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SocialCE n°63 Mars-Avril 2013 45 L es restructurations font évoluer les contours des entreprises : réunion de plusieurs entités sous une même société nouvelle ou existante, fusion-absorption d’un concurrent, réduc- tion du périmètre avec la disparition d’un ou plusieurs établissements, voire disparition de l’entreprise dans le cadre d’une liquidation. Dans toutes ces situations, des consultations obliga- toires du CE s’imposent et les débats portent princi- palement sur l’emploi. Plus technique, la question du devenir des instances représentatives du per- sonnel et du maintien ou non des mandats des élus se pose aussi. Il est une préoccupation en revanche qui n’apparaît que très rarement au procès-verbal, bien qu’elle ne soit pas neutre pour les salariés : comment va fonctionner notre CE demain ? Et d’ailleurs, est-il toujours « notre » comité d’entreprise ? Pas de fusion pour le CE Les CE ne fusionnent pas, mais supportent les conséquences des restructurations. Le plus souvent, ils seront même solubles dans les opérations de regroupement ou de fusion d’entreprises. L’exception sera le cas où l’entreprise inté- grée dans le nouveau périmètre devient un établissement, conservant ainsi une autonomie qui autorise le maintien du CE préexistant en le transformant en comité d’établisse- ment. Plus de CE, et donc plus de mandat pour les anciens représentants du personnel… À défaut de trouver une issue par voie d’accord avec le nouvel employeur, mais aussi avec les représentants du personnel du CE de l’entreprise d’accueil, afin de pouvoir continuer à représenter les collègues « absorbés ». Devenir comité d’établissement ? La volonté du CE de survivre ne suffit pas, il faut réunir les conditions juridiques pour avoir la qualité de comité d’établissement. Cumulativement, l’établissement doit ainsi occuper de manière stable au moins 50 salariés sur un site et disposer d’une autonomie de gestion importante. Alors les différents établissements de l’entreprise seront dotés d’un comité d’établisse- ment et un comité central d’en- treprise (CCE) sera mis en place. Dans ce cas, à moins d’en déci- der autrement par voie d’ac- cord, les activités sociales et la gestion de leur budget reste la prérogative de chaque comité d’établissement. Devenir comité d’établissement à la suite d’un regroupement n’impacte donc pas nécessairement le fonction- nement habituel du CE sur ce point. En revanche, la loi fait remonter de nombreuses attributions économiques au niveau du CCE. Le budget de fonctionnement du comité d’établissement pourra donc être impacté par une contribution au fonc- tionnement du CCE, qui n’a pas de budget défini par la loi. En devenant comité d’établissement, ce n’est donc pas la relation directe aux salariés – par l’organisation et le financement des ASC – qui sera touchée, mais l’accès à l’information économique et sociale, dorénavant abordée prioritairement, voire exclusivement, au CCE. Ainsi que les moyens d’action, au premier rang desquels le recours à l’expert en cas de licenciements économiques ou de « Les CE ne fusionnent pas, mais supportent les conséquences des restructurations. Le plus souvent, ils seront dissous dans les regroupements ou fusions d'entreprises. » En cas de restructuration, que deviennent les instances de représentation du personnel ? Les élus de l’entreprise « absorbée » doivent-ils laisser la main ? À qui reviennent les reliquats des budgets du CE ? Les activités sociales pourront-elles être maintenues ? Autant de questions, souvent complexes dans la pratique, auxquelles les élus ne sont pas préparés à répondre. QUE DEVIENT LE COMITÉ D’ENTREPRISE ? 44 Mars-Avril 2013 SocialCE n°63 RESTRUCTURATION Par Ronan Darchen EN COUVERTURE

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SocialCE n°63 Mars-Avril 2013 45

Les restructurations font évoluer les contoursdes entreprises : réunion de plusieurs entitéssous une même société nouvelle ou existante,fusion-absorption d’un concurrent, réduc-tion du périmètre avec la disparition d’un ouplusieurs établissements, voire disparitionde l’entreprise dans le cadre d’une liquidation.

