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Mec. Ind. (2000) 1, 187–200 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1296-2139(00)00122-6/FLA Récents développements de la mesure des contraintes résiduelles par méthode ultrasonore. Les principales sources d’erreurs Yuossef Abdallahoui, Henri Walaszek, Catherine Peyrac, Henri-Paul Lieurade *, Mohamed Cherfaoui Centre Technique des Industries Mécaniques, 52, avenue Félix Louat, B.P. 80067, 60304 Senlis, France (Reçu le 7 mars 2000 ; accepté le 30 mars 2000) Résumé — L’opération de soudage introduit des champs de contraintes résiduelles qu’il est aujourd’hui possible d’évaluer, soit expérimentalement, soit par le calcul. La connaissance de ces contraintes dans les structures soudées est utile pour comprendre les phénomènes d’endommagement et de ruine de ces structures. Cet article présente les avancées récentes obtenues dans le cadre du développement d’une méthode ultrasonore de mesure de contraintes. Cette méthode a comme avantage potentiel d’être non destructive, applicable sur site et facile à mettre en œuvre. 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS méthode non destructive / mesure ultrasonore / onde subsurfacique / coefficient acoustoélastiques / contraintes résiduelles / microstructure / soudage Abstract Recent developments in measurements of the residual stresses by ultrasonic method. The main sources of errors. . Welding causes deformation of welded joints leading to the occurrence of residual stresses. Now, it is possible to evaluate the field of residual stresses, whether experimentally, or by calculation. The knowledge of the distribution and level of the residual stresses in welded components is an important factor, particularly for predicting the damaging and ruin phenomena of these components. This paper presents recent advances obtained in the field of an ultrasonic method for stress measurements. This method is potentially advantageous because it is nondestructive, easy and fast to use in situ. In the paper are presented the results obtained with ultrasonics on steel welded plate, and comparison is made with stress measurements obtained by incremental step-by-step hole drilling method. These results are also discussed after offset and “microstructure” corrections. The paper discusses also the influence of the principal sources of errors and the precision obtained. 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS nondestructive testing / ultrasonic testing / subsurface wave / acoustoelastics / residual stress / microstructure 1. INTRODUCTION La recherche et la caractérisation des défauts internes ou externes (fissures « débouchantes » ou non, inclusions, défauts de laminage, contrôles de soudures...) par mé- thodes ultrasonores sont maintenant bien établies au ni- veau industriel. Ces techniques ont aussi montré leurs ca- pacités à évaluer différents types d’endommagement de matériaux. Nous allons montrer qu’elles peuvent égale- ment être appliquée à des opérations de contrôle métal- lurgique telles que, par exemple, la caractérisation de la microstructure et la mesure des contraintes résiduelles. C’est cet axe de recherche qui est abordé par les dé- * Correspondance et tirés à part. partements « Contrôle Non Destructif » et « Matériaux » du CETIM depuis de nombreuses années. Le thème choisi dans cet article est l’évaluation non destructive de contraintes par exploitation des effets non linéaires de ces contraintes sur la vitesse ultrasonore. Ainsi, un équipe- ment conçu pour mesurer ces contraintes dans les assem- blages boulonnés [1] est utilisé dans l’industrie depuis plusieurs années. Dans le domaine des contraintes résiduelles, le CETIM exploite maintenant la vitesse des ondes ultrasonores de surface pour décrire l’état de contraintes dans les zones subsurfaciques [2]. Une première application industrielle de la mesure de contraintes résiduelles par ultrasons a consisté dans le développement d’un équipement por- table de chantier [3]. Cet équipement est destiné au contrôle de contraintes sur rail de chemin de fer et in- 187

Récents développements de la mesure des contraintes résiduelles par méthode ultrasonore. Les principales sources d'erreurs

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Page 1: Récents développements de la mesure des contraintes résiduelles par méthode ultrasonore. Les principales sources d'erreurs

Mec. Ind. (2000) 1, 187–200 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservésS1296-2139(00)00122-6/FLA

Récents développements de la mesure des contraintesrésiduelles par méthode ultrasonore.

Les principales sources d’erreurs

Yuossef Abdallahoui, Henri Walaszek, Catherine Peyrac, Henri-Paul Lieurade*,Mohamed Cherfaoui

Centre Technique des Industries Mécaniques, 52, avenue Félix Louat, B.P. 80067, 60304 Senlis, France

(Reçu le 7 mars 2000 ; accepté le 30 mars 2000)

Résumé —L’opération de soudage introduit des champs de contraintes résiduelles qu’il est aujourd’hui possible d’évaluer, soitexpérimentalement, soit par le calcul. La connaissance de ces contraintes dans les structures soudées est utile pour comprendre lesphénomènes d’endommagement et de ruine de ces structures. Cet article présente les avancées récentes obtenues dans le cadredu développement d’une méthode ultrasonore de mesure de contraintes. Cette méthode a comme avantage potentiel d’être nondestructive, applicable sur site et facile à mettre en œuvre. 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

méthode non destructive / mesure ultrasonore / onde subsurfacique / coefficient acoustoélastiques /contraintes résiduelles / microstructure / soudage

Abstract —Recent developments in measurements of the residual stresses by ultrasonic method. The main sources of errors.. Welding causes deformation of welded joints leading to the occurrence of residual stresses. Now, it is possible to evaluate the fieldof residual stresses, whether experimentally, or by calculation. The knowledge of the distribution and level of the residual stresses inwelded components is an important factor, particularly for predicting the damaging and ruin phenomena of these components. Thispaper presents recent advances obtained in the field of an ultrasonic method for stress measurements. This method is potentiallyadvantageous because it is nondestructive, easy and fast to use in situ. In the paper are presented the results obtained with ultrasonicson steel welded plate, and comparison is made with stress measurements obtained by incremental step-by-step hole drilling method.These results are also discussed after offset and “microstructure” corrections. The paper discusses also the influence of the principalsources of errors and the precision obtained. 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

nondestructive testing / ultrasonic testing / subsurface wave / acoustoelastics / residual stress / microstructure

1. INTRODUCTION

La recherche et la caractérisation des défauts internesou externes (fissures « débouchantes » ou non, inclusions,défauts de laminage, contrôles de soudures. . .) par mé-thodes ultrasonores sont maintenant bien établies au ni-veau industriel. Ces techniques ont aussi montré leurs ca-pacités à évaluer différents types d’endommagement dematériaux. Nous allons montrer qu’elles peuvent égale-ment être appliquée à des opérations de contrôle métal-lurgique telles que, par exemple, la caractérisation de lamicrostructure et la mesure des contraintes résiduelles.C’est cet axe de recherche qui est abordé par les dé-

* Correspondance et tirés à part.

partements « Contrôle Non Destructif » et « Matériaux »du CETIM depuis de nombreuses années. Le thèmechoisi dans cet article est l’évaluation non destructive decontraintes par exploitation des effets non linéaires de cescontraintes sur la vitesse ultrasonore. Ainsi, un équipe-ment conçu pour mesurer ces contraintes dans les assem-blages boulonnés [1] est utilisé dans l’industrie depuisplusieurs années.

