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    RGLAGES ICONIQUES &ESTHTISATIONNotes sur linterprtation de limagerie scientifique

    JACQUES FONTANILLEUniversit de Limoges

    Institut Universitaire de France

    Publi dans Smiotica, 2010 (dossier dirig par Anne Beyaert-

    Geslin et Maria Giulia Dondero, intitul Arts et Sciences )

    INTRODUCTION

    Les images produites par les techniques dexploration et de visualisation scienti-

    fique et mdicale doivent, comme toutes les autres , faire lobjet dun apprentis-

    sage, que les sociologues des sciences caractrisent comme un processus de

    familiarisation. Avant de devenir familires linterprte, elles sont donc

    supposes tranges ; avant que leur lecture puisse tre automatise, elle est

    dabord hsitante et laborieuse. Sil revient au spcialiste de la vie quotidienne

    des laboratoires de sintresser au processus de familiarisation et ses cons-

    quences, il reste au smioticien rendre compte de ce moment liminaire o

    limage prend sens, o ses formes se stabilisent en vue de lexpression de

    quelque contenu fixer ; en somme, rendre compte du moment diconisation.

    Ce moment, en effet, est riche dun grand nombre de potent iels, et de bifurca-

    tions interprtatives : des solutions iconiques alternatives sont testes, des voies

    cognitives sont ouvertes et fermes, dautres laisses en suspens, des hypo-

    thses se forment. Ces hsitations et ce labeur iconique est ncessairement

    soumis des contrles, et notamment des systmes de valeurs ; certains, de

    type dontologique, limitent le champ interprtatif aux conditions delexprience; dautres, de type esthtique, incitent des exploitations non scien-

    tifiques, mais qui contribuent pourtant la fixation iconique des formes, et leur

    reconnaissance ultrieure.

    Le moment diconisation des images scientifiques est un moment de rglage, o

    plusieurs solutions sont testes, phmres ou durables, rejetes ou conserves,

    potentialises ou actualises. Nous faisons ici lhypothse que toutes concourent

    liconisation et linterprtation, mme celles qui semblent au premier abord

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    non scientifiques, car loin de distraire lattention de la vrit des images, elles

    prparent en sourdine leur reconnaissance automatise.

    RGLAGE DISTAL ET RGLAGE STRUCTURAL

    Instabilit iconique et drglement du point de vue

    Ladoption dune chelle de reprsentation, et notamment dun point de vue

    trs faible ou trs grande distance, peut rendre lobjet rfrent mconnaissable,

    alors mme que les figures qui composent limagesont parfaitement reconnais-

    sables en tant que telles, dotes dune forme et de proprits plastiques stables

    et identifiables. En somme, on peut identifier la figure, et mme la reconnatre

    ultrieurement, sans tre pourtant en mesure de lui affecter un contenu et un

    rfrent et de la situer dans un espace phnomnal, sans pouvoir faire corres-

    pondre cette exprience iconique avec une exprience sensible dans le monde

    naturel. Dans ce cas, le processus diconisation, sans doute prmatur, contribue

    la mconnaissance, car il ne stabilise que les figures de lexpression.

    Liconisation, en effet, est a minima dfinie comme une relation dajustement

    entre deux expriences sensibles, celle du monde naturel et celle de limage, en

    vue dapprcier une certaine quivalence. De fait, dans le cas des images scienti-

    fiques, il faut distinguer trois types diconisations:

    - liconisation de premier degr, qui, en raison de la stabilisation propre et

    autonome des figures, permet didentifier chaque occurrence, et de dis-

    tinguer diffrentes occurrences entre elles : cest liconisation en tant

    que processus intra-smiotique, circonscrit aux limites dune smiotique-

    objet donne ;

    - liconisationde second degr, qui, grce une stabilisation htronome,

    permet de situer la figure lintrieur dune reprsentation du monde

    naturel, au cours dun processus de confrontation inter-smiotique

    (entre deux smiotiques-objets) : cest alors liconisation par impression

    rfrentielle; ce deuxime type peut tre lui-mme ralis de deux ma-

    nires :

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    o liconisation de premier degr est complte et conforte par la

    confrontation directe avec une exprience dans le monde natu-

    rel ; cest le cas de limage iconique classique, pour laquelle, en

    gnral, le modus operandide la production visuelle doit rester

    transparent pour linterprte; nous verrons que dans ce cas, un

    simple rglage distalest requis.

    o liconisation de premier degr est valide et conforte par

    lexplicitation du dispositif dobservation instrumentale, qui ta-

    blit le lien avec le monde naturel, alors mme que la confronta-

    tion directe est impossible ; cest le cas de tous les procds

    dimagerie, pour lesquelles ce type diconisation de second de-

    gr produit une croyance rfrentielle spcifique, ncessaire

    linterprtation, sans quoi les images seraient chaque fois e n-

    tirement nouvelles, sans aucune rgulation interprtative, et

    donc inexploitables dans la pratique scientifique elle-mme ;

    dans ce cas, le rglage distalne suffit pas, et il faut faire appel

    ce que nous dnommerons un rglage structural.

    Mais ces types iconiques gnraux prsupposent, de fait, une familiarisation

    suffisante pour nourrir la croyance rfrentielle. Conformment notre pro-

    gramme de rflexion, ce sont justement les cas incertains, et pralables la fami-

    liarisation, qui doivent nous retenir.

    Le rglage distal

    Par exemple, la vue davion du viaduc de

    Millau , ci-contre, perturbe la simplicit

    de ces distinctions. Tout dabord, dans ce

    cas, la mdiation dun appareillage tech-

    nique dexploration-transduction nest pas

    ncessaire, et de toutes faons ne suffit

    pas expliquer la perturbation du proces-

    sus de reconnaissance : un observateurPuits quantique de pro-babilit dune particule

    Viaduc de MillauVue davion

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    quelconque, plac dans les conditions idoines, pourrait faire la mme exprience

    visuelle que celle que lobjectif a fixe. Si lobjet est mconnaissable, cest en

    raison de la distance, et lavion nest pas en gnral considr comme un instru-

    ment dexploration visuelle ou comme une prothse optique utilise pour rendre

    visible linvisible. Lavion est ici seulement un instrument du rglage de la dis-

    tance, une prothse permettant un observateur humain dadopter dautres

    positions dobservation que celles qui lui sont offertes dans lexprience quot i-

    dienne et familire.

    Nous avons pourtant affaire un dispositif de dfamiliarisation, qui, en modi-

    fiant les conditions du rglage cognitif du point de vue sur lobjet, bloque le pro-

    cessus diconisation, et enclenche par compensation une srie dhypothses et

    dalternatives figuratives, qui exploitent les formes et les contrastes plastiques

    disponibles dans limage. Le dispositif dnonciation qui est en question dans le

    problme qui nous intresse ici ne concerne donc pas seulement un procd

    dexploration et de visualisation, mais dabord et par principe constitutif, un dis-

    positif de rglage du point de vue, cest--dire de rglage de linteraction entre

    lobservateur et linformateur.

