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2015 Dr Naoual OULMOUDNE Oncologue radiothérapeute Maroc Rapport de Stage

Rapport de Stage - AROME Cancer · J’ai ainsi pu suivre les différentes étapes de prise en charge de ce cancer ORL ... moléculaires des cancers ... l’OMS) est le sous type

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2015

Dr Naoual OULMOUDNE

Oncologue radiothérapeute

Maroc

Rapport de Stage

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Remerciements

Je tiens à remercier le Pr Yazid Belkacémie et à travers lui, l’association AROME,

de m’avoir accordé l’opportunité de réaliser ce stage, d’autant plus enrichissant

sur le plan académique qu’humain.

Je remercie le Dr Deng Feng Luo, pour toute l’aide qu’il m’a offerte, afin

d’organiser et planifier ce stage.

Je remercie le Pr Jiang Feng Wu, pour avoir été mon ange gardien en Chine,

d’avoir facilité mon intégration et rendu mon séjour si inoubliable.

Je remercie le Pr Xia He et toute son équipe du Jiangsu Cancer Hospital, de leur

accueil exceptionnel, de leur générosité et immense hospitalité.

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Résumé

Du 23 Janvier 2015 au 06 Mars 2015, j’ai effectué un stage de

perfectionnement en radiothérapie au service du Pr Xia He, au Jiangsu Cancer

Hospital à Nanjing en Chine.

Le but essentiel de ce stage était de profiter de la grande expérience de ce

centre dans le traitement du cancer indifférencié du nasopharynx.

J’ai ainsi pu suivre les différentes étapes de prise en charge de ce cancer ORL et

en constater les particularités dans le diagnostic, la classification et le

traitement.

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Plan :

I. Introduction

II. Présentation du Jiangsu Cancer Hospital

III. Particularités de la prise en charge du Cancer

indifférencié du nasopharynx

IV. Conclusion

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I. Introduction :

L’Association de Radiothérapie et d’Oncologie de la Méditerranée (AROME) est

une association qui a vu le jour le 26 Mars 2006 à Paris.

Depuis sa création, ses objectifs ont été de promouvoir le développement et

l’enseignement des différents aspects de l’oncologie dans la région de la

méditerranée.

C’est dans cette optique que s’inscrivent les stages de perfectionnement en

radiothérapie en Chine. La radiothérapie est l’une des branches de l’oncologie

qui a connu un développement exceptionnellement rapide ces dernières

années. Les progrès en termes de nouvelles techniques et la meilleure

compréhension des mécanismes radiobiologiques et moléculaires des cancers

imposent désormais au clinicien une constante mise à jour de ces

connaissances et de ses compétences.

Par ailleurs, le choix de la Chine comme destination n’a pas été le fruit du

hasard, cette immense nation a connu une épopée non seulement économique

mais aussi scientifique. Les médecins et chercheurs chinois ont contribués dans

plusieurs domaines de la radiothérapie par les résultats de leurs études, ces

stages sont donc une unique opportunité d’échange d’expériences et de savoir.

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II. Présentation du Jiangsu Cancer Hospital :

Le Jiangsu Cancer Hospital ou

Jiangsu Cancer Prevention and

Control Institute est une large

structure hospitalière publique,

initialement fondée en 1973,

entièrement dédié à la prévention,

le traitement et la recherche dans le

domaine du cancer, l’hôpital est

affilié à l’université médicale de

Nanjing.

Il s’étend sur une superficie de 3,18 hectares au cœur de la ville de Nanjing

(Nankin), capitale de la province du Jiangsu, tristement connue au cours de la

deuxième guerre mondiale par le massacre de l’armée japonaise, c’est

actuellement une belle agglomération prospère et moderne.

L’hôpital compte 15 départements diagnostiques et cliniques dont les

départements de radiothérapie, de chirurgie oncologique et d’oncologie

médicale ; avec une capacité totale dépassant les 1000 lits ; ainsi que 5 centres

de recherche fondamentale. Il emploi plus de 1200 professionnels à des degrés

différents d’expertise.

Le service de radiothérapie, dans lequel j’ai eu l’honneur d’être accueillie, est

sous la direction du Pr Xia He. Une soixantaine de médecins, travaillants en

pôles spécialisés (tête et cou, thoracique, gynécologique...), y veillent à la prise

en charge des patients.

