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31 pratique prévention Actualités pharmaceutiques n° 476 Juillet-Août 2008 Avec l’engouement pour les destinations lointaines, de nouvelles symptomatologies, comme l’insuffisance veinolymphatique, se sont développées. La contention, associée à des mesures préventives, permet aujourd’hui aux patients les plus à risque de fréquenter les vols moyen- et long- courriers en toute sécurité. L ongtemps dénommée “syndrome de la classe économique”, la patho- logie thromboveineuse due au voyage aérien ne doit pas être sous-esti- mée. En effet, nombreux sont les passagers qui présentent des œdèmes et des douleurs au niveau des chevilles et des jambes au cours d’un vol de longue durée 1 . Des acci- dents thrombo-emboliques de type throm- bose veineuse profonde, embolie pulmo- naire, hémiplégie, voire même des décès ont ainsi été rapportés dans la littérature médicale. Il est classiquement admis que le port d’une contention permet de prévenir, au moins en partie, ces troubles qui peu- vent être gravissimes. Une pathologie très fréquente Une femme sur deux et un homme sur cinq présenteraient une pathologie des membres inférieurs – jambes lourdes, chevilles gonflées, varices – à l’origine d’un dysfonctionnement du retour du sang veineux. Plusieurs études épidémiologiques 2 , réalisées en particulier au niveau de l’aéroport de Londres, ont mis en évidence une proportion non négligeable d’embolies pulmonaires parmi les causes de décès survenus lors d’un voyage aérien. Une autre étude 3 a montré que les personnes venant de faire un voyage avaient plus de ris- que de déclencher une thrombose veineuse que des témoins restés à terre. En 2001, une étude contrôlée randomi- sée 4 , concernant 231 passagers volontai- res âgés de plus de 50 ans (89 hommes et 142 femmes), effectuant un vol aérien de plus de 8 heures (24 heures en moyenne), sans antécédents thrombo-emboliques ni pathologie majeure, a montré que le port de bas de contention de classe I durant toute la durée du trajet permettait de prévenir en grande partie les douleurs et œdèmes observés chez les personnes ne portant pas de contention. Par ailleurs, une étude récente 5 a claire- ment montré que l’immobilité prolongée ne peut suffire à expliquer le lien entre les tra- jets aériens et l’augmentation du risque de thrombose veineuse. Des conditions associées aux voyages en avion telles que l’hypoxie hypobarique, liée à la dépressurisation de la cabine, l’anxiété, la déshydratation due à la circulation d’un air conditionné très sec, les changements de température, la qualité de l’air, les vibrations, le bruit, les accélérations et les radiations électromagnétiques pourraient intervenir. Qu’est-ce que l’insuffisance veineuse ? Au niveau des membres inférieurs, il existe deux réseaux de veines, les veines profondes et les veines superficielles, très nombreuses. Dans l’insuffisance veineuse, ce sont ces der- nières qui sont atteintes. En effet, si le réseau profond est relativement bien protégé grâce Quelle contention veineuse choisir pour les voyages ? - Mesures simples de prévention à prendre avant et/ou pendant un voyage aérien © Phanie/Béranger

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prévention

Actualités pharmaceutiques n° 476 Juillet-Août 2008

Avec l’engouement

pour les destinations

lointaines, de nouvelles

symptomatologies,

comme l’insuffisance

veinolymphatique, se sont

développées. La contention,

associée à des mesures

préventives, permet

aujourd’hui aux patients

les plus à risque de fréquenter

les vols moyen- et long-

courriers en toute sécurité.

Longtemps dénommée “syndrome de la classe économique”, la patho-logie thromboveineuse due au

voyage aérien ne doit pas être sous-esti-mée. En effet, nombreux sont les passagers qui présentent des œdèmes et des douleurs au niveau des chevilles et des jambes au cours d’un vol de longue durée1. Des acci-dents thrombo-emboliques de type throm-bose veineuse profonde, embolie pulmo-naire, hémiplégie, voire même des décès ont ainsi été rapportés dans la littérature médicale. Il est classiquement admis que le port d’une contention permet de prévenir, au moins en partie, ces troubles qui peu-vent être gravissimes.