Dans le domaine des contraintes résiduelles, le CETIMexploite maintenant la vitesse des ondes ultrasonores desurface pour décrire l’état de contraintes dans les zonessubsurfaciques [2]. Une première application industriellede la mesure de contraintes résiduelles par ultrasons aconsisté dans le développement d’un équipement por-table de chantier [3]. Cet équipement est destiné aucontrôle de contraintes sur rail de chemin de fer et in-

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Y. Abdallahoui et al.

tègre les mesures de contraintes sur une longueur de plusde 100 mm.

Notre intérêt se porte cependant sur des mesures decontraintes intégrées sur de plus faibles longueur, 10 mmest moins si possible, de façon à satisfaire les besoins del’industrie mécanique.

L’objectif de cet article est de présenter l’un des as-pects de l’expérience acquise en matière d’évaluation descontraintes résiduelles par ultrasons sur des composantssoudés. Dans une première partie, nous rappellerons lesbases théoriques concernant l’influence des contraintessur la vitesse de propagation des ondes acoustiques etleurs propriétés de propagation ; nous décrirons ensuiteles techniques expérimentales : mesure des temps de par-cours de l’onde — étalonnage des effets des contraintes— détermination de la profondeur de pénétration del’onde — méthodologies de mesures des contraintes ré-siduelles. Suite aux résultats obtenus sur des plaques enacier S355, assemblées par soudage, nous discuterons lavalidité et les limites actuelles des méthodes ultrasonores,en s’intéressant particulièrement aux calculs d’erreurs etaux facteurs affectant la précision des mesures.

Les mesures ultrasonores obtenues seront comparées àcelles obtenues par la méthode du trou par perçage incré-mental. Le bon accord entre les résultats ultrasonores etceux de la méthode de référence sera discuté. En conclu-sion, l’article abordera les potentialités de la méthodeultrasonore pour contrôler la qualité de différents traite-ments mécaniques ou thermomécaniques.

2. BASE THÉORIQUE ET PRINCIPESPHYSIQUES MIS EN JEU

La théorie classique de l’élasticité qui établit des rela-tions linéaires entre contraintes et déformations permetde conclure que la vitesse de propagation d’une ondeacoustique dans un matériau, isotrope ou non, dépend desa masse volumique et de ses propriétés élastiques, dé-crites au moyen de constantes mesurables par des mé-thodes statiques.

Dans le cas d’un milieu isotrope, ces contraintes seréduisent alors au module d’Young,E, et au coefficientde Poisson,ν, et les vitesses de propagation d’ondesacoustiques sont ainsi déterminées soit à partir de lamasse volumique,ρ, du module d’Young,E, et ducoefficient de Poisson,ν, soit à partir de la massevolumique,ρ, et les constantes d’élasticité (coefficientsde Laméλ etµ).

• Ondes de compression :

VL =√λ+ 2µ

ρ

• Ondes de cisaillement :

VT =õ

ρ

On fait l’hypothèse que ces vitesses sont indépen-dantes de l’état de contrainte. En fait, le développementde la théorie de l’élasticité à un ordre supérieur seraitnécessaire pour prendre en compte les variations de vi-tesses en fonction de l’état mécanique du matériau. Leformalisme décrivant cette théorie a été établi par Mur-naghan [4]. Dans la relation entre l’énergie et la dé-formation, cet auteur a proposé de développer cette re-lation jusqu’au troisième ordre en termes de déforma-tions en introduisant trois constantes d’élasticité supplé-mentaires pour un matériau isotrope, dites constantes deMurnaghan(l,m,n). Utilisant ce formalisme, Hugues etKelly [5] développent le modèle de Murnaghan et résol-vent l’équation d’onde pour le solide contraint. Ils expri-ment, alors, les composantes de vitesse acoustique pourune onde plane se propageant dans un milieu isotrope parles relations suivantes :

ρ0V211= λ+ 2µ+ (2l + λ)θ + (4m+ 4λ+ 10µ)α1

ρ0V212=µ+ (λ+m)θ + 4µα1+ 2µα2− 1

2nα3

ρ0V213=µ+ (λ+m)θ + 4µα1+ 2µα3− 1

2nα2

• ρ0 est la masse volumique initiale du matériau depropagation,

• Vij : vitesse de l’onde se propageant suivant l’axei etpolarisée selon l’axej ,

• λ etµ : coefficients du second ordre de Lamé,

• l,m etn : constantes de troisième ordre de Murnaghan,

• θ = α1+ α2+ α3 : trace de la matrice de déformation.

Dans ces expressions, nous voyons clairement ap-paraître la dépendance entre les vitesses et l’état decontraintes. Compte tenu de leurs très faibles variations,Egle et Bray [6] ont légitimement considéré des varia-tions linéaires en fonction des déformations. Ce qui nousconduit à écrire, par exemple pour une contrainte uni-axiale suivant la direction 1 ou 2 :

dV11/V011

dε= 2+ µ+ 2m+µν(1+ 2l/λ)

λ+µ188

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Récents développements de la mesure des contraintes résiduelles par méthode ultrasonore

dV12/V012

dε= 2+ νn

4µ+ m

2(λ+µ)dV22/V

022

dε=−2ν

(1+ m−µl/λ

λ+ 2µ

)dV21/V

021

dε= λ+ 2µ+m

2(λ+µ) +νn

dV23/V023

dε= m− 2λ

2(λ+µ) −n

où V 0ij représente la vitesse de l’onde à contrainte nulle

(ε = 0).

Ces équations expriment la valeur des rapports entreles variations relatives des vitesses et les déformationsen fonction des deux constantes de Lamé,λ,µ, des troisconstantes de Murnaghan,l,m et n, et du coefficient dePoisson,ν, lui-même fonction deλ et µ. Ces rapportssous la forme générale

Aij =dVij /V 0

ij

sont appelées constantes acoustoélastiques. Il existe donc,cinq vitesses d’ondes distinctes suivant les directions depropagation et de polarisation (A11, A22= A33, A12=A13, A31=A21, A23=A32) où les directions 2 et 3 sontperpendiculaires à la direction 1. Les vitesses des ondeslongitudinales dépendent des constantesl etm et cellesdes ondes transversales dépendent dem etn.

3. LES PROPRIÉTÉS DE PROPAGATIONDES ONDES ULTRASONORES :LA LOIS DE SNELL–DESCARTES

L’étude de la réfraction permet de calculer l’angled’incidence suivant le type d’onde que l’on souhaiteréfracter dans le matériau à tester. Cet angle est imposépar un matériau en forme de coin qui sert de relais pourla propagation de l’onde ultrasonore.

