fr.Reste disponible: 98.684.000 fr.Il est un moyen qui permettrait de trancher la

question d'une façon favorable, au cas où l'un deces chiffres serait contesté: ce serait d'y ajouter lasomme que produirait la suppression du budget descultes.

Pour le Conseil national:Le Secrétaire général, A. LAGAILSE.

Capjuzan, Syndicat de la Cordonnerie ouvrièrede France: Le dernier Congrès avait donné mandatà la Confédération de préparer un projet de loi pourassurer une retraite aux travailleurs des deuxsexes.

Il y a trois mois, Lagailse n'avait encore aucunrapport de préparé pour la Confédération et, depuiscette époque, il n'a pas été possible de rétîmrleConseil national. C'est donc un projet personnel queLagailse a communiqué au Congrès. Persuadé quele Conseil national n'avait aucun rapport sérieux surla question à soumettre au Congrès, Capjuzan aétabli un projet de loi qu'il communique au Congrès,

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Ce projet est établi sur les bases suivantes:

PROJET DE LOI SUR LES RETRAITESPOUR LA VIEILLESSE ET LES INVALIDES DUTRAVAIL:

Le Congrès National Corporatif de 1897, tenu àToulouse, ne prit pas en considération le projet deloi Lecuyer, mis à son ordre du jour, estimant quel'appoint individuel demandé pour l'alimentation desa caisse est impraticable et dangereux et ne peut,dans aucun cas, donner satisfaction au prolétariat.

Tout le monde connaît les bases fondamentalesde ce projet, qui sont: participation du salarié, unfranc par mois; du patron, un franc cinquante parouvrier ou ouvrière employés et participationannuelle de l'Etat, 358 millions.

Nous ne nous étendrons pas longuement àréfuter les théories de ce système, que nouscroyons mauvaises. Actuellement, les travailleursen général ne touchent que des salaires de famineet dont ils ne peuvent par conséquent soustraireune somme, si modique soit-elle. Certes, il y aquelques privilégiés, mais nous ne les comptonspas.

Lors même qu'un minimum de salaires seraitétabli par les Chambres, le chômage étant au mini-mum de quatre mois sur douze, le progrès et lascience tendant indiscutablement à le faireprogresser, il s'ensuit que, malgré toutes les bonnesvolontés et tous les sacrifices apportés par les par-ticipants, ceux-ci ne pourraient verser leur cote-partindividuelle.

Admettons même l'impossible, les ouvriersversant régulièrement pendant qu'ils sont occupés,ils seraient impuissants à verser pendant lesdouloureuses périodes de chômage. Résultat: lespremiers suspendant leurs versements, les patronssuspendant également leur cote-part contributive,ne payant que suivant le nombre de travailleursemployés, l'Etat ferait forcément de même. Enconséquence, les ressources de cette caisse étantproblématiques, la retraite des ayants-droit le seraitégalement.

Même, transitoirement, cela ne doit pas êtreproposé par les travailleurs, car, comme nous ledisons plus haut, les salariés ne pourront fournirleur part contributive, les périodes de chômageétant appelées à devenir aussi longues que cellesdu travail. Dans ces conditions, les capitauxdisponibles étant absolument aléatoires, la retraitepour la vieillesse serait une cruelle fumisterie.

D'ailleurs, suivant les bases données par leprojet Escuyer, nous estimons que 4 ou 500 francsaccordés à 60 ans d'âge est une amère dérisionque les travailleurs ne sauraient accepter. La dignitéprolétarienne s'y oppose. Car ce n'est pas à l'âge

où l'on a épuisé toutes ses forces à produire auprofit du capital et du patronat, quand ces derniersont seuls profité de nos labeurs et des richessesproduites, lorsque vieillesse et débilité exigeraientdes soins plus grands et des aliments plusfortifiants, qu'on leur octroierait un long calvaire, justede quoi ne pas mourir de faim, le logement et lepain: c'est une absurdité! Ce serait une honte pourle prolétariat organisé que d'accepter une situationsemblable. Les organisations ouvrières ont le de-voir absolu d'exiger d'avantage. En conséquence,celles-ci doivent présenter au Parlement un projetqui garantisse les vieux jours des travailleurs nonpas d'une façon luxueuse, - ce qui, entreparenthèses ne serait que justice - même pasconfortable, mais suffisante.

Pour cela, il faut trouver une combinaison, unsystème n'effrayant pas trop nos dirigeants, nosexploiteurs. Certes, quant à nous, nous n'avons pasla crainte de les effrayer. Nous voudrions aucontraire que, par une action virile et définitive lestravailleurs les obligent à rendre gorge. Maiscomme nous présentons un projet réalisable,même avec la société que nous sommes obligésde subir, nous sommes dans l'obligation forcée detabler sur la légalité.

Il faut donc trouver un projet ne demandant rienà l'individualité et permettant de donner aux retraitésayant atteint l'âge de 53 ans, une pension de millefrancs par an. Nous voudrions que tout individu yait droit qu'il soit travailleur ou déclassé. Nousdevons avoir des idées larges et généreuses. C'estune question d'humanité! Nul ne doit êtremalheureux dans ses vieux jours. Le problème estlà, il s'agit de le résoudre; nous croyons avoir trouvéet venons vous proposer un projet à combinaisonsimple et d'une grande facilité.

Le Parlement avec un peu de bonne volonté,prenant pour principe droit et logique, peut sansrévolution ni perturbations dans le pays, nousdonner satisfaction. Dans tous les cas, c'est auxtravailleurs à lui forcer la main.

Nous demandons que les Chambres, par unvote, retirent aux Compagnies d'assurances:incendie, vie, accident, etc... etc..., le privilèged'assurer et donnent ce monopole à la Nation.L'Etat assureur. Rapportant aux hauts dignitairesdes Compagnies: Administrateurs, Agentsgénéraux, hautes sirécures grassement rétribuées,la somme colossale d'un milliard deux cents mil-lions.

Cela ne fait aucun doute: en France, tout lemonde est assuré, la plupart deux et trois fois. Lapropriété, les transports, la navigation, les mines,les arts, le commerce et l'industrie le sont pour dessommes considérables; les primes accordées auxsinistres, décès, accidents, quoique parfois

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considérables, n'ont jamais atteint plus de la moitiédes sommes versées par les assurés.

D'ailleurs, cette réforme s'impose;indépendamment des élus socialistes, un grandnombre de députés l'ont inscrite sur leur pro-gramme. Si les Organisations ouvrières s'enoccupaient sérieusement, peut-être obligeraient-elles ceux-ci à la voter et à nous donner satisfac-tion.

Il est bon, croyons nous, de démontrer que lesCompagnies ne sont pas si rassurées que l’on peutsupposer et, la preuve, c'est que les candidats auxdernières élections ont pour la plupart reçu la lettreci-dessous dont nous possédons l'original.

CHAMBRE SYNDICALE DES AGENTSGÉNÉRAUX DES COMPAGNIESFRANÇAISES A PRIMES FIXES

Contre l'incendie, sur la vie et contre les acci-dents de toute nature,

du Département de Seine et OiseLe bureau syndical est à Versailles, 11, rue de

la Paroisse.

N° 244, timbre, Versailles le 1er mai 1898,Monsieur,En vous présentant à la députation, vous faites

appel aux électeurs et vous sollicitez leurssuffrages. Laissant de côté toute idée politique,nous sommes disposés à user de l'influence quenous avons en faveur du candidat qui, se rendantcompte de notre situation constamment menacée,prendra l’engagement de s'opposer à toute tenta-tive d'ingérence de l'Etat dans l'industrie des as-surances, sous quelque forme que ce soit, et derepousser les projets qui pourraient être présentéspour subventionner des caisses agricoles, créerdes caisses départementales et en général touteproposition émanant soit du Gouvernement, soitde l’initiative parlementaire ayant pour but desubstituer d'une manière directe ou indirecte l’Etatà l'industrie privée.

Si vous adhérez au contenu de cette lettre, nousvous apporterons notre concours. Dans le cascontraire, nous ne pourrons vous appuyer, Lediscours du président du Conseil à Remiremontne nous laissant aucun doute, et en votant pourvous, nous approuverions d'avance les attaquesqui menacent nos Compagnies.

Veuillez agréer, Monsieur, nos salutationsdistinguées.

Vu: Le Trésorier, Albranche,Le Président, G. Tardif.

Sans commentaires.Les adversaires intéressés de notre projet feront,

sans doute, une foule d'objections et diront que les

Compagnies ont des capitaux engagés, ainsi quedes valeurs mobilières et immobilières, et seraientlésées si l'Etat s'emparait de ce monopole. Nousferons observer que le matériel d'exploitation étantpresque nul et les fonds versés par les actionnairesdevant par ce fait se trouver soit en valeurs ouespèces intégralement dans les coffres-forts desCompagnies, celles ci ne pourraient êtreembarrassées pour opérer les remboursementsdes valeurs aux ayants-droit, nécessités par la sup-pression d'un privilège injustement octroyé.

Ces Compagnies n'ayant donc pas de capitauxengagés dans un matériel d'exploitation, lesmeubles et immeubles leur appartenant pourraientêtre, après estimation et prix convenu, rembourséspar l'Etat. Ensuite, les actions et obligationspourraient être libérées et immédiatementremboursées aux ayants-droit.

Mais, nous dira-t-on, la dissolution de cesSociétés et le rembourse ment des valeursporteraient atteinte aux intérêts des actionnaires, àqui, au moment de la souscription, on a fait miroiterde grands avantages et une longue exploitation.C'est possible... Mais l'État leur ayant accordé degrands privilèges, en leur donnant le droitd'assurances, la Nation a le droit de le leur retirer,et même, dirons-nons, le devoir de le faire.

On se récriera encore sur les énormesbénéfices que nous donnons ici. Un milliard deuxcents millions. Et comme nous ne pouvons fournirde preuves formelles, étant dans l'impossibilité denous procurer les documents nécessaires, lesCompagnies ne publiant que ce qu'elles veulentbien, ensuite nous n'avons pas les loisirs d'une re-cherche semblable, mais il suffit de connaîtrel'estimation de la fortune publique et la valeur de lapropriété terrienne en France, ainsi que le tant dumille pris par les Compagnies aux assurés, pourétablir un total des affaires faites, à quelques mil-lions près.

Assurément, les compagnies crieront àl'imposture en nous accusant de donner deschiffres exagérés. Leur triomphe sera de courtedurée: car, comme chacun le comprendra, il nousest impossible de donner des preuvesindiscutables; on n'a également qu'à rechercher lesgros dividendes touchés par les actionnaires. Letaux des valeurs à l'émission et le taux actuel. Lecapital des Compagnies, comment et dans quellesproportions il a augmenté. L'armée de ducs,comtes, marquis, sénateurs, députés et généraux,etc... administrateurs, qui ne prêtent certainementpas leurs noms pour rien, au contraire, touchentdes sommes scandaleuses. Les agents générauxtouchent également des sommes incroyables, lesfrais divers montant à des sommes folles et qu'ilserait si facile de diminuer.

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On n'a qu'à rechercher tous ces faits et l'on seraconvaincu que nous sommes au-dessous de lavérité.

Du reste, peu importe le taux exact desbénéfices, nous savons qu'ils sont fantastiques.Notre projet ne repose pas sur des bases à capitalfixe. C'est ce qui fait sa force et pourquoi il seradifficile de le combattre. Que demandons nous?Tout simplement que l'Etat devienne assureur etverse intégralement les bénéfices réalisés.

Voilà tout.Mais, qu'importe, nous maintenons nos

affirmations et demandons que l'Etat s'empare auprofit des travailleurs d'un privilège qu'il a laisséusurper par les Compagnies. Une année suffiragrandement - tout en donnant aux assurés desgaranties et avantages plus grands que lesCompagnies ne leur accordent - à démontrer queles bénéfices de cette exploitation alimenteraientfacilement la caisse de retraites pour la vieillesse.

Quoique partisan avant tout d’une actionviolente, seul moyen pour arriver à notreémancipation complète, le dépôt de ce projet nousimpose ici de ne point casser les vitres et d'agiravec légalité; nous demandons que les bénéficesde la première année servent à payer certainesindemnités aux actionnaires, s'il y a lieu. Enconséquence, la première année ayant fait tairetoutes les réclamations, les bénéfices de ladeuxième année iraient intégralement dans unecaisse spéciale affectée au service des retraitespour la vieillesse et invalides du travail, soinsmédicaux et secours de maladie.

Donc, deux années après la promulgation decette loi, décision de droit et de justice, sansversement individuel impossible, sans exproprierpersonne. Puisque, pour cette fois, c'est entendu,il faut agir légalement; la vieillesse aurait ses joursassurés et le monde du travail recevrait satisfac-tion sur une réforme qui s'impose.

Puisque le projet de loi Escuyer, malgré sesgrands défauts, est un des meilleurs que jeconnaisse, puisqu'il affirme que 650 millionsdonneraient 4 et 500 francs par an, soinsmédicinaux et secours de maladie, nous croyonsque cette somme donnerait davantage, mais nousne discuterons pas. Un milliard trois cents millionsserviraient donc mille francs de retraite.

Le monopole des assurances donneraitcertainement cette somme. Toutefois on pourrait yadjoindre les conclusions de la Commission duCongrès de Toulouse demandant que lesemployeurs versent une somme de deux francspar travailleur employé en raison du temps qu'ilsl'auront occupé.

Mais à condition qu'un minimum de salaires soitétabli.

PROJETArticle premier: Le privilège des assurances est

retiré à ces dites compagnies. L'Etat en prend lemonopole.

Art. 2: Les bénéfices de cette exploitation irontintégralement à une caisse spéciale dite caisse deretraite pour la vieillesse et les invalides du travail.

Art. 3: Les bénéfices de la première annéeseront versés, s'il y a lieu, comme indemnité auxactionnaires. Les bénéfices de la deuxième annéeseront répartis entre les pensionnés qui devronttoucher la première mensualité le 25ème moisaprès la promulgation de cette dite loi.

Une somme à déterminer en sera déduitecomme provision pour parer aux éventualités etpayer les retraites qui, dans le courant de l’année,se déclareraient urgentes.

Art. 4: Après la première année, l'Etat, avec leconcours des Chambres syndicales, fera un appelaux intéressés qui, après les formalités d'office,seront inscrits d'office comme ayants-droit.

Art. 5: Cette caisse possédant une année deprovisions et d'avance cette somme serait répartieentre les intéressés et payée par mensualité l'annéesuivante.

Art. 6: Tout homme ou femme ayant atteint l'âgede 55 ans pourra se faire inscrire comme ayant-droit et participer au bénéfice de cette caisse.Toutefois, s'ils ont des revenus personnels, il neleur sera servi que la somme supplémentaire pouratteindre 1.000 francs, par an.

ADMINISTRATIONArticle premier: La Caisse de retraite sera

administrée par une Commission supérieure,nommée par moitié par le Parlement et par lesChambres syndicales, qui sera chargée del'exécution de la présente loi.

Art. 2: Une Commission départementale seraconstituée dans chaque département, nomméeégalement par moitié par le Conseil municipal etles Chambres syndicales du chef-lieu dudépartement, chargée de surveiller l'exécution dela présente loi.

Art. 3: Dans les autres communes, chaqueConseil municipal désignera une Commission,chargée de recevoir les réclamations et demandesd'admissions présentées, qu'elle transmettra avecrapport à l'appui à la Commission départementale,qui, de son côté, fera parvenir à la Commissionsupérieure, qui statuera immédiatement.

Art. 4: Les retraites seront accordées par unagent quelconque de l'Etat, sur un bon spécialdélivré par les soins de la Commission supérieure.Nulle somme ne pourra être exigée pour frais detimbre etc..., pour réclamation et recours formulé.

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CONCLUSIONSQue l'on ne vienne pas traiter d'utopie une

réforme qui depuis longtemps s'impose, tous lesmonopoles doivent être repris par l'Etat, afind'alléger la nation des trop lourds impôts qu'ellesubit, mais, si pour opérer légalement, certainsoffrent de grandes difficultés, tels que transports,mines, canaux, chemins de fer, etc..., où lescapitaux engagés dans le matériel sontconsidérables, et où, pour aboutir efficacement, ilfaudrait opérer par expropriation, il n'en est pas demême pour les Compagnies d'assurances, nousle répétons, dont l'Etat peut s'emparer sans expro-priation ni emprunt d’aucune sorte, les capitaux degarantie indispensables pour les Compagnie neseraient d'aucune utilité pour l’Etat.

On objectera que jamais les Chambres nevoteront une proposition semblable. Et pourquoidonc?

D'ailleurs, il n'est pas dit non plus qu'ellesvoteront le projet Escuyer, si défectueux soit-il; ousi encore il est voté, il sera tellement tronqué parles amendements apportés qu'une fois de plus etqu'en réalité les travailleurs n'auront que dessatisfactions problématiques et complètementdérisoires.

Notre projet ne demandant aucune quote-partindividuelle, parce que nous affirmons l’impossibilitéabsolue de cette retenue, il ne faut vraiment pasconnaître las graves difficultés de l'existence destravailleurs pour affirmer le contraire, ni 300 à 400millions à l'Etat, qu'il devrait se procurer par desimpôts nouveaux.

Nous ne demandons même pas un milliard deuxcents millions, comme on cherchera à ergoter.Nous demandons simplement une réforme quidepuis longtemps est à l'ordre du jour et quis'impose, que les bénéfices réalisés par cette ex-ploitation aillent à la caisse de retraites, et commenous l'avons expliqué plus haut, nous sommesconvaincu qu'hommes et femmes ayant atteint l'âgede 55 ans, ainsi que les invalides non rentés et sansressources, pourront toucher mille francs par an.

Tout est là!...Un mot sur le personnel des Compagnies. Ces

agents ne seraient même pas licenciés etpourraient prendre les mêmes fonctions à l'Etat,excepté toutefois les agents généraux, que noussacrifions volontiers.

Travailleurs et Organisations ouvrières, en at-tendant la prise de possession de tout ce qui nousest dû et nous appartient, nous ne pouvons soutenirqu'un projet de retraite pour nos vieux jours qui necompromette pas notre dignité et ne soit pas unleurre absolu.

En conséquence, nous vous présentons leprojet ci-dessus, espérant que vous voudrez le faire

vôtre et le défendre de toutes vos forces, si toutefoisun autre plus avantageux et mieux compris ne vousétait pas présenté, et auquel je me rallieraivolontiers.

Dans nos demandes, ayons de la volonté et del'énergie, et je termine en vous disant: Tout est autravail! Le travail est tout! Vive l'émancipationprolétarienne !

La clôture étant demandée, le camaradeBesombes, de l'Union des Syndicats de la Seine,la combat en disant quil n'est pas possible deprononcer la clôture sur cette question sans avoirfait la discussion.

Néanmoins, le Congrès vote la clôture de la dis-cussion avec les orateurs inscrits.

Pelloutier, Comité Fédéral des Bourses, estheureux d'assister au Congrès corporatif, pourpouvoir détruire une légende. On a dit que leCongrès des Bourses de Toulouse avait adopté leprojet Escuyer; c'est inexact.

Le Congrès des Bourses à Toulouse étaitterminé et, pour employer utilement le tempsdisponible, le délégué de la Bourse du Travail d'Algera donné lecture du projet de loi Escuyer. Maislorsqu'on a voulu faire discuter ce projet, lesdélégués au Congrès des Bourses ont dit que cen'était pas la peine. Là est toute l'affaire.

Pelloutier comprend que les députés ne peuventpas nous servir. Il a procédé à la récollation deslois ouvrières promulguées depuis 1848 jusqu'à nosjours: leur application laisse toujours à désirer.Pelloutier combat tout projet de loi sur les retraites,mais il se tient sur un terrain général, sans chercherà viser tel ou tel projet.

Comment les ouvriers, qui ont accepté la luttede classes viennent-ils demander des retraites àla société capitaliste? Nous avons lutté depuis silongtemps pour faire comprendre aux ouvriers àtravailler eux-mêmes à leur bien-être matériel etaujourd'hui on vient soumettre au Congrès desprojets de loi pour demander aux capitalistes desretraites ouvrières.

Et puis, lorsqu'il y aura 100 millions d'ouvriersretraités, la puissance d'achats fera augmenter leprix des denrées, et les bienfaits qu'on attend deces retraites seront ainsi annihilés. Dans les deuxprojets soumis au Congrès, on n'a admis le principede la retraite que pour les ouvriers. Pelloutiervoudrait que ce principe fut étendu à l'universalitédes individus en vertu de droit de tout individu àl'existence, la question étant envisagée ainsi, et, sielle était appliquée, ferait disparaître toute lutte declasses, parce qu’il n'y aurait plus de classes. Maisce n'est pas aux ouvriers à indiquer les moyens

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d'assurer leur vieillesse, c’est à la sociétécapitaliste qu'incombe cette obligation. Il ne fautpourtant pas être assez naïf pour croire que lasociété capitaliste, qui n'accorde rien auxtravailleurs tant qu’ils sont pleins de vie, accorderaune retraite quand ils ne pourront plus rien produire.Enfin, il ne faut pas que quel que soit le projet quel'on établisse sur les retraites ouvrières, que l’oncrée de nouvelles charges pour l'ouvrier.

Le projet Capjuzan, à ce titre, est excellent. Tantqu'à celui du Conseil national, il est étonnant quel’on vienne proposer; dans un milieu socialiste, unimpôt sur les ouvriers étrangers. En raison mêmedu principe du droit de tout individu à l'existence,on ne peut approuver cet impôt.

Trabaud, Bourse du Travail de Nice, n'est pasde ceux qui disent qu'il ne faut pas demander deretraite; au contraire, il demande l'extension,l'universalité de la retraite à tous les individus de laSociété. Mais qu'on ne vote pas un projet qui obligeà une redevance du patron ou de l'ouvrier, le patronferait toujours du bénéfice sur l'ouvrier. Il faut traiterde même façon les travailleurs, hommes etfemmes, mais en tenant compte de la différencedesituation qu'il y a entre les villes et les villages.Trabaud conclut en demandant que l'ouvrier quitravaille pendant 40 ans soit sur le même pied queles fonctionnaires qui ont une retraite au bout de 25ans.

Beausoleil regrette que l’on traite si tardivementcette importante question qui intéresse tout lemonde du travail. Il se demande sur quelles basesle Conseil national s'est arrêté pour établir lesdifférentes catégories contenues dans son projet.II ne peut accepter l'impôt sur les ouvriers étrangersqui sont chassés de chez eux pour les mêmescauses qui nous font nous-mêmes quitter notrepays. Quant aux différentes suppressionsdemandées: budget des cultes, Sénat, etc..., toutcela ne donnerait pas le dixième des fondsnécessaires à la caisse des retraites.

D’un autre côté si on donnait à l'Etat le monopoledes assurances, il faudrait, indemniser lescapitalistes des sociétés d'assurances, quireporteraient leurs, fonds sur autre chose. Le droità la retraite est indiscutable, et c'est sur les ruinesdes églises, sur la suppression des institutionsnéfastes des privilèges opposés au droit à la vie,qu'il faut affirmer ce droit.

Lauches, Union des Ouvriers mécaniciens dela Seine est d'avis opposé à Beausoleil.Evidemment, les deux projet, soumis au Congrèsne sont pas entièrement applicable, mais il y a dubon dans ces deux projets. Il faut prendre ce qu'il y

a de bon dans ces deux projets, pour en faire unprojet unique et si on arrive à établir un bon projet,les Chambres seront obligées de le discuter.

Et si les Chambres refusaient de discuter ceprojet, on pourrait dire qu'elles ne veulent pas dece qui est bon et juste. On arriverait à substituerune autre Société à celle-ci et on aurait avec soitous les travailleurs. Ce que nous demandons c'estnotre droit et non de la pitié.

Maynier, Typographie parisienne, fait uneremarque. La question des retraites ouvrières estla tarte à la crème de tous les Congrès ouvriers.

Si on s'en tient aux propositions qui ont étéformulées au Congrès, notamment les différentessuppressions d'institutions existantes, dans vingtans on attendra encore l'institution de la caisse desretraites. Et elle ne se fera pas tant que lestravailleurs ne la feront pas eux-mêmes.

Le Président donne lecture des propositionsqui sont parvenues au bureau.

1- Les soussignés croient qu'il est utile que leCongrès décide de soumettre un projet de loi surles retraites à la classe gouvernante pour la mettreen demeure de se prononcer. Le prolétariat seraainsi édifié sur les sentiments de cette classe et luipermettra de démontrer avec thèse à l'appui, queseule la transformation de la Société peut donnerle bien-être auquel le prolétariat a droit.

J. Lauche; H. Galantus; Braun; Lemaitre.

2- La Bourse du Travail de Dijon adopte le projetEscuyer à titre de paliatif et préconise la créationd'une caisse de retraites qui sera alimentée par lasuppression du budget des cultes, des préfectureset sous-préfectures, de la moitié des hommes sousles armes et du retour à l'Etat des fortunesdépassant 200.000 francs.

U.Petit.

3- Les soussignés estiment que la créationd'une caisse de retraites étant du domaine de nosrevendications légitimes, il ne nous appartient pasde rechercher les voies et moyens de la faireaboutir, mais qu'il est du droit des travailleurs de lademander comme une œuvre nécessaire destinéeà sauvegarder nos vieux jours contre la misère.

Constant; Dangin; Trabaud; Philippe.

4- Les Organisations ouvrières d'Algermaintiennent que c'est le projet de loi Escuyer quia le plus de chance de succès, d'autant plus qu'il aété repris au début de cette législature par le groupeparlementaire socialiste, et que nombre decandidats, aujourd'hui députés, ont pris des en-

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gagements fermes de le voter.Liouville.

5- Les Syndicats des Ouvriers confiseurs,chocolatiers et biscuitiers de Paris se rallient auprojet Capjuzan, parce que dans ce projet on netouche pas au budget pour assurer les retraites,ce qui a lieu dans le projet Escuyer.

L. Brisse.

6- Le Congrès, reconnaissant que dans les con-ditions économiques de la Société actuelle, il nepeut qu'affirmer le droit de tout individu à l’existence,passe à l'ordre du jour.

Pelloutier, Pouget.

7- La Fédération de Meurthe-et-Moselle donnemandat à son délégué de voter le projet Escuyer àtitre d’indication seulement.

Lacaille.

8- Le Congrès affirme le droit à l'existence pourtous les travailleurs et récuse tout projet qui nes'appliquerait pas à l'universalité,

Beausoleil.

9- Le Syndicat de la Meunerie d'Ille-et-Vilainedit que la Caisse des retraites des travailleurs nesaurait aboutir, nonobstant l'impôt progressif sur lesrevenus, le classement nouveau du foncier non bâti(voies et moyens seuls indispensables).

Th. Coquet.

10- Les Organisations ouvrières de Bourgesayant établi un projet de loi sur les accidents que leCongrès ne peut discuter, émet le vœu que leConseil confédéral soit saisi de ce projet, qu'ill'étudie et qu’il y apporte les modifications qu'il jugeranécessaires, et qu'ensuite il fasse connaître à laBourse du Travail de Bourges la teneur de cesdécisions.

Millard.

11- La Bourse du Travail de Tours émet les vœuxsuivants:

1- Les travailleurs ont droit à une pension deretraite suffisante pour assurer leurs besoins;

2- Chaque année il sera inscrit au budget desdépenses de l'Etat la somme nécessaire pour as-surer le service de ces pensions;

3- Il sera établi un minimum de salaire.Fleury.

Besombes, Union des Syndicats de la Seine,demande que les camarades Capjuzan et Lagailse,auteurs de deux projets fassent partie de cette com-mission.

Pouget, Syndicat de l'industrie lainière deReims, n'est pas de l'avis du camarade Besombes,les auteurs de projets voudraient faire passer leurprojet sous une autre forme. La commission peutles entendre si elle le juge à propos. Le Congrèsadopte cette proposition et décide que les auteursde projets de caisses de retraite seront entenduspar la Commission, à titre consultatif, mais nedoivent pas faire partie de cette Commission.

Avant de passer à la discussion de la suite del'ordre du jour, le Président donne la parole aucitoyen Riom, de la Fédération du bâtiment, pourdonner lecture au Congrès du rapport de lapremière commission.

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RAPPORT DE LA PREMIÈRE COMMISSION

La Commission a reçu des rapports et despropositions émanant des organisations ci-après:

Travailleurs municipaux; Union des Syndicatsde la Seine; Bourse du Travail d'Angers;Estampeurs-Découpeurs; Dijon; Cochers-livreurs;Métallurgie; Restaurateurs-Limonadiers; Bâtiment;Chapeliers; Livre; Cartouchiers; Confédération;Fédération des Bourses; Cordonnerie de France;Nantes; Tours; Instruments de précision; Ver-sailles; Fonderie de cuivre; Employés du Gaz;Comité de la grève générale; Mécaniciens de Mar-seille; Brest; Confiseurs; Cuirs et Peaux.

Après lecture et classement de ces documents,la Commission a recherché sur quels points desStatuts ils apportaient des modifications. Elle aensuite entendu les délégués des organisations quien ont manifesté le désir: Fédération des Bourses,Union des Syndicats de la Seine, Chemins de Fer,Travailleurs municipaux, Confiseurs, Tailleurs depierres de la Seine, Air comprimé.

La Commission s'est livrée ensuite à uneenquête minutieuse sur le conflit existant entre lespersonnalités desquelles plusieurs délégués ontréclamé l'effacement.

A ce sujet, la Commission a la satisfaction deporter à la connaissance du Congrès qu'elle arésolu la question de la façon la plus heureuse, Demême que le citoyen Lagailse a informé le Congrèsde son intention formelle de ne pas porter sa can-didature au secrétariat de la Confédération; lecitoyen Pelloutier s'est engagé par écrit à ne jamaisposer sa candidature comme délégué de laFédération des Bourses du Travail au Comitéconfédéral.

La nouvelle organisation de la Confédération estd'ailleurs conçue de telle façon que le conflit actuelne peut plus se produire, du moins entre lesreprésentants des mêmes organisations.

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Modifications aux Statuts:

S'inspirant de la discussion générale autant quedes avis recueillis par elle, la Commission a tracéde la façon suivante les lignes principales desnouveaux Statuts.

S'efforçant de faire cesser tout conflit etpersistant à conserver les organisations existanteset à travailler à leur développement, la Commis-sion s'est inspirée de la nécessité de laisser dansleurs rôles respectifs distincts les deux formes degroupement syndical.

La forme professionnelle corporative, par laréunion des Fédérations de métiers, sous le nomde Confédération; la forme locale, administrative.par la Fédération des Bourses du Travail!

Sans considérer l'appoint de la Fédération desBourses du Travail comme nécessaire à laConfédération, la Commission admet que les deuxorganisations, tout en restant absolumentautonomes, puissent se réunir par intermittence etdans les cas urgents lorsqu'elles en éprouverontle mutuel désir.

La rivalité se transformera alors en émulation,la Confédération s'efforçant d'atteindre le mêmedéveloppement que la Fédération des Bourses, ententant de faire adhérer les Fédérations de métiersexistantes, et en créant là ou il n'en existe pas.

La Commission pense que la questiond'étiquette ne doit pas fournir un prétexte auxdissentiments, et elle émet le vœu que toutes lesFédérations de métiers adhérantes soientautorisées, ainsi que la Fédération des Bourses duTravail, à ajouter à leurs titres respectifs le titregénérique de Confédération générale du Travail.

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NOUVEAUX STATUTS:

Titre premier:

Art. 1er: Entre les divers Syndicats etgroupements professionnels de Syndicatsd'ouvriers et d'employés des deux sexes existanten France et aux Colonies, il est créé une organi-sation unitaire et collective qui prend pour titre:Confédération générale du Travail.

Les éléments constituant la Confédérationgénérale du Travail se tiendront en dehors de touteécole politique.

Art. 2: La Confédération générale du Travail aexclusivement pour objet d'unir sur le terrainéconomique et dans les liens d'étroite solidarité,les travailleurs en lutte pour leur émancipationintégrale.

Art. 3: La Confédération générale du Travail

admet dans ses rangs:Les Fédérations locales et départementales de

métiers et Syndicats isolés dont les professionsne sont pas constituées en Fédérations nationalesde métiers, ou dont les Fédérations refusentd'adhérer à la Confédération. Ces Organisations,pour être admises, devront avoir six moisd'existence. Elles devront, de concert avec laConfédération générale du Travail, faire tous leursefforts pour se fédérer nationalement. Ce résultatobtenu, elles ne seront plus admises directement.

En aucun cas ne pourront être admisesséparément deux Organisations d'une même pro-fession, ni deux Fédérations locales de métiersd'une même localité.

Art. 4: Le siège de la Confédération générale duTravail est à Paris. Les Congrès corporatifspourront toujours changer le siège de Confédérationgénérale du Travail.

Art. 5: La Confédération étant l'émanation desCongrès corporatifs, les statuts seront toujoursrévisables par lesdits Congrès. Toutefois, lesdemandes de changements aux statuts devrontêtre envoyées au Comité confédéral de laConfédération générale du Travail deux mois avantl'ouverture du Congrès. Ces projets seront envoyéspour l'étude un mois avant le Congrès aux organi-sations confédérées.

Titre II:

Article premier: Le Comité confédéral corporatifest composé comme il va être dit ci-après: dedélégués élus et choisis directement par les Or-ganisations adhérentes.

Art 2: Chaque délégué, salarié ou appointé, doitappartenir à l’une des Organisations adhérentes.

Art. 3: Aucun délégué ne pourra représenterplus d'une Organisation adhérente. Dans lesdélibérations du Comité confédéral, chaque déléguéne pourra avoir qu'une voix.

Art. 4: Les Fédérations nationales et lesSyndicats nationaux auront chacun trois délégués,les Fédérations locales de métiers auront chacunedeux délégués et les Syndicats auront chacun undélégué.

Art. 5: Le Comité confédéral sera nommé pourun an.

Art. 6: Le bureau sera composé:1- D'un sécrétaire général ;2- D'un sécrétaire adjoint;3- D'un trésorier général;4- D'un trésorier adjoint;5- D'un archiviste.Ces membres seront choisis dans le Comité

confédéral et nommés par lui. Ils pourront êtreindemnisés en raison de leurs travaux et de leurs

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déplacements.Les autres membres seront répartis dans les

Commissions suivantes, avec les attributions ci-dessous désignées:

Propagande: Organisation des Congrèscorporatifs annuels et exécution de leursdélibérations; propagande syndicale et fédérale,industrielle et agricole; unification de l'action cor-porative.

Arbitrage: Contentieux: Service d'arbitrage encas de conflits entre Syndicats et Fédérations.

Législation: Extension et généralisation del'institution de Conseils de prud'hommes; Luttecontre la concurrence du travail dans les prisonset couvents; Lutte pour l'abolition et la répressiondu marchandage; Lutte pour l'obtention d'unelégislation sur le travail, comportant, avec un mini-mum de salaire, la journée de huit heures au maxi-mum; Le repos hebdomadaire.

Commission des grèves: Grèves partielles;Caisse de secours; Grève générale.

Statistique: Statistique du travail.Commission du journal:Organisation et

fonctionnement du journal.Commission d’administration: Secrétariat:

correspondance, archives, relations extérieures;trésorerie: comptabilité.

Chaque Commission élira un secrétaire, quisera chargé de l'établissement de ses procès-verbaux.

Art. 7: Pour assurer le fonctionnement adminis-tratif du Comité confédéral et des institutions crééespar le Comité confédéral, ou ordonnées par leCongrès corporatif annuel, chaque Organisationconfédérée devra verser directement et sous saresponsabilité, le 1er de chaque mois, au trésorierdésigné par le Comité fédéral, une cotisationmensuelle.

