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Rapport de la Banque mondiale sur le développement du monde 2006 Équité et développement NOTE DE LECTURE juin 2005

Rapport de la Banque mondiale sur le développement du monde … · 2014. 5. 28. · 1 Cf. sa prestation au séminaire AFD/EUDN de novem-bre 2003 : Croissance, pauvreté et inégalités

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  • Rapport de la Banque mondiale sur le développement du monde 2006

    Équité etdéveloppement

    ➤ NOTE DE LECTURE

    ➤ juin 2005

  • Réseau IMPACT

    Président : Dominique GentilSecrétariat : Marc Lévy et Anne-Sophie Brouillet

    c/o GRET211-213 rue La Fayette 75010 Paris, FranceTél. : 33 (0)1 40 05 61 31 et 50 03 - Fax : 33 (0)1 40 05 61 10E-mail : [email protected] et [email protected] www.reseau-impact.org

  • Réseau IMPACT. Note de lecture : Équité et développement — 3

    L orsque nous avons appris, au cours del’été 2004, que le prochain rapport de laBanque Mondiale sur le développementdu monde, serait piloté par le chef économiste,François Bourguignon, et consacré à la relationentre équité et développement, nous avons faitl’hypothèse qu’il allait contribuer à faire bou-ger les thèses dominantes quant à la façond’analyser les rapports entre croissance, pau-vreté et inégalités. Outre les travaux antérieursde François Bourguignon1, le plan du rapport,disponible dès juillet sur le site mis en place parla Banque, ainsi que la discussion organisée àBerlin en septembre, dont nous avons pu avoirun compte rendu2, ont fortement contribué àformuler cette hypothèse.

    Par conséquent, nous avons considéré qu’ilnous fallait, dès la parution de la première ver-sion, annoncée pour le mois de mars, nous sai-sir du texte et susciter un débat à son sujet ;d’autant plus si, à la lecture, notre hypothèses’avérait vérifiée ; ce qui fut le cas.

    Dans un premier temps nous avons proposéau ministère des Affaires étrangères (DGCID/DCT) d’organiser une discussion avec l’équipede la Banque Mondiale, comme cela avait puêtre fait en 2000 avec Ravi Kanbur en chargedu rapport sur « Combattre la pauvreté ». Maiscela n’a pas été possible. Nous avons donc dé-cidé, plus modestement, de produire une notede lecture, à la fois pour faire connaître lecontenu du rapport (tout le monde ne peutpas lire un document de 500 pages) et pour lecommenter en fonction des « convictions » dé-fendues par le Réseau.

    Pour ce faire, cinq collègues3 ont bien voulu serépartir la lecture des dix chapitres et faire, cha-cun, une note très condensée, résumant et com-mentant le contenu du ou des chapitres concer-nés. Ces notes ont été diffusées aux membresdu Comité du Réseau, suscitant un premieréchange entre certains d’entre eux. Puis nousavons réuni le 7 juin dernier un Comité duRéseau un peu élargi pour mettre en discussionces différentes notes. À l’issue de la réunion,nous avons décidé de produire une « synthèse »pour rendre compte des échanges et des notespréparées par les collègues.

    À la demande du ministère des Affaires étran-gères (DGCID/DCT), nous avons déjà produitune note pour nourrir la contribution françaiseà la discussion organisée, le 7 juin dernier, ausein du Board de la Banque Mondiale. Il estégalement prévu avec le ministère des Affairesétrangères, d’organiser à la fin de l’année, un« événement », si possible conjointement avecla Banque Mondiale, pour mettre en discus-sion ces thèses sur le rôle de l’équité en ma-tière de développement.

    I. Point de vue d’ensemble :les grandes avancéesdu rapport et leurs limites

    Sans avoir une vue exhaustive des rapports pro-duits récemment sur les questions de « déve-loppement », mais pour en avoir toutefois par-couru un certain nombre et lu plus attenti-vement certains4, nous avons considéré qu’ils’agissait d’un document particulièrement in-téressant, ne serait-ce que pour la synthèsequ’il propose des données et réflexions en lamatière5 et pour sa contribution à un évidentélargissement de l’approche économique.

    Avec une prise en compte appuyée de la di-versité et de la complexité du monde, le rap-port échappe au risque du modèle unique et dudogmatisme des « bonnes pratiques », mêmesi, tout en étant bien moins orthodoxe qued’autres rapports de la même institution, il n’a

    1 Cf. sa prestation au séminaire AFD/EUDN de novem-bre 2003 : Croissance, pauvreté et inégalités.

    2 Par l’intermédiaire de Denis Cogneau qui y a participé.3 Denis Cogneau (IRD-DIAL), Jean Coussy (CERI), Jean-Luc

    Dubois (IRD-C3ED), Dominique Gentil (ex IRAM), GérardWinter (ex IRD).

    4 Cf. en particulier notre note de lecture sur le rapportde Jeffrey Sachs.

    5 Même si l’essentiel des références sont des publica-tions en anglais.

  • 4 — Réseau IMPACT. Note de lecture : Équité et développement

    pas poussé l’hétérodoxie aussi loin que l’éco-nomie politique hétérodoxe, initiée par SusanStrange, a pu le faire depuis longtemps.

    Le rapport s’appuie sur beaucoup d’exemplesqui lui donnent une connotation empirique so-lide, quoique certains d’entre eux soient plusillustratifs que réellement démonstratifs.

    Sa principale faiblesse est, à notre avis, opéra-tionnelle, quand il s’agit de passer aux inter-ventions publiques qui mettraient en œuvre detelles orientations. La question sur les voies etmoyens, pour la Banque, de faire face aux in-térêts puissamment défendus reste en suspens.Quelles vont être les conséquences de la priseen compte des inégalités nationales pour laconception des PRSP, pour la programmationdes projets, pour le soutien aux politiques pu-bliques, les uns et les autres mis en œuvre avecla Banque Mondiale et les autres bailleurs ?

    Ceci dit, son intérêt réside surtout dans lesavancées concernant la prise en compte desinégalités, allant jusqu’à dire : (1) que si l’é-quité est coûteuse à court terme, elle constitue,à plus long terme, la « condition nécessaire dudéveloppement » et (2) qu’elle ne doit pas seu-lement s’appliquer à l’APD ou aux imperfec-tions de marché, mais aux institutions (IFI com-prises) et aux règles internationales. Enfin, (3)que les mobilisations citoyennes et les coali-tions de pays sont des vecteurs reconnus pourune plus grande équité globale.

    ➤ Comparativement au rapport 2000 (Combat-tre la pauvreté), celui-ci prend fortement encompte les inégalités, tant entre les pays qu’ausein des pays, avec une approche très ouverte desinégalités, considérant par exemple, l’impor-tance des inégalités de pouvoir. Une telle ap-proche permet d’identifier des domaines d’in-tervention relativement nouveaux : l’intérêtd’investir dans la petite enfance et à l’autre ex-trémité de la vie, dans les personnes âgées.

    La limite à cette avancée concerne le manqued’articulation, voire de hiérarchisation, entre lesdifférentes formes d’inégalités. L’inégalité depouvoir est-elle plus déterminante que l’inéga-lité de revenu, et par conséquent un levier d’ac-tion plus efficace ?

    ➤ Réduire les inégalités (d’opportunités et passeulement monétaires) va constituer un objec-tif d’équité et si l’équité est reconnue comme,la plupart du temps, coûteuse à court terme,le rapport va donc avancer qu’elle constitue la« condition nécessaire du développement ».

    Pas question d’établir une loi générale des rap-ports entre inégalités et croissance, prise encompte de la variabilité des situations oblige,il n’empêche que le rapport préconise des re-distributions sectorielles et ciblées (réductiondes inégalités d’opportunités) vues comme desmoyens pour tirer parti de gisements de crois-sance inexploités et fait, rappelons-le, de l’é-quité une condition du développement.

    La limite vient d’une vision un peu instrumen-tale de la réduction des inégalités dans la me-sure où elle importe en tant que facteur d’aug-mentation de la croissance et non avant toutpour améliorer les conditions de vie des popu-lations concernées.

    ➤ L’analyse est souvent menée en termes depouvoir, ce qui lui donne un autre contenu queles « bonnes pratiques » de gouvernance aux-quelles nous avons été habitués. Il est par exem-ple question de rapports d’intérêt, du besoinde « renforcement » des acteurs (empower-ment)6 et même de « capture de l’État par desintérêts privés ». Ceci dit, la limite vient : (1) durôle accordé à l’État en matière de redistribu-tion (il est question, de façon plus ambiguë, dunécessaire recours à l’action publique) ; (2) durôle des mouvements sociaux. Les seuls acteurscollectifs auxquels il est fait référence, sont unpeu homogènes et relativement mythiques : lesfemmes, les noirs aux USA. Donc une analysesociologique populiste un peu courte ; enfin (3)la limite vient de la faible prise en compte desinégalités de pouvoir quand il s’agit de parlerdu commerce et des finances internationales.

    À nouveau plane une certaine instrumentalisa-tion de la notion de pouvoir, essentiellementvue comme une façon de favoriser la croissance.

    6 On se souviendra que la mise en avant de « empower-ment » face à « opportunities » avait fait l’objet d’unegrave divergence entre Ravi Kanbur et la BanqueMondiale.

  • Réseau IMPACT. Note de lecture : Équité et développement — 5

    ➤ Le rapport reconnaît la responsabilité despays développés et des institutions financièresinternationales en matière d’inégalités inter-nationales et par conséquent, considère qu’illeur revient de contribuer à les corriger. Passeulement sous forme d’aide publique au dé-veloppement (APD) ou de prise en compte desimperfections de marché, mais en modifiant lefonctionnement des institutions internationa-les pour le rendre plus « équitable ».

