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  • LA NOUVELLE

    NOUVELLE

    RE VUE Française

    DÉSORDRE DANS LE CŒUR

    Ils furent toute une bande à monter avec le troupeaude génisses; mais, dans l'après-midi déjà, ceux qui lesavaient accompagnés redescendirent, et Joseph et Baptisterestèrent seuls. Ils allaient être seuls pendant trois mois.

    Dans les chalets à vaches, il y a toujours sept ou huithommes, parce qu'il faut du monde pour les soigner, etpuis c'est le fromage à faire et mille choses qui s'en-suivent mais les génisses, ne donnant pas de lait, ontbesoin de bien moins de soins; il s'agit seulement deles ramener au parc chaque soir, de les lâcher chaquematin; deux hommes y suffisent.

    On les prend jeunes, parce qu'ils coûtent moins cheret il n'est pas nécessaire qu'ils aient beaucoup d'expé-rience c'est ainsi que ni Joseph, ni Baptiste n'avaientencore vingt-cinq ans, et ils se trouvaient à une grandehauteur dans la montagne, les chalets à génisses étantles plus élevés de tous, et souvent drôlement perchésen haut des crêtes, sous la paroi de rochers même, làoù il n'y a plus qu'un maigre gazon, qui cesse bientôttout à fait.

    C'était ainsi, il faisait du soleil, on était à la fin de

    juin, il ne restait plus de neige que par plaques sur les

  • LA NOUVELLE N.R.F.

    flancs des plus hauts sommets, on avait assez chaud; onvit la bande des hommes descendre le sentier, disparaî-tre et Joseph s'était mis à réparer la barrière du parc,tandis que Baptiste garnissait de paille fraîche les deuxlits (ils avaient monté deux gerbes de paille fraîche). Etles lits furent faits, la barrière fut réparée, le soir vint,alors ils rassemblèrent le troupeau, qu'ils firent rentrerdans le parc.

    Ils allèrent manger. Ils avaient une provision de painet de fromage, avec un peu de viande séchée et de lasemoule pour la soupe; ils avaient aussi avec eux unevache pour le lait; c'était largement de quoi vivre.

    Donc ils prirent place à la large table de sapin maldégrossie où les nœuds faisaient relief, tellement elleavait été souvent frottée au savon et à la brosse; assis en

    face l'un de l'autre, ils mangèrent. Ils n'avaient pasencore échangé un seul mot.

    Le soir vint, ils ne se parlaient toujours pas. Le soleildescendit tout rouge derrière la montagne; tout à coup,un vent frais souffla, dans la vallée au-dessous d'eux

    rapidement l'ombre s'épaississait, ils continuaient de setaire; enfin Baptiste se leva, et un moment après, Joseph.

    Ils couchaient ensemble dans une espèce de petitechambre prise sous la pente du toit et qui communiquaitavec la grande pièce où était le foyer, par une ouverturesans porte; là étaient deux cadres de bois fixés au mur,c'étaient les lits. Comme on a vu, Baptiste, quelquesheures avant, les avait remplis de paille fraîche; il n'yavait, outre la paille, que deux grosses couvertures delaine brune et une espèce d'oreiller. Ils se faisaient vis-à-vis, les deux lits étant placés chacun contre une desparois; la chambre était toute en longueur, dans le boutse trouvait la fenêtre. Rien d'ailleurs que les murs enpierre sèche, et point de plafond, mais le toit, avec lespoutres qu'on voyait et dessus des grosses dalles d'ar-doises posées. Près du lit de Baptiste, un petit miroir

  • DÉSORDRE DANS LE CŒUR

    pendait à un clou; au-dessus du lit de Joseph, une imageétait accrochée et c'était une Sainte-Vierge en robe bleueavec des anges.

    Quand Joseph entra dans la chambre, Baptiste étaitdéjà couché. Aucune lampe d'aucune sorte, aucune lan-terne non plus, mais la lune éclairait, donnant par lafenêtre. On distinguait très bien au creux de l'oreillerla tête brune de Baptiste et qu'il avait le dos tourné. Iln'avait pas été long à se mettre au lit, mais c'est aussiqu'il dormait à moitié habillé, et Joseph faisait commelui. On simplifie les choses à la montagne; d'ailleurs lesnuits sont souvent froides et l'air entre comme il veut

    par les fissures du toit. Semblablement donc à Baptiste,Joseph ne tarda pas à être roulé dans sa couverture,et tout de son long étendu comme lui dans la paille quicraquait, mais il ne s'endormit pas si vite que lui.Baptiste, en effet, ronflait déjà depuis longtemps, queJoseph continuait à s'agiter, se tourner et se retourneravec des soupirs, et à changer sa tête de place, inutilementdu reste, seulement le mouvement, semblait-il, le soula-