Art. 8: Cette cotisation mensuelle seraproportionnelle au nombre de membres de chaqueOrganisation adhérente: elle est fixée sur unegraduation ainsi déterminée;

Pour toute Organisation comprenant:200 membres et au-dessous: 1 franc,de 201 à 500 2 francs,de 501 à 1.000 3 francs,de 1.001 à 2.000 4 francs,de 2.001 à 3.000 5 francs,de 3.001 à 4.000 6 francs,de 4.001 à 5.000 7 francs,de 5.001 à 6.000 8 francs,de 6.001 à 7.000 9 francs,de 7.001 à 10.000 10 francs.Au dessus de ce chiffre, 10 centimes en plus

par millier de membres.Art. 9: L'adhésion de toute Organisation

confédérée ne sera définitive, et ses délégués ne

pourront être admis à siéger au Comité confédéral,qu'après le versement de la première cotisationmensuelle.

Art. 10: Tout retard de paiement de troiscotisations mensuelles entraîne, de son plein droit,la suspension de l'adhésion de l'Organisationdébitrice. Ses délégués au Comité confédéral nepourront, dès lors, être entendus qu'à titreconsultatif.

Art. 11: La radiation ou l'exclusion de toute Or-ganisation adhérente ne pourra être ordonnée quepar les Congrès corporatifs annuels après auditiondes délégués des organisations intéressées.

Titre III:

Art. 1: Le contrôle financier du Comité confédéralsera exercé par sept délégués nommés par lesSyndicats et Fédérations adhérents de la ville oùest fixé le siège social.

Art. 2: Les Organisations syndicales devantconstituer la Commission de contrôle serontdésignées par tirage au sort, lors de la premièreassemblée du Conseil.

Art. 3: Cette Commission de contrôle seranommée pour un an. Elle rendra compte de samission au Congrès annuel corporatif. Elle établira,pour être communiqué aux Syndicats, deux moisavant le Congrès un rapport moral et financier.

Titre IV:

Art. 1er: Chaque année, le Comité confédéralinvite toutes les Organisations syndicales,adhérentes ou non, à prendre part aux travaux duCongrès corporatif annuel.

Art. 2: Ce Congrès annuel, qui aura lieu dans lemois de septembre, sera organisé par les soinsdu Comité confédéral, qui pourra déléguer, soussa surveillance, tout ou partie de ses pouvoirs auxConseils administratifs des Organisationssyndicales ayant leur siège dans la ville où setiendra le Congrès.

Art. 3: Le Comité confédéral établit l’ordre du jourde chaque Congrès; il lui soumet un rapport sur lagestion.

Art. 4: Ce Congrès fixe la ville où aura lieu leCongrès suivant.

La Commission: Blanchart, Branque, Constant,Claverie, Dalle, Fleury, Richer, Riom, Trabaud,

Pour et par ordre: Le Rapporteur, L. Riom.

Capjuzan, Syndicat de la cordonnerie ouvrièrede France: Il y a quelque chose, à son avis, qui,dans l'intérêt de la classe ouvrière, manque au pro-gramme général de la Confédération. On n'a pas

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envisagé les attaques gouvernementales contre leprolétariat. C'est à la Confédération qu'incombe ledevoir de le défendre et vu les moments difficilesque nous traversons, on doit donner ce mandat àla Confédération en introduisant une clausequelconque qui lui permette de convier les organi-sations ouvrières à une action commune.

Lauche, Union des mécaniciens de la Seine,fait des réserves sur le rapport de la première com-mission qui ne le satisfait nullement.

Quelle est la solution donnée au conflit quiexistait jusqu'à ce jour? Satisfaction est donnée àla Fédération des Bourses qui se retire de laConfédération. La Confédération est modifiée à lasatisfaction de la Fédération des Bourses quicontinuera comme par le passé et au prochainCongrès on reviendra avec de nouveaux griefs.

Lauche avait proposé là disparition des deuxantagonistes parce que le conflit n'existait qu'àcause des personnalités que suscitait l'attitude dela Fédération des Bourses qui entravait la marchede la Confédération. Tant que les deux organisa-tions seront parallèles on n'aura pas résolu la crise,il y aura toujours antagonisme parce que l'hommedes Bourses subsiste et que les Bourses suivrontPelloutier.

Les modifications faites aux statuts de laConfédération ne lui semblent, pas heureuses. Lespetits Syndicats paieront plus cher que les grandspour ne jouir que des mêmes avantages. En ce quiconcerne l'admission des groupements dans laConfédération, on va faire naître un conflit queLauche essaiera de tous ses efforts d'apaiser, en-tre l'Union des Mécaniciens et la Fédération de laMétallurgie.

Lauche demande au Congrès si on laissera fairela Fédération des Mécaniciens et si elle pourraadhérer à la Confédération.

Riom, Rapporteur de la première commission,invite le camarade Lauche à se rapporter aucompte-rendu du Congrès de Toulouse qui établitque la Confédération admettra les Fédérations demétiers et que les professions pour lesquelles ilexiste une Fédération nationale d'industrie nepourront être admises.

Guérard, Syndicat des Chemins de Fer,demande à la commission de procéder à quelquesmodifications de forme et trouve que l'augmentationproposée pour les cotisations est trop forte.

Copigneaux, Fédération des TravailleursMunicipaux de Paris, est de l'avis de Lauche; lerapport de la commission ne donne pas satisfac-tion. Qu'est-ce que les Bourses du Travail: des

unions locales de Syndicats; et la Fédération desBourses n'est qu'une fédération d'unions localesde Syndicats. Qu'est-ce que la Confédération sinonl'union des Fédérations de métiers? En laissant laFédération des Bourses en dehors de laConfédération, la commission procède à ladésorganisation du prolétariat. Les Organisationsse demanderont qui elles devront suivre: ou laFédération des Bourses ou le Conseil Confédéral.Il y aura encore des Organisations qui, devant unepareille situation, ne voudront appartenir à aucunefédération. Il eût fallu supprimer les deuxindividualités qui faisaient obstacle à la bonnemarche de la confédération et maintenirl'organisation adoptée à Toulouse. L'acrimonie nedisparaîtra pas entre les deux Organisations et ellene fera au contraire que s'accroître, chacun voulantaccaparer à lui seul les Organisations ouvrières.

Riom, Rapporteur: Quelques membres duCongrès ont demandé, avec beaucoupd'insistance, que les individualités qui se trouvaientà la tête des deux organismes disparaissent.Aujourd'hui, on nous reproche de n'avoir passupprimé une organisation. La Fédération desBourses ne nous a pas chargés de disposer d'elle,et il ne pouvait pas venir à l’idée de la commissionde statuer sur cette question.

Braun, Fédération de la Métallurgie, aurait désirévoir la Fédération faire partie de la Confédération,qui devrait comprendre, comme l'avait décidé leCongrès de Toulouse, la Fédération des Bourseset la Fédération des Métiers. On sera obligé de lesréunir à nouveau. Le Congrès de Rennes n'auradonc pas fait de bonne besogne. Mais ce qui estinexplicable, c'est que la Fédération des Bourses,tout en n'étant pas de la Confédération, en seraquand même, puisqu'elle aura voix au chapitre,comme par le passé.

Il n'y a pas lieu de créer une nouvelle fédérationdans la métallurgie, comme le demande lecamarade Lauche; actuellement, elle comprendtrois fédérations. Evidemment, on n'a pas cru malfaire, mais il eût été à désirer que toutes les forcesdes professions se rattachant à la métallurgiefussent réunies en une seule et unique fédération.

Peltier, Syndicat des Ouvriers Tailleurs deParis, estime que la question, soulevée par lecamarade Lauche, est du ressort de la commis-sion des conflits et ne doit pas absorber les instantsdu Congrès.

Braun dit qu'il n'y a pas d'acrimonie entre lesprofessions se rattachant à la métallurgie. Il estconvaincu que les trois fédérations seront obligées

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de se réunir à un moment donné pour ne formerqu'une seule et même fédération.

Besombes, Union des Syndicats de la Seine:On a vu avec stupéfaction le citoyen Lauche de-mander le suicide de la Fédération des Bourses.L'organisation à laquelle appartient Lauche ne faitpas son devoir; ce syndicat des mécaniciens n'estpas fédéré à sa fédération de métier, il n'appartientpas à la Bourse du Travail de Paris. Et c'est ledélégué d'une organisation qui ne suit pas lesdécisions des Congrès qui vient demander ladisparition des administrateurs des organisationsqui sont le plus utile aux organisations ouvrières.Nous sommes ici pour faire respecter les décisionsprises par les Congrès antérieurs et tout ce que jedis au sujet du syndicat des mécaniciens de laSeine regarde le Congrès. Et pour bien édifier leCongrès, il faut lui faire savoir que cette organisa-tion qui ne veut pas de la loi de 1884, permettantaux Syndicats d’ester en justice et qui ne veut pasvenir à la Bourse du Travail parce qu'elle est lapropriété du préfet, accepte cependant les subven-tions offertes par la Ville de Paris.

Besombes est surpris de ce que Guérard trouvetrop élevé le taux dès cotisations établi par la com-mission. Cette remarque, venant du délégué quidemandait d'élever le nombre de voix des grandsSyndicats, est faite pour étonner.

Quant à Copigneaux, qui demande de fairedisparaître les deux personnalités qui ont été enconflit et de faire la fusion des deux organismes, iloublie que la Fédération des Bourses est autonome.Le Congrès ne peut pas supprimer son autonomieet elle ne veut pas disparaître. De plus, elle estsatisfaite de son secrétaire général et elle n'aaucune raison de le changer.

Hamelin, Verrerie ouvrière: Le Congrès de Tou-louse lui avait plu, à cause de l'union ouvrière quis'y était manifestée.

Aujourd'hui on démolit cette union ouvrière parcequ'il y a eu des personnalités. Si on s'était trouvéen présence des démissions des personnalités quisont en conflit, on n’eût pas songé un seul instant àmodifier l'organisation créée à Toulouse. Lagailsea donné sa démission, mais Pelloutier, au contraire,se cramponne et ne veut pas démissionner. Devantcet état de choses, la Commission s'est trouvéeembarrassée et les décisions qu'elle a prises nechangeront rien. II y aura de l’animosité entre lesdeux organismes comme avant la réunion de ceCongrès.

Hamelin insiste sur la situation qui sera faite auxSyndicats de province le jour où une même ques-tion sera étudiée par les deux organismes, elle seratranchée par la Confédération dans un sens et par

la Fédération des Bourses dans un autre sens.

Blanchard, Bourse du Travail de Nantes: Lestravailleurs qui assistaient hier soir à la réunionpublique organisée par le Congrès sous la halle desLices, seraient fort étonnés s'ils voyaient en cemoment les camarades de Paris se déchirer entreeux.

Depuis le commencement du Congrès, onn'entend que de violentes attaques contre le citoyenPelloutier et quand on est allé jusqu'au fond de cesattaques, on n'a rien trouvé de sérieux. Les organi-sations de Nantes sont satisfaites du travail ac-compli par Pelloutier; elles l’ont apprécié. Nousavons comparé le travail accompli par lui et celuifait par le citoyen Lagailse: nous savons à quoi nousen tenir là dessus.

Roche, Syndicat des Cochers-Livreurs de laSeine, estime que les cotisations que l’on réclamedes petits Syndicats sont trop considérables poureux si on compare celles que l'on demande auxgrands Syndicats. Il ne faudrait pas grever les pe-tits Syndicats plus que les grands. Richer, Boursedu Travail du Mans, dit qu'il va droit au but. La situ-ation est bien nette: on veut la disparatiode laFédération des Bourses quand on demande ladisparition de Pelloutier. Si on arrivait à fairedisparaître la Fédération des Bourses, on nes'arrêterait pas la; on voudrait aussi la disparitiondes Fédérations de métiers. On ne veut avoir queles Syndicats et, avec eux, on veut avoir desressources pécuniaires. Ceux-là qui n'ont pas en-core fait leurs preuves osent venir demander ladisparition de la Fédération des Bourses; lesBourses n'admettront jamais la disparition de leurFédération! (Applaudissements). Les Boursespourraient aussi demander, pour bien des raisons,la disparition de la Confédération. Où s’arrêteraitcette lutte? Il est très pénible aux délégués de pro-vince de voir les représentants des organisationsouvrières de Paris se déchirer entre eux, alors qu'ilsdevraient montrer l'exemple de l'union dans lesrevendications. Que répondront-ils, les délégués dela province, lorsqu'ils rentreront chez eux et queles camarades de leurs organisations leurdemanderont compte de leur mandat.

Il est également pénible de voir qu'à la réunionpublique d'hier soir, on a toujours et constammentparlé de Paris. Il n'y a pas de Paris parmi nous, il ya des Syndicats qui sont tous égaux.(Applaudissements).

Richer conclut en disant qu'il n'y a pas lieu dedemander la disparition des Bourses du Travail.

Lauche, Syndicat des Ouvriers mécaniciens dela Seine, répond au citoyen Besombes que s'il a

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pris parti dans la discussion, c'est qu'on a vu etqu'on connaît l'antagonisme qui existait entreLagailse et Pelloutier. Si on laisse les deuxorganismes tels que le demande la Commission,nous allons engager les Syndicats dans une situa-tion difficile. Quant au Syndicat des Ouvriersmécaniciens de la Seine, il ne voudra adhérer àaucun des deux organismes, puisqu'ils doiventmarcher sans cohésion.

Le Congrès prononce la clôture de la discus-sion avec les orateurs inscrits.

Guérard, Syndicat des Chemins de fer, croyaitqu'il n'y aurait pas de discussion sur le rapport dela Commission, puisqu'on l'avait chargé detrancher cette question difficile: l'antagonisme en-tre la Fédération des Bourses et la Confédération.La Commission, pour éviter cet antagonisme, laissesa liberté à la Fédération des Bourses. On ne peutqu'être enchanté de cette solution.

Il répond au délégué du Mans qu'il n'y a pas lutteentre les organisations ouvrières de Paris et cellesde province; il serait fâcheux de laisser croire à untel état de choses que rien n'expliquerait

Répondant au délégué de l'Union des Syndicatsqui s'étonne que le Syndicat des Chemins de ferproteste contre l'augmentation exagérée descotisations que l'on veut imposer aux grandsSyndicats, Guérard dit qu'ils ne pourraient l'accepterque si on tenait également compte de leur impor-tance numérique dans les décisions à prendre.Sous prétexte d'égalité de droits, on craint de leurdonner une prépondérance apparente et on veutcependant augmenter leurs charges; ce ne seraitpas logique.

Répondant au même délégué qui reproche à dessyndicats de ne pas faire leur devoir parce qu'ilsne veulent pas entrer à la Bourse du Travail de Paris,Guérard dit qu'il faut dissiper une équivoque. Dessyndicats, malgré les règlements préfectoraux etministériels sont entrés à cette Bourse; c'est leuraffaire et nous ne leur en faisons pas le reproche;mais nous disons que ceux qui n'y sont pas entrésfont mieux encore.

Copigneaux, Fédération des Ouvriersmunicipaux de Paris: Lorsque la Commission setrouvait réunie, j’ai dit que le Conflit existant entre leConseil national et la Fédération des Bourses neprovenait pas de questions de personnalité, maisd'appréciations différentes dans l'application desstatuts de la Confédération.

Copigneaux proteste contre ce que vient de direle délégué du Mans, n'ayant jamais voulu démolirla Fédération. C'est une erreur complète de croireque l'on veuille démolir les Fédérations de métier;

de plus les délégués des organisations de Parisne veulent pas monter le coup aux délégués desorganisations de province.

Claverie, Syndicat des Employés du gaz deParis: Il ne faut pas oublier qu'il faut adopter ourejeter le rapport présenté par la Commission qui areçu mission du Congrès de rechercher la meilleuresolution au conflit que tous connaissent.

Au sujet de la remarque que faisait le citoyenRicher, du Mans, je crois devoir lui faire observerque le Congrès n'a pas négligé les délégués de laprovince. La province a manifesté le désir d'être enmajorité dans la première commission et leCongrès lui a donné satisfaction.

On vient de combattre le rapport de la Commis-sion et d'après les critiques qui ont été formulées,il est aisé de voir que ceux qui les ont expriméesne se sont pas rendu exactement compte desmodifications proposées. La commission a entendutous les délégués qui se sont présentés et elle atenu compte de toutes leurs opinions. Après avoirentendu toutes les observations de chacun, la com-mission a procédé à une discussion trèsapprofondie, discussion qui a été fort longue et fortlaborieuse. Enfin, hier soir, les membres de la com-mission étaient tombés d'accord et avaient admisla Fédération des Bourses dans la Confédérationcomme les Fédérations ordinaires de métiers. Lecamarade Riom, rapporteur, avait été chargéd'établir un rapport dans ce sens et, avant de leprésenter au Congrès, il était convenu que la com-mission se réunirait une dernière fois pour enentendre la lecture. Ce matin, sur l'observation deplusieurs membres de la commission qui faisaientobserver que la Fédération des Bourses n'était pasune Fédération de métiers, la commission a décidéqu'il valait mieux laisser la Fédération des Bourseshors la Confédération et lui donner sa liberté.

C'est la solution la plus heureuse que l’on pouvaitdésirer, et il est à souhaiter que le Congrès lecomprenne et approuve le rapport de la commis-sion.

Beausoleil fait remarquer au citoyen Guérardqu'il n'y a pas une grande progression dans le tauxdes cotisations établi par la commission. Une or-ganisation puissante doit payer davantage que lespetites, qui ont bien plus à lutter que les grandes. Ilfaut aussi, dès maintenant, se préoccuper du tra-vail que l’on aura à faire dans le prochain Congrès,notamment de la situation des Syndicats isolés.

Trabaud, Bourse du Travail de Nice: Lecamarade Claverie a fait une exposition claire etexacte de la situation et des travaux de la commis-sion. Il a cependant omis de dire que l’on a repoussé

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de la Confédération, en même temps que laFédération des Bourses et pour les mêmes mo-tifs, les Fédérations départementales desSyndicats. Trabaud était d'avis d'admettre lesBourses du Travail à la Confédération, mais la com-mission n'a pas cru devoir entrer dans cette voie.La Fédération des Bourses et la Confédération ontun travail tout tracé qu'elles peuvent réaliser,quoiqu'étant organisées de façons différentes. Ceque la commission désire, c'est que tous ceux quitravaillent soient organisés, et c'est de cela qu'elles'est inspirée.

Barlan, Bourse du Travail de Toulouse,demande que le Comité confédéral envoie lesrapports régulièrement à temps aux Organisationsouvrières fédérées et qu'il applique les statutsintégralement.

Riom, rapporteur de la 1ère commission: Onattaque le rapport de la commission; celle-ci a ledevoir et le droit de se défendre. On ne joue pasavec les mots, et personne n'a le droit de suspecterla commission, qui, on la déjà dit, a tout discuté,tout débattu: la commission a agi méthodiquementet envisagé la question sous toutes ses faces. Ellea fait un travail impartial et honnête.

On a dit que puisqu'il n'y avait pas moyen defaire l'entente entre le Conseil national et laFédération des Bourses, il fallait qu'une de ces deuxorganisations disparaisse.

Laquelle de ces deux organisations devraitdisparaître?

Toutes deux rendent des services et en rendrontencore davantage à l'avenir. On a démontre auCongrès que nous n’avions pas à disposer de laFédération des Bourses. Et puis, est-ce une raison,parce que des critiques ont été formulées contreune organisation, pour la faire disparaître?

Alors, il suffirait que les ennemis d'une Organi-sation viennent l'attaquer pour qu'aussitôt on lasupprime? Ce n'est pas admissible.

L'objection tirée de la contradiction possible en-tre les deux organismes étudiant une même ques-tion, aurait toujours la même valeur en maintenantle statu-quo; mais avec cette circonstanceaggravante qu'au lieu de se produire au sein de -deux Organisations séparées, la contradiction auraitlieu au sein même de la Confédération; car on nepourrait obliger chaque Bourse du Travail à êtretoujours du même avis que les Fédérations demétiers de tous les Syndicats qui la composent.

Quant à exiger la démission du secrétaire de laFédération des Bourses, c'est comme si le Congrèsémettait la prétention d'imposer la même exigenceaux Fédérations de métiers; pas une ne s'ysoumettrait, et il faut avouer que nous n'aurions rienà y voir.

Le Président met le rapport de, la premièreCommission aux voix. Le Congrès l'adopte, à mainslevées, à l'unanimité moins deux voix.

Le délégué du Syndicat des Ouvriers en instru-ments de précision de Paris dépose la protesta-tion suivante sur le bureau et demande son inser-tion au procès-verbal:

Le Syndicat des Ouvriers en instruments deprécision, estimant que la réunion des grandes Or-ganisations simplifie les rouages et concentre lesforces du prolétariat organisé, demande que l'onrespecte les décisions du Congrès de Toulouse etvote contre le rapport de la première Commission.

Le délégué, Auvray Paul.

La séance est levée et la prochaine séancerenvoyée à demain matin, huit heures.

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ONZIÈME SÉANCE: Samedi 1er octobre 1898 (matin).

La séance est ouverte à 8 heures du matin, sousla présidence du citoyen Beausoleil; assesseurs:Cior et Reynier.

Le camarade Cayol, délégué de Marseille, faitl'appel nominal.

Absents: Augé, Dalle, Ganat, Michon, Pouget,Riom et Rozier.

Hamelin, Verrerie ouvrière: Pour être logique,après le vote d'hier soir sur le rapport de la premièreCommission et sur les modifications apportées auxstatuts, il faut dégager le citoyen Lagailse de

l’engagement qu'il a pris devant le Congrès. Eneffet, on a décidé que le Comité confédéral resteratoujours libre et maître de choisir son secrétairegénéral, et le Comité ne pourrait prendre le citoyenLagailse comme secrétaire général si celui-ci n'étaitpas dégagé.

Le Congrès, consulté sur cette question, àmains levées, dégage le citoyen Lagailse de ladémission qu'il a donnée et de l'engagement qu'il apris de ne plus être candidat aux fonctions desecrétaire général.

Cayol, Syndicat des Ouvriers mécaniciens de

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Marseille, lit la déclaration suivante:Présidant, hier soir, la dixième séance du

Congrès, je n'ai pas voulu prolonger davantagel'incident soulevé par notre camarade du Mans. Enprenant la parole à ce moment, j'estime que j'auraismanqué à mon devoir de président de séance.

Le camarade du Mans a incriminé noscamarades délégués des organisations de Parisparce qu'ils ont toujours la majorité dans toutes lesCommissions nommées par le Congrès et parcequ'ils étaient également la majorité dans lesorateurs de la réunion publique tenue, jeudi soir, aumarché des Lices.

Je crois devoir répondre que ce camarade n'étaitpas dans la logique et qu'il aurait dû user de plusd'égards envers nos camarades de Paris, qui n'ontpas plus le droit que les camarades de province,de se servir de pareilles expressions. Nous avonspresque tous admis pour devise dans nos corpo-rations: Travailleurs de tous pays, unissez-vous!

Camarades, nous ne devons pas avoir aucunedistinction entre nous, et si j'ai tenu à faire cettedéclaration, c'est que nous sommes tous icidélégués au même titre.

Le Président donne la parole au citoyen Meyer,du Syndicat des Ouvriers pâtissiers de la Seine,sur les bureaux déplacement. Ce dernier, auxapplaudissements unanimes du Congrès, donnelecture d'un rapport sur la question.

Trabaud, Bourse du Travail de Nice, dit qu'auCongrès des Bourses du Travail, il a insisté pourque, dans les villes où il n'y a pas de Bourses duTravail, les Syndicats ouvriers demandent auxmunicipalités de créer un bureau de placementgratuit. On lui a prétexté que si les municipalitésorganisaient elles-mêmes des bureaux de place-ment gratuit, on ne pourrait obtenir la création deBourses du Travail. On semble donc subordonnerla raison d'être des Bourses au placement, alorsque les Bourses du Travail doivent êtrerevendiquées comme un droit pour les travailleurset considérées comme lieu de réunions desSyndicats. Trabaud conclut en demandant aux or-ganisations ouvrières, qui ont des bureaux deplacement, de faire le plus de propagande possi-ble pour les faire connaître des travailleurs.

Terrier, Syndicat des Ouvriers maréchaux dela Seine, approuve les déclarations du camaradeTrabaud.

Meyer, Syndicat des Ouvriers pâtissiers de laSeine, approuve également le camarade Trabaud,quand ce dernier recommande aux bureaux deplacement gratuits de se faire connaître le plus

possible. Il faut demander la suppression radicale,immédiate, des bureaux de placement payants, quiprélèvent dix millions par an sur les travailleurs.(Applaudissements).

Coquet, Syndicat des Ouvriers Meuniers d'Ille-et Vilaine: Les jeunes gens des campagnes,lorsqu'ils viennent dans les villes chercher du tra-vail, sont pourchassés par des placeurs,congréganistes le plus souvent, qui les exploitentde la façon la plus odieuse. Ces placeurscommencent par se renseigner sur la situationpécuniaire de ces sans-travail, puis les font courirde maison en maison, jusqu'à ce qu'ils n'aient plusd'argent. La Chambre des Députés, à une trèsgrande majorité, avait voté la suppression des bu-reaux de placement payants, mais le Sénatmalfaisant n'a pas maintenu cette suppression. Cesagences de placement doivent cependantdisparaître, car elles sont immorales. Ce sont desvampires qui se nourrissent de l'épargne destravailleurs. (Applaudissements).

Lacaille, Fédération des Syndicats de Meurthe-et-Moselle, demande l'approbation pure et simpledu rapport du camarade Meyer sur les bureaux deplacement.

Charlot, Syndicat des Ouvriers Charpentiers dela Seine: Personne n'est opposé à la suppressiondes agences de placement, et comme le rapportdu citoyen Meyer concerne spécialement cette sup-pression, le Congrès ne peut qu'approuver la propo-sition du camarade Lacaille.

Reynier, Bourse du Travail d'Aix, demande quel'on supprime les bureaux de placement descommunautés religieuses.

Maynier, Chambre syndicale des TypographesParisiens, parlant dans le même sens que lecamarade Trabaud, de Nice, invite tous lessyndiqués, lorsqu'il viennent à connaître un emploivacant, à le faire savoir à leur Bourse du Travail.

Capjuzan, Syndicat de la Cordonnerie Ouvrièrede France, propose d'empêcher les journaux des'occuper du placement. Vu la pénurie du travail,pour une offre d'emploi seulement, l'employeur voitvenir vers lui une vraie procession de quémandeurs.Cela lui permet de faire un choix et d'avoir desemployés qu'il paie comme il veut. De plus, ce sontgénéralement les plus mauvaises maisons qui fontces publications.

Le Congrès adopte le rapport présenté par lecamarade Meyer.

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RAPPORT SUR LA SUPPRESSION DES BU-REAUX DE PLACEMENT, PRÉSENTÉ AUCONGRÈS CORPORATIF DE RENNES PAR LACHAMBRE SYNDICALE OUVRIÈRE DESPÂTISSIERS DE LA SEINE ET APPROUVÉ PARLA FÉDÉRATION OUVRIÈRE DES CUISINIERSDE FRANCE ET DES COLONIES, ET PAR LESSYNDICATS DES EMPLOYÉS D'HÔTELS ETDES BOUCHERS DE PARIS.

Citoyens,Sur cette question de la suppression des bu-

reaux de placement, nous ne nous étendrons pastrop longuement; la question est certainementconnue de la majeure partie de vous tous, et nousaurons votre unanime appui; ceux-là mêmes quine sont pas tributaires de ces agences seront avecnous pour les combattre et à demander leur sup-pression dans l’intérêt du travail, du Prolétariat, avecceux-là qu'ils exploitent, et qui en souffrent.

Mais il convient quand même qu'à ce Congrèsnous fournissions, nous les principaux et les plusexploités, un rapport assez rationnel, pour fairemieux comprendre à ceux qui édictent les lois que,toujours au nom de la liberté de nos droits, nousresterons réfractaires à toutes les lois, quellesqu'elles soient, tant qu'une parcelle de ces institu-tions malfaisantes restera debout: ce que nousvoulons, c'est leur suppression totale au nom de laJustice et de l'Honnêteté.

Quelques aperçus historiques sont nécessaires;il convient de faire ressortir ici que s'ils sontdégénérés ou, pour mieux dire, déshonorés, celuiqui a eu la première idée de leur création fut inspirépar une idée saine, honnête et charitable; et siThéophraste Renaudot renaissait de ses cendres,il serait le premier à renier son œuvre et maudireceux qui l’ont transformée en repaire de rapine etde vol.

Il est donc nécessaire de rappeler l'origine del'institution dont nous avons à nous plaindreaujourd'hui; et nous lisons dans un rapport des pluscirconstanciés, présenté en 1893 à la Chambredes députés par M. Arnauld Dubois, sous ce titre :“Aperçu historique”, les lignes suivantes: «Sousl'ancien régime, les ouvriers de métiers,hiérarchisés, étaient parqués dans le cadre étroitdes corporations; les serviteurs attachés à lamaison se recrutaient en partie dans la clientèle dela famille.

Tout le monde du travail, quelques compagnonsexceptés, se déplaçait peu... Il y avait donc peusur le pavé des villes en dehors des artisans etdes gens de maison, d'ouvriers en quête de tra-vail... Pourtant, en 1610, il vint à l'esprit d'un rêveurdu temps, d'établir à l'intention des gens de peineet d'aventures, un bureau d'adresses et de

rencontres, c'est-à-dire un bureau de placement,toutefois avec cette différence des nôtres, que leplacement du pauvre devait y être gratuit, et quel'employeur devait payer à l'intermédiaire le servi-ce qu'il en retirait.

Tel était, il y a plus de deux siècles et demi, nonpoint l'industrie, mais le service de placement; maisl'œuvre du docteur Théophraste Renaudot ne lui apoint survécu.

En 1776, Turgot abolit les corps d'Art et Métiers,les Maîtrises et les Jurandes, donne aux institu-tions de placement qui existaient alors, un caractèrepolicier qu'elles sont loin d'avoir perdu de nos jours.

Dans les articles 2 et 3 de son Edit, il dit en effetqu'il enjoignait à tout entrepreneur de tenir état descompagnons qu'il employait; une lettre-patente duRoi, enregistrée au Parlement le 8 janvier 1782,assujettissait tous les ouvriers à se taire inscrireau registre de la Police; un Constituant, Malouet, ilconvient de retenir son nom, frappé de l'abandondans lequel se trouvaient les sans-travail, proposaitque chaque ville devait avoir son bureau de secourset de travail; malheureusement, l'AssembléeConstituante n'adopta pas la sage disposition deMallouet.

Pour arriver à l'origine exacte des placeurs, c'estpar une Ordonnance du 20 pluviôse an XII, qu'ilest établi à Paris des bureaux de placement; enl'espace d'un an, nous dit le rapporteur de la com-mission du travail, il en fut créé 17, et en 1810, uninspecteur général fut chargé de leur surveillance;mais les ouvriers suspectèrent cette institution, lesconditions d'inscriptions et de déclarationspréalables excitèrent leur défiance, et, dès cetteépoque, ces institutions du premier Consul furentfrappées de suspicion par les travailleurs.

La Restauration créa le placement libre, se fitplaceur qui voulut, c'est alors que cette industrieprit le caractère de fraude qu'elle possède encoreaujourd'hui et de nombreuses plaintes de la partdes ouvriers volés et exploités se produisirent.

Après la Révolution de Février, les plaintes furentsi nombreuses, les abus si criants, l'exploitation sihonteuse, que le Gouvernement Provisoire décréta(8 mars 1848):

1- Qu'il serait établi dans chaque Mairie de Paris,un bureau gratuit de renseignements;

2- Que les bureaux dresseraient des tableauxde statistique de l'offre et de la demande de travail.

Qu'à cet effet il serait tenu deux registres surlesquels devaient être inscrites les offres et lesdemandes d'emploi.

En proclamant la gratuité, nous entrions dans latradition républicaine; le 28 mars suivant, Causidièresupprime les bureaux de placement libres, le régimede placement par les mairies inauguré parCausidière, n'eût pas le temps de faire ses preuves.

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L'Empire allait renaître et avec lui allait revivrela tradition de 1810.

Le placement par des préposés, agréés par laPréfecture de police par son décret en date du 23mars 1852, le gouvernement impérial consacraitce principe, il est vrai qu'une ordonnance fut édictéele 5 octobre de la même année, cette ordonnancesoumettait les placeurs à de très étroites obliga-tions; ils devaient délivrer gratuitement, avecnuméro d'ordre, indiquer par affiches, les conditionsdu tarif, etc...

Cette ordonnance, mise à exécution, eut pu êtred'un salutaire effet; malheureusement il n'en fut rien;les détenteurs d'officines, devenus auxiliaires dela police, furent plutôt protégés par elle, et lesmonstrueux abus qui se commettaientjournellement ne furent presque jamais réprimés.Le régime despotique s'accommodait d'ailleursavec satisfaction d'une institution qui le servait; peului importait que les travailleurs fussent spoliés.

Mais ce qui est fâcheux à dire c'est que le mêmerégime de placement est encore en vigueuraujourd'hui.

Depuis 1884 les efforts tentés par la classeouvrière, tributaire de ces agences de placement,ont été nombreux à cette époque, une ligue tendantà leur suppression fut fondée, et cette ligue quicomprenait les représentants mandatés par vingt-huit syndicats ou sociétés des Travailleurs del'alimentation, reçut des pouvoirs publics, desministres de l'époque les meilleurs encourage-ments, et le Conseil municipal fit droit à la requête,en instituant la première annexe de la Bourse duTravail.

Car il convient de le proclamer, c'est bien de lacampagne accomplie par la Ligue pour la suppres-sion du bureau de placement, que s'est réaliséecette généreuse idée, émise déjà en 1848 par unmembre de la Constituante, puis reprise par lesConseillers ouvriers, Joffrin, Chabert, fût créée parle Conseil municipal de Paris.

Depuis, l'œuvre s'est propagée, et renditcertainement au Prolétariat quelques services etlui donna une certaine force. C'est sous les impul-sions et la propagande active de la Ligue que furentouverts dans les mairies de Paris des bureauxspéciaux chargés de recevoir les offres etdemandes d'emplois, et depuis, de nombreuxprojets soumis aux différentes législatures:Mesureur, Millerand, J.-B. Dumay, Coutant, et biend'autres, reconnaissent l'utilité de supprimer cesagences.

Le Conseil supérieur du Travail, en 1891, étudiaitla question, et comme nous-même reconnaissaitl'utilité de supprimer le décret de 1852.

Nous ne rentrerons pas dans de trop nombreuxdétails sur les méfaits qui sont reprochés aux

agences de placement et le seul fait qu'elles por-tent un préjudice matériel et moral aux intérêtscorporatifs, qu'elles sont une première cause dumarchandage et de la baisse des salaires, est undes éléments pris au service de l'exploitation et dela misère; le fait aussi qu'elles provoquent l'instabilitédans les emplois, et si nous ajoutons à ces légitimesgriefs les faits d'immoralité dont, en maintescirconstances, ont retenti les tribunaux, voussuffiront, Citoyens, pour que, comme aux différentsCongrès corporatifs, vous soyez avec nous pourdemander leur suppression.

Le projet de loi voté par la Chambre â la fin del'ancienne législature ne peut nous donner satis-faction; d'ailleurs, cette loi a été modifiée par leSénat dans un sens plus favorable aux placeurs.

Car si elle est devenue caduque, elle doit subirun nouvel examen portant l'abrogation du décretde 1852 et de toutes les ordonnances ouréglementation leur donnant un renouvellement.

