6

Click here to load reader

Quelle utilisation de la progestérone pour prévenir la prématurité ?

  • Upload
    g

  • View
    214

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Quelle utilisation de la progestérone pour prévenir la prématurité ?

POINT DE VUE D’EXPERT

Quelle utilisation de la progestérone pour prévenir laprématurité ?

What use of progesterone to prevent preterm birth?H. Legardeur a,*, L. Mandelbrot a, G. Kayem a,b

a Service de gynécologie-obstétrique, université Paris-Diderot, hôpital Louis-Mourier, AP–HP, 178, rue des Renouillers,92700 Colombes, Franceb Inserm U953, unité de recherche épidémiologique en santé périnatale et en santé des femmes et des enfants,maternité Port-Royal, 53, avenue de l’Observatoire, 75005 Paris, France

Reçu le 30 avril 2013 ; accepté le 21 mai 2013Disponible sur Internet le 19 juillet 2013

Résumé

Largement prescrite dans les années 1970 à 1980 afin de prolonger la durée de la grossesse, la progestérone trouve unregain d’intérêt depuis une dizaine d’années après la publication de plusieurs essais randomisés. Chez les patientes ayant unantécédent d’accouchement prématuré ou de fausse couche tardive, l’utilisation de progestérone, notamment par voieintramusculaire semble bénéfique pour prolonger la durée de la grossesse. En revanche, dans la menace d’accouchementprématuré symptomatique ou en cas de grossesse gémellaire, l’utilisation de progestérone ne semble pas prolonger lagrossesse. En cas de découverte fortuite d’un col court à l’échographie du deuxième trimestre chez des patientesasymptomatiques, les résultats discordants des études ne permettent pas de conclure clairement sur l’utilité de laprogestérone et nécessitent des travaux complémentaires.� 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Widely prescribed in the years 1970–1980 to prolong gestation, progesterone has regained interest after the publication ofrandomized trials since 10 years. In women at increased risk of preterm birth with a history of preterm delivery or latemiscarriage, the use of progesterone, especially intramuscularly may reduce the incidence of spontaneous preterm birth. Incontrast, in cases of preterm labor or twin pregnancies, progesterone efficacy to reduce preterm birth has not beendemonstrated. In women with asymptomatic midtrimester sonographic short cervix, randomized studies show conflictingresults and new studies are necessary before its widespread utilisation.� 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Mots clés : Progestérone ; Menace d’accouchement prématuré ; Antécédent d’accouchement prématuré ; Grossesse gémellaire ; Col court

Keywords: Progesterone; Preterm labor; Preterm delivery history; Twin pregnancy; Short cervix

Gynécologie Obstétrique & Fertilité 41 (2013) 459–464

1. INTRODUCTION

Il y a près de 60 ans, Csapo et al. avançaient la théorie de la« bascule » [1] : la présence de taux élevés de progestérone

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (H. Legardeur).

1297-9589/$ see front matter � 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves

http://dx.doi.org/10.1016/j.gyobfe.2013.05.006

permettrait de prévenir les contractions utérines tandis que laprésence de faibles taux de progestérone faciliterait lescontractions utérines. Il s’agit là d’une des raisons ayantinitialement motivé le recours à la progestérone en début degrossesse et l’utilisation du RU486, un antagoniste de laprogestérone, pour provoquer l’avortement. De nombreusesétudes existent sur l’utilisation de la progestérone en cas detravail prématuré et dans la prévention de l’accouchement

.

Page 2: Quelle utilisation de la progestérone pour prévenir la prématurité ?

H. Legardeur et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 41 (2013) 459–464460

prématuré. Apparemment inefficace en traitement curatif de lamenace d’accouchement prématuré, plusieurs essais rando-misés semblent montrer un bénéfice de la progestérone dansdes situations à risque élevé d’accouchement prématuré, parexemple en cas d’antécédent d’accouchement prématuré ou defausses couches tardives [2–5]. D’autres situations à risquecomme les grossesses multiples ou la découverte fortuite àl’échographie d’un col court ont également été évaluées. Nousdétaillerons successivement les différentes situations.