    geait. Et du temps passa encore, il ne dormait toujourspas. Tout à coup, il se souleva sur le coude, et il setenait la tête appuyée contre sa main, regardant devantlui. Qu'est-ce qu'il regardait ainsi ? C'était Baptiste. Lalune qui baissait vers l'horizon envoyait de plus en plusparallèlement au plancher sa lumière pâle et tranquille;comme le bois du lit était très bas, il ne jetait qu'uneombre étroite; on voyait nettement tout le détail deschoses et cette figure aussi dans le lit. Baptiste, tout endormant, s'était retourné elle se montrait maintenant

    de face; les cheveux un peu frisés couvraient à demi lefront, et Joseph se disait: « Il n'est pourtant pas beau »Il regardait, il regardait encore; le nez était un peu gros,relevé du bout, les lèvres épaisses, le menton fort et tropcarré; il regardait, il apercevait sur le globe saillant desyeux la minceur lisse des paupières; il y avait même deux

  • LA NOUVELLE N.R.F.

    dents qui paraissaient à découvert sur le côté de la bou-che, à cause qu'à cette place elle se relevait un peu; et,en même temps que de la colère, il y avait en lui ungrand étonnement « Comment a-t-elle pu ?. Com-ment a-t-elle pu ?. » Il pensait « Il est pourtant pluslaid que moi, tout le monde le dit, et puis c'est facile àvoir. Toutes les filles riaient de lui. Pouquoi celle-làseule ? » Et il reprenait « Justement celle qu'il n'au-rait pas fallu. »

    Il s'assit sur son lit, il se dit « Il faut raisonner. »

    Il regardait toujours Baptiste, seulement il cherchaità être calme. Et c'est ainsi qu'il fit un grand effort pourpasser du désordre à l'ordre et ranger à la suite l'une del'autre ses idées qui jusque-là avaient tourné en rond;on va faire un raisonnement. « Qui est-ce qui est là ?c'est Baptiste. Alors pourquoi est-ce que je suis telle-ment tourmenté ? » Mais sa poitrine se resserrait déjà,parce que la réponse venait; elle put à peine sortir « Jesuis triste, parce qu'il m'a pris celle que j'aimais. »

    Et le secret ainsi sortit, qui fut presque dit à voixhaute; alors il lui sembla qu'il avait atteint à une véritépas encore connue, quand même elle le travaillait depuisquinze jours. Mais c'est qu'on met du temps pour voirles choses, ce qui s'appelle voir. Il se disait « On estensemble; il sait tout, comme je sais tout; pourtant iln'en a rien laissé paraître, moi non plus, à part qu'on nese dit rien et qu'on s'évite; mais à présent la nuit estvenue, et il dort à présent, je peux le regarder. »

    Alors, en même temps que devant lui ce visage, toutesorte de choses se mirent à se lever ensemble dans son

    cœur; un autre visage venait, qui était doux et fin, celui-là, d'autres yeux, un autre nez, d'autres lèvres; il voyaitle pré qui bordait l'étang, elle se penchait contre lui.« Comme ça va durer quand même » disait-elle. Ilsétaient trop jeunes pour se marier, ils devaient attendreencore deux ans, et c'est pourquoi elle était triste. Mais

  • DÉSORDRE DANS LE CŒUR

    bientôt, sa vraie humeur revenait; elle relevait la tête.« Ça ne fait rien, disait-elle, on peut toujours s'embras-ser. » Ils allaient derrière un buisson pour s'embrasser.Pendant un grand moment, ils ne voyaient plus rien.Puis les pentes autour d'eux, le village à gauche et lesaulnes et l'étang derrière les saules, le monde tout entierpeu à peu ressortait; ils voyaient briller l'eau, avec duciel dedans et dedans les nuages qui glissaient commedes bateaux; ils s'asseyaient dans l'herbe côte à côte, ilsse tenaient par la main, ils se taisaient. Et, parce qu'ilétait trop heureux pour penser à autre chose, il lui sem-blait que ce bonheur ne pourrait jamais finir. Ce futainsi, et il allait, et bientôt l'été s'avança; alors, un jour,on le nomma pour monter avec les génisses; il se disait« L'été passera vite », et il se consolait d'être obligé dela quitter. Il avait été chercher Sidonie pour lui annoncerla nouvelle; il ne l'avait pas trouvée chez elle, ni surla place, ni ailleurs, et toute cette journée du dimanche,il l'avait cherchée inutilement. Alors, le soir, il n'avait

    plus su que penser. Mais, deux ou trois jours plus tard,il l'avait aperçue qui entrait à la boutique; il l'avaitattendue devant la porte de la boutique. Elle portaitun gros sac de sel qu'elle tenait appuyé contre le côtégauche de sa poitrine. « Qu'est-ce que vous voulez ? »avait-elle dit. Lui, il sent bien que le souffle lui manque,il ne comprend pas, il ne veut pas comprendre, il pense« On s'expliquera », et il la suit, elle ne se retournemême pas. « Sidonie, Sidonie, qu'as-tu ? » Aucune ré-ponse. Elle va, la tête haute, et marche fièrement, selonson allure ordinaire, parce que c'est une fille qui entendbien qu'on la respecte, et elle est fière par-dessus tout.Et encore un ou deux appels, et elle qui ne répond tou-jours pas, et elle va toujours plus vite. « Sidonie ».Plus rien, elle est entrée chez elle, et il y a son pèreet sa mère qui sont assis à une table et ils boivent ducafé. Alors, lui s'était sauvé. Il a été bien loin, il s'est