La proclamation absolue du principe de gratuitéentre l'offre et la et la demande, avec coercitivecontre tout délinquant, le placement effectué parles chambres syndicales, les Bourses du travail,et à défaut par les Municipalités.

Voila, Citoyens, les conclusions que nous vousprésentons à ce Congrès; nous avons la confiancequ'en tant que résolution, vous voudrez bien luiaccorder votre vote

Louis Meyer, membre du Syndicat desPâtissiers de la Seine.

Le Président donne lecture des propositionsqui sont parvenues au bureau:

1- Attendu que si le placement gratuit et lescaisses de chômage n'existaient pas près des or-ganisations ouvrières, le recrutement dessyndiqués deviendrait difficile et les Syndicats neprendraient pas d'extension, le Syndicat desEstampeurs et Découpeurs, et celui desAcheveurs-Coquilleurs, n'approuvent pas la propo-sition formulée par le délégué de Nice, qui demandela création de bureaux de placement municipaux.

Nicoud.

2- Que chaque Syndicat des Bourses où ilexiste un bureau de placement constitue à ce bu-reau une petite caisse de secours pour les ouvriersde la profession qui se trouvent sans ressources;

Que la Bourse du travail en constitue uneégalement pour venir en aide aux bonnes etdomestiques et les sauver ainsi de la prostitution.

J. Petit.

3- La Fédération des Syndicats ouvriers de

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Meurthe-et-Moselle propose que le placement desouvriers, ouvrières, employés des deux sexes,etc... soit fait exclusivement par les Syndicatsouvriers et par les Bourses du travail.

E. Lacaille.

4- Dans les communes où n'existeraient niSyndicats, ni Bourse du travail, les municipalitésdevront instituer des bureaux de placementgratuits. Les préposés a ces bureaux municipauxdevront adresser périodiquement à la Bourse dutravail la plus proche un rapport statistique sur lefonctionnement du placement gratuit.

C. Beausoleil.

5- Attendu que l'insertion dans les journaux dela rubrique: «Offres et demandes d'emplois»permet au patronat de diminuer constamment lessalaires, la Chambre syndicale ouvrière de laCordonnerie de France demande aux organisationsouvrières d'obtenir la suppression de cette rubriquedans tous les journaux.

F. Capjuzan.

6. — Considérant que tous les projets et contre-projets qui ont été présentés au Parlement n'ontpas eu de résultats, il faut engager les organisa-tions ouvrières à redoubler d'énergie auprès despouvoirs législatifs.

H. Rousseaux.

7- La Chambre syndicale des Ouvriersboulangers de la Seine engage toutes tes organi-sations intéressées à la suppression des agencesde placement à s'initier le plus possible sur cettequestion, et chaque fois qu'une candidature politiquese manifestera, il faut imposer au candidat la sup-pression effective des bureaux de placement.

Ternet.

8- Le Syndicat des garçons de magasins etcochers-livreurs, le Syndicat des garçons restau-rateurs, limonadiers, le Syndicat des ouvrierschocolatiers, confiseurs et biscuitiers demandentla suppression immédiate des agences de place-ment et approuvent le rapport du citoyen Meyer.

Roche; Carmantrant; L.Brisse.

9- Attendu que les Bureaux de Placementexploitent les misères en demandant de l'argentaux ouvriers sans travail qui, pour acquitter cettedîme sont dans l'obligation de laisser une partie deleur salaire, le délégué de la Bourse du Travail deBordeaux vote leur destruction.

Eug. Grassaval.

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Pouget, rapporteur de la commission sur lamarque de connaissement, le boycottage et lesabottage, donne lecture, aux applaudissementsunanimes du Congrès du rapport de cette com-mission.

RAPPORT DE LA COMMISSION SUR LAMARQUE SYNDICALE, LE BOYCOTTAGE, ETLE SABOTTAGE.

La Commission a fait sien le rapport sur lamarque syndicale, présenté par le délégué de laTypographie parisienne ou sont exposés, on nepeut plus clairement, les arguments pour l'adoptionde ce mode de propagande. La vulgarisation de lamarque syndicale, c'est dans la vie courante, à tousmoments, la pratique de la solidarité ouvrière, lerappel de la lutte que nous soutenons contre lecapital.

RAPPORT PRÉSENTÉ AU CONGRÈS DERENNES SUR LA MARQUE SYNDICALE, DITEMARQUE DE CONNAISSEMENT, PAR LECITOYEN J. MAYNIER, DÉLÉGUÉ DE LATYPOGRAPHIE PARISIENNE.

Camarades,Parmi les multiples questions présentées

annuellement à l'étude du Congrès, il en est deuxordres: celles qui se présentent sous forme de vœuet qui ont comme but de donner une indication auxlégislateurs en leur fournissant la nomenclature desrevendications syndicales, et celles qui s'adressentdirectement aux travailleurs, dont le succès, si lesindications sont acceptées et suivies, est assuréet donne des résultats immédiats.

Je ne vous dissimulerai pas un seul instant queles questions qui s'adressent aux gouvernants n'ontdans mon esprit qu'un vague espoir de réussite etqu'une bien faible confiance.

Elles ne sont malheureusement destinées, laplupart du temps, qu'à aller grossir le stock, déjàconsidérable, des vœux platoniques que leprolétariat formule depuis une vingtaine d'annéesenviron.

Je crois donc qu'il serait sage aujourd'hui de necompter que sur nos propres forces; je ne veuxpas dire par là que l'on doive cesser de faireentendre nos objurgations à ceux qui détiennentl'arsenal des lois; mais j'ai la conviction que l'heureest sonnée ou le prolétariat doit commencer la sériedes réformes qui sont réalisables.

Parmi les propositions soumises au Congrès,la marque de connaissement, ou plutôt la marquesyndicale, peut entrer inmédiatement dans ledomaine des faits si les travailleurs organisésveulent montrer un peu de bonne volonté.

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Pour aboutir, cette proposition n’a pas besoin desédiles municipaux ni de la bienveillancepréfectorale; elle se dispense également de la hauteprotection ministérielle, voire même de l'augustesignature de M. Félix Paure.

Elle a besoin simplement de l'adhésion pure etsimple des intéressés, c'est-à-dire des travailleurs.

Aux précédents Congrès de Tours et de Tou-louse, les représentants de la Fédération du Livreet de la Typographie parisienne vous demandaientde faire mettre au bas des imprimés la mention:“Travail exécuté par des ouvriers syndiqués”.

Si ce vœu que nous formulions n'a pas étéobservé par tous, il a été, du moins, suivi parbeaucoup d'entre vous, et nous sommes heureuxaujourd'hui, non seulement de remercier ceux quiont exécuté la décision prise à ces deux Congrès,mais de leur dire les heureux résultats obtenus!

À Paris, une vingtaine de journaux, de différentesnuances, ont accepté notre marque. Des journauxhebdomadaires, en grand nombre aussi, ont tenuà s'associer à leurs confrères quotidiens, et pen-dant la dernière période électorale, nous avons eula satisfaction de voir les affiches et professionsde foi, de candidats divers, revêtues de la mentionfinale: “Travail exécuté par des ouvriers syndiqués”.

Pendant ces deux années écoulées, près devingt imprimeurs de Paris sont venus au Syndicatnous demander des ouvriers à seule fin de pouvoirjustifier la pose de cette mention.

Sans nous énorgueillir outre mesure, nousdevons néanmoins nous féliciter de cet heureuxrésultat.

Aussi avons-nous pensé qu'un système quiavait donné satisfaction à une coopération devaitégalement, s'il était suivi, en donner aux corpora-tions avoisinantes.

L'Amérique à qui nous empruntons lesexemples lorsqu'il s'agit des questions de travail,a, depuis nombre d'années, créée la marquesyndicale et les résultats ont toujours eu quelquechose de merveilleux.

Le journal “l’American fédérationist” nousdonnait, dans un de ses derniers numéros, un fac-similé de vingt-sept marques de Syndicats.

Ce sont celles des chapeliers, des employésau détail, des ferblantiers, des briquetiers, desbrossiers, des ouvriers en métaux, la marque desmaisons où la journée de huit heures est acceptée,des brasseurs, des ouvriers du bois, des coiffeurs,des boulangers, des cordonniers, des ouvriers envoitures, des pâtissiers, des cigarières, desfabricants de balais, des tonneliers, des tabacs, descloutiers, des tailleurs en confection, des fabricantsd'insignes, des tailleurs à façon, des imprimeursallemands, des typographes et des mouleurs enfer, etc...

L'on pourra objecter que certaines professionssont dans l'impossibilité de donner à leur travail unemarque syndicale apparente. Les coiffeurs, lesgarçons de café, les cochers, etc... L'auteur decette proposition ne nourrit pas la sotte vanitéd'arriver, d'un seul coup, à cette perfection;néanmoins, à cette objection, il est facile derépondre.

Si la marque syndicale ne peut s'appliquer surle travail même, il est facile d'apposer, comme celase fait , en Amérique, la marque dans la maison oùle travail s'effectue.

Un patron coiffeur, qui n'occupe que des ouvrierssyndiqués, n'aura pas à rougir d'apposer sur uneglace de sa boutique une note ou la marqueémanant du Syndicat des coiffeurs attestant quele patron de l'établissement n'occupe que dessyndiqués.

Au cas où un patron serait rebelle à l’idéesyndicale, le devoir d'un client également syndiquéest de faire comprendre au patron son véritableintérêt, et, au cas où celui-ci persisterait dans sonidée, faire le vide dans sa maison...

Les cochers peuvent très bien avoir une marqueapparente, marque aussi honorable que certainesdécorations, ce qui permettrait aux syndiqués, pourles cas fort rares où ils se font véhiculer, de donnerla préférence aux travailleurs organisés.

Au cas où la chance ne permettrait pas detomber sur un cocher syndiqué, l’on peut très bien,au moment de l'arrivée, faire remarquer àl'indifférent antomédon, en lui remettant le prix desa course, que le pourboire n'est donné qu'auxamis syndiqués.

Pour les garçons de café, de restaurant, mêmeattitude à prendre et à conserver.

Ceux qui lisent assidûment les journauxconstateront que fréquemment le “Bulletin social”insère une rédaction conçue à peu près en cestermes: «Dans une réunion tenue à X,,., les ouvriersde la maison Z... ont décidé de verser chaquesemaine la somme de 0fr.05 en faveur de laVerrerie ouvrière».

Je m'empresse de féliciter ces camarades,mais je dois déclarer que l'action qu'ilsaccomplissent n'est qu'une demi-action.

Le but que nous poursuivons n'est pas de savoirsi 50 ou 100 verriers végéteront à côté de M.Rességuier; ce qu'il faut, ce que nous devonsatteindre, c'est que l'usine de Rességuier croule etque la “Verrerie ouvrière” vive, mais vive avec deuxmille travailleurs.

Le moyen pour réussir? me direz-vous. Lemoyen, le voilà:

Qu'une active propagande se fasse au sein desSyndicats pour que tous les adhérents prennentl’engagement de ne consommer que chez les

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marchands de vin se fournissant de bouteilles à la“Verrerie ouvrière”. Cela fera peut-être sourire aupremier abord, mais lorsque l'honorablemastroquet verra huit ou dix fois dans la journéedes clients quitter son établissement, vous vousapercevrez que ce ne sera pas lui qui rira le dernier.

Il est bien entendu que le Syndicat des Verriersdevra préparer une marque qui indiquera que lamaison s'approvisionne de bouteilles chez elle, ou,ce qui serait préférable, que chaque flacon portelui-même la marque.

Cette indication ne sera pas déplacée parmi lesmultitudes de réclames qui ornent déjà lesdevantures des établissements de consommation.

Si un liquoriste, un Cusenier ou un Pernodquelconque reste sourd aux propositionssyndicales, que nos amis fassent un sacrifice, quependant quelque temps ils varient leurconsommation, cela se répétant pendant quelquesjours et se faisant par une centaine de mille deconsommateurs, vous verrez bientôt ces fiersSicambres courber le front et entamer despourparlers avec nos amis les verriers!...

Beaucoup de dévoués syndiqués vous diront:Vous demander beaucoup de choses, jamais nousne pourrons faire tout cela...

J'avoue que si l'on est incapable de faire aucuneffort, si l’on ne peut s'imposer aucun sacrifice, ilfaut renoncer à toute revendication, tout accepteret ne formuler aucune plainte.

Si celui qui est intéressé à une chose, qui détienten ses mains la possibilité de la faire triompher, nepeut le faire, comment peut-il émettre la sotteprétention qu'un autre individu, dont les intérêts, laplupart du temps, sont opposés aux siens, puissefaire un effort en faveur de la cause qui lui estchère...

Avec la Grève générale, le timoré peut encoreinvoquer que ce moyen radical l'effraie, il peutentrevoir la défaite possible des grévistes, la dislo-cation du syndicat ou du moins la défection desmembres non militants, le manque de cohésion,prétendre encore que l'instant choisi ne lui semblepas favorable à pareille tentative, invoquer une gênedans sa famille, enfin mille autres raisons plus oumoins valables.

Avec le système que nous préconisons, rien detout cela.

Le syndiqué, s'il est propagandiste, accomplitson devoir: il formule ses observations, soit auxpatrons, soit aux employés; s'il ne se sent pas l'âmed'un apôtre, il n'a qu'à se déranger et à aller chezun partisan de ses idées.

Chez lui, il dit à son épouse: « Dorénavant, tune te fourniras que dans tel et tel magasin».

Pour accomplir pareille besogne, je ne crois pasqu'il est nécessaire d'avoir fait ses premières armes

à Fontenoy!En Amérique où le commerce des tabacs n'est

pas un monopole, les cigariers, par suite del'application de la marque de connaissement, ontfait disparaître, du haut commerce, une des pluspuissantes et richissimes Compagnies.

Ne voulant pas se rendre aux justesrevendications formulées par les ouvriers cigariers,un index fut mis sur la manufacture, et avec untouchant ensemble les Américains s'abstinrent defumer les produits de l'omnipotente Compagnie.

Si nous ne craignions de nous étendre et deprodiguer les exemples, nous dirions que lesbuveurs de bière berlinois surent, pendant quelquesmois, à seule fin de faire triompher une cause juste,se priver de leur boisson favorite.

Lorsque nous invoquons ce que les organisa-tions étrangères surent faire suivre par leurssociétaires, il n'est pas rare d'entendre quelquescompatriotes s'écrier:

«Ce qui se fait en Amérique ou en Allemagne nepeut se faire chez nous».

Je ne sais si la chose est impossible chez nous,mais ce que je sais, c'est que de l'autre, côté de laManche, non seulement la marque syndicaleexiste, mais la marque nationale y est en grandhonneur.

Chaque produit étranger porte une marqueindiquant aux fils de l'Angleterre que tel produit estfrançais, belge ou allemand.

Maintenant examinons si la chose est possiblechez nous.

Sans vouloir me mêler en rien aux questionspolitiques et religieuses qui divisent en ce momentl’AIgérie, un puisant exemple nous arrive de cedépartement français.

Un de nos amis qui arrive de ce bouillant pays,nous raconte l'aventure suivante qui lui est arrivéeet que vous me permettrez de vous traduire le plusfidèlement possible.

Accablé par la chaleur, il s'asseoit à la terrassed'un café, un garçon, au blanc tablier, s'approcheet demande à notre Montmartrois ce qu'il désire...

“Un Pernod au sucre, répond notre ami”.Le garçon ne répond rien, lui tourne le dos, et

vaque à ses occupations.Ne voyant rien venir, le consommateur altéré

s'impatiente, attend toujours tout en continuant às'éponger le front.

Un Monsieur, placé près de lui, voyant sonembarras, se penche amicalement vers lui et luidit: “Je vois bien que Monsieur n'est pas algérien,c'est pourquoi je crois devoir vous avertir que votreabsinthe ne viendra pas!”.

Comme notre camarade semblait s'étonner, sonvoisin s'empressa de lui raconter que, depuisquelques mois, les cafés qui se respectaient ne

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débitaient plus de Pernod.Inutile de vous dire que la surprise était grande

chez notre voyageur et comme celui-ci n'auraitjamais pu deviner l'énigme, le voisin s'empressade lui donner l'explication suivante:

“Apprenez, Monsieur, que la maison Pernod acomme principal actionnaire, M. Weil-Picard, et queM. Weil-Picard est un juif...

Pas difficile, notre ami que la soif torturait,s'empressa de demander un rafraîchissantcatholique - l'absinthe Berger - qui lui fut servieimmédiatement; il poussa même - nouveaunéophyte - la condescendance jusqu'à, fumer descigarettes Max Régis qui, au dire des Algériens,sont aussi agréables au goût que les cigaresEdouard Drumont!

Les conséquences à tirer de ces faits prouventsurabondamment que ce que certains espritspeuvent faire, fussent-ils animés d'une idée fausse,des hommes conscients, s'appuyant sur unelogique irréfutable, peuvent également le faire,

La marque syndicale avec ses conséquencesde propagande, c'est le boycottage constant sefaisant sur toutes choses, c'est l'école où l'hommese prépare aux luttes futures qui doivent le mettreà point pour la grande bataille.

Nous pensons donc, camarades, que lesdélégués ici présents, se pénétreront del'importance de cette proposition, que vousl'accepterez et que de retour près de vosmandants, par une étude sérieuse de la question,vous choisirez le système qui vous paraîtra le pluspratique, soit une marque spéciale sur les objetsfabriqués, soit une indication visible sur les maisonsqui vendent ou produisent les objets émanant destravailleurs syndiqués, soit encore par des avissignalant dans un organe ouvrier les maisons quisont sympathiques aux syndiqués.

J. Mayier.

Pour entrer de suite dans la mise à exécution,la Commission vous propose d'inviter la Verrerieouvrière à adopter une marque, apposéeindistinctement sur toutes les bouteilles qu'ellefabrique. Il est bien entendu que cette marque doitêtre peu apparente de façon à ne pouvoir, dansaucun cas, être un prétexte à refus d'achat. Enoutre, cette marque ne devra pas augmenter le prixde vente de la bouteille.

Il est entendu qu'en dehors de cette marque laVerrerie ouvrière continuera à appliquer sur unepartie de sa fabrication l'écusson actuel, et qu'ellereste juge de la majoration des prix rendusnécessaires par le travail de gravure.

La Verrerie ouvrière devra faire connaître àtoutes les organisations, soit directement, soit parle canal de la Confédération ou de la Fédération

des Bourses, la marque qu'elle aura adopté. Cettemarque sera affichée dans les Bourses du Travailet bureaux de Syndicats.

C'est là aussi que, quand d'autres groupements,soit Coopératives, soit Syndicats, auront adopté desmarques spéciales, ces marques devront êtreaffichées, de façon que chacun en prenneconnaissance.

Comme sanction à ce qui vient d’être dit, la Com-mission engage les syndiqués à faire respecter lesmarques syndicales et à boycotter les fournisseursdivers qui les refuseraient.

La Commission vous soumet un vœu,intermédiaire entre la marque syndicale et leboycottage soumis par la Chambre syndicale desLimonadiers-restaurateurs; il serait à désirer que,lorsque les groupements ouvriers organisant desbanquets ou des bals, ils réclament au patron del'établissement où à lieu la fête, l'emploi desyndiqués.

Et la Commission ajoute que cette pratique desolidarité est de facile exécution, il ne s'agit que d'ypenser.

En ce qui concerne le boycottage et le sabottage,la Commission, reprenant la question au point oùl'a établi le Congrès de Toulouse, pense que lestravailleurs ne se pénétreront jamais trop duprincipe qui devrait guider notre vie: c'est que c'està nous-même d'agir, et que nous n'avons à comptersur personne pour améliorer notre sort.

C'est donc à nous de sortir de l'expectative et,au lieu d'attendre d'en haut l'amélioration de nosconditions d'existence, de modifier nous-mêmesces conditions, en résistant continuellement, dansles circonstances petites et grandes, auxempiétements capitalistes.

Dans le milieu actuel, le boycottage et le sabo-tage peuvent suivant les cas, donner des résultatsappréciables.

Nous ne présentons pas ces moyens derésistance comme une panacée devant donner unesolution heureuse à tous les conflits; le but final, nele perdons pas de vue, reste l'émancipationintégrale.

Vis-à-vis des commerçants le boycottages'indique. Nous regrettons de n'avoir pas àenregistrer, dans le courant de l'année écoulée, uneinfatigable pratique du boycottage; néanmoins, lescas qui se sont produits nous démontrent que sil'application s'en généralisait, les résultats seraientexcellents. C'est pourquoi nous ne saurions tropengager les camarades à se familiariser avec leboycottage et à se bien pénétrer que les bénéficesqu'il donnera seront proportionnels à l'activité quenous aurons déployée.

Les résultats qu'a donnés le sabottage sont, euxaussi, difficiles à mesurer. C'est chose qui relève

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de l'initiative individuelle et une enquête est à peuprès impossible. Ce que la commission tient àindiquer, c'est que le sabottage n'est pas choseneuve; les capitalistes le pratiquent, chaque foisqu'ils y trouvent intérêt; les adjudicataires en neremplissant pas les clauses de bonne qualité dematériaux, etc..., et ils ne le pratiquent pas que surles matériaux; que sont leurs diminutions de salairesinon un sabottage sur le ventre des prolétaires?

Il faut d'ailleurs ajouter que, instinctivement, lestravailleurs ont répondu aux capitalistes enralentissant la production, en sabottant,inconsciemment.

Mais, ce qui serait à souhaiter, c'est que lestravailleurs se rendent compte que le sabottagepeut être pour eux une arme utile de résistance,tant par sa pratique que par la crainte qu'il inspireraaux employeurs, le jour où ils sauraient qu'ils ont àredouter sa pratique consciente. Et nous ajouteronsque la menace de sabottage peut souvent donnerd'aussi utiles résultats que le sabottage lui-même.

Le Congrès ne peut pas entrer dans le détail decette tactique; ces choses-là ne relèvent que del'initiative et du tempérament de chacun et sontsubordonnées à la diversité des industries. Nousne pouvons que poser la théorie et souhaiter quele boycottage et le sabottage entrent dans l'arsenaldes armes de lutte des prolétaires contre lescapitalistes au même titre que la grève et que, deplus en plus, l'orientation du mouvement social aitpour tendance l'action directe des individus et etune plus grande concience de leur personnalité.

Comme tout ce que nous venons de formuler,est l'expression de tactiques nouvelles en Franceet qu'il s'agit de vulgariser, votre commission penseque vous approuverez sa résolution: elle a décidé,une fois le Congrès terminé, de ne pas suspendreles relations que ses membres ont nouées et decontinuer son œuvre en s’efforçant, soit par desbrochures soit autrement, de familiariser lestravailleurs avec la tactique du boycottage, dusabottage et des marques syndicales.

Le Rapporteur, Emile Pouget,Les Membres de la Commission: Auvray,

Maynier, Brisse, Brousse, Cauchois, Beausoleil.

Ce rapport est adopté à l'unanimité.

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RAPPORT DE LA 3ème COMMISSION SURLES ADJUDICATIONS

Citoyens,La 3ème Commission, après lecture des

rapports présentés par: la Fédération desTravailleurs du Livre; le Syndicat des Cochers-

Livreurs du département de la Seine ; les Chambressyndicales des ouvriers confiseurs, biscuitiers etchocolatiers de Paris; la Chambre syndicale desOuvriers fumistes en bâtiment de la Seine; laBourse du Travail de Dijon; la Chambre syndicaledes Ouvriers plombiers-couvreurs-zingueurs deParis; la Fédération des Peintres en bâtiment dudépartement de la Seine, et après étude des diversvœux qui lui sont parvenus, a l'honneur desoumettre à votre appréciation le résultat de sestravaux.

Depuis longtemps, des plaintes fréquentes etnombreuses se sont élevées parmi les travailleurset aussi parmi les patrons sur les conséquenceséconomiques du mode de répartition des diverstravaux exécutés pour le compte de l'Etat, desCommunes, de l'Assistance publique, etc...

En vertu de l'application rigoureuse desordonnances de 1836-1837 et du décret de 1882,qui exigent le concours et la publicité, tous les en-trepreneurs de travaux ou de fournituresquelconques pour le compte de l'Etat, des Com-munes et des départements, doivent être informésdes adjudications qui ont lieu et qui les concernent,ils ont le droit d'y prendre part, et en acceptant lesclauses indiquées dans le cahier des charges,fixant un minimum de rabais, ils peuvent deveniradjudicataires.

Si les rabais sont insuffisants, l'Administrationintéressée a le droit de procéder à une nouvelleadjudication.

Les différentes Administrations astreintes aurégime des adjudications provoquent une concur-rence chaque jour plus acharnée et ruineuse entreles entrepreneurs, dans les villes de moyenne im-portance aussi bien que dans les grandesagglomérations. Cette concurrence se manifestepar des rabais de 50 et 60 % et plus. Une enquêtesur ce point est tristement instructive.

Ces rabais, connus de tout le monde, sontsupportés exclusivement par les patrons entrepre-neurs; il est difficile de croire qu'ils se résignent,dans l'intérêt de la chose publique, à réduire d'autantleurs bénéfices. Outre que pareil désintéressementn'est pas propre à la nature humaine, on pourraitsupposer que des devis de travaux permettant depareilles réductions sont établis d'une manière bienpeu consciencieuse. Ou alors, ce qui échappe auxcontribuables, c'est qu'il y a dans le système desadjudications des compensations connuesseulement de quelques initiés. L'hypothèse estpermise.

Sans nous arrêter à cette hypothèse, pourtantvraisemblable, il reste assez d'autres faits à signaleret qui sont la conséquence fatale, inévitable, desrabais scandaleux consentis par les entrepreneurs.

Parmi les plus importants, il faut citer:

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1- Qualité défectueuse des travaux et desfournitures;

2- Réduction du prix de la main d'œuvre;3- Emploi abusif des enfants et des femmes;4- Concurrence des mauvais patrons au

préjudice des bons, les premiers devenant plussouvent adjudicataires que les seconds.

Il semble tout naturel que les entrepreneurs quioffrent de forts rabais établissent leur devis sur desmatières premières de qualité inférieure, qu’ils'agisse de métallurgie, de bâtiments ou defournitures quelconques.

Les démêlés fréquents et graves que la ville deParis a eue avec les entrepreneurs et lesarchitectes sont une attestation décisive des abuset des fautes provoquées à la suite de l'acceptationde trop forts rabais.

La complaisance coupable de ceux qui sontchargés de la surveillance est encore un autreinconvénient qu'il est bon de ne pas négliger.

Dans les industries se rattachant au bâtiment,la concurrence des entrepreneurs a produit devéritables désastres au triple point de vue de lastabilité du travail, des salaires et de la valeurprofessionnelle des ouvriers. Le nombre importantdes patrons qui deviennent adjudicataires parl'appât d'un client solvable, crée une concurrencenéfaste et entraîne une instabilité autrefoisinconnue. L'abaissement des salaires,l'impossibilité de recruter des ouvriers habiles pourle salaire inférieur qui leur est offert, continuellescontestations entre patrons et ouvriers, telle est lasituation dans beaucoup de chantiers alimentés pardes travaux administratifs.

Les salaires des ouvriers du bâtiment, autrefoisde 0fr.75 à 0fr.80 l'heure, sont descendus, chezbeaucoup d'entrepreneurs, à 0fr.50, à 0fr.60, et lavaleur professionnelle des ouvriers a sensiblementbaissé.

Une enquête organisée par la Fédération du Livreet relative précisément aux conséquences dusystème des adjudications dans cette industrie,nous a appris que, dans les villes de Bordeaux,Lille, Marseille, Bar-le-Duc, Chalons-sur-Saône,Amiens, Agen, Périgueux, Arras, Rennes, Rouen,Tours, Montbéliard, Morlaix, Tonnerre, Sedan, il ya eu baisse de salaires; dans les villes du Havre,Marseille, Saint-Brieuc, Avignon, Besancon,Constantine, Nice, Bourges, Bône, Alger, Epinal,Oran, Laval, Mont-de-Marsan, Montbéliard,certains patrons adjudicataires ont occupé denombreux apprentis, des demi-ouvriers ou desfemmes auxquels on paye un salaire de 20, 30, 40ou 50 pour cent inférieur.

Nous cherchons en vain les avantages réels,pour le public, de ce système des adjudicationsqui nuit à tous les intérêts et provoque de toutes

parts des attaques justifiées. Tout récemment, àl'occasion d'importants travaux de l'Exposition, lesdix entrepreneurs qui se présentèrent nesoumissionnèrent pas, «parce que des rabais surles prix fixés ne leur auraient pas permis de fourniren bonnes qualités les matériaux demandés et dese tirer d'allaire commercialement».

Telles sont les conséquences de l'applicationdes ordonnances de 1836-37, et rien ne pourra entriompher; aucune bonne volonté administrative,aucun fonctionnaire ne pourra se soustraire à leursprescriptions. Il nous suffira, pour notredémonstration, de reproduire le document suivant,toujours d'actualité, quoique datant déjà de dix ans.C'est une lettre officielle adressée à M. le Préfet del'Isère, à la suite d'une démarche faite par leSyndicat typographique ouvrier de Grenoble:

“République française,Paris, 22 novembre,Ministère de l’Intérieur,Monsieur le Préfet, le Conseil général de l'Isère

ayant voté, dans sa séance du 25 août dernier, lamise en adjudication de l'impression des procès-verbaux de ses délibérations, des rapports dupréfet et des chefs de service, ainsi que d'autresimprimés payés sur les fonds départementaux,vous me faites savoir que la Chambre syndicaledes ouvriers typographes de Grenoble vous ademandé, à la suite de ce vote, d'insérer dans lecahier des charges de l'entreprise une clause auxtermes de laquelle ne seront admis à concourir queles maîtres imprimeurs ayant adopté le tarif de laChambre syndicale.

Ainsi que vous le savez, Monsieur le Préfet, lesordonnances de 1836-1837 et les décretssubséquents qui ont prescrit, sauf les exceptions.limitativement prévues, la mise en adjudication destravaux de l'Etat, des départements et des com-munes, ont été inspirés par des considérationstirées de l'intérêt des finances publiques et par ledésir de voir exécuter ces travaux dans lesmeilleures conditions d'économie.

C'est dans cet ordre d'idée que les règlementssur la matière prescrivent une publicité aussi largeque possible et une concurrence de nature à as-surer les plus forts rabais.

Les clauses contraires aux dispositionsessentielles de ces règlements doivent donc êtreécartées de Ia rédaction du cahier des charges,

Celle qui a été proposée par la Chambresyndicale des ouvriers typographes de Grenobleme parait être de ce nombre, en ce qu'elle auraitpour conséquence de réduire, dans une certaineproportion, le taux des rabais, à raison del'augmentation des salaires d'ouvriers imposée auxentrepreneurs.

Je crois, en conséquence, devoir vous faire

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connaître que la proposition de la Chambresyndicale ne me semble pas pouvoir êtreaccueillie.

Recevez, etc...Pour le Ministre ;Le Conseiller d'Etat, directeur de l'administration

départementale et communale,Signé: Bouffet”.Cette réponse est catégorique, elle signale dans

toute sa rigueur l'interprétation déplorable qu'il fautdonner à ces ordonnances et justifie à nos yeuxl'intervention des intéressés pour obtenir une modi-fication du système des adjudications et suivre ainsiles nombreux exemples fournis par l’Angleterre, laBelgique, la Hollande, la Suisse, l'Amérique.

Nous allons faire passer sous vos yeux,citoyens, quelques documents de ces différentspays. En Angleterre, plus de deux centsmunicipalités se sont ralliées à l'introduction duminimum de salaire dans les travaux publics. Parmices villes, il en est qui ont introduit dans le cahierdes charges d'autres clauses: fixation des heuresde travail, emploi exclusif d'ouvriers compétents,règlement des sous-entreprises, etc..., amendesen cas d'infraction aux conditions du Travail.

L'Administration scolaire de Londres a introduit,dès 1889, la clause relative au minimum de salairesdans les marchés pour les travaux de construc-tion et pour les fournitures diverses.

Cette Administration a fait inscrire dans tous lescahiers des charges la clause suivante: «Partoutou le tarif de Londres est appliqué, l'adjudicatairepaiera à ses ouvriers un salaire qui ne sera pasinférieur au minimum reconnu dans chaque métier,Dans tous les autres districts où le tarif de Londresn'est pas appliqué, l'adjudicataire paiera, auxouvriers et à toutes les autres personnesemployées par lui à l'exécution de ce contrat unsalaire qui ne sera pas inférieur au minimum enusage et généralement payé à l'époque et à l'endroitoù ces ouvriers seront généralement employés».

Le Conseil du Comité de Londres a adopté en1889 la résolution suivante:

«Tout soumissionnaire devra déclarer qu'il ob-serve les conditions du travail (salaire et durée)généralement acceptées comme normales dansson industrie. Si sa déclaration est reconnuefausse, sa soumission ne sera pas acceptée».

En Belgique, sous l'énergique et persévérantepoussée des organisations ouvrières, leGouvernement a soumis à l'examen du Conseilsupérieur du travail cette proposition del'introduction du minimum de salaire dans lescahiers des charges des travaux administratifs misen adjudication. Une enquête a été égalementouverte et, en Belgique comme chez nous, lespartisans et les adversaires ont formulé des ob-

jections et des arguments pour ou contre lesgaranties réclamées.

Il nous est impossible, et nous le regrettonsbeaucoup, de reproduire ici les thèses différentesqui ont été soutenues. Nous nous borneronsseulement à citer les conclusions votées par leConseil supérieur de Belgique.

L'application de clauses relatives aux salairesdans les travaux administratifs est stipulée dansles cahiers des charges de huit administrationsprovinciales. Six de ces administrations indiquentdans le cahier des charges le salaire minimum àpayer aux ouvriers; les deux autres provincesdemandent aux entrepreneurs d'indiquer dans leurssoumissions les prix minima qu'ils s'engagent àpayer à leurs ouvriers; si ces salaires sont inférieursau chiffre moyen des salaires ordinaires etéquitables, l'offre n'est pas accueillie.

D'une enquête entreprise par le Conseil com-munal de Bruxelles, il résulte que sur 87 communescomptant plus de 8.000 habitants, 51 représentantune population de 2.070.739 habitants ont adoptéla clause du minimum de salaire et 36 avec unepopulation de 517.907 habitants ne l'ont pas en-core adoptée.

La même enquête établit que toutes les com-munes, sauf une, ont déclaré que l'application desnouveaux cahiers des charges n'avait amenéaucun résultat anormal au point de vue des financeset si quelque part il y a eu majoration de frais, elledoit être attribuée partiellement au renchérissementdes matériaux et au développement des construc-tions dans l'agglomération bruxelloise.

En Amérique, la loi fixe à huit heures la journéede travail et dit que tout entrepreneur sous-traitantchargé de diriger ou de contrôler les ouvriers, quiviolera intentionnellement la loi, sera puni d'uneamende de 1.000 dollars au maximum ou d'unemprisonnement de six mois au plus ou des deuxà la fois, à la discrétion du tribunal.

En outre, une loi de 1893-94 exige desadjudicataires de travaux publics le dépôt d'uncautionnement destiné à garantir le salaire desouvriers.

Nous achevons ici la rapide énumération despreuves d'application dans les conditions du tra-vail à l'étranger. Quelle que soit notre intention defaire connaître d'une façon plus détaillée tous lesfaits qui sont la démonstration indiscutable ducaractère pratique de la proposition soumise à vosdélibérations, nous avons dû nous limiter, laissantle soin à tous ceux de nos camarades que cettequestion préoccupe, de mieux fixer leur opinion parla lecture des documents authentiques publiésdans le Bulletin de l'Office du Travail, documentsqui ont servi à faire le si remarquable rapportprésenté au Conseil supérieur du Travail par notre

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ami Keufer, secrétaire général des Travailleurs duLivre et auquel nous avons fait complètement appelpour vous présenter ces lignes.