Une pathologie très fréquenteUne femme sur deux et un homme sur cinq présenteraient une pathologie des membres inférieurs – jambes lourdes, chevilles gonflées, varices – à l’origine d’un dysfonctionnement du retour du sang veineux. Plusieurs études épidémiologiques2, réalisées en particulier au niveau de l’aéroport de Londres, ont mis en évidence une proportion non négligeable d’embolies pulmonaires parmi les causes de décès survenus lors d’un voyage aérien. Une autre étude3 a montré que les personnes venant de faire un voyage avaient plus de ris-que de déclencher une thrombose veineuse que des témoins restés à terre.

En 2001, une étude contrôlée randomi-sée4, concernant 231 passagers volontai-res âgés de plus de 50 ans (89 hommes et 142 femmes), effectuant un vol aérien de plus de 8 heures (24 heures en moyenne), sans antécédents thrombo-emboliques ni pathologie majeure, a montré que le port de bas de contention de classe I durant toute la durée du trajet permettait de prévenir en grande partie les douleurs et œdèmes observés chez les personnes ne portant pas de contention. Par ailleurs, une étude récente5 a claire-ment montré que l’immobilité prolongée ne peut suffire à expliquer le lien entre les tra-jets aériens et l’augmentation du risque de thrombose veineuse. Des conditions associées aux voyages en avion telles que l’hypoxie hypobarique, liée à la dépressurisation de la cabine, l’anxiété, la déshydratation due à la circulation d’un air conditionné très sec, les changements de température, la qualité de l’air, les vibrations, le bruit, les accélérations et les radiations électromagnétiques pourraient intervenir.

Qu’est-ce que l’insuffisance veineuse ?Au niveau des membres inférieurs, il existe deux réseaux de veines, les veines profondes et les veines superficielles, très nombreuses. Dans l’insuffisance veineuse, ce sont ces der-nières qui sont atteintes. En effet, si le réseau profond est relativement bien protégé grâce

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Mesures simples de prévention à prendre

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aux muscles des jambes, ce n’est pas le cas du vaste réseau superficiel qui présente plus de difficultés pour ramener le sang vers le cœur, en luttant contre les effets de la pesanteur.La maladie veineuse se manifeste, au stade initial, par des douleurs, des lourdeurs des jambes, des picotements, des varicosités (ou télangiectasies) ou des varices. Elle peut ensuite évoluer vers des troubles trophi-ques comme des œdèmes des chevilles, une inflammation locale de type dermite ou hypodermite et, plus rarement, des ulcères variqueux.

Quels sont les principaux facteurs de risques ?Les principaux facteurs de risque de la maladie trombo-embolique sont l’héré-dité, les troubles endocriniens, le surpoids, une alimentation déséquilibrée, l’alcool, le tabac, la sédentarité, des traumatismes, le port de vêtements trop serrés et de talons hauts, les bains trop chauds, les expo-

sitions au soleil, les stations debout ou assise prolongées, l’orthostatisme profes-sionnel, la contraception orale et, enfin, la grossesse.

Quel est l’effet de la contention ?Le traitement de base de la maladie vei-neuse est assuré par la contention ou compression élastique. Le principe de la contention veineuse est d’exercer sur la paroi une pression dégres-sive de la cheville jusqu’à l’aine qui va chasser le sang des veines superficielles vers les veines profondes. Ainsi, la conten-tion s’oppose à la dilatation des veines qui favorise la stase du sang à l’origine des symptômes. Elle permet donc de rétablir la circulation de retour, de diminuer le reflux et le volume de liquide extracellulaire, et d’augmenter le débit sanguin en renforçant l’efficacité de la pompe musculaire. Cela permet de faire régresser l’œdème et de soulager les symptômes.Les dispositifs de contention, bas, collants et chaussettes, sont aujourd’hui très sophis-tiqués, esthétiques, adaptés à chaque mor-phologie et répondent à des normes très précises. Ils doivent assurer un maintien efficace et dégressif de la jambe en tenant compte des variations de diamètre du membre. Ainsi, la compression est-elle maximale au niveau de la cheville, moyenne à la hauteur du genou et légère sur le haut de la cuisse. Le talon doit être fermé pour comprimer les régions malléolaires. Le bout du pied peut, quant à lui, être ouvert lorsqu’il s’agit de contention forte.