  • LA NOUVELLE N.R.F.

    trouvé assis dans le bois sous un pin; un écureuil grim-pait le long du tronc sans s'inquiéter de sa présence,sans même l'avoir vu sans doute, tellement il était im-

    mobile et il retournait en lui ses pensées, sans parvenird'abord à leur trouver un sens. Puis il s'était dit « C'est

    qu'elle aime quelqu'un d'autre. » Et il avait vu qu'il nese trompait pas.

    Comme les choses sont pourtant arrangées Il a falluencore cela, que ce quelqu'un d'autre soit celui-là mêmequi est devant lui dans le lit, et il n'y a rien entre lesdeux lits, avec autour ce grand silence, que l'étroit espacequ'il faut pour passer. Un petit peu de vent soufflait,faisant rouler un fin gravier le long des plaques d'ar-doise Joseph se tenait toujours appuyé sur le coude,l'autre continuait de dormir. Voilà, ils allaient être en-semble tout l'été; pendant trois mois, ils resteraientensemble, sans rien se dire. Le matin, ils iraient ouvrir

    la porte du parc et, chassant le troupeau devant eux parles pentes, ils le dirigeraient vers les endroits où l'herben'était pas encore broutée, puis ils redescendraient.Après quoi, ils auraient à s'occuper dans le chalet dessoins du ménage; puis ils n'auraient plus rien à faire, etils s'éviteraient, faisant en sorte de se rencontrer le

    moins qu'ils pourraient; mais ils seraient bien forcés dese retrouver pour manger. « Alors il ne me dira toujoursrien, pensait Joseph, parce qu'il ne veut plus meconnaître, et moi non plus je ne veux plus le connaître.Il est fâché de me sentir fâché, et il me méprise. Etmoi. » Il n'osa pas aller plus loin. D'ailleurs, tout cela,ce n'est rien. Mais elle, elle reparaît, elle a sa bouchequi est rouge, elle sourit un peu à qui ?. Et Josephtend ses yeux vers l'autre lit, et, en même temps que sesyeux, c'est tout son corps qu'il avance, se tournant unpeu de côté, la tête aussi tournée, le menton en avant;alors quoi ? qu'est-ce qu'il faut faire ? « Est-ce que jepourrai jamais oublier?. Je ne pourrai jamais oublier. »

  • DÉSORDRE DANS LE CŒUR

    Mon Dieu! mon Dieu! Il s'agitait tellement qu'onentendit crier le bois du lit, et brusquement il se laissatomber en arrière, parce que Baptiste avait lui aussiremué; et voilà, de dedans l'ombre où il le quittait,ouvrant seulement à demi les yeux, Joseph vit que luiaussi ouvrait les yeux, regardait de droite et de gauche,comme quelqu'un qui est inquiet; puis, s'étant assis surson lit, longuement bâilla, rassuré sans doute; et enfinc'est lui qui retombe, et il semble qu'il se rendorme.Pourtant il ne faut pas trop se presser. Joseph attenditun moment encore. Maintenant Baptiste ronflait de nou-veau. Et, pour Joseph, de nouveau, ce fut le manège detout à l'heure; il ne pouvait pas penser à dormir, n'est-ce pas ? Alors il étouffe un soupir, mais la plainte res-sort quand même, et les pensées, elles, on les trompe,elles n'en reviennent pas moins « Oh! comme ils sontheureux pourtant, ceux qui sont sûrs d'un cœur et sûrsd'une amitié, ceux que deux yeux fidèles gardent! »« Il m'a tout volé, ce Baptiste! » continua-t-il. Il serrases poings. « Et s'il disparaissait ? » Eh bien, voilà, s'ildisparaissait, peut-être bien, peut-être bien. Sait-onjamais avec les filles ? Il n'y aurait rien d'impossiblequ'elle se dît alors « Joseph avait du bon, et puis jesuis seule, je m'ennuie. » Et la colère gronde encore plusen lui, car il pense « C'est lui, c'est lui seul quiempêche tout, et il me l'a prise. » Il se sent tout à couptrès fort. Alors, il y aurait un moyen très simple, puis-qu'il dort. Ce serait tellement bon! Il n'aurait qu'allerchercher une corde, et le sang ne coulerait pas. Baptisteest endormi, ce serait facile; et tout serait fini avant

    qu'il se fût réveillé. Il n'aurait qu'à le prendre, l'attirerà lui, et courber le dos; il le tiendrait par les deux mains,il sentirait cette chaleur; le corps serait encore mou etil serait lourd, mais peu importe, on a des forces quandon veut, et il irait ainsi par le vide des pâturages jusqu'àcette paroi là-bas, où il le laisserait tomber. Il descen-