La progestérone a été étudiée sur plusieurs types depopulations définies par leur niveau de risque de prématurité :� la population générale qui comprend l’ensemble de la

population (bas risque et haut risque asymptomatique) ;� les patientes symptomatiques présentant une menace

d’accouchement prématuré clinique avec des contractionsutérines régulières ;� les patientes à « haut risque » : les patientes asymptomatiques

ayant un antécédent d’accouchement prématuré, de faussecouche tardive, les grossesses gémellaires, les patientes ayantun antécédent de conisation ;� les patientes à « bas risque » : les patientes asymptomatiques,

primipares ou multipare sans antécédents particulier associéà un sur-risque d’accouchement prématuré.

2. BASES PHYSIOPATHOLOGIQUES

La théorie de « la levée du bloc progestéronique » a souventété avancée pour expliquer la mise en travail, ce qui laissaitpenser que la progestérone pouvait avoir une action dans lemaintien de la grossesse. La physiopathologie exacte n’est pasélucidée mais des théories cellulaires, hormonales et immu-nitaires sont désormais décrites. En effet, la contraction utérinedépend de cellules musculaires liées entre elles par desjonctions de type gap constituées de connexines, notamment laconnexine 43, et cette contraction musculaire est aussidépendante de récepteurs à l’ocytocine. La progestéroneagirait en stimulant un groupe de gènes, les zinc finger-E-bindinghomeobox protein (ZEB 1 et 2) qui inhibent l’expression de laconnexine 43 et l’expression des récepteurs à l’ocytocine, cequi diminue la contractilité myométriale [6]. Par ailleurs, laprogestérone a une action sur la production de la corticotropinreleasing hormone (CRH), qui a une action directe sur lacontraction myométriale mais qui a aussi une action indirecteen faisant participer le fœtus au déclenchement du travail via laproduction d’hormones de stress [7]. Enfin, sur le planimmunologique, la progestérone favorise le système lympho-cytaire TH2 avec la production d’interleukines IL2.4 et 10 et eninhibant la production de cytokines pro-inflammatoires. Cephénomène a également comme action de diminuer lacontractilité utérine.

3. PROGESTÉRONE ET TRAVAIL PRÉMATURÉ

Les premières études cliniques dans les années 1970 à1980 ont montré une diminution du taux de prématurité en casd’utilisation de la progestérone chez les patientes ayant unantécédent d’accouchement prématuré. Suivant ces premiers

résultats, la progestérone a été largement prescrite, notam-ment chez des patientes ayant une menace d’accouchementprématuré afin de réduire ce risque. Malheureusement,plusieurs effets secondaires à type d’hépatites médicamenteu-ses ont été décrits et surtout, plusieurs études ont démontrél’absence d’efficacité de la progestérone dans cette indication[8,9]. Seule une étude randomisée récente montre unediminution de la vitesse de raccourcissement du col à j5 et àj21 chez les patientes symptomatiques ayant un col court etétant traitées par progestérone [10]. Mais l’intérêt semblelimité car, malgré la diminution de la vitesse de raccourcisse-ment du col, il n’y a pas de différence significative sur le tauxd’accouchement prématuré avant 35 semaines d’aménorrhée(SA). Plus récemment, un essai randomisé multicentrique aconfirmé ces données [11]. Les patientes ayant une menaced’accouchement prématuré symptomatique ont été randomi-sées en deux groupes : un groupe traité par tocolytique seul etun groupe traité par tocolytique et 17 alpha-hydroxyproges-térone. Le temps entre la randomisation et l’accouchementétait le même dans les deux groupes et aucune différencesignificative sur le taux d’accouchement prématuré avant 32,34 ou 37 SA n’a été observée.

En conclusion, la prescription de progestérone ne semblepas prolonger la durée de la grossesse au décours d’unemenace d’accouchement prématuré symptomatique.

4. UTILISATION DE LA PROGESTÉRONE CHEZLES PATIENTES AYANT UN ANTÉCÉDENTD’ACCOUCHEMENT PRÉMATURÉ

De nombreux essais randomisés montrent un probable effetde la progestérone pour la prévention de l’AP chez les patientesayant un antécédent d’AP, quelle que soient la voie d’adminis-tration (intramusculaire, voie vaginale, orale) et le dosage [2–5](Tableau 1).

