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© Masson, Paris, 2006. Gastroenterol Clin Biol 2006;30:327-335 327 LETTRES LA RDACTION Régression d’un syndrome de Budd-Chiari sous traitement anticoagulant e traitement anticoagulant constitue la base du traitement du syndrome de Budd-Chiari [1]. Son but est seulement préventif, pour éviter l’extension de la thrombose des veines sus-hépatiques. Nous rapportons un cas de syndrome de Budd-Chiari ayant régressé totalement sous traitement anticoagulant. Observation Une femme de 41 ans, était hospitalisée pour syndrome ictéro-oedémato-ascitique le 17 mars 2004. Elle n’avait pas de facteur de risque de contamination par les virus des hépatites B et C, ne consommait pas d’alcool et ne prenait pas d’oestro-pro- gestatifs. Trois jours plus tôt étaient apparues brutalement des douleurs abdominales diffuses. Un bilan biologique montrait une augmentation de l’activité sérique des alanine aminotransférases (ALAT) à 20 N, des aspartate aminotransférases (ASAT) à 20 N, de la gammaglutamyltransférase (GGT) à 5 N, et une élévation de la bilirubinémie à 194 µmol/l à prédominance de bilirubine conjuguée. Il existait une diminution modérée du taux de prothrombine (62 %) et une hypoalbuminémie à 27 g/L. La recherche d’antigène HBs, d’anticorps anti-HBc, d’IgM anti- VHA, d’anticorps anti-VHC, était négative. La recherche d’anti- corps anti-nucléaires, anti-muscles lisses, anti-mitochondries et anti-microsomes était négative. Il n’existait pas d’hypergamma- globulinémie. L’échographie abdominale avec Doppler montrait un foie dysmorphique, augmenté de volume, avec hypertrophie du segment I, une splénomégalie, et une ascite abondante. Il existait une thrombose complète des veines sus-hépatiques médiane et gauche, et partielle de la veine sus-hépatique droite avec un flux très ralenti. Un examen par IRM confirmait ces don- nées et mettait en évidence une thrombose partielle de la veine porte du segment VII associée. Le diagnostic de syndrome de Budd-Chiari était posé. Une échographie cardiaque était nor- male. Il n’existait pas d’antécédents personnels ou familiaux de thrombose veineuse. Un traitement par héparine de bas poids moléculaire (Fraxodi ® ) par voie sous-cutanée était instauré à dose hypocoagulante. Un traitement diurétique par furosémide et spironolactone était introduit. L’évolution était marquée par une amélioration progressive des tests hépatiques. Le 4 juin 2004, une échographie abdominale avec Doppler, puis un scanner abdominal, montraient la perméabilité du tronc porte et de ses branches, et également de l’ensemble des veines sus- hépatiques, sans ascite associée. Il n’y avait pas d’image sus- pecte de carcinome hépatocellulaire associé. Le traitement anti- coagulant était poursuivi par antagonistes de la vitamine K (AVK) et l’héparine était stoppée. En juillet 2004, au moment du relais héparine-AVK et après normalisation des anomalies du bilan hépatique, le bilan étiologique de thrombose était réalisé. Le myélogramme et la biopsie de moelle étaient normaux. Les concentrations plasmatiques de l’antithrombine III, de la protéine S, de la protéine C et la mesure plasmatique de la résistance à la protéine C activée étaient normales. La recherche d’anticorps antiphospholipides était négative. Les tests génétiques recher- chant la mutation Leiden du facteur V et le variant 20210 du gène de la prothrombine étaient normaux. Il n’y avait pas d’élé- ment évocateur d’une hémoglobinurie paroxystique nocturne (bilan d’hémolyse négatif). Le traitement diurétique était progres- sivement réduit et totalement arrêté fin septembre 2004. En sep- tembre, puis en décembre 2004, l’échographie abdominale avec Doppler retrouvait un foie dysmorphique, avec une hyper- trophie du segment I, mesuré à 7 cm dans son plus grand diamè- tre, avec un parenchyme hépatique un peu hétérogène mais sans lésion focalisée. Sur le plan vasculaire, on notait une bonne per- méabilité des trois veines sus-hépatiques dont le flux était toute- fois atténué, et une perméabilité de la veine porte et de ses branches. Il n’existait pas de veines de dérivation inter sus-hépa- tiques visibles. La rate était homogène, de taille normale. Il n’y avait pas d’épanchement ascitique. Discussion Le syndrome de Budd-Chiari est caractérisé par l’obstruction des voies de drainage veineux du foie. Le pronostic de cette affection est particulièrement sévère puisque, en l’absence de tout traitement, le taux de mortalité est supérieur à 60 % au cours de la première année. À côté du traitement éventuel d’une affec- tion causale, les objectifs du traitement propre de cette affection sont : le contrôle des symptômes, la prévention de l’extension et de la récidive de la thrombose des veines hépatiques, de la veine porte ou d’autres territoires, et le rétablissement du drainage vei- neux et la préservation ou le rétablissement de la perfusion hépatique [1]. Dans le syndrome de Budd-Chiari, l’utilisation du traitement anticoagulant est justifiée par : 1 — un état prothrombotique ou un facteur de risque de thrombose habituellement présent, 2 — son efficacité démontrée pour le traitement préventif et curatif des autres thromboses veineuses profondes, 3 — son efficacité dans le traitement des thromboses de la veine porte vues à un stade tardif pour éviter l’extension de la thrombose, 4 — son efficacité pour le traitement curatif de la thrombose portale ou mésentérique récente, 5 — l’amélioration de la survie des mala- des présentant un syndrome de Budd-Chiari depuis son utilisa- tion et 6 — son efficacité pour prévenir le risque de récidive après transplantation hépatique pour syndrome de Budd-Chiari [1]. L’efficacité du traitement anticoagulant pour le traitement curatif de la thrombose portale ou mésentérique récente est très élevée puisqu’il permet d’obtenir une reperméabilisation totale ou partielle dans 90 % des cas [2]. La régression complète d’une thrombose sus-hépatique est, par contre, exceptionnelle. Sa fré- quence ne peut probablement pas être sous-estimée puisque ce type de malade est régulièrement surveillé, en particulier par L

