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Organes génitaux externes Récidive locale d’un rhabdomyosarcome paratesticulaire Localised relapse of paratestis rhabdomyosarcoma R. Rabii * ,1 , K. Moufid, H. Fekak, B. Dassouli, A. Joual, S. Bennani, M. El Mrini, S. Benjelloun Service d’urologie, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc . Reçu le 15 juin 2001; accepté le 2 juillet 2001 Résumé Nous rapportons un cas inhabituel de récidive scrotale d’un rhabdomyosarcome paratesticulaire embryonnaire chez un homme de 19 ans, survenant 3 ans après orchidectomie. Le diagnostic a été suspecté cliniquement, puis confirmé à l’histopathologie après résection de la tumeur scrotale. À travers cette observation, les auteurs discutent le diagnostic et la prise en charge de cette tumeur. © 2002 E ´ ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract We report an uncommun case of scrotal recurrence of embryonal paratesticular rhabdomyosarcoma in 19 year old man after 3 years later. The diagnosis was suspected clinicaly and confirmed by histopathology study after resection of the scrotal tumor. About this case, the authors discuss the diagnosis and the managment of this tumor. © 2002 E ´ ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. Mots clés: Rhabdomyosarcome; Tumeur paratesticulaire; Récidive scrotale Keywords: Rhabdomyosarcoma; Paratesticular tumor; Scrotal recurrence 1. Introduction Les rhamdomyosarcomes (RMS) sont des tumeurs mali- gnes développées à partir du mésenchyme embryonnaire qui dans les conditions normales se différencie du muscle strié squelettique. C’est la forme la plus commune de sarcome chez l’enfant et demeure exceptionnelle chez l’adulte [1]. Nous rapportons le cas rare d’un rhabdomyosarcome em- bryonnaire paratesticulaire droit chez un jeune patient de 19 ans ayant récidivé 3 ans plus tard. À travers cette observation, nous étudions les aspects épidémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques de cette affection. 2. Observation Mr. O.S., âgé de 19 ans, sans antécédents pathologiques particuliers consulte pour une tuméfaction testiculaire droite évoluant depuis six mois. Les dosages hormonaux ( HCG et alpha-foetoprotéine) se sont révélés normaux. L’orchidec- tomie par voie haute réalisée montre qu’il s’agissait d’un RMS embryonnaire paratesticulaire (refoulant le testicule) ainsi l’immunohistochimie a montré une positivité des cellules tumorales vis-à-vis des anticorps antidesmine, anti- myoglobine et antivimentine. Après 6 mois de radiochimio * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (R. Rabii). 1 Adresse actuelle : 26, rue de Rome, angle rue d’Amsterdam, Résidence RIME, Casablanca, Maroc. Annales d’urologie 36 (2002) 326–328 www.elsevier.com/locate/anndur © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. PII: S 0 0 0 3 - 4 4 0 1 ( 0 2 ) 0 0 1 2 3 - 7

Récidive locale d'un rhabdomyosarcome paratesticulaire

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Page 1: Récidive locale d'un rhabdomyosarcome paratesticulaire

Organes génitaux externes

Récidive locale d’un rhabdomyosarcome paratesticulaire

Localised relapse of paratestis rhabdomyosarcomaR. Rabii *,1, K. Moufid, H. Fekak, B. Dassouli, A. Joual, S. Bennani,

M. El Mrini, S. Benjelloun

Service d’urologie, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc .

Reçu le 15 juin 2001; accepté le 2 juillet 2001

Résumé

Nous rapportons un cas inhabituel de récidive scrotale d’un rhabdomyosarcome paratesticulaire embryonnaire chez un homme de 19 ans,survenant 3 ans après orchidectomie. Le diagnostic a été suspecté cliniquement, puis confirmé à l’histopathologie après résection de latumeur scrotale. À travers cette observation, les auteurs discutent le diagnostic et la prise en charge de cette tumeur. © 2002 E´ditionsscientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

We report an uncommun case of scrotal recurrence of embryonal paratesticular rhabdomyosarcoma in 19 year old man after 3 years later.The diagnosis was suspected clinicaly and confirmed by histopathology study after resection of the scrotal tumor. About this case, theauthors discuss the diagnosis and the managment of this tumor. © 2002 E´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved.

Mots clés: Rhabdomyosarcome; Tumeur paratesticulaire; Récidive scrotale

Keywords: Rhabdomyosarcoma; Paratesticular tumor; Scrotal recurrence

1. Introduction

Les rhamdomyosarcomes (RMS) sont des tumeurs mali-gnes développées à partir du mésenchyme embryonnaire quidans les conditions normales se différencie du muscle striésquelettique. C’est la forme la plus commune de sarcomechez l’enfant et demeure exceptionnelle chez l’adulte[1].Nous rapportons le cas rare d’un rhabdomyosarcome em-bryonnaire paratesticulaire droit chez un jeune patient de19 ans ayant récidivé 3 ans plus tard. À travers cette

observation, nous étudions les aspects épidémiologiques,diagnostiques et thérapeutiques de cette affection.