Les résultats des différents essais ayant évalué la proges-térone par voie vaginale sont discordants. Da Fonseca et al. ontcomparé l’administration de 100 mg de progestérone par voievaginale versus placebo entre 24 et 34 SA [3]. Cent quarante-deux patientes avec un antécédent d’AP ont été randomiséesau Brésil. Le taux d’accouchement avant 34 SA est significa-tivement moins important chez les patientes ayant bénéficié dela progestérone (2,7 % versus 18,5 % dans le groupe placebo). Ila également été noté une diminution significative de l’activitéutérine dans le groupe progestérone. Ces résultats sontcomparables à ceux de Cetingoz et al., publiés en 2011, qui ontévalué le même dosage de progestérone par voie vaginale avecun effectif semblable en Turquie [2]. Le taux d’accouchementprématuré avant 37 SA est significativement diminué chez lespatientes ayant bénéficié de la progestérone (40 % versus57,2 % dans le groupe placebo). À l’inverse, O’Brien et al., surun effectif beaucoup plus important de femmes aux États-Unis,ne trouvent pas de bénéfice de la progestérone (gel de 90 mg)par voie vaginale [12]. Six cent cinquante-neuf patientes ont étérandomisées. Aucune différence significative n’a été retrouvéesur le taux d’accouchement prématuré avant 32 SA. Les

Page 3: Quelle utilisation de la progestérone pour prévenir la prématurité ?

Tableau 1Essais randomisés étudiant l’effet de la progestérone sur le risque d’AP en cas d’antécédent d’AP.

Auteur Population Progestérone Critère de jugement Progestérone Placebo

Da Fonseca 2003 [3] 72 vs 70 Naturelle intravaginale 100 mg/j AP < 34 SA 2,7 % 18,5 % p = 0,002a

Meis 2003 [4] 310 vs 153 17 OHP IM250 mg/sem

AP < 37 SA 36,3 % 54,9 % RR = 0,66a

[0,54–0,81]AP < 35 SA 20,6 % 30,7 % RR = 0,67a

[0,48–0,93]AP < 32 SA 11,4 % 19,6 % RR = 0,58a

[0,37–0,91]

O’Brien 2007 [12] 309 vs 302 Naturelle intravaginale 90 mg/j AP < 32 SA 10 % 11,3 % RR = 0,9[0,52–1,56]

Rai 2009 [5] 74 vs 74 Micronisée per os 100 mg � 2/j AP < 37 SA 39,2 % 59,5 % p = 0,002a

Cetingoz 2011 [2] 70 vs 80 Micronisée vaginale 100 mg/j AP < 37 SA 40 % 57,2 % OR = 2a

[1,04–3,83]

SA : semaines d’aménorrhée ; AP : accouchement prématuré.a Différence significative.

H. Legardeur et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 41 (2013) 459–464 461

auteurs concluent donc à l’inefficacité de la progestérone parvoie vaginale chez les patientes ayant un antécédent d’AP.

En revanche, la progestérone par voie intramusculaire,250 mg par semaine, débutée entre 16 et 20 SA, et maintenuejusqu’à 36 SA semble efficace pour la prévention de la récidived’accouchement prématuré dans les grossesses uniques [4].Quatre cent soixante-trois patientes ont été randomisées auxÉtats-Unis. La progestérone par voie intramusculaire diminue lerisque d’accouchement avant 37 SA (36,3 % versus 54,9 % dansle groupe placebo), diminue le risque d’accouchement avant35 SA (20,6 % versus 30,7 % dans le groupe placebo) et diminuele risque d’accouchement avant 32 SA (11,4 % versus 19,6 %dans le groupe placebo). De plus, les enfants ayant été traitéspar progestérone avaient moins d’entérocolite ulcéronécro-sante, d’hémorragie intraventriculaire et de besoins enoxygène. Il est à noter tout de même que cet essai, très bienmené, a fait l’objet de controverses car le placebo utilisé est del’huile de ricin, connu pour ses propriétés ocytociques.Certains se sont demandés si l’effet bénéfique démontré dela progestérone n’était pas dû en fait au caractère ocytociquedu placebo. Or, la progestérone utilisée dans cet essai est la17 hydroxyprogestérone dont un des excipients est l’huile dericin castor oil [13], ce qui justifie donc d’utilisation de cette huilecomme placebo. En revanche, la dose d’huile de ricin utiliséedans les deux bras n’est pas précisée.