Dans toutes ces situations, des consultations obliga-toires du CE s’imposent et les débats portent princi-palement sur l’emploi. Plus technique, la questiondu devenir des instances représentatives du per-sonnel et du maintien ou non des mandats des élusse pose aussi. Il est une préoccupation en revanchequi n’apparaît que très rarement au procès-verbal,bien qu’elle ne soit pas neutre pour les salariés :comment va fonctionner notre CE demain ? Etd’ailleurs, est-il toujours « notre » comité d’entreprise ?

Pas de fusion pour le CELes CE ne fusionnent pas, mais supportent les conséquencesdes restructurations. Le plus souvent, ils seront mêmesolubles dans les opérations de regroupement ou de fusiond’entreprises. L’exception sera le cas où l’entreprise inté-grée dans le nouveau périmètre devient un établissement,conservant ainsi une autonomie qui autorise le maintien duCE préexistant en le transformant en comité d’établisse-ment. Plus de CE, et donc plus de mandat pour les anciensreprésentants du personnel… À défaut de trouver une issuepar voie d’accord avec le nouvel employeur, mais aussi avecles représentants du personnel du CE de l’entreprised’accueil, afin de pouvoir continuer à représenter lescollègues « absorbés ».

Devenir comité d’établissement ?La volonté du CE de survivre ne suffit pas, il faut réunirles conditions juridiques pour avoir la qualité de comitéd’établissement. Cumulativement, l’établissement doitainsi occuper de manière stable au moins 50 salariés surun site et disposer d’une autonomie de gestion importante.Alors les différents établissements de l’entreprise seront

dotés d’un comité d’établisse-ment et un comité central d’en-treprise (CCE) sera mis en place. Dans ce cas, à moins d’en déci-der autrement par voie d’ac-cord, les activités sociales et lagestion de leur budget reste laprérogative de chaque comitéd’établissement. Devenir comitéd’établissement à la suite d’unregroupement n’impacte doncpas nécessairement le fonction-

nement habituel du CE sur ce point. En revanche, la loifait remonter de nombreuses attributions économiquesau niveau du CCE. Le budget de fonctionnement du comité d’établissementpourra donc être impacté par une contribution au fonc-tionnement du CCE, qui n’a pas de budget défini par la loi. En devenant comité d’établissement, ce n’est donc pas larelation directe aux salariés – par l’organisation et lefinancement des ASC – qui sera touchée, mais l’accès àl’information économique et sociale, dorénavant abordéeprioritairement, voire exclusivement, au CCE. Ainsi queles moyens d’action, au premier rang desquels le recoursà l’expert en cas de licenciements économiques ou de

« Les CE ne fusionnentpas, mais supportentles conséquences desrestructurations. Le plus souvent, ils seront dissous dansles regroupements oufusions d'entreprises. »

En cas de restructuration, que deviennent les instances de représentation dupersonnel ? Les élus de l’entreprise « absorbée » doivent-ils laisser la main ? À quireviennent les reliquats des budgets du CE ? Les activités sociales pourront-ellesêtre maintenues ? Autant de questions, souvent complexes dans la pratique,auxquelles les élus ne sont pas préparés à répondre.

QUE DEVIENT LE COMITÉD’ENTREPRISE ?

44 Mars-Avril 2013 SocialCE n°63

RESTRUCTURATIONPar Ronan DarchenEN COUVERTURE

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procédure d’alerte, qui seront transférés au CCE.Des questions « politiques » se posent également quandces transferts de compétences ont pour effet de changerles majorités syndicales, alors que l’évolution législativea développé les possibilités de négocier au niveau del’entreprise. Enfin, les organisations syndicales peuventse trouver devant le choix difficile du futur déléguésyndical : celui de l’entreprise absorbée s’il a conservéun mandat d’élu (cas du comité d’établissement) oucelui de l’entrepriseabsorbante, peut-être moins aguerri,mais légitime surl’entité accueillante.Des employeurssavent d’ailleursjouer avec la réfor-me de la représen-tativité de 2008 pour tenter de trouver une configu-ration plus à leur goût en organisant des élections àla veille d’une fusion… Quand les salariés transférésarrivent, bien qu’ayant conservé leur ancienneté etremplissant les conditions d’éligibilité, les électionssont passées et le prochain tour sera dans quatre ans.Bonne intégration !