Nous ne pouvons faire mieux que de vousmettre sous les yeux un extrait de son rapport où ilfustige, de main de maître, l’égoïsme de nosdirigeants.

Voici ce qu'il dit:«Quel prétexte pourra-t-on raisonnablement

invoquer, pour ne pas appliquer la proposition quifait l'objet de ce rapport? La vérité, c'est que nousnous heurtons à une opinion profondémentenracinée dans l'esprit de toute une catégorie decitoyens français pénétrés, dès l'école et hantésau cours de toute la série de leurs études, de ladoctrine du laissez-taire, du laissez-passer,considérant la liberté absolue comme le plus puis-sant facteur du progrès, et plus tard, dans toutesles hautes fonctions qu'ils ont à remplir, ils sontguidés par cette pensée unique, qu'il fautsauvegarder le principe de la loi de l'offre et de lademande dans tout ce qu'il a d'exagéré, d'abusif,opprimant d'une manière cruelle celui qui auraitsurtout le plus besoin de protection. Les mêmesadorateurs de la liberté absolue de la loi de l'offre etde la demande ne sont-ils pas, dans d'autrescirconstances, avec le concours de l'Etat, qui, mettoutes les forces sociales à leur disposition, lesénergiques protecteurs des droits et des biens decertaines catégories de citoyens? Sous le prétextetrompeur que dans l'exécution des travauxadministratifs il faut sauvegarder les intérêts descontribuables en assurant le concours et la publicité,sans préoccupation des conséquences qu'entraînece système des adjudications, le travailleur sera-t-il seul livré sans protection pour l'unique propriétéqu'il possède, son travail, son labeur quotidien déjàsi disputé et si incertain? Enfin, suivant l'expressiond'un membre de la Commission permanente, nepeut-on prendre autant de souci des intérêts desouvriers qu'on en prend pour les matériaux àfournir?

Et les agriculteurs, les industriels, lescommerçants ne sont-ils pas aussi protégés et pardes mesures beaucoup plus rigoureuses que cellesdemandées par nous?»

En effet, nous pensons qu'il serait profondémentdangereux de laisser s'introduire dans l'esprit de lapopulation ouvrière de France cette conviction queceux qui ont la responsabilité de la direction desaffaires ne sont pas accessibles aux mêmes sen-timents qui animent à l'étranger les hommes d'Etat,les législateurs et les chefs industriels.

Nous tenons, en outre, à reproduire ici les pa-roles prononcées par d'autres hommes qui fontautorité.

L'opinion publique a pu suivre la campagne

menée contre l'Imprimerie Nationale par les maîtresimprimeurs de France, dans le but de réduirel'importance des travaux qui sont exécutés danscet établissement pour en faire bénéficierl'imprimerie privée.

A cette campagne s'en est ajoutée une autre,menée parallèlement ou plutôt contre la premièreet par les ouvriers de l'Imprimerie Nationale, quiréclament le respect du décret de 1889. Les Or-ganisations ouvrières de l'industrie du Livre se sontassociées, en général, à leurs camarades del'établissement officiel, car le travail qui s'y fait estexécuté à un salaire rémunérateur, au tarif syndical,tandis que l’éparpillement de ces travaux entre uncertain nombre de patrons, par voie d'adjudication,favoriserait inévitablement les imprimeurs qui nepayent pas le tarif, d'où abaissement inévitable dessalaires pour les ouvriers occupés aux travaux del'Etat exécutés auparavant sans son imprimerie.

Pour marquer leur esprit libéral, les ouvriers dudehors, même un certain nombre de ceuxemployés dans ledit établissement, déclarèrentqu'ils n'auraient aucune raison de s'opposer à larépartition des travaux si, mis en adjudication, lescahiers des charges imposaient auxsoumissionnaires le tarif syndical.

Mais le point le plus important à relever, ce n'estpas l'opinion des ouvriers, quelque peu suspecteet considérée comme déraisonnable par certainsesprits, esclaves de la liberté absolue; c'est l'opinionde M. Dupont, le notable imprimeur parisien, opi-nion exprimée dans sa réponse aux attaques del'Imprimerie Nationale. M. Dupont y dit textuellementceci:

«...comment admettre enfin qu'une entente en-tre tous les imprimeurs de France puisse supprimerla concurrence acharnée qui existe déjà dans lesadjudications, et que les imprimeurs fassent por-ter sur le salaire normal des ouvriers la baisse desprix résultant de la concurrence aux adjudications?En tous cas, l'Etat pourrait imposer à sesfournisseurs pour les ouvriers, le tarif en vigueurau moment de l’adjudication».

Ce n'est pas un théoricien, ce n'est pas unrêveur, c'est un patron qui tient une grande placedans l'industrie du Livre et peu enclin à faire dusentiment en faveur des ouvriers, qui proclame lapossibilité de l'intervention de l'Etat pour imposerle tarif en vigueur aux fournisseurs, c'est trèscaractéristique.

En Belgique, M. Nyssens, ministre de l'industrieet du travail, déclarait en pleine Chambre qu'il étaitdepuis longtemps partisan de l'expérimentation dela clause du minimum de salaire dans lesadjudications publiques.

Il ajoutait: «Ce que nous disons - et l’on ne peutpas dire autre chose - c'est que l'Etat ne doit pas

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spéculer sur les salaires pour obtenir des rabaisdans les adjudications. De cette manière, nousn'arriverons pas à sauver les salaires, mais àempêcher qu'ils ne diminuent pas l’effet du systèmed'adjudication en usage pour les travaux publics».

Au cours de la discussion qui a eu lieu au seindu Conseil supérieur du Travail, M. Prins,inspecteur général des prisons, a formulé une opin-ion qui renferme, selon nous, un des plus solidesarguments que nous puissions invoquer pour jus-tifier l'acceptation de notre proposition:

«Le contrat de travail implique un élément demoralité. Quand l'Etat contracte, il doit donner auxautres l'exemple de la loyauté et de la moralité. Il yest tenu plus que tout autre contractant. En effet,une entreprise de travaux publics est plusrecherchée qu'une autre. L'entrepreneur a la certi-tude d'être payé; il a une sécurité absolue,l'entreprise est une réclame pour lui; il inspireconfiance; il a donc une situation privilégiée quiimplique des devoirs corrélatifs...».

Est-il possible de mieux définir les devoirs detoute administration qui constitue un pouvoirmatériel et moral dans notre société?

Certes, il y a eu des objections soulevées, desarguments ont été invoqués pour combattre laproposition qui fait l'objet de ce rapport, desinconvénients ont été signalés; mais existe-t-il uneseule mesure quelconque prise en vue de protégerles intérêts généraux qui ne touche ou ne porteatteinte à des intérêts particuliers ou qui nerestreigne la liberté des individus? Faire une oppo-sition irréductible à notre proposition en exagérantles inconvénients nous semble pousser trop loinles conséquences de la logique, car le mêmeraisonnement pouvait être appliqué partout où desrestrictions ou des propositions sont imposées,quelque équitable qu'en soit le but.

La vérité, dans le cas qui nous occupe, n'est nidans l'intervention constante et tyrannique de l'Etat,ni dans le refus absolu de toute intervention. Lesconséquences de ces deux mesures extrêmesseraient dangereuses. Nous persistons à croire quela sagesse et la justice reposent dans une inter-vention raisonnée, limitée à des cas bien définis,comme celui qui est soumis aux délibérations duCongrès.

En entrant dans cette voie, nous ne nousexposerons pas à des méprises ruineuses, à desmarchés onéreux, nous ne ferons que suivre lavoie indiquée par les pays tels que la Belgique,l'Angleterre, où la liberté absolue, le laisser faireconstituaient, jusqu'en ces derniers temps, undogme presque inviolable.

Nous sommes parties de l'initiative desindividus, des organisations ouvrières, mais lescommunes, les départements, l'Etat, en tant

qu'Administrations, disposant d'une partie ou de latotalité de l'action publique, ont aussi des devoirs àremplir envers leurs administrés qu'ils représententen leur demandant de continuels sacrifices.

Trop souvent on reproche aux travailleurs demanquer de sagesse: on exige d'eux unerésignation constante, sans tenir compte de la situ-ation pénible qui leur est faite par cette engagéeconcurrence qui les place dans une situation deplus en plus précaire, sans aucune sécurité dulendemain.

C'est pourquoi nous terminons ce rapport enexprimant avec confiance le vœu de voir leCongrès sanctionner cette proposition, quipermettrait enfin de modifier le système actuel desadjudications qui nuit à la fois aux travailleurs etaux contribuables qu'il prétend défendre. Enagissant ainsi, nous ne ferons qu'imiter ce qui sefait depuis longtemps dans des paysmonarchiques.

Voici le vœu que votre commission soumet àvotre sanction:

1- Modification des ordonnances de 1836-1882décidant l’introduction, dans les cahiers descharges, de clauses fixant les conditions de travailet de salaire établies de concert entre les patronset les syndicats; dans les localités ou professionsoù n’existent pas de syndicat, ces conditions serontétablies sur la moyenne du salaire courant local.

2- Seront également prévues les dispositionsrelatives à la loi du 2 novembre 1892.

3- Les cahiers des charges serontcommuniqués aux syndicats patronaux et ouvriersqui en feront la demande; ils pourront en signalerles lacunes ou les abus et surveiller l’exécution desclauses desdits cahiers dans l’intérêt descontribuables.

4- Dans toutes les élections municipales,départementales, législatives, les membres detoutes les organisations ouvrières soumettront lesclauses qui précèdent à l'acceptation, descandidats, sans distinction d'opinion. Le refusd'accepter ces propositions dictera la conduite destravailleurs.

5- Ces propositions, après avoir été déposéesentre les mains du pouvoir exécutif, et si elles nesont pas prises en considération, seront l'objet d'unpétionnement dans tout le pays et, avec leconcours de tous les syndicats ouvriers, nousagirons dans le sens indiqué ou auprès de nosreprésentants politiques.

La violation de ces conditions devra, selon lescirconstances, donner lieu:

- Soit à la retenue de tout ou partie ducautionnement, et, s'il y a lieu, à l'amende;

- Soit à la résiliation du contrat ou à la mise, enrégie des travaux à exécuter;

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Soit, en cas de récidive, à l'élimination dudélinquant des adjudications de même nature dansle même département.

L'introduction de ces clauses sera obligatoiredans les cahiers des charges des travaux de l'Etatet des Départements. Elle sera facultative pour lestravaux des Communes et de ceux desétablissements publics, dont les adjudications sontactuellement soumises aux règles de l'ordonnancedu 14 novembre 1837.

Votre Commission adopte ensuite la propositionde la Fédération du Bâtiment, ainsi conçue:

Lutte pour l'obtention de la mise en régie destravaux des Communes, des Départements et del'Etat, création d'une Ligue contre le marchandage;enfin, établissement d'un programme d'action pourla réalisation des revendications relevant despouvoirs publics.

Le Rapporteur: Batbielle.La Commission: Maynier, Gannat, Morin,

Lemaitre (Ferdinand), Fernbach (Lucien).

Ce rapport est adopté sans observation.

Philippe donne lecture du rapport de lacinquième commission:

LE TRAVAIL DE LA FEMME DANSL'INDUSTRIE.

Rapport de la 5ème Commission.

Citoyens,Votre Commission a étudié et discuté les

différentes propositions présentées par les Organi-sations suivantes: Syndicat des Cordonniers deFougères; Syndicat de la Typographie parisienne;Fédération des Cuirs et Peaux; Fédération deMeurthe-et-Moselle; Syndicat des Mécaniciens deMarseille; Syndicat de la Brosserie de Paris; Uniondes Syndicats de la Seine; Bourse du Travail deSaint-Etienne; Bourse du Travail d'Angers; Boursedu Travail d'Alger; Chambre syndicale ouvrière desLimonadiers, Restaurateurs et assimilés de Paris;Union syndicale des Employés d'hôtel et assimilésdes deux sexes; Association syndicale des Garçonsrestaurateurs limonadiers et assimilés; Syndicatdess Ferblantiers de la Seine; Fédération desTravailleurs du Livre; Chambres syndicales desCouvreurs, Ferblantiers, Plombiers, Zingueurs duMans; Syndicat général des Garçons de magasin,Cochers-Livreurs et parties similaires de la Seine;Bourse du Travail de Dijon, appuyée par lesSyndicats des Ornemanistes sur métaux de laSeine, des Métallurgistes de l'Oise, Syndicat desEstampeurs-Découpeurs de Paris, Syndicat desOuvriers selliers en voiture de la Seine, Société

générale des Ouvriers chapeliers de France etSyndicat des Ouvriers et Ouvrières en chapelleriede Paris.

Votre Commission, comme sanction à sonétude, vous propose d'adopter les résolutionssuivantes:

Que dans tous les milieux, nous nous efforcionsde propager cette idée que l'homme doit nourrir lafemme;

Que pour la femme, veuve ou fille, obligée, parconséquent, de subvenir à ses besoins, il soitentendu que la formule: travail égal, salaire égal,lui sera appliquée;

Qu'une active surveillance des industriesinsalubres et dangereuses ait lieu;

Empêcher l'homme d'accaparer les travaux etles emplois appartenant à la femme, etréciproquement, empêcher également la femmed'enlever à l'homme le travail lui incombantnaturellement;

Supprimer le travail industriel dans les ouvroirs,couvents et prisons;

Empêcher, par tous les moyens possibles, letravail de la femme dans certaines professions,telles, par exemple, que bonnes de café, debrasserie, etc..., qui sont une cause dedémoralisation empêchant l'émancipation féminine;

Qu'une active propagande soit faite pour arriverà grouper les femmes dans leurs diversesbranches d'industries respectives;

Que la loi de 1892 sur le travail des femmesdans l'industrie soit rigoureusement appliquée auxemployées, et qu'une inspection très sévère desateliers et magasins ait lieu constamment ; que lesemployées de magasin puissent surtout s'asseoirquand le travail le leur permettra;

Enfin, application de la journée de huit heuresavec repos hebdomadaire à toutes les ouvrièreset employées.

Votre Commission aurait voulu, Citoyens, vousprésenter un travail beaucoup plus complet, car,s'il est une question qui doit nous préoccuper enpremier lieu, c'est assurément celle du travail de lafemme dans l'industrie. Malheureusement, le tempsnous a fait défaut.

Nous ne saurions, cependant, trop vous engagerà réagir, dans vos milieux respectifs, pour remédierà un état de choses absolument déplorable à tousles points de vue, car, dans cette question, commedu reste, dans presque toutes les questionsouvrières, il ne faut guère compter sur les pouvoirspublics. Le remède aux maux signalés est dansles organisations ouvrières, dans les Syndicats, etc'est aux adhérents, c'est à vous citoyens, qu'ilappartient surtout d'apporter une solution.

Le rapporteur, Philippe.

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Les membres de la commission: Aug. Allibert,F. Roche, J.-Eugène Morin, H. Rousseaux, L.Dugoy, Morel, H. Galantus, H. Le Corre, E.Langlois,

Le rapport de la cinquième commission estadopté.

Sur la proposition du citoyen Meyer, le Congrèsprocède à la nomination de la commission desvœux.

Trois membres sont reconnus suffisants et lescitoyens Brisse, Cauchois et Millard sontdésignés.

Le rapporteur de la première commission donnecommunication au Congrès des nouvelles modifi-cations d'ordre matériel apportées aux statuts dela Confédération sur l'observation de plusieursdélégués. Il communique également le chapitre descotisations remanié. Ces modifications sontadoptées à l'unanimité.

Beausoleil trouve que I’on donne trop depouvoir au Comité confédéral et craint que cedernier ne décrète la grève générale à un momentdonné, ou prenne telle autre décision sans avoirconsulté les organisations fédérées. Il faudrait quele Comité confédéral ne prenne pas de décisionsengageant tout le prolétariat, sans avoir consultétous les Syndicats.

Hamelin, Verrerie Ouvrière: Si ce que vient dedire le citoyen Beausoleil était vrai, il faudrait modi-fier les statuts de la Confédération. Mais ce n'estpas là l'esprit, ni le sens des statuts et il est bienentendu que le Comité Confédéral ne fera rien dedécisif engageant les organisations sans avoirconsulté ces dernières.

Claverie, Syndicat des employés du gaz deParis: Il faut se garder de rien exagérer. Il faut laisserune certaine initiative au Comité Confédéral ou sinonil n'a pas de raison d'être.

Claverie demande que le Congrès ne prenne pasen considération la motion Beausoleil et proposel’ordre du jour pur et simple.

Le Congrès adopte l’ordre du jour pur et simplesur cette motion.

Hamelin, Verrerie Ouvrière: Au cours de la dis-cussion du rapport du Conseil national on areproché à la Confédération de ne pas être sortiede la Bourse du Travail de Paris. Hamelin dit qu'ilfaut laisser au Comité Confédéral le soin de quitter

la Bourse dès qu'il le pourra et dans le moment quilui paraîtra le plus favorable.

Le Congrès décide à l'unanimité moins trois voix,de donner toute liberté au Comité confédéral pourquitter la Bourse dès qu'il le pourra.

Girard, Union du Bronze, croit que les statutsde la confédération devraient prévoir quelles asso-ciations organiseront le Congrès international de1900.

Beausoleil répond au citoyen Girard que laFédération des Bourses organisera le sien,indépendant de celui de la Confédération.

Riom, Rapporteur: La question soulevée parGirard a été tranchée au Congrès de Toulouse.C'est la Confédération qui doit organiser le Congrèsinternational et s'il faut une entente avec laFédération des Bourses, on s'entendra, car tout celaa été délimité l’année dernière à Toulouse.

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Lauches donne lecture du rapport de la com-mission sur la prud'hommie.

RAPPORT DE LA COMMISSION SURL'ORGANISATION D'UN CONGRÈS DE LAPRUD'HOMIE, DE SON EXTENSION, ET LAJURIDICTION PORTÉE À L'ORDRE DU JOUR(CHAPITRES 7, 8, 9).

Citoyens,La Commission chargée de s'occuper de ces

trois questions a eu sa tâche simplifiée par le vœuexprimé par le Congrès, qui est: «Vu les discus-sions et résolutions des précédents Congrès, qu'unCongrès de la prud'homie ait lieu au plus vite».

La prud'homie intéresse au plus haut point leprolétariat. Si cette juridiction a rendu des servicesaux travailleurs, nous devons reconnaître qu'elleaurait dû en rendre davantage, et non seulement àune partie, mais à tous les prolétaires, à tous lessalariés, quelle que soit leur profession.

Le prolétariat organisé doit donc porter ses ef-forts pour arriver à retirer tous les avantages quepeut donner cette juridiction, et pour y arriver, laCommission estime qu'un Congrès de laprud'homie doit avoir lieu en 1899.

Ce Congrès, organisé par la Confédération duTravail, ne serait accessible qu'aux Syndicats. Lesrésolutions qui y seraient prises devront êtrerespectées par les élus prud'hommes et toutes lesorganisations,

Ce but atteint serait un grand pas vers

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l'émancipation du travail. La commission ayantétudié les rapports et propositions des organisa-tions suivantes:

Syndicat des Ouvriers en instruments deprécision - Fédération de Meurthe-et-Moselle -Bourse du Travail de Bordeaux - Chambresyndicale des Ouvriers confiseurs - Fédérationcentrale des Chauffeurs-Conducteurs,Mécaniciens - Fédération des Cuirs et Peaux -Charrons de la Seine - Mécaniciens de Marseille -Chambre syndicale des Cuisiniers - Chambresyndicale des Ouvriers serruriers de la Seine -Conseil local d'Angers - Des Travailleursmunicipaux de Paris -Organisations de Cholet -Chambre syndicale de la Tabletterie - Bourse deNice - Chambre syndicale des Ouvriersestampeurs-découpeurs sur métaux de la Seine -Syndicat général des Garçons de magasin,Cochers-Livreurs et parties similaires de la Seine- Fédération du Bâtiment - Chambre syndicale desPâtissiers de la Seine,

soumet les principales questions qui devrontêtre traitées dans ce Congrès. D'abord, du choixdes organisations qui ont le plus d'affaires, dansune catégorie, pour désigner un candidat - propo-sition adoptée par le Congrès de Tours - puis qu’iln'y ait pas plus de deux candidats conseillers dansune corporation, quelle que soit son importance -Proposition des Pâtissiers de la Seine adoptée auCongrès de Tours.

Que tous les salariés des deux sexes, quel quesoit leur métier ou emploi, soient justiciables,électeurs et éligibles. En effet, il est pénible deconstater que certaines catégories de travailleurssont non seulement en dehors du choix desprud'hommes, mais encore ne peuvent bénéficierde cette juridiction. Par exemple les chauffeurs-mécaniciens, les employés, les garçons demagasin et toute l’alimentation. Il faut que cetteiniquité disparaisse;

Que l'on soit électeur à 21 ans et éligible à 25ans, tout aussi bien que pour les pouvoirs publics;

Qu'une Cour d'appel de Conseils deprud'hommes soit créée, afin que les arrêts de cesConseils soient applicables. C'est inique que lesTribunaux de commerce puissent infirmer les arrêtsdes Conseils de prud'hommes. Cette Cour d'appelserait composée deconseillers prud'hommes quiauraient au moins deux ans d'exercice, et seraitnommée par les conseillers prud'hommes mi-pa-trons mi-ouvriers;

Que les conflits entre le capital et le travail, enmatière d'arbitrage, soient soumis aux Conseils deprud'hommes et qu'une loi complète la loid'arbitrage, pour que les arrêts soient imposés aux

deux parties. Nous considérons que pour cesconflits, les conseillers prud'hommes sont mieuxplacés que les juges de paix;

Que les jugements sans appel soient portés à600 fr. au moins;

Que la loi sur les accidents du travail soit duressort des conseils de prud'hommes.

Nous croyons que les juges n'ont pas lacompétence voulue pour appliquer cette loi, etqu'elle ne donne pas de la sorte les résultats quenous sommes en droit d'en retirer.

Que les frais faits par des justiciables qui seraientdéboutés, puissent être payés par une caisse à ladisposition des conseillers prud'hommes;

Que les élections des conseillers aient lieu endehors de toute ingérence politique; qu'on ne puisseforcer un candidat à adhérer à telle ou telle école etcela, pour éviter les divisions dans les organisa-tions syndicales. Il est d'urgence que cettejuridiction soit établie dans toute la France. Là oùles juges de paix en sont investi, les travailleurs nepeuvent en retirer ce qu'ils en retirent des Conseilsde Prud'hommes.

Que les Conseillers de Prud'hommes soientrétribués suffisamment à seule fin qu'ils soientcomplètement indépendants, ils rendraient ainsi deplus grands services au prolétariat.

Que les Conseillers prud'hommes se réunissenttous les deux mois au moins pour échanger (20)leurs vues et bien définir leurs attributions. Qu'il estnécessaire que des conférences soient faites surla prud'homie, pour bien faire connaître auxtravailleurs la procédure à employer pour se servirde cette juridiction avec avantage. Voilà lesprincipales questions qui, à notre avis, doivent êtreportées au prochain Congrès de la prud'homie.

Vous reconnaîtrez avec nous que ce Congrèss'impose et qu'il est nécessaire qu'il ait lieu en 1899,à Paris, et soit organisé par la Confédération duTravail. Nous espérons, citoyens, que vous voudrezbien adopter ces conclusions, à seule fin que nousarrivions le plus tôt possible à l'émancipationintégrale du prolétariat.

Le Rapporteur, J. Lauches.La Commission: Eug. Grassaval, A. Cardet.

Louis Meyer, J. Braun, Corrompt, Auvray.

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Aubertin, Syndicat des Ouvriers selliers deParis, lit la déclaration suivante:

J'ai protesté parce que le Congrès n'a pas voulupasser à la discussion des articles 7, 8, 9 de l’ordredu jour. J’ai reçu un mandat impératif, des trois cor-porations que je représente ici, pour discuter toutes

(20) Se réunissant tous les deux mois au moins, afin d'examiner entre eux les moyens pratiques pour l'unification de laprocédure, de la jurisprudence, de l'examen des usages corporatifs, etc... etc...

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les questions à l'ordre du jour du Congrès etprincipalement les questions relatives à laprud'homie. Il y avait urgence, selon les camaradesque je représente, à traiter ces questions, car, dansnos corporations, les ouvriers ne sont pasjusticiables des prud'hommes.

Chaque fois que nous avons un différent avecnos patrons, la question est portée devant le jugede paix et, neuf fois sur dix, les patrons obtiennentgain de cause.

Je n'ai pas protesté contre la réunion duCongrès de la prud'homie en 1899, mais contre lafaçon dont le Congrès a traité ces questions.

Garcin, Fédération des Mouleurs en métaux:On a bien dit que c'était à la Confédérationd'organiser le Congrès de la prud'homie en 1899,mais l’on a omis de dire qui paierait les fraisd'organisation de ce Congrès.

Riom, Fédération du Bâtiment: Les Syndicatsdoivent s'occuper des élections prud'homales. Il nefaut pas laisser ces élections aux Comités de vigi-lance qui ne sont bons qu’à mettre de la discorde.Le bâtiment a exigé que ce soient les Syndicatsouvriers qui organisent le Congrès de la prud'homie,les conseillers prud'hommes ne pouvant pas pren-dre l'initiative de l'organiser et les Comités de vigi-lance étant trop divisés pour le mener à bien. Quantaux frais d'organisation de ce Congrès, ils devrontêtre supportés par les organisations qui voudront yprendre part. Elles paieront une cotisation à laConfédération qui les fera verser plusieurs mois àl'avance, au cas où la Confédération ne pourraitpas faire les avances. Riom croit qu'il est possibleà la Confédération de faire ces avances.

Batbielle, Fédération de la Typographie,demande l'extension de la prud'homie à tous lessalariés; cette question intéresse une partie desouvriers du Livre, qui travaillent dans les imprimeriesde l’Etat et de la ville de Paris, puisque, lorsqu'ilsont une contestation, relative aux salaires, avec ledirecteur de leur administration, il leur faut, pourappeler celui-ci devant les Prud'homme, en de-mander l'autorisation au Conseil d'Etat qui l’atoujours refusée; puis, pour ne pas imposer de tropgrands sacrifices aux organisations ouvrières quivoudraient assister au Congrès de la prud'homie,de ne pas faire de Congrès corporatif en 1899.

Riom prie le Congrès de ne pas confondre: ceque la Commission a adopté aujourd'hui, c'estl'extension de la juridiction des conseillersprud'hommes et non pas l'extension de laprud'homie à tous les salariés. Cette extension dela juridiction prud'homale a été adoptée dans tousles précédents Congrès. Riom est de l'avis de

Batbielle sur la suppression du Congrès corporatifde 1899 et invite les organisations à se préparerdès maintenant pour le Congrès de la prud'homie.

Le Congrès décide qu'il n'y aura pas de Congrèscorporatif en 1899.

Cardet, Fédération des Cuirs et Peaux,demande que le Congrès de la prud'homie ait lieuau mois de juillet, à cause des électionsmunicipales.

Le Congrès adopte cette proposition.

En conséquence, le Congrès de la prud'homieaura lieu au mois de juillet 1899, et le Congrèsrépond affirmativement à la question du citoyenPeltier, qui demande si tous les Syndicats serontadmis à ce Congrès.

Trabaud, Bourse du travail de Nice: Il convientde combler une lacune dans ce que l’on vient dedécider. Il faudrait que la Confédération convoqueà ce Congrès tous les conseillers prud'hommesqui ne seraient pas syndiqués.

Riom admet que les conseillers prud'hommesn'ont de valeur qu’autant qu'ils font partie deSyndicats et qu’ils en relèvent. La Confédérationne doit convoquer que les Syndicats et ne pasconvoquer les Fédérations, ni les Unions, ni lesComités de vigilance.

Le rapport sur la prud'homie est adopté et Parisest désigné comme siège du Congrès de laprud'homie.

Les organisations ouvrières de Lyon sollicitentl'honneur d'organiser le prochain Congrèscorporatif.

Plusieurs délégués font observer que le prochainCongrès corporatif aura lieu à Paris, en 1900, avantle Congrès international, et qu'on ne peut engagerl'avenir si longtemps d'avance.

Riom, Fédération du Bâtiment, demande que laFédération soit autorisée à éliminer de l'ordre dujour des prochains Congrès les questions qui ontété traitées définitivement par les précédentsCongrès.

Hamelin, Verrerie Ouvrière: trouve que le citoyenRiom va un peu loin. On ne peut pas admettre laproposition qu'il vient de formuler, parce qu'en deuxans il peut survenir de nouvelles transformationspour les questions qui ont été traitées définitivement

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et il peut se faire que le prolétariat ait besoin demodifier en conséquence les résolutions prisesdans les Congrès qui ont eu lieu.

Le Congrès adopte les propositions suivantes:1- La question de la grève générale sera mise à

l'ordre du jour du Congrès international. (Proposi-tion de Girard, de l’Union du Bronze);

2- Toutes les questions que les organisationsouvrières proposeront pour l’ordre du jour duprochain Congrès seront d'abord soumises à laConfédération qui ne retiendra que les plusintéressantes pour que l’ordre du jour soit moinschargé. La Confédération adressera aux Organi-sations ouvrières l'ordre du jour du prochainCongrès six mois avant la réunion du Congrès.

Le Conseil confédéral a mandat d'établir, pourle prochain Congrès, une classification méthodiquedes corporations qui devront correspondre à autantde Fédérations nationales de métiers.

Les cadres de ces Fédérations devront êtreétablis d'une manière définitive pour les prochainsCongrès quel que soit le nombre des Syndicatsadhérents. (Proposition de Beausoleil, Bourse duTravail de Versailles).

La Confédération adressera l’ordre du jour duprochain Congrès directement aux Syndicats et nonpar la voie des Fédérations. (Proposition de Cayol,du Syndicat des mécaniciens de Marseille).

4- La cotisation à verser pour prendre part auCongrès de la Prud'homie, en 1899, ainsi qu'auxCongrès corporatif et international de 1900, serade cinq francs. (Proposition de Richard, duSyndicat des ouvriers Fondeurs en fer de la Seine).

5- Avant de terminer ses travaux, le Congrès tientencore à envoyer ses encouragements auxterrassiers en grève. Il les félicite de leur luttecourageuse contre leurs employeurs et lesapprouve de ne pas tomber dans le piège desréactionnaires aux abois et des saltimbanques dela politique. (Proposition de Cauchois, desCartouchiers d'Issy-les-Moulineaux). Cette propo-sition est adoptée à l'unanimité.

La proposition du citoyen Roche, du Syndicatdes garçons de magasin et cochers-livreurs de laSeine, qui demandait que, une fois les Congrès de1900 terminés, la cotisation des Congrèscorporatifs fût portée à trois francs, n'est pas priseen considération par le Congrès sur les observa-tions des citoyens Peltier et Maynier, qu'on ne peutengager l'avenir.

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Le citoyen Lephilipponnat donne lecture durapport de la dixième commission (créationd'Inspecteurs ouvriers).

RAPPORT DE LA 10ème COMMISSION

Citoyens,La Commission chargée de présenter un rap-

port sur la question portée à l’ordre du jour, portantsur la création d'Inspecteurs ouvriers, a reçu lespropositions des Syndicats suivants: Porteurs etEmployés de journaux, Métallurgistes deFourchambault, Confédération du Travail,Fédération du Bâtiment de la Seine, Associationdes Garçons restaurateurs-limonadiers, Plombiers-couvreurs de Paris, Fédération des Syndicats deMeurthe-et-Moselle, Cuisiniers-Pâtissiers deFrance, Chambre syndicale des Couvreurs duMans, Syndicat des Employés de la Seine,Confiseurs-Biscuitiers-Chocolatiers, Ouvriers eninstruments de précision, Bourse du Travaild'Angers, Syndicat de la Meunerie de Rennes,Bourse du travail de Saint-Etienne, Bourse du tra-vail de Bordeaux, Limonadiers-Restaurateurs deParis, Union syndicale du Bronze, Fédération desChauffeurs-Conducteurs-Mécaniciens de FranceOuvriers cartouchiers d'Issy-les-Moulineaux,Garçons de magasin, Cochers-livreurs de Paris.

Après étude de ces différentes propositions, laCommission a constaté que toutes ont le mêmebut, c'est-à-dire que les inspecteurs soientexclusivement choisis parmi les travailleurs.

Les Plombiers-Couvreurs et la Fédération duBâtiment demandent que les inspecteurs du tra-vail soient également chargés de visiter les travauxen cours d'exécution.

Les Chauffeurs-Mécaniciens de Francedésireraient que ces inspecteurs soient pris moitiéparmi les ingénieurs et moitié parmi les Syndicatsouvriers.

Le Syndicat des Employés demande, lui, que lanomination par les travailleurs s'étende auxmembres composant le Conseil supérieur du Tra-vail.

La Meunerie de Rennes constatant que, vu lesexigences demandées pour pouvoir prendre partau concours d'inspecteur du travail, il estabsolument impossible à un ouvrier n'ayant reçuqu'une instruction primaire, et aussi intelligent qu'onle suppose, de pouvoir l'aborder, demande que ceconcours soit supprimé.

Deux autres propositions ne sont pas prises enconsidération par la Commission.

Quatre varient sur le mode de nomination deces Inspecteurs. Il en est qui voudrait qu'ils soientdésignés par les Syndicats, d'autres seraient d'avisque l'on procède par l'élection comme pour lesconseillers-prud'hommes, par catégorie de profes-sion; en somme, la majorité se prononce pour quece soit les Syndicats qui présentent des candidats,estimant que les citoyens proposés seront aptes à

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remplir ces fonctions.Pour ces motifs, la commission décide, à

l'unanimité, de présenter les conclusions suivantes:1- Que les Inspecteurs du Travail soient choisis

parmi les Syndicats ouvriers;2- Que le mode d'élection ait lieu dans les

mêmes conditions que pour les conseillersprud'hommes et que leur mandat s'étendeégalement à visiter les travaux en coursd'exécution;

3- Les Inspecteurs, une fois nommés, sontinvestis des droits suivants:

Munis d'une carte leur donnant le droit depénétrer dans les ateliers et chantiers à tout instant,afin de constater s'il y a infraction et plusspécialement la nuit dans les ateliers ou l'on travaillesouvent jusqu'à des heures très avancées etquelquefois même toute la nuit dans les momentsde presse.

Ils auront le droit de requérir les agents del'autorité publique, lesquels devront être mis à leurdisposition pour constater et dresser les contra-ventions immédiatement et sur lieu.

En plus, sur la proposition des cartouchiersd'Issy, la Commission propose, de par une loi àintroduire dans les règlements du travail, de forcerles chefs d'industrie à appliquer des débrayagesde sûreté de distance en distance, à toutes lestransmissions motrices.

Le Rapporteur: Ch. Lephilipponnat,La Commission: Auriot, Gauchois,

Carmantrant, Girard.

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La Commission d'organisation du Congrèsprie les Congressistes qui désirent se fairephotographier avec elle de se rendre au Thabor pourune heure et demie.

Le Président donne lecture de la propositionsuivante qui vient de parvenir au bureau:

Quantité de camarades ayant absolumentbesoin de partir ce soir et comme il faut néanmoinsque les résolutions du Congrès ne soient pasvotées par les banquettes, les soussignésdemandent de limiter le temps des orateurs.

En conséquence, ils proposent qu'en dehors dela lecture des rapports chaque orateur n'aura droità la parole désormais que pendant cinq minutessur le même sujet.

Fernbach, J. Collet, A. Cardet, Lebret, P.-H.Charlot, E. Bry, Reynier.