    Ds lors, on doit pouvoir explorer ces modifications du rglage en partant du

    modle canonique des interactions entre observateur et informateur1. Ces inte-

    ractions sont fondes sur la confrontation entre la comptence de linformateur

    (ici : lobjet-image tel quil est produit par le dispositif de visualisation) et celle de

    lobservateur (celle qui dclenche linterprtation); dun ct, la comptence

    sapprcie en termes de vouloir et savoir informer , et de lautre, en

    termes de pouvoir observer . Pour simplifier la prsentation, nous pouvons

    nous contenter ici du pouvoir observer , ds lors que, dans le cas de limagerie

    scientifique, les usages et les normes en cours nous permettent de neutraliser

    les varits du vouloir et du savoir informer .2Cet optimisme de mthode

    est bien entendu tout provisoire ! Une typologie en dcoule, qui articule globa-

    lement la catgorie de l accessibilit du savoir pour lobservateur:

    1Jacques FONTANILLE, Introduction la smiotique de lobservateur, Paris, Hachette, 1998.

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    On imagine difficilement un dispositif dimagerie scientifique conu pour cacher, mentirou mystifier

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    EXPOSITION OCCULTATIONNe pas pouvoir Ne pas pouvoirne pas observer observer

    Pouvoir Pouvoir ne pasobserver observerEXPLORATION OBSTRUCTION

    Rappelons brivement que les varits de laccessibilit cognitivesont dfinies

    partir dune catgorie modale : il sagit des varits du pouvoir observer (ne

    pas pouvoir ne pas observer / ne pas pouvoir observer / pouvoir ne pas observer

    / pouvoir observer).3

    Lors des modifications du rglage nonciatif, lobjectif de la prise de vue ou de

    limagerie est toujours de parvenir en position dexposition (ne pas pouvoir

    ne pas observer) des figures et des objets qui participent largumentation

    scientifique. Mais on peut y parvenir de plusieurs manires.

    Si lon part de la position d obstruction (pouvoir ne pas observer), un simple

    rglage de position ou de taille modifie le prdicat dobservation sans modifier la

    modalit pouvoir , et permet de passer en position d exposition (cest une

    ngation de la ngation ) ; cest le cas de la vue davion, mais aussi de la

    vue grossissante ; dans ce cas, le passage par l exploration nest pas requis.

    Ce rglage lmentaire de linteraction, qui ne modifie que la position

    dobservation, et implique seulement, pour lobservateur, une capacit se pro-

    jeter bonne distance de lobjet, est le rglage distal.

    EXPOSITION

    (2)

    (1)OBSTRUCTION

    3Dans la formulation originale, la position correspondant au pouvoir observer taitdsigne comme accessibilit (ie. comme le contradictoire de linaccessibilit, ou occultation ). Nous choisissons de la dnommer, dans le cas de limagerie scientifique, exploration , dans la mesure o lexploration recouvre exactement lensemble des

    oprations dexcitation et de visualisation / rception qui rendent accessibles les objetssoumis limagerie scientifique. Cette formulation peut tre utilement gnralise, cequi libre le terme accessibilit cognitive pour dsigner lensemble de la catgorie.

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    Le rglage structural

    Si on part de la position d occultation (ne pas pouvoir observer), le rglage

    est plus complexe, car il faut dabord modifier la modalit pouvoir , pour pas-

    ser en position d exploration avant de parvenir l exposition ; cest le

    cas de tous les procds dexploration de linvisible par imagerie. Ce type de

    rglage implique donc, dans le calcul de la reconnaissance iconique, une connais-

    sance minimale de lensemble des processus de transduction entre lexcitation

    initiale et la visualisation finale ; il implique notamment, chez lobservateur, une

    capacit se projeter au sein des structures et proprits de lobjet, modifies et

    reconstitues visuellement. Ce rglage sera dnomm rglage structural.

    EXPOSITION OCCULTATION(3) (1)

    (2)EXPLORATION

    Cette distinction modale, entre rglage distal et rglage structural, recoupe la

    distinction entre deux types dimages scientifiques : (i) les vues microscopiques

    ou macroscopiques, qui font voir des objets ou des parties invisibles en rai-

    son de leur proportion, mais qui sont isolables : elles relvent du premier cas, car

    elles impliquent un simple rglage de la distance et de la taille, le rglage distal;

    (ii) les vues par imagerie, qui font voir des proprits invisibles, qui ne sont

    pas des objets proprement parler, cest--dire qui ne sont pas des entits iso-

    lables, mais des phnomnes structuraux de lobjet : elles relvent du second

    cas, et elles impliquent plus que le rglage de la distance et de la taille ; cest

    parce quelles impliquentune identification des proprits structurales partir

    des figures visuelles que nous les rapportons au rglage structural.

    Selon le parcours modal requis, nous avons donc affaire deux types de rglages

    diffrents de linteraction entre observateur et informateur,mais il faut prciser

    quils sont nanmoins combinables : dans la plupart des cas concrets, mais pas

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    Fibre optique et

    billes de polystyrne

    ncessairement, le rglage structural est accompagn, paralllement, dun r-

    glage distal.

    RGLAGE SUBLIMINAL ET RGLAGE IMAGINAL

    Toutefois, cette distinction entre rglage distal et rglage structural est singuli-

    rement mise mal dans la plupart des images scientifiques contemporaines.

    Dautres types de rglages doivent alors tre envisags, qui sollicitent plus la r-

    gement les diffrentes positions de la catgorie de laccessibilit cognitive.

    Le rglage subliminal

    Dans lexploration de linfiniment petit, en effet, la disproportion quivaut une

    dstructuration des figures, de sorte que le rglage distal ne suffit pas assurer

    la reconnaissance iconique. En dautres termes, le

    rglage distal prsuppose que lobservateur soit en

    mesure de se projeter bonne distance de lobjet

    pour en circonscrire les formes, en une sorte de d-

    placement imaginaire. Et une trop grande dispropor-

    tion dpasse les capacits de ce rglage imaginaire ;

    on peut simaginer trs haut dans le ciel au-dessus

    dun viaduc, parce quon peut en faire lexprience par ailleurs, mais on ne peut

    pas simaginer au milieu dun nuage dlectrons, ou, mme, comme ci -contre, au

    milieu dune poussire microscopique de billes de polystyrne, parce que cette

    exprience est hors de porte.

    Et pourtant, il est alors impossible de faire jouer un rglage structural, puisque la

    connaissance du processus dexcitation et de visualisation ne procurera aucun

    supplment de reconnaissance. Et par consquent, linterprtation produit des

    alternatives figuratives, dont certaines simposent de manire fugace, la fois

    videntes en raison de leur stabilit dans lunivers visuel quotidien, et immdia-

    tement rcuses parce quimpossibles, invraisemblables, ou en rupture isoto-

    pique avec le co-texte scientifique. Ainsi, cette fibre optique entoure des billes

    de polystyrne fait-elle penser une chute de neige devant un rideau de

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    tulle, mais nul noserait reconnatre cette interprtation. Pourtant, cette figura-

    tion spontane a prioricontribue construire des relations entre des parties, et

    stabiliser le dispositif plastique pour le faire figurer, et le rendre en somme

    disponible pour une manifestation identifiable. Cest ce que nous appellerons par

    approximation un rglage subliminal.

    Le rglage subliminal commence par identifier une configuration pr-visualise

    (exposition 1), immdiatement rcuse et potentialise, comme faisant obstruc-

    tion linterprtation scientifique ; les figures redevenues mconnaissables soit

    alors confrontes au processus dexploration, pour aboutir linterprtation

    conforme au dispositif dexprience et lobjet explor (exposition 5). La tot alit

    du parcours reste en mmoire dans linterprtation finale, car cette mise en

    mmoire concourt la stabilisation iconique et la future familiarisation.