Quelle légitimité des représentants au CE ?Les fusions ont un sens qui peut ignorer la logique dunombre comme celui de la représentation du personnel,et donc des activités sociales et culturelles, en privant

les salariés de CE et de budget. Ainsi de cette entreprisede moins de 100 salariés qui a organisé des élections« de second tour » pour se doter d’un CE sans présencesyndicale, alors qu’elle savait imminente l’intégrationd’une entreprise de plus de 1 000 salariés où la repré-sentativité syndicale était à la fois puissante et variée.Avant 2008, il y avait la possibilité de siéger en qualitéde représentant syndical au CE, mais depuis la réformede la représentativité, ce n’est plus possible. Le nouvelaccord national interprofessionnel (ANI du 11 janvier2013) agrandit une autre brèche que la loi risque deconforter : la possibilité pour l’employeur d’attendre unan et trois mois pour mettre en place un CE lorsque leseuil des 50 salariés est franchi. Ainsi, une société demoins de 50 salariés qui absorbe une entreprise pourraattendre avant d’avoir un CE et les salariés attendreavant de bénéficier d’activités sociales et culturellescomme d’un droit collectif à l’information et à la consul-tation. Les mauvaises langues diront que cela couvrecomme par hasard le temps de la renégociationdes accords et permet à l’employeur de ne pas avoird’interlocuteurs, ou de les avoir choisis préalablement.

Quel taux pour le budget des activités sociales ? Le devenir des budgets des CE lors d’opérations de res-tructuration tient à cœur aux salariés et aux élus lors dutransfert dans une entreprise où le taux du budget desASC tombe par exemple de 1,5 % à 0,4 %. Il est clair quele futur CE ne pourra pas répondre aussi facilement auxdemandes des salariés et que la variété des prestationsrisque d’être moindre.Dans le cas d’un transfert à la suite d’unefusion/absorption, le taux de contribution de l’entre-prise d’accueil s’imposera. Dans le cas d’une sociéténouvellement créée, l’employeur pourra être tenté

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46 Mars-Avril 2013 SocialCE n°63

Nous avons la chance

d’avoir vécu une

fusion plutôt posi-

tive dans la mesure

où elle s’inscrit

dans le développe-

ment de l’entreprise

et où plusieurs dizaines d’emplois ont

été créés, mais cela ne veut pas dire que

nous n’avons pas été complètement

mobilisés », poursuit-il en expliquant

qu’il a fallu pendant un an et demi gérer

la renégociation du statut collectif pour

les cinq structures rassemblées désor-

mais sous le nom de Grand Vision

France. « Avec un CE unique, je suis

passé de la gestion d’un CE de PME loca-

le à un comité d’entreprise employeur,

avec trois salariés au siège pour l’admi-

nistration du CE et pour pouvoir offrir un

bon service aux salariés. Notre bureau

de quatre titulaires - secrétaire, trésorier

et leurs adjoints - pilote cette grosse

machine à partir des décisions collégia-

les du CE. Il ne faut pas perdre de vue

l’importance d’une gestion collective,

même si les sensibilités syndicales peu-

vent parfois diverger. La fusion s’est

faite par étapes, puisque trois sociétés

ont été réunies avant de rejoindre les

deux autres. Les informations, consulta-

tions et négociations nous accaparaient,

et réunir des populations avec des his-

toires différentes n’est jamais simple.