2. Observation

Mr. O.S., âgé de 19 ans, sans antécédents pathologiquesparticuliers consulte pour une tuméfaction testiculaire droiteévoluant depuis six mois. Les dosages hormonaux (� HCGet alpha-fœtoprotéine) se sont révélés normaux. L’orchidec-tomie par voie haute réalisée montre qu’il s’agissait d’unRMS embryonnaire paratesticulaire (refoulant le testicule)ainsi l’immunohistochimie a montré une positivité descellules tumorales vis-à-vis des anticorps antidesmine, anti-myoglobine et antivimentine. Après 6 mois de radiochimio

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (R. Rabii).

1 Adresse actuelle : 26, rue de Rome, angle rue d’Amsterdam, RésidenceRIME, Casablanca, Maroc.

Annales d’urologie 36 (2002) 326–328

www.elsevier.com/locate/anndur

© 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.PII: S 0 0 0 3 - 4 4 0 1 ( 0 2 ) 0 0 1 2 3 - 7

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thérapie, un contrôle réalisé à un an puis à deux ans n’amontré ni récidive ni métastase. Trois ans après l’orchidec-tomie, le patient consulte avec une récidive locale scrotalenécrotique, hémorragique avec altération de l’état général etfaciès infectieux. Sous antibiothérapie, on réalise la résec-tion scrotale (Fig. 1) jusqu’en zone saine. L’examen anato-mopathologique montre qu’ il s’agit d’un RMS embryon-naire avec à l’examen IHC les anticorps suivants :Antidesmine (D33), antiactine totale (HHF35), antivimen-tine (V9), mais n’exprimant ni l’anticytokératine (KL1), ni

l’antiEMA (E29), ni l’antigène panleucocytaire commun(CD45). Un protocole de surveillance clinique et paraclini-que est établi pendant les 12 mois. Aucune récidive locoré-gionale n’a été notée jusqu’à ce jour.

3. Discussion

Les RMS sont des tumeurs malignes développées àpartirdu mésenchyme embryonnaire. Ce sont les plus fréquentesdes tumeurs des parties molles de l’enfant. Après leslocalisations au niveau de la tête et du cou, les RMSgénito-urinaires viennent au deuxième rang représentant20 % des cas (vessie, prostate, vagin, paratesticulaire, etc.)[1]. Sur le plan épidémiologique, il existe une prédominancemasculine avec un sex-ratio de 1,4 et des différencesd’ incidence selon les ethnies : ratio caucasien et afro-américain 2,3 : 1 [1].

La moitié des cas sont diagnostiqués au cours des dixpremières années de la vie, il existe néanmoins deux pics defréquence entre deux et six ans et entre 15 et 19 ans [2].

L’aspect macroscopique réalise habituellement une tu-meur dense, blanche, ferme parfois plus encéphaloïde,partiellement nécrotique et hémorragique. Certains sem-blent bien limités par une fausse capsule tentante pour lechirurgien mais toujours dépassée en histologie [3]. Lediagnostic anapathologique s’appuie en règle sur 3 caractè-res : la différenciation myoïde, l’architecture et la cytologie.Plusieurs classifications ont étéproposées et il existe 4 typeshistologiques du RMS (embryonnaire, botryoïde, alvéolaireet polymorphe) [4]. La classification de l’ IRS (IntergroupRhabdomyosarcoma Study) est établie après chirurgie pre-mière et basée sur les constatations anatomiques et chirur-gicales (Tableau 1).

Les RMS embryonnaires représentent 2/3 des RMSurogénitaux et ils ont un meilleur pronostic que les RMSalvéolaires (20 % de RMS de l’enfant, polymorphes 1 % etindifférencié 10 à 20 %) [1].

Le RMS peut siéger partout où il y a du tissu mésenchy-mateux, aucune région n’est exclue. Le RMS est une tumeurqui s’étend très rapidement de proche en proche envahissant

Fig. 1. Masse scrotale réséquée de la récidive.

Tableau 1Classification des rhabdomyosarcomes selon l’ intergroup rhabdomyosarcoma study

Groupe I : tumeurs localisées, exérèse complète, pas d’envahissement ganglionnaire :a : tumeur confinée à l’organe d’origine.b : envahissement contigu.

Groupe II :a : tumeur confinée à l’organe d’origine, exérèse miscroscopiquement incomplète (pas d’envahissement ganglionnaire).b : tumeur avec envahissement contigu, exérèse complète plus ou moins atteinte ganglionnaire avec exérèse complète.c : tumeur ayant envahi les organes continus, ganglions envahis, exérèse microscopiquement incomplète.

Groupe III : exérèse macroscopiquement incomplète.

Groupe IV : métastases à distance..

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les organes voisins et l’os par continuité. L’envahissementpar voie lymphatique est plus fréquent dans les RMS desmembres inférieurs et des voies génito-urinaires [4-6].

Le RMS vésicoprostatique est le plus fréquent des RMSgénito-urinaires (dysurie, pollakyurie, rétention aiguëd’urine) [7].