En ce qui concerne la voie orale, la progestéronemicronisée, 200 mg par jour, introduite entre 18 et 24 SA etmaintenue jusqu’à 36 SA, a montré son efficacité dans un essairandomisé ayant inclus 150 patientes en Irlande [5]. Le tauxd’accouchement prématuré avant 37 SA est significativementmoins important chez les patientes ayant pris de la proges-térone (39,2 % versus 59,5 % dans le groupe placebo) avec unediminution de la morbidité néonatale (meilleur score d’Apgar,durée de séjour en néonatologie plus court dans le groupeprogestérone).

Les méta-analyses étudiant l’utilisation de la progestérone,quelle que soit la voie d’administration, chez les patientes ayantun antécédent d’AP concluent à une diminution du risque

d’accouchement prématuré avant 37 SA, avant 35 SA, avant32 SA mais également à une diminution de la mortalité (RR 0,54,95 % CI 0,31–0,93) et de la morbidité néonatale avec unediminution du taux de détresse respiratoire (RR 0,75, 95 % CI0,57–97) et d’entérocolite ulcéronécrosante (RR 0,30, 95 % CI0,10–0,93) [14–16].

Un résultat difficilement explicable est le manque d’efficacitéde la progestérone par voie vaginale qui mériterait des essaiscomplémentaires.

Un essai OPPTIMUM (does progesterone prophylaxis for theprevention of preterm labour improve outcome?) est actuellementen cours pour évaluer s’il existe des bénéfices à long terme entermes de morbidité infantile à l’utilisation de la progestérone[17]. Il est à noter que dans cet essai, la progestérone estadministrée par voie vaginale à la dose de 200 mg par jour.

5. UTILISATION DE LA PROGESTÉRONE ENCAS DE DÉCOUVERTE FORTUITE D’UN COLCOURT À L’ÉCHOGRAPHIE DE DEUXIÈMETRIMESTRE

Une méta-analyse [18] récente montre que l’utilisation de laprogestérone par voie vaginale en cas découverte fortuite d’uncol court à l’échographie du deuxième trimestre pourrait avoirun bénéfice dans la prévention de l’accouchement prématuré(Tableau 2). Cette méta-analyse prend en compte cinq étudesrandomisées avec un total de 775 patientes [2,12,19–21]. Lapopulation incluse est hétérogène, associant des patientes sansantécédent avec une découverte fortuite de col court àl’échographie et des patientes définies comme étant à hautrisque, ayant un antécédent d’AP ou une grossesse gémellaire.Dans cette méta-analyse, le traitement par progestérone parvoie vaginale est associé à une réduction significative du tauxd’accouchement avant 28 SA (RR : 0,50, IC95 % 0,30–0,81),avant 33 SA (RR : 0,58, IC 95 % 0,42–0,80) et avant 35 SA (RR :0,69, IC95 % 0,55–0,88). On observe également, en casd’utilisation de la progestérone, une réduction du nombred’enfants de moins de 1500 grammes (RR : 0,55, IC95 %

Page 4: Quelle utilisation de la progestérone pour prévenir la prématurité ?

Tableau 2Essais randomisés étudiant l’effet de la progestérone sur le risque d’AP en cas d’antécédent de découverte fortuite de col court au deuxième trimestre.

Auteur Population Progestérone Critère de jugement Progestérone Placebo RR [IC 95 %]

Fonseca 2007 [19] 125 vs 125 SingletonsCol < 15 mmAntécédent d’AP : 12–18 %

Vaginale 200 mg/j Accouchement < 34 SA 19,2 % 34,4 % 0,56a

[0,36–0,86]

Hassan 2011 [20] 235 vs 223 SingletonsCol 10–20 mmAntécédent d’AP : 13 %

Vaginale 90 mg/j Accouchement < 33 SA 8,9 % 16,1 % 0,55a

[0,33–0,92]

Accouchement < 28 SA 5,1 % 10,3 % 0,50a

[0,25–0,97]Accouchement < 35 SA 14,5 % 23,3 % 0,62a

[0,42–0,92]Poids de naissance < 1500 g 6,4 % 13,6 % 0,47a

[0,26–0,85]