Il existe quatre types de contention en fonction de la pression exercée (tableau 1), le choix de la compression dépendant de la nature de la pathologie à traiter, qu’elle soit d’origine vei-neuse ou lymphatique. L’unité de référence est le denier et les produits les plus utilisés sont compris entre 40 et 70 deniers (plus le chiffre est important, moins le maillage est élastique). Une contention de 140 deniers est adaptée à une personne ayant des vari-ces débutantes et devant faire un voyage assez long.

La prise de mesureIl existe, en matière de contention, une grande diversité de modèles et de cou-leurs. Le pharmacien doit orienter le choix du patient et proposer un article adapté à son problème veineux, ses mensurations et son goût. Il est très important qu’une prise de mesure précise soit réalisée à la pharma-cie. En effet, une contention trop faible ne serait pas efficace et, à l’inverse, une compression trop forte pourrait engendrer un effet garrot au niveau de la cuisse ou

Type Force

Confort < 10 mmHg Voyages en avion, train ou voiture pendant lesquels les membres inférieurs sont immobilisés, lourdeur et fatigue des jambes de personnes simplement exposées à des facteurs de risque.

Classe 1 10 à 15 mmHg Lourdeur de jambes, varices débutantes, varicosités, insuffisance veineuse légère, insuffisance veineuse fonctionnelle, voyages de longue durée, profes-sions à risque.

Classe 2 16 à 20 mmHg Varices constituées avec ou sans complications, varices de la grossesse, insuffisance veineuse chronique modérée après sclérothérapie, stripping, der-mites débutantes, prévention des thromboses veineuses profondes, œdèmes nocturnes, eczémas variqueux, dermites anciennes et postopératoires, voyages de longue durée.

Classe 3 21 à 36 mmHg Lymphœdèmes, varices constituées avec ou sans complications, thrombose veineuse profonde (prévention et traitement), troubles trophiques, insuffisance veineuse chronique sévère, eczémas variqueux, phlébites.

Classe 4 > 36 mmHg Ulcères de jambe, lymphœdèmes, insuffisance veineuse chronique sévère, dermites anciennes.

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Les produits sur le marché

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prévention

Actualités pharmaceutiques n° 476 Juillet-Août 2008

du genou. Les mesures (tour de cheville, de mollet...) doivent être prises au repos lorsqu’il n’existe pas d’œdème, de façon à délivrer le produit le mieux ajusté à la mor-phologie des membres. En pratique, il est préférable de réaliser les mesures en début de matinée, le patient se tenant en position debout. Un essayage réalisé ultérieurement permet de confirmer le choix. Concernant l’enfilage, une démonstration à l’officine est conseillée.

La mise en place de la contentionPour mettre correctement des bas, des col-lants ou des chaussettes, certains conseils doivent être donnés au patient :– bien sécher le pied et la jambe s’ils sont humides ;– poser un pansement protecteur en cas de lésions cutanées ;– ne pas appliquer de pommade ou de corps gras sur les jambes pour ne pas altérer les qualités du produit ;– protéger, si possible, les articles de conten-tion d’une transpiration excessive ;– ne pas oublier d’enlever ses bagues et faire attention aux ongles longs qui pourraient filer le produit ;– utiliser éventuellement des gants en caoutchouc ;– talquer le pied ;– après l’avoir retournée, commencer par bien disposer la chaussette (le bas ou le col-lant) au niveau de la zone du coup de pied, avant de la faire remonter par étape le long du mollet (puis de la cuisse s’il s’agit d’un bas ou d’un collant), sans tirer par le haut. Cela permet de bien répartir la compression sur tout le membre ;– utiliser, en cas de surpoids ou de handicap, des dispositifs d’aide à l’enfilage.