J’ai toutefois le sentiment que nous

avons eu un dialogue constructif avec la

direction et que les salariés n’ont pas

souffert d’un affaiblissement de nos

activités sociales et culturelles sur cette

période. Un taux de contribution de

l’employeur a été défini, correspondant

à une moyenne des pratiques de chaque

CE. Au global, notre puissance d’achat a

progressé, mais ce n’est pas une harmo-

nisation par le haut. Dès lors, pour

conserver toutes les activités, des arbi-

trages sont nécessaires, comme revoir

à la baisse la valeur faciale des bons

d’achat ou le montant d’une participation,

mais nous espérons que ce n’est que

momentané. En effet, nous argumen-

tons en présentant nos prévisionnels et

projets d’activité pour que l’employeur

soit convaincu que nous apportons du

lien et du sens dans l’entreprise et qu’il

peut aussi y trouver un bénéfice. C’est

d’ailleurs ce qui le motive pour contribuer

ponctuellement à quelques manifes-

tations que nous maintenons en local. Le

bon d’achat est pratique pour les 500

points de vente, mais sur le site logis-

tique nous sommes attachés entre collè-

gues à la fête de Noël et à la remise de

jouets aux enfants.

C’est un moment de

partage que nous

voulons conserver.»

En termes de fonc-

tionnement, devenir

employeur, même

collectivement, est

une responsabilité

nouvelle pour Yannick,

qui explique combien ses mandats le

passionnent. Mais comme pour beau-

coup d’élus, les heures de délégation ne

lui suffisent pas pour remplir ses mis-

sions de représentant du personnel. « Je

tiens à conserver un lien avec le terrain,

les collègues, le travail. Hier j’avais 20

heures de délégation, aujourd’hui un

peu plus de 100, mais cette double acti-

vité permet aussi de rester ancré dans la

réalité quotidienne de l’activité. Bien

sûr, comme beaucoup d’élus, nous man-

geons sur nos temps libres pour le col-

lectif, mais ce bénévolat est épanouis-

sant à titre personnel. Un élu de CE n’at-

tend pas spécialement de remercie-

ments, mais quand le taux

de participation aux élec-

tions sur votre site avoisine

les 100 %, vous vous dites

que les salariés identifient le

CE et sont globalement

satisfaits. »

Quand on lui demande ce

qu’il souhaite améliorer,

Yannick ne se satisfait pas de

l’existant et va de l’avant : « Tous les

salariés n’ont pas accès à Internet de

leur poste de travail ou de chez eux.

Selon qu’on est équipés ou non, du

siège, en magasin ou sur un site où des

élus sont présents, la communication

doit être adaptée. Bien que nous soyons

aujourd’hui dans une grosse structure,

nous tenons à garder cette proximité

avec les salariés et préserver une touche

locale tout en leur proposant une offre

nationale d’activités. »

« Garder une proximité avec les salariés »« Passer de 150 salariés à près de 4 000 et de la gestion de quelquesdizaines de milliers d’euros à plusieurs centaines, c’est entrer dans uneautre dimension », reconnaît Yannick Nourrisson, malgré son expé-rience de huit ans de mandats tant de titulaire CE Grand VisionFrance que de délégué du personnel et membre du Chsct.

TÉMOIGNAGE

«Des questions ''politiques'' se posent quand des transferts de compétences ont pour effet de changer les majorités syndicales. »

Yannick Nourrisson,

élu du CE Grand Vision France

«Hier j'avais 20 heures de délégation,aujourd'hui j'ai un peu plus de 100 heures. »

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d’imposer un taux plutôt faible s’appuyant sur l’absenced’antériorité, qui ne permet pas de retenir la formule duCode du travail : appliquer le taux correspondant aumontant le plus élevé dépensé aux cours des troisannées précédentes, rapporté à la masse salariale.