    EXPOSITION OCCULTATION(5) (1) (3)

    (4) (2)EXPLORATION OBSTRUCTION

    Le rglage imaginal

    Si, dans dautres situations, un rglage structural est requis, il se peut galement

    que la convocation du processus dexploration et de visualisation ne suffise pas

    rsoudre liconisation des figures, et par consquent ne puisse rgler

    linteraction entre observateur et informateur. Pour quun rglage structural

    russisse en cela, il faut quil permette lobservateur de se projeter au sein de

    lobjet mme, de la structureet des proprits de ses figures, et, en saidant des

    processus de transduction qui constituent la chane des transformations structu-

    rales, de se situer par rapport aux phnomnes qui sont ainsi explors.

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    Examinons comparativement deux cas dimagerie, lun

    qui satisfait aux conditions du rglage structural, et

    lautre pas. Le premier cas est reprsent ci-contre par

    deux images IRM4qui visualisent des niveaux dactivit

    crbrale, la premire intgre une vue dartiste, et la

    seconde directement visualise partir de lexploration

    IRM. Les proprits plastiques sont la traduction vi-

    suelle de proprits nergtiques et chimiques : les

    couleurs sont alors des valeurs chromatiques mises en

    correspondance avec des valeurs quantitatives, ven-

    tuellement grce une colorisation ultrieure ; un cer-

    tain nombre de voies crbrales actives, dans un tat cognitif donn, sont visua-

    lises grce une gamme chromatique, dont chaque valeur est spcifique dun

    type et dun niveau dactivation.

    Si le rglage structural fonctionne, cest donc quil autorise et facilite, au

    moment de la lecture de limage, ltablissement de corrlations stables, elles -

    mmes confrontes et associes dautres corrlations invisibles mais connais-

    sables, dans lobjet lui-mme. De telles relations entre relations sapparent v i-

    demment des systmes semi-symboliques, si tant est que les proprits chro-

    matiques de limage puissent tre considres comme lexpression des contenus

    chimico-nergtiques propres lobjet. Le rglage structural efficace, en somme,

    aboutirait, par familiarisation, des correspondances semi-symboliques entre la

    forme dune expression visuelle et celle dun contenu scientifique, sous le con-

    trle de conventions et de rgles ad hoc. Quoiquil en soit du statut de ces corr-

    lations, elles sont de nature procurer limage scientifique une stabilit ic o-nique de second degr, grce ce que nous avons appel plus haut une croyance

    rfrentielle.

    4 Le numrique au service de la sant , Pictures of the future, Munich, Siemens, Au-tomne-hiver 2004-2005, p. 34.

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    Mais, et cest le second cas, les objets qui sont isols

    et visualiss dans limage peuvent aussi tre, du

    point de vue de lexprience scientifiqueelle-mme,

    des proprits non isolables, entirement contre-

    intuitives ; cest notamment le cas, comme dans

    limage ci-dessous, pour lindtermination quan-

    tique onde/particule . La lgende propose un

    nom, puits quantique , mais ce nom est une description de la figure visuelle,

    et non de lobjet ou de ses proprits.

    Il ny a dans ce cas aucune pr-visualisation pertinente, et limage est demble

    considre comme faisant obstruction linterprtation des proprits quelle

    est sense traduire. Ces proprits sont inaccessibles elles-mmes lintuition,

    car la seule traduction quon pourrait en donner emprunte aux mathmatiques

    leurs formes les plus sophistiques, et sans correspondance avec aucune exp-

    rience sensible. Nous avons alors affaire une sorte d image absolue , qui

    nimplique aucune croyance rfrentielle, parce quelle ne propose aucune cor-

    respondance pouvant tre stabilise sous forme de systme semi-symbolique. Il

    nest donc pas tonnant, dans ces conditions, que le nom donn lobjet ne

    soit rien dautre que le nom de la figure visuelle qui est finalement isole et in-

    terprte dans limage.5 La figuration absolue procde dune stabilisation plas-

    tique prliminaire, qui fait donc lobjet dune reconnaissance a posteriori, plus ou

    moins motive ou arbitraire.

    Cette figuration absolue a posteriori est une expression dont le contenu reste

    nigmatique, parce que les proprits explores ne diffrent pas fondamentale-

    ment du dispositif dexploration lui-mme. Cest une des apories bien connues

    des mondes quantiques, dont les observateurs sont toujours impliqus dans le

    systme observ : on ne peut donc les connatre qu travers les modifications

    des seconds par les premiers, et rciproquement. En dautres termes, et dans la

    perspective qui nous intresse ici, les proprits en question ne sont accessibles

    que sous forme dinflexions imposes au processus dexploration lui -mme.

    5

    Par comparaison, tout se passe comme si, pour dsigner les deux images dIRM prc-dentes, on parlait srieusement de Papillons chimico-lectriques , ou d Arai-gnes neuronales

    Puits quantique de pro-

    babilit dune particule

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    Cette situation sapparente au cas de lhallucination, qui produit des configura-

    tions visuelles identifiables, mais qui ne renvoient qu une certaine inflexion de

    ltat dexcitation interne du systme de visualisation propre lobservateur.

    Ce type de rglage dinteraction, le rglage imaginal, nest donc pas propre-

    ment parler un rglage entre lobservateur et linformateur, puisquil renonce

    justement prciser la nature de la relation entre les deux, puisquil les renvoie

    dans deux mondes diffrents et incommensurables, et ne connat finalement

    que leffet indirect du monde de linformateur sur celui de lobservateur. Cest

    finalement cette dernire information qui est visualise en mode exposition .

    EXPOSITION OCCULTATION(4) (2)

    (3) (1)EXPLORATION OBSTRUCTION

    Les images nanoscopiques cumulent les deux difficults, puisque dun ct la

    disproportion est telle que le rglage distal ne fonctionne pas, et fait place au

    rglage subliminal, et, de lautre ct, le rglage structural est souvent impos-

    sible, en raison de la complexit de la chane de transduction, et un rglage ima-ginal simpose alors. En somme, la frontire entre les procds de grossissement

    et les procds de conversion visuelle de proprits fluentes tend disparatre

    lchelle nanomtrique, et sollicitent une capacit diconisation beaucoup plus

    inventive quon ne limagine dordinaire pour les images scientifiques.

    LE MODLE DU RGLAGE DES INTERACTIONS COGNITIVES

    Les quelques observations qui prcdent permettent dexplorer les possibilits

    dinterdfinition entre les diffrents types de rglages cognitifs qui conduisent

    liconisation de limagerie scientifique. Si les relations entre ces diffrents types

    forment systme, alors on est en droit de considrer, au moins provisoirement,

    que les quatre types proposs au cours de la prcdente dmarche, analytique

    et empirique, saturent les possibilits dun modle unique.

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    Les deux premiers types, le rglage distalet le rglage structural, sopposent sur

    le fond dun axe commun; en effet, ils impliquent tous deux une croyance rf-

    rentielle, dans la mesure o linterprtation de limage ny est jamais coupe du

    principe de reprsentation dun objet ou de ses proprits. Pour que ces deux

    rglages fonctionnent, les deux instances, la figure iconique et lobjet

    dexprience, doivent appartenir au mme monde, et au mme rgime de

    croyance ; le rglage permet alors linterprte de se projeter de manire ima-

    ginaire au niveau de pertinence de lobjet et de ses proprits, soit selon un rap-

    port de distance et de proportions, soit selon une relation semi-symbolique. Ce

    type de relations, reposant sur lexistence dun axe commun et sur une oppos i-

    tion qui ne remet pas en cause lexistence de laxe commun, est caractristiquedes relations de contrarit: le rglage distalet le rglage structuralsont donc

    des contraires.