    Ceci dit, le rapport reste « libéral » dans sa to-nalité générale, en ce sens que l’élargissementdu commerce, des investissements et des mi-grations reste la référence : « ce qui aide lemieux, c’est le fonctionnement du capitalisme ».Autrement dit, selon le slogan « Help, not aid »,les pays qui contribueront le plus à l’équité, neseront pas les pourvoyeurs d’APD, mais ceuxqui dynamisent l’économie mondiale. Mais peut-être qu’effectivement l’opposition (entre APDet libéralisation) a besoin d’être dépassée pourparler davantage des réalités que des discoursrhétoriques, dans l’un et l’autre cas.

    ➤ Le rapport aborde à juste titre le dilemmedélicat : faut-il des politiques ciblées ou univer-selles (pour tous) ? L’universalité est considéréecomme inaccessible et le ciblage, dommagea-ble quand il est trop étroit, car le reste de la so-ciété, dans ce cas, soutient difficilement les me-sures ne bénéficiant qu’au « décile » inférieur.La solution consiste donc à « cibler large », au-trement dit, à intéresser les classes moyennes auxmesures préconisées.

    Effectivement : « dans beaucoup de pays endéveloppement les systèmes de transferts so-ciaux sont des systèmes dualistes profitant prin-cipalement aux classes supérieures et aux clas-ses moyennes supérieures »7.

    Mais dans ces conditions, en ciblant large, l’é-quité concernera-t-elle seulement les classesmoyennes (objectif parfois déjà difficile à at-teindre) ou ira-t-elle vraiment jusqu’aux famillespauvres (qu’on estime dans certains pays à 40-50 % de la population) ?

    ➤ La référence à l’équité ne fait pas l’unanimitéparmi nous. Certains y voient un échappatoireface aux questions d’inégalités, considéréescomme plus « dérangeantes » et en tout cas,suffisantes pour rechercher des politiques pu-bliques se donnant pour objectif d’être réductri-ces de pauvreté. D’autres considèrent qu’il s’a-git d’une avancée quasi théorique, même si ladifférence entre équité et égalité n’est pas tou-jours suffisamment explicite dans le texte.

    Assurer l’équité, c’est, selon le rapport, réduirel’inégalité dans les « opportunités ». On retrou-ve dans cette notion toutes les avancées destravaux de Amartya Sen qui ont permis de pren-dre de la distance avec la classique et insuffi-sante inégalité monétaire.

    Mais ces inégalités d’opportunités, telles qu’el-les sont abordées, paraissent plutôt se traduireen français par inégalités de chance. Or, consi-dérer que « l’action publique » doit réduire lesinégalités de chance, sans préciser si cette inter-vention doit aussi concerner les « inégalités derésultats », revient à reconnaître que ces der-nières sont le fruit du mérite et la marque dela liberté individuelle qu’il ne saurait être ques-tion de limiter au nom d’une « responsabilité »de la société sur ces inégalités de résultats.

    Par conséquent, une telle conception de l’é-quité repose sur un primat de la liberté sur laresponsabilité et sur une approche plus forte-ment « individualiste » (au sens de John Rawls)que en direction « de l’autre » (ou sociale, ausens de Paul Ricœur, Emmanuel Levinas ou plusrécemment d’Alain Touraine avec sa concep-tion du « sujet »). Avancée théorique donc,comparativement aux travaux les plus courants,en matière d’économie, mais qui reste en deçàd’autres réflexions sur les inégalités et la respon-sabilité collective.

    Les uns et les autres au sein du réseau se retrou-vent finalement pour considérer : (1) que cequi fait que des inégalités entre des personnessont considérées comme inacceptables, c’estle fait d’introduire une norme (ex. : la paritéentre hommes et femmes pour juger des dif-férences de salaires), et (2) que des inégalitésacceptables à une époque ou dans un lieudonné, sont inacceptables dans un autre temps7 Citation de Denis Cogneau.

  • 6 — Réseau IMPACT. Note de lecture : Équité et développement

    ou un autre lieu (ex. : esclavage, travail des en-fants). Autrement dit, les inégalités et l’équitése réfèrent à un système de valeurs.

    Ce qui nous permet, malgré nos divergencesd’appréciation, de voir dans la référence à l’é-quité un intérêt partagé. Au-delà des relationsétablies dans certains cas entre inégalités etcroissance (gisements de croissance inexploi-tés) qui constituent une justification puissanteà concevoir des politiques publiques de réduc-tion des inégalités, mais quelque peu « instru-mentalisante », une grande contribution de cerapport est d’élargir la réflexion économique,comme nous le signalions au début de cettenote, en incitant à se positionner dans le champdes valeurs, donc à raisonner en termes d’éthi-que. Avec toute la difficulté du passage à l’é-chelle universelle dont témoigne parfaitementla différence, au sein des Droits de l’Homme(dont l’universalité est par ailleurs discutée) entreles droits civils et politiques et les droits écono-miques, sociaux et culturels. Mais aussi avectoute l’ambition de progresser dans une défini-tion partagée des inégalités inacceptables.

    II. Parcours plus détaillédes différents chapitres

    �� Équité et développement8

    Dans l’ensemble du rapport, c’est le problèmede la présence des inégalités, sous différentesformes, et de leur lien avec le développement,plus qu’avec la croissance (qui ne représentequ’un aspect), qui est abordé. Le premier cha-pitre amène aux réflexions suivantes :

    1. La différence entre équité et égalité n’estpas toujours extrêmement explicite. Celadonne l’impression que les définitions, quisont fournies à plusieurs endroits, sont éta-blies de manière ad hoc (en 1.1 comme fon-dement, en 3.5 comme explication, etc.).Ce qui fait qu’on oppose toujours équité à

    inégalité. Or, il y a des inégalités équitableset des égalités inéquitables. Au fond, ilmanque la dimension éthique.

    2. Dès le départ, l’inégalité retenue comme ré-férence est l’inégalité d’opportunités. Enfrançais, ne devrait-on pas plutôt parlerd’inégalités de chance ? En fait les inégali-tés de chances résultent de la combinaisond’inégalités d’opportunités (par exemple,accès au services publics) et d’inégalités decapacités (capacité à accéder à ces services).

    3. On s’appuie sur des principes normatifs pourarticuler la réduction de la pauvreté et assu-rer l’équité. Il y a là une approche nouvellepour des bailleurs de fond pour qui la scienceéconomique est souvent a-éthique.

    4. Le concept de trappe à inégalités est nou-veau mais, à la différence des trappes à pau-vreté, pose plus de problèmes conceptuels,lorsqu’il n’est pas précisément défini. Eneffet, on remarque dans certains pays queles inégalités moyennes d’une génération(inégalités de revenu) deviennent des inéga-lités criantes la génération suivantes (actifs,capital humain, capital social). Mais cette vi-sion semble mieux adaptée et plus compré-hensible pour des catégories ou groupes so-ciaux que pour des individus.

    5. On remarquera, enfin, l’effort louable et pé-dagogique d’introduire l’analyse micro-locale (rapports sociaux au sein d’un villageindien), en prévision d’une analyse d’une si-tuation macro-locale (le Brésil et ses spéci-ficités) au chapitre suivant.

    �� Inégalités au seindes pays : entre individuset groupes sociaux9

    Les concepts précédents sont confrontés à l’a-nalyse empirique appliquée à différents payset catégories sociales (ou groupes sociaux).

    8 Jean-Luc Dubois.9 Idem.

    CHAPITRE 1

    CHAPITRE 2

  • Réseau IMPACT. Note de lecture : Équité et développement — 7

    Sont alors présentées et mesurées les différen-tes formes d’inégalités : par domaine (santé,éducation, etc.), par milieu (rural urbain), parrégion géographique (pays…), par forme (mo-nétaire, actif, capacité/Sida), par catégories so-ciales (sexuées, « agency »10, etc.). On aime-rait bien trouver des analyses statistiques etéconométriques entre les formes d’inégalités.Certaines formes en impliquent-elles d’autres(inégalités monétaires, vers inégalités de condi-tions de vie, vers inégalités d’actifs, vers inéga-lités de capacités) ? Certaines inégalités se sub-stituent-elles à d’autres (capital humain etcapital social, formes de capital social) ?

    Plusieurs résultats empiriques sont intéressantset demandent à être précisément débattus. Ilsconcernent :

    a. la transmission des inégalités, à travers larelation mère-enfant (santé et éducation),et la reproduction intergénérationnelle etaggravée des formes d’inégalités (qui res-terait à démontrer) ;

    b. les effets des structures inégalitaires et, sur-tout, de l’évolution des inégalités avec lamontée de la violence, du crime, l’émer-gence de conflits. Un travail plus systéma-tique de catégorisation des inégalités et d’a-nalyse de causalités demanderait à être fait ;

    c. un retour sur les aspects théoriques de l’iné-galité : la courbe de Kuznets au niveaumacroéconomique, le lien entre croissance-pauvreté-inégalité au niveau micro (le fa-meux triangle de Bourguignon).

    Enfin, la réflexion sur les ODM et l’équité est unpeu légère : le seul cas explicite est la luttecontre les inégalités sexuées en matière d’édu-cation au niveau des pays. La réduction de lapauvreté n’est qu’un objectif d’équité impli-cite, au niveau de la comparaison entre pays,mais non réellement spécifié (rien au niveaudes catégories sociales et des régions).

    �� Équité et bien-être11

    Il s’agit du bien-être global « well-being » etnon pas monétaire « welfare ». Le chapitre arti-cule aspects théoriques et dimensions empi-riques pour répondre à la question : « Est-cequ’une bonne politique doit être concernéepar l’équité ? ». On remarque de nombreuxpoints intéressants :

    a. le lien avec l’histoire philosophique, la respon-sabilité, l’éthique, ce qui traduit un niveaud’intérêt culturel inhabituel ;

    b. la reconnaissance que les groupes discrimi-nés sont moins performants (en raison desinégalités de droits qui impliquent des iné-galités de capacités), donc que l’inégalitérend les gens moins heureux. Il y a une aspi-ration à l’égalité et à l’équité (mais on retrou-ve là la confusion ou l’ambiguïté entre lesdeux termes) ;

    c. l’introduction des éléments de psychologiesociale remettant en cause la rationalité clas-sique pour des principes de justice, la réfé-rence implicite à la théorie de l’altruismeéconomique (3.13), la reconnaissance d’uncomportement « other-regarding behavior »qui implique la responsabilité vis-à-vis del’autre. On arrive à la nécessaire référence àdes valeurs essentielles (universelles) ou par-tagées (relatives).