Régression d’un syndrome de Budd-Chiari sous traitement anticoagulant: Le traitement anticoagulant constitue la base du traitement du syndrome de Budd-Chiari [1]. Son but est seulement

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© Masson, Paris, 2006. Gastroenterol Clin Biol 2006;30:327-335

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LETTRES À LA RÉDACTION

Régression d’un syndrome de Budd-Chiari sous traitement anticoagulant

e traitement anticoagulant constitue la base du traitement du syndrome de Budd-Chiari [1]. Son but est seulement préventif, pour éviter l’extension de la thrombose des veines sus-hépatiques. Nous rapportons un cas de syndrome de Budd-Chiari ayant régressé

totalement sous traitement anticoagulant.

Observation

Une femme de 41 ans, était hospitalisée pour syndromeictéro-oedémato-ascitique le 17 mars 2004. Elle n’avait pas defacteur de risque de contamination par les virus des hépatites Bet C, ne consommait pas d’alcool et ne prenait pas d’oestro-pro-gestatifs. Trois jours plus tôt étaient apparues brutalement desdouleurs abdominales diffuses. Un bilan biologique montrait uneaugmentation de l’activité sérique des alanine aminotransférases(ALAT) à 20 N, des aspartate aminotransférases (ASAT) à 20 N,de la gammaglutamyltransférase (GGT) à 5 N, et une élévationde la bilirubinémie à 194 µmol/l à prédominance de bilirubineconjuguée. Il existait une diminution modérée du taux deprothrombine (62 %) et une hypoalbuminémie à 27 g/L. Larecherche d’antigène HBs, d’anticorps anti-HBc, d’IgM anti-VHA, d’anticorps anti-VHC, était négative. La recherche d’anti-corps anti-nucléaires, anti-muscles lisses, anti-mitochondries etanti-microsomes était négative. Il n’existait pas d’hypergamma-globulinémie. L’échographie abdominale avec Doppler montraitun foie dysmorphique, augmenté de volume, avec hypertrophiedu segment I, une splénomégalie, et une ascite abondante. Ilexistait une thrombose complète des veines sus-hépatiquesmédiane et gauche, et partielle de la veine sus-hépatique droiteavec un flux très ralenti. Un examen par IRM confirmait ces don-nées et mettait en évidence une thrombose partielle de la veineporte du segment VII associée. Le diagnostic de syndrome deBudd-Chiari était posé. Une échographie cardiaque était nor-male. Il n’existait pas d’antécédents personnels ou familiaux dethrombose veineuse. Un traitement par héparine de bas poidsmoléculaire (Fraxodi®) par voie sous-cutanée était instauré àdose hypocoagulante. Un traitement diurétique par furosémideet spironolactone était introduit. L’évolution était marquée parune amélioration progressive des tests hépatiques. Le4 juin 2004, une échographie abdominale avec Doppler, puisun scanner abdominal, montraient la perméabilité du tronc porteet de ses branches, et également de l’ensemble des veines sus-hépatiques, sans ascite associée. Il n’y avait pas d’image sus-pecte de carcinome hépatocellulaire associé. Le traitement anti-coagulant était poursuivi par antagonistes de la vitamine K(AVK) et l’héparine était stoppée. En juillet 2004, au moment durelais héparine-AVK et après normalisation des anomalies dubilan hépatique, le bilan étiologique de thrombose était réalisé.Le myélogramme et la biopsie de moelle étaient normaux. Lesconcentrations plasmatiques de l’antithrombine III, de la protéineS, de la protéine C et la mesure plasmatique de la résistance à laprotéine C activée étaient normales. La recherche d’anticorpsantiphospholipides était négative. Les tests génétiques recher-chant la mutation Leiden du facteur V et le variant 20210 dugène de la prothrombine étaient normaux. Il n’y avait pas d’élé-