    Les deux autres types, le rglage subliminalet le rglage imaginal, en revanche,

    remettent en cause chacun leur manire laxe commun de la contrarit, le

    premier en partant du rglage distalet le second en partant du rglage structu-

    ral. Lun et lautre perturbent ou annulent la croyance rfrentielle : le premier

    parce que les premires stabilisations iconiques qui viennent lesprit sont im-

    mdiatement rcuses et potentialises, de sorte que linterprtation sublimi-

    nalese construit alors sans quil soit possible, pour lobservateur, de se projeter

    au plus prt de lobjet ou de ses proprits; le second parce quil renonce

    demble stabiliser linterprtation en rapport avec quelque rfrent que ce

    soit. Dans lun et lautre cas, tout se passe comme si la figure iconise, dune

    part, et lobjet et ses proprits, dautre part, appartenaient deux mondes et

    deux rgimes de croyance diffrents. Dans la mesure o ils procdent dune n-

    gation, lun du rglage distalet lautredu rglage structural, le rglage sublimi-

    nal et le rglage imaginal fonctionnent donc comme leurs contradictoires res-

    pectifs.

    Les quatre types de rglages iconisants constituent par consquent les quatre

    termes dune mme catgorie, articuls par les relations de contrarit et de

    contradiction. Ils forment un carr smiotique, dont ils saturent toutes les posi-

    tions ; dans lhypothse o le carr smiotique constitue lui-mme un modle

    interdfini satur, on peut alors considrer (provisoirement) que les quatre types

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    proposs reprsentent toutes les possibilits de rglages des interactions cogni-

    tives et iconisantes, dans le cas de limagerie scientifique.

    Le diagramme suivant reprsente le modle obtenu.

    RGLAGE DISTAL RGLAGE STRUCTURAL

    RGLAGE IMAGINAL RGLAGE SUBLIMINAL

    Le modle offre une premire opportunit complmentaire : en effet, deux

    autres relations sont ici disponibles, qui ntaient pas apparues dans lanalyseempirique, les deux relations de complmentarit. Le bon fonctionnement des

    deux relations de complmentarit est en outre un test de consistance et de

    cohrence du carr smiotique lui-mme.

    En quoi le rglage distal prsuppose-t-il un rglage imaginal ? Le rglage

    distal se fonde sur une mconnaissance prliminaire : la disproportion

    bloque la reconnaissance, et une premire stabilisation est opre, sur la

    base des proprits plastiques, qui engendre provisoirement unefigura-tion absolue, sans rfrent assignable, et donc disponible pour une re-

    connaissance a posteriori; cest partir de cette figuration imaginale

    provisoire que le rglage distal proprement dit opre, et met en relation

    deux positions dobservation distantes, pour une interprtation impli-

    quant une impression rfrentielle.

    En quoi le rglage structural prsuppose-t-il un rglage subliminal ? Le

    rglage structural se fonde sur une reconnaissance prliminaire (comme

    dans le cas des images IRM, les figures en forme de papillon ou

    d araigne colors) ; ces figurations spontanes a priori sont obte-

    nues par la synthse intuitive des diffrents paramtres plastiques cons-

    titutifs de limage, et cest partir de cette saisie synthtique que le r-

    glage structural, les systmes semi-symboliques tant tablis, peut don-

    ner lieu une reconnaissance automatique des proprits ainsi repr-

    sentes.

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    Mais ce modle est aussi le support de parcours syntagmatiques : comme on la

    dj fait observer, le rglage imaginal et le rglage subliminal sont mis en uvre

    la suite de lchec, respectivement, du rglage structural et du rglage distal.

    Pour complter le parcours, il faut en outre pouvoir exploiter de la mme ma-

    nire les deux relations de complmentarit.

    Dun ct, le rglage imaginal peut tre converti en rglage distal grce

    une hypothse a minima sur les rapports entre les deux

    mondes disjoints, celui de la visualisation et celui de lexprience scienti-

    fique. Le rglage imaginal stabilise une figuration absolue, disions-nous,

    dont on admet quelle ne fournit pas une reprsentation dun objet ou

    de proprits accessibles lintuition ou lexprience sensible, mais

    seulement une exprience techniquement sophistique et dont la

    seule traduction directe (dans le mme monde) est de type mathma-

    tique ; deux mondes sont mis en communication, sans que nous soyons

    en mesure de reconstituer le chemin qui mne de lun lautre. Il faut

    bien pourtant que nous supposions une relation a minima, pour pouvoir

    au moins admettre quil existe une relation virtuelle entre ces deux

    mondes ; et cest alors que nous nous rabattons, a minima et faute de

    pouvoir faire mieux, sur une relation de disproportion incommensu-

    rable : le rglage distal est alors convoqu, mais pour constater

    lincommensurabilit; ds lors, la mdiation du dispositif

    dexploration/visualisation est mise entre parenthses, oublie et

    neutralise, puisquil a t constat quelle tait trop sophistique pour

    accepter quelque rduction semi-symbolique que ce soit.

    De lautre ct,le rglage subliminal peut tre converti en rglage struc-

    tural ds lors que la premire figuration spontane a priori a t elle

    aussi oublie et neutralise : en effet, le rglage subliminal com-

    mence par rcuser des figures pr-visualises pour sengager dans

    une reconstruction des conditions de production de ces figures ; au lieu

    de renvoyer une simple figuration distale, la rfutation de la figuration

    spontane induit un autre parcours, o la convocation du processus

    dexploration/visualisation permet de substituer la reconnaissanceimmdiate dobjets visualiss celle de proprits et de relations structu-

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    rales, qui conduisent leur tour lidentification de lobjet vis par

    lexprience scientifique.L aussi, linterprtation doit rsoudre la spa-

    ration ou la relation problmatique entre deux mondes.

    ESTHTIQUE ET THIQUE DE LIMAGERIE SCIENTIFIQUE

    Normes, usages et modulations

    Ces usages syntagmatiques du modle des rglages diconisation rvlent une

    autre dimension de ces processus cognitifs : comme tout droulement syntag-

    matique canonique, ceux que nous mettons ici en place peuvent, sous telle ou

    telle condition, subir de nombreuses modifications ; les parcours peuvent tre

    interrompus, rebrousss, acclrs ou ralentis. Et comme dans toutes les varia-

    tions syntagmatiques, les interruptions, bifurcations, acclrations ou ralentis-

    sements sont corrls des choix axiologiques et affectifs.

    La plus frquente de ces variations, justement, est celle qui dtourne le parcours

    de linterprtation iconique vers la contemplation, que ce soit par interruption,

    bifurcation ou ralentissement. On a pu observer prcdemment que les mo-

    ments de stabilisation iconique sont de plusieurs types : (i) des figurations spon-

    tanes a prioriet provisoires par convocation de configurations pr-visualises,

    (ii) des figurations absolues par synthse de configurations plastiques, (iii) des

    figurations relatives des jeux de distances et de perspective, et (iv) des figura-

    tions relatives des systmes semi-symboliques.