Grobman 2012 [22] 327 vs 330 SingletonsNulliparesCol < 30 mm

17 OH progestéroneIM 250 mg/sem

Accouchement < 37 SA 25,1 % 24,2 % 1,03[0,79–1,35]

Accouchement < 35 SA 13,5 % 16,1 % 0,84[0,58–1,21]

Accouchement < 32 SA 8,6 % 9,7 % 0,88[0,54–1,43]

Accouchement < 28 SA 4,6 % 6,7 % 0,69[0,36–1,30]

SA : semaines d’aménorrhée ; AP : accouchement prématuré.a Différence significative.

H. Legardeur et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 41 (2013) 459–464462

0,38–0,80), de la mortalité et morbidité néonatale (RR : 0,57,IC95 % 0,40–0,81), du risque de détresse respiratoire(RR = 0,48, IC95 % 0,30–0,76) et du taux d’admission en soinsintensifs (RR = 0,75, IC95 % 0,59–0,94). Ces bénéficessemblent présents pour des doses de progestérone par voievaginale de 90, 100 ou 200 mg par jour sans augmentation deseffets secondaires maternels dans le groupe progestérone. Uneanalyse en sous-groupe a été faite pour stratifier sur bas risqueet haut risque (antécédent d’AP). L’utilisation de progestéroneest associée à une prolongation de la grossesse quels que soientles antécédents de la patiente en cas de col court au deuxièmetrimestre. Ce bénéfice ne semble cependant réellementsignificatif que pour les femmes dont la longueur cervicale àl’inclusion est comprise entre 10 et 20 mm.

Plus récemment, Grobman et al. ont randomisé 657 patien-tes nullipares ayant un col inférieur à 30 mm entre 16 et 22 SA+3j. Un groupe était traité par de la 17-OH progestérone,250 mg par semaine et l’autre groupe traité par placebo (huilede ricin) jusqu’à 36 SA [22]. Les résultats de cet essai sontdiscordants avec la méta-analyse citée précédemment, puisquela prescription de progestérone par voie IM n’était pas associéeà une réduction du taux d’accouchement prématuré.

L’explication de l’efficacité variable de la progestérone enfonction des études n’est pas univoque. Une premièreinterprétation serait de dire que la 17-OH progestérone enIM est efficace en cas d’antécédent d’accouchement prématurétandis que la voie intravaginale utilisant la progestéronemicronisée est la plus efficace en cas de col court. C’est assezpeu crédible sur un plan physiopathologique parce que celareviendrait à admettre que les processus à l’origine del’accouchement prématuré sont différents dans les deux cas.

Il paraît plus vraisemblable d’admettre que le résultat d’un essairandomisé peut être significatif ou non dans la marge d’erreurprévue dans le plan expérimental. De plus, les critèresd’inclusion/exclusion des études peuvent aussi avoir un impactsur le résultat final.

Ces travaux posent la question d’une stratégie de dépistagepar échographie du col lors de l’échographie du deuxièmetrimestre en population générale. Cependant, beaucoupd’incertitudes persistent. Les études qui semblent montrer unbénéfice ont été réalisées en population générale. On peutimaginer que les femmes à risque sont de toute façon dépistées etéventuellement traitées. En revanche, le bénéfice clinique enpopulation à bas risque ou chez des patientes nullipares est moinsévident en particulier après la publication de l’étude de Grobmanet al. [22]. De plus, les essais ont tous été réalisés aux États-Unissur une population où la prévalence de l’accouchementprématuré est plus élevée qu’en France. La mise en place d’undépistage généralisé, entraînant un nombre de faux positif trèsimportant et potentiellement iatrogène doit être mis en balanceavec un bénéfice encore incertain sur ce type de population.Idéalement, un vaste essai randomisé français comparant ungroupe utilisant l’échographie du col au deuxième trimestre et ungroupe qui ne s’en sert pas permettrait de répondre à la question.Cet essai semble cependant difficilement réalisable au vu dunombre de sujets à inclure.

6. GROSSESSES MULTIPLES ET PRESCRIPTIONDE PROGESTÉRONE

Plusieurs essais prospectifs n’ont pas montré l’intérêt del’administration de progestérone en cas de grossesse gémellaire

Page 5: Quelle utilisation de la progestérone pour prévenir la prématurité ?