Pour une onde incidente longitudinale, les lois deSnell–Descartes permettent d’établir les relations sui-vantes (voir Annexe I ;figure 9) :

sinα

VL1= sinθ

VT2= sinϕ

VL2

Lorsque l’angleα atteint la valeur critiqueαC telleque ϕ = 90◦, l’onde réfractée se propage le long del’interface :

sinαC= VL1

VL2

Ces lois ont une grande importance dans le contrôleultrasonore des contraintes. En effet, dans toutes lesapplications, on utilisera, pour la mesure, un milieu decouplage pour transmettre l’onde acoustique du capteurultrasonore au milieu étudié. On a donc, dans ce cas,affaire à deux milieux de propagation : le couplant, devitesseV1, et le matériau de vitesseV2.

Nous rappellerons, en Annexe I, les différents cas depropagation acoustique dont certains peuvent être utiliséspour caractériser le matériau (mesure des contraintes).

Deux des modes de propagation d’onde qui viennentd’être présentés peuvent être exploités en industrie méca-nique.

(1) L’onde longitudinale qui se propage dans le vo-lume de la pièce est intéressante pour caractériser unecontrainte homogène en profondeur : c’est le cas de laboulonnerie. Cet avantage est exploité actuellement dansle contrôle du serrage des vis et assemblages boulon-nés [1] (voir Annexe I ;figure 10). Cependant, l’ondetransversale de volume qui constitue la méthode ditede biréfringence acoustique introduite par Crecraft [7],peut aussi apporter des informations sur l’état mécaniquedans l’épaisseur de la pièce. Cette méthode a été utiliséepour la détermination des constantes élastiques du 3èmeordre [8] et pour l’évaluation des contraintes résiduellesdans le cas de plaques métalliques à faces parallèles sou-dées [9, 10]. L’inconvénient majeur est que ces tech-niques ne permettent de déterminer que la moyenne dansl’épaisseur de la différence des deux contraintes princi-pales, excluant ainsi toute analyse de la distribution decontrainte. Une autre limitation est d’ordre géométrique :ces techniques exigent des échantillons à faces parallèles.

(2) Le mode de propagation des ondes longitudinales,transversales et des ondes de Rayleigh, réfractées à lasurface (voir Annexe I ;figures 11–13), est influencé parles contraintes surfaciques et sub-surfaciques. Ces ondesprésentent un grand intérêt pour les applications méca-niques car c’est au niveau de la surface que s’amorcentles dégradations. De plus, on peut moduler la profondeurde pénétration de ces ondes dans le matériau en faisantvarier la fréquence [2, 11]. Ceci permet d’entrevoir le dé-veloppement de systèmes donnant accès au gradient decontrainte en profondeur. Ces techniques qui exploitentla réfraction de l’onde à la surface, suivant la directionde propagation et de polarisation, ont fait l’objet d’ungrand nombre de publications. Cependant, le problèmequi reste à régler dans le contrôle de contrainte par ultra-sons est d’arriver à mesurer une contrainte en intégrantune distance d’une dizaine de millimètres, voire moins,en garantissant une erreur acceptable.

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4. RELATION ENTRE LES VITESSESDES ONDES ACOUSTIQUES ET LESCOMPOSANTES DE CONTRAINTES

Dans le cas de l’analyse des contraintes résiduelles su-perficielles, au moyen d’ondes de surface, la variationrelative de la vitesse d’un mode donné dépend linéaire-ment des deux contraintes principalesσ1 et σ2 du champbiaxial.

La littérature montre que la plus grande sensibilité àla contrainte est observée pour le mode longitudinal sepropageant colinéairement au sens de la contrainte. Cettesituation est valable pour presque tous les matériauxmétalliques [2].

Dans notre étude, le moyen utilisé pour générer lescontraintes résiduelles est le soudage, ce qui conduitthéoriquement à tenir compte d’un champ de contraintebiaxial au lieu d’un champ de contrainte uniaxial. Ainsi,les variations de temps de parcours seront fonction desdeux composantes de contraintes (σL suivant la directionparallèle a l’axe du cordon de soudure etσT suivant l’axeperpendiculaire) et nécessiteront deux séries de mesurespour accéder aux composantes de contraintes.

En notant par(VL)L et (VL)T, respectivement, les vi-tesses de propagation de l’onde longitudinale subsurfa-cique dans les directions longitudinale et transversale,nous pouvons exprimer les variations relatives sous laforme suivante :

(VL)L − (VL)0L

(VL)0L

=K1σL +K2σT

(VL)T − (VL)0T

(VL)0T

=K2σL +K1σT

avecK1 : constante acoustoélastique associée à l’ondese propageant colinéairement au sens de la sollicitation,K2 : constante acoustoélastique associée à l’onde se pro-pageant perpendiculairement au sens de la sollicitation.

L’exposant « 0 » indique que la vitesse de l’ondelongitudinale est à l’état non contraint.

5. FORMES PARTICULIÈRESDE LA RELATION TEMPSDE PARCOURS CONTRAINTES

Il n’est pas indispensable de connaître la vitesse depropagation de façon absolue. En pratique, la mesurene porte pas sur la vitesse elle-même mais plutôt sur le

Figure 1. Schéma synoptique de l’appareillage utilisé.

temps de propagation, qui est la seule grandeur directe-ment accessible. Si le trajet de l’onde est fixé, on peutdonc ramener la mesure de vitesse à une mesure de tempset par conséquent les équations du paragraphe précédentprennent la forme suivante :

(tL)0L − (tL)L(tL)L

=K1σL +K2σT

(tL)0T − (tL)T(tL)T

=K2σL +K1σT

De plus, d’après l’analyse bibliographique [2], l’expé-rience montre clairement queK1 ∼ 10K2 pour presquetous les matériaux. Ce qui conduit pratiquement à consi-dérer un état uniaxial et par conséquent ramène l’écrituredes équations précédentes à une forme plus simple :

σ = 1

Kij

(t0− tt

)Cependant, comme nous allons le voir dans un desparagraphes suivants, la non prise en compte de labiaxialité de l’état de contrainte est considérée commeune erreur dans le calcul de la valeur de la contrainte.

6. MISE EN ŒUVRE DE LA TECHNIQUE

6.1. Le dispositif de mesure

Le système de mesure prototype de laboratoire semi-automatique que l’on a développé et utilisé pour lesmesures du temps de parcours ultrasonore est représentésur lafigure 1.

Ce dispositif est composé des éléments suivants :

• un capteur ultrasonore monobloc composé d’un trans-ducteur émetteur et d’un transducteur récepteur inclinéssuivant le même angle approprié ;

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Récents développements de la mesure des contraintes résiduelles par méthode ultrasonore

• un générateur Sofranel (5052PR) émettant des impul-sions de courtes durée, servant aussi pour la nécessité àamplifier le signal à la réception :

• un oscilloscope numérique LeCroy (9314A) avec unebande passante de 400 MHz et une fréquence de numéri-sation de 10 GHz ;

• un micro-ordinateur compatible PC permet le traite-ment des signaux provenant de l’oscilloscope.