    Mais, quel est finalement le rôle pour l’État ?On reconnaît le rôle des actions publiques pourégaliser les opportunités. Mais le terme lui-même demeure ambigu : il peut s’agir de poli-tiques publiques, d’actions d’ONG ou de grou-pes sociaux, d’actions d’intérêt public, d’actionscollectives. C’est la même ambiguïté qui existeentre la télévision publique et la Public TV.

    D’autre part, on reste en permanence, de ma-nière implicite et postulée, dans l’éthique duBien. Or, les comportements moraux des genspeuvent combiner une éthique du Juste, uneéthique de la responsabilité, une éthique de lasollicitude.

    Comprendre cette hétérogénéité impliqueraitune démarche d’éthique économique positive :

    10 Référence est faite à la dimension culturelle de l’iné-galité « d’agency », mais elle reste mal maîtrisée.

    11 Idem.

    CHAPITRE 3

  • 8 — Réseau IMPACT. Note de lecture : Équité et développement

    quelles sont les règles morales observées quidéterminent les décisions économiques ?

    Enfin, si on cite le fait que la présence d’inéga-lités a un impact sur le bonheur des gens, onne fait guère référence aux travaux statistiquesactuels sur « Happiness, welfare, well-being »,qui montrent le décrochage entre la croissancedu bien-être matériel et le bonheur vécu. Sil’articulation croissance-pauvreté-inégalité estbien mesurée en termes monétaires, qu’en est-il des mesures en termes non monétaires pourles autres formes d’inégalité ? Or ceci pourraitconfirmer la nécessité d’envisager d’autresorientations pour la croissance.

    �� Inégalités etinvestissements12

    Il aborde la manière dont les inégalités de res-sources productives (capital, terre, éducation,etc.) se reproduisent à travers les marchés ducrédit, de l’assurance, de la terre, de l’éduca-tion et du travail, et enfin, fait la liste de nom-breux cas de figure où ces inégalités d’actifsengendrent un sous investissement et un dé-ficit de croissance.

    L’argument principal est que la réalité du fonc-tionnement des marchés fait qu’une grandepartie de la population ne peut investir dansdes activités productives où les rendements del’investissement sont élevés, tandis que ceuxqui concentrent la richesse investissent dansleurs propres activités aux rendements plus fai-bles. Dans le cadre de cet argument, il y a enmême temps reproduction des inégalités etmoindre croissance : on perd à la fois du côtéde l’équité et du côté de l’efficacité.

    Comme dans la plupart des domaines en éco-nomie, sa validation empirique s’est heurtée àde nombreuses difficultés. De ce point de vue,le rapport est à juste titre sceptique sur la va-lidité de l’argument en tout temps et en toutlieu, et particulièrement à l’échelle macro-éco-nomique : il n’y a pas de loi thermodynamiquegénérale des inégalités et de la croissance.

    Par ailleurs, dans les pages de conclusion, lechapitre insiste également sur le fait que l’exis-tence d’imperfections de marchés ne suffit pasà justifier une redistribution des ressources,mais que d’autres conditions doivent être réu-nies, comme l’existence de coûts fixes dans lesactivités considérées (production, accès à l’édu-cation ou à la santé) ou plus généralementl’existence d’une zone de rendements d’échellecroissants. Il précise aussi que dans plusieurscas le ciblage des plus pauvres peut se révélermoins efficace qu’une socialisation progressivedes revenus consistant à inclure certaines frac-tions des classes moyennes.

    Étant donné les imperfections des marchés, lemessage politique général du chapitre consistedès lors à préconiser des redistributions secto-rielles et ciblées destinées à soulever les contrain-tes financières ou symboliques (cas de la discri-mination) auxquelles font face certains agents.

    Les imperfections de marché citées sont le ra-tionnement du crédit pour les petits investis-sements, l’absence d’assurance formelle ou in-formelle contre les chocs subis par les pauvres,le faible développement des marchés foncierset la prévalence du métayage, enfin l’absencede crédits inter-générationnels pour l’éduca-tion. Celles-ci se combinent avec différentesformes de coûts fixes (pour le démarrage d’uneproduction ou la scolarisation) ou de chargesnon-contingentes (loyer de la terre) dont nepeuvent s’acquitter les pauvres qui subissentdes contraintes de liquidité permanentes (ouune forte variabilité dans le cas de l’assurance).Ces imperfections sont principalement énoncéespour elles-mêmes et le chapitre ne fait pas ré-férence à une théorie explicative unique : lesasymétries d’informations (coûts de surveillanceou « monitoring ») sont invoquées mais desarguments plus institutionnels sont égalementsollicités (ce qui n’est pas contradictoire lorsqueles institutions ne permettent pas de diminuerles asymétries d’information). La source institu-tionnelle des imperfections de marché est abor-dée plus en profondeur dans le chapitre sui-vant (5).

    12 Denis Cogneau.

    CHAPITRE 4

  • Réseau IMPACT. Note de lecture : Équité et développement — 9

    Si les imperfections de marché ont des sour-ces historiques et institutionnelles, il va de soiqu’il y a alors une autre façon de traiter le pro-blème : non pas seulement corriger les effetsde ces imperfections de marché par la redistri-bution mais dissoudre ces imperfections enchangeant les institutions. Ce changement peutimpliquer d’autres formes de redistribution.

    De façon intéressante, il est accordé une largeplace aux questions de discrimination, principa-lement à travers la citation d’études expérimen-tales confirmant l’existence de comportementsde discrimination statistique fondés sur des sté-réotypes profondément enracinés et intégréspar les membres des groupes discriminés eux-mêmes. Les exemples mobilisés – tous sur lesNoirs américains sauf un sur les intouchables enInde – ne portent que sur les différences de cou-leur ou les différences de caste mais pourraientêtre élargis à d’autres différences d’origine sociale.L’idée d’une influence profonde des inégalitésde naissance et de trajectoire sur la confianceen soi ou à l’inverse sur le fatalisme constitueune originalité du chapitre, car ils font sortir dumodèle de la pure contrainte économique.

    Dans le domaine des choix éducatifs ou pro-fessionnels, ils correspondent d’assez près auconcept d’habitus de Bourdieu (d’ailleurs citédans le chapitre 1) et à ses conséquences entermes de « causalité du probable ». Les consé-quences de ce type de considérations sont tou-tefois assez vertigineuses tant du point de vuedes conceptions de l’équité que du point devue de l’action politique. Elles ne sont toutefoispas explorées dans le chapitre, en cohérenceavec le plan du rapport.

    Du point de vue de l’équité et notamment del’égalité des chances, elles conduisent à met-tre profondément en doute toute mesure sub-jective du bien-être puisque les agents adaptentleurs préférences à leur situation – ils font denécessité vertu ou à l’inverse développent desgoûts dispendieux ; mais aussi à mettre endoute toute mesure absolue de l’effort ou dela « responsabilité » puisque les agents sur-adaptent leurs efforts en fonction de leur espé-rance objective de réussite – ils sont exagéré-ment pessimistes ou optimistes.

    Du point de vue politique, on entre dans desmodèles auto-réalisateurs : les éducateurs oules employeurs sélectionnent les agents à par-tir d’une corrélation entre l’effort et les traits dis-criminants, ce qui décourage les agents discri-minés de faire plus d’efforts, ce qui confirmeéducateurs ou employeurs dans leur règle desélection, et ainsi de suite. La seule façon desortir de ce cercle vicieux semble être de fairechanger les mentalités. L’action politique tientalors au moins autant de la révolution symbo-lique que du réformisme économique : fémi-nisme, « scheduled castes » dans l’Inde deGandhi, etc. Elle peut passer par différentesformes de discriminations positives allant dessoutiens ciblés aux agents discriminés jusqu’àdes politiques de quotas.

    De fait, comme l’exprime sa phrase de conclu-sion et conformément au plan du rapport, lechapitre cherche surtout à convaincre de l’exis-tence de gisements de croissance inexploitésqui pourraient être judicieusement retrouvés àcourt terme grâce à des actions de redistribu-tion sectorielles et ciblées. Pour ce qui concerneson objectif principal il procède surtout d’uneliste d’exemples individuellement convaincants.Il laisse inévitablement de côté le contenu depolitiques plus ambitieuses et de plus longterme : extension progressive de la socialisa-tion des revenus, discrimination positive, redis-tribution des terres, changement des institu-tions et des mentalités, etc. Or pour certainsexemples cités, il est difficile de se convaincreque les actions ponctuelles peuvent suffire.

    �� Équité, institutionset processusde développement13

    Le chapitre est concerné par l’interrelation entrela croissance et les inégalités, et il situe dansles institutions une source essentielle des imper-fections de marché. Il n’est pas totalement clairdans l’argument si les « bonnes institutions »

    12 Denis Cogneau et Jean-Luc Dubois.

    CHAPITRE 5

  • 10 — Réseau IMPACT. Note de lecture : Équité et développement

    diminuent les imperfections de marché en elles-mêmes – à travers une meilleure circulation etune plus grande transparence de l’informationet des signaux – ou si elles permettent de sur-monter ces imperfections en autorisant unemeilleure distribution des ressources et des op-portunités. En tout état de cause, il est affirméqu’il existe à long terme une relation positiveentre l’accroissement de l’équité et le dévelop-pement, et que cette relation se fonde sur desinstitutions non oligarchiques comprenant uncertain degré de séparation des pouvoirs.