  • LA NOUVELLE N.R.F.

    drait au village, il dirait « Baptiste est tombé en allantchercher des fleurs. » On ne s'étonnerait pas trop, onpenserait « C'était pour sa bonne amie, on perd latête dans ces moments-là. » Et elle alors ? il ne veut

    pas savoir. Est-ce qu'il n'entend pas d'avance ce cri, maisil cesse; et, à présent, elle tient seulement sa tête dansses mains, et la balance un peu, avec une espèce deplainte comme une petite chanson, alors il est là, et ilsait ce qu'il a à faire, puisqu'il va y avoir malgré toutdans ce cœur une place vide il n'aura qu'à dire« Laisse-moi m'y mettre » et ce sera fait.

    Il fit en sorte de ne pas être entendu; il se laissa allerun peu en arrière, appuyant ses mains des deux côtésde son corps, puis il leva un pied et, étendant lentementla jambe, il la fit sortir de dessous la couverture; et onvit dans le clair de lune son pied nu, qui était blanc. Ille posa sur le plancher, et sortit l'autre. Aucun bruit, eneffet; tout allait parfaitement bien. Maintenant il étaitassis sur le bord du lit; il n'avait plus qu'à se mettredebout. Mais, au lieu de se mettre debout, voilà qu'ilregardait de nouveau vers le lit, et il ne bougeait plus.Et il ne bougea plus, ainsi, d'un grand moment. Puis,brusquement, il ramena ses jambes, et, se laissant tomberde tout son long, il roula autour de lui la couverture.

    Plus rien. Il y avait seulement comme un sourd mou-

    vement qui se faisait dans ses épaules, dont l'une selevait pendant que l'autre s'abaissait, et est-ce qu'il n'ya pas maintenant un drôle de tout petit bruit, commel'eau dans une gouttière ?

    La seule chose qu'on entende bien pourtant, c'est, demoment en moment, une des sonnailles des génisses quise met à tinter faiblement dans le parc, quand une desbêtes s'éveille et s'étire, tendant le cou en avant; ou bien,tracassée par une puce, elle se frotte contre un desmontants de la barrière.

    C'est partout la nuit; c'est le ciel avec ses colliers de

  • DÉSORDRE DANS LE CŒUR

    perles égrenées; c'est au-dessous de nous le trou de lavallée où il fait noir, où rien ne se déplace; c'est aussiBaptiste qui ronfle.

    Puis un petit peu de gris se montre là-bas derrière lamontagne; les deux hommes se levèrent, ils travaillèrenttout le jour. Un autre jour vint, puis un autre jour, et ilscontinuaient de faire leur ouvrage; mais ils ne se par-laient pas, ils ne se regardaient même pas, à cause dece qu'on a vu.

    Ainsi passa la première semaine, et ils ne s'étaientencore rien dit. On entra dans le dimanche, il faisait

    très beau ce jour-là. Le dimanche, on n'est pas si presséque les jours ordinaires; on ne se lève pas si tôt. Joseph,quand il se réveilla, fut surpris de voir que le lit deBaptiste était vide. Et non seulement Baptiste étaitdebout, mais il avait déjà mangé, comme Joseph s'enaperçut quand il passa à la cuisine, et, posé sur la table,l'espèce de pot de fer dans lequel ils faisaient chaufferla soupe, était à moitié vide, bien qu'encore fumant.

    Alors l'étonnement fit place chez Joseph à de l'inquié-tude et c'est distraitement qu'il plongeait sa cuillèredans son écuelle; et distraitement il la portait à sa bou-che, guettant l'autre, « Parce que, pensait-il, il ne va pasêtre dehors longtemps. »En effet, au bout d'un instant, il entendit Baptiste

    s'approcher, et ses lourds souliers traînaient sur lesespèces de grosses pierres plates, mises devant la porteen guise de pavé.

    Baptiste parut. Joseph ne fit semblant de rien.Baptiste alors se dirigea vers la chambre sans le

    regarder, lui non plus; arrivé à la porte de la chambre,il eut l'air de vouloir entrer; tout à coup, il se retourna.

    Ecoute, il faut que je descende.Il avait dit cela durement, sèchement, comme s'il lui

    en coûtait de parler; et, les mots essentiels sortis, ils'était arrêté tout net dans sa phrase, pour faire com-

  • LA NOUVELLE N.R.F.

    prendre qu'il n'avait pas d'autres explications à donner.Puis il attendit la réponse; aucune réponse ne vint.