Le transfert des informations entre l’oscilloscope et lemicro-ordinateur est réalisé à l’aide d’une liaison detype GPIB (IEEE-488). Après transfert, les signaux sontnumérisés et enregistrés grâce à une carte d’acquisitionGPIB (General Purpose Interface Bus), pilotée à l’aided’un programme informatique développé sous un logicielde programmation LabWindows.

6.2. La mesure du temps de parcours

L’évaluation des contraintes par ultrasons nécessiteune mesure très précise du temps. Celle-ci doit être réali-sée à quelques dixièmes voire au dixième de nanosecondeprès (1 ns= 10−9 s).

La méthode à utiliser pour parvenir à la mesure la plusprécise possible de la différence du temps de parcoursdépend essentiellement de la dispersion en vitesse dumilieu. Lorsque la dispersion est négligeable, le signalne subit que peu de déformations, même si son amplitudevarie.

La mesure du temps implique de situer l’écho (oul’onde ultrasonore) dans l’échelle des temps. Pour situerprécisément cet écho, il est nécessaire de définir sur celui-ci un point de repérage.

Actuellement, il existe trois méthodes de repéragede l’écho dans l’échelle des temps (voir Annexe II ;figures 14–16) :

(1) méthode par seuil,

(2) méthode de passage à zéro (zero crossing me-thod),

(3) méthode par échantillonnage du signal.

Dans cette étude nous avons adopté la méthode depassage à zéro (zero crossing method). Un programme aété développé spécialement a cet effet. Ce programme,écrit sous un logiciel de programmation LabWindows,permet de réaliser la comparaison entre les deux signauxà la réception au passage à zéro et de donner directementla différence de temps de parcours de l’onde ultrasonoreavec une bonne précision.

Figure 2. Onde réfractée à la surface d’un matériau.

Hormis les contraintes dont nous avons vu l’influencesur la vitesse (temps) de propagation, d’autres caractéris-tiques du matériau peuvent influencer la propagation desultrasons. En particulier, l’atténuation des ultrasons par lematériau influence le choix de la fréquence ultrasonore demesure qui se situe en général dans la gamme utilisée encontrôle non destructif (0,5–15 MHz). Ce choix est doncle résultats d’un compromis entre fréquence et longueurdu parcours acoustique :

• les fréquences élevées permettent une bonne résolutionde mesure mais ne peuvent être utilisées que sur destrajets acoustiques courts ;

• les fréquences basses seront employées sur des trajetsacoustiques longs où les contraintes sont homogènes.

Pour caractériser les contraintes résiduelles induitespar le soudage, nous avons procédé de la manière sui-vante : dans le cas de la détermination de la compo-sante de contrainte longitudinaleσL , les mesures ultra-sonores ont été effectuées à l’aide d’un traducteur double(émetteur–récepteur) générant des ondes longitudinalessubsurfaciques (figure 2). Le traducteur est positionné pa-rallèlement à l’axe du cordon de soudure (figure 3). Lamesure du temps de parcours est réalisée en des pointsespacés de 2 mm au niveau de la zone fondue et la ZATet de 5 mm dans la zone du métal de base.

Les contraintes résiduelles que nous avons détermi-nées sont celles localisées en surface. La mesure est in-tégrée sur une distance de 10 mm environ. Comme nousallons le voir plus loin, la profondeur d’intégration de lamesure de contrainte est estimée à 2,5 mm pour une fré-quence de 5 MHz.

La prise en compte de la texture est faite à partird’un double calibrage, en sens long et en sens travers,par rapport au sens de laminage, lors de la déterminationdes constantes acoustoélastiques. L’effet de la texture estestimé [2] à 10% ; il peut être soustrait de la mesure si lesens de laminage est connu.

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Figure 3. Représentation schématique des surfaces analyséespar les deux méthodes.

Le volume sur lequel sont intégrées les mesures est lesuivant (figure 3) :

• méthode ultrasonore :– surface analysée : 66 mm2,

– longueur du parcours acoustique : 11 mm,

– largeur du faisceau acoustique : 6 mm,

– profondeur : 2,5 mm,

– volume d’intégration : 165 mm3,

• méthode du trou par perçage incrémental :– surface analysée : 13 mm2,

– diamètre du trou∅ : 4 mm,

– profondeur : moyenne sur 2 mm,

– volume d’intégration : 25 mm3.

7. APPLICATIONS DE LA TECHNIQUEULTRASONORE POUR LA MESUREDES CONTRAINTES

Les mesures présentées ici ont été effectuées avec lachaîne de mesure développée au CETIM.

L’utilisation de la technique ultrasonore pour l’évalua-tion des contraintes résiduelles passe préalablement parla détermination des coefficients acoustoélastiques lorsd’une étape d’étalonnage (essai de traction dans notrecas). Ces coefficients sont déterminés, pour un maté-riau donné, en mesurant les temps de parcours de l’ondeultrasonore en fonction de la contrainte appliquée. Laphase d’étalonnage permet de quantifier la relation exis-tant entre la contrainte et le temps de propagation del’onde ultrasonore.

Figure 4. Détermination du coefficient acoustoélastique suréprouvette en acier S355, prélevée dans le sens parallèle aulaminage.

La mesure de la contrainte s’effectue par l’évaluationdu temps de parcours ultrasonore en chaque point demesure et le point de référence (présumé à contraintenulle) est défini par la moyenne des dix premiers points,mesurés à partir du bord de la plaque. Ces résultats decontraintes sont donc des valeurs de contraintes relatives.

7.1. Phase d’étalonnage

L’essai de base est un essai de traction. L’éprouvettede traction plate est sollicitée en dessous de sa limited’élasticité, suivant la direction de l’effort. Différents ni-veaux de charge croissants sont appliqués (pas à pas).La charge est mesurée par un capteur de force. Le tra-ducteur monobloc à ondes longitudinales subsurfaciquesest fixé directement sur l’éprouvette. Les signaux à traitersont visualisés sur l’oscilloscope et un micro-ordinateurpermet leur traitement numérique (moyennage et mesurede temps). Le signal de référence est celui enregistré àcharge nulle. Le décalage temporel «1t », entre ce signalet celui obtenu à un niveau de charge donné est calculépar l’intermédiaire des passages par zéro des signaux en-registrés. On obtient ainsi un ensemble de points sur les-quels on applique une régression linéaire qui permet dedéterminer la pente de la droite considérée. Le traducteurultrasonore se trouve ainsi calibré directement en termesde relation temps/contrainte pour le matériau considéré.

La figure 4 représente la courbe de variation relativedu temps de parcours de l’onde longitudinale subsur-facique dans la direction de l’effort, pour le cas d’uneéprouvette prélevée parallèlement au sens de laminage.