Immédiatement le citoyen Barlan, Bourse duTravail de Toulouse, propose la mention suivante:

«Le Congrès de Rennes siégera en permanencejusqu’à la solution des questions proposées».

Meyer, Syndicat des Ouvriers pâtissiers de laSeine, considérant que tous les membres duCongrès sont des travailleurs et que beaucoup ontpris des engagements avec leurs employeurs pourreprendre leur travail dès dimanche, il ne faut pasque ces camarades manquent à la parole donnée.Plusieurs risquent de perdre leur emploi s'ils ne peu-vent partir dans l'après-midi de samedi.

Cayol, Syndicat des Ouvriers mécaniciens deMarseille, demande que l’on suive le règlementadopté par le Congrès dès les premières séanceset que l'on continue les séances de 8 heures dumatin à midi et de deux heures à six heures le soir,jusqu'à la fin de la discussion des questions àl'ordre du jour. Cayol demande la priorité pour samotion. Le Congrès, consulté, décide de suivre lerèglement établi.

Le Président donne la parole au citoyenLagailse, secrétaire général du Conseil confédéralpour développer les raisons qui ont fait insérer la20ème question de l'ordre du jour.

Lagailse: C'est le citoyen Guérard qui ademandé que cette question fut portée à l'ordre dujour du Congrès. Guérard est d'avis que tous lesappels pour secours de grèves devraient passerpar la Confédération et que celle-ci devraitcentraliser les fonds. Ceci avait été adopté auCongrès de Toulouse.

Besombes, Union des Syndicats de la Seine:Ne trouve pas que cette proposition soit bien pra-tique. Lorsqu'une grève se produira dans une villede province, il faudra que les ouvriers en grèves'adressent à la Confédération. Celle-ci aviseratoutes les organisations ouvrières et lorsqu'elle auracentralisé des fonds elle les fera parvenir auxgrévistes. C'est cela qu'on nous demande. Ce n'estpas logique et c'est une perte de temps fortpréjudiciable aux camarades qui luttent.

Fleury, Bourse du Travail de Tours: Est opposé,pour diverses raisons, à la proposition de faireparvenir, par la Confédération toutes les sommesvotées pour grèves par les Syndicats. D'abord ceserait du temps précieux de perdu pour la réussitedes grèves qui, de la manière proposée, nepourraient avoir tout de suite les moyens de lutte,puisqu'il faudrait faire passer les fonds par Paris.Ensuite il y a la question économique: il y a avantageà adresser les fonds directement aux grévistesplutôt que de les faire passer par Paris. En envoyant

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les fonds aux grévistes mêmes il ne faut qu'un tim-bre-poste et les frais d'un mandat; tandis que sil'argent passait par la Confédération il y aurait dou-bles frais, frais d'envoi à Paris et frais d'envoi deParis aux grévistes.

Pour assurer le bon fonctionnement des secoursde grèves et du 5%, il faut: 1- créer des sous-comités de la grève générale dans chaque Boursedu Travail et partout où il sera possible, ces sous-comités se tiendront en rapport constant avec lecomité de la grève générale nommé par lesCongrès; 2- distribuer des brochures, organiserdes conférences, etc..., en un mot, de faire toute lapropagande possible pour développer l'idée de lagrève générale jusque dans les hameaux les plusreculés.

Que les organisations retiennent elles-mêmesle 5% et qu'elles l'adressent intégralement tous lestrimestres à la Confédération.

Quant aux secours de grèves, déduction faitede la retenue de 5%, que les organisations lesenvoient elles-mêmes aux grévistes sans passerpar la Confédération, ni par le Comité de la grèvegénérale.

Il serait bon d'inviter les journaux qui reçoiventdes fonds pour les grèves à opérer la retenue de5% et de la verser à la Confédération.

Roche et Capjuzan sont partisans decentraliser, de concentrer les fonds de grèves. Ilfaut éviter, dit Capjuzan, de les envoyer auxjournaux: il faut les envoyer de préférence à laConfédération; c'est un moyen de la vulgariser, delà faire connaître. Qu'une organisation locale, telleque les sous-comités de la grève générale, cen-tralise les fonds d'une même ville ou d'une mêmerégion et les envoie ensuite à la Confédération.

Girard, Union du Bronze, demande que ce soitla Confédération qui, pour les grèves importantes,envoie les listes de souscription.

Besombes, Union des Syndicats de la Seine,ne voit pas très bien l'utilité de centraliser les fondsà la Confédération, pas plus qu'il ne voit l'applicationde cette proposition. Il maintient ce qu'il a dit et ceque le délégué de Tours a dit également, c'est qu'ily aura une perte de temps et des frais doubles enenvoyant les fonds à la Confédération.

Capjuzan, Syndicat de la Cordonnerie ouvrièrede France: Il ne faut pas jouer sur les mots, ne passe faire d'illusion. C'est bien l'Union des Syndicatsde la Seine qui est visée par cette proposition.Pourquoi ce qui lui est possible ne le serait-il paspour la Confédération? Que l'Union fasse sesappels pour secours de grèves au point de vue lo-

cal, mais c'est à la Confédération que revient laprérogative des appels généraux aux Syndicats etaux organisations ouvrières.

Besombes: Les appels, n'importent d’où ilsviennent, rendent des services, et on ne peutempêcher l'Union des Syndicats de la Seine derendre tous les services qu'elle pourra rendre auprolétariat.

Beausoleil: On ne peut contraindre les organi-sations ouvrières à envoyer leurs fonds poursecours de grèves à la Confédération, et on ne peutnon plus blâmer l'Union des Syndicats de la Seine,qui veut bien se mettre à la disposition des organi-sations.

Beausoleil est de l'avis des orateurs quiréclament une mesure à prendre par le Congrèspour les journaux qui reçoivent des fonds pour desgrèves.

Le Président met aux voix la clôture de la dis-cussion avec les orateurs inscrits. La clôture estadoptée.

Meyer, Syndicat des Ouvriers pâtissiers de laSeine: A ceux qui proposent de centraliser les fondsde grève à la Confédération, il convient de poser laquestion suivante: N'y aura-t-il pas du retard de lapart de la Confédération pour faire parvenir cesfonds aux grévistes? Voilà ce que la Fédérationdevrait dire. On a dit qu'il y avait une permanencepour la Confédération: ce n'est pas exact, puisqu'àun moment donné pour pouvoir voir Lagailse, il afallu lui écrire.

Pouget, Syndicat de l'Industrie lainière deReims: On cherche à compliquer la question dusecours à apporter aux grèves: on veut la centrali-sation des fonds. Pouget estime que ce serait créerune complication inutile.

Braun, Fédération de la Métallurgie: Il y a uneconfusion. On n'a pas demandé que la Fédérationreçoive tous les fonds pour secours de grève, maissimplement qu'elle centralise le 5% que l'on doitprélever sur ces fonds. Cependant ce qui est possi-ble pour l'Union des Syndicats de la Seine doit êtrepossible à la Confédération. Celle-ci pourraitparfaitement centraliser tous les fonds des organi-sations de Paris que l'Union des Syndicats cen-tralise actuellement. Cette centralisation lui revientde droit puisqu'elle est l'organisation centrale. Deplus, de cette manière, le Comité de la grèvegénérale ne pourrait plus être suspecté, bienqu'actuellement le contrôle existe ou du moins laconfédération doit le faire.

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Besombes, Union des Syndicats de la Seine:Si le Congrès adopte la proposition du Syndicat desChemins de fer, tous les fonds devront parvenir àla Confédération, même ceux des Fédérations demétiers.

Le Président, pour donner une sanction à ladiscussion qui vient d'avoir lieu, résume en deuxpropositions les opinions exprimées: 1- liberté àtoutes les organisations d'envoyer leurs fonds poursecours de grèves par les moyens qui leurconviendront, et 2- obligation pour les organisationsfédérées d'envoyer ces fonds par l'intermédiaire dela Confédération.

Les camarades Lauches et Aubertindemandent la nomination d'une Commission pourtraiter cette question.

Le Congrès, consulté sur la nomination d'uneCommission, ne prend pas cette proposition enconsidération.

Le Président met aux voix la proposition duSyndicat des chemins de fer, qui demandait queles appels pour secours de grèves parviennent auxSyndicats par l'intermédiaire de la Confédération.

Le Congrès décide de laisser toute liberté auxassociations ouvrières et repousse la propositionformulée par le Syndicat des chemins de fer.

Roche, du Syndicat des Garçons de magasinset Cochers -Livreurs de la Seine, proteste contrele vote qui vient d'être fait. À son avis, la question,mise aux voix, n'est pas conforme à la discussionqui a eu lieu. On ne demandait pas la centralisationdes fonds de secours des grèves, que tousconsidéraient et considèrent comme devant êtreenvoyés directement. Ce que l'on demandait, c'étaitla centralisation du sou de grève.

Le Président consulte une deuxième fois leCongrès, qui maintient le vote émis précédemment

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Le citoyen Girard, secrétaire du Comité de lagrève générale, donne lecture du rapport moral duComité, et le citoyen H. Galantus donne lecturedu rapport financier.

RAPPORT DU CONGRÈS NATIONALCORPORATIF - COMPTE-RENDU DESTRAVAUX DU COMITÉ DE PROPAGANDENOMMÉ PAR LE CONGRÈS CORPORATIF NA-TIONAL DE TOULOUSE (SEPTEMBRE 1897).

Les Membres du Comité de la grève généralenommés par le Congrès corporatif tenu enseptembre 1897, à Toulouse, de retour à Paris,après avoir rendu compte de leur mandat à leursorganisations respectives, se sont réunis unepremière fois le 12 octobre suivant à l'effet deconstituer le bureau du Comité. Ont été nommés:Secrétaire, le citoyen Girard. Trésorier: le citoyenGalantus.

Le 26 du même mois, le comité décida l'envoiaux secrétaires des Bourses du Travail d'une lettrecirculaire les invitant à convoquer les organisationsouvrières afin de leur rappeler les décisions prisespar le Congrès de Toulouse.

Ces décisions principales sur lesquelles notredevoir était d'appeler l'attention des grandes organi-sations en conformité du mandat que nous avionsreçu, étaient de deux sortes:

1- Demande dans chacune des villes où existaitune Bourse du Travail, la formation d'un souscomité;

2- Conformément à la décision prise au Congrèsde Toulouse, opérer sur chacune des sommesversées au profit des grèves partielles une retenuede 5% au profit de la caisse du comité depropagande de la grève générale.

Vingt Bourses du Travail ont répondu à cettepremière communication et accepté la formationd'un sous-comité. Nous citons notamment cellesde Tours, Toulouse, Rennes, Le Hâvre, etc..., etc...,qui ont par la suite, procédé à leur formationconformément aux indications fournies.

Voici au surplus, le texte de cette lettre circulaire:Paris, le 26 octobre 1807.Au Secrétaire de la Bourse du Travail.Citoyen,Le Comité central de la grève générale nommé

par le Congrès National corporatif de Toulouse(septembre 1897) vient vous prier de rappeler auxorganisations syndicales adhérentes à votreBourse les décisions prises par ledit congrès ainsique par ceux qui l'ont précédé concernant la grèvegénérale.

Dans le but de faire une propagande intense decette idée, le congrès de Toulouse a décidé:

1- Création dans chaque Bourse d'un sous-comité de la grève générale qui se mettra en rap-port avec le comité central siégeant à Paris.

2- Retenue de 5% sur toutes les sommesdestinées à soutenir les grèves partielles. Il est ur-gent que cette décision soit appliquée, car le Comiténe peut, sans argent, rien faire au point de vue dela propagande.

Pour la formation des Sous-Comités, vous ferezappel aux citoyens des Syndicats qui auront ànommer un secrétaire et un trésorier, lequels aurontpour devoir de veiller à l'exécution de la deuxième

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décision concernant les 5% dans toute la régionsur laquelle rayonne votre Bourse du Travail.

Quant au secrétaire, il se tiendra en rapport avecle Comité central.

Il faut qu'au prochain Congrès nationalcorporatif, chaque Bourse ait son Sous-Comitéorganisé, lequel aura à fournir un rapport sur lestravaux de l’année.

Ces rapports serviront au Comité central àétablir un rapport général pour toute la France,indiquant au Congrès les progrès que cette idéeaura pu faire et qui, nous l'espérons fermement,aboutira à l'émancipation des travailleurs sansrévolution violente.

Nous pensons, Citoyen secrétaire, que dansces conditions, vous tiendrez à ce que votre Boursene soit pas une des dernières à appliquer lesdécisions du Congrès.

Le Comité vous prie de lui accuser réception decette lettre et vous envoie un salut fraternel.

Pour le Comité et par ordre: Le Secrétaire, H.Girard.

Nota: Prochainement paraîtra la première bro-chure de propagande de la grève générale faite parle Comité.

D'autres Bourses nous répondirent qu'enprincipe les associations les composant étaientfavorables à la formation des sous-Comité, maisque dans les localités l'on rencontrait de trèsgrandes difficultés à trouver des camaradesdévoués qui consentissent à en faire partie et à lesorganiser; mais, quand même, ils nous assuraientde leur entier dévouement à la cause et nousdonnaient la formelle assurance qu'au moment oùl'action devrait s'engager. Ils seraient avec nous etsauraient faire leur devoir.

Votre Comité édita, dans les premiers mois del’année 1898, sa première brochure de propagande,et un nouvel appel fut adressé à toutes les Boursespour les engager à la répandre à profusion danstous les centres ouvriers et à en faire l'objet d'unecommunication aux journaux socialistes etcorporatifs de la région, afin d'en faciliter le place-ment.

Le produit de la vente de cette brochure devaitêtre intégralement affecté à la propagande, et elleavait pour but de faire connaître et vulgariser dansles masses l'idée de la grève générale, en faisantentrevoir au prolétariat les avantages économiquespouvant découler d'une action générale, et lesrésultats que cette action pouvait produire.

Votre Comité, comme diffusion de l'idée qui aprésidé à sa nomination, attachait à ce moyen depropagande un grand prix, et il eût été à souhaiterque toutes les organisations aient mieux comprisl’idée qui le faisait agir.

Quelques mois après, nous avons cru qu'il était

nécessaire d'adresser aux organisations unenouvelle circulaire leur rappelant les décisions duCongrès relatives au prélèvement des 5% enfaveur de la grève générale et aussi afin de hâterl'organisation des sous-Comités. Cette circulaireeu une importance décisive si les instructionsqu'elle comportait avaient été suivies. Nous avonscru utile de la signer des noms de tous les membresdu Comité de la grève générale. Voici la teneur dece document:

Aux Organisations syndicales,Citoyens,Les Congrès nationaux corporatifs de Marseille

1892, Paris 1893, Nantes 1894, Limoges 1895,Tours 1898 et Toulouse 1897, se sontsuccessivement prononcés en faveur du principede la Grève générale, avec une majorité de plusen plus considérable. Chaque année, depuis 1893,un Comité est nommé par le Congrès national pourpropager cette idée au moyen de brochures,journaux et conférences.

Pour donner des moyens d'action au Comité dela Grève générale, les Congrès de Nantes etLimoges invitèrent les Organisations ouvrières àretenir 10% sur le montant des collectes et secoursenvoyés aux grèves partielles; cette retenue futréduite à 5% par les Congrès de Tours et Toulouse.

Il faut convenir cependant que, depuis sacréation, le Comité de la Grève générale n'a pasrendu les services qu'on en attendait. Il organisa, ilest vrai, un certain nombre de conférences à Pariset aux environs, mais il n'étendit pas sa propagandeen province.

Des brochures et un journal spécial furent misen vente, mais il eut été préférable, dans l’intérêtde la propagande, que ces écrits fussent distribuésgratuitement.

Si le Comité de la Grève générale n'a pu,jusqu'ici, répondre aux désirs des Congrèsnationaux corporatifs, cela tient à deux causesprincipales.

La première est que le Comité siégeant à Parisn'a aucun lien, aucune relation suivie avec les Or-ganisations ouvrières de France. Il a bien été encorrespondance avec des militants dévoués, maisil n'a aucune ramification officielle dans lesdépartements.

La seconde cause de l'inaction du Comité estque les Organisations syndicales, après avoirapprouvé et voté, dans les Congrès, l'obligationd'une retenue sur les secours de grève, n'ont pas,pour le plus grand nombre, observé cette décision.Il en est résulté que le Comité de la Grève générale,privé de ressources, n'avait pas de moyensd'action et qu'il fut réduit à localiser ses efforts àParis, où précisément sa propagande est moinsutile qu'ailleurs, puisque les travailleurs de la Seine

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sont presque tous partisans de la Grève générale.Le dernier Congrès national corporatif, qui s'est

tenu à Toulouse, au mois de septembre dernier, aexaminé cette situation et constaté que si ladécision de la retenue de 5% n'était pas observée,cela tenait à ce que les organisations desdépartements n’avaient pas, dans leur ville, unSous-Comité de la Grève générale, auquel ellesauraient pu, sans frais, remettre le montant de laretenue.

En conséquence, le Congrès de Toulouse a prisl'importante décision suivante:

1- Dans toutes les Bourses du Travail, et danstoutes les villes où il n'en existe pas, il sera créé unSous-Comité de la Gréve générale, qui se tiendraen rapports constants avec le Comité de la Grèvegénérale;

2- Les Sous-Comités auront pour mission derecueillir les 5% préprélevés sur les secours degrève et d'en faire parvenir le montant au Comitéde la Grève générale;

3- Au lieu d'envoyer au Comité et aux Sous-Comités de la Grève générale, le montant dessecours destinés aux grévistes, pour que la retenuede 5% soit opérée, les organisations ouvrièresferont elles-mêmes cette retenue et enverrontdirectement aux grévistes le complément dessommes recueillies; cela évitera des doubles fraisd'envois et donnera plus de promptitude dans latransmission des secours aux grévistes;

4- Les Sous-Comités devront intervenir auprèsdes journaux de leur localité qui recevront dessecours de grève, pour que la retenue de 5% soiteffectuée sur les sommes que ces journauxrecueilleront;

5- Les Sous-Comités seront chargés de la dis-tribution, gratuite ou à prix de revient, des brochuresqui seront éditées; ils organiseront des conférencesavec le concours du Comité de la grève générale;en un mot, ils feront toute la propagande nécessairepour développer l'idée de la grève générale et lafaire pénétrer jusque dans les hameaux les plusreculés;

6- Dans les villes où, pour des causesquelconques, la Bourse du Travail ou les Syndicatsne pourraient ou ne voudraient constituer un Sous-Comité de la grève générale, des militants, parti-sans de cette idée, pourront constituer eux-mêmesprovisoirement un Sous-Comité.

Il est indispensable que nous sortions dudomaine théorique, où nous sommes confinés, pourentrer résolument dans l'action.

Des événements graves peuvent surgir d'unmoment à l'autre. S’il plaisait au Gouvernement,effrayé par la puissance grandissante du prolétariat,de porter la main sur les libertés acquises, ensupprimant la loi sur les Syndicats, le droit de

réunion, le droit de grève, ou même le suffrageuniversel, il faut que le peuple soit en mesure des'opposer sur le champ aux violences de nosgouvernants.

La Grève générale, arme pacifique, serait le seulmoyen efficace à opposer à nos adversaires declasse.

L'arrêt du travail, qui placerait le pays dansl'immobilité de la mort, serait nécessairement detrès courte durée; ses conséquences terribles etincalculables amèneraient aussitôt leGouvernement à capituler. S'il s'y refusait, leprolétariat, révolté d'un bout à l'autre de la France,saurait l'y contraindre, car les forces dont disposentles dirigeants, éparpillées, émiettées sur tout leterritoire, seraient sans consistance et ne pourraientopposer la moindre résistance aux volontés destravailleurs enfin maîtres de la situation.

Nous comptons donc, Citoyens, sur toute votreénergie et votre solidarité pour mettre à exécutionla décision du Congrès de Toulouse, et nous vousprésentons nos salutations traternelles.

Le Comité de la Grève générale,Barafort, de la Fédération des Cuisiniers de

France;Braun, de la Fédération des Métallurgistes de

France;Capjuzan, de la Cordonnerie de France;Delesalle, du Syndicat des Instruments de

précision;Galantus, du Syndicat des Ferblantiers;H. Girard, de l'Union, du bronze;E. Girard, du Syndicat des Chemins de fer de

France et des colonies ;A. Lagailse, de la Confédération générale du Tra-

vail;Soudant, des Travailleurs municipaux de Paris.Adresser la correspondance au citoyen H.

Girard, secrétaire du Comité, 52, rue Saint-André-des-Arts, à Paris.

Adresser les fonds au citoyen Galantus,trésorier, 2, rue Vilin, à Paris.

Ici, citoyens, nous arrivons à la période la plusimportante des travaux accomplis par votreComité, période pendant laquelle nous noussommes vus presque à la veille de passer dudomaine de la théorie dans celui de l'action.

Lorsque nous avons été avisés qu'un conflit étaitsur le point d'éclater entre le Syndicat national desTravailleurs des Chemins de fer et les Compagnies,nous avons pensé qu'il était de notre devoir de con-sulter les organisations ouvrières, et c'est sousl'influence de cette pensée que nous avonsadressé un referendum à tous les Syndicats deFrance et d'Algérie, leur posant la questionsuivante, avec prière d'y répondre: «Etes-vouspartisans de la grève générale immédiate dans le

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cas où les Travailleurs des Chemins de fer semettraient eux-mêmes en grève?».

Il est fort regrettable que la majorité des organi-sations qui se prononcent dans les Congrès pourle principe de la grève générale, n'aient plus, quandl'heure de l’action semble avoir sonné, quand, parle fait de l'intervention d'une organisation aussipuissante que celle des Chemins de fer s'apprêteà donner le signal du grand combat, les mêmesdispositions et reviennent si facilement sur leursvotes émis précédemment. Il est désastreux defaire une pareille constatation quand on pouvaitsupposer que par le fait de la grève de noscamarades des Chemins de fer, beaucoup d'autrescorporations auraient été obligées, par la force deschoses, à cesser elles-mêmes le travail et quec'était là le vrai point de départ de la grève généraleet peut-être de cette révolution économique quiseule peut apporter une solution aux grandsproblèmes posés devant le monde entier.

Néanmoins, nous avons obtenu bon nombre deréponses, de la province surtout, émanant de cen-tres ouvriers importante où les camarades étaientdestinés à marcher.

Nous souhaitons et nous avons l'espoir qu'auCongrès de Rennes, toutes les Organisations seprononceront catégoriquèment en faveur de laGrève générale et que les résolutions qui y serontprises ne resteront pas sans sanction.

Votre Comité fut avisé, dans une de ses réunionsque, sur la crainte que faisait naître la menace dela Grève générale, le Président du Sénat faisaitdéposer sur le bureau de la Chambre la proposi-tion de loi Merlin-Trarieux, portant modification desarticles 414 et 415 du Code pénal, visant lesgrévistes et principalement les organisateurs degrèves et les frappant de prison et d'interdiction deséjour. Cette loi, si elle était votée, supprimerait ledroit de grève et pourrait, avec quelque complai-sance de notre magistrature bourgeoise, êtreappliquée à tous les travailleurs.

En raison de ces faits, le Comité décida deconvoquer en réunion privée, à la salle del'Harmonie, le 25 juin dernier, toutes les Organisa-tions ouvrières des départements de la Seine etde Seine-et-Oise.

Voici cette convocation:Aux Chambres syndicales, Groupes corporatifset Fédérations ouvrières,Camarades de Travail,Jamais situation ne fut plus inquiétante pour le

Prolétariat; en dehors des effets désastreux de laloi de concurrence et du développement dumachinisme, un ensemble de faits de tout ordrenous place dans l'obligation de resserrer nos rangs,de nous voir et de nous entendre.

C'est pourquoi nous vous convions à choisir,

parmi vos membres adhérents, trois délégués quireprésenteront votre Groupement dans la réunionprivée des Organisations ouvrières du départementde la Seine et de Seine-et-Oise qui se tiendra lesamedi 25 juin 1898, à huit heures et demie du soir,salle de l'Harmonie, 94, rue d'Àngoulême.

Pour les Comités: Girard, secrétaire, 13, rueMichel-le-Comte; Galantus, trésorier, 2, rue Vilin.

Carte d'entrée pour le délégué: Prière d'apposervotre timbre.

Il fut décidé dans cette réunion, à laquelle plusde deux cents délégués assistaient, qu'uneseconde assemblée aurait lieu dans la même salle,le 9 juillet suivant, et qu'à l'ordre du jour figureraitnon-seulement une protestation contre le projet demodification des articles 414 et 415 du Code pénal,mais aussi les différentes revendications qui sontformulées par toutes les fractions du monde destravailleurs.

En vue de cette deuxième réunion, le Comitéadressa une nouvelle circulaire aux Syndicats. Elleétait conçue en ces termes:

Aux Fédérations, Bourses du Travail, Unions,Chambres syndicales et Groupes corporatifsouvriers,

Camarades de travail,Dans la réunion des délégués des Organisations

ouvrières des départements de la Seine et de Seineet-Oise, tenue le 25 juin, salle de l’Harmonie, il aété décidé:

1- Qu'une seconde réunion privée aurait lieu lesamedi 9 juillet, à huit heures et demie du soir,même salle, 94, rue d'Àngoulème;

2- Que les revendications concernant lesCahiers du Travail seront les suivantes:

- Journée de huit heures avec minimum desalaire; à travail égal, salaire égal;

- Suppression du marchandage et du travail auxpièces;

- Suppression du travail industriel dans les pris-ons, couvents, ouxroirs et casernes;

- Suppression des bureaux de placement;- Extension de la prud'homie;- Retraite pour les vieillards et invalides du tra-

vail;- Liberté entière d'association, de réunion et de

coalition;- Abrogation des articles 414 et 415 du Code

pénal; abrogation de tous décrets, lois etordonnances restrictifs de cette liberté;

3- La réunion des délégués déclare que lesditscahiers devront être affirmés par toutes les Corpo-rations ouvrières de France et des Colonies à laminute même où sera déclarée la grève desouvriers et employés des Chemins de fer: lasolidarité de tous les travailleurs devant être effec-tive;

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4- Que la prochaine réunion aura un caractèredéfinitif: les délégués devant avoir mandat de leurorganisation respective;

5- Que connaissance de ces résolutions devraêtre donnée à toutes les Organisations de Franceet des Colonies;

6- Que les Fédérations, Unions et Syndicatsnationaux désigneront dans leur sein, chacun deuxmembres, pour constituer un sous-Comité depropagande.

Les Organisations sont donc priées d'envoyerleurs trois délégués, et de les mandater sur lesquestions ci-dessus énoncées.

Le Secrétaire, Girard.Le Trésorier, Galantus.Nota: Vu les dépenses nécessitées par la

campagne entreprise, les Comités font appel à labonne volonté des Organisations.

Envoyer les souscriptions au trésorier général,le citoyen Galantus, 2, rue Vilin, à Paris.

Les Organisations répondirent à ce nouvel appelen plus grand nombre encore qu'au précédent, etleurs délégués décidèrent, à une grande majorité,de se prononcer pour le principe de la grèvegénérale et contre toute modification à apporter auxarticles 414 et 415 du Code pénal. De plus, ilsdonnèrent mandat à votre Comité d'organiser ungrand meeting public de protestation, salle du Tivoli-Vaux-Hall.

En vue de l'organisation de ce meeting, leComité adressa aux Associations ouvrières de laSeine et de Seine-et-Oise l'appel suivant:

Aux Organisations ouvrières des départementsde la Seine et de Seine-et-Oise

Citoyens,Dans la réunion de vos délégués tenue le 9

juillet, salle de l'Harmonie, 94, rue d'Angoulême, leComité a reçu mandat d'organiser, dans le plus brefdélai, un grand meeting public à Tivoli-Vaux-Hall,afin de soumettre au proléteriat les revendicationsformulées par les travailleurs et la déclarationéventuelle de la grève générale dans le cas où lescamarades des Chemins de Fer cesseraient le tra-vail.

Dans la même réunion, les organisationsreprésentées ont pris l’engagement de couvrir lesfrais que nécessitera ce meeting.

En conséquence, tous vous prions de faireconnaître au Comité, avant le 10 août prochain,quelle somme votre organisation peut mettre à notredisposition.

Pour et par ordre du Comité:Le Secrétaire, H. Girard.Un assez grand nombre d'organisations ont

répondu à notre appel, mais pas suffisammentpourtant pour qu'il ait été possible de donner cemeeting avant le Congrès corporatif.

Voilà, citoyens, le bilan des quelques travauxque votre Comité a cru devoir accomplir dansl'intérêt de la cause ouvrière et en conformité dumandat qu'il avait reçu de vous il y a un an. Il aurait,certes, pu faire davantage, comme nous l'avonslait remarquer au cours de ce rapide exposé, si lesOrganisations avaient répondu avec plusd'unanimité aux questions que nous leur avonssoumises.

Aux Congrès tenus de 1893 à 1897, la forme ducomité a subi déjà quelques transformations. Nouscroyons qu'aujourd'hui encore, il y aurait utilité à ledoter d'une organisation nouvelle lui donnant plusde force et le mettant ainsi plus en rapport avectoutes les organisations.

En ce qui concerne la composition du comité,nous proposons que le nombre de ses membressoit porté à quinze, élus par le Congrès etqu'indépendamment de ces quinze membres dontle mandat irait d'un congrès à l'autre, chacune desfédérations soit invitée à s'y faire représenter parun délégué.

Le comité de propagande deviendrait comitéd'action dans le cas où éclaterait une grèvegénérale.

Les comités de province ou sous-comitésdevraient être en rapports constants avec le comitéde la grève générale.

Pour la partie financière, nous proposons quetoutes les organisations, qui se prononceront pourla grève générale, versent entre les mains dutrésorier du comité une cotisation mensuelle de 50centimes.

Les organisations parisiennes verseraientl'intégralité de la cotisation; celles de provincegarderaient, pour le fonctionnement du sous-comitélocal, 25 centimes, l'autre moitié serait adresséeau trésorier du comité à Paris.

Voilà, citoyens, les quelques modifications quenous serions heureux de voir apporter àl'organisation actuelle du comité.

Et maintenant, citoyens, malgré les critiques quipourront se produire au sein du Congrès contre lecomité dont le mandat est expiré, nous avons laconscience d'avoir accompli notre devoir, et sil'heure de l'action avait sonné, vous nous auriezvus tous à notre poste.

Ayant reçu du Congrès de Toulouse la missionde porter haut le drapeau de la grève générale,nous n'aurions pas failli à notre tâche. C'est à vousde juger, camarades, si nous avons été dignes devotre confiance.

Et nous crions, comme toujours: Vive, la GrèveGénérale pour l'émancipation des travailleurs!

Pour le Comité:Le Secrétaire, H. Girard.

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COMPTE-RENDU FINANCIER DU COMITÉ,DE LA GRÈVE GÉNÉRALE POUR L'ANNÉE1898:

RECETTES

Sommes versées par les orgnisations, provenant de aretenue du 5%:

Confédération générale du Travail: 94fr.80Fédération nationale de la Métallurgie: 196fr.70Fédération des Mouleurs de France: 77fr.85Union des Syndicatsde la Seine: 385fr.85Chambre syndicale des Ferblantiers de la Seine: 9fr.40Chambre syndicale des Outils à découper (Seine): 1fr.50Chambre syndicale des Batteurs d'or (Seine): 32fr.25Bourse d'Alger: 6fr.25Bourse de Rennes: 5fr.56Bourse de Bourges: 6fr.65Sous-Comité de Bourges: 8fr.30Total: 835fr.11

Vente de brochures: 50fr.60Excédent de provision de l'ancien secrétaire: 27fr.70Excédent de l'Union des Chambres syndicales deBoulogne-sur-Mer pour les grévistes de la Seyneet de Nantes: 10fr.00Excédent d'écot à une réunion à l'Harmonie: 0fr.40Citoyen Roucaglio: 1fr.00Citoyen Barton: 0fr.25Collecte à l'Harmonie: 2fr.50Total: 92fr.45

Sommes versées par les organisations pour aider leComité dans sa propagande et pour l'organisation d'unmeeting: *

Chambre syndicale des Ferblantiers de la Seine: 35fr.00Chambre syndicale des Services Réunis: 10fr.00Chambre syndicale des Cuisiniers de Paris: 10fr.00Fédération nationale de la Métallurgie: 20fr.00Syndicat des Bateaux parisiens: 10fr.00Syndicat des Ouvriers du Bronse: 10fr.00Syndicat des Outils à découper: 10fr.00Syndicatdes Confiseurs de Paris: 10fr.00Syndicat des Etireurs au banc: 5fr.00Syndicat des Découpeurs-Estampeurs: 2fr.00Syndicat de la Boucherie de Paris: 20fr.00Syndicat des Mouleurs en cuivre: 10fr.00Syndicat des Dégraisseurs de Paris: 5fr.00Syndicat des Couvreurs-Zingueurs: 5fr.00Syndicat des Boulangers de la Ciotat: 5fr.00Total: 159fr.00

Total des Recettes: 1.086fr.56

DÉPENSES

Frais d'imprimés et circulaires diverses: 223fr.50Achat de livres à souches, timbres, copie de lettres: 18fr.00Frais d'impression de 5.000 brochures: 182fr.00Frais de correspondance expédition de circulaires: 122fr.85Frais pour réunions et affiches: 40fr.80Frais de délégation au Congrès: 160fr.00Adhésion au Congrès: 5fr.00Frais pour délégation à Paris et à Montaterre: 15fr.00Envoyé aux grévistes de la Seyne et de Nantes: 9fr.50Versé à l'ancien trésorier (excédent dedépenses de correspondance pour l’année 1897): 25fr.40Indemnité allouée au trrésorier: 20fr.00Total: 822fr.05

Recettes générales: 1.086fr.56Dépenses: 822fr.05Reste en caisse an 1er octobre: 264fr.51

Lauches, Union des Ouvriers mécaniciens dela Seine, ne peut pas discuter les rapports duComité de la grève générale, son Syndicat nesuivant pas les décisions des Congrès, au sujetde la retenue des 5%. Cependant, il tient à fairesavoir que l'Union des Ouvriers mécaniciens de laSeine est partisan de la grève générale, mais nepeut garantir l'arrêt du travail quand on le luidemandera.

Capjuzan, Syndicat de la Cordonnerie ouvrièrede France, fait une même déclaration.

Besombes, Union des Syndicats de la Seine,ne veut pas discuter les rapports présentés par leComité de la grève générale, ni le principe de lagrève générale qui n'est pas à l’ordre du jour. Il areçu mandat de combattre les conclusions desrapports, parce que le Comité s'est permis des'adjoindre un comité politique. Le Comité n'avaitpas le droit de s'allier à un comité nommé par as-sociations politiques, ni surtout de mettre sur sesproclamations l'étiquette du Parti ouvrier.

Besombes ne s'explique pas que le Comité dela grève générale, qui ne fait pas partie de laConfédération, vienne demander que les fonds degrève soient remis par l'intermédiaire de laConfédération. L'Union des Syndicatsde la Seineest presque seule à observer les décisions desCongrès en ce qui concerne la retenue des 5%.On a critiqué la centralisation faite par l'Union et ona voulu dire qu'elle ne versait pas aux grévistes tousles fonds qu'elle a reçu. Que l’on vienne donc direcelui qui a volé! Quand le Comité de la grève envoiedes fonds aux grévistes, où a-t-il pris l'argent?

Beausoleil dit que toutes les Associationsparisiennes peuvent se rendre compte de lavéracité du camarade Besombes en vérifiant lacomptabilité de l'Union des Syndicats.

Besombes: Le Comité de la grève généraledemande, par son rapport, que dans les villes où iln'y a pas possibilité de constituer de sous-comitéde la grève générale par les Organisationsouvrières, de conférer à des militants la liberté desuppléer à l'absence de ces sous-comités.