    Joseph continuait de manger sa soupe, avec le gesterégulier et mécanique de son bras montant et descendantde sa bouche à son écuelle; on n'était même pas biensûr qu'il eût entendu.

    Et Baptiste attendit une minute encore; puis, de sonmême ton

    Tu comprends, si je te dis ça, c'est pour que tusaches à quoi t'en tenir et que tu fasses ce qu'il y a àfaire, d'autant plus qu'il n'y a pas à compter que je soiirentré avant la nuit.

    En somme, c'était bien un service qu'il demandait,puisque Joseph allait avoir double besogne, mais on nes'en serait pas douté; ni « s'il te plaît », ni « si ça teconvient »; c'était plutôt un ordre qu'il donnait. Qu'est-ce qu'il allait en penser, Joseph? Il ne sembla pas qu'ilen pensât rien. Il répondit « J'ai compris, tu n'asqu'à aller », et déjà il s'était remis à manger, et Baptisteà présent était entré dans la chambre.

    Il faisait un grand soleil; Joseph alla sortir les bêtesdu parc, il revint; l'autre était toujours dans la chambre.

    Par l'ouverture qui servait de porte, Joseph jeta uncoup d'oeil; il vit que Baptiste avait tiré de dessous sonlit une espèce de valise qu'il y tenait cachée, qu'il l'avaitouverte; et il était entrain de déplier ses habits dudimanche, une veste, un gilet et un pantalon, qu'il éten-dit soigneusement sur le lit. Puis il sortit un rasoir etun morceau de savon.

    Il avait mis de l'eau dans une sorte de vieux saladier

    qui servait de cuvette; il s'approcha de la fenêtre où unpetit miroir était pendu; il commença à se raser.

    Et Joseph aurait voulu pouvoir crier, tant il souffrait,mais l'orgueil l'en empêchait.

    Il allait et venait dans la cuisine, se donnant l'air de

    mettre tout en ordre et sans paraître prendre garde à ce

  • DÉSORDRE DANS LE CŒUR

    qui se passait dans la chambre à côté, mais ses penséesétaient toutes debout, le travaillant en dedans de leursongles, comme si elles avaient voulu sortir. « S'il se faitsi beau, se disait-il, c'est qu'il va la rejoindre; sûrementqu'elle doit l'attendre; ils se seront donné rendez-vous. »Alors il ne voyait plus clair. Et, devant le miroir, Bap-tiste faisait aller la lame du rasoir contre sa joue biensavonnée.

    A la fin, Joseph n'y put tenir; il fallut qu'il s'échap-pât. Droit derrière le chalet, commençait la pente raide,qui aboutissait un peu plus haut à la paroi de rochers;quelques blocs, tombés là et qui avaient roulé, parse-maient le gazon, déjà court et jaune par places, parcequ'il était en partie brouté; et il y avait partout commedes sentiers étagés qu'avaient creusés dans le sol mou lessabots des vaches. Là, en files, ou éparpillées, deux outrois ici, deux ou trois plus loin, toutes les bêtes du trou-peau étaient en train de paître, et les taches noires oublanches et rouges de leurs robes variées se déplaçaientl'une devant l'autre lentement. Il y avait aussi un bruitde sonnailles qui venait, mais faible et vite dispersé parles coups de vent et les changements de direction dansle vent; là il monta et vers cela, ce Joseph tellementtorturé.

    Il monta au hasard et seulement pour bouger, mais ilmonta longtemps, jusqu'à ce que le chalet, parce que vud'en haut, ne fut plus qu'une espèce de toit gris posé parterre; et, s'étant laissé tomber dans l'herbe, sa tête elleaussi allait en avant.

    Puis, tout à coup, il la releva, parce que quelqu'unvenait de sortir du chalet; ce n'était qu'un faible point,mais Joseph avait de bons yeux; et il reconnut bien Bap-tiste tout en noir, avec un chapeau noir et un col à sachemise. Il allait vite, il courait presque; en moins derien, il fut arrivé au tournant du sentier, et il disparutau tournant du sentier.

  • LA NOUVELLE N.R.F.

    Il pensait « Il ne s'est jamais fait si beau; tout cequ'il a de neuf, il l'a mis; tout ce qu'il a de neuf, ill'avait avec lui, c'est qu'il savait bien d'avance. Alors,moi (et il se regardait, il voyait son vieux pantalon dé-chiré, les espèces de grosses choses pierreuses et informesqu'il avait aux pieds, qui étaient ses souliers de travail,et les manches de sa chemise sale). moi, je suis commeles pauvres, comme les abandonnés! »

    Le mot vint et retentissait contre les parois de soncrâne; sa tête retombait déjà, et il la secouait lentementdevant lui, laissant ses yeux aller au hasard par lespentes, tandis qu'il avait joint ses mains et avait mis sescoudes sur ses genoux.