Cette courbe est une droite dont la pente représente lecoefficient acoustoélastique(K1)SL :

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Récents développements de la mesure des contraintes résiduelles par méthode ultrasonore

(K1)SL= (t0− t)/tici (K1)SL=−1,25·10−5± 5·10−7 MPa−1

avec un coefficient de corrélationR2= 0,98.

Dans le cas d’une éprouvette prélevée perpendiculai-rement au sens de laminage, le coefficient acoustoélas-tique(K1)ST est égal à−1,09·10−5± 4,4·10−7 MPa−1,avec un coefficient de corrélationR2= 0,99.

7.2. Profondeur de pénétrationde l’onde acoustique

En l’absence d’éléments théoriques permettant de pré-voir la profondeur de pénétration de l’onde longitudinalesubsurfacique, nous avons abordé le problème expéri-mentalement. Nous avons d’abord vérifié que les ordresde grandeur des profondeurs de pénétration, mesuréespour l’onde de Rayleigh, correspondaient aux prévisionsthéoriques, puis nous avons effectué des relevés, selonla même méthode de mesure, pour caractériser la pro-fondeur de pénétration de l’onde longitudinale subsurfa-cique.

L’onde de Rayleigh a la particularité de se propagerdans le matériau à une profondeur équivalente à sa lon-gueur d’onde (λ= VR/F , oùVR est la vitesse de l’ondede Rayleigh etF est la fréquence). Cette propriété inté-ressante a été mise à profit pour vérifier la caractérisationde la profondeur de pénétration de cette onde. De plus,cette onde nous a permis de valider la méthode de me-sure de profondeur de pénétration.

La méthode que nous avons adoptée consiste à me-surer la vitesse de propagation sur les fentes d’une cale-étalon préalablement détensionnée et à déterminer à par-tir de quelle profondeur l’onde commence a être affec-tée. La cale-étalon est caractérisée par une succession defentes, de profondeurs croissantes.

Sur lafigure 5sont représentées les courbes obtenuessur la cale-étalon pour différentes gammes de fréquence.

Les courbes de vitesses en fonction de la profondeurdes fentes présentent globalement la même évolution.À forte épaisseur, une allure stable de la vitesse estobservée ; l’augmentation de la profondeur des fentesconduit à un accroissement progressif de la vitesse.Ce comportement donne une indication de la limite oùl’onde ultrasonore commence a être affectée.

Pour les traducteurs ayant une fréquence centrale de2,25 MHz, 3,5 MHz, 5 MHz et 10 MHz le changementde l’évolution des courbes de vitesses est observé respec-tivement vers les épaisseurs de 4 mm, 3 mm, 2,5 mm et1,5 mm.

Figure 5. Variation pour différentes fréquences de la vitesse depropagation de l’onde longitudinale subsurfacique en fonctionde la profondeur des fentes.

Figure 6. Profil de contrainte longitudinale, de part et d’autrede l’axe du cordon de soudure d’une tôle d’acier S355(épaisseur : 20 mm, chanfrein en X), obtenu comparativementavec la méthode ultrasonore et la méthode du trou.

7.3. Évaluation des contraintesrésiduelles sur tôle soudée en acierS355

L’évolution transversale de la composante longitu-dinale des contraintes résiduelles mesurées de part etd’autre de l’axe du cordon de soudure, réalisé en cinqpasses sur une tôle chanfreinée enX, le long de la zoned’investigation est présentée sur lafigure 6.

Les résultats de mesure de contraintes résiduellesobtenus par méthode ultrasonore sont comparés à ceuxmesurés par méthode du trou par perçage incrémental.Hormis le décalage vers le haut (erreur d’offset) duprofil de contraintes obtenu par méthode ultrasonore, lacomparaison montre une bonne concordance entre lesdeux méthodes. Les contraintes mesurées, à proximité ducordon de soudure, correspondent à des contraintes detraction. Lorsqu’on s’écarte du cordon, elles diminuentprogressivement vers une valeur nulle.

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Figure 7. Idem figure 6 avec décalage d’offset de −100MPa.

Ces résultats de contraintes intègrent une profondeurmoyenne de 2,5 mm pour la méthode ultrasonore et 2 mmpour la méthode du trou par perçage incrémental.

Comme nous avons pu le constater à partir de lacourbe représentée sur la figure précédente, une compa-raison directe des profils de contraintes résiduelles lon-gitudinales obtenus par la méthode ultrasonore et par laméthode du trou par perçage incrémental fait apparaîtreun décalage d’environ 100 MPa à l’extérieur de la zonefondue et de 250 MPa dans la zone fondue. Un déca-lage d’offset de−100 MPa du profil obtenu par méthodeultrasonore permet de faire coïncider parfaitement lesdeux profils, sauf dans la zone fondue où une différence100 MPa subsiste. Lafigure 7montre à titre d’exemple,un profil ultrasonore sur lequel on a appliqué un décalaged’offset de−100 MPa.

En résumé, dans notre démarche l’évaluation descontraintes résiduelles s’effectue par la mesure du tempsde parcours en chaque point. Le point de référence(supposé à contrainte nulle) est défini par la moyennedes dix premiers points mesurés à partir du bord dela tôle étudiée. Les résultats de contraintes résiduellesprésentés jusqu’ici dans cet article sont donc des valeursde contraintes relatives (notion d’offset), évaluées enutilisant le coefficient acoustoélastique déterminé enSection 7.1, à partir d’essais de traction sur le métalde base. Les gradients de ces contraintes relatives neprennent donc pas en compte l’effet apporté par lesdifférences de microstructures de soudage rencontrées.

Pour que cette comparaison soit valable, il convient,en plus du décalage d’offset, de recalculer les contraintesrésiduelles, en tenant compte des effets de microstruc-tures [2, 14].

La figure 8est déduite de lafigure 7après avoir réaliséles corrections suivantes :

Figure 8. Idem figure 7 après correction.

• en ZAT (zone affectée thermiquement), l’effet de lamicrostructure est estimé [14] à 10 %, ce qui corresponden terme de contrainte à−50 MPa ;

• en métal fondu, l’effet de la microstructure est es-timé [14] à 20 %, ce qui correspond en terme de contrainteà−150 MPa.

8. LES SOURCES D’ERREURS DE MESUREET LEURS ESTIMATIONS

L’objectif d’une mesure est d’obtenir la valeur vraied’une grandeur physique. Hors, celle-ci demeure toujoursinaccessible à l’opérateur, à cause des erreurs de mesure.Donc, l’expérimentateur doit tout mettre en œuvre pourdiminuer ces erreurs afin de réduire au maximum l’écartqu’elles engendrent par rapport à la valeur vraie. Cepen-dant, il subsiste toujours une zone d’incertitude autour dela valeur numérique annoncée, aussi petite soit-elle.