    Les unes et les autres sont affectes, dans le processus de rglage, dun tempo et

    dun statut existentiel qui sont susceptibles dtre modifis. On a vu par exemple

    que le destin des figurations spontanes immdiatement rcuses tait soumis

    un tempo abrupt et vif, et quelles ne durent quen mode potentiel, pour acco m-

    pagner la stabilisation ultrieure ; mais linterprte a toujours le choix dun ar-

    rt sur figure , ou dune ractualisation. De mme, les figurations absolues qui

    prcdent le rglage distal, ou qui rsultent du rglage imaginal sont destines

    tre seulement actualises lintrieur dune interprtation o elles ne sont plus

    vues en tant que telles, cest--dire comme figurations absolues ; mais

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    linterprte peut galement arrter ou ralentir le processus, et les contempler

    pour elles-mmes, en mode ralis.

    Le juste tempo et la bonne squence existentielle sont le propre dune pratiquescientifique bien contrle, qui participe de la familiarisation et qui rend pos-

    sible, terme, la reconnaissance automatique des objets et des proprits explo-

    rs : il est dans ce cas question de lthique dune pratique, et plus prcisment

    dune micro-dontologie de la lecture des images scientifiques. Le drglement

    de ce tempo ou de cette squence existentielle sont le fait dautres pratiques,

    concurrentes et parallles, qui contribuent aussi la familiarisation, mais dun

    autre manire, dont le ressort est esthtique, et qui participeraient notamment

    des pratiques de la vulgarisation scientifique.

    Le passage dune pratique lautre, grce aux modifications du tempo et des

    parcours existentiels propres la syntagmatique des rglages, induisent par con-

    squent des changements axiologiques, et des effets passionnels induits. Le

    sous-bassement modal (cf. supra) des variations du rglage entre linformateur

    et lobservateur, associ aux variations de tempo et de modes existentiels, est

    tout fait propre fonder le parcours syntagmatique de lexploration visuelle

    des images scientifiques comme un parcours passionnel, et porteur des af-

    fects de lexploration. Outre les affects ordinaires, comme la surprise ou la

    satisfaction, lies la dcouverte, les effets de disproportion, de dcomposition

    structurale, de drglement de la croyance rfrentielle en suscitent dautres,

    qui ont trait la mconnaissanceet la reconnaissance : les processus

    diconisation tant dstabiliss, ou en voie de stabilisation, la configuration pro-

    pose par limagerie peut tout moment basculer vers des types iconiques

    appartenant lexprience sensible quotidienne, et qui sont indissociables de

    liconisation de type scientifique et du processus de familiarisation.

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    Contemplation esthtique et continuit des mondes physiques

    Les medias de vulgarisation scientifique usent lenvi

    de ces drives iconiques, et tout particulirement lessites darchivage dimages scientifiques. Cest ainsi,

    par exemple, quune galette de silicium et ses circuits

    lectroniques gravs (ci-contre) peut passer pour une

    maquette urbaine. Les types iconiques drivs fonc-

    tionnent comme des attracteurs , des possibilits de stabilisation iconique

    moindre cot cognitif, qui signalent le basculement dune pratique

    dinterprtation lautre.La manifestation visuelle se cherche une immanence

    sensible, et la trouve (provisoirement) au dtriment du contenu scientifique. La

    figuration spontane a priorise produit ici au moment de la transition entre le

    rglage subliminal et le rglage structural : le rglage distal ayant chou, il fait

    place au rglage subliminal, et la figuration spontane prcde et prpare le

    travail de reconstruction du processus dexploration/ visualisation.

    Ce sont trs prcisment ces tensions et ces tentations qui fondent lexploitation

    esthtique de la mconnaissance figurative, et qui motivent le discours de vulga-

    risation portant sur la beaut des images scientifiques, et sur leur pouvoir de

    suggestion.

    Sous le titre Lumire dans linfiniment petit

    (ci-contre6), limage nanomtrique des piges

    photon est explicitement commente en ce

    sens : le texte du commentaire, en effet, avant

    de dvoquer le contenu scientifique de limage,

    et donc avant de proposer un contenu herm-

    neutique adquat, commence par une srie de

    types iconiques ventuels (canons lasers,

    abat-jour design, etc.), prsents la fois comme des interprtations errones,

    et comme des mtaphores plausibles du contenu hermneutique dcouvrir.

    6Le Journal du CNRS, n203, dcembre 2006, Meudon, p. 43.

    Galette de silicium et

    circuits gravs

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    Sagissant de proprits appartenant aux chelles nanomtriques , on a dj vu

    quelles faisaient appel aussi bien au rglage subliminal (en raison de la dispro-

    portion) quau rglage imaginal (en raison de ltranget des proprits vises,

    du point de vue de lexprience sensible et de lintuition). Par consquent, la

    figuration visuelle peut driver ici tout aussi bien dune figuration spontane

    (reconnaissance a prioride figures pr-visualises) que dune figuration absolue

    (stabilisation plastique, et reconnaissance a posteriori). Quoi quil en soit, le

    commentaire qui accompagne limagedonne littralement le temps de fixer la

    figuration spontane ou absolue, le temps dune drive iconique qui convertit la

    premire phase du rglage subliminal en contemplation esthtique. Cette obser-

    vation est rapprocher de quelques observations prcdentes, portant notam-ment sur les titres donns aux images (puits quantique, par exemple), et qui con-

    tribuent fixer et opacifier une figuration qui devrait rester entirement trans-

    parente, potentielle ou actuelle, mais non ralise.

    De tels commentaires sont monnaie courante dans les magazines de diffusion

    scientifique ou dans les ouvrages de vulgarisation, car leur stratgie persuasive

    consiste principalement susciter un intrt pour les proprits dun monde e x-

    plor par la science, chez un lecteur implant dans un autre monde. Et pour sus-

    citer une passion comme l intrt , la premire condition requise est

    lexistence dun lien entre lintressant et lintress, un lien susceptible de po r-

    ter des valeurs, projetes du premier vers le second, et rciproquement. Dans la

    plupart des cas, ce lien est fragile ou rompu, en raison de ltanchit entre les

    deux mondes. La tactique persuasive consistera donc construire, rtablir ou

    renforcer un lien entre le monde de lexprience phnomnale et celui de

    lexprience scientifique, mme si ce lien est factice, approximatif ou mtapho-

    rique.

    En loccurrence, la facticit est pourtant ici un facteur de crdibilit : sous-

    jacente ces quivalences mtaphoriques, ces approximations phnomnales et

    ces drives iconiques, en effet, se joue la croyance dans la continuit du monde

    physique, continuit qui rsisterait en somme aux variations dchelles, de mo-

    dles de reprsentation et de rgimes de croyance. Certes, cette croyance glo-

    bale est, dun point de vue scientifique, ou bien nave ou bien mtaphysique, de

    toute faon sans valeur explicative, mais elle est ncessaire une diffusion per-

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    suasive de la connaissance scientifique. Elle repose, de fait, sur un principe

    dquivalence gnralis, sur un schme du sens commun selon lequel

    lexistence ou la construction de rseaux dquivalences donnent consistance

    la reprsentation cohrente dun mme champ cognitif; a contrario, pour le

    mme sens commun, linterruption dun rseau dquivalences signale

    lexistence dune frontire entre deux mondes, entre deux reprsentations coh-

    rentes.