    Placé comme il était, on n'avait pas besoin de leverbeaucoup les yeux pour que le grand trou vide de lavallée vous apparût; on avait de la peine à ne pas la voir,au contraire; et instinctivement Joseph fuyait cette vue,à cause du beau soleil là-bas, et là-bas était le village etlà-bas le bonheur perdu. C'est pourquoi il allait jusqu'àles fermer, ses yeux, maintenant; et il continuait de ba-lancer sa tête, berçant ses pensées au-dedans de lui,comme un enfant qu'on voudrait endormir.

    Mais il n'y arrivait pas, et il se leva, parce qu'un grandbesoin de mouvement l'avait pris, et il levait son fouet,le tenant par le manche. Et il criait, courant après sesbêtes; et elles tournaient la tête vers lui, étonnées, puiss'enfuyaient, secouant leurs sonnailles, mais elles necomprenaient pas; pourtant il continuait de crier et defaire claquer son fouet; ou bien il se mettait à rire toutseul comme un homme ivre, ou il tombait assis et restait

    là sans plus bouger, puis repartait; et, autour de lui étaitla montagne avec un beau soleil dessus et tout le diman-che dans l'air, c'est-à-dire le jour de la joie, parce qu'enbas les cloches sonnent, et les voix des cloches disent

    « Paix, bonheur, confiance »; en bas des cloches, icile soleil.

  • DÉSORDRE DANS LE CŒUR

    « Et en moi, alors? » se demandait-il. Le temps pas-sait, la journée s'avançait; il n'était point rentré pourmanger, il ne songeait pas à manger; et immobile main-tenant, depuis bien longtemps, à la même place« Qu'est-ce qu'ils font là-bas? » Là-bas où c'est les clo-ches et où c'est le vrai dimanche, et tous les chemins sontcouverts de filles avec des fichus de couleur, et d'un che-

    min à l'autre elles s'appellent par des cris « Qu'est-cequ'ils font, mon Dieu, là-bas, à cette heure ? Les vêpresdoivent être finies, le coup de trois heures doit avoirsonné; ils sont libres l'un et l'autre, ils peuvent aller oùils veulent; est-ce qu'ils iront au bord de l'étang?. Biensûr, parce qu'on est caché. On peut se mettre derrièreun saule. » II se disait « Ils se sont mis derrière un

    saule, ou bien ils sont montés dans le bois, mais de toute

    façon il est avec elle à cette heure, il lui parle, elle luirépond, et elle avance un peu la tête, avec son petit men-ton rond, le regardant malicieusement d'en dessous,comme elle faisait pour moi autrefois. Mon Dieu, monDieu! »

    Quelle heure il pouvait être, on ne savait pas bien. Iln'y a plus de temps dans certains moments de la vie. Ilregarda vers le soleil, il vit qu'il baissait déjà. Et il futpris tout à coup d'une grande joie, parce qu'il pensait« Baptiste ne va pas tarder à rentrer. »

    Il calculait; il se disait « Peut-être bien qu'il est déjàparti, puisqu'on compte trois bonnes heures à la montée;et il voudra être rentré avant la nuit. » Alors tout n'était

    pas perdu, puisqu'ils ne seraient plus ensemble.Il se sentit tout encouragé, ainsi, brusquement, sans

    raison, mais c'est assez le cours des choses; et, dans ce

    moment, il vit qu'il n'avait encore rien fait de ce qu'ilavait à faire; il courut traire la vache; puis, la soirées'avançant, il fit rentrer le troupeau dans le parc.

    A grands cris et avec des claquements de fouet, il lechassait de nouveau devant lui, mais cette fois en bas la

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    pente; et, une à une, les bêtes comme malgré elles s'en-gageaient entre les montants du portail ouvert, qu'ilreferma quand elles furent toutes entrées. Au-dessus, estun vieux pauvre toit délabré, fait de planches posées àplat sur des espèces de pieux fourchus, mais depuis long-temps la plupart manquent les pluies, les gelées, lesvents sont venus, et ce qui reste a pris au cours des âgesun aspect drôlement desséché et pierreux. Là-dedans,alors, sont les bêtes, serrées déjà l'une contre l'autre pourla nuit, avec leurs flancs ronds surmontés de la longueéchine saillante; et elles piétinent un moment sur place;puis l'une se laisse aller en avant, et se couche, tombantde côté; l'autre la suit, une autre encore; et peu à peu lebruit des sonnailles s'éteint, devenu seulement, à inter-

    valles inégaux, un petit coup hésitant de clochette, avecdes grands trous de silence.