Cette incertitude±1X, attachée au résultat de mesureest une indication quantitative représentant un intervalle[y −1X,y +1X] à l’intérieur duquel il est probable detrouver la valeur vraie de la grandeurY :

(y −1X)≤ Y ≤ (y +1X)

8.1. Les sources d’erreurs de mesure

Trois causes principales sont à l’origine de ces er-reurs : le système de mesure, la grandeur objet de la me-sure et la méthode de mesure.

D’une manière générale, il est toujours possible declasser les erreurs de mesure en deux familles selon leurnature :

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Récents développements de la mesure des contraintes résiduelles par méthode ultrasonore

• une erreur systématique qui est pratiquement constanteou qui évolue lentement et régulièrement en fonction desconditions expérimentales ;

• une erreur aléatoire qui fluctue de manière imprévi-sible lorsqu’une mesure est répétée sur une même gran-deur dans des conditions identiques.

À partir d’une analyse du procédé de mesure, ladémarche de l’expérimentateur consiste à réduire l’erreuraléatoire et corriger l’erreur systématique.

8.2. Identifications des paramètresinfluents et leurs estimations

Dans cette étude, le calcul des contraintes « relatives »est basé sur la relation, suivante, qui fait le lien directentre la contrainte et le temps de propagation :

t = t0

1+Kσ ou σ = 1

K

(t0− 1

t

)dans laquellet0 et t sont respectivement le temps deparcours à l’état non contraint et celui à l’état contraintetK est le coefficient acoustoélastique.

Dans cette formule intervient la constante acoustoélas-tiqueK. Toute erreur sur cette valeur entraîne une erreurproportionnelle sur la valeur des contraintes.

Le temps de parcours est généralement mesurableavec une bonne précision. On peut cependant commettreune erreur sur la valeur mesurée du temps de parcours, sicertaines conditions ne sont pas respectées.

8.2.1. Moyen de mesure

Appareillage. Selon la note d’application du fabri-cant d’oscilloscope LeCroy [13], l’erreur sur la mesuredu temps peut se calculer de la manière suivante :

1T = ε dt

dv

où1T est l’erreur commise sur la mesure du temps,ε estl’erreur sur la mesure de l’amplitude du signal, au calibreconsidéré, dt est le temps de montée du signal, mesuréde 20 à 80 % de la hauteur de l’écran, dv est la valeur

différentielle de tension de 20 à 80 % de la hauteur del’écran.

On a

ε = calibre verticalnombre de points de numérisation verticale par division

Ici, on a un calibre de 5 mV, 256 points de numérisationpour 8 divisions, soit 32 points de numérisation pardivision, d’oùε = 5/32 mV= 0,15625.

De plus, la mesure avec des traducteurs à 5 MHz,conduit à :

dt = 17 ns

dv= 24 mV

Le calcul donne une erreur de1T = 0,11 ns, quicorrespond à 0,006 % de la valeur du temps mesuré.

Mécanique du traducteur : couplage acoustique.Desconditions de réglages mécaniques très sévères (typique-ment 0,1 mm de précision) doivent être respectées au ni-veau des emplacements des traducteurs ultrasonores dansle système. Cela exige un bon réglage de la distance dutrajet acoustique considéré. Si ces réglages ne sont pasbien effectués, on observe alors un trajet acoustique sup-plémentaire dans le milieu relais, qui induit ainsi des er-reurs importantes sur les résultats. Cette erreur est sys-tématique ; elle se traduit par un offset sur les résultats,auquel s’ajoute les effets de la variation de la tempéra-ture.

8.2.2. Environnement :effet de la température

Une erreur concerne l’effet de la température, commel’ont montré Bray et Junghans [12]. Dans le cas d’unacier, ces auteurs montrent que1V/1T =0,55 ms−1·K−1. Pour le système de traducteur utilisédans notre cas, le calcul de l’effet de la température sur letemps de parcours selon la constante donnée par Bray estde 0,15 ns·K pour un trajet de 11 mm.

Durant nos essais, la température a été maintenueentre 22 et 22,5◦C, ce qui donnerait selon le calcul unevariation de 0,075 ns (de l’ordre de 0,004 % de la quantitémesurée). On constate que cette valeur exprimée en termede contrainte correspond à 3 MPa et n’a donc pas d’effetsignificatif sur le temps de parcours mesuré.

8.2.3. Matériau : effet de la texture

L’effet de la texture est évalué à partir d’un doublecalibrage en sens long et en sens travers (par rapport au

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sens de laminage), lors de la détermination du coefficientacoustoélastique. La non prise en compte de la texture(sens de laminage) peut induire une erreur voisine de10 % du niveau de contrainte évalué. En revanche, cetteerreur s’annule si le sens de laminage est connu.

8.2.4. Effet de la biaxialitéde la contrainte

D’autres facteurs peuvent introduire des erreurs dansle calcul de la contrainte. Ces erreurs résultent de lanon prise en compte, dans certains cas, du caractèrebiaxial voire triaxial de la contrainte, du fait que l’on anégligéK2 devantK1.

À titre d’exemple, nous avons rassemblé dans letableau I suivant, les niveaux des contraintes relatives,évaluées à des endroits situés à différentes distancesde l’axe du cordon de soudure de la tôle d’acier S355(épaisseur 30 mm). Les résultats obtenus pour un étatuniaxial sont comparés à ceux obtenus pour un étatbiaxial, en utilisant des coefficients acoustoélastiquestirés de la littérature [2, 6],K1=−1,21·10−5 MPa−1 etK2= 0,11·10−5 MPa−1.

On constate que la différence entre les niveaux descontraintes, obtenus respectivement en considérant l’étatuniaxial ou l’état biaxial, ne dépasse pas 20 MPa. Cettevaleur correspond à un taux de 5 % pour un niveau decontrainte de 386 MPa ; elle diminue encore si le niveaude contrainte augmente.

Par ailleurs, nous avons défini lesécarts de reproduc-tibilité de la mesure de deux façons différentes.

(1) La première démarche consiste à répéter plusieursfois la mesure, sans rien changer aux conditions opéra-toires (traducteur ultrasonore restant fixe à l’endroit de

mesure). On trouve ainsi des valeurst1, t2, . . . , ti , . . . , tnet l’on admet comme valeur moyenne de la quantité àmesurer :

tmoyen= 1

n

n∑t=1

ti

On définit alors l’écart-type de reproductibilité par

σ =√√√√ 1

n− 1

n∑i=1

(ti − tmoyen)2

Dans notre cas, l’écart-type est voisin de 0,16 ns, pourune valeur moyenne de temps de parcours égale à1,91439µs, calculée sur 30 essais.

(2) La seconde démarche consiste, de la même ma-nière, à répéter plusieurs fois la mesure au même endroit,en retirant puis en repositionnant à chaque fois le traduc-teur ultrasonore. Dans ce cas, l’écart-type sur le temps deparcours est estimé à 0,28 ns, pour une valeur moyenneégale à 1,913565µs, mesurée sur 30 essais.