Cette proposition ne peut pas être adoptée parle Congrès, qui ne doit reconnaître qu'aux Organi-sations ouvrières le droit de constituer des sous-comités. Les individualités n'ont aucune qualité pourdiriger des sous comités; on ne peut avoir aucuncontrôle sur eux et, de plus, ils ne relèvent depersonne.

Maynier, Syndicat de la Typographie Parisienne,a entendu des phrases qui ne vont pas ensemble.

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On a voté le principe de la grève générale à unetrès grande majorité dans des Congrès antérieurset maintenant on s'étonne de ne pas avoir d'armée.

Maynier voudrait bien savoir s'il y a, dans cettequestion, une issue favorable pour le prolétariat.Pour lui, il n'y a pas possibilité d'agitation utile danscette question. Si l’on portait atteinte auxprérogatives des Syndicats, la Typographieparisienne accepterait de faire cause communeavec toutes les Organisations ouvrières. Mais endehors de là, on ne voit pas quels résultats la grèvegénérale pourrait donner.

Capjuzan, Syndicat de la Cordonnerie ouvrièrede France: Le Congrès corporatif de Toulouse avaitdonné mandat au Comité de la grève générale defaire de la propagande par tous les moyens. LeComité s'est adressé à un Comité dépendant d'unparti politique, il est vrai, mais émanant cependantd'organisations ouvrières. Ce Comité politique avaitpour mission de faire de la propagande en faveurde la grève générale et il a paru utile au Comiténommé par le Congrès corporatif de faire l'unionavec ce Comité. De part et d'autre on a cependantconservé son autonomie et il n’a jamais paru auComité de la grève générale qu'il y eût inconvénientà travailler avec ce Comité dans l'intérêt duprolétariat.

Le Président avise le Congrès que la suite dela discussion se fera à la prochaine séance; puis ildonne lecture de la communication suivante:

Chambre syndicale des Métallurgistes deFourchambault (Nièvre):

Camarades,Au mois de juillet dernier, 700 camarades de

Fourchambault se mirent en grève.Malheureusement la grève fut désastreuse poureux et ils ont dû reprendre le travail sans avoirobtenu gain de cause. Depuis ce jour, le Syndicatest cruellement décimé, les patrons s'étant coaliséspour le démolir. Ils ont renvoyé le secrétaire, letrésorier et les principaux militants du Syndicat etsi ces derniers sont obligés de quitter le pays, leSyndicat sera complètement détruit. Ces militants,qui ont à cœur de faire disparaître les iniquités dela Société bourgeoise, croient qu'il est de leur de-voir d'employer tous les moyens possibles pourque cette organisation reste debout. Ils ont penséque le meilleur moyen de maintenir le Syndicat étaitd'organiser une Société coopérative de productionoccupant environ dix ouvriers.

Mais l'organisation de cette Société coopérativede production n'est possible que si toutes les or-ganisations ouvrières veulent bien prêter leurconcours pécuniaire.

Les camarades du Syndicat de Fourchambaultfont remarquer qu'ils ont toujours rempli leur de-voir en ce qui concerne les grèves et ils sonttoujours disposés à le faire. C’est pourquoi ils sontpersuadés que tous les délégués du Congrès deRennes voudront bien faire une active propagandedans leurs Syndicats pour aider les camarades deFourchambault à organiser cette œuvred'indépendance.

Le Délégué, Goumet.

La séance est levée à midi.

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DOUZIÈME SÉANCE: Samedi 1er octobre 1898 (soir).

Présidence du citoyen Fernbach; assesseurs:Brousse et Lephiliponnat.

Après l'appel nominal, le Président donne lec-ture de la dépêche suivante:

CONGRÈS OUVRIER RENNES,De Lyon,Fédération du cuivre regrette impossibilité

envoyer délégué. Adresse son adhésion morale,ses sentiments de solidarité, son acceptationintégrale des résolutions du Congrès.

Vive la Confédération,Bourchet, Secrétaire.

Le Président donne la parole au citoyen

Capjuzan pour continuer la discussion des rapportsdu Comité de la Grève générale.

Capjuzan, Syndicat de la Cordonnerie Ouvrièrede France: On reproche au Comité de la Grèvegénérale d'avoir fait de bonne besogne ens'adjoignant le Comité de la Grève généralenommé par le Parti Ouvrier. Le Congrès de Tou-louse avait donné mandat au Comité de la Grèvegénérale de faire le plus de propagande possible;celui-ci a cru qu'il était de son devoir de faire uneaction commune et unique avec le Comité du PartiOuvrier. Mais dans tous les rapports que ces deuxComités ont eu ensemble, on ne s'est jamaisoccupé de politique.

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Girard, Secrétaire général du Comité de laGrève Générale: Les Membres du Comité estimentavoir fait tout leur devoir en n'importe quellecirconstance. On a critiqué l'alliance avec le Comitéémanant du Parti Ouvrier, et tous les membres duComité de la Grève générale peuvent affirmer qu'ilsn'ont pas compromis l'autonomie du Comité.

Les militants qui ont lancé le mouvement de laGrève générale restent seuls maintenant etaujourd'hui on a l'air de craindre cette grèvegénérale pour laquelle on a tant travaillé pendantde si longues années. On ne doit pas reculer aumoment décisif qui est proche. Les membres duComité de la Grève générale ont été jusqu'au boutet sont toujours disposés à aller encore de l'avant.S'ils n'ont pas été plus loin, la faute est aux Organi-sations de Paris aussi bien qu'à celles de la pro-vince; elles ont l'air de se désintéresser dumouvement qu'elles ont créé. La Grève généraleleur fait peur alors que jusqu'à présent on l'avaitconsidérée comme un moyen pour obtenir laréforme sociale du travail. Le jour où on en auratrouvé de meilleur, nous sommes tout disposés àl'accepter. Les politiciens n'en veulent paségalement,

Beausoleil proteste contre ce que vient de direGirard. Il a été entendu que l’on n'engagerait pasde discussion sur la grève générale, et Girarddiscute sur le fond même de la grève générale. Ence moment, on ne doit discuter que sur les rapportsprésentés par le Comité et sur le Comité lui-même.

Le Président dit qu'il sera strict désormais etqu'il n'admettra pas que l'on discute sur le fond.

Roche, Syndicat des Garçons de magasin etCochers-Livreurs de Paris, ne comprend pas quel'on attaque le Comité de la grève générale à causede sa fusion avec le Comité du Parti ouvrier, on nepeut pourtant pas renier les faits qui se sont produits,n'est-ce pas ce parti qui a émis le premier la ques-tion de la grève générale et l'a voté à son Congrèsde 1888, continué à Tours 1891 et à Saint-Quentin1892. Ce Comité a inscrit en tête de son pro-gramme, comme question primordiale, lapropagande pour la réalisation de la grève générale,ce n'est qu'au Congrès de Marseille que la notionfut adoptée. En 1892, on avait accepté cette union;il faut être logiques avec nous-mêmes. Il y amauvaise foi ou bien l’on joue sur les mots. LeComité a fait tout son devoir. Et puis, du reste, il nefaut pas craindre de le dire, tout homme est obligéde faire de la politique, soit par la pensée, soit parl’action.

Braun, Fédération de la Métallurgie: Pour traiter

cette question de fusion des deux Comités, il fautretourner de deux ans en arrière. Le Comité de lagrève, au sortir du Congrès de Toulouse, se trouvaen présence d'une délégation du Comité du Partiouvrier qui demandait, puisqu'on, avait un mêmebut, de s'unir au lieu de faire une marche parallèle.Ce Comité s'engageait à ne pas faire de politique.On n'a rien dit, il n'y a eu aucune critique de formuléeà ce sujet à Toulouse, et pourtant on connaissaitcette situation.

Au sujet du prélèvement fait par l'Union desSyndicats de la Seine sur les 5%, il y a des organi-sations qui centralisent des fonds pour les grèveset qui n'ont jamais rien retenu sur les 5%. LaFédération des Mouleurs, la Fédération de laMétallurgie ont toujours versé intégralement les 5%,parce qu’au Congrès de Toulouse on avait décidéque les 5% seraient versés intégralement au Comitéde la grève générale.

Si l'Union des Syndicats de la Seine se trouvaitgênée en faisant la centralisation des fonds, elleaurait dû proposer quelque chose, il y a un an, auCongrès, Braun conclut en demandant au Congrèsd'approuver tout ce qu'a fait le Comité et denommer de nouveaux délégués.

Galantus, Syndicat des Ouvriers Ferblantiersde la Seine: Aucune critique n'a été formulée contrece qui a été fait par le Comité, il est étonnant que,dans ces conditions, on lui reproche son allianceavec le comité du Parti ouvrier. Il met au défi ledélégué de l’Union des Syndicats de prouver qu'ona dit que l’Union volait l'argent. Il a été dit qu'à l'Uniondes Syndicats on prélevait 18% sur la retenue des5% et il y a quelque chose de vrai si, sur une sommede 23 francs on a retenu 8 francs; on avouera quec'est un peu excessif.

Carmantran, Syndicat de la Tabletterie de laSeine: Lors de la grève des ouvriers mécaniciensanglais, on a beaucoup dépensé, les frais d'envoiétant bien plus élevés qu'en France. Si on a prisune moyenne à ce moment-là, il n'est pas étonnantque la moyenne ait été assez forte, mais cependanton n'a jamais atteint 18%.

Un délégué de Toulouse demande que leComité ne soit nommé que par les organisationsadhérentes à la grève générale.

Batbielle, Fédération du Livre: Les Travailleursdu Livre ne sont pas partisans de la grève générale.Le citoyen Girard regrettait que les militants,délégués dans les Congrès, venaient sans mandatvoter la grève générale et qu'ensuite,ces militantsrestaient seuls. Ces militants votaientpersonnellement et s'engageaient à faire de la

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propagande en faveur de la grève générale. LesTravailleurs du Livre ont été sérieusementconsultés et ont tous répondu au questionnaire lorsdes difficultés du Syndicat des Chemins de fer. Lamajorité a répondu oui à deux questions etnégativement pour la grève: on est fixé maintenant,Batbielle engage toutes les Fédérations de métiersà consulter leurs organisations dans les mêmesconditions, on saura exactement, une fois pourtoutes, à quoi s'en tenir sur cette question.

Beausoleil: La question est plus importantequ'on ne se l'imagine. Ce n'est pas acceptable quedeux Comités d'émanation différente signent desappels pour des réunions. Et si la grève généraleéclatait, ce ne pourrait être que pour des raisonséconomiques et non pour des raisons politiques,et le soin de la diriger doit revenir au Comitécorporatif. Beausoleil se dit personnellement parti-san de la grève générale. Il conclut en formulantles propositions suivantes au nom de l'Union desSyndicats de la Seine:

1- Le Comité de la grève générale sera composécomme il suit : Le Congrès désignera chaque année,non pas des personnalités, mais des organisations,lesquelles seront chargées d'assurer chacune undélégué pendant l'exercice suivant;

2- Le Comité a pour mission exclusive de fairela propagande concernant la grève générale.Chaque délégué est placé sous la responsabilitédu Syndicat auquel il appartient.

Le Comité est placé sous le contrôle de laConfédération générale du travail;

3- Le pouvoir de décréter la grève générale estconfié à la Confédération générale qui n'en décideraqu'après consultation préalable des Fédérations.Le Conseil national sera chargé de consulter lesFédérations de métiers; le Comité fédéral desBourses du Travail sera chargé de consulter lesBourses du Travail;

4- Une fois décidée, la grève générale ne pourraavoir pour objet que des revendicationsexclusivement ouvrières et économiques. Elle devraêtre continuée jusqu'à satisfaction intégrale desrevendications de tout le prolétariat;

5- En aucun cas, la Confédération ne devra en-gager à la grève générale sur des questions d'ordrepolitique. Les partis politiques restent seulsresponsables de toute action basée et provoquéesur ces questions.

II s'agit de savoir si dans le cas de la mise enpratique de la grève générale, le Comité nommépar le Congrès corporatif deviendrait le directeurdu mouvement. Là est leconflit.

Girard, Union du bronze: On veut s'assurer lemonopole de la grève générale en formulant les

propositions qu'on vient d'entendre. Cependant unComité nommé par le Congrès corporatif a plus depoids, plus d'autorité que celui qui serait nommécomme le propose Beausoleil dans ses conclu-sions. De plus, la propagande serait diminuée. llne faut pas que l'on tombe dans le piège: il faut quele Comité soit nomme dans un Congrès.

Besombes, Union des Syndicats de la Seine:On a entendu les conclusions du rapport de l'Union,présenté par Beausoleil. Il est au Congrès lereprésentant des organisations et on y est pour faireles affaires de ces organisations. Si on ne remplitpas ses engagements, ces organisations peuventse séparer de nous. Qu'arrive-t-il le jour où un undélégué nommé dans un Congrès pour le Comitéde la grève générale vient à quitter son Syndicat?On doit avoir plus de confiance dans les organisa-tions que dans les individus. De plus, il ne faut pasque le Comité de la grève générale soit maîtred'engager l’action sans consulter les organisations.

La liste des orateurs inscrits étant épuisée, lePrésident donne connaissance des diversespropositions qui sont parvenues au bureau:

1- Le Comité de propagande de la grèvegénérale demande que le Congrès approuve le rap-port du Comité qui lui a été présenté, et protestecontre la qualification de politicien qui lui a été lancéepar le délégué de l’Union des Syndicats de la Seine,

H. Galantus.

2- Le Comité de la grève générale se réunissantavec un Comité politique, la Fédération régionaledes Syndicats ouvriers de la Seine-Inférieure et leSyndicat des Ouvriers en instruments de précisionde Paris proposent que le Comité de la grèvegénérale soit autonome.

Auvray.

3- Le Congrès considère que les tiraillementsde ces derniers mois, à propos de la Grèvegénérale, doivent être un enseignement pourl'avenir.

Les Congrès antérieurs ont voté le principe dela Grève générale sans en prévoir la mise àexécution prochaine; on en parlait, comme on parlede la Révolution, pensant que ça ne tirait pas àconséquence, aussi l’étonnement fut assezconsidérable quand le Syndicat des Chemins defer manifesta l'intention d'agir.

L'initiative du Syndicat des Chemins de fer n'ena pas moins été heureuse, car elle a rendu tangi-ble que la grève générale n'est pas une idéenébuleuse et impraticable; elle a prouvé que la crisepeut éclater dans un avenir peu éloigné.

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Ceci dit, on est obligé de constater que leSyndicat des Chemins de fer n'a pas opérérévolutionnairement; il a fait du parlementarisme aulieu d'agir; en perdant son temps à interroger lesSyndicats il a laissé passé l'heure de l'action. LeSyndicat des Chemins de fer aurait dû, à sesrisques et périls, proclamer la grève, et son initia-tive aurait très probablement entraîné lesgroupements même qui, dans le pétitionnement,ont hésité.

Emile Pouget.

4- Le délégué de la Bourse de Dijon vote pour lagrève générale.

U. Petit.

5- Considérant que pour mettre un terme àl'exploitation du travailleur, il doit rechercher tousles moyens rapides pour s'affranchir desspoliateurs, la Chambre syndicale des Ouvriersboulangers de la Seine engage le Congrès à semaintenir aux vœux émis aux Congrès de Tourset de Toulouse, préconisant la grève généralecomme moyen efficace pour supprimer les abus.

A. Ternet.

6- Les organisations soussignées présentes auCongrès déclarent et désirent que bonne note soitprise de leur déclaration, qu'ils n'entendent enaucune façon se mêler à un mouvement qui a pourbut la grève générale.

Ils font leurs réserves pour le cas où le projet deloi Merlin-Trarieux serait voté.

Batbielle, Fédération du Livre; J. Maynier, de laTypographie parisienne; Constant, Union syndicalede Brest; Dangin, des Conducteurs-Margeurs etMinervistes de Paris; Lephilipponnat, desFondeurs-Typographes de Paris; Philippe, Boursedu Travail du Havre; Arth. Rozier, Chambresyndicale des Employés de Paris.

7- La Bourse du Travail de Bordeaux déclare nepas prendre part au vote pour la grève générale.

Eug. Grassaval.

8, 9,10,11- Les délégués, dont les nomssuivent, déclarent s'abstenir, parce que: 1- la ques-tion de la grève générale n'était pas à l'ordre dujour; 2- n'ayant pas reçu de mandat de leurs or-ganisations, quoiqu'elles sont pour ou contre lagrève générale.

Corompt, des Chauffeurs-Conducteursmécaniciens de Paris; Lacaille, Fédération desSyndicats ouvriers de Meurthe-et-Moselle; Leray,Bourse du Travail de Saint-Etienne.

12- Considérant que l'argent versé pour les

grévistes leur appartient intégralement; que l'on nepeut, par conséquent, en disposer sansl'assentiment de ceux qui donnent et de ceux quireçoivent, les soussignés demandent que laretenue de cinq pour cent faite jusqu'ici sur le produitdes souscriptions en faveur du Comité dé la grèvegénérale n'ait plus lieu dorénavant.

Constant; Phillippe.

Le Congrès adopte la proposition du camaradeAuvray à l'unanimité moins une voix.

Plusieurs délégués demandent que le vote surles rapports du Comité de la grève générale ne soitaccessible qu'aux organisations adhérentes à ceComité.

Galantus, Syndicat des Ouvriers ferblantiers dela Seine, considère que si on ne laisse pas toutesles organisations représentées au Congrès pren-dre part au vote, il est inutile de faire des Congrès.

Maynier, Syndicat de la Typographie parisienne,appuie la proposition des camarades quidemandent que les organisations non adhérentesau Comité de la grève générale ne prennent paspart au vote.

Galantus demande que le Comité de la grèvegénérale se compose de onze membres, au lieude neuf qu'il y avait jusqu'à ce jour. Cette augmen-tation des membres du Comité est nécessaire àcause de l'importance que prend de jour en jour leComité.

Cette proposition est adoptée.

Copigneaux, Fédération des Travailleursmunicipaux de la Ville de Paris, fait remarquer quele Congrès corporatif n'a pas à s'occuper desFédérations locales ou régionales, ni des Boursesdu travail.

Roche, Syndicat des Garçons de magasin etCochers-Livreurs de Paris, est de l'avis deCopigneaux.

Les organisations parisiennes dont les nomssuivent sont désignées pour constituer le Comitéde la grève générale, et chacune déléguera un deses membres:

Syndicat des Ouvriers boulangers, Syndicat desOuvriers en instruments de précision, Fédérationouvrière des Cuisiniers, Fédération des Mouleursen cuivre, Union du Bronze, Fédération de laMétallurgie, Syndicat des Ouvriers ferblantiers dela Seine, Union des Ouvriers mécaniciens de laSeine, Syndicat de la Cordonnerie ouvrière de

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France, Fédération du Bâtiment, Fédération desChapeliers.

La séance est suspendue pendant cinq minutes;elle est reprise à 4 h.15.

Le citoyen Galantus demande que l’on vote surla proposition qu'il a fait parvenir au bureau.

Hamelin, Verrerie ouvrière, demande que cetteproposition soit scindée en deux parties et que l'onvote sur ces parties séparément. La première estainsi conçue:

«Le Comité de propagande de la grève généraledemande que le Congrès approuve le rapport duComité qui lui a été présenté...».

Le Congrès adopte ce paragraphe à l'unanimitémoins deux voix.

La deuxième partie est repoussée. Elle était ainsiconçue... «et proteste contre la qualification depoliticien qui lui a été lancée par le délégué de l'Uniondes Syndicats de la Seine».

Les propositions de l'Union des Syndicats sontmises aux voix.

Le premier paragraphe est adopté. Il est ainsiconçu: «Le Comité de la grève générale seracomposé comme il suit; le Congrès désignerachaque année, non pas des personnalités, maisdes organisations, lesquelles seront chargéesd'assurer chacun un délégué pendant l'exercicesuivant».

Le deuxième paragraphe est également adoptéà l'unanimité moins quatre voix: «Le Comité a pourmission exclusive de faire la propagandeconcernant la grève générale. Chaque délégué estplacé sous la responsabilité du Syndicat auquel ilappartient; le Comité est placé sous le contrôle dela Confédération générale du Travail».

Guérard, Syndicat des Chemins de Fer, com-bat le paragraphe 3: «Le pouvoir de décréter lagrève générale est confié à la Confédérationgénéralé qui n'en décidera qu'après consultationpréalable des Fédérations. Le Conseil national serachargé de consulter les Fédérations de métiers; leComité fédéral des Bourses du Travail sera chargéde consulter les Bourses du Travail».

Il paraît impossible et inadmissible d'adopter ceparagraphe. On avait peur d’un Comité directeur etmaintenant on remettrait à la Confédération lepouvoir de décréter la grève générale; ce seraitdangereux. La Confédération a fait une consulta-tion concernant la grève générale; on a attendu

pendant trois mois les réponses des Organisations,elles ont été peu nombreuses. Si on s'en remet àla Confédération on n'aboutira pas.

Les paragraphes III, IV et V sont supprimés àl'unanimité moins 6 voix pour.

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Le citoyen Rozier donne lecture du rapport de laCommission sur l'alcoolisme.

L'ALCOOLISME: RAPPORT DE LACOMMISSION, SUR LA 2ème QUESTION

DE L’ORDRE DU JOUR.

Camarades,En portant, à l'exemple du Parti Ouvrier Belge,

la question de l'alcoolisme à l’ordre du jour duCongrès, les camarades qui ont eu cette initiativen'ont pas pensé qu'il fut possible d'arrêter aprèsquelques heures de discussion, en l'absence dedocuments probants, de renseignementsscientifiques et de statistiques, des décisions detout repos, définitives autant qu'un Congrès peutfaire quelque chose de définitif, et qui deviennentpour le prolétariat la pensée commune.

Le but des initiateurs - cela ressort de la lecturedes rapports soumis à votre commission - a étéplus modeste: ils ont voulu appeler sur l'alcoolismel'attention des travailleurs conscients et les encou-rager à lutter contre les dangers qu'il fait courir ànotre classe.

La question est en effet infiniment plus complexequ'elle n'apparait au premier abord comme toutesles imperfections, tous les défauts, tous les vices,tous les crimes qui découlent de notre organisa-tion sociale, l'alcoolisme et les moyens à employerpour lutter contre lui, doivent être envisagés auxpoints de vue philosophique, social, économique,fiscal, hygiénique, ethnologique et ethnographique.

Ce serait de notre part une présomptionexagérée que vouloir affirmer urbi et orbi des solu-tions intangibles sur une pareille matière, vous lesentez tous.

Mais ce que nous pouvons faire, ce que,pensons-nous, le Congrès tout entier est décidé àfaire, c'est dégager les vérités générales, signalerle péril, appeler la sollicitude de tous sur l'urgenced'organiser la résistance au fléau alcoolique.

L'ordre du jour du Congrès porte: «Del'alcoolisme, ses causes, ses effets»

Les rédacteurs de l'ordre du jour nouspermettront cette observation, pour la facilité del'exposé il aurait fallu renverser leur proposition,tenter une analyse du mal et ses effets avant d'enrechercher les causes, employer la méthode

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expérimentale et sur le diagnostic que nous aurionsainsi déterminé, baser notre opinion sur les causes.Mais procédons comme il a été indiqué.

L'alcoolisme se développe parallèlement àl'intensité du régime capitaliste.

Le propre du régime capitaliste est de réduirede plus en plus la part d'initiative et conséquemmentde responsabilité des hommes.

Permettez-moi à cet égard une figure. Il n'y apas d'hommes plus réduits à l’état de machine queles hommes appartenant à la profession militaire.Il n'y a pas d'hommes non plus qui s'adonnent plusfréquemment, plus habituellement aux boissonsfortes.

Le développement du machinisme a eu pourconséquence de faire de l'ouvrier, on l'a dit, un sim-ple prolongement, un rouage de chair et d'os de lamachine.

Ce nouvel état de choses supprimant chez nosfrères de misère tout stimulant à leur intelligencetechnique, tout travail cérébral, faisant disparaîtreen même temps leur responsabilité professionnelle,a gravement atteint leur faculté de jugement etaussi, faut-il le dire, leur sens moral.

Voilà l'œuvre de la bourgeoisie capitaliste!D'autre part, si l'organisation du travail demande

à l'ouvrier moins d'initiative technique, elle l'aastreint à un mode de production qui achève de ledébiliter cérébralement: enfermé pendant delongues journées en des ateliers malsains,accomplissant là une fonction mortellementidentique, uniforme, sans air, souvent sans lumière,dans des conditions hygiéniques abominables oùrien ne vient surexciter son sens critique, son es-prit d'analyse, l'exploité se trouve réduit à l'état debête de somme.

Mais il y a plus: l'exploitation capitaliste rend laproduction de plus en plus INTENSIVE; elledemande aux travailleurs de certaines partiesprofessionnelles un effort musculaire plusconsidérable, plus continu aussi. Le capitaldemande à nos muscles un maximum d'effet.

Dans les professions métallurgiques, danscelles du bâtiment dans celles des mines, commeencore dans les professions accessoires: hommesde peine, manœuvres, garçons, servants, etc...,l'effort physique demandé à l'homme, a atteint undegré qui raisonnablement, dépasse de beaucoupla force humaine.

Et voilà, camarades, pourquoi vous rencontreztant d'hommes parmi les nôtres qui s'adonnent àla boisson: d'une part, diminution de la personnalitémorale; d’autre part, exacerbation de l'effort phy-sique.

Comme le mal donne naissance au mal,l'alcoolisme découle tout naturellement de l'étatdans lequel sont maintenus tant d'éléments de la

classe ouvrière, et il perpétue l'existence, ilrenouvelle et entretient la puissance du capitalisme.

De telle sorte que ceux qui, comme nous, sepréoccupent d'arracher la classe travailleuse à lasituation précaire et servile où elle est maintenue,se heurtent au dépérissement intellectuel de notreclasse et ressentent plus directement quequiconque les désastreuses conséquences del'alcoolisme.

L'alcool n'est pas seulement un anesthésiant dela volonté et du sens moral utile à rendre plusfacilement exploitable notre classe, il ne constituepas seulement l’unique plaisir, le seul luxe permispar l'organisation capitaliste au travailleur, il estencore devenu un élément substantiel pour nombred'hommes.

Il donne à l'estomac humain le carbone que nelui apportent plus les aliments trop chers qui lepourraient fournir. Il rétablit, aux dépens de la santégénérale de l’organisme, l'équilibre du budget desforces mis en déficit par l'effort produit dans l'œuvrede production.

La viande et le vin sont chers, et vous savez,citoyens, avec quelle rareté, quelle difficulté ilsapparaissent sur nos tables. L'alcool les remplaceou leur suffit pour bon nombre de travailleurs.

Mais ce n'est pas tout: l'alcoolisme ne borne pasle mal qu'il fait à celui qui l'ingère. Il frappe celui-cidans sa descendance et je ne vous apprends rienen vous disant que non seulement nos asilesd'aliénés se peuplent d'alcooliques à des degrésdivers, mais que les hôpitaux se remplissentd'enfants rachitiques, scrofuleux, épileptiques, fruitsinfortunés de pères alcooliques!

Aussi notre classe, notre pays, notre nation sontmenacés dans ce qu'ils ont de plus précieux: leuravenir.

Il faut au mouvement ouvrier des consciences,des cerveaux et des cœurs: l'alcoolisme, qui lesdétruit, est donc notre mortel ennemi et l'allié le plussur, l'agent le plus actif de la bourgeoisie capitaliste.

On a contesté l'utilité qu'une telle question fûtportée à l'ordre du jour du Congrès: nous venonsde répondre à cette première objection et nousallons aborder la partie difficile de notre tâche:indiquer les solutions qui nous semblent lesmeilleures pour arrêter l'effrayant fléau.

En premier lieu - et sur ce point tout le mondeest d'accord - il importe que les travailleursconscients, que les militants deviennent d'acharnésennemis des boissons fortes, il importe que chacunde nous se fasse un propagandiste de tempérance.

Nous devons multiplier les conférences surl'alcoolisme dans nos Syndicats, dans nosBourses, partout où l'occasion s'en présentera.

Mais c'est là, il faut bien le dire, un remède bien

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anodin, comparé à l’étendue et à la gravité du mal.Il nous faut faire plus et mieux: C'est ainsi, parexemple, qu'un grand nombre d'entre nousappartiennent à des Sociétés coopératives. À euxde demander que ces Sociétés suppriment toutdébit de boissons spiritueuses ou qu'au moins ellesne Ies délivrent pas à un prix inférieur à celui ducommerce.

Cependant, nous n'aurons atteint, cela faisantet en admettant l'application absolue de nos desi-derata, qu'une fraction de la population, ouvrière.L'autre - la plus nombreuse, hélas! - continuera àse livrer à l'alcool et sera pour nos amis un continuelmauvais exemple, un perpétuel entraînement.

Il faut donc généraliser les mesures à prendrepour enrayer l'alcoolisme.

Du coup, camarades, le débat s'élève.D'aucuns nous'opposent la théorie de la liberté

individuelle, du respect dû à la volonté de chacun.Au nom d'un libéralisme trop généreux, voilà nos

camarades inquiets pour la liberté d'Hommes quichaque jour s'en privent par l'abrutissementalcoolique.

Tout homme volontairement esclave est un dan-ger pour la liberté d'autrui: n'est-ce pas en vertu dece principe que nous traitons, sinon en ennemis,au moins en adversaires ou en frères égarés, ceuxd'entre les travailleurs qui consentent à des salairesinférieurs, ceux qui se tiennent éloignés de leurSyndicat?

D'ailleurs, je le répète: l'alcoolisme est un dan-ger social. Il menace la collectivité dans son en-semble; des mesures générales s'imposent donc.

Nous sommes de ceux qui professent que lepère de famille n'a aucun droit à imposer à sonenfant telle ou telle confession religieuse, telle outelle conception philosophique: Accepterions-nouspar hasard qu'il ait par contre, le droit de condamnerà la mort intellectuelle et à la souffrance physiquesa descendance frappée par ses propres vices etses misérables passions?

À un autre point de vue, la société a fait le mal,elle doit le guérir.

En vain l’action individuelle des moralistes, deshygiénistes, des médecins s'est exercée contre lefléau alcoolique; elle s'est heurtée à la fatalitééconomique de laquelle il ne dépend plus de nous,individuellement, de nous affranchir.

Il faut donc - c'est le devoir d'un Congrès qui ala légitime prétention de représenter l'ensemble duprolétariat conscient - résolument demander à lasociété de réparer le mal quelle a fait.

Par quels moyens?Elle a fait au travailleur des conditions de travail

atroces - et c'est notre avis que ces conditions ontété le facteur le plus puissant qui soit del’alcoolisme.

Pour combattre celui-ci, il faut d'abord garantirà tous les conditions humaines de travail: réduirela journée de travail au minimum compatible avecles nécessités économiques - et depuis longtempsil est démontré que la production sociale nécessairepourrait être assurée par la journée de huit heures- et appliquer intégralement les mesuresprotectrices du salaire, de l'hygiène, de la vie et,de la dignité des travailleurs, mesures réclaméespar tous les Congrès ouvriers.

Je ne m'y étendrai pas; vous les connaisseztoutes par le menu, et elles font l'objet desdélibérations de ce Congrès.

En second lieu, nous considérons que l'alcoolétant un produit dangereux, sa production, sa rec-tification, sa vente et son prix ont lieu d'êtreréglementés.

En l’état incohérent où nous sommes, l'alcoolest une marchandise soumise à toutes lesaltérations, toutes les sophistications et toutes lesfraudes que la rapacité commerciale autorise et quele souci de la concurrence commande.

L'alcool de raisin, considéré comme le meilleurest produit et rectifié dans des conditions quidéfendent de le considérer comme non toxique: lesprocédés des bouilleurs de cru sont primitifs etinsuffisants, leur distillation d'un autre âge et lesalcools qu'ils livrent à la consommation ne sont pasmoins nocifs que ceux des grands distillateursd'alcools. Ces derniers, mieux outillés, pourraient,s'ils y trouvaient un intérêt quelconque, ne laissersortir que des alcools épurés, et sinon parfaits, aumoins débarrassés des huiles et des essences quicentuplent la nocivité. Encore une fois, l’âprêté augain et la merveilleuse conception de la concur-rence dont la bourgeoisie se montre si fière les enempêchent et les contraignent à être desempoisonneurs patentés.

On a proposé de confier à l'Etat le monopole dela rectification de l'alcool, de la rectificationseulement.

Ce serait là, à notre avis, une mesureinsuffisante. Outillés comme ils le sont, lesproducteurs d'alcools, économiquement armésd'une puissance considérable - il faut répéter queles deux tiers de l'alcool consommé en France sontproduits par 23 distillateurs - la fraude se pratiqueraitsur une telle échelle que le contrôle hygiénique del'Etat serait purement illusoire.

La Société a donc le devoir d'appliquerintégralement la seule mesure qui paraisse pouvoirlui assurer la possibilité de réfréner, de limiter, deréduire et, si le besoin s'en fait sentir, de supprimertotalement toute consommation de l'alcool en tantque boisson alimentaire.

Votre commission vous propose donc de vousprononcer favorablement à la monopolisation par

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l'Etat de la production, de la rectification et de lavente de l'alcool.

Nous avons le devoir de bien préciser lecaractère de la résolution que nous vous proposonsde prendre: elle a pour but, sinon exclusif, au moinsessentiel, de porter remède à l'alcoolisme.

En Russie, a-t-il été affirmé, le monopole del'alcool n'empêche pas l'alcoolisme de sedévelopper dans des proportions inquiétantes.

En Norvège, repondrons-nous, la législation pro-hibitive de l'alcool a supprimé tous les dangers quirésultent delà consommation de celui-ci.

Tout dépend donc du sens qui sera donné aumonopole et c'est pour cela qu'il faut crier bien hautque sa justification, sa raison d'être seront de viserà la disparition de l'alcoolisme.

Il n'est pas possible d'entrer aujourd'hui dans ledétail des applications de ce monopole, de sonfonctionnement et de son organisation. Ce seral'œuvre des législateurs et, s'ils y faillissent, celledes futurs Congrès ouvriers.

Nous nous bornerons à dire que l'Administrationde ce monopole devra être placée sous une direc-tion dans laquelle les travailleurs auront la large partà laquelle ils ont droit et qu'ils réclament dans toutesles industries d'Etat - dans laquelle égalementdevront entrer pour une part aussi large que possi-ble des hygiénistes, des médecins, des chimistes,qui concourront à assurer à l'alcool consommé sonmaximum d'inocuité.

Pour nous résumer, camarades, voici larésolution que nous vous proposons de prendre:

Le Xème Congrès national corporatif, IVème dela Confédération générale du Travail, réuni àRennes, du 26 septembre au 1er octobre 1898,Considérant:

Que l'alcoolisme, fils naturel de l'organisationcapitaliste, est une cause de dépérissementcérébral et d'atrophie physique pour la classeouvrière;

Qu'il s'est développé et se développeraparallèlement et en raison directe de l'intensité del'exploitation bourgeoise;

Délibère:L'alcoolisme, mal social, disparaîtra avec la

transformation en société égalitaire de la sociétécapitaliste.