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Le plateau technique est composé de 3 accélérateurs linéaires (Varian), un

appareil de cobaltothérapie, un simulateur et un scanner dosimétrique dédié,

un quatrième appareil d’arcthérapie est en cours d’installation.

Le département comprend aussi un service de curiethérapie spécialisé dans la

curiethérapie gynécologique.

A coté des activités de soins, le service a une vocation universitaire en

accueillant plusieurs internes et étudiants, et une vocation de recherche

clinique et fondamentale, en témoigne un éventail riche de publications

scientifiques.

III. Particularités de la prise en charge du cancer

indifférencié du nasopharynx :

1. Données épidémiologiques :

Le cancer du nasopharynx est un cancer à distribution géographique

particulière.

La Chine est un pays à haute incidence, les provinces de Guangdong et

Hong Kong enregistrent les chiffres les plus importants avec des taux atteignant

30/100 000 chez les hommes et 13/100 000 chez les femmes. Environ 40% des

patients diagnostiqués à travers le monde sont chinois.

Le Maroc comme les autres pays nord africains appartient à une zone à risque

intermédiaire, avec une incidence à 4,2/100 000 chez les hommes et 1,2/100

000 chez les femmes selon les données du registre des cancers de la région du

Grand Casablanca actualisées en 2012.

Sur le plan histologique, le carcinome non kératinisant de type indifférencié

(ancien type III de l’OMS) est le sous type histologique le plus fréquent dans les

deux pays.

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2. Diagnostic :

Tous les patients bénéficient d’une nasofibroscopie diagnostic faite par

l’oncologue radiothérapeute, celle ci permet de faire une évaluation de

l’extension locale et de réaliser les prélèvements nécessaires pour l’étude

anatomopathologique.

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3. Bilan et Classification :

Après la confirmation histologique, la conduite thérapeutique dépendra du

stade évolutif de la maladie.

L’étendue de l’extension locale et à distance seront évaluées à l’aide d’une

batterie d’examens :

IRM du nasopharynx : L’étude des images pondérées en T1, T2 avec et

sans injection de gadolinium, en plus des séquences de diffusion reste

l’examen clé pour préciser l’extension loco-régionale de la tumeur.

TDM thoracique et abdominale

Scintigraphie osseuse

TEP au FDG : non systématique.

Dosage quantitatif de l’ADN de l’EBV

Après le bilan d’extension locorégionale et à distance, la tumeur sera classée

selon la classification chinoise 2008 :

T :

N :

M :

T1 : tumeur limitée au nasopharynx

T2 : extension aux fosses nasales, et/ou à l’oropharynx et/ou aux

espaces para-pharyngés

T3 : extension à la base du crane, et/ou au muscle ptérygoïde médial

T4 : extension aux nerfs crâniens, et/ou aux sinus paranasaus, et/ou

extension intracrânienne

N0 : pas d’atteinte ganglionnaire

N1a : adénopathies rétropharyngées

N1b : adénopathies unique ou multiples, unilatérales des zones Ib,

et/ou II, et/ou III, et/ou Va et ≤ 3cm dans leur plus grande dimension

N2 : adénopathies unique ou multiples, bilatérales des zones Ib,

et/ou II, et/ou III, et/ou Va et ≤ 3cm dans leur plus grande dimension

M0 : absente d’atteinte métastatique à distance

M1 : présence de métastases

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4. Protocole thérapeutique :

Comme dans les guidelines occidentaux, la radiothérapie est la pierre angulaire

dans le traitement des stades précoces du cancer du nasopharynx, tandis que

l’association radio-chimiothérapie, reste le standard pour les stades les plus

avancés.

Les modalités de ces traitements sont cependant différentes. L’équipe du Pr Xia

He a publié plusieurs articles relatant leur expérience dans ce domaine.

a. Chimiothérapie :

La chimiothérapie trouve sa place dans les différentes étapes du parcours

thérapeutique :

En Induction : dans les stades avancés avec envahissement ganglionnaire

massif et/ou masse bulky.

En concomitant à la radiothérapie.