À partir de la formule

σ = 1

K

(t0− tt

)et en utilisant la différentielle totale deσ , on obtient aprèsdifférentes étapes de calcul :

1σ = 1tKt

(1+ t0

t

)+ 1KK2

∣∣∣∣1− t0t∣∣∣∣

TABLEAU IComparaison des niveaux des contraintes relatives, σL , calculés en prenant en compte ou non la biaxialité.

Distance/à l’axe σL (MPa) (σL)U − (σL)B [(σL )U − (σL)B]/[(σL )U]de la soudure (mm) état uniaxial état biaxial (MPa) (%)

−120 9 6 3 33−50 4 8 4 100−37,5 56 64 8 14−32,5 125 136 11 9−17,5 386 406 20 5

(pied du cordon)−15 565 583 18 3

(zone fondue)−12,5 621 636 15 2

(zone fondue)

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Récents développements de la mesure des contraintes résiduelles par méthode ultrasonore

De la même manière, en utilisant la différentielle totaledeK, on obtient :

1K = 1tσ t

(1+ t0

t

)+ 1σσ 2

∣∣∣∣1− t0t∣∣∣∣

avec un coefficient acoustoélatique deK = −1,25·10−5

MPa−1, calculé à 4 % près ; on obtient, après calcul,une erreur sur la contrainte, dans le cas de la premièredémarche, égale à 27 MPa et à 36 MPa pour la deuxièmedémarche.

9. SYNTHÈSE DES PERFORMANCESDES MESURES

L’erreur de mesure qui est définie comme l’écart-typede reproductibilité dans la première démarche résulte del’accumulation des erreurs énumérées auparavant et duessoit à la variation de température, soit à l’instrumentation.L’erreur correspondant à la deuxième démarche englobeencore celle d’origine géométrique (erreur commise surle positionnement du traducteur ultrasonore) qui vients’ajouter à celles citées dans la première démarche et quel’on définit comme étant la reproductibilité.

En résumé, les erreurs que nous avons retenues sont :

• la précision de la mesure, définie dans la premièredémarche à laquelle on ajoute l’erreur de la non prise encompte de la biaxialité. Elle est estimée à 50 MPa ;

• la reproductibilité de la mesure, définie dans la deuxiè-me démarche à laquelle on ajoute aussi l’erreur due à lanon prise en compte de la biaxialité. Elle est estimée à60 MPa.

10. DISCUSSION SUR LES AVANTAGESET LIMITATIONS DE LA MÉTHODEDE MESURE PAR ULTRASONS

Comme nous avons pu le constater à partir des dif-férents exemples présentés auparavant, les ultrasons ap-pliqués à la mesure des contraintes occupent une placede choix dans la panoplie des méthodes d’évaluation decontraintes. Ainsi que toutes les autres méthodes, cetteméthode possède ses avantages et ses limitations qui peu-vent s’établir comme suit.

10.1. Avantages

C’est une méthode de mesure des contraintes desurface : la profondeur de la couche concernée estdirectement liée à la longueur d’onde ; dans le cas desmétaux et pour le domaine de fréquences usuelles encontrôle non destructif (1–10 MHz) cette profondeurpeut atteindre quelques millimètres ; elle est beaucoupplus importante que celle obtenue par la méthode dediffraction des rayons X (le pouvoir de pénétration desrayons X est de l’ordre de quelques dizaine deµm) etqui ne permet qu’une description superficielle de l’étatde contraintes. Dans le cas des pièces à géométrie plane,on peut même atteindre toute l’épaisseur.

Cette méthode est non destructive, ce qui permet derépéter la mesure plusieurs fois au même endroit et ainside suivre l’évolution des contraintes dans le temps ; elles’applique donc particulièrement bien au suivi des effetsliés aux traitements thermiques ou mécaniques.

La mesure de la contrainte est intégrée sur une dis-tance de 10 mm environ, ce qui satisfait normalement lesbesoins de l’industrie mécanique, en terme de localisa-tion.

C’est une méthode précise : l’erreur commise sur lavaleur de la contrainte est voisine de 50 MPa avec unereproductibilité de 60 MPa.

Le temps nécessaire pour la mesure de la contrainteen un point par la méthode ultrasonore est faible etcompte tenu du temps de préparation de la surface,ce temps est de l’ordre de quelques minutes pour laméthode ultrasonore, d’une demi-heure pour la méthodede diffraction des rayons X et d’une heure pour laméthode du trou par perçage incrémental.

10.2. Limitations

Les limitations essentielles de la méthode sont surtoutliées à la nécessité de disposer d’un échantillon deréférence où les contraintes résiduelles sont connues, sion souhaite mesurer des contraintes absolues.

Cette méthode nécessite aussi de connaître les cons-tantes acoustoélastiqueKij du matériau testé.

11. CONCLUSION

Les résultats rapportés dans cet article montrent à lafois l’intérêt des méthodes ultrasonores pour la mesuredes contraintes résiduelles et les différences observées

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dans un premier temps lors d’une comparaison directedes résultats obtenus par une méthode de référence,comme par exemple, la méthode du trou par perçageincrémental dans notre cas. Les difficultés des mesurespar ultrasons sont de plusieurs ordres mais surmontables.

À l’état brut de soudage, les profils de contraintesobtenus par la méthode ultrasonore représentent descontraintes relatives. La valeur absolue de la contrainteen tout point nécessite la connaissance de la contrainte enun point, pris comme référence. Si on connaît cette réfé-rence, l’écart entre les résultats de contraintes résiduellesobtenus par la méthode ultrasonore et la méthode du troupar perçage incrémental est très faible en dehors de lazone fondue. Pour consolider cette idée on cite a titred’exemple le cas d’un état détensionné, traité au CETIM[14]. Dans ce cas, une comparaison entre les deux mé-thodes, où la référence a été prise égale à zéro, loin dela soudure, donne en absence de toute correction une trèsbonne corrélation.

Le rôle de la microstructure est primordial : les effetsde la microstructure contribuent aussi dans l’évaluationde la contrainte ; ils sont estimés à 10 % et 20 % de lavaleur initiale de la contrainte relative, respectivement,dans la ZAT et dans le métal fondu. La prise en comptede ces effets dans l’évaluation des contraintes abaisse leniveau de celles-ci, dans ces zones, et devient voisin de lalimite d’élasticité du métal de base.

La non prise en compte de la biaxialité dans le calculde la contrainte peut être corrigé par une estimationd’erreur systématique. En effet, les erreurs que nousavons considérées dans notre démarche et appelées,précision et reproductibilité, englobent cette erreur debiaxialité. Elles sont estimées, respectivement, à 50 MPaet 60 MPa.

La méthode ultrasonore peut nous renseigner sur legradient de contrainte en profondeur, en faisant varier lafréquence.