    Il était là dans sa vieille chemise, son vieux pantalon,ses gros souliers durs; il regarda ainsi deux ou trois foisde tous côtés; étrangement, à présent, les rochers lui-saient en gris pâle dans l'ombre, comme s'ils eussent étééclairés en dedans; il vit que c'était bien la nuit; et,l'idée de l'autre étant revenue, ce fut tout à coup commeun cri en lui « Il n'est pas rentré! »

    Il se mit à trembler, il renversait la tête, il ouvrait à

    demi la bouche comme ceux qu'on tient serrés par lecou; il porta sa tête en avant, il leva ses mains, ellesretombèrent; il secouait la tête, il prit ses mains l'unedans l'autre, il soupira, il fit un pas ou deux, il s'arrêtade nouveau; puis il se dit « Si j'allais jusqu'aux Esser-tes ? je pourrais voir sur le chemin. »

    C'était une sorte d'avancement en éperon dans le boutdes pâturages, avec une paroi dessous, et le chemin pardes lacets la contournait; alors on pouvait voir presquetout le chemin. Et il courut là-bas, parce qu'il ne pouvaitpas faire autrement.

    Il avait une montre; il regarda l'heure à sa montre; il

  • DÉSORDRE DANS LE CŒUR

    vit qu'il était neuf heures passées; Baptiste ne venaittoujours pas. Et les images, de nouveau, montaient entous sens dans sa tête, se heurtant d'abord et s'entrecroi-sant, en un grand désordre d'abord, puis s'emboîtantl'une dans l'autre et se complétant l'une l'autre, tandisqu'il arrachait sans s'en douter, de la main droite, despoignées d'herbe « Puisqu'il reste si longtemps, puis-qu'il reste si longtemps. » Pourtant elle devait êtrerentrée pour souper, et on ne la laissait pas sortir aprèsle souper; alors c'est qu'elle devait avoir déjà la permis-sion, c'est que les choses devaient être tout à fait arran-gées. et il sentait sa bouche devenir toute sèche, enmême temps que sous la peau de ses tempes il y avaitcomme un petit marteau. Il la voit tellement bien main-tenant. Ils se font vis-à-vis, ils se touchent presque, ellea posé ses mains sur ses épaules, elle dit « Si tu veux,je t'accompagnerai un bout de chemin. » Et ils se mettentà monter l'un à côté de l'autre; il a le bras passé autourde sa taille, la main posée à plat sur sa hanche qui bouge;elle, elle penche la tête de côté, comme si elle cherchaitle creux de son épaule; et ils vont ainsi encore un mo-ment, sans rien dire; puis ils ne peuvent plus, et ils arri-vent à un endroit où le chemin est creux, alors. Mais

    Joseph à présent ne voit plus qu'une flamme rouge. Unesecousse lui traversa le corps du sommet de la tête à lapointe des pieds; et il fallut du temps avant que reparûtl'espace bleu et velouté, avant que reparût le grand trouplus sombre, avec là des pans d'ombre comme desrideaux qui pendaient reparût le chemin, reparût sousle pont le bouillonnement du ruisseau; et peut-être main-tenant que va paraître aussi Baptiste; mais non, il fautbien se dire que Baptiste ne revient pas.

    Il tira de nouveau sa montre, il était plus de dix heu-res. Et de nouveau, longtemps, il resta immobile; puis iltira encore une fois sa montre il était dix heures et

    demie. Et le chemin restait désert. Et il pensait toujours,

  • LA NOUVELLE N.R.F.

    et les images venaient toujours, et plus il avançait, plusil y en avait; bientôt il y en eut trop, il lui semblait quesa tête allait éclater; pourtant il restait là quand même,parce qu'il se disait « Pour peu que je le voie seulementapparaître, je serai soulagé. » Alors vite, de nouveau iltendait ses yeux, les tenant appuyés à l'endroit qu'il fal-lait, comme pour amener Baptiste à lui avec ses yeux, etle faire venir à travers la distance, ainsi l'aimant attirele fer.

    Ce fut en vain pourtant. Et ainsi vint un moment oùdécidément, il ne put plus tenir en place, quoi qu'il fît;il se leva, il se tenait tout voûté, il marchait avec des

    zigzags, comme quelqu'un qui a trop bu; et on auraitdit qu'un poids le tirait en avant, en sorte qu'à chaquepas il semblait devoir tomber en avant.

    Il put encore rentrer, mais il n'eut pas la force d'ôtermême sa veste, et il se jeta comme il était sur son lit.

    « II faut que je sois bien tranquille, il faut que jedorme, c'est fini, je sens bien que c'est fini, il n'y a qu'àaccepter. » Il ne se défendait plus; il était seulementtrès triste. « Ce n'est pas sa faute, je lui parlerai, je luidirai que je ne lui en veux pas, il me comprendra, ildeviendra mon ami. » Joseph ne pleurait pas, mais onsentait les larmes toutes prêtes; une bonne parole seule-ment, et elles viendraient, et elles lui feraient du bien.