    En sollicitant de nombreux exemples histo-riques, le chapitre cherche surtout à montrerque les institutions dans lesquelles le pouvoirpolitique et économique est excessivementconcentré ne parviennent pas à engendrer unprocessus de développement soutenable à longterme. Les régimes politiques autoritaires, plou-tocratiques ou populistes peuvent obtenir debons résultats économiques sur quelques dé-cennies, mais sont condamnés à s’ouvrir poli-tiquement sans quoi ils échouent économique-ment.

    Ce chapitre énonce ainsi à sa manière la thèsede l’ensemble du rapport : l’équité est la plu-part du temps coûteuse à court terme, ce quiexplique que des situations inéquitables puis-sent perdurer et même réussir économique-ment pendant un temps, mais sur le long termeelle constitue la condition (le compagnon ?)nécessaire (inévitable ?) du développement.

    En conclusion, ce chapitre semble tenté parl’idée d’une « fin de l’histoire » où les régimesautoritaires et iniques seraient inexorablementconduits, tôt ou tard, à l’échec économique.Ne retrouve-t-on pas ici la même ambiguïtéque dans la théorie marxienne de la baisse dutaux de profit ?14 Suivant une longue traditionà la Banque Mondiale, le rapport se borne àdéfendre l’égalité des chances économiques,sociales et politiques du point de vue des « bé-néfices secondaires » qu’elles apportent en ter-mes économiques. On peut cependant consi-dérer que la liberté et l’égalité ont une valeuren soi, et que même si leurs performances éco-nomiques étaient médiocres, elles pourraientêtre défendues en tant que telles.15

    À côté de cela, le chapitre fait justice à la diver-sité des solutions institutionnelles adoptées pardifférents pays, en reconnaissant qu’il n’y a pasde modèle pour tous, pas plus que de théoriecomplète des origines des institutions. De ma-nière notable, il évite les simplifications abusivesliées aux termes de « governance » ou d’« ac-countability ». Au sein de cette diversité, il pré-tend cependant reconnaître les bénéfices appor-tés par une distribution plus égale du pouvoir,qui constitue une dimension de l’équité commeégalité des chances. On peut saluer la promo-tion qu’il fait de la séparation des pouvoirs, quiconstitue de manière assez convaincante unecondition nécessaire du progrès de l’universel.

    �� Investir dans les gens16

    L’objectif de cette deuxième partie est de com-prendre les changements sociaux (« how so-cietal change occurs ») et d’analyser les poli-tiques et les institutions qui élargissent les« opportunités » pour tous. Elle rappelle la pre-mière partie du rapport : les très fortes inéga-lités d’opportunités, qui persistent à travers lesgénérations et s’expliquent notamment par desinégalités de pouvoir et d’influence, qui sontles principaux obstacles à des institutions etdes politiques équitables.

    14 Même Francis Fukuyama, dans le livre qui l’a renducélèbre, reconnaissait l’existence de forces qui mena-cent en permanence son idéal de démocratie de mar-ché : à droite une réaction élitiste (ce qui explique laréférence non seulement hégélienne mais aussi nietzs-chéenne du titre de son livre), et à gauche une infla-tion des revendications et des droits. Comme on levoit, ces menaces évoquées par Fukuyama étaient plu-tôt d’ordre politique ou symbolique que d’ordre stric-tement économique (cf. Fukuyama F., La fin de l’his-toire et le dernier homme). À l’inverse, des motifs nonéconomiques ne peuvent-ils permettre le maintien du-rable de régimes autoritaires ?

    15 Il y a toujours un risque à défendre des valeurs mora-les à partir de leurs conséquences dans un sous-espacedu « bien », par exemple à justifier la lutte contre leSida au nom de son impact sur la croissance. Si le Sidan’avait pas d’impact majeur sur la croissance, est-cepour autant qu’il faudrait cesser de lutter contre le Sida?

    16 Dominique Gentil.

    CHAPITRE 6

  • Réseau IMPACT. Note de lecture : Équité et développement — 11

    Un tableau en quatre quadrants essaie de clas-ser les pays selon deux axes (government ef-fectiveness et voice/accountability) et les dyna-miques qui expliquent le passage d’un quadrantà l’autre.

    Dès le départ, on a une analyse en termes d’iné-galités, multiples et cumulatives, de lien entredistribution des « assets » et relations de pou-voir, qui déterminent les institutions et les po-litiques, et donc la nécessité d’actions collecti-ves par des acteurs sociaux, nationaux etinternationaux, pour modifier celles-ci.

    L’introduction souligne les complémentaritésentre équité et efficience, entre les différentstypes d’investissements (santé, éducation, ré-sistance aux risques) mais aussi, ce qui paraîtplus nouveau, sur le lien entre gain individuelet gain social17.

    Quatre grands thèmes sont développés, dontle premier et le dernier paraissent fort origi-naux :

    1. Le développement de la petite enfance(avant trois ans) : à partir de nombreusesexpériences (États-Unis, Europe, Amériquelatine, etc.), il est montré que les inégalitésindividuelles et sociales s’établissent dès cettephase et qu’investir à ce stade préscolaireest, de loin, le plus rentable18. Les paragra-phes 6.16 et 6.17 montrent les avantagesrespectifs de l’approche universelle (« a sta-tutory right, as in several European coun-tries ») ou du ciblage sur les familles dému-nies. La première permet un large supportdes classes moyennes et des familles pau-vres. La seconde permet de concentrer plusde ressources sur les pauvres mais risque dene pas avoir un large support. Dans ce cas,il est alors nécessaire de « lancer un pro-gramme national, avec des critères transpa-

    rents d’éligibilité et un bon suivi des condi-tionnalités pour mobiliser le support nonseulement des bénéficiaires directs mais aussides autres ‘parties prenantes’ de la société ».

    2. L’éducation de base (plus classique) : com-ment étendre l’accès à l’école primaire, com-ment atteindre les groupes exclus (notam-ment les femmes et les « groupes indi-gènes »), comment élever la qualité de l’en-seignement.

    3. La santé (assez classique) : comment amé-liorer la demande de soins (informations ettransferts conditionnels), comment étendrel’accès à des soins abordables, commentrenforcer les incitations du côté de l’offrede soins. En conclusion, un appel à une poli-tique publique et à l’action collective : « Lessystèmes de santé doivent travailler à renfor-cer la voix des citoyens pauvres. Les payspeuvent promouvoir une organisation parles pauvres qui leur donne la voix et le pou-voir d’influencer les ‘providers’ de santé.Grâce à un rôle conjoint des ‘communau-tés’ et du gouvernement qui définissentconjointement des objectifs… » et à des« providers » plus autonomes mais qui doi-vent rendre des comptes (grâce à un sys-tème d’évaluation transparent).

    4. La protection sociale : L’introduction donnedes éléments de réflexion sur les risques (ensituation de défaillances des marchés du cré-dit et de l’assurance), sur les différencesentre assurance sociale et assistance socialeet sur les arguments en faveur d’une assu-rance universelle permettant un large sup-port politique ou d’actions plus ciblées.

    Après une analyse des programmes nationauxde travaux publics, comme élément essentield’un filet de sécurité, le rapport montre les ef-fets très positifs de pensions pour les person-nes âgées (et notamment les effets redistribu-tifs sur les orphelins, dans les pays à forteincidence du Sida).

    Il étudie enfin les « transferts conditionnels »pour les 40 % de la population et propose uneréflexion sur la fiscalité.

    17 Cf. § 6.2 : « As potentially talented and productive in-dividual gain access to the services…, societies gainthrough higher efficiency and greater social cohesionthat augments their capacity for collective action ».

    18 Cf. figures 6.1 et 6.2.19 Dominique Gentil.

  • 12 — Réseau IMPACT. Note de lecture : Équité et développement

    �� Élargir l’accèsaux « ressources »et à la justice19

    — Équité dans l’accès à la terre

    L’inégalité foncière est un « déterminant prin-cipal des performances nationales de crois-sance ». L’accès à la terre permet d’avoir plusd’influence politique (« more voice in the po-litical area »), de meilleurs investissements dansl’éducation et dans la capacité des communau-tés à mener des actions collectives.

    La situation particulière de l’Afrique est analy-sée, avec la nécessité de combiner la légalitéavec la légitimité sociale en reconnaissant lesdroits et les institutions « traditionnelles », sanscependant codifier les inégalités existantes, no-tamment pour les femmes. Le processus doitpermettre « la suppression du pouvoir discré-tionnaire des bureaucrates dans l’attributiondes terres ».

    Une autre approche complémentaire est d’amé-liorer le fonctionnement des marchés fonciers(nombreux exemples) et d’utiliser les diversesoptions de « cost-effective land distribution »notamment les CDLR (community-driven landreforms).

    — Équité dans l’accès auxinfrastructures

    À partir des résultats mitigés des privatisations,notamment en Amérique Latine, le rapport faitun certain nombre de recommandations poli-tiques, n’excluant pas les subventions et insistesur la nécessité de « renforcer la régulation dansl’intérêt du public », en créant une agence de ré-gulation mais aussi en favorisant « l’implicationdes communautés » et « l’action collective ».

    — Investir dans la justice

    Le rapport rappelle le rôle des inégalités depouvoir et de ressources dans le processus dedéveloppement et l’importance de la protec-tion des droits de propriété pour une large pro-portion de la société et de l’égalité devant la loi.

    « Quand le pouvoir est dans les mains d’uneélite réduite, les droits de la plupart des citoyenssont instables ».

    D’où de nombreuses propositions pour com-battre « la capture par les élites et la discrimi-nation », pour « combattre les normes discri-minatoires » (avec des exemples d’« affirmativeactions »), pour « améliorer l’accès à la jus-tice ». Enfin, il est recommandé de rechercherla compatibilité entre système légal officiel etles systèmes communautaires. « Legal institu-tions gain authority and legitimacy by reflec-ting normatives values ».