Tableau 3Essais randomisés étudiant l’effet de la progestérone sur le risque d’AP en cas de grossesse gémellaire.

Auteur Population Progestérone Critère de jugement Progestérone Placebo

Rouse 2007 [24] 325 vs 330 17 OH progesteroneIM 250 mg/sem

Accouchement < 35 SA 41,5 % 37,3 % RR = 1,1 [0,9–1,3]

Norman2009 [23] 247 vs 247 Gel vaginal 90 mg/j Accouchement < 34 SA 24,7 % 19,4 % OR = 1,36 [0,89–2,09]

Combs 2011 [26] 160 vs 80 17 OH progesteroneIM 250 mg/sem

Accouchement < 28 SA 2 % 1 % RR = 1,5 [0,2–14,0]

Accouchement < 32 SA 9 % 5 % RR = 1,8 [0,6–5,3]Accouchement < 34 SA 19 % 14 % RR = 1,4 [0,7–2,6]Accouchement < 37 SA 71 % 59 % RR = 1,2 [1,0–1,5]

Rode 2011 [21] 334 vs 331 Voie vaginale 200 mg/j Accouchement < 34 SA 15,3 % 18,5 % OR = 0,8 [0,5–1,2]

SA : semaines d’aménorrhée.

H. Legardeur et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 41 (2013) 459–464 463

pour réduire le risque d’accouchement prématuré [19,21–24](Tableau 3). Pourtant, il s’agit de grossesses à haut risqued’accouchement prématuré. Le fait que la progestérone sembleinefficace en cas de grossesse gémellaire suggère que lesmécanismes physiopathologiques de l’accouchement prématurédans les grossesses gémellaires, comme la surdistension utérine,pourraient être différents de ceux des grossesses singletons. Eneffet, la surdistension utérine contribuerait à une augmentationimportante de l’expression de l’ARNm des récepteurs del’ocytocine, ce qui participerait à la mise en travail des grossessesgémellaires. La progestérone n’a pas d’action sur cette activationdes gènes des cellules myométriales. L’autre hypothèse seraitque le dosage de progestérone utilisé est trop faible en cas degrossesse gémellaire.

Une méta-analyse des différents essais confirme l’absence debénéfice de la progestérone [25] (< 28 SA : RR 1,24, 95 % CI0,85–1,82 ; < 32 SA : RR 1,16, 95 % CI 0,89–1,51, < 34 SA : RR1,10, 95 % CI 0,77–1,58). Dans cette méta-analyse, l’adminis-tration de progestérone serait même associée à une augmenta-tion du risque de décès périnatal (RR 1,55, 95 % CI 1,01–2,37),une augmentation du risque de détresse respiratoire (RR 1,22,95 % CI 1,04–1,45) et une augmentation de la morbiditénéonatale définie par un critère composite (RR 1,21, 95 % CI1,03–1,43). Ces effets secondaires ne sont pas observés en cas degrossesses triples. L’inefficacité de la progestérone en cas degrossesse gémellaire a également été retrouvée dans un essairandomisé récent utilisant 500 mg de progestérone deux fois parsemaine chez des patientes asymptomatiques ayant un col court.Il a même été montré, dans cet essai randomisé, uneaugmentation du risque d’accouchement prématuré avant32 SA chez les patientes traitées par 17-OH progestérone(RR = 2,41, 95 %CI 1,18–5,31) par rapport aux femmes nontraitées. Compte tenu du fort dosage de progestérone utiliséedans cet essai, il ne semble donc pas que l’inefficacité de laprogestérone en cas de grossesse gémellaire soit liée à unproblème de sous-dosage. En revanche, en cas de col court, dedécouverte fortuite en cas de grossesse gémellaire, une méta-analyse de Romero ne retrouve pas de bénéfice à administrer dela progestérone pour diminuer le risque d’accouchementprématuré (RR 0,70, 95 % CI 0,34–1,44) mais est associée àune réduction d’un critère composite de morbi-mortaliténéonatale (RR 0,52, 95 % CI 0,29–0,93) [18].