En adjuvant : de pratique moins courante, elle reste cependant une

option en cas de mauvaise réponse à la fin de la radio-chimiothérapie,

surtout en cas de titres toujours élevés de l’EBV.

Dans tous les protocoles, le classique cisplatine est remplacé par un autre sel

de platine de deuxième génération :

Nedaplatin : il possède des propriétés radio-sensibilisantes similaires au

cisplatine, mais avec une meilleure tolérance rénale et hépatique, il expose par

contre à plus de neutropénies. Ce produit n’est cependant pas encore validé

par l’EMA européenne ni par la FDA américaine.

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b. Cetuximab:

Cet anticorps monoclonal visant l’EGFR est un standard dans le traitement des

carcinomes épidermoides de la tète et du cou, cependant sa place dans le

traitement du cancer du nasopharynx reste encore ambigüe. Les guidelines du

NCCN ne l’incluent toujours pas dans cette indication.

Pourtant plusieurs études chinoises se sont intéressées à la place de cette

thérapie ciblée dans le traitement du cancer du naspharynx, les études

fondamentales ont prouvé que l’EGFR est exprimé dans plus de 80% de ces

cancers. Deux études chinoises de phase II ont exploré l’usage du cetuximab en

association à la chimiothérapie plus radiothérapie conformationnelle par

modulation d’intensité dans le traitement de cancers localement avancés, avec

des résultats encourageants niveau réponse à court terme et tolérance.

L’équipe du Pr Xia He a mené une étude pionnière pour démontrer le rôle du

cetuximab en association à la radio-chimiothérapie dans les stades localement

avancés, dans cette série de vingt et un patients, et après un recul moyen de 13

mois, les taux de réponse locale, régionale et à distance étaient respectivement

de 100%, 100% et 95,2%.

Le cetuximab en association à la radio-chimiothérapie est une option gradée

IIb, pour les cancers localement avancés, dans le consensus des experts chinois

de 2013.

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c. Radiothérapie :

Tous les patients sont traités en technique conformationnelle avec modulation

d’intensité, les doses totales peuvent être adaptées selon la réponse tumorale

après évaluation en cours de traitement, un boost sur le résidu tumoral pourra

être délivré par radiothérapie externe ou par curiethérapie.

Exemple :

Plan de traitement d’un carcinome indifférencié du nasopharynx classé

T1N2M0 :

Contourage :

GTV T (Volume tumoral macroscopique): Tumeur macroscopique +

nasopharynx en totalité

GTV N : Adénopathies macroscopiques, visibles sur l’imagerie ou

fixant au PET.

CTV 1 (volume cible anatomoclinique): Extension de 1 cm autour du

GTV, incluant tout le nasopharynx et l’oropharynx jusqu’à 1 cm sous

le GTV, le sinus sphénoïde, les ailes du sphénoïde, le muscle

ptérygoïde médial et les espaces préstyliens ainsi que les aires

ganglionnaires atteintes (aires II et III).

CTV 2 : CTV1 + oropharynx jusqu’à C3, le sinus sphénoïde en totalité,

le clivus en totalité, le quart postérieur des fosses nasales et des sinus

maxillaires, les aires ganglionnaires II, III, IV et V.

Une marge de 0.3 cm a été rajoutée pour former le volume cible

prévisionnel (PTV).

Prescription et dosimétrie :

GTV T : 70 Gy

GTV N : 68 Gy

CTV 1 : 60 Gy

CTV 2 : 50 Gy

La dosimétrie a été faite par technique de modulation d’intensité, les

contraintes aux organes à risque ont été respectées.

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Fig. a. Fig. b.

Fig. c. Fig. a. b. c. Contours des GTVT, GTVN, CTV1 et CTV2

Fig. d. balistique

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IV. Conclusion :

L’expertise chinoise dans le traitement du cancer du nasopharynx n’est plus à

démontrer.

Il est nécessaire de développer des études adaptées à la population

méditerranéenne, pour pouvoir positionner les protocoles thérapeutiques

chinois dans notre stratégie thérapeutique actuelle.

Aussi, au delà de sa dimension scientifique, ce stage m’a permis de m’ouvrir sur

la culture chinoise et d’admirer ses multiples facettes.

Merci à tous ceux qui ont rendu cette expérience possible !