    En somme, la pratique dinterprtation qui fixe, ralise et contemple des figura-

    tions spontanes ou absolues alors que pour la pratique scientifique elles de-

    vraient rester fugaces et potentiellesest la recherche dune isotopie, sur la-

    quelle les diffrentes images du monde subiraient certes des transformations,

    mais dans les limites dunmme monde cohrent. La rupture disotopie, entre le

    monde visualisable et le monde physique, fait courir le risque dun effondrement

    de la croyance, ou, tout le moins, la confrontation entre deux rgimes de

    croyance devenus incompatibles, et cette incompatibilit suscite du mme coup

    tous les affects lis en gnral la mconnaissance et la perception de

    lincohrence.

    Nous disposons donc de ce fait mme dune hypothse susceptible dtre gn-

    ralise : linterprtation esthtique de limagerie scientifique est la recherche

    de la continuit des mondes physiques, voire dune isotopie ou de connexions

    entre isotopies, et elle exploite pour cela toutes les possibilits ouvertes par les

    modulations du parcours syntagmatique des rglages iconiques.

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    Transformations du point de vue et conservation isotopique

    Que ce soit sous la forme de simples

    changements dchelles, ou grce deschangements de modes dexcitation-

    exploration, limagerie scientifique est en

    mesure de proposer, pour un objet don-

    n, plusieurs vues diffrentes, qui cons-

    tituent autant de niveaux danalyse. Par

    exemple, une mme constellation c-

    leste, Andromde, est propose ci-

    contre en trois vues diffrentes, obte-

    nues par trois modes dexcitation-

    exploration diffrents : (i) une vue au

    radiotlescope (ondes radio), (ii) une vue

    au tlescope infrarouges (lumire

    basse frquence), et (iii) une vue simule

    par ordinateur (lexcitation de lcran).

    La forme globale de lobjet est conser-

    ve, mais il se prsente sous trois configurations plastiques radicalement diff-

    rentes : (i) une masse claire, comprenant une plage centrale trs lumineuse, et

    environne dun nuage de points lumineux, (ii) une srie dellipses approxima-

    tives constitues de plages effiloches et discontinues, (iii) une quasi-spirale

    claire traant distinctement un mouvement centrifuge partir dune petite plage

    centrale.

    Ces trois vues7, qui correspondent trois manifestations plastiques diffrentes,

    renvoient certes au mme objet du monde naturel, mais trois configurations

    diffrentes du contenu visuel : (i) la premire privilgie les degrs dintensit

    lumineuse, la plus forte tant au centre, et la plus faible en priphrie, (ii) la

    deuxime met en vidence la distribution des masses dans lespace proprede la

    7 Andromde victime dune collision frontale, Le Magazine de lObservatoire de Paris,Paris, n6, 2006, p. 13.

    Andromde,

    tlescope infrarouges

    Andromde, simulation

    Andromde, radiotlescope

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    constellation, en somme son organisation topologique, et (iii) la troisime donne

    voir la dynamique interne centrifuge.

    Chacune dentre ellessollicite un rglage iconique spcifique :

    (i) La premire impose un rglage distal; certes, il est difficile mettre en

    uvre, puisque rares sont les observateurs qui pourraient se placer

    bonne distance pour voir la constellation sous cette vue, mais

    linterprte na pas le choix, car aucun rglage subliminal nest pos-

    sible, en labsence de figuration spontane disponible.

    (ii) La seconde sollicite un rglage structural, car la visualisation de lobjet ne

    capte que ses proprits nergtiques.

    (iii)La troisime impose un rglage imaginal ; la figuration visuelle peut

    certes tre stabilise, mais uniquement en tant que configuration

    plastique dynamique, et elle fonctionne comme une figuration ab-

    solue , qui ne renvoie qu un objet conceptuel, abstrait et calcu-

    lable, sans rfrent figuratif.

    Sous-jacente cette variation, se pose videmment la question de la conserva-

    tion de lobjet, et pas seulement de sa forme globale. Pour que lobjet soit peru

    comme identique lui-mme, et conserv travers les trois configurations vi-

    suelles, il ne suffit pas quon puisse passer de lune lautre en continu par le

    moyen du calcul et du raisonnement astrophysique. Il faut en outre que, en tant

    que smiotique-objet en transformation, elle puisse tre perue comme un

    schme visuel constant mais modifiable dun point de vue smiotique, ce

    schme tant associ, comme explication proprement smiotique, la transfor-

    mation du dispositif dexpression.

    Or, la brve description qui prcde peut tre prolonge par une analyse tensive,

    qui, partant de la reconnaissance dun schme visuel constant (lellipse lumi-

    neuse dynamique) lui appliquera le principe dune transformation isotope du

    contenu :

    La premire vue (au radiotlescope) se focalise sur les variations

    dintensit, qui ordonnent en quelque sorte la topologie des plages: au

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    centre lintensit maximale forme une masse compacte ; la pri-

    phrie, lintensit affaiblie forme un nuage diffus.

    La deuxime (aux infrarouges) met en avant lorganisation topologiquedes masses de matire cleste, leurs diffrents modes doccupation de

    lespace, en groupes et en alignements, qui, leur tour, ordonnent la

    distribution des effets de lumire et dobscurit

    La troisime, en enfin, conjugue les deux, la distribution de lnergie

    entre le centre et la priphrie, et la rpartition des masses dans

    lalignement de la spirale, en les associant dans le mme effet de mo u-

    vement centrifuge : les masses perdent leur individualit, et se rduisent leur forme globale oriente par le mouvement.

    En somme, les trois configurations de lexpression visuelle renvoient trois

    tats tensifs du contenu smiotique : trois tats de la tension entre lintensit

    et ltendue:

    (+) (1)Distribution (3)Dynamiquede lnergie centrifugelumineuse du mouvement

    Intensit(2)Organisationtopologique desmatires

    (-)(-) Etendue (+)

    Ce rsultat est particulirement instructif. En effet, nous avons montr que, dans

    le cas du rglage structural (mais aussi du rglage distal), des systmes semi-

    symboliques stabilisent le contenu smiotique de limage scientifique,et que ces

    systmes semi-symboliques procurent en quelque sorte une rgle de lecture

    homologue mais simplifie des conventions techniques et des rgles de trans-

    duction propres au processus dexcitation-exploration-visualisation. Nous avons

    aussi soulign le fait que ces rglages et stabilisations iconiques taient rgis par

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    les normes et usages dune pratique scientifique, susceptibles dtre modifis au

    profit dautres pratiques.

    Nous sommes maintenant en mesure de prciser quelques conditions smio-tiques de ces oprations. Lanalyse des trois vues dAndromde montre que :

    (i)

    le mme contenu scientifique peut tre associ trois contenus s-

    miotiques diffrents, grce trois dispositifs dexcitation-rception

    et trois processus de transduction diffrents ; ces trois contenus

    sont eux-mmes corrls, par une fonction smiotique hermneu-

    tique (produite par linterprtation), trois expressions spcifiques ;

    (ii)

    la solidarit entre les trois contenus smiotiques de la visualisation

    de lobjet repose sur leur participation un mme cycle de trans-

    formations isotopes, que la structure tensive permet de dcrire et

    daffecter globalement une mme smiotique-objet cohrente.

