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gestion | ressources humaines 24 OptionBio | Lundi 26 mars 2012 | n° 469 P our un LBM, on entend par restructura- tion toute opération modifiant la structure économique et financière de l’exploitation, et notamment le capital, les droits de vote et la direction de la société lorsque le LBM est exploité sous forme sociale. Il peut s’agir d’abord d’une mise en société : l’ex- ploitation en société favorise le développement du laboratoire en attirant des capitaux extérieurs et en réunissant des compétences qu’un biologiste individuel ne possède pas toujours. L’exploitation en société est également plus intéressante sur le plan fiscal : lorsque la société est soumise à l’impôt sur les sociétés (IS), elle peut faire des réserves hors prélèvements fiscaux et sociaux et donc réaliser des investissements beaucoup plus importants qu’en exercice professionnel soumis à l’impôt sur le revenu puisque, dans une entreprise individuelle, tout le bénéfice est soumis à l’impôt, qu’il soit distribué ou non. Il peut s’agir aussi d’une fusion, c’est-à-dire une opération par laquelle un ou plusieurs LBM transmettent leur patrimoine, soit à une société existante, soit à une nouvelle société qu’elles constituent. En cas de fusion par voie d’apport à une société existante, une seule des sociétés fusionnées subsiste et reçoit, à titre d’apport, tout l’actif des autres sociétés fusionnées qui se trouvent dissoutes. En cas de constitution d’une société nouvelle, la société nouvellement constituée reçoit, à titre d’apport, tout l’actif des sociétés fusionnées. Dans tous les cas, la fusion entraîne obligatoirement la dissolution de la société absorbée. Il peut s’agir également d’un regroupement avec “filialisation” de la société approchée, c’est-à- dire création d’une société autonome dont plus de la moitié du capital est possédée par la société “mère”. Maintien des contrats de travail Dans tous ces cas de figure, il y a en principe un changement d’employeur. Or, tout changement d’employeur suppose normalement, pour les salariés, la rupture du contrat de travail qui les liait au premier employeur et la conclusion d’un contrat distinct avec l’employeur de la nouvelle entité. Un salarié ne peut pas, par conséquent, se prévaloir auprès de son nouvel employeur de droits acquis dans le cadre du premier contrat de travail. Mais il est une importante exception à ce prin- cipe : en cas de modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par voie de succession, vente, fusion, transformation du fonds ou encore mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification sub- sistent entre le nouvel employeur et le personnel (article L. 1224-2 du Code du travail). Autrement dit, un changement d’employeur peut intervenir, dans cette hypothèse, sans l’accord du salarié, mais avec maintien de ses droits. Pour que les contrats de travail soient maintenus et transférés au nouvel employeur, deux condi- tions doivent néanmoins être remplies. L’entité économique transférée doit conserver son iden- tité et poursuivre son activité et ceci, même en l’absence d’un lien de droit entre les employeurs successifs. L’entité économique se définit comme un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre. C’est le cas pour un LBM ou un site de LBM. Ensuite, l’entité transférée doit conserver son iden- tité chez le repreneur, c’est-à-dire que ce dernier doit poursuivre la même activité. Là encore, cette condition ne pose a priori pas de problème dans l’hypothèse de la reprise d’un laboratoire. Droits et devoirs du nouvel employeur Tous les contrats de travail en cours au jour de la modification sont transférés au nouvel employeur. Ce transfert est opéré sans aucune notification particulière : il n’est donc pas nécessaire de for- maliser ce transfert par un écrit et de rechercher l’accord des salariés ; le transfert s’impose aux salariés concernés. Le nouvel employeur a ainsi l’obligation de pour- suivre les contrats (s’il s’y refuse, il y a rupture de son fait), de fournir le travail convenu, de verser la rémunération convenue, y compris l’intégralité de l’indemnité de congés payés, et de respecter les conditions essentielles du contrat. Les salariés conservent également le bénéfice de l’ancienneté acquise au service du précédent employeur. En effet, l’ancienneté du salarié dans le LBM doit s’apprécier compte tenu des services accomplis pour le compte de l’ancien employeur et du nouvel employeur. S’il l’estime utile, le nouvel employeur peut chan- ger les conditions de travail des salariés. En effet, lorsqu’il y a une modification du contrat de travail autre que le changement d’employeur, le salarié est en droit de s’y opposer. Il appartient alors au Regroupements : quel impact pour les salariés ? Les laboratoires de biologie médicale sont en pleine restructuration : certains sont absorbés par des structures plus importantes, d’autres se regroupent, d’autres encore fusionnent... Quelles que soient les modalités juridiques, ces restructurations ont en général pour but d’accroître le nombre de sites et d’optimiser le plateau technique. Mais ces opérations ont également des conséquences pour les salariés, dont les droits doivent évidemment être respectés. Le point sur ce qu’il faut savoir dans ce domaine. © Fotolia.com/DigitalGenetics

Regroupements : quel impact pour les salariés ?