ment évocateur d’une hémoglobinurie paroxystique nocturne(bilan d’hémolyse négatif). Le traitement diurétique était progres-sivement réduit et totalement arrêté fin septembre 2004. En sep-tembre, puis en décembre 2004, l’échographie abdominaleavec Doppler retrouvait un foie dysmorphique, avec une hyper-trophie du segment I, mesuré à 7 cm dans son plus grand diamè-tre, avec un parenchyme hépatique un peu hétérogène mais sanslésion focalisée. Sur le plan vasculaire, on notait une bonne per-méabilité des trois veines sus-hépatiques dont le flux était toute-fois atténué, et une perméabilité de la veine porte et de sesbranches. Il n’existait pas de veines de dérivation inter sus-hépa-tiques visibles. La rate était homogène, de taille normale. Il n’yavait pas d’épanchement ascitique.

Discussion

Le syndrome de Budd-Chiari est caractérisé par l’obstructiondes voies de drainage veineux du foie. Le pronostic de cetteaffection est particulièrement sévère puisque, en l’absence detout traitement, le taux de mortalité est supérieur à 60 % au coursde la première année. À côté du traitement éventuel d’une affec-tion causale, les objectifs du traitement propre de cette affectionsont : le contrôle des symptômes, la prévention de l’extension etde la récidive de la thrombose des veines hépatiques, de la veineporte ou d’autres territoires, et le rétablissement du drainage vei-neux et la préservation ou le rétablissement de la perfusionhépatique [1].

Dans le syndrome de Budd-Chiari, l’utilisation du traitementanticoagulant est justifiée par : 1 — un état prothrombotique ouun facteur de risque de thrombose habituellement présent, 2 —son efficacité démontrée pour le traitement préventif et curatifdes autres thromboses veineuses profondes, 3 — son efficacitédans le traitement des thromboses de la veine porte vues à unstade tardif pour éviter l’extension de la thrombose, 4 — sonefficacité pour le traitement curatif de la thrombose portale oumésentérique récente, 5 — l’amélioration de la survie des mala-des présentant un syndrome de Budd-Chiari depuis son utilisa-tion et 6 — son efficacité pour prévenir le risque de récidiveaprès transplantation hépatique pour syndrome de Budd-Chiari[1]. L’efficacité du traitement anticoagulant pour le traitementcuratif de la thrombose portale ou mésentérique récente est trèsélevée puisqu’il permet d’obtenir une reperméabilisation totaleou partielle dans 90 % des cas [2]. La régression complète d’unethrombose sus-hépatique est, par contre, exceptionnelle. Sa fré-quence ne peut probablement pas être sous-estimée puisque cetype de malade est régulièrement surveillé, en particulier par

L

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Lettres à la rédaction

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échographie avec Doppler. Chez notre malade, la mise en routeprobablement précoce du traitement anticoagulant (moins d’unesemaine), et le caractère incomplet de la thrombose des veinessus-hépatiques, expliquent sans doute en partie l’exceptionnelledisparition totale de la thrombose et la régression de l’ascite.Ceci a évité le recours à un traitement invasif pour rétablir la per-fusion hépatique, tel qu’une anastomose porto-cave radiologi-que ou chirurgicale, ou une transplantation hépatique, et devraêtre confirmé par un suivi à plus long terme. De plus, même si lathrombose des veines sus-hépatiques a régressé, il pourrait per-sister des lésions vasculaires intra-hépatiques, qui pourraient êtreprécisées par une biopsie de foie. Dans notre observation, ladysmorphie hépatique notée initialement pourrait être le témoind’épisodes plus anciens de thrombose sus-hépatique ou d’unemaladie vasculaire intra-hépatique (sclérose hépato-portale). Eneffet, un syndrome de Budd-Chiari peut devenir symptomatiqueaprès des épisodes successifs de thrombose, plus ou moins com-plète, des veines sus-hépatiques, ce qui explique ses différentsmodes de présentation : aigu, subaigu, chronique, aigu surchronique.