Une jurisprudence mérite toutefois d’être signalée,même si elle date déjà de quelques années, remontantau 30 novembre 2004. Pourvue de plusieurs comitésd’établissement, la société Kodak-Pathé s’était dotée en1987 d’un accord fixant un taux de 1,026 % de la massesalariale pour la contribution patronale aux activitéssociales. D’après l’accord, ce taux pouvait être inégale-ment réparti entre les établissements, ce qui avait favo-risé le comité de Châlon-sur-Saône, qui bénéficia de1995 à 1997 d’un taux compris entre 1,25 et 1,37 %.À la suite d’une scissionen 1997, une nouvellesociété Kodak Industrieest créée et reprend lesactivités de Châlon-sur-Saône. Les salariés sonttransférés et la nouvellesociété se dote d’un comitéd’entreprise (à la place ducomité d’établissement),tandis que l’accord de1987 est remis en causedu fait du transfert. Après une tentative échouée derenégociation et au terme du délai de survie de 15 moisimposé par la loi dans ces situations, la direction deKodak Industrie considère ne plus avoir d’obligations,et décide unilatéralement d’appliquer un taux de1,02 %, contesté par le CE. L’affaire est complexe. Ladirection se réfugie derrière la stricte application del’article L. 2261-14 (ex L. 132-8) qui prévoit, passés lesdélais de survie des accords, que l’employeur n’a d’autreobligation que celle qu’il consent, sauf avantagesindividuels acquis dont ne relèvent pas les dotationspatronales. Le CE dispose aussi d’arguments et invoquedonc que la contribution patronale ne peut être infé-rieure au total le plus élevé des dépenses sociales destrois années précédant la prise en charge des activitéspar le CE, et l’article R. 432-11 du Code du travail(devenu R. 2323-35), qui est sans référence au momentde la prise en charge des activités et que les juges appli-quent régulièrement en cas de dénonciation d’un usageou engagement unilatéral portant sur la contributionpatronale. Finalement, et en dépit du refus de la courd’appel de donner droit aux prétentions du CE, fondésur l’impossibilité pour un CE nouvellement créé de seprévaloir d’années antérieures, la Cour de cassationretient l’article R. 432-11 et fait abstraction de l’origineconventionnelle de l’avantage. Elle conclut que peuimporte l’extinction de l’accord de 1987 ou que le CEsoit « nouveau », la contribution patronale doit êtremaintenue sur la base du total le plus élevé des sommesaffectées aux activités sociales des trois dernièresannées. Cet arrêt rare est particulièrement protecteurpour les CE victimes des restructurations. À conserveret à ressortir en cas de besoin : les budgets du CE nesont pas toujours solubles dans les restructurations !

Que deviennent les budgets quand le CE disparaît ?Lorsque l’entreprise ferme ou disparaît, il en sera demême du comité d’entreprise, si bien qu’il faut organiserla liquidation des biens du CE. L’article R. 2323-39du Code du travail envisage cette situation, puisqu’il

réunion plénière et est contrôlée par la Direccte.Concrètement, le CE devra faire le point sur sescomptes, encaisser ce qui lui est dû et régler les fac-tures de ses fournisseurs. Malgré sa proche dispari-tion, il sera donc amené à demander à l’employeurle reliquat de ses budgets, calculés sur la base de ladate de fermeture envisagée. Il convient aussi derésilier les contrats en cours. Certains CE se sontdemandé si une distinction pouvait s’opérer entreun bien matériel - tel un véhicule ou un apparte-ment de vacances - et les budgets du CE, avec l’in-tention de dépenser le solde au profit d’activitéssociales à destination de leur collectivité de travail,c’est-à-dire les salariés avant le transfert. La réponseest claire, et la solution existe : tout d’abord, lesbudgets du CE entrent bien dans la définition de sesbiens et ils devront donc faire l’objet d’une dévolu-tion. Ensuite, rien ne s’oppose à l’organisation d’unefestivité ou à la réalisation d’actions sociales avant