7. CONCLUSION

Le bénéfice de l’utilisation de la progestérone dépend duniveau de risque d’accouchement prématuré et du contexteclinique. En cas d’antécédent de fausse couche tardive oud’accouchement prématuré, la prescription de progestéronesemble diminuer le risque d’accouchement prématuré. Elle est,en revanche, inefficace en cas de MAP ou de grossessegémellaire. En population à bas risque après la découvertefortuite d’un col court à l’échographie du deuxième trimestre,les résultats sont discordants et ne permettent pas derecommander la prescription de progestérone. Pour cetteraison, un dépistage systématique par échographie du col lorsde l’échographie du deuxième trimestre est prématuré et desessais complémentaires sont nécessaires pour explorer cettestratégie de prise en charge.

DÉCLARATION D’INTÉRÊTS

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

RÉFÉRENCES

[1] Csapo A. Progesterone block. Am J Anat 1956;98(2):273–91 [Epub 1956/03/01].

[2] Cetingoz E, Cam C, Sakalli M, Karateke A, Celik C, Sancak A. Progesteroneeffects on preterm birth in high-risk pregnancies: a randomizedplacebo-controlled trial. Arch Gynecol Obstet 2011;283(3):423–9.[Epub 2010/01/22].

[3] da Fonseca EB, Bittar RE, Carvalho MH, Zugaib M. Prophylacticadministration of progesterone by vaginal suppository to reduce theincidence of spontaneous preterm birth in women at increased risk: arandomized placebo-controlled double-blind study. Am J Obstet Gynecol2003;188(2):419–24 [Epub 2003/02/20].

[4] Meis PJ, Klebanoff M, Thom E, Dombrowski MP, Sibai B, Moawad AH, et al.Prevention of recurrent preterm delivery by 17 alpha-hydroxyprogesteronecaproate. N Engl J Med 2003;348(24):2379–85 [Epub 2003/06/13].

[5] Rai P, Rajaram S, Goel N, Ayalur Gopalakrishnan R, Agarwal R, Mehta S.Oral micronized progesterone for prevention of preterm birth. Int JGynaecol Obstet 2009;104(1):40–3 [Epub 2008/10/22].

[6] Zakar T, Mesiano S. How does progesterone relax the uterus inpregnancy? N Engl J Med 2011;364(10):972–3 [Epub 2011/03/11].

Page 6: Quelle utilisation de la progestérone pour prévenir la prématurité ?

H. Legardeur et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité 41 (2013) 459–464464

[7] Vrachnis N, Malamas FM, Sifakis S, Tsikouras P, Iliodromiti Z. Immuneaspects and myometrial actions of progesterone and CRH in labor. ClinDev Immunol 2012;2012:937618 [Epub 2011/10/27].

[8] Erny R, Pigne A, Prouvost C, Gamerre M, Malet C, Serment H, et al. Theeffects of oral administration of progesterone for premature labor. Am JObstet Gynecol 1986;154(3):525–9 [Epub 1986/03/01].

[9] Noblot G, Audra P, Dargent D, Faguer B, Mellier G. The use of micronizedprogesterone in the treatment of menace of preterm delivery. Eur JObstet Gynecol Reprod Biol 1991;40(3):203–9 [Epub 1991/07/25].

[10] Facchinetti F, Paganelli S, Comitini G, Dante G, Volpe A. Cervical lengthchanges during preterm cervical ripening: effects of 17-alpha-hydroxyprogesterone caproate. Am J Obstet Gynecol2007;196(5):453.e1–4 [discussion 21. Epub 2007/05/01].

[11] Rozenberg P, Chauveaud A, Deruelle P, Capelle M, Winer N, Desbriere R,et al. Prevention of preterm delivery after successful tocolysis in pretermlabor by 17 alpha-hydroxyprogesterone caproate: a randomized controlledtrial. Am J Obstet Gynecol 2012;206(3):206.e1–9 [Epub 2012/03/03].

[12] O’Brien JM, Adair CD, Lewis DF, Hall DR, Defranco EA, Fusey S, et al.Progesterone vaginal gel for the reduction of recurrent preterm birth:primary results from a randomized, double-blind, placebo-controlled trial.Ultrasound Obstet Gynecol 2007;30(5):687–96 [Epub 2007/09/28].