    Tentons ici une hypothse : dun point de vue scientifique stricto sensu, la con-

    servation isotopique entre les trois contenus de visualisation pse peu, puisque

    lidentit de lobjet explor est scientifiquement atteste, mais elle participe

    nanmoins de la familiarisation, au cours dun processus de simple comparai-

    son/confrontation. En revanche, dun point de vue smiotique, la participation

    des trois contenus hermneutiques un cycle de transformations isotopes, qui

    en fait trois tats associs au sein dune mme smiotique-objet, est le support

    dune croyance rfrentielle plus forte, susceptible dune exploitation esthtique

    autonome. Lisotopie sur laquelle ils se transforment les uns dans les autres se-

    rait cet gard la manifestation smiotique de lexistence dun seul objet:

    lobjet explor existe, lisotopie des transformations smiotiques latteste. Et la

    srie des trois images peut alors passer pour un discours esthtique sur lobjet,

    jouant de la variation des points de vue que procurent les trois vues et de

    lenchanement desrglages iconiques.

    Dans ce cas encore, le mme phnomne smiotique participe la fois de la

    familiarisation au sein des pratiques scientifiques et de lexploitation esthtique,

    grce une modification du parcours syntagmatique de linterprtation : la com-

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    paraison/confrontation scientifique est alors convertie en parcours de points de

    vue, grce la transformation isotope.

    Un autre exemple permettra dbaucher une validation (par falsification et ex-ploration de la limite pertinente) de cette hypothse : il sagit de trois explora-

    tions dun mme matriau, un matriau composite microporeux, compos dune

    matrice de silice et de microparticules de zircon. La premire exploration est

    micromtrique, la deuxime est nanomtrique, la troisime est une reprsenta-

    tion fractale. Les trois vues ont t ici volontairement dcolores, et reprsen-

    tes en nuances de gris, pour isoler le principe plastique de la variation isotope.

    Lorganisation plastique de la premire image est structure par des directions

    parallles : sur le fond gris du matriau de silice, des sries de points et de pe-

    tits amas sombres et clairs forment des alignements ingalement distants les uns

    des autres, mais tous parallles, qui correspondent aux microparticules de zircon

    et quelques reliefs de silice. Cette vue ne modifie que la distance et les propor-

    tions, et elle impose donc un rglage distal.

    Dans la deuxime, la composition plastique ne fait plus appel qu de grandes

    plages claires, et quelques petites plages sombres de formes alatoires et trs

    dcoupes, toutes singulires, et se dtachant sur un fond gris : en somme, une

    sorte de paysage cleste nbuleux. Les rapports tablis dans la premire vue

    sont ici entirement modifis, puisque le fond gris ne correspond plus aucune

    partie de lobjet, la matrice de silice est localise dans les petites masses

    sombres, et les grandes plages claires reprsentent les pores de la matrice.

    Cette image ne visualise que des proprits topologiques, le plein et le vide, et

    Matrice de silice (1)Echelle micromtrique

    Matrice de silice (2)Echelle nanomtrique

    Matrice de silice (3)Reprsentation fractale

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    fait appel un rglage structural. Les figures respectives des deux proprits

    sont stabilises grce une figuration spontane qui fixe la composition plas-

    tique (le paysage nuageux ), et facilite ltablissement dun systme semi-

    symbolique (plein : sombre : : vide : clair).

    La troisime vue est dune tout autre nature encore, puisquil sagit de la repr -

    sentation graphique fractale de la structure microporeuse, rsultant de la

    projection sur un cran de lalgorithme dvaluation de la densit matrielle (la

    rpartition de la masse solide). Il est alors vident, dans cette troisime vue, que

    la formation dun contenu smiotique est impossible, et pas seulement en

    raison de lincomptence de lobservateur (!), mais parce que la figuration obte-

    nue ne rencontre chez lui aucune exprience sensible, aucun rfrent figuratif.

    Dans la srie des trois vues, cette reprsentation fractale est aussi une repr-

    sentation de proprits dobjet, mais, dans la mesure o en tant que figuration

    absolue elle na pas dautre correspondant quun calcul fractal, elle ne peut rele-

    ver que dun rglage imaginal. Cette interprtation est par ailleurs conforme la

    dfinition mathmatique des fractales, puisque les principes qui la rgissent la

    rcursivit des calculs stochastiques et probabilistesappartiennent de fait un

    autre monde que celui de lexprience sensible.

    Entre ces trois images, qui renvoient pourtant au mme objet, attest dun point

    de vue scientifique, aucune transformation isotope nest envisageable, dun

    point de vue smiotique : les topologies et les formes changent compltement

    de contenus ; les relations plastiques sont la fois diffrentes en tant que telles,

    et en ce qui concerne les contenus quelles voquent. Tout comme dans la pr-

    cdente srie, les contenus en question saisissent des proprits diffrentes,

    mais cette fois sans conservation dun schme visuel commun. Dans cette se-

    conde srie, il est donc ncessaire, pour concevoir un cycle de transformations,

    de passer systmatiquement chaque tape par lobjet rfrent attest, et par

    les liens dductifs qui relient les trois niveaux diffrents du contenu scientifique.

    Par consquent, tout comme dans lexemple prcdent, sont encore valides les

    affirmations suivantes:

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    le mme contenu scientifique peut tre associ trois contenus smio-

    tiques diffrents, eux-mmes corrls respectivement, par

    linterprtation, trois dispositifs dexpression;

    la solidarit entre les trois contenus smiotiques repose sur leur associa-

    tion un mme contenu scientifique, dclin en trois propositions

    danalyse diffrentes, trois niveaux de pertinence scientifique diff-

    rents ;

    Mais il nest plus possible daffirmer que la solidarit entre les trois contenus

    smiotiques est fonde sur leur participation un cycle de transformations iso-

    topes, ou une srie de points de vue. Il y a bien un seul objet rfrent, mais lavisualisation produit trois smiotiques-objets autonomes, qui ne peuvent tre

    intgres un mme parcours visuel.

    Sil nest pas possible de constituer partir de ces trois vues une seule smio-

    tique-objet, ft-elle en transformation, il nest donc pas plus possible

    desthtiser cette srie, en limaginant comme un cycle de points de vue et de

    rglages successifs au sein dune mme isotopie visuelle. La srie des rglages

    est pourtant la mme (distal > structural > imaginal), mais lisotopie tant per-

    due, la croyance rfrentielle qui lui est spcifiquement associe, est aussi per-

    due. Ds lors, les seules voies possibles de lesthtisation sont celles propres

    chaque type de rglage pris sparment, comme dans les cas dimages isoles.

    CONCLUSION

    Lesthtisation de limagerie scientifique procde donc globalement dune dr i-

    vation entre deux pratiques, voire du dveloppement dune pratique autonome,

    qui se dissocie de la pratique scientifique. Mais dans la plupart des cas, les deux

    pratiques restent fermement articules, car elles exploitent les mmes propri-

    ts syntagmatiques de la pratique interprtative, voire les mmes configurations

    iconiques.

    Ces proprits syntagmatiques peuvent tre de trois types, qui sont en relation

    hirarchique par enchssement.

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    Premirement, elles se prsentent un niveau danalyse lmentaire sous forme

    de squences modales (des parcours entre les varits de laccessibilit cogn i-

    tive) : chaque type de squence modale caractrise un type de rglage iconique.