le transfert, car le CE reste pleinement investi de samission jusqu’à la date de sa disparition. Dans lesfaits, il n’est donc pas rare que les caisses soientquasiment vides à l’extinction du CE, et ce n’est pasnécessairement choquant puisque le budget verséau titre des activités sociales et culturelles a voca-tion à être utilisé prioritairement au bénéfice dessalariés présents. Le transfert d’un encours élevé sejustifiera en revanche lorsque le CE « prenant » s’estengagé à poursuivre les activités sociales et cultu-relles engagées pour les salariés transférés ou à leurouvrir le bénéfice de toutes les activités existantesdans leur CE sans aucune carence. Car c’est là uneautre problématique que celle du CE qui voit arriverun afflux de salariés auquel son budget initial nepeut faire face. Quant au budget de fonctionnement,le reliquat ira au CE de l’entreprise absorbante oufera l’objet d’un don, mais il n’est pas rare que lesuivi d’une restructuration ait motivé des dépensesplus importantes qu’à l’ordinaire et égalementgrevé les éventuelles réserves du CE.

Pas assez riche pour répondreaux arrivants ?Les budgets du CE sont assis sur la masse salarialede l’entreprise, si bien que ce n’est qu’à la date d’ar-rivée des salariés transférés que le CE va commencerà recevoir la dotation permettant de faire face àl’afflux de bénéficiaires. Pas évident d’ouvrir immé-diatement l’accès à des activités fortement subven-tionnées sans mettre à mal les finances du CE !Imaginez de devoir passer une commande supplé-mentaire de plusieurs centaines de bons d’achat oude financer des chèques vacances ! Il sera toujourspossible de tenter d’obtenir de l’employeur uneavance sur la subvention, d’autant que si l’entreprisepeut étaler ses versements au CE, les budgets du CEsont annuels et peuvent aussi lui être versés en tota-

lité dès le début d’année.N’hésitez donc pas à réclamervos moyens de faire face à lanouvelle configuration del’entreprise.Il n’est pas exclu que voussoyez aussi confrontés à dessalariés exigeants, car habituésà des prestations que votreCE n’a pas retenues par choixou faute de moyens. ChaqueCE développe sa politique

sociale, et le vôtre n’est probablement pas à l’iden-tique de celui qui les servait avant. Le message nesera pas aisé, mais nécessaire et, souhaitons-le,salutaire. Les salariés doivent en effet entendre queles modifications juridiques de l’entreprise n’ontpas été décidées par le CE et que vous allez aussidevoir adapter vos pratiques dans la durée. Il estcertain qu’être confrontés à une structure de popu-lation différente, avec par exemple plus de couplesavec jeunes enfants, ou à l’inverse une proportionimportante de célibataires, de revenus et d’attentesdifférents, comme à une dispersion des salariés surle territoire si d’un site unique vous passez à unréseau d’agences, change sérieusement la donne.Bref, un vrai casse-tête auquel les élus ne sont paspréparés. Alors premières questions : faut-il revoirle budget prévisionnel du CE, les prestations envisa-gées, les règles d’attribution ou d’accès aux activitéssociales et culturelles ?

considère que les biens ne peuvent pas être répartisentre les membres du personnel, et bien évidemmentpas davantage entre les membres du CE. C’est toutefoisle CE lui-même qui a la charge de cette liquidation. LeCode du travail prévoit deux possibilités. La première,toute logique, invite à doter le CE de l’entreprise quiaccueille tout ou partie des salariés transférés. Ainsi, encas de fusion, il est légitime que le CE de l’entrepriseabsorbée qui disparaît transmette ses biens au CE del’entreprise absorbante, lorsqu’il existe. La jurisprudenceprécise qu’en cas de fermeture d’un établissement ausein d’une même entreprise, les biens du comité d’éta-blissement doivent être obligatoirement affectés aucomité de l’établissement vers lequel les salariés sonttransférés. Hors cette situation, la seconde voie proposéepar le législateur est de faire des dons à des institutionssociales d’intérêt général, Restos du Cœur ou HandicapInternational par exemple, proposés le cas échant parles salariés. Cette dévolution des biens intervient en

« Lorsque l'entreprise fermeou disparaît, il en sera de mêmedu CE ; il faut alors organiser la liquidation de ses biens. »

« Les salariés doivent savoir que la restructurationn'a pas été décidéepar le CE et qu'ildevra changer ses pratiques.»