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24 OptionBio | Lundi 26 mars 2012 | n° 469

Pour un LBM, on entend par restructura-tion toute opération modifiant la structure économique et financière de l’exploitation,

et notamment le capital, les droits de vote et la direction de la société lorsque le LBM est exploité sous forme sociale.Il peut s’agir d’abord d’une mise en société : l’ex-ploitation en société favorise le développement du laboratoire en attirant des capitaux extérieurs et en réunissant des compétences qu’un biologiste individuel ne possède pas toujours. L’exploitation en société est également plus intéressante sur le plan fiscal : lorsque la société est soumise à l’impôt sur les sociétés (IS), elle peut faire des réserves hors prélèvements fiscaux et sociaux et donc réaliser des investissements beaucoup plus importants qu’en exercice professionnel soumis à l’impôt sur le revenu puisque, dans une entreprise individuelle, tout le bénéfice est soumis à l’impôt, qu’il soit distribué ou non.Il peut s’agir aussi d’une fusion, c’est-à-dire une opération par laquelle un ou plusieurs LBM transmettent leur patrimoine, soit à une société existante, soit à une nouvelle société qu’elles constituent. En cas de fusion par voie d’apport à une société existante, une seule des sociétés fusionnées subsiste et reçoit, à titre d’apport, tout l’actif des autres sociétés fusionnées qui se trouvent dissoutes. En cas de constitution d’une société nouvelle, la société nouvellement constituée reçoit, à titre d’apport, tout l’actif des

sociétés fusionnées. Dans tous les cas, la fusion entraîne obligatoirement la dissolution de la société absorbée.Il peut s’agir également d’un regroupement avec “filialisation” de la société approchée, c’est-à-dire création d’une société autonome dont plus de la moitié du capital est possédée par la société “mère”.

Maintien des contrats de travailDans tous ces cas de figure, il y a en principe un changement d’employeur. Or, tout changement d’employeur suppose normalement, pour les salariés, la rupture du contrat de travail qui les liait au premier employeur et la conclusion d’un contrat distinct avec l’employeur de la nouvelle entité. Un salarié ne peut pas, par conséquent, se prévaloir auprès de son nouvel employeur de droits acquis dans le cadre du premier contrat de travail.Mais il est une importante exception à ce prin-cipe : en cas de modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par voie de succession, vente, fusion, transformation du fonds ou encore mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification sub-sistent entre le nouvel employeur et le personnel (article L. 1224-2 du Code du travail). Autrement dit, un changement d’employeur peut intervenir, dans cette hypothèse, sans l’accord du salarié, mais avec maintien de ses droits.

Pour que les contrats de travail soient maintenus et transférés au nouvel employeur, deux condi-tions doivent néanmoins être remplies. L’entité économique transférée doit conserver son iden-tité et poursuivre son activité et ceci, même en l’absence d’un lien de droit entre les employeurs successifs. L’entité économique se définit comme un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre. C’est le cas pour un LBM ou un site de LBM.Ensuite, l’entité transférée doit conserver son iden-tité chez le repreneur, c’est-à-dire que ce dernier doit poursuivre la même activité. Là encore, cette condition ne pose a priori pas de problème dans l’hypothèse de la reprise d’un laboratoire.

Droits et devoirs du nouvel employeurTous les contrats de travail en cours au jour de la modification sont transférés au nouvel employeur. Ce transfert est opéré sans aucune notification particulière : il n’est donc pas nécessaire de for-maliser ce transfert par un écrit et de rechercher l’accord des salariés ; le transfert s’impose aux salariés concernés.Le nouvel employeur a ainsi l’obligation de pour-suivre les contrats (s’il s’y refuse, il y a rupture de son fait), de fournir le travail convenu, de verser la rémunération convenue, y compris l’intégralité de l’indemnité de congés payés, et de respecter les conditions essentielles du contrat. Les salariés conservent également le bénéfice de l’ancienneté acquise au service du précédent employeur. En effet, l’ancienneté du salarié dans le LBM doit s’apprécier compte tenu des services accomplis pour le compte de l’ancien employeur et du nouvel employeur.S’il l’estime utile, le nouvel employeur peut chan-ger les conditions de travail des salariés. En effet, lorsqu’il y a une modification du contrat de travail autre que le changement d’employeur, le salarié est en droit de s’y opposer. Il appartient alors au

Regroupements : quel impact pour les salariés ?