    « Oh! oui, je lui parlerai, je lui dirai ce qu'il faut dire. »Comme on change pourtant! il était devenu très doux; ily avait en lui une grande faim de tendresse et un grandbesoin de pitié. Il renonçait à tout en échange d'un peude bonne volonté, et un mot qui viendrait, comme unpetit enfant quand il tombe, et sa mère le prend et leserre contre elle, en disant « Je vais souffler sur tabosse et elle ne te fera plus mal. »

    Il attendait, il se sentait mieux, il n'était plus si impa-tient. Et c'est ainsi que du temps passa encore jusqu'àce qu'un pas se fît entendre dehors, mais qui se rappro-

  • DÉSORDRE DANS LE CŒUR

    cha rapidement; alors machinalement Joseph se retourna,et il tira sur lui la couverture.

    C'était bien Baptiste, il entra; son chapeau de feutrenoir était mis très en arrière; il avait le teint un peuéchauffé, parce qu'il avait marché vite; il jeta un regarddu côté de Joseph, il vit que Joseph dormait.

    Il pendit son chapeau à un clou, il ôta sa veste et, sebaissant, il tira sa valise de dessous le lit. Il le fit sans

    aucune précaution et sans même prendre garde à ne pasréveiller Joseph avec tout le bruit qu'il faisait ainsises gros souliers traînant sur la terre battue; et même iltoussa; mais Joseph ne faisait toujours pas un mouve-ment. Donc l'autre continua de se déshabiller et, aprèsavoir replié ses habits et les avoir serrés dans la valise, ilrepoussa sa valise sous le lit.

    Baptiste

    Cela fut dit si soudainement qu'il tressaillit tout entieret sa tête se porta d'elle-même du côté d'où la voixvenait. C'est ainsi qu'il vit que Joseph était assis sur sonlit et le regardait.

    A peine d'ailleurs s'il le reconnut, tellement il étaitpâle et ses cheveux pendaient en longues mèches sur sonfront. Il dut avoir peur, car il recula de deux pas, maisdéjà la voix revenait, et elle était bien douce

    Baptiste, s'il te plaît.

    Baptiste haussa les épaules.

    Baptiste, recommença la voix (et Joseph ne sem-blait pas avoir aperçu son geste), Baptiste, il vaut mieuxqu'on s'entende; ça ne peut pas durer ainsi. Vois-tu,Baptiste, j'ai réfléchi; on va être trois mois ensemble; sion continue à vivre comme on a vécu jusqu'à présent, onne pourra pas y tenir. C'est pourquoij'ai voulu t'enparler. C'est vrai, je n'ai plus de rancune; je te jure queje ne suis plus jaloux, je te laisserai faire tout ce que tuvoudras; je ne pense plus à elle, je t'assure; mais j'ai-

    2

  • LA NOUVELLE N.R.F.

    merais que, de ton côté, tu ne m'en veuilles plus; onserait amis, dis, Baptiste ?.

    On voyait que l'autre se méfiait; il ne paraissait pasbien assuré que tout ce long discours ne cachât pasquelque ruse; au lieu de se laisser aller, il se raidissaittoujours plus, et il recula encore, tandis qu'il fronçait lesourcil et un pli se creusait entre ses yeux.

    Pourtant Joseph continuait à ne paraître s'apercevoirde rien; à peine s'était-il interrompu, qu'il était déjàreparti.

    C'est que ça me tourmente trop, disait-il. Quandtu t'es mis en route, ce matin, crois-tu que je ne savaispas où tu allais? Crois-tu que je n'aie pas pensé toutde suite que c'était qu'elle t'attendait; alors, toute lajournée, j'ai été avec vous par la pensée, et c'est vrai, çame ronge, ça m'épuise, ça me détruit, il ne faut plus;dis-moi seulement si tu l'as vue.

    Qu'est-ce que ça peut te faire ?C'est pour savoir; on a moins mal.

    Mais Baptiste, cette fois, était tout à fait en colère,parce qu'il n'avait pas dû comprendre; il cria plus fort

    Est-ce que ça te regarde ?C'est de ne rien savoir qui m'a tant fait souffrir;

    ensuite, je serai plus calme. Je sais bien, ça n'est pas tafaute.

    Tais-toi!

    Non, dit doucement Joseph; s'il te plaît, dis-moil'as-tu vue?

    Bien sûr que je l'ai vue.Oh! dit Joseph, je pensais bien.

    Il parlait ainsi; il avait toujours une voix très douce,une voix très calme; tout au plus, avait-elle un peu baisséet s'était-elle brusquement éteinte au bout de la phrase,parce qu'il était à court de souffle; mais de nouveau, ildemanda

    Et t'a-t-elle parlé?

  • Désordre dans le Cœur (Charles-Ferdinand Ramuz)