    �� Rendre les marchésplus équitables20

    — La légitimation de l’action publique

    Ce chapitre décrit avec une grande précisionles limites possibles du marché. Et il en tire unelégitimation de « l’action publique ». Cette lé-gitimation repose sur l’inventaire des « dé-faillances du marché » au sens de la théoriepure. Mais elle repose aussi sur un inventaire,plus nouveau, des risques d’effets inéquitablesdu marché (dont la prise en compte est laconséquence logique de l’introduction de l’é-quité dans les objectifs de la Banque). En troi-sième lieu elle repose sur une analyse des in-égalités d’influence économique et politique,ce qui rejoint, sur bien des points, les analysesdes inégalités de pouvoirs que soulignent de-puis longtemps les théories hétérodoxes de l’é-conomie politique (encore que la nuance entreinfluence et pouvoir reste importante).

    En définitive, il y a, sur ce point, sinon uneconvergence, du moins un rapprochement deplus en plus marqué avec les analyses critiquesdu marché qui étaient si souvent oubliées dansles rapports antérieurs de la Banque. Ce quipermet de réintroduire dans le débat de nom-breux apports de ces recherches naguère hété-

    19 Idem.20 Jean Coussy.

    CHAPITRE 7

    CHAPITRE 8

  • Réseau IMPACT. Note de lecture : Équité et développement — 13

    rodoxes et, simultanément, d’affiner celles-cià l’aide des nouveaux instruments d’analyseproposés. Et ce qui a amené le rapport à intro-duire de très nombreuses informations factuel-les. L’observation précise des processus poli-tico-économiques est devenue nécessaire dèslors que l’on abandonne les affirmations a prioride nombreux rapports de naguère (notammentl’affirmation a priori sur les effets nécessaire-ment négatifs de l’intervention du fait politique(et des acteurs politiques) dans les choix de dé-veloppement.

    — La préférence pour le marché

    La préférence traditionnelle pour le marchéreste néanmoins omniprésente. Le marché estle référentiel explicite. Ne serait-ce que dans leplan du chapitre : l’analyse est d’abord centréesur les marchés de produits, les marchés dutravail et les marchés financiers. Le marché restemême le modèle qui doit être autant que pos-sible respecté. Une intervention publique n’estlégitime que si l’on a prouvé l’existence d’unedéfaillance du marché au sens plus large pré-cisé ci-dessus. En outre, toute intervention pu-blique reste suspecte d’être inefficace ou iné-quitable ou « capturée » par des groupesrestreints.

    — La méfiance à l’égard despolitiques macro-économiques

    Dans la première page, il est souligné qu’il fautsortir de la dichotomie actuelle entre les traite-ments des problèmes macro-économiques etdes politiques sociales.

    Le plus souvent cependant la défiance demeure,tout au moins dans ce chapitre, à l’égard del’utilisation de la politique macro-économiquepour corriger les défaillances des marchés. Il ya, à la fois, défiance à l’égard des théoriesmacro-économiques non orthodoxes et dé-fiance à l’égard des comportements des ac-teurs publics qui s’estimeraient dispensés, parces théories de la rigueur monétaire et fiscale(sur ce point il y a une continuité certaine dansles doctrines de la Banque). Il aurait été intéres-sant de comparer ce point avec les essais de

    réhabiliter Keynes, notamment des textes deStiglitz sur ce point (qui ne sont, cependant,pas les plus convaincants de celui-ci).

    — Les risques de « distorsions »créés par les politiques publiques

    La défiance à l’égard des interventions pu-bliques est plus précise et plus argumentée àl’égard des interventions affectant les marchésdans leur logique microéconomique. Le rap-port reprend l’examen des effets négatifs etdes effets pervers des interventions publiques,ce qui est une tradition bien connue de la pen-sée libérale (d’ailleurs critiquée depuis long-temps par Alfred Hirschman).

    Mais cette étude des « distorsions » est faiteici sur la base d’analyses précises et d’études decas précis (avec les risques que présente la mé-thode, usuelle dans les rapports de la Banque,de présenter des histoires de cas qui sont ex-plicitement choisis et simplifiés à des fins depédagogie mais qui peuvent être, consciem-ment ou inconsciemment, choisis et simplifiésà des fins d’argumentation).

    Les « captures » des politiques publiquesou de leurs résultats par les acteurs influents

    L’accent est mis sur les « captures » des poli-tiques publiques par les acteurs bénéficiant d’unecapacité d’influence politique qui peut détour-ner toute intervention publique de ses objectifsinitiaux et en faire un facteur d’inéquité (mêmesi l’équité était un de ses buts originels).

    L’analyse n’est pas nouvelle. Mais elle est, ici,systématique, diversifiée (tous les acteurs et lesgroupes d’intérêt peuvent y intervenir). Et ellene tire pas de la multiplicité de ces capturesobservées un argument définitif contre les inter-ventions publiques. Elle en tire la conclusionqu’il faut exiger l’«accountability » de tous lesacteurs concernés par les politiques publiques.En somme il faut utiliser la démocratie pourrendre plus transparents les tensions, les conflits,les ruses et les détournements qui sont omni-présents dans les processus socio-politiques etqui ne sont pas condamnables a priori (maispeuvent l’être après examen).

  • 14 — Réseau IMPACT. Note de lecture : Équité et développement

    Les effets de multiplicationdes interventions publiques légitimes

    À l’inverse de nombreux textes antérieurs, l’ex-posé des effets négatifs possibles d’une inter-vention publique n’est pas toujours suivi d’unrefus de cette intervention publique. Il est no-tamment parfois admis que cette interventiondoit être maintenue si elle est vraimentconforme à l’équité.

    L’existence d’effets négatifs crée seulement unbesoin d’interventions publiques complémentai-res. Interventions, notamment, contre les « cap-tures » des gains de la politique économique pardes acteurs et des groupes d’acteurs influents.La construction d’une économie de marché ef-ficace et équitable demande, en définitive, unemultiplicité d’actions publiques à tous les niveauxet avec l’intervention de multiples acteurs.

    Sur ce point le texte est très riche d’exemples.Et un de ses apports essentiels est de montrerl’inévitable complexité des interventions et l’iné-luctable complexification progressive des inter-ventions publiques. Et la difficulté de prévoirl’issue du processus : avant et après la décisionpublique, apparaissent des essais de capturedes effets de cette décision, des actions pu-bliques contre ces captures, puis des capturesde ces nouvelles décisions, etc. L’exposé d’unprocessus d’action publique devient aussi com-plexe que l’ont toujours été les processus socio-politiques. Il devient aussi plus divers. Car cesprocessus politico-économiques varient selon lespays, les époques, les marchés, les traditionset les institutions. L’historique de l’action pu-blique en Indonésie qui est joint à ce chapitreest un texte remarquable sur ce point (même,ou plutôt surtout, s’il suscite d’autres présen-tations de cette histoire).

    Les besoins d’action publique provoquéspar une libéralisation de l’économie

    Une autre innovation du rapport est d’insistersur le fait (déjà bien connu) que toute libérali-sation (interne ou externe) de l’économie atrois effets :

    ➤ en premier lieu, elle crée des gagnants etdes perdants. Ce qui était si souvent évacué

    par l’hypothèse commode que les gagnantsétaient plus productifs que les perdants etqu’il était équitable qu’ils en tirent profit.Sur ce point, l’exemple de l’ouverture de cer-tains pays importants, notamment des paysde l’Est, semble avoir modifié les certitudesde naguère et le rappel inlassable du théo-rème des gains à l’échange ;

    ➤ en deuxième lieu, des actions publiquesinterviennent dans le partage des gains etdes pertes, les indemnisations éventuelles,les reconversions, la création de filets de sé-curité contre l’appauvrissement des produc-teurs non compétitifs, etc. Ces interventionsfont l’objet de captures multiples (voirl’exemple indonésien) ;

    ➤ en troisième lieu se multiplient les besoinsd’interventions complémentaires qui fontde la construction d’un marché un proces-sus tout aussi complexe et une séquenced’interventions tout aussi inéluctable que lesséquences d’interventions déclenchées parles interventions ayant pour but de corrigerle marché (argument naguère courant descercles vicieux d’interventions de l’État).

    Ici encore les exemples sont nombreux, précis,détaillés, diversifiés. Les mêmes politiques ontdes effets différents selon les institutions, leshistoires nationales, les moments de particu-liers de ces histoires. Elles sont aussi fonctionde la diversité des acteurs étrangers (États étran-gers, firmes transnationales, agences d’aide,conseillers techniques, acteurs géopolitiques,etc.). Ceux-ci n’apparaissent guère dans ce cha-pitre (sauf les acteurs financiers étrangers dontest souligné le rôle décisif dans les partages desgains et dans les asymétries d’informations).

    En définitive ce chapitre offre deux apports im-portants :

    ➤ il introduit une problématique complexe etexige des données empiriques pour jugerdu bien fondé des actions publiques. Il per-met, de ce fait, des discussions avec desobservateurs ne partageant pas les mêmeshypothèses doctrinales et appelle implicite-ment à un partage d’informations ;

  • Réseau IMPACT. Note de lecture : Équité et développement — 15

    ➤ il rappelle que le diable est dans les détails.C’est la diversité des cas qui est importante.Mais elle est, par nature, difficile à résumer.

    �� L’équité dans uneperspective globale21

    — Problématique

    La question est de savoir comment on peutétendre l’analyse en termes d’égalité et d’oppor-tunité, appliquée dans les chapitres précédentsaux individus et à leurs responsabilités, aux payseux-mêmes et aux relations internationales. Ilconvient pour ce faire de considérer que cespays peuvent avoir des « désavantages » nésde circonstances géographiques, historiques,économiques, non imputables aux citoyens ac-tuels de ces pays. Démêler dans les inégalitésentre pays ce qui relève des politiques menéeset ce qui relève de désavantages structurels esttrès difficile. Ce chapitre va s’y essayer en consi-dérant les inégalités en termes de santé, d’é-ducation, de revenu et de pouvoir dans le do-maine international. Il avance qu’une partsignificative des inégalités inter-pays est dueaux désavantages structurels. Le chapitre 10examinera alors comment la communauté inter-nationale peut réduire ces handicaps.