Les différents types de basLe tissu, réalisé avec un fil élastique fait de gomme naturelle (élastodienne) ou de gomme synthétique (élastanne) associée à du nylon ou du coton, doit être aéré. Les bas devant être portés dans des régions chau-des seront choisis en coton pour permettre la thermorégulation. Plusieurs présentations sont disponibles.

Les bas jarret (chaussettes) arrivent en dessous du genou. Ils sont utilisés en cas

d’affections variqueuses du mollet ou de lymphœdèmes des chevilles.

Les bas cuisse s’arrêtent à mi-cuisse. Ils peuvent être munis d’un système antiglisse qui évite le port de jarretelles, de ceinture ou de colle spéciale pour bas. Ils sont décon-seillés quand la gêne atteint tout le membre inférieur.

Les collants, destinés aux femmes comme aux hommes, permettent d’assu-rer la contention des veines du haut de la cuisse. De forte contention, ils sont plus difficiles à enfiler.

Les hémi-collants, modèle uni-jambe, sont très pratiques lorsqu’un seul membre est atteint.

Les bandes doivent être posées avec soin. Elles sont déconseillées chez les per-sonnes actives.

Les chaussettes, bas ou collants de maintien, en voile élastique, très esthéti-ques, contribuent à une contention légère et progressive, de la cheville à la cuisse, et assurent un massage doux et permanent au cours de la journée. Un tricotage spécifique leur confère une efficacité parfois proche de celle d’une compression de classe I, mais ce type de contention n’est pas objectivé par la mesure de la pression à la cheville, et elle n’exerce sa force que lorsque le muscle se contracte (sa pression de repos est nulle).Ces articles constituent une excellente préven-tion et apportent une solution efficace aux pro-blèmes de jambes lourdes ainsi qu’aux problè-mes veineux, survenant lors des voyages.

Conseils d’entretien des basIl est conseillé de laver les bas à l’eau froide et au savon (en paillettes ou de Marseille). Le lavage à la machine est cependant pos-sible si les recommandations du fabricant (maximum 40 °C) sont respectées. Des pro-duits de lavage spécifiques ont même été développés pour préserver la qualité des bas de contention (les lessives synthétiques, les adoucissants, la térébenthine, les produits acides ou javellisés endommagent les fils élastiques).Quel que soit le mode de lavage, le rinçage doit être abondant. Il est conseillé d’esso-rer les articles dans une serviette éponge (ne jamais les tordre). Le séchage s’effec-tue à plat, loin de toute source de chaleur. Le repassage est totalement proscrit.

Quelles sont les contre-indications de la contention ?Même s’il existe peu de contre-indications, il convient d’être prudent en cas d’artério-pathie des membres inférieurs, de micro-angiopathie diabétique évoluée, d’insuffi-sance cardiaque décompensée, d’eczéma aigu, d’érysipèle et de lymphangite. �

Sébastien Faure

Maître de conférences des Universités,

Faculté de pharmacie, Angers (49)

[email protected]

Références

1. Emmerich J. Le syndrome de la classe économi-

que : mythe ou réalité et quelle prévention ? Rev Med

Int 2001 ; 22 : 425-7.

2. Hirsh J et al. Venous thromboembolism after long

flights: are airlines to blame? Lancet 2001; 357:

1461-2.

3. Geroulakos G. The risk of venous thromboembo-

lism from air travel. Br Med J 2001; 322: 188-9.

4. Scurr JH et al. Frequency and prevention of symp-

tomless deep-vein thrombosis in long-haul flights:

a randomised trial. Lancet 2001; 357: 1485-9.

5. Schreijer AJ et al. Activation of coagulation system

during air travel: a crossover study. Lancet 2006; 367:

832-8.

Les veinotoniques

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Chrysantellum americanum

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