Considérant:Qu'en attendant la constitution d'une société

égalitaire il y a lieu de poursuivre, dans le seinmême de la société bourgeoise les améliorationspropres à assurer au prolétariat non seulement demeilleures conditions matérielles, mais encore uneplus grande autonomie morale, une plus grandepuissance intellectuelle, propres encore à assurerle développement du sens de l'organisation et à luien faciliter l'application;

Considérant:Que l'alcoolisme est le plus sûr agent de la bour-

geoisie capitaliste en ce qu'il atrophie la conscienceet réduit la force de résistance du prolétariat,

Que l'alcool constitue pour le plus grand nombreun élément substantiel, les aliments rationnels luimanquant,

Délibère:La réduction de la journée de travail, l'application

au travail humain de règles hygiéniquesrigoureuses, la garantie de conditions humaines detravail, l'exhaussement des salaires donneront autravailleur la possibilité de s'affranchir du besoind'alcool dans lequel il est maintenant dans la plupartdes cas;

Considérant:Que la société a le devoir de poursuivre la

disparition d'un mal qui la menace dans la repro-duction de l'espèce;

Qu'elle ne peut le faire qu'en réagissantvigoureusement contre la consommation del'alcool, et en faisant rentrer dans le domainecommun l'industrie de l'alcool, dont l'exploitationprivée a développé le fléau qull s'agit d'enrayer;

Considérant:Que communisées, la production, la rectifica-

tion et la vente de l'alcool seront administrées pardes Commissions dans lesquelles la sciencehygiénique et les droits des travailleurs serontreprésentés par des délégations qui formeront lesdeux tiers des conseils de direction, le tiers devantêtre fourni par l'administration fiscale,

Délibère:Là production, la rectification et la vente de

l'alcool seront monopolisées par l'Etat, à chargepar lui de donner pour objet à son monopole lararéfaction de la consommation des boissonsalcooliques.

Pour la Commission :Le Rapporteur,Arthur Rozier.Les membres de la Commission ;A. Ternet, Dangin, E. Besombes.

Le citoyen Pouget donne lecture d'unedéclaration faite au nom de la minorité de la Com-mission.

Déclaration de la minorité de la Commission:

Si dans la société actuelle, le Congrès tient às'occuper de l'alcoolisme, il ne doit pas le faire endemandant à l'Etat des mesures coercitives car,ainsi qu'on l'a observé, on améliorerait peut-êtreau point de vue hygiénique, mais en aggravant aupoint de vue fiscal la condition des travailleurs, delaquelle résulte précisément l'alcoolisme.

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C'est un cercle vicieux. Il faut, d'ailleursremarquer que l'alcoolisme est proportionnel: 1- àla rigueur du métier; 2- au taux du salaire.

Plus le salaire est élevé, moins est dur le travailet plus l'alcoolisme diminue.

Il n'y a donc d'autre remède efficace quel'émancipation intégrale.

En attendant, il n'y a pour les militants qu'unmoyen de faire la guerre à l'alcoolisme, c'est deprêcher d'exemple en s'abstenant de boissonsalcoolisées. Ce n'est que par une sorte deboycottage sur nous-mêmes que nous pouvons,par l'exemple, combattre l'alcoolisme.

Pouget.

Les citoyens Guérard, Lauche, Pelloutier, ontsigné et approuvé la déclaration de la minorité dela Commission sur l'alcoolisme.

Le rapport de la Commission est adopté.

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Le citoyen E. Morin donne lecture du rapportde la 2ème sous-Commission de la 5ème Com-mission.

APPRENTISSAGE

Sur la question du travail et la fixation du nombredes enfants employés dans l'atelier où ils font leurapprentissage, nous vous soumettons les ques-tions suivantes:

La Fédération des Cuisiniers, la Boucherie deParis, la Chambre syndicale ouvrière desPâtissiers de la Seine, la Chambre syndicale desouvriers en outils à découper, la Chambre syndicaledes imprimeurs en taille-douce, la Chambresyndicale des ouvriers emballeurs de la Seine,demandent la réglementation des apprentis par lesChambres syndicales. La Chambre syndicale desouvriers fumistes de la Seine demande la suppres-sion complète, pour la corporation, des apprentisâgés de moins de 16 ans.

La Chambre Syndicale des ouvriers sertisseursde la Seine, appuyée par l'Union des Syndicats dela Seine, la Bourse du Travail d'Alger, demandentqu'il soit établi par les municipalités, des coursprofessionnels permettant aux apprentis de seperfectionner, tant au point de vue technique quepratique de leur industrie.

La Fédération des cuisiniers-pâtissiers-confiseurs de France, et des Colonies, demandeque la municipalité parisienne établisse, dans lesdifférents centres ouvriers de la capitale, des coursde cuisine pour instruire les mères de famille surcette partie économique de la vie domestique.

La Chambre syndicale des Charrons de laSeine, la Chambre syndicale des Ouvriersconfiseurs, chocolatiers, biscuitiers de la Seine, laFédération des Syndicats ouvriers de Meurthe-et-Moselle, la Chambre syndicale de la reliure-dorure,la Fédération des Syndicats de Moulins, et lesChambres syndicales ou Fédérationsprécédemment citées, demandent une surveillancerigoureuse et permanente des jeunes apprentis,surveillance effectuée par des inspecteursouvriers, désignés par les Chambres syndicales.

La Bourse du Travail de Montpellier propose auxdélégués présents de demander à leurs organisa-tions qu'elles adressent à leurs municipalitésrespectives une demande de création de Boursesd'apprentissage au même titre que les Bourses quisont affectées aux écoles de l'enseignement.

Le Syndicat général des Garçons de magasins,Cochers-Livreurs et parties similaires de la Seine,demande la création par les municipalités et surun même point d'écoles professionnelles diverses.

La Fédération des Mouleurs de Francedemande le contrat d'apprentissage avec dédit, afinde supprimer les petites mains qui leur causent unpréjudice considérable.

Enfin sur la demande de la Bourse d'Angers,nous appellerons tout particulièrement l'attention duCongrès sur le placement des apprentis confiésaux patronat par les orphelinats ou hospices etnous ne saurions qu'appuyer énergiquement lademande que ces apprentis soient de droit placéssous la surveillance du Conseil des Prud'hommesou du Juge de paix.

Considérant qu'il ressort de la majeure partie desrapports qui nous ont été soumis, que pouraugmenter de plus en plus leurs bénéfices, lespatrons occupent de jour en jour un plus grandnombre d'apprentis qui sont opposés aux ouvrierset ouvrières qui se trouvent alors dans l'obligationde chercher ailleurs le moyen de gagner leur vie,en outre que souvent au lieu d'apprendre à leursapprentis ce qui concerne leur métier, les patronsles occupent soit à des travaux domestiques, soità faire de longues courses quelquefois avec desfardeaux bien au-dessus de leurs forces.

Considérant que pendant ce temps les enfantsne peuvent apprendre leur métier.

Que, cependant, l'article 12 de la loi du 22 février1851 sur l'apprentissage stipule expressémentceci: “Le maître doit enseigner à l'apprenti,progressivement et complétement, l'art, la profes-sion ou le métier qui fait l'objet du contrat”.

Considérant qu'il appert des termes de l'articleprécité que l'enfant placé comme apprenti soit parcontrat écrit ou verbal (ce dernier étant valableaprès deux mois d'essai), doit apprendre, d'unefaçon complète et satisfaisante, l'état ou la profes-

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sion de celui qui l'occupe.Considérant que l'exploitation de plus en plus

exigente et odieuse du patronat à l'égard des en-fants placés dans certaines industries à titred'apprentis augmente de plus en plus l'avilissementdes salaires;

Que cet état de choses ne peut être amélioréque par la réglementation des apprentis dans lesateliers, chantiers, fabriques, usines et manufac-tures, proportionnellement au nombre des ouvriersou ouvrières qui y sont occupés;

Considérant qu'un décret du 13 mai 1893 limitantles charges comme suit:

“Les jeunes travailleurs ne doivent pas porter,tant à l'intérieur des ateliers que sur la voie publique,des fardeaux d'un poids supérieur aux suivants:

Garçons au-dessous de 14 ans: 10 kilos,Garçons de 14 à 18 ans: 15 kilos,Filles au-dessous de 16 ans: 5 kilos,Filles de 16 à 18 ans: 10 kilos.Considérant que l'arrêté ministériel du 31 juillet

1894 limite ains qu'il suit les charges, véhiculecompris, que peuvent traîner les jeunes travailleurs:

1- Wagonnets sur voie ferrée:Garçons au dessous de 14 ans: 300 kilos,Garçons de 14 à 18 ans: 500 kilos,Filles au-dessous de 16 ans: 150kilosFilles de 16 à 18 ans: 300 kilos.

2- BrouettesGarçons de 14 à 18 ans: 40 kilos.

3- Voitures à 3 ou 4 roues dites pousseuses:Garçons au-dessous de 14 ans: 35 kilos,Garçons de 14 à 18 ans: 60 kilos,Filles au-dessous de 16 ans: 35 kilos,Filles de 16 à 18 ans: 50 kilos.

4- Charrettes à bras, voitures à timons:Garçons de 14 à 18 ans:130 kilos.

Considérant qu'il existe à Paris et dans la Franceentière une Société dite “Union protectrice desJeunes Travailleurs des deux sexes”, que cetteSociété, autorisée par arrêté ministériel du 13 avril1897, a pour but la protection de l'enfance dansl'industrie, en les protégeant contre la rapacité decertains patrons qui leur font traîner ou porter descharges au-dessus de leurs forces, afind'économiser des frais d'homme de peine qu'ilsdevraient payer à un prix supérieur.

Nota: Les adhérents à ladite Société ont le droit,sur la simple présentation de la carte qui leur estdélivrée, de requérir pour verbaliser, tout agent dela force publique, lorsqu'ils voient sur la voie publiqueun enfant surchargé.

CONCLUSIONS:Considérant que les apprentis placés par les

Orphelinats ou les Hospices, quels qu'ils soient,méritent au plus haut point que l’on sauvegarde

leurs intérêts, la commission propose au Congrèsd'émettre le vœu que ces apprentis soient placésde droit sous la tutelle des Conseils dePrud'hommes ou de Commissions localesnommées par les Municipalités.

La commission propose, en outre, au Congrèsde demander une loi-fixant le nombre des apprentis,après enquête auprès des Chambres Syndicalesde chaque corporation.

La commission engage les Syndicats àréclamer énergiquement l'application de la loi rela-tive au contrat d'apprentissage.

Et les engage également à organiser des coursprofessionnels à l'usage de leurs adhérents.

Le Rapporteur, J.-Eugène Morin.La Commission:F. Roche, Philippe, L. Dugoy, Morel, H. Le Corre,

A. Allibert, H. Galantus; E, Langlois.

Guérard, Syndicat des Chemins de Fer,demande où la Commission a puisé les chiffresqu'elle énumère dans le rapport.

Le rapporteur dit que les chiffres relatifs à lalimitation des charges à faire porter aux apprentissont ceux que fixe le décret du 13 mai 1893.

Le rapport est adopté.

Carmantrant invite tous les membres duCongrès à faire partie de la Ligue de protection del'enfance, et Lephilipponnat engage lescongressistes à faire de la propagande en faveurde cette institution susceptible de rendre de réelsservices.

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Le citoyen Dugoy donne lecture du rapport dela 3ème sous-Commission de la 5ème Commis-sion.

COURS PROFESSIONNELS

Les organisations ouvrières suivantes:Charpentiers de Paris, Union du Bronze de

Paris, Tabletterie de Paris, Coupeurs-Brocheurs dela Seine, Plombiers de Paris, Serruriers de Pariset de la Seine, Maréchaux de la Seine, Estampeurs-Découpeurs de la Seine, Fédération des Peintresen bâtiment de la Seine, Le Comité fédéral desBourses du Travail, Ornemanistes sur métaux, LaBourse du Travail d'Alger, Charrons de la Seine,Union syndicale de Brest, Ouvriers mécaniciensde Marseille, Fumistes en bâtiment de la Seine,Métallurgistes de l’Oise, Selliers en voitures deParis, Bourse d'Angers, La Fédération des

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Cuisiniers-Pâtissiers Confiseurs de France et descolonies, Syndicat des Cochers-Livreurs de laSeine,

ont émis plusieurs vœux dont la 3ème Sous-Commission de la 5ème Commission a tiré les con-clusions suivantes:

- Que pour assurer la vitalité des cours déjàexistants et pour faciliter la création de nouveaux,les Conseils municipaux, les Conseils générauxet l'Etat leur accordent des subventions et leurprocurent les locaux nécessaires; que la régencede ces cours soit donnée aux Syndicats qui, eninstruisant les jeunes ouvriers et apprentis, leurinculqueront l’idée syndicale et les empêcheront detravailler à des prix inférieurs, et par ce faitempêcheront l'exploitation de l'enfance,

Le Rapporteur, L. Dugoy.La Commission: H, Galantus, J.-Eugène Morin,

H, Le Corre, F. Roche, Morel, Rousseau, Philippe.

Le rapport est adopté.

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Le citoyen Guérard donne lecture du rapportde la Commission du journal quotidien, rapport quiest adopté.

RAPPORT DE LA COMMISSION DU JOUR-NAL QUOTIDIEN:

Citoyens,La Commission du journal, inspirant non

seulement des décisions des Congrès de Tours etde Toulouse, mais encore et surtout de la discus-sion qui a eu lieu au présent Congrès, a en outreexaminé un rapport de la Confédération du Travail,ainsi que les propositions, notes ou observationsprésentées par les organisations ci-après:

Estampeurs-Découpeurs, Métallurgistes deFourchambault, Bourses du Travail d'Angers, Di-jon, Tours et Rennes, Boulangers de la Seine,Cordonniers, Plombiers-Couvreurs-Zingueurs deParis, Meunerie de Rennes, Confiseurs, Biscuitierset Chocolatiers de la Seine, Porteurs et Employésde journaux, Fédération des Syndicats Ouvriers deVichy, Outils à découper, Fédération du Livre,Chemins de fer, Garçons de magasin et Cochers-livreurs de la Seine.

D'accord sur le principe même de la créationd'un journal quotidien, propriété du prolétariat, cesorganisations proposent divers moyens que nousallons énumérer.

1- PROPAGANDE: Plusieurs procédés depropagande sont indiqués. A notre avis, aucun nedoit être négligé.

Il résulte, en effet, des renseignements recueillispar la Commission, que c'est la propagande qui ale plus manqué.

On a laissé jusqu'ici à la Confédération du Tra-vail le soin de faire toute la propagande; elle a faitce qu'elle pouvait, mais on conviendra que sesmoyens sont bien insuffisants et à peu prèsinefficaces si les militants - et en premier lieu lesdélégués des Congrès - ne prennent la tâche del'aider.

Il est, en effet, singulier de constater que, malgréque deux Congrès se soient occupés de la ques-tion, des militants ignorent encore aujourd'hui leprojet de création d'un organe quotidien

La propagande a été pour ainsi dire nulle; si nosCongrès prennent des résolutions platoniques,c'est parce que, nous reposant les uns sur lesautres du soin de les réaliser, nous ne faisonsgénéralement aucun effort pour qu'elles soientsuivies d'effet.

Tous les moyens de propagande, dont lesSyndicats et les syndiqués disposent, doivent êtreemployés.

L'un des plus importants est l'organe corporatif;tous les journaux des Syndicats et des Fédérationsdoivent faire connaître, par une successiond'articles, la nécessité peur les travailleurs d'avoirun journal à eux, dégagé de toute attachefinancière, c'est-à-dire un journal véritablement libreet indépendant.

Des circulaires et même des brochures,résumant les rapports documentés déposés surla question aux Congrès de Tours et de Toulouse,devraient être adressées, par la Confédération, nonpas seulement aux Fédérations et aux Bourses,mais à toutes les organisations syndicales sansexception.

La dépense de ces circulaires et brochuresserait largement couverte par les «Cartes defondateurs» du journal du prolétariat, dont leCongrès de Toulouse a décidé l'émission. Cemoyen n'a pas été suffisamment répandu; il noussemble indispensable que le Congrès ne se séparepas avant que tous les délégués qui veulent secharger du placement de ces cartes, dont le prixest de 25 centimes, donnent leur adresse ausecrétaire de la Confédération pour qu'il leur enfasse parvenir.

Dans toutes les réunions, quel qu'en soit l'objet,dans les ateliers, dans les conversationsparticulières même, les militants devraient, avecpersévérance, propager l'idée du journal quotidien,

Nous croyons même que, si les ressources dela Confédération le permettent, des tournées deconférences organisées par elle, pour ce seul objet,dans les centres importants, auraient des résultatsconsidérables. N'oublions pas que c'est beaucoup

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par ce moyen que les tickets de la Verrerie ouvrièreont pu être placés au nombre de plus d'un million.

La Meunerie de Rennes propose, entre autresmoyens, l'organisation de fêtes familiales; nouscroyons que la somme d'efforts que nécessite lapréparation d'une fête pourrait être plus utilementemployée.

Au lieu de nommer des comités organisateursde fêtes dont les bénéfices sont toujours aléatoireset sont rarement en rapport avec les efforts ac-complis, la Commission du journal préconise lacréation, dans les grandes villes, de comités depropagande permanents.

2- SOUSCRIPTIONS: Les Comités depropagande que nous proposons, recueilleraient,en même temps que la Confédération du Travail,les souscriptions provoquées dans les organisa-tions ouvrières.

On a proposé d'imposer aux Syndicats et auxsyndiqués l'obligation d'un versement quelconque.Votre Commission est opposée à ce moyen; à sonavis, les organisations et les syndiqués doiventlibrement souscrire ce qui leur convient.

Il serait aussi très fructueux dans Ies réunions,et aussi principalement, dans celles spécialesorganisées par les Comités de propagande et parla Confédération, de faire des collectes qui, nonseulement couvriraient les frais de ces réunions etfaciliteraient par conséquent ce genre depropagande, mais encore donneraient desressources à la Confédération pour ses brochureset circulaires.

3- PRÊTS: Plusieurs organisations, Syndicats,Fédérations, Bourses, ont déjà fait connaître à laConfédération qu'elles s'engageaient à fairel'avance de sommes variant de 50 à 3.000 francs.

Nous adressons un chaleuraux appel aux autresorganisations pour qu'elles suivent cet exempledans la mesure de leurs moyens,

4- ACTIONS: Le Congrès de Toulouse a décidéque des actions seraient émises. La Commissionpense que ce moyen ne devra être employé qu'audernier moment, quand le journal sera sur le pointde paraître. Il n'y a donc pas lieu, à notre avis, denous étendre sur ce point.

5- ABONNEMENTS: Les abonnements sont,pensons-nous, le but auquel, pour le moment,doivent tendre tous nos efforts. Les prêts, les ac-tions serviront aux dépenses de premierétablissement du journal; les collectes etsouscriptions permettront de faire une propagandeintense, mais cette propagande doit avoir pour seulobjectif de recueillir des abonnements.

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Nous croyons en effet que ce qu'il faut pour fairevivre notre journal, ce n'est pas un capital quipourrait être englouti si nous n'avions pas, dès ledébut, la certitude absolue d'avoir un nombre delecteurs sufiisant pour que les frais générauxd'administration soient entièrement couverts.

Donc, assurons-nous que les lecteurs serontassez nombreux pour atteindre ce but; en opérantainsi, nous réussirons sûrement, infailliblementdans notre entreprise; nous prouverons enfin queles résolutions de nos Congrès ne sont pasplatoniques; nous prouverons surtout que leprolétariat, résolu à les faire aboutir, se montre ca-pable de faire ses affaires lui-même, et qu'il n'a pasbesoin, pour orienter ses aspirations, des journauxqui ont la prétention de guider l'opinion publique,mais qui la trompent effrontément, au gré de leurscombinaisons politiques.

En conséquence, la Commission recommandepar dessus tout l'abonnement.

A cet effet, il serait indispensable que laConfédération fasse imprimer des bulletins desouscription individuels et non des listes desouscription.

Ces bulletins, envoyés aux organisationsouvrières et aux Comités de propagande, seraientdistribués dans toutes les réunions, de manière

que les auditeurs, au moment même où lesconférenciers les auront convaincus, aient lemoyen d'apporter leur concours; autrement, lesréunions de propagande risqueraient de rester sanseffet.

Les abonnements peuvent être souscrits danstous les bureaux de poste; c'est un moyen très pra-tique que nous recommandons.

Pour faciliter les abonnements à ceux qui nepourraient en verser le montant en une seule fois,les Syndicats pourraient, sous leur responsabilité,recueillir des abonnements d'un mois ou de troismois, en acceptant des versements de 50, 25, voiremême 10 centimes par semaine. Cesabonnements ne seraient envoyés à laConfédération que lorsqu'ils seraient entièrementversés.

Il reste entendu, ainsi que l'a décidé le Congrèsde Toulouse, que, dans la période d'organisation, ilne pourra rester entre les mains du trésorier de laConfédération, une somme supérieure à 1.000francs. Les sommes encaissées pour le journalseront déposées dans une banque, sous laresponsabilité du Comité général de laConfédération.

6- RÉDACTION: Nous avons maintenant àindiquer ou plutôt à répéter quelle sera la ligne deconduite du journal.

Poursuivant une œuvre exclusivement

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économique, le journal ne pourrait pas, bienentendu, se désintéresser des faits politiques; lesdébats du Parlement y trouveraient aussi leur place,et, détail important pour les travailleurs, ons'attacherait à les présenter non sous forme decommentaires partiaux, mais dans la formeanalytique; nos lecteurs seraient ainsi renseignésd'une manière exacte, ce qu'il est impossible dedemander aux journaux actuels, quels qu'ils soient.

En matière électorale, le journal ne prendrait partipour aucun candidat. Il se bornerait à enregistrerles candidatures et à faire connaître les résultatsC'est le seul moyen, pensons-nous, d'éviter ladiscorde.

Le journal ne négligerait aucune des rubriquesque l’on trouve dans les journaux actuels: sciences,arts, théâtres, sports, l'actualité, les faits divers, lesinformations de toute nature, les articles de grandreportage, (Décision de Tours.) Le roman choisiavec soin ne manquerait pas non plus à notre jour-nal, qui doit avoir la prétention d'être le mieux faiten même temps que le mieux informé.

Les communications émanant des organisationsouvrières seraient de droit insérées, sanscommentaires, à la condition expresse qu'elles nesoulèveraient aucune polémique de syndicat àsyndicat ou de personnalités.

Mais, quant à publier les articles qu'il plairait àtous les militants, à tous les Syndiqués d'envoyer,on comprend que cela est impossible.

Avouons aussi que nous n'avons passuffisamment développées les aptitudesnécessaires pour faire du journalisme.

Il faut, à l’article du journal, un tour de main, uneforme nette, concise, que nous ne savons pastoujours lui donner. En un mot, pour faire un jour-nal, il faut des journalistes. Mais, ainsi qu'il a étéconvenu après les longues discussions desCongrès antérieurs, les rédacteurs habituels denotre journal, chargés chacun de leur rubriquespéciale, devront, au préalable, accepterformellement la ligne de conduite que nous voulonssuivre.

Dans ces conditions, des articles signés de lea-ders connus seraient pour notre journal un élémentde succès qu'il ne faudrait pas négliger.

CONCLUSION: Après cet exposé un peu long,nous nous résumons en cette simple phrase:Propagande active par tous les moyens pourrecueillir des abonnements nombreux.

Pour cela, laissant de côté les questions derédaction et d'administration qu'il y aura lieud'examiner d'une manière plus approfondie quandle journal sera sur le point de paraître, nousproposons au Congrès les résolutions suivantes,relatives toutes à la période de préparation:

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1- Propagande: Par les journaux corporatifs, Parcirculaires et brochures. Dans les réunions quelqu'en soit l'objet. Par des tournées de conférencesspéciales. Par la création de Comités permanentsdans les départements.

2- Pour aider à la propagande: Les cartes defondateurs. Les souscriptions volontaires. Lescollectes dans les réunions.

3- Pour la mise à exécution: Les prêts. Les ac-tions.

4- Enfin, pour la vitalité du journal: Lesabonnements. Impression de bulletins d'abon-nements individuels. Abonnements payables parsemaine.

Ces conclusions renferment toutes les propo-sitions présentées à la commission.

Pour la Commission:Le Rapporteur,

E. Guérard.

Le citoyen Fournet déclare vouloir combrattrele journal tant qu'il n'aurait pas dix mille abonnésd'un mois et cinq cent mille francs de capital pourassurer le tirage qui permettrait de lancer le jour-nal.

Etant du métier et après les exemples donnéspar L'Actualité et Le Petit Quotidien Illustré (coût:deux millions), qui n'ont par réussi, il seraitdésastreux pour la classe ouvrière de subir unsemblable échec.

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Le citoyen Hamelin donne lecture du rapport dela 15ème Commission.

RAPPORT DE LA 15ème COMMISSION:BOULANGERIES MUNICIPALES.

La question des boulangeries municipales estdéjà venue dans la plupart des Congrès ouvrierssocialistes et toujours elle a été résolue dans lemême sens: l'installation par les communes deBoulangeries leur appartenant.

Cela aurait le double but de fournir du pain àtoutes les familles à un prix aussi bas que possi-ble, la commune ne devant prélever qu'une minimemajoration pour assurer l'entretien de l'outillage etpermettrait également, en cas de calamité publique,d'assurer des subsistances à tous.

Nous savons que des municipalités déjà ontvoulu instituer de ces boulangeries et que le pouvoircentral s'y est opposé. Pourquoi et de quel droit?De celui du plus tort, car nos gouvernants craignentqu'après cette revendication réalisée, le prolétariatn'en demande d'autres.

Cependant n'y aurait-il pas intérêt pour tous et

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même pour nos gouvernants à assurer le pain àun prix raisonnable afin que la faim ne fasse passortir le loup du bois?

Ne serait-il même pas du devoir d'ungouvernement républicain et par conséquent quidevrait être prévoyant, d'avoir le monopole desblés? Alors nous n'assisterions pas à ce specta-cle écœurant de payer le pain des sommesfabuleuses comme il y a six et huit mois pendantque de nombreux bateaux chargés de blésillonnaient toutes les mers et nous faisaientassister au supplice de Tantale.

Si nous examinons la question au point de vuefinancier, voyons, par des renseignements puisésà bonne source, à quel résultat nous pouvonsaviser en prenant pour base la moyenne de 100kilogrammes de blé: 100 kilogrammes de blé valentactuellement 21 fr. 73 ; ils donnent comme produit82 kilogrammes de farine à 33 francs les 100 kil.,soit 23 fr. 76. Il y a lieu d'ajouter à ces 23 fr. 76 leproduit des issues de différentes catégories qui semonte à 5 fr. 74, soit un total de 29 fr. 50. Le meuniera donc, pour moudre 100 kilogrammes de blé, lasomme de 7fr. 75.

Un moulin possédant 6 appareils peut moudre20 quintaux par heure, ce qui fait une somme de155 francs par heure. Vous pouvez ainsi vousrendre compte des bénéfices réalisés par lameunerie.

L'Etat pourrait facilement diminuer ces prix etréaliser encore de grands bénéfices.

Si nous examinons la panification, nous arrivonsaux résultats suivants: Les 100 kil. de blé donnent72 kil. de farine; cette farine panifiée donne 93 kil.600 de pain à raison de 34 c. le kil. ce qui fait untotal de 32 fr. 55. Actuellement la farine coûte 31cent le kil., ce qui fait un total de 22 fr. 32 pour les72 kil. Le boulanger a donc 10 fr. 20 pour lapanification de 72 kilos de farine.

Il s'en suit donc que 100 kilos de bléstransformés en pain ont rapporté 17 fr. 95 à lameunerie et à la boulangerie.

Ou voit quelles ressources, la main d'oeuvreretranchée, les communes pourraient retirer deleurs Boulangeries, même en vendant le pain moinscher.

Il faut donc qu'une propagande active soitentreprise par tous les syndiqués; que chacund'eux, selon ses moyens, en parle dans lesréunions publiques, dans les campagnesélectorales, et impose à ceux qui réclament unmandat de le mettre dans son programme ; en parlea l’atelier, et partout où il a accès, de façon quel'opinion publique s'émeuve et s'en occupe.

Mais, comme nous ne voulons pas être desutopistes et nous en tenir à des conclusions qui nepeuvent aboutir que dans quelques années, nous

croyons qu'il y a un autre moyen de faire faireimmédiatement un grand pas à cette question.

Les Sociétés coopératives de consommation,après bien des tâtonnements et des recherches,ont compris qu'elles devaient entrer dans cette voie,et presque partout elles ont institué desboulangeries. Qui n'a entendu parler de ces instal-lations modèles des coopératives belges que nousavons eu le plaisir de visiter au Congrès interna-tional de 1891?

Est-ce que dans le département de la Seine nousn'avons pas également de grandes boulangeriescoopératives? Le Nord, le Midi de la France enpossèdent aussi. Partout on en installe, et d'iciquelques années il y en aura dans toutes lescontrées. Ne pourrait-on dès maintenant utiliser cesboulangeries pour l'amélioration du sort dutravailleur? La Commission croit qu'avec un peude bonne volonté on pourrait préparer par ce moyenles services publics.

RÉSOLUTIONS: Le Congrès se déclare parti-san du monopole de l'achat du blé confié à l’Etat;de l'installation de moulins à farine départementauxet communaux, et de la création de boulangeriesmunicipales en régie par les organisationsouvrières.

Il forme le vœu que les Sociétés coopérativesde consommation possédant des boulangeriesprennent la patente, afin de vendre du pain à tousles travailleurs.

Et invite les coopératives à fonder desboulangeries au moyen d'actions personnellesaccessibles à tous les travailleurs.

Le Rapporteur, A. Hamelin.La Commission: À, Ternet, de la Boulangerie,

auteur de la proposition; Larsoneur, de la Brosseriede Paris; Pelletier, du Syndicat des Tailleurs deParis; Hamelin, du Syndicat des Mineurs deCarmaux; Coquet, de la Meunerie de Rennes.

Ce rapport est adopté.

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Le rapport de la Commission des vœux, dont lateneur suit et dont le citoyen Cauchois donne lec-ture au Congrès, est adopté,

RAPPORT DE LA COMMISSION DES VŒUX

Camarades,Votre Commission composée de trois membres

a examiné avec soin les vœux que les Camaradesont déposés au Congrès. Tous concluent àl'émancipation du travailleur et le grand nombre deces vœux est une preuve que le prolétariat souffre

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de la lenteur qu'apporte les pouvoirs publics àexécuter les réformes que nous demandons tous;en conséquence nous vous soumettons les vœuxsoumis à son examen.

1er vœu: La Fédération nationale des Syndicatset Groupes ouvriers de la Voiture, à la fin d'un im-portant rapport, réclame la réforme des loisprud'homales afin d'aboutir:

1- A l'extension de la juridiction prud'homale àtous les salariés, et, comme conséquence: créationde prud'hommes commerciaux et agricoles;

2- A étendre la compétence à 500 francs et auxaccidents survenus à l'occasion du travail;

3- Constitution d'un tribunal d'appel dans chaqueconseil pour résoudre les affaires qui dépassent500 francs et en dernier ressort;

4- Que le taux de la demande reconventionnellene puisse en rien rendre la demande principale sus-ceptible d'appel à titre de palliatif;

5- Que les mineurs et les femmes soient admisen demandants et en défendants devant lesConseils de Prud'hommes, sans se faire assister;

6- Que l'électorat soit fixé à 18 ans et l'éligibilitéà 25 ans, sans distinction de sexe;

7- Que les Préfets appellent les Syndicatsintéressés, afin d'élire une Commission chargéede dresser et de classer la liste des électeurs, etcela deux mois avant chaque élection générale;

8- Que la durée du mandat soit réduite à quatreans, renouvelable par moitié tous les deux ans;

9- Que l'indemnité accordée aux conseillersprud'hommes, soit fixée par l'Etat et payée par luiou par la Municipalité de la ville où siège leConseil.

Aubertin.

2ème vœu: Le Syndicat professionnel desTravailleurs sur métaux de Bourges émet le vœuque la liberté syndicale soit laissée aux ouvriersdes établissementss militaires et que ces ouvrierssoient justiciables des prud'hommes.

A. Millard.

3ème vœu: La Fédération nationale des cuirset peaux émet le vœu qu’il soit constitué uneFédération des transports: chemins de fer, trans-ports maritimes, tramways, etc... Cette puissanteorganisation fondée permettrait d'aiderpuissamment à faire aboutir victorieusement lagrève générale.

A. Cardet.

4ème voeu: La Chambre syndicale ouvrièredes Pâtissiers de la Seine demande que lesbénéfices de l'inspection du travail soient étendussans exception à toutes les industries se rattachant

à l'alimentation et pour lesquelles une exception aété faite. Dans ces industries s'accomplit un tra-vail toujours pénible, toujours très long, souventdangereux. La Chambre syndicale ouvrière desPâtissiers de la Seine demande les bénéfices decette inspection au même titre que celle exercéedans les ateliers, usines et autres industries en vertude la loi du 2 novembre 1892 sur le travail desfemmes et des enfants, en vertu de la loi du 12 juin1893 sur l'hygiène et la sécurité des travailleursdans les établissements industriels.

Louis Meyer.

5ème vœu: La Fédération des syndicatsouvriers lyonnais et de la région envoie sonadhésion au Congrès de Rennes et, après discus-sion sur les Congrès de Montluçon et de Rennes,demande au Congrès de Rennes d'agir de tout sonpouvoir pour amener l’unité d'organisation et decentralisation des syndicats ouvriers.

Dans ce but, la Fédération Lyonnaise proposeaux organisations syndicales représentées àRennes, de se réunir en un Congrès unique à Lyonpour l’année 1899. La Fédération Lyonnaise secharge de l'organisation de ce Congrès si lesCongrès de Montluçon et de Rennes adoptent cetteproposition.

Pareil vœu a été adressé au Congrès deMontluçon.

Besset.

6ème vœu: L'Union du Bronze de Paris émetles vœux suivants:

Que tout l'outillage fabriqué dans les écolesprofessionnelles soit remis aux associationsouvrières lorsqu'elles en feront la demande;

Que la Ville de Paris fasse un Musée du Tra-vail, où toutes les pièces qui ne pourraient êtreutilisées par les associations ouvrières seraientversées; à l'Ecole Boulle, il existe une section duBronze et une section de l'Ameublement;

Enfin, que tous les meubles fabriqués dans cetteécole soient remis gratuitement aux famillesnécessiteuses expulsées faute de paiement de leurloyer.

Girard, Guérin de Cholet, Galantus, Goumet,Braun, Cayol, Chablet, Lauche, Millard, LeCorre, Dugoy, Robillard.

7ème voeu: Considérant qu'il résulte desdéclarations faites ici, dans des séances duCongrès, que des camarades avaient un mandatferme sur des questions à l’ordre du jour; que cettefacon de procéder est absolument contraire à laliberté de la discussion; qu'il importe, parconséquent, dans l'intérêt des travailleurs, demettre un terme à cette situation; la Bourse du Tra-

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vail du Havre émet le vœu que les organisationsouvrières n'envoient plus, dorénavant, autant quepossible, des délégués avec des mandats fermes,car si cette façon de procéder venait à segénéraliser, les Congrès deviendraient absolumentinutiles.

Philippe.

8ème vœu: La Chambre syndicale des ouvriersestampeurs et découpeurs sur métaux dudépartement de la Seine émet le vœu que les villesqui organiseront les Congrès, dans l'avenir, envoienten nombre suffisant l'ordre du jour du Congrès,pour que les membres des Organisations ouvrièrespuissent l'étudier et le discuter en connaissancede cause.

E. Nicoud.

9ème vœu: Le Syndicat de la Brosserie émetle vœu que tous les fabricants de brosserie quiferaient exécuter leur travail dans les prisons soientmis dans l'obligation de payer cette main d'oeuvreau prix intégral des tarifs ouvriers.

Larsonneur.