    — Méthode, concepts

    Après avoir donné quelques exemples signifi-catifs d’inégalités « choquantes » entre pays,en dépit de la réduction appréciable de la pau-vreté absolue dans le monde ces deux derniè-res décennies, le rapport définit trois conceptsd’inégalité :

    ➤ l’inégalité globale est celle qui, faisant ab-straction des pays, affecte les individus dela planète. Celle-ci est décomposable eninégalités entre personnes dans chaque payset en inégalités entre pays relatives à la gran-deur retenue (revenu, espérance de vie à lanaissance, etc.) ;

    ➤ l’inégalité internationale mesure cette der-nière inégalité entre pays en pondérant lagrandeur retenue pour chaque pays par lapopulation de ce pays. C’est elle qui est laseconde composante de l’inégalité globale ;

    ➤ l’inégalité inter-pays ne pondère pas les in-égalités relatives à la grandeur retenue parla population de ce pays. L’existence de paystrès peu peuplés (Sierra Leone) et de paystrès peuplés (Chine, Inde) influe évidem-ment fortement sur les résultats de l’ana-lyse des inégalités internationales (avec pon-dération démographique) et des inégalitésinter pays (sans pondération).

    — Résultats

    Santé (espérance de vie à la naissance)

    Les chiffres montrent une convergence dansl’espérance de vie à la naissance (réduction desinégalités internationales) sur longue période(1820-1992), avec cependant un renversementde tendance dans les années 90 en AfriqueSubsaharienne (principalement due au Sida) etdans certains pays d’Europe (pays en transition)et d’Asie centrale. Comme cette espérance devie tend à atteindre une limite biologique dansun nombre croissant de pays, l’inégalité en lamatière deviendra une fonction croissante deschangements sanitaires et démographiques enAfrique subsaharienne (sauf catastrophe ailleurs).L’inégalité entre Europe et Amérique du Nordd’une part, Afrique Subsaharienne d’autre partest plus forte en 2000 qu’en 1950. Enfin, bienqu’une corrélation directe positive entre santéet revenu soit plausible (même dans les paysinitialement très pauvres), les différences decroissance du revenu expliquent moins d’1/6des variations constatées dans l’améliorationde l’espérance de vie à la naissance. Plus im-portants à ce propos sont la propreté de l’eau,les systèmes de santé, les connaissances en ma-tière d’hygiène, l’éducation des femmes, etc.

    Éducation

    L’indicateur retenu est la durée de la fréquen-tation scolaire. Son intérêt est relatif car il nepréjuge pas de la qualité de l’éducation et de21 Gérard Winter.

    CHAPITRE 9

  • 16 — Réseau IMPACT. Note de lecture : Équité et développement

    son impact sur la productivité. Les inégalitésinternationales, selon cet indicateur, ont for-tement et régulièrement décru depuis 1960,décennies après décennies. La fréquentationscolaire n’a cessé d’augmenter même dans lespays les plus pauvres tout en restant très infé-rieure à celle des pays développés et encorepeu efficace (à considérer le nombre de jeunesde 15 ans sachant lire). Et l’inégalité entre paysa diminué plus vite que l’inégalité intra pays.Même constat pour ce qui concerne les inéga-lités d’éducation entre garçons et filles.

    Revenus

    En la matière, l’importance des inégalités actuel-les aussi bien inter pays qu’intra pays est frap-pante. Mais l’évolution des inégalités entre paysdiverge spectaculairement selon le conceptadopté : l’inégalité inter pays a indéniablementaugmenté depuis 1950 et surtout depuis 1980,tandis que l’inégalité internationale (pondéra-tion par la population du pays) a régulièrementdiminué en raison de la croissance de pays trèspeuplés comme la Chine et l’Inde.

    Il faut tenir compte aussi de ce que la réduc-tion des inégalités relatives de revenu (en %)va durablement de pair avec un fort accroisse-ment des différences de revenu absolu22. Quelcritère est le plus juste ? L’inégalité internatio-nale utilisant comme critère le revenu absolua augmenté, aussi bien récemment que surlong terme.

    Quant à l’inégalité globale de revenu, on cons-tate, grâce à la multiplication récente des enquê-tes auprès des ménages, qu’elle n’a pas évoluésignificativement de 1988 à 2000 (avec tout demême une lente réduction de 1993 à 2000).Mais sans la Chine ni l’Inde, elle a augmenté.

    Sur très longue période (1820-1992), Bourgui-gnon et Morrisson estiment que l’inégalité glo-bale de revenu a régulièrement augmenté jus-qu’à la seconde guerre mondiale en raison d’unerapide croissance des inégalités internationa-les. De 1970 à 1992, cette augmentation desinégalités s’est poursuivie sur un rythme plus

    lent dans ses deux composantes (internationaleet intra pays). Il semble avéré que l’inégalitéglobale en termes de revenus est davantagedue aux inégalités entre pays qu’aux inégalitésinternes, contrairement à ce qu’on constatepour les inégalités d’éducation. Enfin, il est trou-blant de constater que, hors Chine, la mobilitédes pays les plus pauvres dans le classementdes pays est faible. Les six pays qui occupaientle décile inférieur en 1980 n’ont pas enregistréde croissance. Ceci rejoint les constats effec-tués sur l’extrême pauvreté.

    Si elle a bien décliné au cours des vingt der-nières années cela vient des pays d’Asie trèspeuplés (Chine, Inde, Pakistan, Bangladesh).Presque tous les pays qui ont vu l’extrême pau-vreté s’étendre sont ceux de l’Afrique subsa-harienne (y compris les plus peuplés : le Nigeria,l’Afrique du Sud, la Tanzanie).

    Pouvoir

    Tout en renvoyant à une analyse plus détailléedu sujet au chapitre suivant, le rapport recon-naît que les règles gouvernant le fonctionne-ment des marchés globaux et les processus quiaboutissent à ces règles désavantagent les paysen développement (règles et processus sontunfair).

    Seuls quelques exemples particuliers sont icidonnés (pouvoir de décision et nationalité desdirigeants à la Banque mondiale, importancedes représentations des pays à Genève auprèsde l’OMC).

    Enfin, une esquisse d’analyse graphique relativeà la démocratie interne aux pays (voice and ac-countability) en termes de liberté d’expression,liberté de la presse et qualité des élections,montre qu’il n’y a pas de correspondance bi-univoque entre démocratie et revenu.

    — Coup d’œil sur l’avenir

    L’inégalité globale en termes de revenus n’adonc pas évolué significativement de 1988 à2000 mais cela résulte de la conjonction dedeux effets contraires : l’accroissement des iné-galités intra-pays, la réduction des inégalitésinternationales… grâce à la Chine et à l’Inde.

    22 Plus de 10 % de 500 dollars c’est plus 50 dollars ; plus1 % de 20 000 dollars c’est 200 dollars...

  • Réseau IMPACT. Note de lecture : Équité et développement — 17

    La problématique en termes de handicaps struc-turels (reprise de Denis Cogneau) source d’ini-quités est adoptée et permet de justifier despolitiques publiques internationales sans secontenter des préconisations récurrentes anté-rieures : libéralisation des marchés et bonnespolitiques des pays. Donc avancées notables.

    On peut regretter que les indicateurs d’inéga-lités de santé et d’éducation soient si limités etque les inégalités de pouvoir soient si légère-ment traitées. On peut surtout s’étonner quece constat relativement novateur sur les inéga-lités internationales ne vienne qu’au 9e et avantdernier chapitre. L’appréciation globale de cechapitre dépend évidemment des conclusionsqui vont en être tirées au dernier chapitre.

    �� Institutions et politiquespour une équité globaleplus grande23

    — Pourquoi il est importantde renforcer l’équité globale

    Il s’agit de définir les institutions et les poli-tiques contribuant à rendre plus conformes àl’équité les relations entre les pays développéset les pays en développement. En partant duconstat, encore relativement novateur à laBanque, que la pauvreté et les échecs des paysen développement ne sont pas de leur seul faitet qu’ils résultent aussi, et même peut être prin-cipalement, des inégalités internationales etdes politiques des économies dominantes (dé-nommées dans le rapport, ce qui n’est pas ano-din, les « anciennes puissances coloniales »).

    Par delà les raisons morales et éthiques, plusou moins controversées, le rapport considèrequ’une plus grande équité globale favoriseraitla prospérité générale à long terme (ce qui estplus affirmé que démontré) en réduisant lesrisques mondiaux de maladies transmissibles,

    Cet effet compensateur va probablement s’at-ténuer et l’inégalité globale des revenus de-vrait augmenter sauf si les économies subsa-hariennes trouvent le chemin de la croissance.Il faut noter que la tragédie du Sida a forte-ment ralenti et la croissance économique et lacroissance démographique de ces pays etqu’elle pèse désormais fortement sur l’espé-rance de vie à la naissance.

    Quant à l’éducation et à la santé, il reste à ex-pliquer pourquoi en ces domaines on constateune réduction des inégalités alors que les iné-galités de revenus ont augmenté. Il est possi-ble que la réduction de la mortalité infantilesoit, pour partie, déconnectée de la croissanceéconomique grâce à la diffusion de connais-sances facilitée par des actions locales écono-miques, politiques et éducatives.

    Quant à l’éducation, elle ne se transforme pasnécessairement en capital humain, si bien quel’allongement de la scolarité n’explique qu’unepetite part de la productivité du travailleur.