Le RMS paratesticulaire, dans notre cas, est découvertgrâce à l’apparition d’une grosse bourse opaque à latransillumination, bien qu’une lame d’hydrocèle puisse yêtre associée. Le diagnostic est confirmé après orchidecto-mie. La chirurgie par voie scrotale est proscrite du fait, durisque d’une dissémination intrascrotale. L’orchidectomiedoit passer par la voie inguinale haute avec recoupe ducordon le plus haut possible dans le canal inguinal [4,8].Une étude anatomopatologique du cordon et de la bourse estindispensable pour préciser le stade de l’extension [4].

Le diagnostic différentiel se pose avec un tumeur germi-nale testiculaire qui secrète le plus souvent de l’alphafœtoprotéine et dont le diagnostic peut être connu avantl’orchidectomie.

Le bilan d’extension nécessite une échographie et/ouTDM de la région lombo-aortique à la recherche d’uneadénopathie tumorale. Ainsi une lymphadénectomie systé-matique est pour certains auteurs inutile ce qui n’est pasl’avis de « l’ Intergroup Rhabdomyosarcoma Study (IRS) »[8-11].

Les RMS opérés doivent bénéficier d’une surveillancerégulière car le patient n’est pas à l’abri d’une récidive [8].

Le traitement du RMS associe chirurgie, radiothérapie etchimiothérapie [4]. Pendant longtemps, les récidives localesont été si fréquentes qu’elles ont laissé au second plan leproblème de dissémination à distance. Actuellement, lecontrôle local de la tumeur primitive est obtenu dans lamajorité des cas et il faut traiter les métastases infraclini-ques ainsi que les tumeurs primitives [3]. Le but de lachirurgie et de la radiothérapie est d’obtenir l’éradicationlocale de la tumeur, celui de la chimiothérapie d’agirlocalement et à distance en prévenant l’apparition de métas-tases. L’utilisation de la chimiothérapie (protocole VAC,IVA, VIE) (V : Vincristine, A : Actinomycine D, E : Etopo-side, I : Ifosfamide, C : Cyclophosphamide) combinée à lachirurgie et la radiothérapie (50 à 75 Gy) a transformé lepronostic de ces tumeurs, ainsi la survie à 3 ans étant passéde 10 à 15 % dans les années 1960 à plus de 70 %actuellement [4].

La surveillance de cette tumeur est plus difficile, enraison de l’absence de marqueur biologique permettant dedétecter la présence d’adénopathie lombaire pourtant fré-quente [4].

Les aspects génétiques de ces tumeurs sont multiples, caroutre leur survenue dans le cadre de syndromes familiaux

ou héréditaires, les techniques du génie génétique ontpermis d’ identifier les altérations du génome impliquéesdans la carcinogenèse. Les applications cliniques sont dedeux types : diagnostiques tout d’abord dans les formes deRMS indifférencié et pronostiques dans l’élaboration dunouveau facteur pronostique indépendant des facteurs clas-siques [1].

Ces anomalies génétiques concernent principalement leRMS alvéolaire qui ont une translocation spécifique dans90 % des cas, les plus fréquentes étant la t[2,13] (68 %) etpermet d’aider au diagnostic différentiel entre le RMSalvéolaire et d’autres sarcomes dans les cas où la distinctionest difficile sur le plan histopathologique [1].

4. Conclusion

Le RMS paratesticulaire est une tumeur rare qui peutrécidiver, d’où l’ intérêt d’une surveillance adéquate à courtet à long terme afin de détecter la récidive qui impose leurexérèse.

Références

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[3] Schwetsguth O. Tumeurs des parties molles. Les tumeurs solides del’enfant. Flammarion; 1998. 123–30.

[4] Flamant F, Caillaud JM, Gerbaulet A, Revillon Y, Pellerin D.Tumeurs mésenschymateuses malignes. Cancer de l’enfant.Flammarion; 1995. 428–46.

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[6] Asensio LA, Abastua, Bilbao J. Rhabdomyosarcom paratesticular :attitude diagnostique et thérapeutique. J Urol (Paris) 1993;99:44–6.

[7] Zukier JM, Melin Y. Tumeur du sinus urogenital. Urol Pediatr.Cendron Flammarion; 1999; 355–9.

[8] Benge BN, Byrd RL, Bergevin, Winslow BH. Scrotal recurrence ofparatesticular rhabdomyosarcom in a previously undescended testi-cle 5 years after orchidectomy. J Urol 1994;152:2117–8.

[9] Raney AB, Hays DM, Lawrence W, et al. Paratesticular in chilhood.Cancer 1978;42:729–36.

[10] Olive D, Flamant F, Zuker JM, et al. Paraaortic lymphadenetomy isnot necessary in the treatment of localized paratesticular rhabdo-myosarcoma. Cancer 1984;54:1283–7.

[11] Gamba PG, Cechetto G, Katende M, Carli M, Scoti G, Guglielmi M.Paratesticular rhabdomyosarcoma (RMS) and paraaortic lymphade-nectomy. Eur J Pediatr Surg 1994;4:158–60.

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