10ème vœu: Les travailleurs, constatantl'existence qui leur est créée par les salaires defamine que leur donnent les exploiteurs; constatant,en outre, qu'ils ne peuvent la plupart du tempsrenouveler leurs forces par la respiration d'un airpur et vivifiant; de ne pouvoir revoir également leursfamilles restées au pays natal;

Demandent que l'Etat, de concert avec lesCompagnies de Chemins de fer, accordeannuellement 20.000 billets gratuits aux organisa-tions syndicales de France, en laissant à cetdernières le soin de distribuer ces billets.

La Confédération générale du Travail estchargée de faire aboutir cette proposition.

F. Capjuzan; Millard; Girard; Guérin deCholet; Charlot; Braun; Galantus; Majot; P. LeMaître de Rennes; Guérin d'Angers; Fournet;Michon; Hotte; Nicoud; Larsonneur;Rousseaux; Cayol; Sabourin; Aubertin; Roche;Pellier du Mans; Fourage; Lebret; Verger;Chinault; Carmantrant; Liouville; Luce; Terrier;Grassaval; Levavasseur; Collet; Pouriel;Jousse; Charlot; Fernbach; E. Bry d'Angers;Lagailse; Copigneaux; Amouroux ; Lacaille ;Coquet; Derchain; Hamelin.

11ème vœu: Le Syndicat des Ouvriersgalochiers de la ville d'Angers émet le vœu que letravail concernant sa corporation soit supprimédans les prisons;

Bouyer.

12ème vœu: Le Syndicat des Ouvriers vanniersd'Angers émet le même vœu.

13ème vœu: Le Syndicat général des Garçonsde magasin, Cochers-Livreurs de la Seine, émetle vœu que la limitation des heures de travail soitfixée à huit heures avec minimum de salaire.

Roche.

14ème vœu: Richer, au nom des cinq Organi-sations du Mans, demande que le Congrès décidel'annulation du prélèvement du 5% sur le produitdes sommes souscrites en faveur de ceux quiluttent contre l'exploitation patronale;

Considérant que ces sommes doivent resterindemnes de tout prélèvement, vu qu'elles sontdestinées à des familles sans pain, notre esprithumanitaire doit nous guider à rechercher ailleursles ressources pécuniaires nécessaires à lapropagande de la grève générale.

15ème vœu: Richer, au nom des cinq organi-sations du Mans, émet le vœu que les Unions lo-cales ou départementales de Syndicats adressent,au nom de ces organisations, des demandes desubventions à leur municipalité pour faciliter d'uncommun accord l’envoi de délégués aux Congrèsouvriers, et engage les organisations ouvrièresd'une même localité à ne pas adresserpartiellement des demandes de subventions quipeuvent, par leur nombre, se rendre nuisibles oucréer entre elles un antagonisme nuisible àl'émancipation intégrale des travailleurs groupés enSyndicats.

16ème vœu: Richer, au nom des organisationsdu Mans, émet le vœu qu'à l'avenir, les Chambressyndicales, Fédérations, etc..., pour éviter touteéquivoque entre les organisations ouvrières,n'oublient jamais d'apposer sur leurcorrespondance le cachet de leurs organisationsrespectives.

17ème vœu: La Bourse du Travail de Saint-Etienne émet le vœu que l'ordre du jour desCongrès soit plus restreint et que les résolutionsprises soient mises en pratique avant la tenue duCongrès suivant.

Leray.

18ème vœu: Guérin, pour la Chambresyndicale des Couvreurs d’Angers émet le vœuque les Chambres syndicales interviennenténergiquement auprès des municipalités pour quecelles-ci prennent des arrêtés pour assurer le tra-vail et prévenir les accidents par des précautionsprises à cet effet.

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19ème vœu: L'Union syndicale des Employésd’hôtels et assimilés des deux sexes émet le vœuque les voyageurs de commerce ainsi que laclientèle des hôtels ne donnent de pourboires qu'auxemployés d'hôtels syndiqués.

Dugoy.

20ème vœu: Les Mouleurs en cuivre de Parisémettent le vœu que la grève générale soit déclaréele plus tôt possible, pour réaliser l'émancipation destravailleurs par les travailleurs eux-mêmes.

Morel.

21ème vœu: La Chambre syndicale desOuvriers confiseurs de Paris émet le vœu que laloi de 1848, concernant le marchandage, soit re-mise en vigueur.

L. Drisse.

22ème vœu: La Bourse du Travail de Montpellierémet le vœu que tous les établissementsdénommés: bureaux de bienfaissance,d'assistance publique, etc..., etc..., soientsupprimés et que l'existence des travailleurs soittoujours assurée, jusqu'à leurs derniers jours, sansavoir recours à l'avilissement de l'assistancepublique.

J. Brousse.

23ème vœu: La Bourse du Travail de Montpellierémet le vœu qu'il soit rigoureusement interdit auxmaîtres tailleurs, selliers et cordonniers, etc..., etc...,de faire d'autres travaux que ceux qui sont seulsdestinés à l'usage des militaires.

J. Brousse.

24ème vœu: La Bourse du Travail de Montpellierémet le vœu que tous les travaux exécutés dansles prisons, couvents, ouvroirs, etc..., soientsupprimés ou tout au moins, en attendant leur sup-pression totale, qu'ils soient soumis aux mêmesobligations contributives que ceux de l'industrieprivée.

J. Brousse.

25ème vœu: La Chambre syndicale ouvrièredes restaurateurs-limonadiers de Paris émet le vœuque les pouvoirs législatifs et publics fassent ouvrir,à chaque élection, le scrutin à six heures du matinau lieu de huit heures pour permettre à un grandnombre de travailleurs de prendre part au vote.

Rousseaux.

26ème vœu: La Chambre syndicale desOuvriers mécaniciens de Marseille émet le vœuque la Confédération générale du Travail avise lesorganisations ouvrières que lors de la nomination

d'un délégué à des Congrès ce ne soit pas toujoursles mêmes qui soient désignés. Les organisationsouvrières devront être consultées sur ce vœu parla Confédération générale du Travail et fixer le délaiaccordé pour qu'un syndiqué puisse être denouveau délégué.

Cayol; Lauche; Aubertin; Esnaut; Majot;Rousseaux; L. Brisse; Cauchois.

27ème vœu: La Fédération des Cuisiniers-Pâtissiers, Confiseurs de France et des colonies;la Boucherie de Paris; les Employés d'hôtels etassimilés des deux sexes; l'Union des Ouvriersmécaniciens de la Seine; les Organisationsd'Angers émettent le vœu que dans tout atelier ouusine il y ait une boîte pharmaceutique, pour, enattendant la venue du médecin, donner les premierssoins en cas d'accident.

L. Dugoy; Lauche; Bry.

Votre Commission conclut, Camarades, envous demandant de vous mettre tous à l'œuvrepour l’accompIissement de ces vœux, et comptonsplutôt sur nous, par une propagande sans relâcheet sans merci.

Tous à l'œuvre, Camarades, et nous sommesassurés que nous arriverons au but que nouspoursuivons.

Le Rapporteur, Cauchois.Les Membres de la Commission: Bry, Millard.

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Le délégué du Syndicat des Ouvriersmécaniciens de Marseille demande que l'ondonne lecture au Congrès du vœu qu'il a déposé.Lecture est donnée de ce vœu.

Le citoyen Hamelin demande à donner lectured'un vœu qu'il a déposé et qu'il formule comme suit:

Le Congres, considérant que les peuples sontfrères, et que la guerre est la plus grande calamitéde l'humanité, qu'elle ne sert qu'à maintenir lestrônes des tyrans;

Considérant que la paix armée mène tous lespeuples à la ruine, par le surcroît d'impôts crééspour faire face aux énormes dépenses des arméespermanentes;

Affirme que l'argent dépensé pour des actesdignes des barbares et pour entretenir deshommes jeunes, forts et vigoureux, pendantplusieurs années, serait mieux employée à fairede grands travaux pouvant servir à l’humanité;

Forme le vœu qu'un désarmement général aitlieu le plus vite possible.

A. Hamelin.

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De nombreux applaudissements éclatent aprèsla lecture du vœu présenté par le citoyen Hamelin.

Guérard, du Syndicat des Chemins de Fer,demande que le Congrès adopte la propositionHamelin non comme vœu, mais comme résolution.

Adopté.

Maynier, Syndicat de la Typographie Parisienne,prend la parole au nom de la Commission desretraites. Cette Commission, qui n'a pu se réunirque pendant 15 minutes environ, n'a pas pu établirde rapport ni procéder à une étude approfondie dela question. La Commission propose d'insérer dansle compte-rendu du Congrès toutes les proposi-tions présentées par les Organisations ainsi queles deux projets établis par les citoyens Capjuzanet Lagailse. Et si le Gouvernement veut donner desretraites ouvrières, il n'aura qu'à puiser dans cesdeux rapports.

Hamelin, Verrerie ouvrière: Le Congrès a décidé,dans sa séance du matin, d'envoyer une nouvelledépêche d'encouragement aux terrassiers engrève, Hamelin aurait pu présenter cette motion quiest due à l'initiative du citoyen Cauchois, d'Issy-les-Moulinaux, mais il déclare être resté étranger à larédaction de cette proposition. Etant lecorrespondant du journal La Petite République,Hamelin fait parvenir à ce journal toutes lesdécisions du Congrès en les faisant suivred'appréciations personnelles. Quelques camaradesdu Congrès ont lu le compte-rendu qu'il a fait de laséance du matin et les appréciations qu'il aformulées sur le vote de la dépêche aux terrassiersen grève. Ces camarades se préparant à formulerune protestation contre ces appréciations, Hamelintient à faire remarquer qu'il n'use, en lacirconstance, que de l'usage qu'ont les journalistesd'apprécier les faits et d'en tirer telles conclusionsqui leur conviennent, cela n'engage en rien leCongrès corporatif et Hamelin revendique l'entièreresponsabilité de ce qu'il écrit.

Le citoyen Maynier donne lecture de ladéclaration suivante:

Les Travailleurs du Livre présents au Congrèsdéclarent ne pas s'associer à tout vote ayant unecouleur politicienne. Ayant reçu un mandatpurement corporatif ils déclarent conserver leurliberté entière et celle de leur Syndicat au sujet d'unepersonnalité qui ne mérite aucun reproche pour sesrapports quotidiens avec les Travailleurs du Livre.

T. Maynier, Dangin, Batbielle, Trabaud,Philippe, J. Gannat.

Au nom de l'Union syndicale des Travailleurs

de Brest, je m'associe à la déclaration du Livre.Constant.

Guérard, Syndicat des Chemins de fer, pourdissiper toute équivoque, propose que l’on donnede nouveau lecture de la dépêche qui a été adoptéeà la précédente séance, puis de procéder à unnouveau vote. Le Congrès peut sans inconvénientprocéder à un deuxième vote sur cette question.

Après lecture du texte proposé à la séance dumatin par le citoyen Cauchois, le Congrès confirmeson premier vote.

Les questions à l’ordre du jour étant épuisées etpersonne ne demandant la parole, le Président,avant de prononcer la clôture du Xème Congrèsnational corporatif, remercie les congressistesd'être venus si assidûment aux séances et d'avoirélucidé avec persévérance les questionsconcernant le prolétariat. Il prononce ensuite laclôture du Congrès en criant: Vive la Révolutionsociale!

Le camarade Cayol, des Ouvriers mécaniciensde Marseille, proteste contre l'omission que vientde faire le Président, Avant de prononcer la clôturedu Congrès, il était nécessaire d’adresser, au nomde tous les délégués, des remerciements à la Com-mission d'organisation du Congrès pour ledévouement dont elle a fait preuve pendant la duréedu Congrès et pour la réception vraiment fraternellequ'elle a préparée à tous.

D'unanimes applaudissements ratifient les pa-roles du délégué de Marseille, et les congressistesse séparent au cri de: «Vive l’Union desTravailleurs!».

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PROPOSITIONS RELATIVESÀ LA PRUD'HOMIE

ET REMISES À LA COMMISSION

1- Le Syndicat des ouvriers en instruments deprécision demande la création de Conseils dePrud'hommes dans les villes où il n'en existe paset propose qu'il soit fait, en 1899, une conférencede prud'homie au lieu d'un Congrès national deprud'homie.

Auray.

2- Que les questions relatives à la prud'homiesoient réunies pour être portées devant le Congrèsde la prud'homie. Mais pour ne pas perdre le fruitdes travaux apportés au Congrès de Rennes parles Organisations qui comptaient les soumettre, les

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rapports seront insérés dans le compte-rendu duCongrès.

C. Beausoleil.

3- Le Conseil local d'Angers, considérant qu'ilest utile pour la classe des travailleurs de faire en1899 un Congrès de la prud'homie, appuiefermement les conclusions apportées à la loi surles Conseils de prud'hommes par le Congrès deLyon.

Guérin.

4- Les Chambres syndicales des ouvriersconfiseurs, biscuitiers et chocolatiers de Parisémettent le vœu que la prud'homie soit étendue àtous les ouvriers ou employés du commerce et del'industrie, et demandent la suppression de laprépondérance du Tribunal de Commerce sur leTribunal de Prud'hommes, et que la Cour d'Appelsoit remplacée par un Tribunal d'arbitrage.

L. Brisse.

5- La Fédération des cuirs et peaux émet le vœuqu'il soit inséré l'article suivant dans le programmedes Conseillers prud'hommes ouvriers:

Une réunion générale des Conseillersprud'hommes ouvriers (des quatre Conseils pourParis) aura lieu tous les deux mois. Dans cesréunions, ils auront à examiner l'unification de laprocédure de la jurisprudence, des usagesgénéraux de chaque corporation, etc...

A. Cardet.

6- L'association syndicale des garçons restau-rateurs, limonadiers et assimilés de la Seine adoptele Congrès de la prud'homie pour 1899 et demandeque toutes les questions préparées pour le congrèsde Rennes y soient renvoyées.

Carmantrant.

7- Considérant que les articles 7, 8 et 9 de l'ordredu jour se rapportant tous à la prud'homie, il estincontestable que l’on doit étendre ce principe: 1-en juridiction; 2- l'application de cette juridiction àtous les salariés; le Congrès nommeimmédiatement une commission chargée de faireconnaître au Congrès les moyens d'arriver à ce butet donne mandat à la Confédération générale dutravail d'organiser, en 1899, un Congrès de laprud'homie et de faire aboutir les résolutions prisesà ce Congrès.

Cette question, ayant été traitée dans tous lesCongrès avec avis favorables de ceux-ci, demandel'urgence sur cette proposition pour éviter une pertede temps au Congrès, par la discussion de propo-sitions reconnues indispensables par tous lesCongrès, en matière de justice entre le Capital et

le Travail, et invite les citoyens qui ont des rapportssur cette question à les déposer à la commissionqui établira le rapport.

Copigneaux; J. Fourage; Allibert; Lauche; Ch.Fournet; Roche; Terrier; L. Meyer; Daugin;Corompt; Cayol; Aubertin; Michon; Dugoy;Rousseau; Robillard; Derchain; L. Brisse.

8- La Fédération centrale des Chauffeurs-Conducteurs-Mécaniciens de France demande quele Congrès de Rennes veuille bien insérer à l’ordredu jour du Congrès de la prud'homie: 1- Etude d'unconseiller prud'homme dans le cadre du conseildes prud'hommes; 2- Etude d'un conseillerprud'homme ouvrier représentant la profession deschauffeurs-conducteurs-mécaniciens du dépar-tement de la Seine.

Corompt.

9- La Chambre syndicale des Cuisiniers deParis, la Fédération des Cuisiniers-Pâtissiers deFrance et des Colonies, la Boucherie de Paris,l'Union syndicale des Employés d'hôtels des deuxsexes, la Chambre syndicale des Pâtissiers de laSeine, émettent le vœu que la juridiction desprud'hommes soit étendue à tous les salariés surtout le territoire de la République et des colonies, etle bénéfice pour les justiciables de l'application dela loi du 27 décembre 1893 sur les contrats delouage.

Ce vœu a été adopté dans tous nos Congrèsculinaires.

L. Dugoy; L. Meyer.

10- La Bourse du Travail de Bordeaux demandel'extension de la juridiction des prud'hommes, sanslimitation, à tous les salariés; la présidence alter-native; création d'une Chambre d'appel; électiondes conseillers par le scrutin de liste conforme,quant aux conditions d'âge et de durée derésidence, à la loi en vigueur pour les électionsmunicipales; modifications de la loi sur l'arbitrageet application de la loi sur les accidents du travailpar les conseillers prud'hommes.

Eug. Grassaval.

11- La Fédération du Cher et les Syndicats desTisserands, Charpentiers, Menuisiers etCordonniers de Cholet, considérant que la ques-tion de la prud'hommie est une de celles qui attirentle plus particulièrement l'attention des Syndicats etgroupes corporatifs, considérant en outre queplusieurs projets distincts et visant le même butont depuis bien des années été élaborés.

Estiment que les Congrès acceptent une foispour toutes un projet unique et complet.

Pour ces motifs: les Syndicats sus-mentionnés

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émettent le vœu suivant:Que le Congrès corporatif de Rennes étudie et

adopte un projet unique s'il lui en est soumis un, ouà défaut de celui-ci, qu'il remette cette propositionà l'ordre du jour du prochain Congrès corporatif, etqu'il charge son Conseil confédéral d'élaborer unprojet prud'homal s'étendant à tous les salariés,pour que le prochain Congrès puisse statuer etadopter, à seule fin de n'avoir qu'un seul et uniqueprojet et de n’avoir plus à revenir sur celui-ci, quepour engager les Syndicats à le maintenir etl'appuyer par tous les moyens dont ils disposent,jusqu'à complète satisfaction.

Les Délégués: Guérin, de Cholet; Milliard, desSyndicats du Cher.

12- Citoyens, considérant que la prud'homieintéresse au plus haut point les Organisationsouvrières, nous proposons que le Congrès Nationaln'ait pas lieu en 1899 et que les Organisationsouvrières s'emploient activement à étudier cettequestion en un Congrès National de la prud'homieorganisé soit par la Confédération, soit par lesComités de vigilance de conseillers prud'hommes.

Ch. Hotte.

13- La Fédération de Meurthe-et-Moselle pro-pose qu'un Congrès de la Prud'homie ait lieu en1899 à Paris.

E. Lacaille.

14- La Chambre syndicale des Ouvriersserruriers de la Seine propose que le Congrès dela prud'homie se tienne à Paris en 1899, et quel'organisation en soit confiée au Comité centralélectoral du Comité de vigilance des conseillersprud'hommes.

Lebret.

15- Le Syndicat des Estampeurs et Découpeurssur métaux demande que les experts près leConseil des prud'hommes qui, quoique intelligents,ne peuvent connaître toutes les corporations, soientpris dans les Chambres syndicales parmi lesmembres les plus compétents au point de vue desconnaissances techniques.

E. Nicoud.

16- Le Syndicat général des Garçons demagasin et Cochers-Livreurs de la Seine demandequ'un Congrès soit tenu pour discuter surtoutl'unification de la procédure et obtenir la réforme etl'extension de la prud'homie à tous les salariés,

Roche.--------------------

PREMIER RAPPORT SUR LA PRUD'HOMIE

Citoyens,Depuis nombre d'années, les Congrès

corporatifs et socialistes, les Bourses du Travail,ainsi que les citoyens réunis pendant les périodesélectorales, réclament l'extension de la juridictionprud'homale pour tous les salariés, des pétitionsont été faites et envoyées aux pouvoirs constitués,cela n'a pas abouti. Cependant, dans l'avant-dernière législature, la Chambre des députés votaitune loi. Si l'article premier de ladite loi ne noussatisfaisait pas entièrement, il n'en constituait pasmoins une amélioration sensible, en accordant lebénéfice de la juridiction prud'homale aux employésde commerce ou d'industrie, ainsi qu'auxtravailleurs agricoles; mais une autre Chambre étaitlà, Le Sénat, loin d'étendre l'institution, la restreignaiten enlevant ce qu'il y avait de démocratique et delibéral, en en faisant une loi franchementréactionnaire.

Depuis cinq ans, les choses en sont restées là.Chaque année, les Chambres syndicales ouvrièress'occupent à nouveau de la question, des tentativesnouvelles sont faites, aucunes n'aboutissent, la loiest laissée en litige dans les cartons du Sénat etde la Chambre des députés, or, continuer à produiredes réclamations de la même manière, c'est, ànotre avis, s'exposer aux mêmes résultats, il estde notre avis qu'il faut changer de tactique. A ceteffet, nous vous présentons un autre moyen, quiconsiste à organiser en 1899 un Congrès nationalspécial pour l'extension et les réformes de laprud'homie.

Dans ce Congrès, on pourra examiner à fond laquestion, faire une critique détaillée des vices del'institution et exposer par des rapports concluantsle bien fondé d'étendre la prud'homie à tous lessalariés.

Une fois ce travail terminé, imprimé, lesSyndicats, dans chacun de leur départementrespectif, sur l'initiative d'une commission depropagande, auront à mettre en demeure leursreprésentants de se prononcer individuellement,puis de se prononcer définitivement devant lespouvoirs publics.

Il est à remarquer que l'extension et les réformesde la prud'homie sont réclamées par l'ensembledes travailleurs organisés et même par desSyndicats de patrons.

La plupart des législateurs ne sont pas éclairéssur la question, il faut qu'ils le soient.

Le Congrès, après discussion, centralisera tousles desiderata des travailleurs, examinera de trèsprès les réformes à apporter à la procédure et lesleur soumettra. Alors les représentants pourront seprononcer en connaissance de cause.

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Les Chambres syndicales, les Comités de vigi-lance se sont déjà préoccupés en différentescirconstances de cette question, une commissionde douze membres a été nommée à cet effet;dernièrement encore l'Union des Syndicats dudépartement de la Seine désignait une Commis-sion composée mi-partie par des délégués deSyndicats et mi-partie de ConseillersPrud'hommes, laquelle travaille à l'élaboration d'unprojet.

Citoyens, de tous ces vœux, de toutes cescommissions, nous estimons qu'un Congrès Na-tional spécial centralisant tous ces travaux,codifiant, pour ainsi dire, les résolutions prises ausein de ce Congrès, elles auront beaucoup plus depoids, plus d'autorité envers nos représentants queles réclamations formulées par quelques organi-sations ouvrières, malgré leurs légitimesrevendications.

Pour satisfaire l'opinion publique, les pouvoirspublics seraient bien obligés, à notre point de vue,de s'en occuper.

A notre avis, le résultat n'est pas douteux, maisà condition qu'une agitation incessante précède etfasse suite aux décisions prises par le Congrès.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons:1- Le Congrès national corporatif de 1899 se tiendraà Paris; 2- Il sera organisé par la Confédérationgénérale du Travail, en y adjoignant une délégationde trois membres pour chacune des sections deprud'homie organisées dans le département de laSeine, savoir;

a- Trois délégués désignés par les Syndicatsappartenant à la section des métaux;

b- Trois délégués désignés par les Syndicatsappartenant à la section des Produits chimiques;

c- Trois délégués désignés par les Syndicatsappartenant à la section du Bâtiment;

d- Trois délégués désignés par les Syndicatsappartenant à la section des Tissus;

e- Un délégué pour chacune des Fédérationsde métiers.

Ordre du jour du Congrès national corporatif:

Extension de la juridiction prud'homale à tousles employeurs et salariés, à quelque titre que cesoit, y compris ceux des Communes, desDépartements ou de l'Etat;

Réformes à apporter à l'institution.

Carmantrant, délégué de la Chambre syndicalede la Tabletterie en peignes, éventails et des par-ties s'y rattachant.

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DEUXIÈME RAPPORT SUR LA PRUD'HOMIE

On ne s'occupe pas assez de la question desprud'hommes dans les milieux ouvriers. On devraitcependant mieux l'étudier, la mieux connaître, carelle en vaut la peine. Les patrons l’ont très biencompris, et rien n'est négligé par eux pour se tenirconstamment au courant de tout ce qui concernela prud'homie.

Il est surtout regrettable de constater que, fauted'être suffisamment éclairés sur la matière, laplupart des travailleurs hésitent à faire appel à cettejustice, par ignorance ou crainte de frais excessifspour la revendication de leur droit.

Quoique fort éloignée de la perfection ouseulement du concept de militants sincères etcompétents en matière de justice arbitrale, lajuridiction des prud'hommes peut néanmoinsrendre d'utiles services aux spoliés, aux victimesde la mauvaise foi ou des tentatives d'intimidationpratiquées par certains employeurs, auxquels tousles moyens sont bons pour chicaner, rogner, aviliret même s'approprier le salaire des producteurs.

Malheureusement, les Organisations ouvrièresne se préoccupent pas suffisamment de la ques-tion au point de vue des intérêts matériels desjusticiables et penchent plutôt à porter leur atten-tion du côté des électeurs pour obtenir leurssuffrages en faveur de leurs candidats respectifs.

Les électeurs, leurrés par des promessesinconsidérées, croient à l'application de pro-grammes les dispensant entièrement de s'occuperde leurs atfaires. Imbus d'idées fausses propagéespar des professionnels de l'exploitation du bulletinde vote, les justiciables tiennent en suspicion toutce qui ne concorde pas avec les sophismes queleur ont débités les rhéteurs de l'accaparement dessièges électifs.

Au résultat d'une fausse éducation répandue pardes décrocheurs de timbale, il est temps deremédier si l 'on veut que les conseils deprud'hommes ne deviennent un traquenard pourles travailleurs. D'autant plus que rien ne fait mieuxle jeu de l'élément patronal, dont la tactique évidenteest de dégoûter l'ouvrier de recourir à cettejuridiction.

L'occasion se présente, cette année, au Congrèsde Rennes, auquel est soumise l'idée d'un Congrèsnational ouvrier de la prud'homie. Il est nécessaireque la tenue de ce Congrès, en 1899 soit décidéepar le Congrès corporatif de 1898, et son organi-sation confiée, non à un comité ou fédérationquelconque, mais bien à l'organisation syndicaletout entière, dont les organes autorisés et toutdésignés sont la Confédération générale et laFédération des Bourses du travail.

La juridiction des prud'hommes, régie par un

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fatras de lois et décrets sans consistance ni clartéqui se sont succédé depuis 1806, réclame depuislongtemps déjà une loi nouvelle refondant toute lalégislation spéciale. Depuis que cette loi est sur lechantier, les patrons n'ont pas manqué d'y faireintroduire nombre de modifications aussiimportantes que réactionnaires. L'une d'elles, en-tre autres, par laquelle le Sénat confie la présidenceau juge de paix - ce qui permet de résumer ainsi leprojet de loi: Article premier: La juridiction desprud'hommes est supprimée. Article 2: Les jugesde paix sont chargés de l'exécution de la présenteloi.

Quoique la Chambre n'ait pas retenu cette dis-position, elle n'en reste pas moins dangereuse. Onsait quelles étranges concessions le Sénat saitobtenir de la Chambre lorsqu'une loi est sur le pointd'aboutir.

Dans le dernier projet de la Chambre, sur lequelnous reviendrons ultérieurement, beaucoup depoints sont à critiquer, et le peu qui en soit à peuprès équitable est déjà battu en brèche par lesChambres syndicales patronales.

Les Chambres syndicales ouvrières voudrontcertainement, elles aussi, défendre en cette occur-rence les intérêts des corporations qu'ellesreprésentent. Mais chacune d'elles seraitimpuissante à discuter ou agir isolément. Lecaractère particulier de la question desprud'hommes, sa complexité, l'attention spécialeque réclame l'étude des matières qu'elle renferme,tout exige qu'elle soit traitée à part, si on ne veut lanoyer parmi les nombreux éléments qui composentl'ordre du jour des congrès corporatifs annuels.

De là, nécessité d'un Congrès spécial, duquelsortira la seule réponse qui convienne aux critiquesdont l'institution même des prud'hommes a été sisouvent l'objet, soit de la part des patrons qui ontintérêt à la déconsidérer, soit du fait de ceux quitrouvent plus commode de récriminer contre un étatde choses que de remédier à ses défectuosités.

Riom, du Bâtiment.

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TROISIÈME RAPPORT SUR LA PRUD'HOMIE

L'extension de la juridiction des Prudhommes àtous les salariés nous parait tellement naturelle quenous nous étonnons fort que toutes les tentativesfaites dans ce sens, et depuis si longtemps, aientlaissé nos législateurs absolument froids.

Pourtant, ne serait-il pas équitable que celui quia un différend avec son patron, à propos de salaire,pût s'adresser à un tribunal de Prud'hommes pour

le faire trancher?Est-il loyal, par exemple, qu'un employé de com-

merce ne puisse faire valoir ses droits que devantun Tribunal de commerce, lequel n'est composéque de négociants, commerçants, industriels, parconséquent de patrons?

Le caractère même de l'employé, qui n'est pasconsidéré comme ouvrier manuel, s'oppose, dit-on à cela, les Prud'hommes n'ayant été créésqu'afin de concilier industriels et ouvriers et lesqualités essentielles de ces Tribunaux consistantsurtout en expertises de travaux.

Mais, pourquoi, alors, le Tribunal de Commerceet non toute autre juridiction, moins susceptibled'être soupçonnée de partialité?

Et si l'on veut absolument s'en tenir à ce Tribu-nal, pourquoi ne nommerait-on pas des employésjuges consulaires, appelés seulement à siégerlorsque des litiges s'élèveraient entre commerçantset employés?

Nous estimons, nous, que tout salarié, quel qu'ilsoit, - lorsqu'une question de salaire est en jeu -devrait avoir le droit de recourir au jugement de sespairs: le Tribunal des Prud'hommes, c'est juste ànos yeux.

Un des points les plus importants, c'est celuiqui a rapport à la capacité de ces Tribunaux.

Lors de la création des Conseils dePrud'hommes, en 1806, ceux-ci avaient droit dejuger sans appel jusqu'à concurrence de la sommede 60 francs; plus tard, en 1810, cette somme futportée à 100 francs. La loi de juin 1858 éleva cettecapacité à la somme de 200 francs.

Depuis cette époque - 43 ans - cette sommeest demeurée stationnaire, quoique les conditionsdu travail aient subi des transformations trèsgrandes et que le prix de la main-d'œuvre aitaugmenté du double, au moins. D'autre part, lasomme de travail que peut produire un ouvrier denos jours, par suite des progrès constants dumachinisme, est de beaucoup supérieure à cellequ'il aurait pu produire, dans le même laps de temps,en 1853.

Donc, la somme de 200 francs qui était peut-être suffisante à cette date, ne l'est plus aujourd'hui.Et afin de rester au moins l'égale de sesdevancières, il faudrait que cette somme fût triplée,c'est-à-dire que la capacité des Prud'hommespuisse atteindre un jugement de 500 francs, sansappel.

Nous demandons aussi que les appels desjugements des Prudhommes ne soient plus portésdevant le Tribunal de Commerce, mais devant leTribunal civil.

Je me permets de vous citer un exemple pourvous en faire connaîtreles raisons:

Je suis ouvrier, travaillant chez un patron qui ne

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peut me payer que par acomptes. Le manque detravail ailleurs, m'oblige à accepter ces conditions.Au bout d'un certain temps, fatigué de ce mode depaiement et ayant la facilité procurer du travailautre part, je le préviens que je quitte son atelier etle prie de me régler. Il s'y refuse, prétextant quemon départ lui porte un très grand préjudice. Lasomme qui m'est due est de 200 francs. Je l'assigneaux Prud'hommes - tribunal composé mi-patronsmi-ouvriers - afin de rentrer dans mes fonds. LeTribunal, comprenant le bien-fondé de mademande, me donne gain de cause et le condamneà payer. Le jugement étant sans appel, il proteste,mais il s'exécute.

Je travaille chez un autre patron,malheureusement dans des conditions identiques.Après lui avoir fait un crédit de 205 francs de tra-vail, je me décide à agir de la même façon que j'aiagi avec le premier. Le Tribunal prud'homal, faisantdroit à ma requête, condamne le patron au paie-ment de ce qui m'est dû.

Mais, cette fois, la somme étant supérieure à200 francs, le patron, ayant la loi avec lui, fait appelde ce jugement.

Cet appel m'amène, non plus devant un tribunalmi-patrons et mi-ouvriers, mais devant un tribunalcomposé exclusivement de négociants,commerçants, industriels - le Tribunal de Com-merce.

Tandis que mon patron, par ses relationscommerciales avec ses juges, se trouve, enquelque sorte, chez lui, en famille, je me trouve,moi, complètement hors de chez moi.

Est-ce logique? Et encore, s'il n'y avait qu'unequestion de logique, le mal serait bénin,

Certes, je ne veux point insinuer que les jugesconsulaires aient des tendances à favoriser lespatrons au détriment des ouvriers; loin de moi lapensée de croire qu'ils seraient capables departialité à l'égard d'un des leurs. Mais, néanmoins,j'ai parfaitement le droit de m'inquiéter du sortdéfavorable qui m'est fait, et je pourrais supposer,sans être bien méchant, que ces Messieurs, ne sedépouillant pas toujours totalement de leur qualitéde patrons, pourraient avoir la faiblesse de rendredes services plutôt que des arrêts. La faiblesse estchose humaine.

Un autre point, parmi les mille, qui nous paraîtdigne d'attirer l'attention de nos législateurs estcelui-ci:

Est-ce que le propriétaire qui fait bâtir sur sesterres, en occupant des ouvriers et leur fournissantles matériaux nécessaires, ne prend pas les lieu etplace de l'entrepreneur? N'a-t-il pas les mêmesavantages et ne devrait-il pas avoir les mêmesinconvénients?

Oui, ce me semble. Eh bien, il parait que non!

Non seulement, il ne paie pas de patente,d'abord, et n'est pas soumis à la visite desinspecteurs du travail, mais encore lorsqu'undifférend surgit entre lui et ses ouvriers, il n'est passoumis à la juridiction des Conseils deprud'hommes.

Pourquoi cette anomalie? Ne remplit-il pas lesmêmes fonctions que l'entrepreneur?

Encore un point qui est digne d'être discuté estle suivant:

En cas d'accident, un ouvrier demandant uneindemnité, ne peut s'adresser aux prud'hommes,la loi ne le permettant pas. Mais, s'il réclame lesdemi-journées de chômage résultant de cet acci-dent, la compétence est déclarée.

Il n'y a qu'une question de forme. Est-ce qu'il neserait pas plus raisonnable de faire cesser cesquestions de forme et d'accorder la compétenceaux prud'hommes, dans les cas prévus par la loid'avril de cette année?

Nous concluons et nous demandons:1- Que la juridiction prud'homale s'étende à tous

les salariés des deux sexes;2- Que les jugements sans appel soient portés

à la somme de 600 fr. au moins;3- Que l’appel de ces jugements ait lieu devant

le tribunal civil, lequel traiterait l'affaire juridiquement,sans envisager la question de patronat, et nondevant le Tribunal de Commerce;

4- Que si une objection est faite concernant lesemployés de cormmerce, ceux-ci aient le droit denommer des juges consulaires et employésspécialement commis à siéger lorsqu'il s'agirait dequestions de salaires;

5- Qu'en matière d'accidents, concernant lesindemnités, la juridiction des prud'hommes soitcompétente;

8- Que sa compétence s'étende aussi auxdifférends entre propriétaires momentanémentdevenus entrepreneurs et ouvriers du bâtiment.

Trabaud.--------------------

ERRATUM (voir page 68)Le Bras, Chambre syndicale des Ouvriers

menuisiers et ébénistes de Rennes,...soient exécutés en dehors de la localité. En

effet, lorsque les adjudications, dans la menuiseriespécialement, s'élèvent à 70 et 80.000 fr., ce sontles entrepreneurs étrangers à la localité qui viennentexécuter les travaux, au détriment des ouvriers dela ville qui a ouvert l'adjudication. Avec lesadjudications de 20.000 fr., ces entrepreneurs nepeuvent plus soumissionner, les frais de transportétant trop considérables pour les récupérer de leurstravaux.

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