En conclusion, notre observation montre que la mise en routeprécoce d’un traitement anticoagulant prolongé peut permettre

de façon exceptionnelle la régression d’une thrombose veineusesus-hépatique. La durée du traitement anticoagulant peut êtrediscutée. Nous avons fait le choix dans ce cas particulier depoursuivre le traitement anticoagulant à vie, comme cela estrecommandé habituellement.

RÉFÉRENCES

1. Barrault C, Plessier A, Valla D, Condat B. Traitement non chirurgicaldu syndrome de Budd-Chiari. Gastroenterol Clin Biol 2004;28:40-9.

2. Condat B, Pessione F, Helene Denninger M, Hillaire S, Valla D. Re-cent portal or mesenteric venous thrombosis: increased recognitionand frequent recanalization on anticoagulant therapy. Hepatology2000;32:466-70.

Feasibility of colonoscopy without sedation. A retrospective study of 502 procedures

olonoscopy is usually regarded by patients and physicians as a painful and uncomfortable procedure, and is therefore routinely performed under general anaesthesia in France. Recent surveys in public or private French settings showed a rate of colonoscopies under anaesthesia

of 93% to 98% [1, 2]. However, the clinical benefit of anaesthesia for colonoscopy has not been established: the discomfort of colonoscopy without sedation is not higher than the discomfort of barium enema, for which general anaesthesia is never considered [3]. The generalized use of anaesthesia is probably due to the French regulations, which do not allow administration of sedation by the gastroenterologist. For example, in the United Kingdom less than 1% of colonoscopies are performed under general anaesthesia [4]. Lower tract endoscopies are performed in most countries with systematic or as requested conscious sedation, or routinely without sedation in Japan, Finland, Greece, Norway, the Netherlands, or occasionally in other countries [5-10]. For these reasons we have developed the practice of colonoscopy without sedation: in our endoscopy unit we offer to our patients the choice between examination under general anaesthesia or without sedation after fair information. At the beginning of our experience we used various premedications, but in the absence of clear usefulness they were progressively abandoned. Thus, we perform currently lower tract endoscopies without premedication or sedation (excepted oral phloroglucynol). We stop the procedure in case of pain or when required by the patient and consider then colonoscopy under general anaesthesia.

We retrospectively analysed all the colonoscopic procedures(excepted emergency examinations or scheduled sigmoidoscop-ies) performed in our digestive endoscopy unit from January2001 to December 2003. A total of 1182 planned colonoscop-ies were performed during this 3-year period including502 (42%) without sedation and 680 (58%) under generalanaesthesia. Main results are summarized in table I. In this seriesthe tolerance was considered to be good or correct by the practi-tioner in 79% of the colonoscopies without sedation, and poor orbad in 21%. We did not comparatively analyze the pain and dis-comfort induced by the anaesthesia itself but we have observedthat many patients experience abdominal pain immediately afterthe anaesthesia in the recovery room. In a recent French surveythe procedure was judged as uncomfortable by nearly 7% of thepatients despite general anaesthesia [1]. The evaluation of pain

and discomfort was not fully accurate in our retrospective studybecause assessed by the practitioners and not by the patientsthemselves. But our results are comforted by other series ofcolonoscopies without sedation which showed a patient self-reported good tolerance in 61-95% [5-10], and a patient pref-erence for a non-sedated procedure for another colonoscopy in73-100% [5-10]. Many factors may contribute to the toleranceof colonoscopies without sedation. Experience, skill and forma-tion of the practitioner are important issues. The use of paediatricthin colonoscopes may also play a role: in our series about a halfof the procedures were performed with paediatric colonoscopes;we currently use exclusively paediatric colonoscopes because weare convinced that they make the procedures easier. We also usea musical background, even if its benefit is controversial. Thececum intubation rate was 78% without sedation (range 67-84%

Jérôme DUMORTIER (1), Ivan GRABER (1),Rodica GINCOUL (1), Muriel LOT (1), Frank PILLEUL (1),Laurent POURRIOL (1), Sabine METTON-FICARELLI (1),

Franck HEDELIUS (2)

(1) Fédération des Spécialités Digestives,Hôpital Edouard Herriot, Lyon ;

(2) Clinique Pasteur, Saint-Priest.

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