    Des changements dans les politiques globaleset dans le fonctionnement des institutions inter-nationales permettront-ils de faire face à cesenjeux décisifs en termes d’équité que sont ledéveloppement des pays les plus pauvres (laplupart en Afrique) et la lutte contre le Sida (etcontre les maladies d’ores et déjà soignables) ?Tel est le sujet du chapitre 10 final du rapport.

    — Commentaires

    Ce chapitre, essentiellement consacré au dia-gnostic sur les inégalités internationales a lemérite d’être clair, pédagogique, bien argu-menté. Le recours aux différents concepts d’iné-galités (globale, internationale, inter pays) per-met de trancher bien des débats antérieurs. Etle rapport n’hésite pas à porter le fer dans laplaie : les inégalités de revenu, hors Chine etInde, augmentent et l’effet stabilisateur de cesdeux pays risque de s’atténuer à l’avenir. Et sur-tout, ce rapport reconnaît que ces inégalitésappellent des politiques globales et des règlesinternationales plus justes, focalisées sur lespays les plus pauvres. La communauté inter-nationale est nettement interpellée.

    CHAPITRE 10

    23 Gérard Winter et Jean Coussy.

  • 18 — Réseau IMPACT. Note de lecture : Équité et développement

    en permettant des investissements plus pro-ductifs, en favorisant un usage plus durabledes ressources naturelles et, sans doute, enconduisant à une plus grande stabilité interna-tionale.

    Il est aussi posé que cette plus grande équiténe pourra être obtenue que par des change-ments institutionnels internationaux, des poli-tiques actives des pays développés et des chan-gements de comportements de leurs ressor-tissants. Ceci par l’accroissement des ressour-ces globales publiques soutenant les effortsnationaux, en redressant les « asymétries » desmarchés globaux, en renforçant l’impartialitéet la justice (fairness) des processus de mise enplace des règles internationales.

    Sont notamment accusées les politiques ac-tuelles des pays développés et leurs infractionsau libéralisme. Sont cités aussi quelques exem-ples de marchés imparfaits. Moins d’attentionest portée aux effets négatifs des marchésconcurrentiels : par exemple les effets négatifspossibles des exportations de biens, des sor-ties d’épargnes nationales et de l’émigrationne font pas l’objet d’études critiques et leursaspects positifs sont seuls soulignés (mais lessorties de capitaux en temps de crises sont ci-tées). L’instabilité des marchés et la disparitiondes organes de stabilisation des recettes nefont pas l’objet d’une analyse particulière.

    — Accroître les ressourcespubliques globales

    ➤ Plus d’aide, une meilleure aide, car elle estestimée capable de profiter aux pays les pluspauvres : l’observation montre même qu’elleexerce son action sur les deux derniers décilesde revenus par tête. En revanche, l’aide estconsidérée comme ayant un effet moindre qued’autres actions publiques, notamment la ré-forme du commerce international. Le rapportoppose à Collier et Dollar – partisans de ciblerl’aide sur les pays à « bonnes politiques » – lesconclusions de Cogneau et Naudet qui mon-trent que des résultats équivalents seraient ob-tenus si l’aide était ciblée sur les pays souffrantdes plus grands handicaps structurels. Il ob-

    serve d’ailleurs que, dans la pratique, les do-nateurs tiennent compte des deux propositions.

    ➤ Un allègement de la dette plus important etplus étendu est approuvé sans restriction. Letexte ne se borne pas à souligner l’importancede ses effets financiers. Il impute au service dela dette des réductions de dépenses de santéet d’éducation (dont la dette n’était pas la seulecause). Il s’oppose à tout prêt générateur denouvel endettement (sans s’inquiéter du pro-blème de refinancement de la banque). Il sefélicite de la mobilisation de l’opinion en fa-veur de cet allègement (sans rappeler les objec-tions traditionnelles). Il souligne l’initiative bri-tannique au sein de la Banque. La seule pré-caution à prendre serait que cette aide ne soitpas additionnelle et réduise les aides aux payspeu endettés.

    ➤ Les nouveaux modes possibles de finance-ment, public ou privé, sont présentés sans fairede choix. Ils sont énumérés (y compris les pro-jets nés de la réflexion de mouvements non li-béraux, y compris ATTAC) comme autant depossibilités entre lesquelles il n’est pas questionde refuser aucune possibilité et même d’établirune hiérarchie explicite. Ceci dit, selon le Rapport,pour utiles qu’ils soient, ces axes de progrèsn’auront sans doute pas un fort impact sur lesinégalités globales. Et il ne faudrait pas qu’ilsdétournent l’attention des efforts pour réduireles « asymétries » plus fondamentales : cellesdes marchés et celles des institutions.

    ➤ Les actions caritatives sont, plus générale-ment citées comme un facteur d’équité. Le rap-port fait l’éloge, en particulier, des initiativescollectives privées en faveur des objectifs pré-cédents, notamment en faveur de l’allègementdes dettes, de la libéralisation du commerce,de la recherche de nouvelles formes de finan-cement. La mobilisation des mouvements« grassroots » et les campagnes médiatiquessont citées favorablement et sans que beau-coup d’attention soit portée aux approxima-tions et aux effets de mode que véhiculent par-fois ces campagnes (et leurs relations éventuellesavec des options de certains États de pays dé-veloppés).

  • Réseau IMPACT. Note de lecture : Équité et développement — 19

    — Redresser les asymétriesdes marchés globaux

    ➤ Un commerce plus juste

    Tout en rappelant que la libéralisation du com-merce extérieur a amélioré le sort de millionsde personnes dans les PED, même si elle a étédéfavorable à certains, le rapport souligne leshandicaps que constitue la mise en place cesdernières années d’un système complexe mê-lant barrières tarifaires et non tarifaires. Ce sys-tème s’est renforcé par la prolifération d’ac-cords bilatéraux et régionaux (200 accordsparticuliers couvrant 40 % des échanges) quiexigent des pays pauvres des contreparties auxconcessions commerciales des pays riches. Lesystème conduit à l’érosion du principe de non-discrimination et rend beaucoup plus difficilesles négociations globales où les pays les pluspauvres auraient plus à gagner qu’en négo-ciant seuls ou en petits groupes avec de puis-sants partenaires.

    Les subventions des pays riches à certains pro-duits agricoles sont jugées très nuisibles auxpays pauvres. Leur suppression constitue uninstrument d’un rééquilibrage internationaléquitable et d’une relance du développement.Mais leur élimination s’avère politiquement trèsdifficile même si une prise de conscience desopinions publiques peut y aider. Au moins, pro-pose le rapport, faudrait-il s’attacher à ce queces subventions n’induisent pas automatique-ment des surproductions.

    De fait, mis à part quelques produits, les bar-rières seraient plus nuisibles que les subven-tions. Il est estimé que la libéralisation du com-merce agricole représenterait plus de 60 % desgains escomptables par les PED d’une libérali-sation totale. Et selon Bourguignon et alii, pourla plus grande partie des PED – à l’exceptiondes pays figurant dans les deux derniers déci-les de la distribution selon le PIB per capita – lesgains totaux à attendre des réformes commer-ciales seraient probablement beaucoup plusélevés que ceux retirés de l’aide.

    Suivent un certain nombre de références à desétudes sur ces gains comparés de la libéralisa-tion et de l’aide.

    Ceci dit, ne sont pas explicitées les stratégiespossibles pour surmonter les contraintes im-posées par les pays riches et les effets perversde la libéralisation, pas plus que les modalitésd’une libéralisation progressive.

    L’affirmation cruciale des bénéfices à retirerd’une libéralisation du commerce agricole (horsle cas des pays des deux derniers déciles) n’estpas vraiment argumentée. Il est fait référenceà une étude économétrique d’ensemble dontméthodes et limites ne sont pas explicitées. Iln’y a donc pas de réponse aux arguments deceux qui s’opposent à une libéralisation in-contrôlée en se fondant sur les gigantesquesdisparités de la productivité agricole entre payset sur le manque d’alternative à cette activitéde survie pour la plupart des ruraux des PED.Si les subventions agricoles de pays riches sub-sistent et si les accords asymétriques bilatérauxet régionaux prolifèrent, à quoi bon parler delibéralisation réductrice d’inégalités ? Et si lespays les plus pauvres relèvent d’un traitementspécifique par le financement public, pourquoin’en serait-il pas de même des paysans les pluspauvres des pays qui seraient, toujours globa-lement, bénéficiaires de cette libéralisation ?Le graphique 10.2 qui illustre la thèse ne consi-dère d’ailleurs que l’impact de la libéralisationsur la distribution internationale (pondérée parles tailles démographiques) des revenus et nonsur la distribution globale.

    ➤ Le « commerce équitable » proprement dit,c’est-à-dire les surprix consentis volontairementpar des consommateurs en faveur de produc-teurs des pays pauvres, voit souligner son inté-rêt (malgré son volume encore faible). Une foisde plus les actions privées sont citées avec plusde faveur que les préférences commerciales ac-cordées par les États.

    ➤ Les droits de propriété intellectuelle

    Le sujet est traité sur le cas des produits pharma-ceutiques. L’application du TRIPs en ce domaineest perçue par beaucoup comme grossièrementinéquitable. Le rapport reconnaît que recher-cher une nouvelle contribution des pays les pluspauvres par cette protection de la propriété in-tellectuelle « n’est pas un choix qui favorise une

  • 20 — Réseau IMPACT. Note de lecture : Équité et développement

    plus grande équité globale ». L’impact du TRIPssur les profits des firmes pharmaceutiques estrelativement faible (il serait compensé par deuxsemaines supplémentaires de validité des bre-vets dans les pays développés) mais son effetpervers est de devoir s’appliquer aux produitspharmaceutiques des PED qui veulent devenirmembres de l’OMC. Le remède est le suivant :dans les cas où les marchés des pays riches sup-portent déjà le coût de la recherche, les payspauvres seraient autorisés à produire ou impor-ter les molécules génériques.