Si la méthode du trou par perçage incrémental etcelle de diffraction des rayons X, sont courammentutilisées, il faut souligner le caractère semi-destructif dela première et la limitation aux très faibles profondeursd’investigation de la seconde. Il apparaît ainsi que laméthode ultrasonore présente un intérêt particulier ; eneffet, elle concerne l’échelle macroscopique, ce qui rendtrès complémentaire des autres méthodes citées.

De plus, elle présente l’avantage d’être non destruc-tive, applicable sur site, facile à mettre en œuvre et decoût relativement modeste.

RÉFÉRENCES

[1] Flambard C., Degraeve M.A., Degraeve J.H., Les assemblagesvissés sous le contrôle des ultrason, CETIM-info, juin 1990.

[2] Abdallahoui Y., Évaluation des contraintes résiduelles dans lesassemblages soudés par méthode ultrasonore. Prise en comptede la microstructure, Thèse de doctorat, Université techniquede Compiègne, avril 1997.

[3] DEBRO-30, Ultrasonic Stress Meter, Institute of Fundamentaland Technological Research, Polish Academy of Sciences,Warsaw, 1990.

[4] Murnaghan D., Finite Deformation of an Elastic Constants andTheir Measurement, New York, 1973.

[5] Hugues D.S., Kelly J.L., Second-order elastic deformation ofsolid, Phys. Rev. 92 (5) (1953) 1145–1149.

[6] Egle D.M., Bray D.E., Measurement of acoustoelastic andthird-order elastic constants for rail steel, J. Acoust. Soc. Am.60 (3) (1976) 741–744.

[7] Crecraft D.I., The measurement of applied and residualstresses in metal using ultrasonic waves, J. Sound Vib. 5 (1)(1967) 173–192.

[8] Mohrbacher H., Schneider E., Goebbels K., Temperaturedependence of third order elastic constants, in: Proc. of the 9thInt. Conf. on Experimental Mechanics, 20–24 August 1990,Copenhagen, Denmark, pp. 1189–1197.

[9] Chu S.L., Peukert H., Schneider E., Evaluation of residualstress states in welded plates using ultrasonic techniques, in:Macherauch E., Hauk V. (Eds.), Residual Stresses in Scienceand Technology, Vol. 2, 1986, pp. 335–341.

[10] Tanala E., Bourse G., Fremiot M., de Belleval J.F., Determi-nation of near surface residual stresses on welded joints usingultrasonic methods, NDT & E Int. 28 (2) (1995) 83–88.

[11] Rivenez J., Contrôle non destructif des couches superficielles,Rapport d’étude CETIM, 1986.

[12] Bray D.E., Junghans P., Application of theLCR ultrasonictechnique for evaluation of post-weld heat treatement in steelplates, NDT & E Int. 28 (4) (1995) 235–242.

[13] Accuracy in time jitter measurements with LeCroy oscillo-scopes, AN 26 (octobre 1996).

[14] Abdallahoui Y., Walaszek H., Peyrac C., Lieurade H-P., Eva-luation des contraintes résiduelles de soudage par méthode ul-trasonore et validation par la méthode du trou par perçage in-crémentale et diffraction des rayons X. Influence de la micro-structure, La Revue de Métallurgie–CIT/Science et Génie desMatériaux 9 (1999) 1143–1154.

ANNEXE I

Les propriétés de propagation des ondesultrasonores : la loi de Snell–Descartes

Les lois de Snell–Descartes permettent de prédire lecomportement d’une onde acoustique à l’interface dedeux milieux ayant des vitesses de propagation acous-tique différentes (figure 9).

• En figure 9, le cas général de réfraction d’une ondelongitudinale inclinée sous un angle compris entre 0 et lepremier angle critique, qui se transforme en deux ondes

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Récents développements de la mesure des contraintes résiduelles par méthode ultrasonore

Figure 9. Réfraction d’une onde longitudinale à l’interface dedeux milieux.

Figure 10. Propagation d’une onde longitudinale de volume àl’interface de deux milieux.

de polarisations différentes (une onde longitudinale etune onde transversale).

• Enfigure 10, le cas de l’onde de volume, qui permet decaractériser le matériau en profondeur, à condition que lacontrainte soit homogène.

• Enfigure 11, le cas du premier angle critique, où l’ondelongitudinale est réfractée dans le matériau colinéaire-ment à sa surface.

• Enfigure 12, le cas du second angle critique, où l’ondetransversale est réfractée dans le matériau colinéairementà sa surface.

On trouve, à une valeur proche de cet angle, unangle pour lequel la propagation de l’onde est liée auxconditions limites de surface de séparation des milieux 1et 2 : il s’agit de l’onde de Rayleigh (figure 13).

Figure 11. Réfraction d’une onde longitudinale inclinée aupremier angle critique.

Figure 12. Réfraction d’une onde longitudinale inclinée ausecond angle critique.

Figure 13. Propagation de l’onde de Rayleigh.

ANNEXE II

La mesure du temps et le repérage deséchos

II.1. Méthode par seuil

On choisit un point sur l’écho de l’une de ses arches,en définissant, par exemple, un point représentant leseuil d’amplitude maximum sur l’arche ayant l’amplitudemaximale (figure 14).

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Figure 14. Méthode par seuil.

Figure 15. Méthode de passage à zéro.

II.2. Méthode de passage à zéro(zero crossing)

L’oscillation est constituée d’arches positives suiviesou précédées d’arches négatives. Dans cette oscillation,le premier point de passage à zéro constitue un pointintéressant pour repérer l’ensemble (figure 15).

II.3. Méthode par échantillonnage du signal

Au lieu de sélectionner un point repère sur l’écho,comme précédemment, la méthode consiste à en rete-nir un très grand nombre : le signal complet est échan-tillonné, chacun des points est repéré dans l’échelle destemps. Sous l’effet de la contrainte, l’écho se déplace.Celui-ci est à nouveau échantillonné. Pour effectuer la

Figure 16. Méthode par échantillonnage du signal (intercorré-lation).

mesure du temps, l’ensemble des points mémorisés ini-tialement (signal de référence : correspondant à l’état noncontraint) est décalé globalement dans le temps de tellefaçon qu’il se superpose aux mieux avec le nouveau si-gnal (signal « modifié » : correspondant à l’état contraint)(figure 16).

Cette méthode est mieux connue sous l’appellationd’intercorrélation. Elle consiste alors à réaliser la super-position entre les deux signaux (référence et signal modi-fié) h(t) et g(t). La fonction d’intercorrélation passe parun maximum lorsque la superposition est optimale. Ayantatteint la superposition du signal de référence avec le si-gnal observé, il est possible de compter le décalage totalde temps nécessaire pour l’opération(τ ).

La « qualité » de cette superposition est définie parle coefficient d’inercorrélationC(τ) dont on cherche lemaximum et qui s’écrit :

C(τ)= 1

T

∫ T

0h(t)g(t − τ )dt

200