    Deuximement, pour une mme image, elles apparaissent un niveau danalyse

    suprieur comme des sries de rglages iconiques, plusieurs rglages pouvant

    tre mis en uvre successivement, par ttonnement ou par tactique systma-

    tique.

    Troisimement, nous avons galement identifi une autre forme syntagmatique,

    au dernier niveau danalyse syntagmatique, qui est la srie dimages; en effet,

    dans les usages les plus courants, les visuels du discours scientifique sont montsen squences, susceptibles de porter des enchanements narratifs ou rhto-

    riques ; au sein de ces sries, les enchanements sont entre autres dtermins

    par des changements de rglages iconiques ; donc, plusieurs images peuvent

    former des syntagmes isolables, des sries de sries, en quelque sorte, dotes

    de proprits syntagmatiques internes.

    Chacun de ces niveaux danalyse syntagmatique est rgi par des normes, qui

    caractrisent la pratique scientifique. En effet, la pratique de limagerie scienti-

    fique doit respecter des rgles portant sur le tempo et lenchanement des

    tapes successives de linterprtation. Lautre pratique, celle qui se rencontre

    aussi bien dans les discours didactiques ou de vulgarisation, que dans les dis-

    cours artistiques proprement dit, se dissocie de la premire par dautresmodula-

    tions du tempo et des enchanements (ralentissements, syncopes, bifurcations,

    etc.). Ces normes et leurs modulations esthtisantes touchent aussi bien (i) les

    enchanements modaux du premier niveau, propre chaque rglage iconique

    pris sparment (on a vu comment les figurations spontanes ou absolues pou-

    vaient supporter des drivations esthtiques), que les squences de rglages

    iconiques, que ce soit (ii) sur une seule image (enchanements par ttonnement

    ou tactique) ou (iii) sur une srie dimages (transformations internes un mon-

    tage).

    Dans les drivations esthtiques du premier type (enchanements modaux) et du

    second type (squences de rglages iconiques), nous avons identifi un principe

    gnral et imaginaire de continuit entre les mondes physiques, se substi-

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    tuant provisoirement aux relations tablies par dductions et calculs scienti-

    fiques. Dans celles du troisime type (sries de vues avec enchanements de

    rglages iconiques), nous avons galement repr le rle des transformations

    isotopes, des isotopies visuelles sous-jacentes aux sries, qui se substituent de la

    mme manire au calcul rfrentiel entre chaque vue et son objet. Quel que soit

    le cas, la drivation esthtique actualise donc un principe de continuit et de

    cohrence proprement smiotique, indpendant de la rfrence lobjet, et qui

    permet ainsi que sinstallent, selon le niveau darticulation, des contemplations

    figuratives naves, des quivalences mtaphoriques ou plus gnralement rhto-

    riques, ou enfin, des variations de points de vue.

    La pratique scientifique obit par consquent une thique, qui se caractrise

    principalement par une dontologie de la rfrence discontinue et bilatrale : en

    effet, pour chaque rglage iconique, la pratique scientifique impose une valida-

    tion implicite ou explicite, et une croyance, reposant sur la chane de transduc-

    tion-visualisation qui relie chaque vue un objet ou ses proprits exprimen-

    tales ; dans ce cas, les ventuels effets de continuit isotopique ne sont quune

    aide complmentaire, une contribution indirecte au processus de familiarisation.

    La pratique esthtique se fonde en revanche sur la postulation du continu et la

    construction de relations semi-symboliques et de cohrences isotopiques qui

    sont supposes exprimer la continuit des mondes physiques. Ds lors, toutes

    les modulations du tempo et des enchanements dans les tapes de

    linterprtation peuvent tre considres comme des tactiques mises au service

    de ltablissement de ces isotopies visuelles continues.

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    RSUM

    Cette tude repose principalement sur une analyse et une typologie des modali-

    ts du rglage qui prside linterprtation iconique des images scienti-

    fiques, et notamment des rglages qui permettent de reconstituer les objets,

    rels ou virtuels, dont lexploration technique donne apprhender, au moment

    de la visualisation, des proprits qui ne sont pas de nature visuelle au sens habi-

    tuel du terme. Nous proposons de distinguer quatre types de rglages : distal,

    structural, imaginal et subliminal, et cest au cours de la transformation dun

    rglage dans lautre, cest--dire sur le fond dune syntagmatique du rglage des

    croyances, que se produisent les effets desthtisation de limage scientifique.

    NOTICE BIO-BIBLIOGRAPHIQUE

    Jacques FONTANILLEest Prsident de lUniversit de Limoges depuis fvrier 2005,

    et Vice-Prsident de la Confrence des Prsidents dUniversit. Professeur de

    smiotique lUniversit de Limoges, membre senior de lInstitut Universitaire

    de France, il a cr Limoges le Centre de Recherches Smiotiques, ainsi que la

    revue Nouveaux Actes Smiotiques, et de collection d'ouvrages NAS, dite parPulim. Il est galement prsident honoraire de lAssociation Internationale de

    Smiotique Visuelle, et prsident honoraire de lAssociation Franaise de Smio-

    tique.

    Il est lauteur de plus de deux cent cinquante publications,dans les do-

    maines de la smiotique thorique, de la smiotique littraire et de la smio-

    tique visuelle, de la rhtorique et de la linguistique gnrale.

    Il a dirig douze ouvrages collectifs : Smiotique et Enseignement du

    franais,Langue Franaise, n 61, (Larousse); Le discours aspectualis(Pulim) ; Laquantit et ses modulations qualitatives(Pulim) ; Le devenir(Pulim) ; Les mtiers

    de la smiotique, avec Guy Barrier (Pulim); Smiotique du discours et tensions

    rhtoriques, Langages, n137 (Larousse), avec J.-Fr. Bordron. ; Les objets au quo-

    tidien, avec Alessandro Zinna (Pulim),Rgimes smiotiques de la temporalit: la

    flche brise du temps, avec Denis Bertrand (PUF) ; Le Montage au cinma, avec

    Sylvie Prineau (Visio) ; Modlisations smiotiques, avec Anne Beyaert (Modles

    linguistiques) ; Les Ages de la vie. Smiotique du temps et de la culture, avec I.

    Darrault (PUF) ; Configurations dynamiques de lmotion(Smiotica).

    Il a publi onze livres titre personnel : Le Savoir Partag (Hads-Benjamins) ; Les espaces subjectifs (Hachette) ; Smiotique des passions. Des

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    tats de choses aux tats d'me (Le Seuil), avec A.J. Greimas ; Semiotica de las

    pasiones. El seminario(Morphe) ; Smiotique du visible. Des mondes de lumire

    (P.U.F.) ; Tension et signification (Mardaga), avec Cl. Zilberberg ; Smiotique et

    littrature : essais de mthode (P.U.F.) ; Smiotique du discours(Pulim) ; Sma &

    Soma. Les figures du corps.(Maisonneuve et Larose) ; Significao e visualidade:

    exerccios prticos (Unisinos Coleo Estudos sobre o Audiovisual) ; Pratiques

    Smiotiques(Paris, PUF).

    Jacques FONTANILLE a t professeur invit ou confrencier invit dans

    quatre-vingt universits amricaines, europennes et africaines. Il est membre

    actif de plusieurs comits scientifiques de socits savantes et de revues interna-

    tionales dans le domaine smiotique.

    Adresse du site internet personnel :

    http://unilim.fr/pages_perso/jacques.fontanille/