    ➤ Des flux de capitaux géographiquement plusdiversifiés : Le rapport rappelle le comporte-ment de court terme et grégaire des marchésfinanciers source de crises graves et aux consé-quences multiples dans les PED. Il rappelle aussique les investissements directs étrangers (IDE)ne concernent que très peu de PED : en 2002,84 % des IDE dans les PED se concentraientdans douze pays à revenus moyens. Il noteenfin que les pays pauvres ne peuvent emprun-ter en monnaie locale ce qui les oblige à de co-ûteuses réserves en devises. Cette situation ré-sulte essentiellement de facteurs structurels ethistoriques. La seule suggestion citée est re-prise d’auteurs qui préconisent de créer unenouvelle unité pour libeller les titres sur les mar-chés émergents.

    ➤ Mobilité internationale du travail : Les mi-grations se voient attribuer un rôle majeur dansla gestion internationale d’un développementéquitable. L’évaluation chiffrée des effets ac-tuels montre qu’elle est déjà une part essen-tielle des flux financiers à destination des paysen développement. Les effets locaux sur les re-venus et les investissements de ces pays sontprésentés comme très positifs. Les effets posi-tifs dans les pays développés sont aussi mis envaleur. Le rapport formule quelques proposi-tions pour renforcer les effets positifs et atté-nuer les effets négatifs des migrations des payspauvres vers les pays riches en termes de ré-duction de la pauvreté et des inégalités :

    – mise au point par les pays développés desystème d’accueil temporaire ;

    – renforcement de la protection des droits desimmigrés (il faudrait que la Convention de

    1990 soit ratifiée simultanément par unnombre important de pays) ;

    – ne pas lier l’aide des pays d’accueil aux paysd’origine aux efforts de ces derniers pourrestreindre les migrations (ce qui multiplie-rait les migrations clandestines) ;

    – aider les pays d’origine à lutter contre lestrafiquants de migration et à faciliter les re-tours de leurs migrants.

    Le rapport conclut cette partie consacrée auxasymétries de marché en reconnaissant queces sources d’inégalités internationales ne pour-ront être réduites seulement par des mesuresspécifiques (parfois suggérées). Ces asymétriesrelèvent en effet des structures sous-jacentes depouvoir dans les instances qui produisent lesrègles de la gouvernance internationale. C’estpourquoi cette partie sur les inégalités de mar-ché laisse le lecteur sur sa faim. On est en pré-sence d’analyses très générales, déjà assez bienconnues, identifiant avec lucidité (sauf ce quiconcerne la libéralisation des marchés agrico-les) et parfois avec courage (si on compare auxprécédents rapports) les inégalités qui mettenten question le libéralisme actuel. Mais le rap-port ne prend guère position sur ce qui devraitou pourrait être fait pour y remédier, il secontente trop de citer des auteurs qui ont pré-conisé telle ou telle mesure. Là n’est pas l’es-sentiel, semble-t-il suggérer, en renvoyant à lapartie suivante.

    — Renforcer l’équité dansles processus conduisant à ladétermination des règles globales

    Les règles internationales réduiront d’autantmieux les inégalités qu’elles seront négociéeset mises en œuvre de façon transparente.

    ➤ Promouvoir l’équité comme justice distribu-tive dans les lois internationales :

    – l’équité n’a pas seulement une dimensionétatique mais aussi une dimension intergé-nérationnelle ;

    – le sens traditionnel de l’équité dans la loiinternationale s’enracine dans la notion dejustice corrective.

  • Réseau IMPACT. Note de lecture : Équité et développement — 21

    – un sens moins traditionnel est celui de jus-tice distributive (droits humains internatio-naux, aide aux pays dans le besoin pour as-surer la sécurité alimentaire, partage desbénéfices scientifiques…). La Conventionsur le Climat et le Protocole de Tokyo y fontréférence par le principe de « responsabi-lité commune mais différenciée ».

    ➤ La négociation des lois internationales :relations de pouvoir et tensions : Si les accordsrelatifs aux droits humains peuvent être consi-dérés comme non imposés par l’extérieur (votepar l’Assemblée Générale de l’ONU, où chaquepays dispose d’une voix, puis ratification parles parlements nationaux), il n’en va pas tou-jours de même, tant s’en faut, la plupart dutemps les nations industrielles ont un plus grandpouvoir de négociation.

    Les accords promus par l’OMC sont largementconsidérés comme injustes, ceci en dépit dufait que chaque pays membre dispose d’unevoix et que la pratique du consensus donne àtout pays un droit de veto. En fait, il y a desmarchandages et compromis entre divers sujets(ex. : je signe le TRIPs si on abandonne l’accordMultifibres). Certains, (propriété intellectuelle,subventions agricoles) sont si complexes queles pays pauvres ont des difficultés à suivre lesnégociations. Les premiers efforts pour aideren ce domaine les pays pauvres n’empêchentpas les pays riches de dominer de nombreusesAgences et négociations internationales.

    En réalité, les règles injustes ne proviennentpas seulement de processus de négociationsasymétriques, mais aussi du déséquilibre entreles intérêts commerciaux et l’intérêt public,dans les pays pauvres comme dans les pays ri-ches. La situation est devenue plus complexeencore depuis le dernier échec des négocia-tions au sein de l’OMC qui a conduit à la mul-tiplication d’accords bilatéraux ou régionaux,source de déséquilibres accrus. Cependant,l’histoire récente de l’OMC montre que l’ac-tion conjointe d’ONG et de PED pour détermi-ner les prises de position peut être efficace enmobilisant l’attention des médias et des opi-nions publiques.

    ➤ Établir ou renforcer les mécanismes decontestation et d’application : Les mécanismeset processus pour interpréter, faire appliquerles règles internationales sont essentiels pourrenforcer l’équité. Les procédures de contes-tation sont cependant inefficaces, comme lemontre l’exemple de l’OMC, si on ne peut met-tre en œuvre des mesures de rétorsion. Malgrétout, il existe déjà de nom-breux mécanismesjuridiques pour faire appliquer le régime inter-national des droits humains.

    De leur côté les banques de développementrégionales et la Banque mondiale font appel àdes panels d’experts pour conforter l’applica-tion de leurs directives dans les projets qu’el-les soutiennent.

    Mais le rapport admet que, pour les politiquesconcernant l’environnement, les forêts, la ges-tion des pesticides, les droits fonciers, les dé-placements de population, les cours d’eau inter-nationaux, les peuples indigènes, etc., lescommunautés locales devraient avoir une réellepossibilité de participer efficacement à l’élabo-ration des décisions qui les concernent. Et deconclure : de telles mesures, si elles ne sont pasdétournées par de puissants intérêts, pour-raient être source d’une plus grande équité.

    ➤ Les organisations internationales commeinstruments d’équité : Elles pourraient être auservice d’une plus grande équité en ciblant lespoints critiques des agendas et négociationsau niveau international, en renforçant leurs in-stances de contestation et les mécanismescontraignant des mises en vigueur des déci-sions. Elles doivent donc être renforcées et leursstructures de gouvernance doivent permettreaux pays pauvres de davantage s’exprimer etparticiper. La Banque Mondiale a exploré di-verses voies de réforme en ce sens, sans abou-tir encore à un consensus…

    — Vers un accord socialglobal renforcé

    Toutes les préconisations précédentes formentun ensemble dont la promotion dépend sur-tout des pays riches. Pour les y inciter, il faut

  • 22 — Réseau IMPACT. Note de lecture : Équité et développement

    compter sur des actions intégrées des gouver-nements des PED (coalitions), sur des leadersbien informés, sur des mobilisations citoyen-nes combinant les intérêts des plus pauvres(grassroots) et des classes moyennes, sur des re-cherches pour construire des alternatives et surdes réseaux qui en disséminent les résultats.Commentaires et exemples sont fournis sur cesthèmes. Les raisons d’échecs de certaines ten-tatives sont ciblées :

    ➤ les travaux de recherche proposant des so-lutions techniques se heurtent à une absencede volonté politique, soit que les leaders poli-tiques ne les considèrent pas comme impor-tants, soit que les coalitions en leur faveur soientinsuffisantes ;

    ➤ les mobilisations à la base, si importantessoient-elles, ne sont pas accompagnées de pro-positions opérationnelles assez bien argumen-tées et les campagnes des ONG ont pu conduireà des effets pervers.

    — Le bilan comparatif descontributions des différents paysdéveloppés : « Help not aid »

    L’ensemble des résultats chiffrés des différentsflux est résumé et complété par la reproduc-tion du tableau (déjà paru dans la revue ForeignPolicy) du « Commitment to DevelopmentIndex » des différents pays de l’OCDE. Cet in-

    dice élaboré par le « Centre de développementglobal » est construit en additionnant les ef-fets positifs que chaque pays développé a surle développement des pays pauvres par soncommerce, ses apports technologiques, sescontributions à la sécurité, ses actions sur l’en-viron- nement, son accueil de l’immigration,ses investissements et ses aides.

    Ce tableau comparatif tranche avec le reste dutexte qui se gardait de comparer les efforts dechacun. Sa publication est, de ce fait, le seullieu du rapport où sont chiffrés et hiérarchisésles apports de chaque pays développé au dé-veloppement des pays pauvres. Et ce tableau estd’autant plus important qu’il donne des résul-tats très différents des comparaisons faites de-puis longtemps par l’OCDE, comparaisons quine portent que sur l’APD. Dans cette nouvelleévaluation la France en particulier se trouveclassée au septième rang ex-aequo.

    Il est évident que ceci pose un triple défi auxpays développés ainsi déclassés : un défi à la re-cherche qui doit expliciter et évaluer les mé-thodes de calcul de chaque poste et leur moded’agrégation ; un défi à la diplomatie qui doits’attendre aux effets que ce classement peutavoir sur les négociations internationales àvenir ; et enfin, un défi à l’action publique etprivée qui doit prendre conscience de la fai-blesse relative de certains de ses apports audéveloppement et, éventuellement, procéder àdes reconversions.

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