Les laboratoires de biologie médicale sont en pleine restructuration : certains sont absorbés par des structures plus importantes, d’autres se regroupent, d’autres encore fusionnent... Quelles que soient les modalités juridiques, ces restructurations ont en général pour but d’accroître le nombre de sites et d’optimiser le plateau technique. Mais ces opérations ont également des conséquences pour les salariés, dont les droits doivent évidemment être respectés. Le point sur ce qu’il faut savoir dans ce domaine.

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repreneur, s’il n’est pas en mesure de maintenir les conditions antérieures, soit de formuler de nouvelles propositions, soit de tirer les consé-quences de ce refus en engageant une procédure de licenciement. La rupture du contrat lui est alors imputable.Par ailleurs, le maintien automatique des contrats ne protège pas les salariés contre des licencie-ments prononcés ultérieurement par le repreneur. Postérieurement au transfert, celui-ci conserve donc, en raison de sa qualité d’employeur, le droit de licencier.

Pas de licenciements abusifsEn revanche, le nouvel employeur n’a pas le droit de “s’entendre” avec le précédent pour faire échec à la règle du maintien des contrats de travail. Ainsi, même si l’ancien employeur dispose de la faculté de licencier un ou plu-sieurs salariés avant le transfert, de tels licen-ciements peuvent être considérés comme abusifs lorsqu’ils sont prononcés dans le seul but de mettre en échec la règle de maintien automatique des contrats en cours et ont pour

effet de porter atteinte, en conséquence, aux droits des salariés.Un licenciement prononcé dans ces conditions serait sans cause réelle et sérieuse.Les salariés licenciés illégalement disposent dans ce cas d’une alternative qui leur permet de demander au repreneur la poursuite du contrat de travail illégalement rompu ou de demander à l’ancien employeur, auteur du licenciement illégal (voire au repreneur en cas de collusion frauduleuse), la réparation du préjudice du fait de la perte de leur emploi. Mais ce choix offert aux salariés n’est pas exclusif l’un de l’autre : les salariés peuvent ainsi à la fois obtenir la poursuite de leur contrat de travail chez le repreneur et l’indemnisation du préjudice qu’ils ont subi.

Transfert des créances salarialesAutre problème concernant les salariés lors du transfert : celui de la répartition des créances salariales entre les employeurs successifs. Ces créances peuvent concerner notamment les salai-res, les congés payés, les primes, etc.

La règle générale veut que le nouvel employeur est redevable, vis-à-vis des salariés transférés, des sommes dues par l’ancien employeur à la date du transfert des contrats de travail et que celui-ci n’aurait pas réglées. L’objectif est de faci-liter les recours des salariés et non pas d’opérer un transfert de dettes entre les employeurs, puis-que le repreneur peut se retourner contre l’ancien employeur.Le nouvel employeur est donc tenu, à l’égard des salariés dont les contrats de travail subsis-tent, des obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de cette modification (art. L. 1224-2 du Code du travail). Il n’existe qu’une exception à ce principe : lorsqu’une société reprend une société en procédure de sauve-garde, en redressement judiciaire ou en liqui-dation judiciaire, elle n’est pas tenue, à l’égard des salariés dont les contrats de travail subsis-tent, des dettes de leur précédent employeur. Ce principe a pour objectif de faciliter la reprise des entreprises en difficulté.En ce qui concerne plus particulièrement les cotisations de Sécurité sociale, l’employeur d’origine doit payer les cotisations correspondant aux rémunérations versées pendant la période précédant le transfert. Le nouvel employeur assume cette obligation à compter de la reprise des salariés.Rappelons aussi qu’en cas de cession du LBM (ou de cessation d’activité), le paiement des cotisa-tions est exigible dans un délai de trente jours à compter de la publication dans un journal d’an-nonces légales. Ce délai concerne toute vente ou cession d’un fonds de commerce. |

FRANÇOIS SABARLY

Journaliste, Paris

[email protected]

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