[13] O’Sullivan MD, Hehir MP, O’Brien YM, Morrison JJ. 17 alpha-hydroxyprogesterone caproate vehicle, castor oil, enhances thecontractile effect of oxytocin in human myometrium in pregnancy. Am JObstet Gynecol 2010;202(5):453.e1–4 [Epub 2010/05/11].

[14] Dodd JM, Flenady V, Cincotta R, Crowther CA. Prenatal administration ofprogestérone for preventing preterm birth. Cochrane Database Syst Rev2006;(1):CD 004947.

[15] Dodd JM, Flenady VJ, Cincotta R, Crowther CA. Progesterone for theprevention of preterm birth: a systematic review. Obstet Gynecol2008;112(1):127–34 [Epub 2008/07/02].

[16] Rode L, Langhoff-Roos J, Andersson C, Dinesen J, Hammerum MS,Mohapeloa H, et al. Systematic review of progesterone for the preventionof preterm birth in singleton pregnancies. Acta Obstet Gynecol Scand2009;88(11):1180–9 [Epub 2009/11/11].

[17] Norman JE, Shennan A, Bennett P, Thornton S, Robson S, Marlow N, et al.Trial protocol OPPTIMUM – does progesterone prophylaxis for theprevention of preterm labour improve outcome? BMC PregnancyChildbirth 2012;12:79 [Epub 2012/08/08].

[18] Romero R, Nicolaides K, Conde-Agudelo A, Tabor A, O’Brien JM,Cetingoz E, et al. Vaginal progesterone in women with an asymptomaticsonographic short cervix in the midtrimester decreases preterm deliveryand neonatal morbidity: a systematic review and metaanalysis of individualpatient data. Am J Obstet Gynecol 2012;206(2):124.e1–124.e19 [Epub2012/01/31].

[19] Fonseca EB, Celik E, Parra M, Singh M, Nicolaides KH. Progesterone andthe risk of preterm birth among women with a short cervix. N Engl J Med2007;357(5):462–9 [Epub 2007/08/03].

[20] Hassan SS, Romero R, Vidyadhari D, Fusey S, Baxter JK, Khandelwal M,et al. Vaginal progesterone reduces the rate of preterm birth in womenwith a sonographic short cervix: a multicenter, randomized, double-blind,placebo-controlled trial. Ultrasound Obstet Gynecol 2011;38(1):18–31[Epub 2011/04/08].

[21] Rode L, Klein K, Nicolaides KH, Krampl-Bettelheim E, Tabor A.Prevention of preterm delivery in twin gestations (PREDICT): amulticenter, randomized, placebo-controlled trial on the effect of vaginalmicronized progesterone. Ultrasound Obstet Gynecol2011;38(3):272–80 [Epub 2011/07/09].

[22] Grobman WA, Thom EA, Spong CY, Iams JD, Saade GR, Mercer BM. et al.,17 alpha-hydroxyprogesterone caproate to prevent prematurity innulliparas with cervical length less than 30 mm. Am J Obstet Gynecol2012;207(5):390.e1–8.

[23] Norman JE, Mackenzie F, Owen P, Mactier H, Hanretty K, Cooper S,et al. Progesterone for the prevention of preterm birth in twinpregnancy (STOPPIT): a randomised, double-blind, placebo-controlledstudy and meta-analysis. Lancet 2009;373(9680):2034–40 [Epub 2009/06/16].

[24] Rouse DJ, Caritis SN, Peaceman AM, Sciscione A, Thom EA, Spong CY,et al. A trial of 17 alpha-hydroxyprogesterone caproate toprevent prematurity in twins. N Engl J Med 2007;357(5):454–61.[Epub 2007/08/03].

[25] Sotiriadis A, Papatheodorou S, Makrydimas G. Perinatal outcome inwomen treated with progesterone for the prevention of preterm birth: ameta-analysis. Ultrasound Obstet Gynecol 2012;40(3):257–66 [Epub2012/05/23].

[26] Combs CA, Garite T, Maurel K, Das A, Porto M. 17-hydroxyprogesteronecaproate for twin pregnancy: a double-blind, randomized clinical trial. Am JObstet Gynecol 2011;204(3):221.e1–8 [Epub 2011/03/08].